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INTERVIEW CROISÉE PATRICK WEYDERT ET CATHERINE BOURIN

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« On répond désormais mieux aux besoins de l’industrie »

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À la faculté de Droit, d’Économie et de Finance de l’Université du Luxembourg, un partenariat est en place avec les représentants de l’industrie financière. Explications avec Patrick Weydert, partnership development officer au sein de la faculté, et Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’ABBL.

Matic Zorman Photo

LE PRIX DU MEILLEUR ÉTUDIANT

Afin de rendre les programmes de master du département Finance de l’Université plus attractifs encore, il a été décidé, cette année, de lancer un Prix du meilleur étudiant. « Un prix sera décerné dans chacune des spécialisations du master of science in finance and economics », précise Patrick Weydert. Une façon, également, de créer une certaine émulation au sein des étudiants et de les pousser vers l’excellence. Ces prix seront financés par l’industrie. Depuis 2019, une collaboration renforcée a été mise en place entre l’Université du Luxembourg et les représentants de l’industrie financière. Qu’est-ce qui explique cette décision ? PATRICK WEYDERT (P. W.) Il s’agit d’améliorer la collaboration entre le département Finance de la faculté de Droit, d’Économie et de Finance d’une part, et le secteur financier luxembourgeois d’autre part. Je suis arrivé à l’Université en 2019 pour assurer la liaison entre ce département et la Place, après avoir travaillé durant 25 ans au sein de l’industrie financière.

Si l’Université a décidé de prendre les choses en main, c’est parce que les acteurs de l’industrie financière luxembourgeoise témoignaient d’une certaine incompréhension par rapport à l’organisation des programmes de master proposés par le département. En effet, avant 2019, l’Université proposait des masters en un an, qui étaient plutôt destinés à des personnes déjà actives. Or, pour conserver les étudiants qui avaient fait leur bachelor à l’Université du Luxembourg, il était indispensable de proposer des masters en deux ans, c’est-à-dire un cycle complet. Sans cela, on assurait la première partie de la formation des étudiants, qui partaient ensuite à l’étranger, souvent sans revenir au Luxembourg pour y travailler. Ce qui est réellement problématique quand on connaît les besoins de l’industrie en matière de recrutement. CATHERINE BOURIN (C. B.) Pour les membres de l’Association des banques et banquiers, Luxembourg, il est en effet devenu difficile de dénicher les bons talents, au Luxembourg, en Europe et même au-delà. Il était donc indispensable d’optimiser les outils disponibles sur le territoire, à commencer par la formation universitaire. Plusieurs facteurs expliquent cette difficulté à recruter, notamment l’émergence de tendances fortes, par exemple en matière de finance durable, qui entraîne la création de nouveaux métiers, pour lesquels une demande importante commence à se faire sentir. Il nous semblait donc très important de collaborer avec l’Université pour leur exposer les besoins spécifiques qui sont les nôtres et parvenir à augmenter le nombre d’étudiants capables d’apporter une réelle plus-value à tous nos membres, dès la sortie de leurs études. En échangeant régulièrement, nous essayons également d’identifier quels seront les métiers de demain, et de plaider pour la mise en place de filières universitaires qui permettent de former ces profils.

Au-delà de ces nouvelles tendances à l’œuvre au sein de la société, comment ont évolué les métiers de la finance au cours des dernières années ? C. B. Ce n’est un secret pour personne : nous assistons depuis quelques années à une réelle inflation législative dans le secteur financier. Cette vague réglementaire entraîne une augmentation considérable des exigences en matière de compliance, notamment. Les besoins sont par ailleurs importants en matière d’IT. Nous avons donc besoin de nombreux talents qui disposent de ces savoirfaire spécifiques. L’Université a évidemment un rôle à jouer pour former ces profils et ainsi mieux répondre aux nouveaux besoins de l’industrie. P. W. Pour ma part, je soulignerais également l’exigence croissante de polyvalence, d’interdisciplinarité dans ce secteur. Aujourd’hui, pour être efficace quand on travaille au sein d’un acteur de la finance, il faut pouvoir maîtriser des aspects légaux, mais aussi être familier avec un certain nombre de développements technologiques. La montée en puissance de l’intelligence artificielle ou de la blockchain, par exemple, qui concerne également le monde de la finance, demande aux professionnels du secteur de savoir un minimum de quoi il s’agit, même s’il est évident qu’on n’exige pas d’eux qu’ils soient des experts en la matière.

Concrètement, comment s’articule cette collaboration entre l’Université et le secteur financier ? P. W. L’un des effets les plus visibles de cette collaboration est l’organisation des stages, qui sont désormais obligatoires pour tous nos étudiants en deuxième année de master. L’ABBL nous aide en relayant les demandes de stage auprès de ses plus de 150 membres. Cette année, ce sont 140 étudiants qui ont pu trouver un stage de cette façon. Par ailleurs, un « advisory board » se réunit deux fois par an avec les représentants de l’industrie financière. Le but est d’obtenir le feed-back de l’industrie, de discuter des programmes et des nouvelles tendances afin de savoir où il sera nécessaire d’investir dans le futur, ce qui doit être adapté, etc. C. B. Nous veillons en effet à faire la promotion des stages auprès de nos membres, en contactant tous les directeurs des ressources humaines de la Place. Pour nous, il est particulièrement important d’accueillir des stagiaires qui, dans de nombreux cas, deviennent ensuite de nouvelles recrues pour l’entreprise.

Si les stages conventionnés avec les universités sont encouragés, il faut toutefois signaler un problème législatif, au Luxembourg, concernant les stages pour les personnes qui ont terminé leurs études. Le législateur a en effet récemment décidé que les entreprises devaient directement proposer un CDD ou un CDI à ces profils, alors que certains n’ont pas effectué de stages durant leurs études et seraient prêts à en réaliser un pour mettre le pied à l’étrier. Cette réglementation, actée en 2020, est de notre point de vue problématique, car le stage est une manière idéale de se familiariser avec l’industrie financière, qu’on soit étudiant ou qu’on ne le soit plus. Nous avons exposé notre point de vue au pouvoir politique à ce sujet, mais nous n’avons pour l’instant pas été entendus.

Comment cette collaboration a-t-elle impacté les programmes de master du département Finance de l’Université ? P. W. Sur la base des constats partagés avec l’industrie, nous avons commencé par faire passer le master en wealth management d’un à deux ans, pour offrir un cycle complet aux étudiants qui ont terminé leur bachelor.

Ensuite, nous avons créé le master of science in finance and economics, lui aussi en deux ans. Au sein de ce dernier master, nous avons en outre introduit toute une série de spécialisations, qui visent à mieux répondre aux nouveaux besoins de l’industrie : banking, investment management, risk management, financial economics, sustainable finance et digital transformation in finance. L’idée est de proposer une première année plus généraliste et une seconde axée sur un aspect spécifique. Il faut aussi relever la création récente de certificats académiques pour des personnes déjà actives dans le secteur, notamment sur la thématique de la finance durable. Grâce à un cursus s’étalant sur deux fois quatre jours, ils permettent à ces professionnels d’avoir une connaissance plus fine de ces sujets dont l’importance est croissante. Des cycles de conférences

sont par ailleurs organisés sur ces thèmes d’avenir : durabilité, impact investing, real estate, etc. C. B. Cette refonte des programmes, avec l’organisation de stages, permet à des étudiants d’ici et d’ailleurs de comprendre le fonctionnement du monde bancaire luxembourgeois de l’intérieur. C’est incontestablement une plus-value pour l’industrie, qui dispose ensuite de professionnels bien au fait des réalités luxembourgeoises, dès leur sortie des études.

Comment évolue le nombre d’étudiants au sein du département Finance ? Quels sont vos objectifs en la matière ? P. W. Entre les années académiques 2020-2021 et 2021-2022, nous avons constaté une hausse des inscriptions d’environ 25 %, ce qui est très positif. Nous ne pouvons toute fois pas, à l’heure actuelle, aller au-delà d’un certain nombre. Aujourd’hui, nous comptons 20 étudiants par spécialisation dans le master of science in finance and economics – soit 120 au total – et de 40 à 50 étudiants pour le master en wealth management. Au-delà, nous serions confrontés à des problèmes logistiques, et la qualité d’enseignement attendue, surtout pour les spécialisations, ne serait plus assurée. Nous nous félicitons toutefois de constater que la proportion d’étudiants de nationalité luxembourgeoise est en hausse. Désormais, un tiers des étudiants du département Finance sont luxembourgeois. Cela est en ligne avec nos objectifs, qui visent à rassembler un tiers d’étudiants luxembourgeois, un tiers issu de l’Union européenne et un tiers venu de pays situés hors de l’Europe.

Le coût de la vie au Luxembourg n’est-il pas un obstacle pour certains étudiants venus de pays lointains ? C. B. Bien entendu, et c’est la raison pour laquelle nous avons mis en place, à travers la Fondation ABBL pour l’éducation fi nancière, un programme de bourses d’études permettant à ces étudiants de subvenir à leurs besoins tout au long de leur formation. P. W. Des scholarships ont également été mis en place avec d’autres institutions, dans le but d’aider à la fois les étudiants méritants et les plus nécessiteux. Sans cela, certains ne pourraient tout simplement pas vivre ici. Ces diff érentes initiatives montrent que l’industrie est derrière nous, qu’elle nous soutient. C’est très positif, car cela n’a pas toujours été le cas par le passé.

Département de droit Joindre la théorie à la pratique

Katalin Ligeti, doyenne de la faculté de Droit, d’Économie et de Finance, et professeur de droit pénal européen et international, nous détaille la révision des formations aux métiers du droit, intégrant une importante dimension pratique.

Le département de droit de l’Université du Luxembourg veille à ajuster constamment ses programmes afin de former des juristes prêts à intégrer rapidement le monde du travail, dans des secteurs parfois très pointus. « Notre bachelor est une formation généraliste, qui prépare nos étudiants à pratiquer le droit dans un pays caractérisé par sa grande ouverture au monde, explique Katalin Ligeti, doyenne de la faculté de Droit, d’Économie et de Finance. Nous abordons donc à la fois le droit luxembourgeois, celui des pays voisins, ainsi que le droit européen. » Le recours à la pratique – notamment à travers des cours de rhétorique judiciaire et de plaidoirie encadrés par des praticiens reconnus – est déjà important à ce stade, mais il s’intensifie lors du master, indispensable pour devenir avocat. « L’accent est mis sur l’articulation de la théorie et de la pratique, notamment à travers

KATALIN LIGETI Doyenne Faculté de Droit, d’Économie et de Finance

«  90 % de nos étudiants trouvent un travail dans les six mois suivant leur sortie. »

l’étude de cas concrets, qui permet de développer des compétences d’analyse et d’argumentation juridique », poursuit Prof. Ligeti. Pour s’adapter au marché luxembourgeois, la Faculté a également fait le choix de proposer des masters très spécialisés, en droit pénal européen des aff aires, en droit bancaire et financier européen, ou même en droit de l’espace.

Dans toutes ces formations, la collaboration avec le Barreau et les acteurs de la Place est très poussée. « Cela nous permet de développer des initiatives inédites, comme la Clinique du droit de la consommation, qui permet à des consommateurs de venir exposer certains problèmes juridiques qui seront résolus par les étudiants, aidés par des professionnels. Les sept concours de plaidoirie, proposés à nos étudiants de master et soutenus par le cabinet Cliff ord Chance, sont également très appréciés », détaille-t-elle. La collaboration avec le secteur privé s’illustre aussi à travers la SES Chair in Satellite Communications and Media Law et l’ATOZ Chair for European and International Taxation, ou des programmes « Fellowship and Internship » en partenariat avec Allen & Overy et Ferrero. À l’avenir, le département cherchera à mieux mesurer l’employabilité de ses étudiants, portée par la généralisation des stages en deuxième année de master. « Notre dernière analyse montrait que 90 % d’entre eux trouvaient un travail dans les six mois suivant leur sortie », précise la doyenne.

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APÉRO TALK

PRIVATE BANKING

Avec Nathalie Reuter

30.03.22 Mercredi 18h30

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