Paperjam Plus - Fonds d'investissement (Mai 2019)

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PA P E R JA M . L U • M A I 2019

FONDS D’INVESTISSEMENT

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la nouvelle donne

Nicolas Mackel

Camille Thommes

Rajaa Mekouar

CEO, Luxembourg for Finance

Directeur général, Alfi

Présidente, LPEA


Naturally different.

PHOTO / CHÂTEAU D’EAU DE LA CLOCHE D'OR / BUREAU D’ARCHITECTURE JIM CLEMES ASSOCIATES

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ÉDITO

une taxe pour verdir ? Jean-Michel Lalieu Journaliste

PHOTO Maison Moderne

T

out tourne rond dans le monde des fonds. À l’heure d’écrire ces lignes, le bilan des actifs sous gestion de fin février montre une belle remontée depuis le début de l’année. 4.262,6 milliards d’euros sont logés dans des fonds luxembourgeois. Le record absolu de juillet 2018 (4.282,4 milliards) est à portée de main et, à moins d’un nouveau renversement de tendance sur les marchés, de nouveaux records pourraient être annoncés dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Le coup de mou enregistré au cours du quatrième trimestre a été pratiquement résorbé par la remontée des cours boursiers et, en 2018, de l’argent frais a été injecté par les opérateurs britanniques dans le contexte du Brexit. Plus d’une vingtaine d’entre eux ont d’ailleurs déjà fait le choix de s’installer sur la Place grand-ducale ou d’y agrandir leurs structures pour pallier le futur départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. Tout semble donc vraiment tourner rond dans le monde des fonds. Pourtant, l’Alfi, la fédération représentant le secteur, s’est trouvé un os à ronger qu’elle n’entend pas lâcher. Sa cible : la taxe d’abonnement, soit l’impôt payé par les investisseurs sur le total de l’argent investi. Une taxe qui s’établit à 0,05 % et que le secteur voudrait voir disparaître pour des raisons de concurrence internationale. Une telle mesure n’existe en effet qu’au Luxembourg et l’Alfi craint que des places concurrentes mettent le doigt dans cette plaie pour attirer chez eux des clients à la recherche de frais moindres. 0,05 %... Peanuts, direzvous ! Sauf que l’on parle ici en milliers de milliards d’euros et que cet impôt renfloue désormais les caisses de l’État à hauteur d’un milliard d’euros par an. Soit 1,7 % du PIB et 6,2 % des recettes fiscales, selon les calculs de la Banque centrale du Luxembourg. Un montant qu’il faudrait donc aller chercher ailleurs.

Si le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a récemment entrouvert la porte aux discussions sur le sujet, l’idée qui pourrait finalement faire son chemin est celle d’une forte réduction pour les fonds orientés vers la finance verte ou soutenable. Le même ministre avait déjà lancé l’idée avant les élections, en réponse à la revendication de l’Alfi. Et début avril, le principal parti d’opposition, le CSV, a introduit une proposition de loi visant à rendre la finance verte plus attractive. Elle envisage de réduire la taxe d’abonnement à 0,01 % pour les fonds soutenant notamment des initiatives destinées à lutter contre le réchauffement climatique. Encore faudra-t-il éviter le greenwashing ! Mais une telle mesure, qu’elle vienne de l’exécutif en place ou de l’opposition, aurait en tout cas le mérite d’apporter de nouvelles semences dans l’intention de faire verdir la place financière et de promouvoir une finance plus responsable. Une finance qui, à en croire les conférences et discours qui se multiplient actuellement autour de cette question, sera la norme dans un futur plus ou moins proche, lorsqu’une nouvelle génération d’investisseurs se sera imposée et aura su prouver qu’il est désormais plus rentable d’investir dans les technologies propres et les énergies alternatives que de continuer à vouloir s’enrichir sur le dos de la planète. La supprimer carrément reviendrait donc, pour le gouvernement, à s’ôter un pouvoir d’influence.

La conversation continue en ligne :  @paperJam_lu

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Mai 2019 — Fonds d’investissement —

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SOMMAIRE

FONDS D’INVESTISSEMENT Mai 2019 CONJONCTURE

Un marché tout en contrastes Après des résultats en berne l’an dernier, l’industrie des fonds au Luxembourg a repris des couleurs mais reste confrontée à des enjeux de taille. Analyse et prospective avec les points de vue de Camille Thommes (Alfi) en page 14, Nicolas Mackel (Luxembourg for Finance) en page 24, Steven Maijoor (Esma) en page 38 et Rajaa Mekouar (LPEA) en page 54.

8 DÉBAT

RIVALITÉ

PALMARÈS

FINANCEMENT

Faut-il la supprimer ou l’augmenter ? Les réponses de Marc-André Bechet et Jacques Elvinger pour l’Alfi et de Stéphanie Ravat de la CGFP.

Quelle Place profitera le plus de la sécession programmée des Britanniques ? L’analyse de Gilles Sturbois d’Atoz.

La société londonienne Monterey Insight offre chaque année une photographie détaillée du secteur. Gros plan sur les champions.

Les jeunes pousses luxembourgeoises ont beaucoup de mal à lever des fonds pour accélérer leur business. Explications.

32

62

70

La taxe d’abonnement en question

26

Le match Luxembourg / Dublin

Qui sont les géants de la Place ?

Les fonds jouent-ils le jeu des start-up... à fond ?

PERSPECTIVES

TENDANCE

INNOVATION

Le Grand-Duché, porte d’entrée de la finance chinoise

Le boom des fonds durables

Et si l’intelligence artificielle révolutionnait le métier ?

La place financière luxembourgeoise est devenue la plate-forme privilégiée pour connecter la Chine et l’Europe.

34

Avec plus de 600 milliards d’euros d’encours en Europe, les fonds ISR s’imposent doucement mais sûrement comme une tendance lourde.

42

Anticiper les évolutions du marché, calculer les risques ou simplifier le travail de gestion... l’IA a pris d’assaut l’industrie des fonds.

64 Mai 2019 — Fonds d’investissement —

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SUR LE RADAR

À fond(s) la forme émissions nettes

105 M €

é vo lu t i o n d e s ac t i f s da n s l e s f o n d s

AU GRÉ DES MARCHÉS BOURSIERS Les actifs sous gestion dans les fonds d’investissement luxembourgeois ont atteint un record en juillet 2018 avant de fortement reculer au cours du dernier trimestre. Très liés à l’évolution des marchés boursiers, ils ont profité de leur remontée en début d’année pour effacer quasiment la totalité de leurs pertes. De nouveaux records pourraient donc survenir prochainement.

En 2018, les fonds luxembourgeois ont engrangé 105 milliards d’euros d’émissions nettes, soit 45 % de l’argent frais injecté dans l’industrie des fonds d’investissement en Europe en 2018.

En milliards d’euros 4.300

b i l a n e fa m a

4.262,65

Capitale des Ucits

4.250

4.200

4.150

4.100

4.000

brexit

A

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J

18,1 %

Après les États-Unis (19,9 %), le Royaume-Uni est le deuxième initiateur de fonds au Grand-Duché en termes d’actifs sous gestion. Avec une part de 18,1 %, il précède l’Allemagne (14,4 %), la Suisse (13,7 %) et la France (9,4 %). En 2018, en prévision du Brexit, les Britanniques ont augmenté de 17 % le nombre d’actifs placés dans les fonds luxembourgeois. 6—

A

S

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F

ta x e d ’a b o n n e m e n t

« Je suis un ministre des Finances conscient du fait que, si vous avez trop de taxes, vous n’êtes pas attractif. » En clôture de la conférence Alfi de mars dernier, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a fait une avancée par rapport au débat sur la taxe d’abonnement. Le secteur revendique son annulation pour des raisons de concurrence, mais dans son programme de législature, le nouveau gouvernement avait seulement promis de ne pas l’augmenter. « Nous avons besoin d’aller de l’avant sur la taxe d’abonnement. Je suis ouvert à la discussion sur ce sujet », a insisté le ministre des Finances.

— Fonds d’investissement — Mai 2019

PHOTO Maison Moderne (archives)

M 18

SOURCE CSSF

4.050

Le bilan 2018 de l’European Fund and Asset Management Association montre une large domination du Luxembourg sur le marché des fonds Ucits. Avec un total d’actifs sous gestion de 3.360,5 milliards d’euros, la Place est loin devant avec 36,2 % de part de marché en Europe. Suivie de l’Irlande, avec 1.810,8 milliards. L’année ne fut toutefois pas très bonne en Europe. Les émissions nettes dans Ucits ont atteint seulement 117 milliards d’euros, contre 740 milliards un an plus tôt.


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CONJONCTURE ÉTAT DES LIEUX

un marché tout en contrastes Les aléas de l’inventaire à l’automne dernier avaient suscité de relatives inquiétudes quant aux perspectives des fonds d’investissement luxembourgeois. Les actifs demeurent toutefois à un niveau élevé et, aux côtés de sérieux défis, certaines tendances augurent des évolutions positives.

3,353 milliards € 827,349 millions € Les sociétés d’investissement à capital variable (Sicav) représentent 78,65 % de la valeur d’inventaire des fonds.

Les fonds communs de placement (FCP) pèsent pour 19,41 % des actifs nets.

SOURCES CSSF

8—

— Fonds d’investissement — Mai 2019


CONJONCTURE

ORIGINE DES INITIATEURS DES OPC LUXEMBOURGEOIS

États-Unis (846,8 milliards)

19,9 %

Royaume-Uni (777,9 milliards)

18,2 %

Allemagne (609,1 milliards)

14,3 %

Suisse (577,9 milliards)

13,6 %

France (398,6 milliards)

9,3 %

Italie (349,9 milliards)

8,2 %

Belgique (183,4 milliards)

4,3 %

Luxembourg (101,9 milliards)

2,4 %

En euros, fin février 2019

D

ans un contexte géopolitique instable participant à la volatilité des marchés financiers, l’industrie luxembourgeoise des fonds d’investissement avait accusé une petite baisse de régime vers la fin de l’année passée. « Nous constatons toujours un ralentissement de la performance des fonds traditionnels dû aux prévisions économiques et aux indicateurs en baisse. Cependant, les fonds alternatifs, et notamment ceux d’actifs réels, infrastructures, immobilier, continuent de performer », fait remarquer Jeremy Albrecht, head of Luxembourg global client coverage chez RBC Investor & Treasury Services. Le marché des fonds mainstream peut se montrer quelque peu rigide, avec un poids réglementaire toujours plus conséquent. Or, les gestionnaires recherchent plus de flexibilité et se tournent vers le private equity et autres alternatives. Le ressac de l’automne 2018 serait ainsi déjà de l’histoire ancienne, n’entamant certainement pas la confiance d’un secteur opérant depuis le deuxième centre pour les fonds d’investissement au monde. La « boîte à outils » du Luxembourg, avec des véhicules adaptés aux divers styles de gestion, dont cer-

tains sont rapidement commercialisables, satisfait encore largement les investisseurs, et, ainsi, soutient l’activité. D’ailleurs, malgré une croissance économique sous pression, le total des actifs sous gestion reprend de l’altitude, s’installant à 4.262,65 milliards d’euros à la fin du mois de février, selon les statistiques les plus récentes de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Soit un niveau inférieur d’à peine 20 milliards d’euros par rapport au record absolu de juillet dernier.

L’ALTERNATIF BIENTÔT TRADITIONNEL ?

Certains intervenants de marché voient dans les fonds d’investissement alternatifs réservés (Fiar) un véritable levier pour propulser à moyen terme les actifs sous gestion vers les 5.000 milliards d’euros. Ils offrent une formule hybride à la fois de fonds d’investissement spécialisé et de société d’investissement en capital à risque, les rendant modulables pour toute sorte de stratégie de gestion d’actifs. L’année passée, 248 nouveaux Fiar ont été créés, doublant quasiment le nombre de ces fonds domiciliés au Luxembourg. Ils ont enregistré une croissance annuelle de 20 %, tota-

lisant 700 milliards d’euros pour une part de marché de 17 %, avec en première position les hedge funds, suivis des fonds de dette, du capital-investissement. « Nous tablons sur une poursuite de cette croissance en 2019 et au-delà, sous l’effet de la consolidation des acteurs existants et de l’arrivée de nouveaux noms au niveau local. Les fonds d’investissement alternatifs ont atteint leur adolescence en termes de maturité et d’opportunités de croissance ; le potentiel qui se présente à nous à l’avenir est important. Le rôle des différents prestataires tout au long de la chaîne de valeur des services doit être clarifié, afin de leur permettre de devenir plus traditionnels du point de vue de l’investisseur », explique Mathieu Maurier, responsable pays chez Société Générale Securities Services au Luxembourg.

STRATÉGIES DURABLES

Autre lame de fond sur laquelle les gestionnaires d’actifs pourraient surfer à partir du Grand-Duché, les stratégies ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) alimentent un appétit croissant auprès des nouveaux investisseurs.

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

—9


CONJONCTURE

Dans le cadre de l’union des marchés des capitaux, la Commission européenne poursuit d’ailleurs les travaux de son plan d’action sur la finance durable et fournit une caisse de résonnance pour ce segment de marché. Or, le Luxembourg est déjà plus que bien positionné, étant le premier domicile en Europe des fonds d’investissement responsable, avec 31 % des fonds, 39 % du total des actifs sous gestion ou encore 45 % des avoirs de fonds européens de stratégie environnementale. Il faut dire que la Place grand-ducale présente un véritable écosystème en la matière. Les promoteurs de fonds peuvent utiliser le système de Luxflag, l’agence gouvernementale spécialisée dans la labellisation des fonds, pour rassurer les investisseurs sur le fait qu’un

TOP 5 DES POLITIQUES D’INVESTISSEMENT

Valeurs mobilières à revenu fixe

Valeurs mobilières diversifiées

Instruments du marché monétaire et autres titres à court terme

Fonds de fonds

1

2

3

4

5

10 —

245,55

Valeurs mobilières à revenu variable

336,61

926,53

1.220,34

1.287,49

En milliards d’euros, fin février 2019

produit investit dans le secteur concerné de manière durable et transparente. Sans oublier les activités, depuis trois ans déjà, de la première plate-forme mondiale dédiée aux valeurs vertes, socialement responsables et durables, le Luxembourg Green Exchange (LGX), qui détient la plus grande part de marché au monde pour les obligations vertes cotées.

CE N’EST QU’UN AU REVOIR

Pour autant, l’horizon ne se dégage pas totalement pour le secteur des fonds. On pense naturellement aux incertitudes générées par le vaudeville politique du Brexit (lire en p. 24 : « Le Brexit consolide la Place luxembourgeoise »). Si l’énorme majorité des gestionnaires d’actifs a eu le temps de se préparer à toute éventualité, même la plus radicale du « no deal », la Chambre des députés a tout de même dû adopter le 28 mars dernier une loi accordant aux fonds un délai d’un an pour résoudre les infractions aux règles d’investissement et aux problèmes de passeport de l’Union européenne qui résulteraient d’un Brexit dur. En cas d’absence d’accord, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou Ucits britanniques étaient censés devenir dès le lendemain des fonds alternatifs. « C’est un casse-tête supplémentaire pour les sociétés de gestion de fonds dont les produits incluent des produits britanniques », concédait déjà en janvier Denise Voss, la présidente de l’Alfi. Dans le cas d’un divorce brutal, ce qui semble probable, le Royaume-Uni serait considéré comme un pays tiers, comme tout autre pays non membre. Ce changement de statut créerait plusieurs violations des restrictions d’investissement et des politiques d’investissement pour de nombreux fonds. « Les limites de diversification seraient dépassées dans certains cas. À titre d’exemple, les fonds du marché monétaire disposant de dépôts bancaires britanniques devraient transférer ces dépôts à des établissements de crédit situés dans l’UE ou dans d’autres pays tiers reconnus comme équivalents par la Commission européenne », écrit Chrystelle Veeckmans, partner chez KPMG Luxembourg. Le Luxembourg entretient des relations de partenariat de longue date avec le RoyaumeUni. Résultat, plus de 18 % des actifs sous gestion dans les fonds luxembourgeois sont gérés par des gestionnaires d’actifs basés outreManche. Les initiateurs de fonds britanniques restent très actifs chez nous, puisqu’ils représentaient 41 % du nombre de fonds créés l’année dernière.

DIFFICILE POUR LES « PETITS »

Au vu des conditions de marché actuelles, mais aussi compte tenu de la nécessité de

— Fonds d’investissement — Mai 2019

LES FONDS EN CHIFFRES

105

MILLIARDS €

Avec 105 milliards d’euros des émissions nettes, le Luxembourg a réussi à attirer l’année dernière 45 % de l’ensemble des ventes nettes de fonds en Europe.

62 %

Fin décembre 2017, 62 % des fonds transfrontaliers mondiaux étaient domiciliés au Luxembourg.

90 %

9 des plus grandes sociétés de private equity sur 10 opèrent depuis le Luxembourg.

+ 30 %

Le nombre de fonds ETF luxembourgeois a augmenté de 30 % en 2018, les actifs sous gestion des ETF de 56 %.

+ 17 %

Augmentation de 17 % des actifs sous gestion des fonds capital-risque.

+ 75,8 %

Très forte progression du nombre de Fiar en 2018, portant leur nombre à un total de 575 fonds.


Ajoutez une couleur locale à vos portefeuilles émergents

20 pistes pour vos expositions aux marchés émergents Les marchés émergents ont repris le devant de la scène en 2019, tirés par le relâchement des tensions commerciales, une approche plus conservatrice de la Fed et un dollar qui plafonne. Des puissances économiques telles que la Chine et l’Inde ont été une source d’attractivité pour les investisseurs en ETF depuis le début de l’année. La gamme Lyxor ETF propose aujourd’hui plus de 20 pistes pour explorer les marchés émergents, à travers des expositions à des indices actions, larges, pays ou régionaux ainsi qu’une exposition à la dette émergente libellée en dollar.

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Source : Lyxor International Asset Management et Lyxor Cross-Asset Research, au 31/03/2019. *Lyxor International Asset Management a été le premier fournisseur européen à lancer un ETF sur le marché en 2001. Les ETF présentent un risque de perte en capital. Lyxor International Asset Management (Lyxor ETF), Société par actions simplifiée, Tours Société Générale, 17 cours Valmy, 92800 Puteaux (France), RCS 419 223 375 Nanterre, est une société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des marchés financiers sous le numéro GP0424.


CONJONCTURE

s’adapter aux avancées technologiques, aux évolutions réglementaires, ainsi qu’au changement des besoins des clients, il serait tout à fait possible d’assister à un certain nombre de consolidations des petits acteurs des services d’actifs, estime-t-on chez RBC Investor & Treasury Services. Est-ce que pour autant nous assisterons à une réduction des frais dans cette industrie de la gestion collective constamment sous pression en termes de coûts ? « Il est nécessaire pour ces acteurs de se focaliser sur l’excellence des services et la création de nouveaux produits. Nous pouvons par exemple citer ceux liés à l’analyse des données, qui ont pour but d’aider les clients à prendre de meilleures décisions basées sur ces informations, identifier les tendances et les exceptions, gérer leurs relations avec des tierces parties et les canaux de distribution, ainsi que répondre aux exigences réglementaires », épingle Jeremy Albrecht, qui note également une tendance du côté des gestionnaires d’actifs à outsourcer certaines activités, comme le middle-office, afin de bénéficier d’économies d’échelle et de se concentrer sur leur cœur de métier. « Les gestionnaires de fonds doivent livrer de la performance pour vivre. Or, les tâches administratives et réglementaires ne sont pas des sources de performance. Nous nous occupons de l’administration afin que les gestionnaires aient le temps et les ressources nécessaires à la recherche de performance », plaide Noel Fessey, CEO de l’European Fund Administration.

LA DONNÉE N’EST PAS DONNÉE

L’un des principaux défis pour l’industrie sera cette année la gestion des informations. L’absence de standards ainsi que la multiplication des échanges et des intervenants apportent un niveau de complexité inédit aux demandes réglementaires de reporting (lire en p. 12 : « Mifid, mi-raisin... »). L’échange d’informations entre les acteurs du marché se structure peu à peu dans certains domaines, mais cela nécessite souvent des capacités informatiques conséquentes, privilégiant ainsi les plus grosses sociétés. La conformité avec toutes ces obligations réglementaires représente une charge et un coût énorme pour les gestionnaires de fonds. À cet effet, l’EFA a développé des services de back- et middle-office en plus de ses activités d’administration de fonds traditionnels et private assets. En tant qu’administrateur, elle accède à la source même des données et peut proposer des services pour faciliter les reportings de ses clients qui n’ont, par exemple, pas besoin d’envoyer leurs données à un tiers pour disposer d’un Ucits Kiid, d’un Priips Kid, d’un rapport AIFM ou Solvency.  F.R. 12 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

RÉGLEMENTATION

MIFID, MI-RAISIN... La directive européenne Mifid II censée renforcer la protection des investisseurs face aux évolutions des produits et technologies financiers est entrée en application le 3 janvier 2018. Réputé pour être particulièrement contraignant, cet acte normatif attend notamment de l’industrie des fonds qu’elle communique désormais ses tarifs de gestion aux clients de façon totalement transparente : frais de gestion, de souscription, de transaction, de rétrocession aux distributeurs, ainsi que la réaction du rendement du portefeuille à tous ces frais. Plus d’un an après l’apparition de ces nouvelles normes, nul doute que les investisseurs détiennent plus d’informations nécessaires pour comparer les services sur le marché. Mais les récents titres de presse à propos de sanctions prononcées par des régulateurs nationaux laissent penser que les principaux concernés ne sont pas encore parfaitement en conformité. L’accroissement des volumes de déclarations et autres documentations à destination des clients et des autorités de surveillance ainsi que leur fréquence ont bouleversé le métier. Car même s’il incombe généralement au distributeur de fonds de se plier aux demandes de Mifid II, il est dans l’intérêt des émetteurs de fournir à leur réseau de distribution toutes les informations nécessaires à la vente des produits. « L’implémentation technique dépend alors très fortement de la taille et des paramètres internes des émetteurs de fonds. Est-ce que toutes les informations sont à disposition en interne ? Sont-elles administrées par des intermédiaires ? Est-ce que la gestion du portefeuille est menée par une tierce partie ? Est-ce que les processus Mifid, Priips, Kiid, passent

tous par la même solution ? », énumère Ulf Herbig, product owner chez Kneip, pour faire ressortir l’étendue de variables dans l’équation réglementaire. plus complexe. Le responsable produit observe souvent que les données proviennent de diverses sources, imposant une collecte et une harmonisation préalables pour pouvoir générer des résultats conformes à Mifid II. La collaboration de nombreux participants de marché a permis d’établir une méthode de standardisation de la donnée, l’European Mifid Template (EMT). Mais, selon l’avis des experts, les nouvelles mesures ont ajouté de la complexité dans la gestion, principalement pour tout ce qui touche à la divulgation des tarifs, constamment débattus au sein de l’industrie des fonds. Sans jamais omettre le fait que produire des documents explicatifs sur ses frais coûte nettement plus pour le secteur. « L’expérience nous montre que les investissements réalisés pour intégrer des solutions in-house et opérer les nouvelles estimations de prix, tout particulièrement en ce qui concerne les frais de transactions, peuvent rapidement dépasser le coût de production et de diffusion des informations Mifid », précise Ulf Herbig. Afin d’assurer l’efficacité et la rentabilité des procédés, l’industrie des fonds devrait idéalement avoir placé l’utilisation des données en tête des priorités stratégiques. À ce propos, Kneip plaide en faveur d’une solution unique pour soutenir les gestionnaires d’actifs face aux défis techniques, à l’instar de la plate-forme numérique que le prestataire a élaborée. « La plate-forme est alignée sur le cycle de vie des fonds, au départ d’une app permettant d’enregistrer, de rencontrer des exigences réglementaires et de fournir des modules afin de gérer la publication de données statiques ou dynamiques », développe le responsable produit. F. R.


PUBLIREPORTAGE

Anne Canel, Administrateur Délégué de HLD Associés Europe, et Jürgen Bösken, Senior Relationship Manager à la BIL.

FONDS D‘INVESTISSEMENT

HLD fait grandir des pépites européennes avec la BIL Dirigé depuis Luxembourg par le Conseil d’Administration de HLD Associés Europe, le fonds Private Equity HLD Europe investit dans des entreprises à fort potentiel partout en Europe. Anne Canel, Administrateur Délégué et Directeur Financier de HLD Associés Europe, nous explique comment l’environnement luxembourgeois sert les ambitions fortes de cette structure d’investissement au service de projets entrepreneuriaux. Madame Canel, pouvez-vous nous présenter le groupe HLD ? HLD a été fondé en 2011 par trois hommes d’affaires français à la fibre entrepreneuriale forte : Jean-Philippe Hecketsweiler, Jean-Bernard Lafonta et Philippe Donnet (aujourd’hui dirigeant de Generali). Leur ambition était de créer un fonds d’investissement destiné à prendre des participations majoritaires dans des entreprises européennes issues de divers secteurs d’activité, sans contrainte de durée, avec la volonté de les faire grandir. Dans cette optique, ils ont rassemblé au sein de l’actionnariat plusieurs grands noms de l’économie française puis européenne, apportant au départ un capital à investir de 40 millions d’euros. Leurs premières acquisitions furent les Laboratoires Filorga (aujourd’hui en vente et dont la valorisation estimée s’établit autour du milliard d’euros) et Interflora.

500 millions C'est la capacité d'investir de HLD Europe par an, en tant que private equity. Pourquoi, dès 2015, HLD décide-t-il de se positionner au Luxembourg, en y domiciliant et gérant son fonds d’investissement ? Cette installation s’inscrivait dans une stratégie d’internationalisation de l’activité, afin de répondre aux ambitions fortes de ses fondateurs. La France n’était pas un périmètre suffisant pour un portefeuille de capital- développement ambitieux. Le choix du Luxembourg, c’est d’abord une histoire de rencontres. Il s’est avéré que nous fonctionnons bien ensemble. Au-delà, les atouts de la place financière étaient déjà connus des fondateurs : la position neutre du pays, son caractère multiculturel, sa capacité à accueillir un projet à vocation européenne ainsi que sa boîte à outils pour des fonds d‘investissement alternatifs. Il m’a fallu davantage de temps pour convaincre sur la capacité de la Place à monter et gérer des opérations d’investissement au départ de Luxembourg. En effet, le Luxembourg est avant tout considéré comme un centre de domiciliation et d’administration des fonds… C’est vrai, et l’administration de fonds est une vraie compétence luxembourgeoise. Et pourtant, nous avons

pu démontrer qu’il y avait bien plus que cela. Dès le départ, de grands entrepreneurs luxembourgeois, Robert Dennewald et Xavier Buck, ont accepté de rejoindre le Conseil d’Administration, avec la volonté de débattre et de prendre des décisions d’investissement. Autour de ce CA, une équipe rassemblant un large panel de compétences a été mobilisée pour suivre l’ensemble des activités du fonds et des investissements. Enfin, nous avons trouvé dans l’écosystème luxembourgeois des partenaires comme la BIL, soucieux de nous aider dans notre projet entrepreneurial. Comment un acteur comme la BIL vous soutient-il dans vos démarches ? Dès le départ, la BIL a assuré l’activité de banque dépositaire associée à notre fonds. Au-delà, elle a rapidement été invitée à nous soutenir dans le montage de nos opérations, et ce, de diverses manières : mise à disposition d’une ligne de crédit, octroi de bridge loans, mise en place de dépôt à terme et tenue de compte. La BIL soutient aussi la croissance de nos entreprises à travers l’octroi de prêts visant à financer leur développement. HLD Associés Europe fait aussi appel à BIL Manage Invest (BMI), société de gestion tierce, pour répondre aux enjeux réglementaires qui nous incombent en tant que fonds alternatifs et qui sont relatifs à la supervision et à l’évaluation des actifs, à la gestion du risque ou encore au portfolio management. Qu’est-ce qui, selon vous, fait la valeur ajoutée d’un partenaire comme la BIL ? L’équipe de la BIL écoute nos besoins et réfléchit avec nous aux meilleures solutions à mettre en place dans notre développement. Par exemple, c’est pour HLD que la BIL a réalisé le premier bridge loan sur la Place garanti par des investisseurs privés. Nous sommes heureux d’avoir pu trouver au Luxembourg un partenaire comme la BIL. Nous profitons d’une approche personnalisée, raisonnée, qui sert la réalisation effective de nos ambitions.

VISION EUROPÉENNE HLD Europe a pour ambition de réaliser des prises de participation majoritaire dans des entreprises européennes avec la volonté de révéler leur potentiel. Présent à Luxembourg, Milan, Paris et Zurich, le groupe a des participations dans des entreprises prestigieuses comme Filorga, SVR, Coyote, Elivie, Tessi, Tranoï ou encore Kiloutou. Aujourd’hui, ces participations représentent 2.000 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé et 17.000 employés. L’ensemble affiche une croissance organique supérieure à 12 %.

« HLD est un client exigeant et important pour la banque, avec un fort potentiel de développement. Notre relation particulière nous a amenés, pour chaque défi rencontré, à trouver les meilleures solutions. Si, au départ, HLD s’est tourné vers la BIL pour ses services de banque dépositaire, nous avons pu lui démontrer que les diverses expertises au sein de la banque, du groupe BIL en général et de BIL Manage Invest en particulier, nous permettaient de l’accompagner de manière plus globale. » Jürgen Bösken Senior Relationship Manager au sein de la BIL

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Mai 2019


PHOTO  Matic Zorman

INTERVIEW

14 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019


INTERVIEW

CAMILLE THOMMES, ALFI

«  La performance du passé n’est pas une garantie du succès futur » L’industrie luxembourgeoise de la gestion collective évolue dans un contexte raisonnablement positif, observe Camille Thommes, directeur général de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi). Le secteur des fonds n’en demeure pas moins confronté à des défis auxquels il est forcé de s’adapter.

Comment décrire au mieux le rôle quotidien de l’Alfi ? Camille Thommes Nous représentons essentiellement les

intérêts de l’industrie des fonds d’investissement au Luxembourg. Nous comptons aussi parmi nos membres des sociétés de gestion, ainsi qu’un large éventail de prestataires de services. Notre but n’est pas lucratif et nos actions s’organisent autour de quatre thématiques principales. Premièrement, la promotion de l’industrie luxembourgeoise, à la fois des produits et des activités que les prospects pourraient mener à partir du Grand-Duché. Le deuxième axe est de toujours faire profiter nos membres des tendances et développements qui touchent l’industrie de la gestion collective. Dans le sens où vous étudiez les marchés ?

Oui, nous essayons d’identifier les opportunités, mais aussi les défis qui attendent le secteur. Nous essayons collectivement d’y répondre. Nous devons par exemple

continuellement adapter notre boîte à outils au niveau du cadre réglementaire. Évidemment, il faut s’assurer qu’un produit respecte les règles nationales, européennes, voire internationales. Il faut alors lancer le produit si le besoin s’exprime. Le troisième volet consiste à aider à façonner le cadre réglementaire. Et ces dernières années, l’agenda réglementaire est resté très chargé...

Effectivement. Il nous importe d’étudier les propositions législatives, de faire part de nos avis aux initiateurs et de formuler des contre-propositions pour nous assurer que cela réponde aux besoins du marché et soit dans l’intérêt de nos investisseurs. Quatrième et dernier objectif, nous essayons de renforcer l’intégrité, le professionnalisme et la qualité des services des acteurs présents sur la Place, et nous le faisons par la publication de lignes de conduite, de questions-réponses, de best practices sur des sujets très variés. Mai 2019 — Fonds d’investissement —

— 15


INTERVIEW

Quelles actions récentes démontrent le plus clairement vos objectifs stratégiques ?

Sur le plan promotionnel, nous pensons notamment aux actions menées en 2018 contre des acteurs de pays d’Asie du Sud-Est ou en Amérique latine, qui commencent à vendre leur expertise au travers de produits depuis le Luxembourg. Le deuxième plan qui nous préoccupait et occupait beaucoup était réglementaire, avec la proposition de la Commission européenne qui visait à renforcer l’architecture européenne au niveau de la surveillance, en voulant donner des pouvoirs plus étendus à certaines autorités européennes. Les propositions d’origine ne nous ont évidemment pas plu, pas seulement à notre association, mais à l’industrie dans son ensemble. Elles portaient alors sur des initiatives dotant les autorités européennes de la possibilité d’accepter en direct des dossiers sur certains produits. Réduisant l’intervention des autorités nationales au niveau de l’autorisation. L’autre sujet qui nous tenait à cœur était de revoir le modèle de délégation des activités, un modèle d’affaires sur lequel non seulement le Luxembourg, mais aussi toute l’industrie de la gestion collective, a rencontré des succès.

Après une petite baisse de régime accusée fin 2018, comment se porte désormais le secteur des fonds au Luxembourg ?

L’ALFI EN CHIFFRES

15

C’est le nombre de consultations publiques auxquelles l’Alfi a répondu en 2018 pour expliquer l’opinion du secteur sur ces sujets.

30

L’Alfi a fêté en 2018 son 30e anniversaire, une occasion de mettre en perspective le travail de promotion, de conseil et d’influence accompli et qui a contribué à faire de Luxembourg le premier centre mondial des fonds d’investissement transfrontaliers.

Il est vrai que l’année passée, le secteur a essuyé quelques fluctuations de marchés entraînant, en Europe comme au Luxembourg, une chute des actifs sous gestion. Au niveau de l’entrée de nouveaux capitaux dans les fonds, il s’agissait d’une baisse sensible par rapport aux records de 2017. Mais ce qui me conforte quand même, c’est que nous continuons à récolter presque 45 % de tout l’argent frais entrant dans les fonds européens, ce qui est un signe assez positif. Nous avons connu une croissance très forte sur tout ce qui concerne les fonds alternatifs, je pense aux fonds immobiliers, fonds de private equity. C’est une tendance qui continue de se renforcer, tant en 2018 que cette année. L’Alfi, c’est aussi 168

168

Ceci n’est-il dû qu’à l’environnement économique dans lequel nous nous trouvons actuellement, au contexte des marchés ?

Essentiellement, oui, avec des taux d’intérêt très bas, et donc une volonté des investisseurs de rechercher du rendement et de s’orienter vers d’autres produits et stratégies que les classiques. Je pense ensuite que pour tout ce qui touche à la finance durable, ça continue en 2019. Nous avions développé ce segment particulier comme troisième pilier, à côté des fonds traditionnels et des fonds alternatifs. Pendant beaucoup d’années, ce segment restait un marché de niche, mais ça commence à prendre un essor et un intérêt formidables. Je crois aussi que cela est dû aux décisions qui ont été prises lors de la COP21, et au fait aussi qu’il y ait une prise de conscience de plus en plus remarquée du côté des investisseurs institutionnels et des investisseurs avertis d’allouer une partie de leurs investissements à des projets et stratégies qui répondent à des critères ESG ou à des critères qui pourront combattre et limiter le réchauffement climatique.

C’est un segment que vous voyez encore se développer fortement cette année ?

En 2019 et au-delà. Ceci notamment sous l’effet des initiatives prises au niveau européen pour essayer de r­ éorienter

16 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

comités techniques et groupes de travail réunissant 1.787 membres en 2018 ; 21 conférences et séminaires attirant quelque 4.800 participants.

39 %

L’Alfi défend sa position de leader du Luxembourg en tant que premier domicile européen pour les fonds responsables, attirant 39 % du total des actifs sous gestion dans les fonds d’investissement responsable du continent.

les flux de capitaux privés vers les investissements dits durables. Dans l’ensemble, pour cette année, on évoluera tout de même dans un environnement volatile. On l’a vu sur les premiers mois. Les actifs sous gestion ont augmenté légèrement, mais sous l’influence des marchés financiers majoritairement, et moins à l’impact d’entrée d’argent frais. On reste dans un contexte raisonnablement positif, mais confronté à des défis et à des tendances auxquels notre secteur est forcé de s’adapter. Quel serait, selon vous, le principal défi auquel l’industrie des fonds doit réagir ?

D’un point de vue économique, nous resterons dans un avenir proche avec des taux d’intérêt bas et une croissance mondiale moins soutenue que les années passées. On fait face, en tant que place financière, à une compétition qui se voit renforcée. Nous faisons face à des changements dans l’intérêt des investisseurs pour les produits, alternatifs ou durables, respectivement passifs. Et de manière générale, le secteur en Europe, voire à l’échelle mondiale, est confronté quand même à des pressions sur les marges, à des pressions sur les coûts. Nous évoluons aussi dans un environnement où les effets de la digitalisation commencent à se faire sentir. La digitalisation est en soi à la fois un défi et une opportunité. C’est aussi une activité à laquelle se prépare notre secteur, avec d’autres parties prenantes sur ce thème.

L’industrie des fonds évoque souvent ces pressions, parmi lesquelles la réglementation s’invite inévitablement. Compte tenu des tendances à la complexification des nouvelles obligations, la lourdeur dont souffrent certains procédés réglementaires, pensez-vous que de nouveaux chantiers vous attendent encore en la matière ?

Je crains d’être obligé de dire que ça ne se terminera jamais. Il y aura de nouveaux travaux d’adaptation avec de gros chantiers en 2019 et 2020, tels que la proposition, pour laquelle il y a déjà eu un accord, à propos du plan PEPP, Pan-European Personal Pension Product. Je crois que c’est une opportunité pour notre secteur. C’est d’une importance vitale pour les investisseurs et les ménages en Europe de prendre conscience, comme cela a été le cas depuis longtemps aux États-Unis, qu’il faut épargner sur le long terme. Parce que les pensions publiques, dans beaucoup de pays, se retrouvent sous tension. Or, ces produits-là permettront aux ménages de financer leur retraite, notamment dans un contexte de taux bas.

Les statistiques montrent que 30 % des avoirs des ménages en Europe continuent d’être gardés en dépôt à la banque, dans des comptes épargne qui ne génèrent évidemment que peu de rendement. Je crois donc que, en respectant bien sûr le profil de l’investisseur et son aversion pour le risque, il y a une opportunité de placer sur le long terme. Il y a, comme nous le discutions auparavant, toute l’action menée par la Commission européenne au niveau de la finance durable. Mais on parle aussi de revoir l’encadrement des gestionnaires de fonds alternatifs, au travers de la directive AIFM. Les travaux se poursuivent, mais elle sera


Activisme en 2019 : « Impact Investing » Longtemps à la traîne des Anglo-Saxons, l’Europe semble avoir pris la mesure des enjeux de l’investissement socialement responsable, notamment vis à vis de la nouvelle génération des « Millenials » qui recherchent des investissements correspondant plus à leurs valeurs. Comprendre comment cette jeune génération va investir a récemment permis le développement de stratégies visant à répondre aux résultats que les jeunes souhaitent obtenir de leurs investissements. A ce titre, ce qu’on appelle désormais l’« Impact Investing » suscite beaucoup d’intérêt en Europe.

On pourrait aller jusqu’à affirmer que pour cette nouvelle génération, investir se rapprochera d’une sorte d’activisme. On observe cet activisme et les changements liés dans bon nombre de domaines de notre société. C’est cette génération qui remet en question l’usage des plastiques, pousse pour plus d’énergies renouvelables, le recyclage des vêtements et les nouveaux moyens de transports moins polluants. De nos jours, les marques et les employeurs préférés de cette jeune génération doivent leur succès commercial à leur engagement.

Plutôt que de chercher à éviter d’investir dans des entreprises qui ont un impact négatif, par L’« Impact Investing » exemple sur l’empreinte carbone, l’« Impact De ce fait, les leaders d’hier pourraient bien Investing » cherche à générer un impact social être les perdants de demain s’ils ne sont pas suscite beaucoup ou environnemental mesurable et bénéfique capables de s’adapter à cette tendance de d’intérêt en Europe. en plus du rendement financier attendu. fonds. C’est cette philosophie d’investissement qui Au final, les marchés qui attendaient une passionne et finalement attire le portefeuille énième révolution technologique pourraient bien avoir droit des jeunes actifs « Millenials ». Des études montrent en effet à une vraie évolution sociétale. que le pourcentage des « Millenials » ayant investi dans l’« Impact Investing » a quasi doublé entre 2015 et 2017. Là où les « baby-boomers » n’étaient pas toujours convaincus, les « Millenials » ont une approche résolument active. Ces nouveaux investisseurs veulent vérifier l’impact de leurs investissements et plus uniquement punir les pollueurs.

ing.lu/privatebanking

Laurent Simeoni Head of Portfolio Management, ING Luxembourg

ING Luxembourg, Société Anonyme – 26, Place de la Gare, L-2965 Luxembourg – R.C.S. Luxembourg B.6041 – ing.lu


INTERVIEW

probablement revue après les élections européennes et la formation d’une nouvelle commission. Ce sera donc un chantier plutôt pour la fin de l’année ou le début de l’année prochaine. On verra alors des propositions concrètes de révision de cette directive. Il y a des propositions fiscales qui ont été initiées il y a quelques années et qui produiront leurs effets en 2020-2021. Donc, la charge réglementaire restera soutenue dans les années à venir. Le scrutin européen risque-t-il de créer de la turbulence autour du secteur luxembourgeois des fonds ?

Tout dépendra évidemment du résultat des élections, des partis politiques et des alliances qu’ils pourront créer. Si on prête attention aux premières indications, il y a peutêtre un risque que des partis plutôt populistes gagnent en importance. Et donc, il faudra voir dans quelle mesure cela influencera la composition au niveau du Parlement européen, et dans quelle mesure cela aura un impact sur l’avancement de l’agenda européen. Il s’agit là d’un premier élément politique déterminant. Le deuxième, on imagine qu’il est relatif au Brexit ?

La Place luxembourgeoise garde-t-elle toute sa pertinence face aux gestionnaires de fonds ? Son pouvoir d’attraction se montre-t-il intact, voire accru ?

Oui, son attractivité reste intacte et les statistiques le prouvent. Nous restons le premier centre de domiciliation de fonds en Europe. Nous avons, en tant que Place, développé encore davantage le secteur des fonds alternatifs. On est très bien positionné, répétons-le, pour tout ce qui touche à la finance durable, avec les efforts qui sont menés par toutes les parties prenantes, y compris le gouvernement, au niveau de la lutte contre le changement climatique. Je crois que nous avons tous les outils en main pour assurer la pérennité du secteur. Ceci étant 18 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

41 %

L’association a tenté de préserver des relations constructives avec le Royaume-Uni malgré les négociations du Brexit : les initiateurs de fonds britanniques représentaient 41 % du nombre de fonds créés en 2018.

15

En 2018, l’Alfi a réalisé 15 publications sur des sujets tels que le règlement européen sur les produits dérivés, ou le règlement général sur la protection des données (RGPD), afin d’aider ses membres dans la mise en œuvre des exigences légales, réglementaires et opérationnelles.

dit, et c’est un appel déjà lancé aux dirigeants, il faut absolument veiller à la compétitivité de Luxembourg, parce que la performance du passé n’est pas, comme on le dit souvent, une garantie du succès futur. Il faut aussi travailler sur le cadre fiscal. Vous visez là, singulièrement, la taxe d’abonnement imposée à la plupart des fonds et l’ouverture exprimée par l’actuel gouvernement de rediscuter de son principe et de son fonctionnement ?

C’est une taxe qui n’existe pas ailleurs. Il faut voir ça dans un contexte de pression sur les coûts et pression sur les marges. Si ce taux d’imposition pour l’enregistrement des fonds est resté fixe pendant des années, son poids relatif dans les coûts totaux augmente avec la pression sur les coûts et les marges. Donc, c’est un facteur de compétitivité que nous n’avons pas ressenti par le passé, mais que nous risquons de ressentir beaucoup plus à l’avenir. Il faut donc s’y préparer. Mais il y a un deuxième point principal sur lequel il conviendrait de se pencher au niveau fiscal : c’est la taxation des sociétés. Le gouvernement a annoncé une réduction de 1 %, mais si on regarde les statistiques officielles, si on regarde les données d’Eurostat, le taux d’imposition au Luxembourg demeure assez élevé par rapport à nos concurrents. Nous nous retrouvons plutôt dans le dernier tiers des pays de l’Union européenne. D’autres ont des taux d’imposition beaucoup moins élevés. C’est un sujet qui nous préoccupe et pour lequel il faudra continuer de mener des aménagements, afin de rester une alternative valable pour attirer des investisseurs internationaux et des sociétés étrangères pour s’installer à Luxembourg, créer de l’activité et générer des recettes pour l’État.  F. R.

PHOTO  Matic Zorman

On n’a pas de vision sur ce qui va finalement se passer avec le Royaume-Uni, mais dans l’hypothèse de leur sortie de l’Union, dans un mois ou dans un an, on constate que les forces politiques ont changé depuis l’annonce du divorce géopolitique. Le jeu des pouvoirs politiques au sein de l’Union européenne se voit impacté parce que nous perdons un grand pays qui s’est toujours prononcé pour l’ouverture des marchés, avec un esprit de développement des affaires. Cette position-là va être affaiblie avec le départ des Britanniques. Il appartient à la prochaine Commission de définir son programme, mais j’estime quand même que les actions qui ont été menées jusqu’à présent devront continuer d’être exécutées. Il y aura peut-être une révision de la proposition à l’initiative de la commission de l’Union des marchés des capitaux et une réorientation des priorités, mais j’ose croire que l’institution va continuer de renforcer la finance durable et de mettre davantage l’accent sur la transparence, les informations à donner aux investisseurs. Peutêtre faut-il s’attendre à une pression plus forte de la part des régulateurs sur les coûts qui sont facturés à travers les produits. Au travers de cette réflexion : est-ce que le couple coût / performance est acceptable ou nécessite des actions politiques, voire réglementaires ?


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EUROPE

L’ère des « Super ManCo »

La séparation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne risque de faire des victimes parmi les sociétés de gestion. Les « Petit Poucet » du secteur évoluaient déjà dans l’ombre de concurrents hors norme. Mais ces derniers, dopés par un phénomène de concentration, grandissent désormais encore plus vite et plus fortement.

L

e divorce latent entre Londres et Bruxelles chamboule évidemment les relations entre l’industrie anglaise de l’asset management, l’une des plus importantes au monde, et le secteur luxembourgeois, premier domicile européen pour les fonds. Sur plus de 200 acteurs de la finance, plus d’une trentaine de firmes de gestion d’actifs ont d’ailleurs opéré ou programmé leur exil de la City vers la Place grand-ducale, selon le dernier Brexitometer présenté par le think tank britannique New Financial. « Nous pensons que le rapport sous-­estime la situation. De nombreuses entreprises auront déplacé des membres de leur personnel ou leurs activités sous le radar, et il en reste encore de nombreuses qui ne sont pas encore prêtes », note William Wright, managing director de New Financial, alors qu’ont été identifiées des centaines d’institutions

20 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

supplémentaires qui devront « déménager quelque chose quelque part » pour pouvoir continuer de gérer et vendre leurs produits sur le continent. Les statistiques de cette traversée de la Manche devraient en outre encore augmenter de manière significative au cours des prochaines années, étant donné qu’à travers toute l’Union européenne, les régulateurs nationaux exigent des entreprises qu’elles renforcent leurs opérations locales. On comprend mieux pourquoi les asset managers sont parmi les plus actifs à s’organiser pour ne pas perdre leurs précieux passeports de gestion, commercialisation et distribution.

INCONTOURNABLES

L’un des principes de base du Brexit est que le Royaume-Uni deviendra un pays tiers, quel que soit le scénario, rappelle Deloitte Luxembourg. À ce titre, la Chambre des députés a pris, le 28 mars dernier, des dispositions pour atténuer les perturbations causées par le futur retrait officiel, accordant aux organismes de placement collectif une période transitoire de 12 mois pour s’ajuster à l’environnement post-Brexit. Le décor ainsi planté laisse alors apparaître une tendance lourde, celle d’une course à la compétitivité par la taille avec les « Super ManCo » (Super Management Companies, en anglais), les sociétés de gestion d’un gabarit supérieur. Autrement dit, des géants de la gestion financière et administrative, pouvant jongler à la fois avec plusieurs licences et fonds Ucits ou AIFM, le tout en délégation pour des gestionnaires britanniques. Pionnière, la Place affiche déjà une longue expérience des ManCo. En juin 2018, ce segment de l’industrie employait 4.644 personnes dans 310 établissements luxembourgeois, manipulant un total de 3.591 milliards d’euros d’actifs. Ce qui en fait des guichets incontournables pour les fournisseurs de fonds. Fait notable, la proportion des « Super ManCo » pèse toujours plus lourd dans la balance luxembourgeoise. Près de la moitié (136) des sociétés de gestion luxembourgeoises arboraient le superlatif fin juin 2018, selon le baromètre de PwC Luxembourg. Des chiffres appelés à gonfler encore cette année. L’été passé, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) avait toutefois émis une circulaire pour éviter que de simples boîtes aux lettres anglaises ne fleurissent au Grand-Duché, le régulateur exigeant du siège local qu’il occupe au moins trois employés à temps plein, qu’il s’agisse de personnel dirigeant ou non dirigeant. Ce nouveau règlement ne concernait pas que « la substance », mais abordait fondamentalement l’efficacité opérationnelle.


EUROPE

Les grands groupes d’asset management avaient déjà mesuré tout l’intérêt de réaliser des économies d’échelle et d’optimaliser les coûts en concentrant ces fonctions au sein d’une seule entité propre. Le Brexit ne fait qu’accentuer l’attractivité de la formule.

SUPER TIERS

Un autre phénomène prendrait parallèlement de l’ampleur dans le secteur, à savoir l’externalisation par des sociétés de gestion de certains de leurs services via de « Super ManCo tierces ». Là aussi, la pression sur les coûts de l’industrie du placement collectif accroît le succès de ces organismes. La mise en place et l’exploitation d’une société de gestion autonome engagent plusieurs millions d’euros. Mais dans un contexte de Brexit, ces prestataires intermédiaires offrent surtout un accès direct aux marchés européens pour les intervenants du Royaume-Uni, tout en permettant d’ajuster progressivement les stratégies managériales et commerciales au fur et à mesure des rebondissements politiques. Et le Luxembourg, juridiction-clé pour les fonds transfrontaliers, reste « une étape naturelle », avait-on réaffirmé chez Link Fund Solution, l’une des plus grandes Super ManCo tierces d’Europe (plus de 50 milliards de dollars sous gestion), après avoir reçu, en septembre dernier, le blanc-seing de la CSSF. Prenons un autre exemple, FundRock, la firme basée à Hesperange qui gère plus de 500 fonds distribués dans plus de 30 pays, et affichait, fin février dernier, environ 85 milliards ÉTUDE

QUELS SECTEURS S’INTÉRESSENT AU LUXEMBOURG BANQUE DIVERS

9%

9%

ASSET MANAGEMENT

43%

18% ALTERNATIF

21% ASSURANCE Répartition par secteur d’activité des sociétés choisissant le Luxembourg comme « hub » dans le cadre du Brexit. SOURCE New Financial Brexitometer

NEW FINANCIAL

LA FACE CACHÉE DU BREXIT Publié en mars par le think tank britannique New Financial, le rapport Brexitometer dresse un état des lieux des mouvements de structures, d’équipes et d’actifs dans le secteur financier, entrepris en prévision du Brexit. Ce panorama donne l’impression que le secteur financier a déjà fait ses devoirs, en s’appuyant notamment sur les accords bilatéraux conclus entre régulateurs pour poursuivre les opérations aussi normalement que possible malgré l’incertitude quant aux conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Les banques et les banques d’investissement ont déjà transféré 800 milliards de livres sterling, selon les auteurs du rapport, soit les mêmes données déjà mentionnées par l’organe de promotion de la Place de Francfort en novembre dernier, Frankfurt Main Finance. 65 milliards ont été transférés par les asset managers, et 35 milliards par les assureurs. Une tendance qui s’est accélérée l’année dernière, face à l’incertitude politique, et en envisageant le worst case scenario d’une sortie sans accord. « De nombreuses grandes sociétés ont déjà leurs structures en place dans l’Union européenne depuis plusieurs mois et ont déjà dépensé des dizaines ou centaines de millions de dollars dans leurs plans de contingence, et elles ne vont pas faire marche arrière vers le Royaume-Uni de sitôt », pointe le rapport. Le nombre de 5.000 est évoqué pour estimer les déménagements d’équipes ou les recrutements sur le sol européen. « Pour de nombreuses sociétés bancaires et financières, le Brexit a eu lieu dans les faits l’année dernière, indique le rapport. L’incertitude politique depuis le référendum a forcé les firmes à envisager le pire scénario d’un ‘no deal’,

sans période de transition et pour se préparer de façon adéquate. » Or, peu de sociétés ont clairement chiffré leurs intentions. Les 800 milliards dans les banques représentent 10 % du secteur en Angleterre, indique New Financial. La seconde grille de lecture du rapport laisse donc apparaître des impacts encore méconnus ou sous-estimés. Le dénouement politique du feuilleton sera un déclencheur. Les exigences croissantes des régulateurs européens quant à la substance que les structures doivent présenter joueront aussi en faveur d’une hausse des effectifs. Dublin, Luxembourg et Paris New Financial a d’ailleurs identifié 275 firmes au Royaume-Uni qui ont procédé, ou vont procéder, au déplacement d’une partie de leurs activités, personnels ou entités. 250 sociétés ont déjà choisi un des hubs financiers européens en tant que nouvelle porte d’entrée vers le marché unique. Déjà citées dans d’autres rapports du Financial Times ou de KPMG, Dublin et le Luxembourg restent en tête du nombre de relocalisations. La Place londonienne ne va évidemment pas disparaître par l’effet du Brexit. Les acteurs politiques et financiers européens ont d’ailleurs tout intérêt à préserver des relations et des échanges aussi fluides que possible pour éviter qu’elle ne prenne une allure « offshore ». Mais le rapport de New Financial pointe d’ores et déjà une perte d’influence de la prédominance de la City en Europe en raison de la hausse des coûts, de la complexité et des risques, qui sera indissociable du Brexit. Une sortie historique qui conduirait à une redistribution des centres de gravité de la finance européenne. Et à une finance toujours T. R. plus multipolaire.

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

— 21


EUROPE

AUTRES SELON STANDARD & POOR’S

20 % 12%

34 %

FRANCFORT

DUBLIN

22 %

11 %

LUXEMBOURG

PARIS ÉTUDE

LES CENTRES FINANCIERS LES PLUS ATTRACTIFS Répartition des nouveaux quartiers généraux européens choisis dans le cadre du Brexit sur base de 249 sociétés considérées. SOURCE New Financial

d’euros d’actifs sous gestion. L’entité fournit notamment des solutions complètes de société de gestion ou sous-traite, par exemple, des services pour des périodes intermédiaires de trois à cinq ans, en accompagnement de la création d’une ManCo. FundRock poursuit en ce moment les négociations auprès de groupes d’investissement affectés par la séparation de l’Europe et du Royaume-Uni. Essentiellement des petits gestionnaires qui disposent tout de même, ensemble, de 15 milliards d’euros d’actifs. « Ils n’ont pas les ressources nécessaires pour créer leur propre société de gestion, mais doivent agir pour ne pas être pris au piège du Brexit », expliquait récemment au Financial Times le responsable des ventes au niveau mondial de FundRock.

CONCENTRATION RISQUÉE

La consolidation mondiale de la gestion des entreprises et des fonds n’épargne personne. Pas même les Super ManCo. Avec une réglementation toujours plus étendue et imposante, seules les grandes sociétés de gestion, 22 —

autonomes ou tierces, disposent de la taille critique pour digérer les exigences en procédés opérationnels. L’évolution logique à laquelle on peut s’attendre consisterait alors à voir le nombre de ces géants de l’asset management diminuer, et leur gigantisme gonfler en conséquence, phagocytant de plus petits joueurs qui auront résisté jusque-là. Sans parler de l’éventuelle guerre des talents qui s’ensuivrait. Une concentration telle qu’elle serait susceptible d’inquiéter encore davantage les gendarmes financiers et autres décideurs politiques, qui seront tentés de dompter ces structures avant qu’elles ne deviennent incontrôlables. L’Autorité européenne des marchés financiers n’a-t-elle pas déjà exhorté les régulateurs nationaux à « un effort commun afin de garantir une surveillance cohérente » ? Mais, paradoxalement, de nouvelles exigences réglementaires risqueraient de pousser à la hausse les coûts des sociétés de gestion, et de les forcer à mutualiser leurs moyens et fonctions.  F. R.

— Fonds d’investissement — Mai 2019

LE LUXEMBOURG, DEUXIÈME PAYS LE PLUS EXPOSÉ AU BREXIT Le Luxembourg est le deuxième pays européen le plus exposé au Brexit, derrière l’Irlande, selon l’étude de Standard & Poor’s publiée en mars dernier. Les trois pays européens les plus exposés au Brexit sont, dans l’ordre, ­l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas, selon l’« indice de sensibilité au Brexit » calculé par l’agence de notation. Les moins exposés sont alors l’Italie, l’Autriche et la Finlande. En ce qui concerne le Grand-Duché, S&P estime que sa deuxième position est due aux « liens importants du Luxembourg avec les institutions financières britanniques et à ses exportations élevées (dont beaucoup ont été réacheminées via le Luxembourg à des fins fiscales) ». L’agence de notation estime également que le Luxembourg, en tant qu’intermédiaire financier pour de nombreuses entreprises internationales, pourrait connaître des répercussions notables dans les services financiers et le commerce. S&P précise cependant que son indice pourrait surestimer la vulnérabilité du Luxembourg au Brexit. En effet, S&P a exclu de son calcul des IDE les fonds communs de créances (ou SPE, special purpose entities). Or, ceux-ci représentent plus de 95 % des IDE luxembourgeois au Royaume-Uni. L’agence de notation avait déjà publié cet indice en juin 2016, avant le référendum britannique. Parmi les différences notables entre ses deux études, S&P note un « contraste entre les grandes banques européennes à l’égard de leur exposition au RoyaumeUni ». Par rapport à fin juin 2016, les systèmes bancaires de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Irlande et de la Suisse ont réduit leur exposition aux contreparties. En revanche, depuis le référendum britannique, les systèmes bancaires des Pays-Bas, de la France et de l’Espagne ont augmenté leurs activités au Royaume-Uni.


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INTERVIEW

N ICOLAS MACKEL

Mauvaise nouvelle pour l’Union européenne, le Brexit ne se traduira pas forcément par une mauvaise affaire pour le Grand-Duché. Analyse et explications de Nicolas Mackel, CEO de l’agence de développement de la place financière Luxembourg for Finance. 24 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

PHOTO Jan Hanrion (Maison Moderne)

« L e Brexit consolide la Place luxembourgeoise »


INTERVIEW

« La situation confirme et consolide la Place luxembourgeoise comme l’une des principales en Europe, certainement pour des activités comme la gestion de fond. » figure. Donc, je ne crains pas de scénario catastrophe ni pour Luxembourg, ni pour les principaux acteurs concernés. S&P dit aussi qu’il y a un certain volume de relations qui, en cas se sont préparées depuis longtemps parce de Brexit, serait réduit à néant. Ce n’est pas qu’elles ne pouvaient pas prendre le risque vrai. Je ne suis pas impressionné par ce genre de se retrouver dans une situation de « no d’analyse un peu trop théorique. C’est ne pas deal » sans période de transition, qui les aurait tenir compte du changement de tout l’enempêchées du jour au lendemain de conti- vironnement en fonction et de tout ce qui a nuer à servir leur clientèle sur le continent déjà été fait par anticipation. Cela ne montre européen. Elles ont donc anticipé le pire, tout qu’un côté d’une réalité à multiples facettes. en espérant le mieux. Pour certaines, cela s’est traduit par des relocalisations d’activités, Le fait que l’incertitude perdure que ce soit à Luxembourg, Francfort, Paris change-t-il votre discours ou ou Dublin. On se réjouit qu’à ce jour, il y ait votre politique de promotion de une soixantaine d’établissements qui aient la Place luxembourgeoise ? rendu publiques leurs décisions de relocalisa- Non. Cela tient au fait que l’industrie finantion d’activités au Grand-Duché, dont 31 ges- cière est une industrie réglementée et que tionnaires de fonds et asset managers. Cela pour obtenir un agrément, il faut du temps, confirme que le Luxembourg est perçu dans il y a toute une procédure. Or, tout le monde l’industrie comme le principal hub ou l’un des croyait que l’échéance fatidique du 29 mars principaux hubs en Europe pour tout ce qui ne serait pas ajournée. La plupart des acteurs est gestion d’actifs. Il ne s’agit pas d’un simple voulaient être prêts pour cette date. Alors il y ajout d’activités, « more of the same » comme en a peut-être ici et là un ou deux qui, à titre on le dit en anglais, mais d’une occasion pour tout à fait exceptionnel, ne sont pas prêts pour le Luxembourg de progresser aussi d’un point un scénario d’absence d’accord. Mais encore de vue qualitatif. Plusieurs groupes ont ainsi une fois, je dirais que 99 % se sont préparés, fait venir ici de nouvelles activités de gestion surtout parmi les grands acteurs, parmi lesd’actifs et pas seulement d’administration de quels aucun n’a pris le risque de se retrouver fonds, telles les deal making capacities dans dans une situation où il ne pourrait pas conticertaines maisons de private equity. Le Brexit nuer à répondre aux besoins de ses clients constitue de ce point de vue une bonne oppor- dans les 27 autres pays de l’Union. tunité pour le Grand-Duché. L’incertitude qui règne encore sur les conditions du Brexit change-t-elle la donne pour les fonds ? NICOLAS MACKEL Les institutions financières

Tous les observateurs ne partagent pas cet avis. L’agence de notation Standard & Poor’s a encore récemment estimé que le Luxembourg serait parmi les principaux pays à souffrir le plus du Brexit.

J’ai cru comprendre que leurs analystes avaient réalisé une étude relativement statique de la situation dans le sens où, oui, Luxembourg a beaucoup de liens avec Londres et si on coupe ces liens, Luxembourg va souffrir. Je crois que c’est, tout d’abord, ne pas tenir compte de tout ce qui s’est fait en termes de préparation. Les acteurs économiques se sont préparés à tous les cas de

Si tous se sont préparés, il ne faut plus attendre de grosses annonces alors... C’est l’accalmie chez Luxembourg for Finance ?

Pour ce qui concerne nos activités de business development, c’est-à-dire attirer des acteurs au Luxembourg, c’est probablement le cas, puisque la plupart des groupes sont prêts et ont tous mis en œuvre leurs décisions. Je crois donc que le plus gros est fait. Mais le Brexit, c’est aussi un débat médiatique et il faut assurer la place du Luxembourg dans ce débat. De ce côté-là, il n’y a aucune accalmie. Je passe beaucoup de temps à rencontrer des journalistes à travers l’Europe pour leur expliquer ce qu’on a vu se passer au Grand-Duché, ce qu’on

continue d’y voir, ce que ça veut dire pour le pays et ainsi de suite. Le sujet en tant que tel continue à beaucoup nous occuper, mais peutêtre sous un angle différent qu’auparavant. On présente souvent le Brexit comme un « lose-lose » où toutes les parties se retrouvent finalement perdantes. Le Luxembourg peut-il néanmoins tirer son épingle du jeu ?

Moi, je maintiens que le Brexit est une situation de lose-lose. Nous, Luxembourgeois, réfléchissons d’abord en tant qu’Européens avant de le faire en tant que place financière. Et en tant qu’Européens, on ne peut pas du tout se réjouir du Brexit parce que le départ d’un pays comme le Royaume-Uni ne peut pas renforcer l’Union aux sens économique ou géopolitique. Mais maintenant que la décision a été prise, on tire pas mal notre épingle du jeu et même très bien je trouve, comparé à d’autres Places. La situation confirme et consolide la Place luxembourgeoise comme l’une des principales en Europe, certainement pour des activités comme la gestion de fonds. Sous cet angle-là donc, il y a une petite lueur d’espoir. Mais ça ne compense pas le fait que, si demain les Anglais en venaient à annuler leur décision de quitter l’Union européenne, on se réjouirait. On leur rendrait alors volontiers toutes les institutions financières se relocalisant au Grand-Duché, tout en en gardant quelques-unes pour les frais administratifs [rires]. Ne reste plus qu’à découvrir l’épilogue de cette saga…

Oui, il faut voir comment cela va se finir parce que tous les scénarios restent possibles, aussi bien le « no deal » que le « no Brexit » ou que tout ce qu’il y a entre les deux. La pression monte pour organiser un d­ euxième référendum. On n’en sait rien. C’est aussi cela qui est fascinant avec cette histoire : on s’approche chaque fois d’une date ultimatum, tout reste envisageable, puis on repousse un petit peu l’inéluctable, tous les scénarios redeviennent possibles et ainsi de suite. Rien n’est à écarter. »  F. R.

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DÉBAT

COMPÉTITIVITÉ

la taxe d’abonnement en question Entre promesses électorales et revendications professionnelles récurrentes, cet impôt luxembourgeois sur les fonds d’investissement alimente depuis longtemps un gros débat pour de maigres résultats. Le budget gouvernemental en serait trop dépendant et le secteur pas assez pénalisé pour provoquer des changements radicaux. 26 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019


DÉBAT

«

S

i ce taux d’imposition pour l’enregistrement des fonds est resté fixe pendant des années, son poids relatif augmente avec la pression sur les coûts et les marges », insiste en entrevue avec Paperjam le directeur général de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi), Camille Thommes (lire en page 14). L’argument n’est pas neuf et appartient à un plaidoyer plus large de l’association qui appelle de ses vœux une réforme de ce système d’imposition n’existant nulle part ailleurs. Une évolution à laquelle s’est montré ouvert le gouvernement Bettel-Schneider-Braz dès la présentation de son accord de coalition. Dans sa Sustainable Finance Roadmap, l’exécutif a estimé qu’il était ainsi possible de prévoir un système de taxe d’abonnement plus basse spécifiquement pour certains fonds jugés durables afin de les favoriser. Pour mémoire, cet impôt annuel injecte quelque 971 millions d’euros dans les caisses de l’État. Son taux reste actuellement établi à 0,05 % des actifs nets sous gestion pour les organismes de placement collectif. Il retombe à 0,01 % sous certaines conditions, pour les fonds d’investissement spécialisés et alternatifs réservés. Et certains fonds, monétaires, indiciels ou spécialisés dans le microcrédit, en sont même exemptés. Mais le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), le répète depuis sa réélection : il est conscient des enjeux d’attractivité de la fiscalité et estime nécessaire d’aller de l’avant sur cette fameuse taxe, particulièrement en termes d’investissement d’impact social, sociétal et environnemental. Mais le grand argentier du pays temporise en renvoyant aux discussions menées à la Commission européenne autour de la finance durable. L’opposition parlementaire considère d’ailleurs que le gouvernement en parle plus qu’il n’agit, le Parti chrétien-social (CSV) ayant en réaction présenté récemment une proposition de loi en la matière.

INDOLORE

Il conviendrait toutefois de nuancer ce débat passionné car la taxe d’abonnement comporte plusieurs dimensions. L’opinion publique garderait à ce propos une image déformée de la situation. « Le grand public pense toujours que ce sont les banquiers au gros ventre qui veulent encore payer moins d’impôt. On ne peut pas penser plus faux. Cet impôt pris sur les avoirs du fonds, ce n’est pas le gestionnaire qui va payer la taxe, ce n’est pas le banquier, mais chaque client qui investit », rectifie d’emblée Charles Muller, figure emblématique de la Place, ancien directeur général adjoint de l’Alfi. Actuellement administrateur indépendant et avocat à la Cour spécialisé dans les

fonds d’investissement, il reconnaît que la taxe d’abonnement a évidemment une incidence sur les coûts, mais il doute que la gravité soit telle qu’on la présente. « Il y a certains fonds où chaque centime, chaque centième de pourcent compte et il est important de ne pas se mettre dans la situation où la concurrence, notamment irlandaise, gagne un avantage compétitif », souligne Me Muller. Mais sa position en tant que vétéran de l’industrie reste que, pour un fonds normal, les 0,05 % de taxation ne vont certainement pas empêcher un client d’investir. « Surtout que la beauté de cette taxe, c’est que c’est l’investisseur qui la paie, dans plus de 90 % des cas, qu’il est étranger et n’a probablement même pas conscience de son existence parce que ce n’est pas lui qui fait la déclaration, mais le fonds. Donc vous avez un État luxembourgeois qui récolte presque 1 milliard d’euros par an sur des contribuables qui ne sont pas résidents, pas votants, qui ne râlent jamais, c’est le rêve », assure-t-il.

ÉTAT ACCRO

Naturellement, il n’est pas sain qu’un gouvernement devienne dépendant pour son budget d’une taxe qui repose directement sur les performances d’une industrie, ellemême solidaire des Bourses internationales. Un choc éventuellement accusé au niveau de l’encours des fonds entraînerait alors un choc dans les finances publiques. « Les recettes de la taxe d’abonnement ont tendance à être surestimées en période de chute des marchés financiers et sous-estimées en période de forte hausse des cours », rappelait la Banque centrale du Luxembourg dans son avis sur le budget de cette année, jugeant au passage que les projections du gouvernement pour les trois années à venir péchaient par manque de cohérence. Concédons dès lors qu’un ministre, qui voit tout cet argent abonder facilement et avec lequel il peut ficeler un beau budget, n’a pas forcément envie de s’en priver. « C’est un luxe absolu. On n’a même pas besoin d’une grande équipe au niveau de l’administration de l’enregistrement, parce que les déclarations se font toutes seules, c’est un pourcentage sur un chiffre qui est public et avec lequel on ne peut pas tricher. Ça rentre tout seul, c’est facile à vérifier, c’est le rêve », admet l’expert de la gestion collective Charles Muller.

TAXÉ DE FAVORITISME

Idéale pour l’État, pas si catastrophique pour les grands acteurs, la taxe d’abonnement ne représenterait-elle alors qu’une polémique esthétique, ombrageant la réputation du Grand-Duché ? Si l’on réduisait ou abandon-

nait ce droit d’enregistrement, la Place, déjà relativement incontournable en matière de fonds, gagnerait encore en attractivité. « Pour avoir mené pendant plusieurs années des activités de promotion, chaque fois qu’on parle de réduction de la taxe d’abonnement, le gouvernement réplique systématiquement que vu le succès de la Place luxembourgeoise, il est difficile de croire que cet impôt soit à ce point problématique et nuit à la compétitivité de l’industrie des fonds », met en perspective Me Muller.

« Il y a certains fonds où chaque centime, chaque centième de pourcent compte et il est important de ne pas se mettre dans la situation où la concurrence, notamment irlandaise, gagne un avantage compétitif . » Les changements accordés aux fonds indiciels ou monétaires ont eu lieu car les autorités ont senti que certains gestionnaires et institutionnels risquaient de ne pas choisir Luxembourg à cause de cette fameuse taxe. Mais pour un fonds normal, dans le sens où il opère une gestion active, difficile de constater que la fiscalité est un élément à ce point déterminant, qui va faire qu’un acteur s’installe ou non chez nous. Bien sûr, Dublin prend un malin plaisir, à chaque fois qu’elle en a l’occasion, à souligner qu’au Luxembourg les fonds sont taxés, alors qu’en Irlande ce n’est pas le cas. Cela reste néanmoins de bonne guerre lors de parades de séduction à l’égard d’industries aussi importantes. « Surtout dans tout ce contexte de Brexit où tout le monde est allé, le Luxembourg et l’Irlande les premiers, se présenter à Londres pour attirer les relocalisations d’activités. L’Irlande a bien profité de cette taxe grand-ducale. Mais si les gestionnaires de fonds regardent ce détail, leurs décisions stratégiques n’en dépendent pas uniquement », estime l’avocat spécialisé Charles Muller.  F. R.

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DÉBAT

LE P O IN T D E VU

E D E L’A LF I

d’une plus grande protection des intérêts des investisseurs, toutes les commissions et frais mis à charge des fonds, et donc de leurs investisseurs, ont diminué de manière substantielle : le seul frais qui n’a pas diminué est l’impôt perçu par l’État luxembourgeois. Aussi, de par la baisse des commissions et frais prémentionnés, la taxe d’abonnement est devenue, proportionnellement, beaucoup plus importante : si 0,05 % est peu significatif pour un fonds à 2 % de frais annuels de fonctionnement, il en est désormais autrement avec un niveau de frais qui peut descendre à 0,50 %, y compris pour des fonds actions en gestion active.

REPENSER LES PRINCIPES DE LA TAXE

Par Jacques Elvinger Partner, Elvinger Hoss Prussen, et président du groupe de travail de l’Alfi sur la taxe d’abonnement Marc-André Bechet Directeur Legal & Tax, Alfi

L

es fonds de droit luxembourgeois sont soumis à un impôt calculé sur la base d’un taux sur le montant de leur actif net, payable trimestriellement. Le taux de base applicable est de 0,05% par an. Certains fonds bénéficient d’un taux réduit ou d’une exemption, par exemple les fonds monétaires et les fonds indiciels qui ont traditionnellement un faible taux de frais, ou les fonds spécialisés dans le microcrédit pour des raisons d’intérêt général. Par ailleurs, certaines catégories d’investisseurs, tels que les institutionnels ou les fonds de pension bénéficient également d’un taux réduit. « The uniqueness of Ireland’s offering is that it doesn’t impose annual subscription taxes on funds. » Cette citation de l’Irish Funds dans Ireland: a Guidebook for Chinese Asset Managers, fait référence en pied de page à la taxe d’abonnement luxembourgeoise et souligne à quel point la concurrence est exacerbée avec Dublin, le principal concurrent de Luxembourg pour les fonds transfrontaliers. Cette taxe est quasiment unique en Europe, elle constitue un désavantage concurrentiel pour attirer les fonds vers Luxembourg. L’exonération de taxe d’abonnement sur les

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fonds indiciels et les fonds monétaires, introduite en réaction au transfert de ces fonds vers l’Irlande, fut trop tardive pour être efficace. D’une quasi-parité en 2008 pour les fonds indiciels / ETF avec 21 milliards pour Luxembourg et 24 pour l’Irlande, cette dernière a bénéficié d’une croissance exponentielle avec 447 milliards pour l’Irlande contre 172 pour Luxembourg en 2018. Globalement et sur la même période, la part de marché des fonds de l’Irlande en Europe est passée de 10% à 15,3%, Luxembourg passant de 25,7% à 26,6%. L’augmentation naturelle des actifs portée par un effet de masse et l’évolution des marchés financiers ne doit donc pas occulter le fait que la croissance de l’Irlande est bien supérieure à celle de Luxembourg. Il serait par ailleurs erroné de croire que le sujet ne concerne que l’industrie elle-même. La taxe d’abonnement est un impôt qui, dans la mesure où il est payé par les fonds, est supporté par les investisseurs au même titre que l’ensemble des autres frais. Force est de constater que sous l’effet de la concurrence, de la transparence accrue et

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La Commission européenne et l’autorité de supervision Esma poursuivent leurs efforts pour plus de convergence et d’homogénéité entre les différentes places financières, dans l’intérêt des investisseurs. A contrario, les facteurs permettant de positionner favorablement Luxembourg se réduisent pour l’essentiel à la qualité et au professionnalisme des acteurs et de l’autorité de supervision, à la transposition rapide et fidèle des textes européens – et à la fiscalité, d’où la sensibilité croissante des acteurs au sujet de la taxe d’abonnement. L’Alfi souhaite donc qu’une analyse en profondeur du système de la taxe d’abonnement soit faite pour en repenser les principes, en tenant compte des différents types de fonds, des catégories d’investisseurs et de la tendance fondamentale vers une baisse des frais de fonctionnement des fonds. Il y va de l’intérêt public d’assurer le futur de l’industrie des fonds, un secteur d’activité qui emploie 14.000 personnes et génère 46 % des recettes fiscales du secteur financier. Ces recettes sont générées non seulement par la taxe d’abonnement, mais aussi par l’activité des acteurs à Luxembourg, génératrice d’impôt sur le revenu pour les sociétés tout autant que pour les employés qui sont actifs ou travaillent dans ce secteur. Un aménagement de cet impôt est donc à mettre en relation avec le potentiel de croissance future des fonds à Luxembourg, et donc avec une augmentation des recettes fiscales de l’État luxembourgeois. Ne pas réagir tant qu’il en est temps revient à hypothéquer l’avenir.


DÉBAT

LE P O IN T D E VU

E D E LA C G FP

Par Stéphanie Ravat Conseiller économique, CGFP

A

vec 4.263 milliards d’euros d’actifs sous gestion fin février 2019, le Luxembourg est le premier centre pour fonds d’investissement en Europe et le 2e au monde après les États-Unis. Au niveau fiscal, les fonds d’investissement luxembourgeois sont exemptés d’IRC, d’ICC, d’IF et de la TVA. Ils ne sont soumis qu’à une taxe d’abonnement de 0,05 % par an de l’actif net sous placement, voire 0,01 % pour les FIS et les Fiar, qui représentent la majorité des fonds. Ils peuvent même être totalement exonérés sous certaines conditions. Au Luxembourg, le secteur bénéficie d’infrastructures offrant des conditions de vie et de travail optimales pour attirer les meilleurs experts, de la stabilité politique et sociale, de la réactivité exceptionnelle du législateur, ainsi que d’une administration performante qui a notamment digitalisé l’ensemble des procédures de déclaration. Or, offrir de telles conditions de développement a un coût pour l’État et pour la société qui devrait être réparti équitablement, en proportion du bénéfice qu’en tire le secteur.

FAIRE DE L’ARGENT AVEC DE L’ARGENT

Pourtant, l’industrie des fonds ose s’insurger contre la taxe d’abonnement au prétexte que, dans un contexte de concurrence et d’obligation de transparence accrues, les sociétés de gestion seraient contraintes de rogner sur leurs marges. Quel investisseur s’insurgerait contre une imposition de 0,01 %, alors que les petits épargnants, eux, ont vu la retenue à la source sur les intérêts de l’épargne augmenter de 10 à 20 % en 2017 ? Pourquoi le capital bénéficie-t-il toujours d’une imposition plus faible que le travail ? Alors que les mutations du monde du travail et la financiarisation de l’économie mon-

diale accroissent les inégalités, l’industrie des fonds devrait précisément contribuer davantage au développement économique et social du Luxembourg, dont elle est la première à tirer profit. Le monde de la finance semble, au contraire, avoir oublié l’objectif de tout investissement, qui était à l’origine de fournir des capitaux aux entreprises ou aux personnes pour leur permettre de mener à bien des projets ayant un impact sur l’économie réelle et sur la société. L’industrie des fonds s’est ainsi éloignée de cet objectif pour favoriser le rendement et la maximisation des profits

de l’investisseur averti qui ne semble s’intéresser qu’à « faire de l’argent avec de l’argent ». À l’heure où l’Eurogroupe est parvenu à vider de toute sa substance le projet de taxe Tobin à l’européenne et suite aux révélations de LuxLeaks et des Panama Papers qui ont valu au Luxembourg d’être épinglé par Bruxelles pour une planification fiscale jugée agressive, la taxe d’abonnement, scandaleusement basse, demeure justifiée et la réduire davantage ne ferait qu’exacerber les velléités contre l’iniquité fiscale luxembourgeoise.

MAJORER LA TAXE D’ABONNEMENT SUR LES FONDS PEU ÉTHIQUES

Dans la lignée des engagements de la COP21 et en faveur d’une fiscalité plus équitable, la CGFP considère que le gouvernement devrait rehausser la taxe d’abonnement et la majorer sur les fonds d’investissement spéculatifs et les fonds qui financent des entreprises dont le modèle repose sur l’exploitation des énergies fossiles, le nucléaire, l’armement, le travail des enfants, etc. La taxe d’abonnement majorée pourrait ainsi devenir à la fois dissuasive pour les investissements dans des fonds préjudiciables au climat et à l’humanité et incitative pour les investissements dans des fonds responsables, durables et éthiques. Concrètement, chaque document d’information-clé pour l’investisseur devrait indiquer un indice de durabilité basé sur le reporting intégré, ainsi que le taux de la taxe d’abonnement applicable en fonction de cet indice afin d’inciter l’investisseur à prendre sa décision d’investissement non plus sur la base de critères liés au seul rendement du fonds, mais également en fonction de son impact environnemental et social. Mai 2019 — Fonds d’investissement —

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PORTRAIT

TOM THÉOBALD, MINISTÈRE DES FINANCES

L’homme de la Place

D

epuis le 1er mars, Tom Théobald est devenu directeur du développement et de la promotion de la place financière luxembourgeoise. À 41 ans, l’homme aura un rôle essentiel à jouer pour le pays. Tom Théobald est en effet chargé, dans cette fonction nouvellement créée par le ministère des Finances, de contribuer à définir et mettre en œuvre la stratégie du gouvernement en matière de développement et de promotion de la Place. « Le grand défi sera de travailler à rendre la place financière luxembourgeoise toujours plus compétitive et à la faire connaître. Le pays devra parvenir à convaincre des institutions financières internationales de s’installer au Grand-Duché, mais également réussir à attirer les talents nécessaires à leur développement, confie N ­ icolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance, l’agence pour le développement de la place financière luxembourgeoise. Le Brexit l’a encore souligné : les Places concurrentes ne nous feront pas de cadeau. »

« UN POSTE CRÉÉ POUR SON PROFIL »

Si la tâche se révèle ambitieuse, Tom ­Théobald s’y est déjà plus que préparé ces dernières

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années. Avant de rejoindre le ministère, il a occupé, durant quatre ans et demi – de septembre 2014 à mars 2019 –, le poste de directeur adjoint de Luxembourg for Finance, organisme avec lequel il sera encore amené à collaborer de manière étroite dans l’exercice de sa nouvelle fonction. « Tom Théobald est une personne extrêmement intelligente et agréable. Collaborer avec lui est un réel plaisir, confie Nicolas Mackel, qui connaît donc bien le personnage pour avoir travaillé main dans la main avec lui au cours des précédentes années. Sa nomination n’est pas une surprise. Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a fait un excellent choix. C’est un poste qui a presque été créé pour un profil comme le sien, poursuit-il. Au fil des ans, Tom Théobald a en effet accumulé l’expertise et l’expérience nécessaires pour remplir le rôle qui lui est demandé. »

tion des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL). Durant six ans, il y a exercé le rôle de conseiller en charge de la communication et des relations presse. Parallèlement, il assurait la fonction de secrétaire du comité de direction de l’ABBL. Détenteur d’un doctorat en littérature anglaise et philosophie de l’Université de Newcastle au Royaume-Uni, obtenu en 2007, Tom Théobald a débuté sa carrière en tant que professeur d’anglais au sein du ministère de l’Éducation nationale. Il a ensuite été représentant du Luxembourg au sein de la troisième commission lors de la 62e assemblée générale des Nations Unies. « Il n’est pas nécessaire d’avoir une formation de base dans le domaine dans lequel on travaille pour exercer brillamment son métier, confie Nicolas Mackel. Il suffit d’avoir une tête bien faite, ce dont dispose assurément Tom ­Théobald. Il maîtrise la langue de Shakespeare à la perDES COURS D’ANGLAIS fection et, parallèlement, connaît très bien À LA PROMOTION DE LA PLACE l’industrie financière dans son ensemble et Avant de rejoindre Luxembourg for Finance, la place financière luxembourgeoise. Il a tout Tom Théobald avait fait ses premières armes ce qu’il faut pour mener à bien la mission qui dans le monde financier au sein de l’Associa- lui a été confiée. »  J. R.

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PHOTO Maison Moderne (archives)

Fort d’une expertise pointue acquise dans le monde de la finance, Tom Théobald a désormais pour mission de développer et promouvoir la place financière luxembourgeoise au nom du gouvernement. Portrait.


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CONTRIBUTION

Le match Luxembourg/ Dublin

Quelle Place profitera le plus de la sécession programmée des Britanniques ? Au moment de boucler cet article, les modalités du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne étaient encore incertaines. Mais suite aux multiples rejets de l’accord de retrait par le Parlement britannique, chacun a d’ores et déjà anticipé la possibilité d’un Brexit dur.

Par Jérémie Schaeffer partner, Atoz Tax Advisers

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A

lors que les gestionnaires d’actifs britanniques (GAB) semblent préférer Dublin pour se réimplanter 1, le Luxembourg compte globalement plus du double de sociétés de gestion d’OPCVM (205 vs 98) et de gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (253 vs 107) 2. La même faveur pour le Luxembourg ressort des volumes d’actifs nets en 2018, tant pour les OPCVM (€ 3,3 tn vs € 1,8 tn) que pour les FIA (€ 704 bn vs € 611 bn) 3. Fort de ce constat, le Luxembourg a introduit des mesures transitoires pour les GAB en cas de Brexit dur, leur permettant d’exécuter les contrats en cours, alors qu’en l’absence de mesures similaires en Irlande, une licence ad hoc devra être obtenue. La circulaire CSSF 18/698 a également dissipé les craintes d’une course vers le bas quant aux exigences d’autorisation des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. Les cla-

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rifications apportées seront cruciales pour la délégation de la gestion de portefeuille des FIA luxembourgeois aux GAB, rendue possible grâce au mémorandum d’accord conclu entre la CSSF et la Financial Conduct Authority. Plus généralement, le Luxembourg a encore renforcé son rôle de premier centre financier en accueillant et en favorisant le développement de banques internationales, de sociétés d’assurances et de réassurances et d’institutions de paiement. Le pays est un leader international de capitaux d’emprunt et est à la pointe de l’innovation dans la finance verte et les fintech et regtech. Fort d’une confiance renouvelée par les urnes, le gouvernement poursuit également sa politique de diversification de l’économie à travers la digitalisation, l’intelligence artificielle, la mobilité et les infrastructures. Rappelons enfin que le Luxembourg a démontré sa résilience durant la grande crise financière. Son économie devrait être moins exposée à un Brexit dur que celle de l’Irlande, centrée sur les exportations vers le RoyaumeUni, ce qui pourrait lui coûter jusqu’à 3,5 % de son PIB sur cinq ans 4. Le Grand-Duché fait par ailleurs preuve de stabilité et de cohérence dans ses messages relatifs au Brexit et dans son engagement vis-à-vis de l’UE et jouit d’une stabilité politique et sociale rare en Europe, quand la frontière nord de l’Irlande est l’une des pierres d’achoppement dans les négociations du Brexit. Que nous réserve donc l’avenir en cas de Brexit dur ? De la compétition ? Certainement, même si les États membres ont jusqu’ici fait preuve d’une grande cohésion face aux atermoiements britanniques. Un minimum de coopération au sein des forums législatifs européens ? C’est à espérer pour l’ensemble de l’UE après ce naufrage que serait un Brexit dur. Fortes de leur positionnement respectif sur le marché des OPCVM et des FIA pour le Luxembourg, celui des hedge funds et des ETF pour Dublin, les deux Places auront un rôle central à jouer dans ce contexte, ainsi que dans l’interaction de l’UE avec Londres. 

1.  New Financial: Brexit & the City – the impact so far, https://newfinancial.org/the-impact-of-brexit-on-the-city/ 2.  Cf. les registres de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), https://registers.esma.europa.eu/ publication/searchRegister?core=esma_registers_upreg 3.  Rapport statistique trimestriel au 4e trimestre 2018 de l’EFAMA, https://www.efama.org/SitePages/allpublications.aspx 4.  Reuters : https://uk.reuters.com/article/uk-britain-eu-i reland-split-exclusive/exclusive-ireland-cries-foul-overcompetition-for-brexit-moves-idUKKBN16L1RM

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PERSPECTIVES

INTERNATIONAL

le grand-duché, porte d’entrée de la finance chinoise Alors que les possibil­ ités offertes aux investisseurs interna­ tionaux de participer à la croissance chinoise s’étendent, la place financière luxembourgeoise se positionne en plate­ forme privilégiée pour connecter la Chine et l’Europe.

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C

ela fait de nombreuses années que les autorités chinoises et luxembourgeoises entretiennent des liens amicaux. En témoignent les récentes et régulières visites d’État entre les deux pays et les nombreux accords de coopération signés dans de nombreux domaines : économie, logistique, recherche, sans oublier, bien évidemment, la finance. Le 28 mars dernier encore, Xavier Bettel, Premier ministre luxembourgeois, signait avec son homologue chinois un mémoire d’entente bilatéral sur la coopération entre les deux pays dans le cadre de l’initiative « Belt and Road », un gigantesque projet d’infrastructures maritimes et terrestres entre la Chine et l’Europe. Dans la foulée, quatre accords ont été signés entre la Bourse de Luxembourg, la Bourse de Shanghai, la Bourse de Shenzhen, la Clearing House de Shanghai et la Bank of China. Ceux-ci visaient à renforcer la coopération, déjà bien entretenue, entre les places financières luxembourgeoise et chinoise. « Entre Luxembourg et Hong Kong, centre financier d’envergure, les échanges sont déjà nombreux. Les deux Places sont très complémentaires, explique Stéphane Karolczuk, associé de l’étude d’avocats Arendt & Medernach, head of office à Hong Kong. Luxembourg se présente en effet comme une plate-forme privilégiée pour des acteurs chinois qui veulent mettre en place des opérations sur le terrain, lever des fonds auprès d’investisseurs ou, plus généralement, investir en Europe. De son côté, Hong Kong est une réelle passerelle pour les entreprises chinoises ayant des ambitions internatio-

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nales ainsi que pour les acteurs étrangers désireux d’investir en Chine. Il y a donc de belles synergies à développer. » Il y a 10 ans, quand le cabinet d’avocats, suivant sa stratégie de développement international, a cherché où s’implanter en Asie, le choix de Hong Kong s’est imposé. « À l’époque, la finance chinoise entamait seulement son mouvement d’ouverture vers l’extérieur. Des acteurs financiers chinois importants en taille affichaient de nouvelles ambitions envers les marchés étrangers et leur première étape vers l’extérieur était assez naturellement le district de Hong Kong, qui jouit d’un statut particulier. C’est donc là que nous souhaitions être pour les accompagner au mieux dans leur expansion internationale », précise Stéphane Karolczuk. Les développements, depuis lors, ne lui ont pas donné tort. Bien au contraire.

L’EUROPE VIA LE LUXEMBOURG

Les acteurs financiers chinois investissent désormais dans le monde entier. Mais pour leurs transactions en Europe, la plupart passent aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, par le Luxembourg. Sept banques chinoises ont choisi d’établir leur siège social européen au Grand-Duché. Elles n’étaient encore que trois en 2013. Par ailleurs, les Chinois n’ont pas hésité à investir dans des banques locales. Depuis quelques mois, la Bil est passée aux mains du groupe pékinois Legend Holdings. « En développant leur présence au Luxembourg, les banques chinoises ont pour ambition première de mieux accompagner les acteurs économiques


PERSPECTIVES

de l’Empire du Milieu dans leur développement en Europe ainsi que la communauté chinoise européenne, mais également d’acquérir une clientèle européenne, notamment pour des produits d’investissement ayant un focus chinois », précise Stéphane ­Karolczuk. Au-delà des banques, plusieurs sociétés de la fintech d’origine chinoise développent des activités au départ du Grand-Duché. Au début de l’année, Alipay, service de paiement associé au géant chinois du commerce électronique Alibaba, a ainsi obtenu de la CSSF sa licence lui permettant d’opérer en Europe, au départ du Luxembourg. « De nombreux gestionnaires d’actifs utilisent désormais les produits luxembourgeois afin de lever des fonds auprès d’investisseurs internationaux qui souhaitent investir dans le marché des capitaux chinois, participant ainsi à la croissance de l’économie chinoise et de ses sociétés », ajoute l’associé d’Arendt & Medernach.

DOMICILE PRIVILÉGIÉ DES FONDS CHINOIS

Pour l’industrie des fonds luxembourgeoise, c’est évidemment une opportunité. En septembre dernier, lors d’une visite à Pékin et à Hangzhou, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, se félicitait que « près d’un tiers de tous les fonds qui investissent en Chine [soient] désormais domiciliés au Luxembourg ». « Plusieurs éléments rendent le Luxembourg attractif aux yeux des acteurs chinois de la finance. On peut notamment évoquer sa politique migratoire relativement ouverte vis-à-vis de nos citoyens », commente Alice Wang, cogestionnaire du Fonds Quaero Capital Funds (Lux) Bamboo au sein de Robert Lloyd George Management Hong Kong Ltd, un fonds dont la vocation est d’investir de manière prédominante dans l’économie chinoise. « La taille du Grand-Duché, son ouverture, sa position politiquement neutre en font une plate-forme transparente qui permet aux acteurs chinois de rayonner facilement à l’international. Pendant de longues années, les deux pays ont pu construire des relations durables sans que cela ne crée de remous ou d’inquiétudes. Désormais, 65 % de tous les fonds européens investissant en Chine continentale sont domiciliés au Luxembourg. » Le Grand-Duché est en effet devenu le deuxième plus grand domicile des fonds d’investissement chinois, derrière Hong Kong.

FACILITER L’ACCÈS AU MARCHÉ

Ce succès, le Luxembourg le doit aussi à sa capacité à mettre en place les bons outils, au regard de l’évolution des exigences des autorités chinoises encadrant strictement ces investissements étrangers. « Pendant longtemps, il a été particulièrement difficile pour un investisseur en Europe ou ailleurs dans le monde d’acquérir une action ou encore un

titre de dette en Chine, commente Stéphane Karolczuk. Au fur et à mesure que le marché chinois s’ouvrait, l’enjeu pour l’industrie des fonds luxembourgeoise a été de proposer des produits spécifiques, orientés vers ce marché porteur et compatibles avec les canaux d’accès mis en place par la Chine que sont les QFII, RQFII (RQFII), CIBM-Direct, Stock Connect et Bond Connect. » En 2011, la Bourse de Luxembourg a commencé à coter des obligations dim sum, libellées en renminbi et émises en Europe. Sept ans plus tard, elle est devenue, selon Luxembourg for Finance, le premier marché mondial de cotation d’obligations dim sum, dépassant Hong Kong, avec une part de marché de 26 %. En parallèle, la Chine a mis en place plusieurs programmes – QFII, RQFII, Stock Connect, CIBM-Direct, Bond Connect – permettant à des investisseurs étrangers d’investir dans l’économie chinoise à travers l’acquisition d’obligations ou d’actions. Le tout est généralement strictement encadré par la mise en place de quotas et l’octroi de licences, ou le passage par Hong Kong. « Luxembourg a accompagné cette ouverture en parvenant à intégrer les exigences définies par les autorités chinoises pour bénéficier de ces canaux d’accès, dans le cadre réglementaire applicable aux fonds, notamment OPCVM. On s’assure de cette manière que les fonds

sont directement compatibles avec les divers canaux qui permettent aujourd’hui d’investir en Chine, explique Stéphane Karolczuk. De cette manière, le Luxembourg est parvenu à accueillir les plus grands gestionnaires d’actifs chinois. Nous sommes aujourd’hui bien mieux positionnés que d’autres centres, notamment Dublin, pour faire approuver des produits centrés sur le marché chinois. » Par ailleurs, alors que le segment des fonds alternatifs est en plein essor, les acteurs chinois n’hésitent pas à positionner des AIF au départ du Luxembourg pour envisager des investissements à l’international. Enfin, sur les obligations vertes et durables émises par la Chine, le Luxembourg entretient un excellent partenariat avec la Bourse de Shanghai, où elles sont cotées, pour offrir un niveau d’information complet sur ces produits aux investisseurs étrangers. De cette manière, le Luxembourg est arrivé à se positionner comme centre financier renminbi de premier choix. À ce titre, il doit pouvoir encore mieux se positionner sur le marché.

PARTICIPER À LA CROISSANCE CHINOISE

La place financière devrait naturellement profiter de cette ouverture de l’économie chinoise au monde. « À côté des gestionnaires d’actifs chinois, désireux d’aller directement à la rencontre d’investisseurs étrangers, ce

INVESTISSEMENT

LE BOOM DES DÉPENSES CHINOISES EN R & D Dépenses intérieures brutes en R & D (en millions de dollars) 600.000

500.000

400.000

300.000

États-Unis Chine Union européenne (28) 200.000 2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

SOURCE OECD

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

— 35


PERSPECTIVES

sont les acteurs globaux de la gestion d’actifs qui se positionnent avec des véhicules au Luxembourg, afin de proposer à leurs clients des stratégies chinoises ou, à tout le moins, une exposition accrue à ces actifs chinois auxquels la plupart des investisseurs institutionnels étaient sous-exposés », ajoute Stéphane Karolczuk. Pour ces investisseurs institutionnels, la Chine offre un potentiel de croissance que l’on ne peut désormais plus négliger. « La demande relative à des opportunités d’investissement sur ce marché est aujourd’hui très importante. Elle s’est d’ailleurs encore renforcée depuis que le poids de la finance chinoise a été réévalué à la hausse dans certains indices globaux tels le MSCI Emerging Markets Index ou le Bloomberg Barclays ­Global Aggregate Bond Index. Le volume des investissements étrangers sur les marchés chinois reste cependant encore assez limité, commente Stéphane Karolczuk. Quand on le compare avec d’autres marchés internationaux, on constate qu’il n’y a en effet que très peu de capitaux étrangers au cœur de ce très vaste marché. » Si l’intérêt des investisseurs est grand, c’est que la croissance de l’économie chinoise est aujourd’hui bien supérieure à celles des régions occidentales. La Commission européenne table sur une croissance de 1,3 % sur l’ensemble des pays de la zone euro. Celle des États-Unis, en recul, tente de se maintenir autour de 2,5 %. « En Chine, même si les estimations ont été révisées à la baisse, la croissance du PIB devrait se situer entre 6 et 6,5 % pour cette année, commente Alice Wang. Nous espérons, selon nos estimations, qu’elle atteindra 6,2 %. Dans certains secteurs, comme les soins de santé, on peut même espérer une croissance de plus de 15 %. » Dans le contexte actuel, beaucoup désirent donc prendre davantage part à ce développement économique. « Aujourd’hui, la Chine représente 15 % de la croissance mondiale et 18 % de la population de la planète, poursuit l’analyste. Malgré ce poids, la Chine ne représente que 1,5 % des flux financiers d’investissement globaux. Si l’on considère le ratio entre le marché des capitaux et la croissance, il est de 145 % aux États-Unis et seulement de 51 % en Chine. Clairement, il y a un écart à combler. Le marché des capitaux doit pouvoir participer davantage à l’économie chinoise et les investisseurs étrangers devraient pouvoir mieux prendre part aux risques. »

EMPOIGNADES COMMERCIALES

L’Empire du Milieu présente donc de nombreuses opportunités. Et ses indicateurs économiques, pour la plupart, sont au vert. « Mais pour investir en Chine, il est hautement recommandé de disposer d’une bonne connaissance du marché, en étant présent 36 —

sur le terrain ou en se faisant conseiller par des acteurs locaux, capables d’identifier les meilleures opportunités en considérant la croissance sectorielle, mais aussi la qualité des gestionnaires portant les projets financés », précise Alice Wang. Tout n’est évidemment pas rose. « La Chine est aussi confrontée à un ralentissement de sa croissance et à un problème d’endettement croissant, poursuit l’experte de la gestion de fonds. Elle fait également face à des tensions géopolitiques croissantes et à une forme d’opposition de l’Occident. » De l’avis du responsable du bureau d’Arendt & Medernach à Hong Kong, il y a cependant lieu de relativiser les effets de cette guerre commerciale. « Ce sont bien évidemment des éléments qui doivent être pris en considération par les investisseurs. Il y a des discussions entre plusieurs puissances économiques, avec une volonté de préserver certains équilibres. Cela dit, cela n’empêche pas que des deals se mettent en place », précise-t-il.

EN QUÊTE D’INDÉPENDANCE

Dans ce contexte, on voit des marques chinoises entrer en concurrence, du moins sur le marché domestique, avec de grands acteurs internationaux, rivalisant désormais tant en termes de qualité que de technologie proposée. « La marque Huawei n’est qu’un exemple parmi d’autres. Sur le marché chinois, tandis que ses ventes décollaient au quatrième trimestre 2018 (+24 %), celles d’Apple s’effondraient de 20 % », précise Alice Wang. Quand les ventes de voitures de la marque Ford diminuent de 40 % sur l’année 2018, Geely, le principal constructeur automobile national, a enregistré une hausse de 20 %. Les tensions commerciales entre les ÉtatsUnis et la Chine, de fait, engendrent chez le consommateur chinois une réaction protectionniste. Celle-ci, en préférant les biens domestiques aux produits étrangers, est de nature à contrer le ralentissement de la croissance. « Il s’agit d’une tendance que les autorités cherchent à renforcer à travers leur système de notation sociale de la population. Il est désormais possible d’améliorer sa note de crédit social en achetant des biens produits sur le marché chinois, tout comme il est possible de le faire en louant les mérites du gouvernement sur les réseaux sociaux », commente Alice Wang. À la poursuite de ses ambitions, la Chine devra cependant davantage s’appuyer sur des investissements étrangers pour financer cette croissance et élever la qualité de ses produits.

LA R & D, MOTEUR DE L’ÉCONOMIE

À côté de cela, la Chine investit de manière conséquente dans la R & D, particulièrement dans le domaine technologique. « Chaque

— Fonds d’investissement — Mai 2019

année, la Chine importe pour 250 milliards de dollars américains de semi-conducteurs. Le fait que les États-Unis menacent de couper l’approvisionnement de ces composants à ZTE et à Huawei n’a fait que renforcer la détermination des Chinois à investir dans le développement technologique et à devenir moins dépendants d’acteurs globaux », explique Alice Wang. La Chine ne profite plus des différentiels de salaires uniquement pour les projets de fabrication à faible valeur ajoutée. « Là-bas, un doctorat coûte environ 20.000 dollars, tandis qu’aux États-Unis, il en coûte 90.000. Cela permet aujourd’hui à la Chine de devenir un acteur fort dans le domaine de la santé, explique Alice Wang. La Chine a maintenant une population hautement qualifiée et délivre huit fois plus de diplômes dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et de la médecine que les États-Unis, avec de nombreux retours de citoyens issus des meilleures universités, institutions et entreprises américaines pour les former. » On peut donc s’attendre à une croissance importante de l’économie dans les domaines des sciences de la santé. « Nous pensons que la Chine commence seulement à bénéficier d’une population très éduquée, travailleuse et motivée, qui stimulera l’innovation chinoise, et nous investissons dans les plus grandes entreprises à l’origine de ce progrès technologique », précise Alice Wang.

INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

À côté des investissements étrangers vers la Chine, il y a aussi lieu de considérer les flux qui partent de la Chine vers l’Union européenne. Si la Chine entend principalement alimenter sa croissance à l’intérieur de ses frontières, elle participe aussi davantage à l’économie mondiale. « Ces dernières années, une portion significative de l’ensemble des investissements chinois en Europe est structurée au départ du Luxembourg, commente Stéphane Karolczuk. En 2018, 13 milliards d’euros en provenance de Chine ont été investis en Europe. C’est sensiblement moins que les deux années précédentes, pour lesquelles ces investissements s’élevaient à quasi 40 milliards. 10 à 15 % de ces montants sont investis au et par le biais du Luxembourg, au travers de sociétés opérationnelles, de fonds ou au moyen de financements, notamment dans les domaines de la fintech, de l’automobile, de la logistique ou encore de l’espace. » Au-delà de la place financière, les acteurs chinois soutiennent donc la diversification de l’économie luxembourgeoise en investissant dans les divers secteurs-clés du pays. De quoi renforcer plus encore les relations entre les deux pays.  S.L.


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INTERVIEW

STEVEN MAIJOOR, PRÉSIDENT DE L’ESMA

«  Nous réfléchissons à des stress tests pour les fonds » Pour l’Esma, le gendarme européen des marchés financiers, les sociétés de gestion devront se soumettre à l’avenir à des tests de résistance comme il en existe dans le secteur bancaire. Entretien avec Steven Maijoor, son président.

ron 250 personnes à Paris. Et les 28 régula- velles entités établies dans l’UE27 aient suffiteurs nationaux sont tous représentés au sein samment de substance. Nous travaillons très consistent dans la protection des investis- de notre Conseil des autorités de surveillance. bien sur ce point avec de nombreux centres seurs et la stabilité des marchés financiers. financiers, et il est clair que le Luxembourg Les marchés financiers sont donc de notre res- Y a-t-il des sujets qui concernent plus joue un rôle important à cet égard. sort, et plus généralement tout ce qui n’est pas particulièrement le Luxembourg ? une banque ou une compagnie d’assurances. La CSSF est l’un des membres du Conseil des Quels challenges pose concrètement le Nous exerçons quatre activités principales. autorités de surveillance de l’Esma et Claude Brexit à l’Esma ? La première concerne les règles techniques Marx, son directeur général, y contribue acti- Le Brexit aura un impact réel sur les marchés applicables aux marchés financiers en Europe vement. Parce que le Luxembourg est une financiers européens, et cela demande beau(ou « Single Rulebook »). Notre deuxième mis- place financière majeure de l’UE, un grand coup de ressources et d’attention de notre sion consiste à s’assurer que les 28 régulateurs nombre de sujets sont importants pour la part. À ce stade, je pense qu’un quart, voire nationaux de l’UE appliquent ces règles de la CSSF, en particulier la gestion d’actifs, mais un tiers, de nos ressources et de notre permanière la plus cohérente possible. La troi- aussi les thèmes liés à la finance durable. Le sonnel est dédié au sujet du Brexit. sième est l’identification des risques sur les Brexit est un autre sujet majeur de notre traLes principaux défis concernent la relomarchés financiers, pouvant créer des pro- vail. Le Luxembourg fait partie des centres calisation des activités d’une part, et la préblèmes de stabilité ou de protection des inves- financiers qui attirent des acteurs britan- paration d’un Brexit sans accord d’autre part. tisseurs. Enfin, nous supervisons directement niques. En tant que superviseur européen, Même s’il s’agit avant tout d’une responsabiun petit nombre d’entités, comme les agences nous devons veiller à ce que les relocalisations lité des acteurs du marché, en tant qu’autode notation. Pour ce faire, nous sommes envi- se fassent dans les règles, et à ce que les nou- rité publique, nous pouvons aider à faire en 38 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

PHOTO Matic Zorman

Quel est le rôle de l’Esma ? S T E V E N M A I J O O R Nos principaux objectifs


INTERVIEW

sorte qu’il n’y ait pas de rupture des marchés financiers au lendemain d’un scénario de « no deal », si cela arrive.

de trading. Cela implique notamment que les titres ne peuvent être échangés en dehors de l’UE que s’il existe une plate-forme de trading non européenne équivalente en Quels accords avez-vous négociés termes de règles et de régulation. S’il y a avec le régulateur britannique, la FCA un Brexit avec accord, un exercice d’équi(Financial Conduct Authority), pour que valence en matière de plate-forme britanles activités des fonds puissent se pour- nique est prévu, et il n’y aura pas d’impact suivre après le Brexit ? sur le trading. En cas de Brexit sans accord, En cas de Brexit sans accord, les sociétés de ges- il n’y aura pas d’équivalence, ce qui signifie tion basées au Royaume-Uni ne pourront plus que nous devons maintenir les obligations utiliser le passporting et devront relocaliser liées à Mifid II en matière de trading : la liste leurs activités à temps si elles veulent continuer que nous avons publiée précise quels titres y à offrir des services dans les États membres de sont soumis. Cela va impliquer des frictions l’UE. Pour permettre aux entités de l’UE27 de sur les marchés, j’en suis conscient, mais déléguer et d’externaliser leurs activités vers c’est avant tout le résultat de la décision du le Royaume-Uni, nous avons conclu un pro- Royaume-Uni de quitter l’UE. tocole d’accord avec le pays tiers concerné, en l’occurrence le Royaume-Uni. Nous avons Après le Brexit, doit-on craindre des donc travaillé avec la FCA au Royaume-Uni et distorsions de concurrence entre le les 27 régulateurs nationaux sur un Memoran- Royaume-Uni et les 27 États membres dum of Understanding, afin que la délégation de l’UE, du fait d’une asymétrie de de gestion et l’externalisation soient possibles. régulation ? Avec le Brexit, les Britanniques ne seront de fait Vous avez publié une liste de titres plus soumis au même « Single Rulebook », et ils que les investisseurs ne pourront plus ne feront plus partie non plus de notre Conseil échanger dans le cas d’un Brexit sans des autorités de surveillance. Il existe donc accord. Pour quelles raisons ? un risque de divergence de régulation entre Le droit communautaire, en l’occurrence le Royaume-Uni et l’ensemble de l’UE27. La MiFID, a instauré des obligations en matière bonne nouvelle est que la FCA et le Royaume-

QUESTION DE LEXIQUE

QUELLE DIFFÉRENCE ENTRE RÉGULATION ET SUPERVISION ? Steven Maijoor explique : « La régulation concerne les règles qui s’appliquent, par exemple, aux gérants d’actifs, et qu’ils doivent suivre. Et la supervision consiste à s’assurer que les acteurs du marché respectent effectivement ces règles au quotidien. C’est un peu comme si la régulation était la limite de vitesse, et la supervision, la police. »

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

— 39


INTERVIEW

Uni ont annoncé qu’ils travaillaient à la mise en place d’une régulation qui soit la plus proche possible de la situation actuelle. Vous avez publié un rapport en début d’année sur le lien entre les coûts et les performances des fonds. Pourquoi cette étude ?

Vous avez lancé trois consultations publiques sur les initiatives prises en matière de finance durable. Quel est leur objectif ?

banque, nous estimons que celles-ci devraient également faire l’objet de stress tests. Nous Les investisseurs finaux souhaitent davan- avons déjà mené des consultations à ce sujet. tage tenir compte des facteurs du dévelop- Et nous prévoyons de publier, plus tard dans pement durable. C’est pourquoi nous avons l’année, des rapports sur les stress tests pour lancé des consultations sur la manière dont les fonds, autant pour les fonds monétaires les gestionnaires d’actifs et les entreprises que pour les fonds traditionnels. d’investissement peuvent intégrer ces critères de développement durable. Mais aussi sur la Quelle est votre position sur la façon dont les agences de notation doivent régulation des crypto-actifs ? prendre en compte l’impact du développe- Nous avons publié un rapport sur les crypto-­ ment durable lorsqu’elles publient leurs nota- actifs en janvier dernier, dans lequel nous avons tions. Nous travaillons encore sur les résultats. formulé nos recommandations aux instances Nous publierons des rapports finaux d’ici avril, européennes sur le traitement des crypto-­ pour les gestionnaires d’actifs et les entre- actifs. Fondamentalement, si des crypto-acprises d’investissement, et en juillet pour les tifs, comme, par exemple, certains « security agences de notation. token », ont les mêmes caractéristiques que des actifs financiers, nous estimons qu’ils doivent Sur quelles autres problématiques être encadrés de la même façon et qu’ils doivent majeures travaillez-vous en ce moment ? être supervisés par le régulateur. De plus, nous Étant donné l’impact potentiel que peut avoir sommes d’avis que, même si le crypto-actif la gestion d’actifs sur la stabilité du système n’est pas assimilable à un instrument finanfinancier, nous réfléchissons à la manière dont cier, nous devrions a minima pouvoir donner des stress tests peuvent être réalisés par les des avertissements aux investisseurs sur cersociétés de gestion. Les banques sont sujettes tains risques identifiés et nous assurer que des à des stress tests, et même si une société de règles s’appliquent pour répondre aux risques gestion est évidemment très différente d’une du blanchiment d’argent.  L. F.

40 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

RÉFORME DES AGENCES EUROPÉENNES

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT RENFORCÉE Le 21 mars, un accord européen a été trouvé pour réformer la surveillance européenne du système financier. Le paquet de mesures renforce le rôle des agences européennes de surveillance (EBA, EIOPA, Esma et ESRB). « Ce paquet est un préalable à une véritable union des marchés des capitaux. Les nouvelles règles conféreront également de nouveaux pouvoirs à l’Autorité bancaire européenne en ce qui concerne la surveillance du secteur financier aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux », a déclaré dans un communiqué Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, chargé de la stabilité financière.

PHOTO  Matic Zorman

Il est très important que nous parvenions à un système financier avec un rôle plus équilibré entre le secteur bancaire et les marchés des capitaux. Pour augmenter l’importance des marchés de capitaux en Europe, il est indispensable que les investisseurs finaux et les ménages y participent et investissent en dehors de leurs comptes épargne, par exemple dans des actions ou des fonds. Pour rendre ces placements plus attractifs, nous avons souhaité plus de transparence sur le sujet des coûts, pour aider l’investisseur final à faire le meilleur choix possible en termes de risque et de rendement. Cela constitue une opportunité pour l’industrie de la gestion d’actifs, y compris au Luxembourg. Mais celle-ci doit encore travailler sur le rapport performance-coûts. Dans l’étude, nous constatons que les coûts pour les investisseurs individuels ont un impact assez fort sur la performance : le rendement d’un fonds d’actions « type » est d’environ 7 %, alors que les coûts et frais atteignent environ 2 %. Et les coûts pour des investisseurs finaux sont deux fois supérieurs à ceux des professionnels !


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TENDANCE

Le boom des fonds durables L’intérêt des investisseurs pour les fonds durables, qualifiés de fonds ISR par les spécialistes, ne cesse de grandir depuis plusieurs années maintenant. Avec désormais plus de 600 milliards d’euros d’encours en Europe, il s’agit d’une véritable tendance de fond, sur laquelle le Luxembourg entend jouer un rôle à part entière, tout en évitant les risques de greenwashing. 42 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019


GREEN INVESTING

A

ujourd’hui, « les fonds durables ont le vent en poupe », indique Sachin ­Vankalas, directeur opérations et durabilité chez Luxflag. Ces dernières années, d’après les statistiques publiées par Morningstar, les fonds labellisés ISR distribués en Europe ont affiché une collecte annuelle se chiffrant en dizaines de milliards d’euros, portant ainsi leurs encours globaux à un montant dépassant les 600 milliards d’euros, selon l’association Eurosif, spécialisée dans la finance verte. Et même si ce montant reste encore modeste au regard de la taille de l’industrie de la gestion d’actifs européenne, l’engouement des investisseurs ne cesse de progresser. On ne peut plus aujourd’hui qualifier l’investissement responsable de simple phénomène de mode.

LE LUXEMBOURG, PLACE DE RÉFÉRENCE DE LA FINANCE VERTE

Face à cette tendance de fond, le Grand-­ Duché de Luxembourg entend jouer sa carte, en devenant une Place de référence pour les fonds soutenables en Europe, comme pour les fonds traditionnels. En effet, rappelons que, d’après l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi), aujourd’hui, 26,6 % des actifs sous gestion des fonds d’investissement européens sont domiciliés au Luxembourg, avec 4.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion à la fin du mois de septembre dernier, ce qui le place de loin sur la première marche en Europe, loin devant ­l’Irlande (15,3 %). Sachant qu’un poids grandissant de ces encours correspond à des produits étiquetés ISR, on comprend un peu mieux l’intérêt stratégique du Luxembourg à s’imposer sur ce marché. D’ailleurs, dans le but de satisfaire aux obligations issues des accords de Paris sur le climat, signés en 2016, mais aussi dans la droite ligne avec la politique de diversification de la place financière luxembourgeoise, le ministère des Finances entend s’établir comme le leader européen dans la finance verte et soutenable. C’est la raison pour laquelle les initiatives se sont multipliées dans ce sens au cours de ces dernières années

cacité énergétique, de la gestion durable des déchets et de l’eau, de l’exploitation durable des terres, du transport propre, ou encore de l’adaptation aux changements climatiques. Autre initiative : à travers la Climate Finance Task Force (CFTF), Luxflag, l’agence luxembourgeoise de labellisation, a lancé le Climate Finance Label en 2016, et le Green Bond Label en 2017, afin d’améliorer la transparence des investissements climatiques et verts et d’assurer la confiance des investisseurs dans ce marché. La même année, le gouvernement a conclu un partenariat avec la Banque européenne d’investissement (BEI), en vue de créer la Luxembourg-EIB Climate Finance Platform, visant à accroître l’effet de levier sur les investissements privés en faveur de projets climatiques, en atténuant leurs risques financiers. En 2017, le Climate Finance Accelerator a également vu le jour, offrant un support technique pour les gestionnaires de fonds d’investissement souhaitant investir dans des projets innovants ayant un impact positif sur le climat. Toujours en 2017, un fonds baptisé « Forestry and Climate Change Fund » (FCCF), ayant pour objectif de contribuer activement à la lutte contre la déforestation en Amérique centrale, a vu le jour. À la base de cette initiative, on trouve le gouvernement luxembourgeois – via le ministère des Finances et le ministère du Développement durable et des Infrastructures – et des investisseurs institutionnels du pays : la Banque et caisse d’épargne de l’État (BCEE), la compagnie d’assurances Foyer et la Banque internationale à Luxembourg (Bil).

L’INVESTISSEMENT DURABLE EN FORTE CROISSANCE AU LUXEMBOURG L’investissement responsable et durable se développe d’une classe d’actif de niche vers une classe d’actif courante. Les statistiques sur le marché européen de l’investissement responsable de 2016 indiquent une forte croissance de 26,6 % des actifs sous gestion depuis décembre 2014. Ainsi, le Luxembourg est le principal domicile européen de fonds responsables, domiciliant 39 % des actifs totaux sous gestion et 31 % en nombre de fonds.

DES PERFORMANCES AU RENDEZ-VOUS

Toutefois, pour encourager à investir dans des fonds soutenables, encore faut-il que leur performance soit au rendez-vous. Or, le constat est rassurant sur ce point, car cela semble être le cas, selon plusieurs études récentes réalisées sur le sujet, comme le précise Sachin V ­ ankalas. Ainsi, selon Morningstar, par exemple, l’application de critères extra-financiers dits « ESG » (pour environnementaux, sociaux et de gouvernance) pour sélectionner des titres en portefeuille donne des résultats positifs DE NOMBREUSES INITIATIVES LANCÉES pour l’investisseur ; et ce pour chacune des Pour ce faire, le Luxembourg a notamment lettres des critères ESG, à savoir le E, le S et redoublé d’efforts, en déployant des straté- le G. En effet, il semble assez logique que les gies de développement tous azimuts, et pas fonds soutenables ne soient pas les ennemis de seulement dans le seul domaine des fonds la performance. Cela a du sens et ne surprend soutenables. Tout d’abord, en 2016, la Bourse guère sur le fond, si on y réfléchit à deux fois, de Luxembourg a créé le Luxembourg Green car cette philosophie d’investissement peut Exchange (LGX), la première plate-forme permettre de miser sur des entreprises dont mondiale de cotation dédiée exclusivement l’activité a de fortes chances d’être créatrice aux obligations vertes. Rappelons que ces de valeur sur une longue période. Ainsi, le restitres obligataires émis par des États, mais pect de l’environnement peut aider une société aussi des entreprises privées, ont pour objec- à contrôler ses coûts, mais aussi à éviter des tif de financer des projets contribuant à la incidents dommageables, tout en se positiontransition écologique, en particulier dans le nant mieux dans l’économie de demain. De la domaine des énergies renouvelables, de l’effi- même manière, bien traiter les salariés profite

LE LGX MONTE EN PUISSANCE En septembre 2016, la Bourse de Luxembourg est devenue la première bourse mondiale à introduire une plate-forme pour les instruments financiers verts, et notamment les obligations vertes, à travers la création d’une plateforme dédiée, baptisée « LGX » (Luxembourg Green Exchange). À l’heure actuelle, la valeur totale des obligations vertes émises sur cette plate-forme atteint plus de 100 milliards d’euros. Mais le LGX ne s’arrête pas là, ayant étendu son offre aux obligations sociales et responsables, ainsi qu’aux fonds d’investissement ISR. D’autres projets de développement sont à venir, notamment dans la titrisation de produits financiers responsables, comme les nouveaux prêts verts.

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

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GREEN INVESTING

à une entreprise sur le long terme, mais contribue également à attirer et à retenir les talents, essentiels dans l’économie du savoir ; sans parler de la bonne gouvernance, qui conduit généralement à une meilleure prise de décision en entreprise. D’ailleurs, les résultats trouvés par Morningstar corroborent une étude académique réalisée par deux professeurs de finance – Christophe Revelli et JeanLaurent Viviani –, portant sur la rentabilité des investissements socialement responsables et établissant que cette approche génère une rentabilité comparable à celle d’un investissement classique. Effectivement, en étudiant de plus près les rendements des fonds soutenables, on se rend compte qu’au cours de ces dernières années, ces derniers affichent des performances similaires à celles des indices boursiers qui leur servent de référence. Et ce pour une raison toute simple, comme le rappelle Vincent Auriac, président du cabinet Axylia : « Leurs pondérations sectorielles et géographiques sont voulues très proches des benchmarks classiques, notamment pour les stratégies de type best in class. »

UNE LETTRE DE GAGE L’an dernier, le gouvernement a établi un cadre légal pour un nouveau type de lettres de gage axées sur les énergies renouvelables afin de contribuer au financement de ce type d’installations, c’est-à-dire « toute énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l’énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz, ainsi que l’énergie produite à partir de sources similaires », comme l’a précisé le ministère des Finances du gouvernement luxembourgeois.

LE RISQUE DE « GREENWASHING »

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— Fonds d’investissement — Mai 2019

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CER

IED

LUXFLAG, UN PRÉCURSEUR C’est en 2014 que la Luxembourg Fund Labelling Agency (Luxflag) a lancé le label ESG Luxflag, délivré à des fonds d’investissement répondant à des critères spécifiques concernant le respect d’objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ce label est accessible à des fonds Ucits et AIFMD domiciliés dans toute l’Europe ou dans des juridictions équivalentes. Il faut dire qu’« au cours des 10 années écoulées, le secteur de l’investissement

responsable s’est développé à un rythme qui a largement devancé la croissance de la plupart des autres stratégies d’investissement. Le label ESG de Luxflag est un nouvel outil parmi le large éventail d’initiatives qui encouragent les parties prenantes de fonds à agir de façon responsable et visent à réaliser un avenir meilleur et durable. Au Luxembourg, nous soutenons ardemment cette tendance », avait alors déclaré Pierre Gramegna, le ministre des Finances.

PHOTO Nader Ghavami

Du coup, l’investisseur soucieux de privilégier des valeurs véhiculées par cette thématique de la finance verte peut donc rester sur sa faim s’il investit les yeux fermés dans un fonds soutenable, c’est-à-dire sans se renseigner au préalable sur la méthode qui a été utilisée par les équipes de gestion pour construire leur portefeuille. D’ailleurs, il lui est également recommandé de faire le tri parmi les différents produits commercialisés, en raison du risque de greenwashing, qui est, précisons-le, une méthode marketing consistant à communiquer avec le public en utilisant une image écoresponsable, assez éloignée de la réalité. Pour éviter cet écueil susceptible de nuire à la crédibilité de la Place luxembourgeoise, Luxflag, une association luxembourgeoise sans but lucratif, entend promouvoir les secteurs de l’investissement durable en attribuant un label transparent aux fonds durables. L’objectif est de donner aux investisseurs l’assurance que leurs avoirs sont réellement investis de manière responsable, en se référant à des valeurs fondamentales essentielles, telles que la durabilité, la transparence, l’indépendance ou encore la responsabilité. Pour être labellisé, un véhicule d’investissement doit ainsi répondre à des critères d’éligibilité prédéfinis, vérifiés entre autres par des comités d’éligibilité indépendants, composés d’analystes, d’académiciens et d’experts de l’industrie. Mais il n’en reste pas moins que de nombreux experts militent pour la création d’un label européen destiné aux fonds d’investissement socialement responsables, afin d’assurer une certaine lisibilité commune à tous les investisseurs.


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GREEN INVESTING

En effet, l’engouement pour la finance verte a clairement déclenché, ces dernières années, la multiplication de lancements de produits se prévalant d’une image socialement responsable, un peu partout en Europe. Reste à savoir si leur plumage vaut leur ramage, car « certains fonds utilisent des mots faisant référence au monde ISR, tels que vert, clean, SRI, ESG, alors que leurs approches sont très faibles », précise Annika Cayrol, coordinatrice de la recherche pour l’ONG Financité.

DONNER PLUS DE SENS À L’INVESTISSEMENT DURABLE

Pour les investisseurs, il est parfois difficile d’y voir clair, d’autant plus qu’il existe, à l’heure actuelle, plusieurs méthodes d’investissement différentes pour gérer un fonds étiqueté ISR. Toutefois, d’après Novethic, c’est l’approche ISR liée à la thématique impact investing qui a actuellement le vent en poupe chez les investisseurs. Cette thématique est « plus facile à comprendre ou à aborder pour l’investisseur particulier, car très concrète sur sa valeur ajoutée en termes de durabilité », précise Ophélie Mortier, stratégiste investissement responsable chez Degroof Petercam Asset Management. Pour faire simple, cette stratégie a pour objectif d’investir dans des entreprises produisant un impact social positif, tout en prenant en considération le retour sur investissement. Dans le cadre de cette approche ISR, il est par exemple fréquent de trouver dans les portefeuilles des fonds mettant en œuvre cette stratégie, une société pharmaceutique démocratisant l’accès à la santé et aux médicaments, ou encore une entreprise favorisant l’égalité hommes-femmes ou les conditions de vie des enfants. Une façon de privilégier les investissements qui concilient performance financière et impacts positifs sur la société et/ ou l’environnement, et de donner véritablement du sens à son épargne, car « le marché de la finance durable a un futur prometteur et un rôle fondamental à jouer pour faire face aux enjeux globaux dans l’environnemental, autant que dans le social », indique Sachin Vankalas. Il va sans dire que le marché des fonds soutenables entre sans doute dans une nouvelle ère, où la seule intention de prendre en compte des critères ESG dans leur politique de gestion de fonds ne sera sans doute plus suffisante. Désormais, au-delà du simple rendement financier, les investisseurs demandent un retour social et environnemental sur investissement. C’est vers cette logique que convergent aujourd’hui de plus en plus d’investisseurs responsables, et la Place grand-­ ducale dispose aujourd’hui de toutes les armes pour amorcer ce changement et rester ainsi la Place de référence de la finance verte en Europe.  R.T. 46 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

FINANCE VERTE ET RESPONSABLE

GREEN LUXEMBOURG Les fonds actifs dans le champ des énergies renouvelables et du changement climatique représentaient, en 2016, 20 % des actifs sous gestion. Le Luxembourg occupe la première position dans cette catégorie, avec 38 % du nombre de fonds et 45 % d’actifs sous gestion.

Nombre de fonds par catégorie au niveau mondial Pourcentage

FORESTIERS

7

11

EFFET DE SERRE

ÉNERGIES RENOUVELABLES ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

36

%

17 EAU

29

ENVIRONNEMENT ET ÉCOLOGIE

Nombre de fonds par domiciliation Pourcentage

AUTRES LUXEMBOURG

38

38

% 4

ROYAUME-UNI

5 6

IRLANDE

9 FRANCE

BELGIQUE

SOURCE KPMG


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FONDS THÉMATIQUES

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Les 5 raisons 1 2 du succès des fonds 4 thématiques 3 GESTION D’ACTIFS

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2

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3

4 5

3 I

dentifiez un thème de croissance de long terme, sélectionnez des actions d’entreprises pouvant s’accorder avec ce thème, et vous obtiendrez un fonds actions thématiques. Pourquoi ces fonds sont-ils alors de plus en plus prisés ? Explication en cinq points.

5 5 Un investissement compréhensible, à forte rentabilité et bien marketé. Voilà quelques-uns des facteurs-clés du succès des fonds thématiques, qui expliquent l’engouement des investisseurs et le renchérissement de la concurrence entre gérants sur ce segment. 48 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

1

DES THÉMATIQUES TANGIBLES

Contrairement aux portefeuilles traditionnels d’actions ciblant des zones géographiques ou des secteurs d’activité, la gestion thématique fait le pari du transverse. Les principales caractéristiques des thématiques retenues par les gérants ? Elles sont facilement compréhensibles, décorrélées des cycles conjoncturels et recèlent des potentialités de croissance à long terme. L’eau, le digital, les smart cities, la sécurité ou la robotique font partie des thématiques proposées actuellement par de nombreuses sociétés de gestion. « Ce sont des investissements transparents et intuitifs, dont les thèmes sont clairs, ce qui attire les investisseurs », note Andreas Fruschki, directeur de la recherche sur les actions en Europe chez Allianz GI.


FONDS THÉMATIQUES

Lancée fin mars, la société de gestion spécialisée Thematics AM, filiale de Natixis IM, l’a bien compris : « La gestion thématique désacralise l’acte d’investir : l’investisseur sait dans quoi il investit, ce qui lui permet d’être résilient et de croire en son investissement », pose Mohammed Amor, son managing partner et directeur du développement, qui espère collecter 5 milliards d’euros d’ici trois à cinq ans sur ses quatre stratégies thématiques, réunies dans une sicav de droit luxembourgeois. Leader de ce segment de marché avec plus de 42 milliards de dollars d’encours sous gestion thématique (contre 20 milliards de dollars il y a cinq ans), Pictet AM a créé, elle, son premier fonds thématique en 1995 sur la biotech et le digital, et dispose aujourd’hui d’une quinzaine de stratégies. « Le développement des fonds ESG a permis de porter celui des produits à thèmes. Nous voyons plus spécifiquement une augmentation de l’investissement dans les énergies renouvelables, les transports durables, ou encore dans l’efficacité énergétique des bâtiments », indique Julie Castiaux, senior manager chez Deloitte Luxembourg. Chez KBL, on a identifié d’autres thématiques, comme l’électrification (de la voiture électrique à la smart city), les infrastructures, les nouvelles technologies en Asie, les biotech ou le changement de style de vie. « Pour la thématique sur le changement de style de vie, il s’agit de cibler les entreprises qui modifient leur offre de produits et services en prenant en compte la demande des consommateurs pour un mode de vie plus sain », explique Ilario Attasi, responsable groupe de l’Investment Research. Ostrum AM, filiale de Natixis IM, mise quant à elle sur le thème de la grande consommation, avec son fonds AAA, créé en 1985 et qui rassemble 1,2 milliard d’euros. Il est décliné au Luxembourg sous le nom d’Ostrum Food & Consumer Equities. Un peu plus décalé, CPR AM (groupe Crédit Agricole) a développé des stratégies thématiques comme « Silver Age » ou « Restructuration », liée aux opérations de fusions-acquisitions. Allianz GI a même lancé un fonds « Pet and animal wellbeing » en février 2019, qui cible les fabricants d’aliments, les distributeurs en ligne de produits, ou encore les fournisseurs de produits pharmaceutiques dédiés aux animaux. Depuis environ deux ans, les thématiques ont tendance à être de plus en plus étroites, ce qui peut aussi comporter des risques. « Il faut éviter d’être trop pointu dans le choix de la thématique : si l’univers sous-jacent est trop restreint, les effets de bulle peuvent être importants », prévient Marc-Olivier Buffle, spécialiste des produits seniors chez Pictet AM. Il s’agit donc de trouver le bon dosage entre une thématique trop diluée ou trop spécialisée.

2

UNE RECHERCHE POUSSÉE

Le succès d’un fonds est étroitement lié à l’identification de thèmes pertinents et à la sélection d’entreprises en croissance en lien avec eux. Et donc à la qualité du travail de recherche et d’analyse réalisé en amont. Comment les analystes parviennent-ils alors à s’accorder sur une thématique à développer, alors même que celle-ci peut n’être qu’un signal faible aujourd’hui et percer dans plusieurs années ? « Il faut avoir un horizon de temps très long, d’au minimum 10 ans. En termes d’allocation d’actifs, l’approche thématique comporte donc une dimension plus stratégique que tactique », précise Ilario Attasi. Marc-Olivier Buffle résume ainsi le processus de recherche : « Nous essayons de trouver des poches d’activités économiques qui croissent plus rapidement que le PIB mondial. Puis, nous identifions les entreprises cotées dont l’activité est soutenue par ces mégatendances, et qui y seront exposées positivement à long terme. Sur cette base, si l’univers d’investissement se révèle assez important, avec un rendement supérieur et une volatilité inférieure au marché, nous pouvons développer une nouvelle thématique. » Pictet AM a identifié 14 mégatendances, sur la base desquelles elle a élaboré ses stratégies d’investissement en actions. Parmi elles, entre autres : la dématérialisation, la société du savoir, l’individualisation, l’évolution démographique, ou encore l’économie de réseau. Reste cependant une difficulté à prendre en compte, selon Julie Castiaux : « Des problématiques réglementaires vont émerger, notamment en lien avec la taxonomie. Comment démontrer, par exemple, qu’un fonds sur les transports alternatifs répond bien à la définition européenne ? » Après l’identification d’une thématique, tout est ensuite une question de timing. Pictet AM avait, par exemple, eu l’idée de la robotique dès 2012, mais il n’existait alors pas assez d’entreprises cotées : la société a donc attendu trois ans avant de la commercialiser. « Pour valider une thématique d’investissement, il faut avant tout qu’elle soit investissable, c’està-dire qu’elle concerne un nombre suffisant d’entreprises », explique Andreas Fruschki. Le risque, le cas échéant, consiste à devoir investir sur toutes les entreprises identifiées pour un thème, ce qui peut conduire à un phénomène de bulle. Autre exemple : « La blockchain est une thématique pertinente, mais elle ne peut, pour l’instant, rester qu’un sous-ensemble de la thématique ‘techno’, car

il existe peu de sociétés investissables dont le chiffre d’affaires est sensiblement lié à la blockchain », remarque Ilario Attasi. Pour réaliser leur stock picking (sélection d’entreprises cotées), les gérants ne s’intéressent donc pas particulièrement au compte de résultats des sociétés, mais s’attardent plutôt sur la qualité de leur management et sur leurs investissements. « La difficulté consiste à trouver des sociétés dès aujourd’hui et dont la valeur est encore sous-estimée par les marchés », signale Ilario Attasi. Une autre stratégie correspond à miser sur des secteurs non cycliques et plus défensifs, comme le fonds AAA. « Sa caractéristique est sa faible volatilité, et le fait que tous les produits des sociétés retenues se retrouvent dans le caddie de la ménagère. Les produits de grande consommation sont peu cycliques, assez pérennes, et peu corrélés aux grands indices. Au final, le fonds résiste très bien au grand stress de marché », avance Jean-Louis Scandella, responsable des gestions et CIO d’Ostrum AM.

3

UN RENDEMENT ASSURÉ

Le rendement attractif et pérenne des fonds thématiques participe largement à leur succès. « Grâce à la croissance structurelle des entreprises sélectionnées, les fonds thématiques doivent surperformer l’ensemble du marché actions sur un cycle », estime Andreas Fruschki. Ilario Attasi l’explique ainsi : « Le rendement est généralement supérieur à d’autres segments d’investissement, car vous achetez une croissance de long terme. Et plus l’investisseur parie sur le long terme, plus il bénéficie du réinvestissement des profits dans cette forte croissance. » Résultat : 80 % des stratégies de Pictet AM ont dépassé le marché depuis leur lancement. Les sociétés du fonds AAA d’Ostrum AM enregistrent, elles, des taux de croissance d’environ 10 % par an. « Et sur notre fonds ‘nouveau monde’, qui comprend des franchises industrielles digitalisées, le taux de croissance des entreprises est compris entre 20 et 25 % par an », déclare Jean-Louis Scandella. Thematics AM constate que sa thématique sur l’eau a pris environ 15 % depuis le début de l’année, tandis que son fonds consacré à l’intelligence artificielle a crû, lui, de 25 %. Le rendement ne doit cependant pas occulter les frais de gestion qui s’appliquent à ce type de placements. « Ils reflètent en partie le niveau de ressources allouées et la singularité de la stratégie de gestion », affirme Andreas Fruschki. Selon Jean-Louis Scandella, « la

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

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FONDS THÉMATIQUES

gestion thématique est une gestion active : elle est donc toujours plus margée qu’une gestion passive, mais elle dégage davantage de rendement ».

4

UNE DEMANDE EN HAUSSE

Qui dit rendement attractif et investissement compréhensible, dit croissance de la demande. Tous les types de clients s’y intéressent. Pour un fonds comme celui du AAA, qui correspond à l’appétence de petits porteurs, la clientèle retail domine. Thematics AM remarque aussi que 85 % des clients de la gestion thématique viennent du retail, via les banquiers privés ou les multigérants, et 15 % sont des investisseurs institutionnels. Mais ces derniers tendent à prendre de plus en plus d’importance, pour de bonnes raisons. « Par le biais de la gestion thématique, les clients institutionnels peuvent mettre en œuvre les PRI (Principles for Responsible Investment) qu’ils ont signés. Il y a actuellement une sorte de mainstreaming des critères ESG, qui les rend de plus en plus sceptiques. Et l’approche thématique les attire par son impact positif en termes de durabilité », considère Marc-Olivier Buffle. Autre explication : « Si leur allocation avait tendance à être assez traditionnelle – approche sectorielle ou géographique –, les institutionnels recherchent désormais une plus grande diversification et une approche de conviction », observe ­Mohammed­ Amor. Si la curiosité et la demande sont là, les investisseurs demandent encore à être pleinement convaincus. « Avant, les clients nous questionnaient sur des fonds européens ou des actions individuelles. Maintenant, le discours tourne vite autour de questions sur des thématiques comme l’eau ou les batteries pour les voitures électriques. Par contre, il s’agit pour eux d’un élément de diversification, pas encore d’un investissement ‘core’ », observe Ilario Attasi. Avant d’ajouter que « les clients luxembourgeois, eux, n’y pensent pas spontanément. Ils vont d’abord privilégier l’immobilier, l’or ou le private equity. » Le plus gros consommateur de gestion thématique reste l’Italie, du fait de son réseau tentaculaire de conseillers en gestion de patrimoine, gros apporteurs d’affaires en la matière. La gestion thématique cherche par ailleurs à séduire hors de sa zone géographique de prédilection. « Son marché domestique est l’Europe, et son berceau, plutôt la zone francophone. Cependant, nous remarquons un intérêt grandissant de la part des inves50 —

tisseurs internationaux, et nous espérons élargir notre empreinte géographique grâce à l’affiliation à Natixis IM », anticipe ­Mohammed­ Amor.

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COMPÉTENCES POINTUES

Les compétences nécessaires à la gestion de ces fonds sont différentes de celles requises pour les fonds généralistes. « Les équipes de gestion doivent mélanger différents profils et avoir des gérants passionnés par leur thématique. Un fonds thématique demande de connaître son secteur sur le bout des doigts », certifie Jean-Louis Scandella. Les gérants doivent également bien comprendre l’environnement des PME cotées, en particulier en étant proches de leurs équipes de management. « Il faut avoir une bonne compréhension de l’exposition et de l’environnement des sociétés dans lesquelles on investit. Nous suivons ainsi environ 300 sociétés que nous connaissons très bien pour les détenir sur un horizon moyen de 7 à 10 ans », assure Mohammed Amor de Thematics AM, dont l’équipe de spécialistes est composée... d’anciens gérants de Pictet AM. Ce dernier craint cependant les dérives dues à l’effet de mode de cette gestion. « Certains se revendiquent gérants thématiques en apposant le nom d’un thème sur un portefeuille d’actions, alors qu’il s’agit d’un véritable style de gestion, qui requiert des convictions de long terme et une connaissance très fine des thèmes en question et des sociétés qui les composent. » La gestion thématique nécessite par ailleurs de faire appel à des ressources externes. « Elle traite de tendances à très long terme, et l’analyste financier ne peut pas faire ce travail seul ; cela nécessite des experts sectoriels. Nous achetons également de la recherche externe », précise Ilario Attasi. Les « mégatendances » de Pictet AM sont, par exemple, développées avec l’aide extérieure de futurologues et d’économistes. De son côté, Thematics AM travaille avec des spécialistes externes pour les critères ESG, et teste des partenariats avec des laboratoires de prospective et des bureaux de recherche universitaire. L’expertise externe n’est pourtant pas la panacée. Selon Julie Castiaux, « les asset managers qui auront le plus de succès à l’avenir se seront munis de ces capacités en interne ». Une sélection naturelle est donc à prévoir entre les gérants thématiques opportunistes et ceux qui s’en seront fait une spécialité à long terme.  L. F.

— Fonds d’investissement — Mai 2019

INVESTISSEMENTS ATYPIQUES

VINS, VOITURES, BIJOUX, CHEVAUX... Comme les fonds thématiques, les placements alternatifs misent sur l’appétence des investisseurs pour des actifs concrets et compréhensibles. Grands crus, art, voitures de collection, bijoux, mais aussi chevaux de course ou vignes, comptent parmi les placements alternatifs les plus prisés. Ils visent généralement une clientèle plus fortunée et avertie que celle des fonds thématiques. Et contrairement à ces derniers, qui identifient un thème particulier et sélectionnent des actions d’entreprises en rapport, les placements alternatifs peuvent prendre différentes formes d’investissement (achat tangible en direct, fonds commun de placement, groupements fonciers viticoles, fonds d’investissement spécialisés, etc.). L’achat d’actifs en direct constitue une solution particulièrement rentable, même si certains biens peuvent être surévalués. L’indice Knight Frank Luxury Investment estime ainsi leur rendement sur 10 ans à partir de fin 2018 : +582 % pour les whiskies rares, +258 % pour les voitures de collection, +193 % pour les pièces de monnaie, +158 % pour l’art et +147 % pour le vin. Encore faut-il disposer de solutions de stockage adéquates... Les placements atypiques ne sont pas sans risque : les manuscrits, le vin ou les diamants font régulièrement l’objet d’arnaques et d’avertissements des gendarmes des marchés financiers. Au Luxembourg, citons notamment la suspension par la CSSF, en 2013, de la sicav Nobles Crus, détenue par Elite Advisers.


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DANS LES COULISSES La distillerie Macallan, située à Craigellachie, dans la région du Speyside en Écosse, a produit la bouteille de whisky la plus chère de 2018 : une flasque datée de 1926 et peinte à la main par l’artiste irlandais Michael Dillon, qui a trouvé preneur chez Christie’s pour 1,5 million de dollars.

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— Fonds d’investissement — Mai 2019


DANS LES COULISSES

FONDS DE BOUTEILLES

L

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

PHOTO Maison Moderne (archives)

e whisky, nouvelle valeur refuge ? Selon l’indice Knight Frank Luxury Investment, basé sur une centaine de bouteilles, les whiskies rares ont affiché un rendement en hausse de 582 % sur les 10 dernières années, et de 40 % en 2018. Mieux que les grands crus, qui se sont appréciés de 147 % sur 10 ans, et de 9 % l’an dernier. Quelques fonds d’investissement spéciali­ sés commencent à percer, comme le Single Malt Fund (Stockholm) ou le Platinum Whisky Investment Fund (Hong Kong). Mais la majorité des investisseurs achètent les bouteilles en direct, aux enchères ou entre particuliers. Selon l’index Rare Whisky 101, le nombre de bouteilles vendues aux enchères a ainsi augmenté de 29 % en 2018, et leur valeur a crû de 63 %, pour atteindre près de 41 milliards de livres (contre 14 milliards en 2016). Knight Frank prévient cependant que « les prix sont si élevés et la demande si robuste que la survenue de contrefaçons ne peut qu’augmenter ». L. F. — 53


INTERVIEW

RAJAA MEKOUAR (LPEA)

«  Le private equity est un pilier de l’économie mondiale » 54 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

PHOTO Edouard Olszewski (archives)


INTERVIEW

Les investisseurs regardent de plus en plus le private equity en tant qu’alternative aux investissements boursiers. Et Luxembourg devient peu à peu une plate-forme essentielle en Europe pour les acteurs de ce secteur. Présidente de la Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA), Rajaa Mekouar revient dans le détail sur l’intérêt du secteur et ses particularités. Pour démarrer avec les bases, quelle définition peut-on donner du private equity ? Rajaa Mekouar De manière générique, ce sont

des investissements dans des instruments non cotés. Traditionnellement, le private equity investit dans des sociétés non cotées, mais dans notre définition, nous incluons aussi la dette non cotée, le venture capital ou encore les investissements en infrastructure. Aujourd’hui, on observe de plus en plus d’investissements des géants du private equity dans des sociétés cotées en bourse. On appelle ça les PIPE (private investments in public enterprises). Pour illustrer cette tendance, on peut mentionner le dernier fonds levé par la firme leader Blackstone, qui dépasse les 20 milliards de dollars. Pour déployer cet argent sur cinq ans, la durée légale dont dispose un fonds pour investir les engagements financiers confiés par les bailleurs de fonds, il faut au moins pouvoir déployer 2 à 3 milliards à la fois (10-15 % par investissement). Or, il n’y a pas beaucoup de sociétés non cotées qui peuvent absorber de tels investissements. On voit donc de plus en plus que les deux mondes convergent, mais typiquement, le private equity reste de l’investissement non coté. On voit aussi émerger des structures dites à « capital permanent » où le gestionnaire de fonds est moins contraint par la durée légale d’investissement pour déployer et revendre ses positions. Tout ceci témoigne du succès grandissant du private equity, désormais un pilier de l’économie mondiale. Comment cette classe d’actifs s’est-elle développée ?

Le private equity existe depuis l’époque des grandes familles industrielles américaines comme les Morgan de JP Morgan ou les Rockefeller.

dans le long terme, qui permet de prendre le temps qu’il faut pour créer de la valeur dans la durée. C’est donc un secteur en plein développement après s’être adapté...

Oui, nous sommes dans un cycle haussier depuis 3-4 ans. Et ce que j’aime particulièrement dans cette industrie, c’est qu’elle n’est pas complaisante et qu’elle sait toujours se remettre en cause. Même si on a affaire à de très gros fonds, les équipes sont relativement petites et adaptables. Qui sont les grands bailleurs de fonds du private equity ?

Ces grandes fortunes soutenaient des sociétés naissantes ou plus fragiles, qui n’avaient pas les moyens d’aller chercher des financements auprès des banques, à l’époque où ces dernières étaient, plus encore qu’aujourd’hui, réservées aux plus grands. Historiquement, cela a donc commencé il y a plus de 100 ans et ça s’est formalisé avec les fonds tels qu’ils sont structurés aujourd’hui et depuis les années 1980, d’abord aux États-Unis. Les premiers investisseurs dans le private equity ont été les fonds de LBO (leveraged buy-outs) qui visaient à racheter des entreprises avec un effet de levier pour maximiser le rendement et réduire les revenus imposables (les paiements d’intérêts étant déductibles). C’est une pratique en vogue dans les années 1980-90 et qui est toujours largement présente, mais elle a parfois donné une mauvaise image de l’industrie. On a perçu les fonds de LBO comme des investisseurs qui étaient là pour sabrer dans les coûts, réduire les effectifs et maximiser la plus-value pour eux, aux dépens des employés. Mais c’est faux, car les LBO ne se limitent pas à de l’ingénierie financière. Si c’était le cas, l’industrie du private equity n’existerait plus… De nos jours, le private equity investit aussi dans l’innovation via les grands fonds de venture capital et sont créateurs de valeur pour toutes les parties prenantes, notamment le management de la société cible, les bailleurs de fonds et bien sûr les actionnaires de cette dernière. Avec la crise de 2008, on a vu s’accélérer la spécialisation des acteurs du private equity par secteur, pays, taille d’investissement. Le secteur a donc bien évolué et aujourd’hui on voit, en prenant des indices comparables, qu’il performe mieux que la bourse sur de longues périodes de 5, 10 ou 15 ans, car la notion-clé à retenir du private equity est qu’il s’inscrit

Ce sont les gros fonds de pension et les compagnies d’assurances, et de plus en plus les fonds souverains, les fondations et les family offices. Ils disposent de liquidités phénoménales et n’ont pas d’autre choix, avec la situation actuelle des taux d’intérêt, que d’investir par ce moyen, mais la raison principale pour eux de déployer leurs capitaux en private equity est que la performance suit… Par ailleurs, pour certains fonds de pension, il s’agit d’investir de l’argent public, c’est-àdire de l’épargnant lambda. En ce sens, les bailleurs de fonds publics doivent se montrer les plus transparents possible. L’industrie du private equity devient donc plus ouverte et se révèle plus qu’avant, à mesure que sa taille s’élargit. Mais depuis peu, on voit que d’autres acteurs comme les banquiers privés, les grandes familles, les personnes fortunées et les gestionnaires de fonds plus traditionnels s’y intéressent de plus en plus. Toujours pour les mêmes raisons de surperformance. Quels sont les avantages du private equity par rapport à d’autres types d’investissements ?

Premièrement, c’est moins volatil que la bourse. On ne mesure pas la performance tous les jours puisque lorsqu’une société est reprise par un fonds de private equity, elle est transformée sur un horizon de 3 à 5 ans. Ensuite, les gestionnaires se concentrent sur un nombre de participations assez restreint par fonds / équipe. Ils sont très activement impliqués, avec une présence au conseil d’administration et une forme de partenariat formel et humain avec le management. Ils sont donc plus à même de pouvoir créer de la valeur à long terme. Enfin, les intérêts sont alignés. Le gestionnaire du fonds investit lui aussi son argent dans ce fonds et lorsqu’il perçoit sa plus-value, il la sort sur l’ensemble du fonds et pas seulement sur un investissement en particulier, dans la plupart des cas. C’est une obligation légale formalisée dans les documents qui lient le gestionnaire à son bailleur de fonds.

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INTERVIEW

Oui, c’est d’ailleurs pour cela que je parlais de spécialisation. Aujourd’hui, les grands fonds sont souvent spécialisés par secteur avec des équipes dédiées. De plus, il existe tellement de liquidités que les sociétés peuvent choisir les investisseurs. Elles iront donc naturellement vers un fonds spécialisé qui pourra lui apporter sa connaissance pour créer de la valeur. Le private equity est devenu un métier technique, apporter de l’argent ne suffit plus. Et donc il existe une forte concurrence entre les fonds pour trouver les bonnes sociétés ?

Le marché est très polarisé. Les géants comme Blackstone, Carlyle, TPG ou KKR se font souvent concurrence, mais ils réalisent parfois aussi des opérations ensemble, préférant partager le risque entre eux. Au niveau des PME, une grande concurrence existe aussi. Rien qu’en France, on voit plus de 200 fonds actifs aujourd’hui, ce qui donne parfois lieu à des surenchères sur les prix. Mais chacun a son approche. Certains prennent seulement des positions de minoritaire, d’autres sont spécialisés dans tel ou tel secteur. Personnellement, je crois beaucoup à la spécialisation. Je pense qu’aujourd’hui, l’idée d’expertise technique est acquise. Le private equity reste réservé à de grands investisseurs aux moyens importants. Y aurait-il un intérêt à le démocratiser ?

C’est en train de changer. Le débat est ouvert autour de cette question. Aujourd’hui, il faut être un investisseur qualifié et professionnel, mais l’apport des banques privées et de certains véhicules spécialisés permet déjà d’investir à partir de 100.000 euros. Et il y a une chose dont on parle rarement, c’est le fait que des géants du secteur comme Blackstone et KKR sont, eux, cotés en bourse. La question est donc de savoir si acheter des actions de ces sociétés revient à investir en private equity. Moi, j’estime que non, parce qu’il faut tenir compte de la volatilité des marchés. Mais aux États-Unis, ils ouvrent en tout cas les vannes pour recueillir l’épargne de l’investisseur lambda. Et on voit aussi que des fintech récemment créées apportent aujourd’hui une solution afin de permettre à des investisseurs plus modestes, qui injectent 100.000 euros ou plus, d’accéder aux fonds phares de private equity, alors qu’en principe, ils n’acceptent aucun ticket d’investissement en dessous de 10 ou 20 millions. On observe donc une forme de démocratisation de l’industrie, mais je ne sais pas s’il est bon de la recommander. Il faut 56 —

quand même comprendre la mécanique, mais c’est un sujet sur lequel la LPEA va se pencher prochainement et, de toute façon, la réglementation est claire sur le fait que l’accès à cette classe d’actifs est réservé aux investisseurs dits « qualifiés ». Donc cette barrière à l’entrée est simplement réglementaire ?

Oui. On ne peut pas proposer n’importe quel produit à n’importe quel épargnant. Ce sont des investissements plus risqués dans la mesure où ils ne bénéficient pas de la liquidité d’une action. Vous ne pouvez pas céder votre investissement en private equity du jour au lendemain comme une action. L’idée est donc d’éviter que des investisseurs peu avertis se retrouvent coincés pendant des années dans quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas. C’est l’engagement du private equity : investir sur le long terme pour une performance accrue. Les banquiers privés envisagent de plus en plus d’investir en private equity pour leurs clients. C’est une nouvelle tendance ?

Oui, effectivement. C’est encore très embryonnaire au Luxembourg, mais ça l’est beaucoup moins à Zurich, Genève, Londres et Paris. Les clients en demandent, surtout les nouvelles générations qui apprécient les nouvelles technologies et sont entrepreneuriales, voire plus « agressives » dans leur approche de la gestion de leur capital. La seconde raison, c’est que les performances boursières ont été décevantes et la volatilité tue la confiance. Les ETF qui permettent d’investir passivement pour pas grand-chose payent mieux, ce qui pénalise la gestion active de portefeuille. Les banquiers privés se demandent comment faire pour booster la performance des portefeuilles de leurs clients. Il reste évidemment une barrière par le fait du ticket minimum, mais qui est en train de sauter grâce aux efforts de certaines banques qui développent des véhicules spécifiques pour abaisser ce ticket d’entrée et les fintech mentionnées ci-dessus. À Luxembourg, j’ai déjà vu une banque privée qui proposait d’investir à partir de 15.000 euros, ce qui est très peu, à travers des véhicules d’investissement adaptés au profil du client. Le private equity a augmenté en volume au Luxembourg ces dernières années. Quelles sont les raisons de cette percée sur la Place ?

Nous essayons d’obtenir des statistiques de plus en plus précises, mais ce qu’on voit en tout cas, c’est une forte augmentation des emplois. C’est un marché en pleine croissance. À l’image de ce qui se passe au niveau mondial, mais avec l’avantage au Luxembourg d’avoir bénéficié d’un effet Brexit, même si on ne s’en

— Fonds d’investissement — Mai 2019

BIO EXPRESS Au Luxembourg depuis décembre 2015, Rajaa Mekouar-Schneider est la présidente de la Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA) et la head of private equity du family office d’un groupe d’entrepreneurs luxembourgeois chevronnés. À 16 ans, elle quitte le Maroc pour passer son bac à Paris (1991) puis poursuit ses études à HEC. En 1997, elle se rend en Allemagne pour Procter & Gamble. Après un retour en France pour un MBA à l’Insead (2000), elle part pour un bail de 15 ans à Londres dans le secteur du private equity en tant qu’investisseur dans des fonds de LBO mid cap puis auprès de family offices à travers sa propre holding, Maera Capital.

réjouit pas. De plus en plus de sociétés de private equity établissent leur domicile européen, voire international, au Luxembourg parce que le pays est au sein de l’Union européenne et est réputé stable. Mais on observe aussi que les réglementations au niveau de l’OCDE sont de plus en plus contraignantes. Et les grands fonds, qui auparavant ne voyaient aucun problème à s’installer dans des zones off-shore comme les îles Caïmans, n’y vont plus aujourd’hui. Le Luxembourg est sans doute plus exigeant mais plus fiable. C’est donc un gage de transparence et de professionnalisme. En chiffres, comment se marque cette évolution sur la Place luxembourgeoise ?

Nous employons environ 6.000 personnes en direct et nous estimons le total des encours à 500 milliards d’euros, soit 10 % environ du total mondial. Luxembourg est le deuxième centre de fonds de private equity en Europe après Londres. 95 % des plus gros fonds au monde sont présents au Luxembourg, et 90 % des plus grands fonds européens y sont domiciliés. Pour revenir à l’emploi, au niveau de la LPEA, nous estimons à 900 les offres actuellement ouvertes. Donc si quelqu’un s’intéresse au métier, il peut trouver facilement un emploi dans l’industrie. Jusqu’à récemment, il s’agissait surtout de jobs dans le back-office, mais désormais, il en existe aussi dans la compliance et de plus en plus dans les métiers liés

PHOTO Edouard Olszewski (archives)

Le fait d’être présent au conseil d’administration implique que le gestionnaire investisse dans des sociétés qu’il connaît bien ?


Notre approche a résisté à l’épreuve du temps.

Capital Group figure parmi les plus anciennes sociétés de gestion au monde, et The Capital SystemSM est le pilier central de notre processus d’investissement depuis 1958. Nos portefeuilles allient les styles d’investissement de chaque gérant, ce qui assure une diversification naturelle du risque, tout en laissant à ces derniers la liberté d’exploiter leurs idées porteuses des plus fortes convictions. Une approche de recherche fondamentale possède à notre avis un atout déterminant, celui de générer des résultats supérieurs pour nos investisseurs, le tout avec une volatilité réduite. Pour en savoir plus, consultez capitalgroup.com/europe

Les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs. La valeur des investissements peut fluctuer à la hausse ou à la baisse et les investisseurs ne sont pas assurés de récupérer l’intégralité de leur mise initiale. DOCUMENT RÉSERVÉ AUX PROFESSIONNELS DE L’INVESTISSEMENT Le présent document publié par Capital International Management Company Sàrl (« CIMC »), 37A avenue J.F. Kennedy, L-1855 Luxembourg, est fourni à titre d’information uniquement. CIMC est régie par la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») et est filiale de Capital Group Companies, Inc. (Capital Group). La société Capital Group s’efforce d’obtenir des informations de sources réputées fiables. La société Capital Group s’efforce d’obtenir des informations de sources tierces qu’elle croit fiables, toutefois, elle ne peut certifier ni garantir leur exactitude, leur fiabilité ou encore leur caractère exhaustif. Le présent document n’a pas vocation à être complet ni à fournir un conseil d’investissement, fiscal ou autre. © 2019 Capital Group. Tous droits reserves.


INTERVIEW

à l’investissement. Luxembourg attire donc de plus en plus de talents sophistiqués, mais on ne les trouve pas sur place. La LPEA dit souvent que le Luxembourg est de plus en plus un hub européen dans le private equity. Comment cela se marque-t-il ?

Gérer un fonds de private equity coûte de plus en plus d’argent à cause des exigences réglementaires et des exigences opérationnelles croissantes, ce qui amène les fonds à rassembler leurs centres en un seul lieu. L’un des avantages au Grand-Duché, c’est que tous les conseillers sont sur place, c’est donc plus efficace, sans oublier l’aspect vraiment international qui permet d’être multilingue plus qu’ailleurs et la position géographique centrale dans l’Union européenne. Nous notons aussi l’émergence du Luxembourg comme hub pour les family offices, ces structures qui gèrent les avoirs de grandes familles fortunées. Elles choisissent de plus en plus le Grand-Duché comme hub pour sa stabilité, et sachant que leur allocation en private equity dépasse les 20 % du total des avoirs, ce qui contribue aussi à la croissance du secteur ici.

« Luxembourg est le deuxième centre de fonds de private equity en Europe après Londres. »

La finance durable était un des grands thèmes de votre conférence annuelle. C’est devenu un objectif phare ?

Certainement, et le mouvement vient de la pression des grands bailleurs de fonds. Ce sont les premiers à avoir exigé cette « sustainability », mais c’est en train de se généraliser dans toute notre industrie. La moitié des fonds de private equity ont déjà un rapport plus ou moins proche avec les critères ESG (environnement – social – gouvernance), qu’ils disposent d’une équipe dédiée ou qu’ils aient mis en place des critères. Il existe encore un problème de génération qui fait que ce n’est pas encore généralisé, mais je ne vois pas la machine s’arrêter. Certains fonds qui se sont spécialisés dans la finance d’impact, par exemple, connaissent de véritables success-stories. Si je devais faire un pronostic, je dirais que, dans un délai de 5 à 10 ans, la finance soutenable représentera la grande majorité des investissements. Quels sont les prochains défis du secteur ?

Un retournement de conjoncture avec une augmentation des taux d’intérêt serait un moment de vérité. Mais on en parle depuis longtemps et l’industrie y est plus ou moins préparée. Les entreprises ont serré les boulons et sont très rentables. Elles disposent donc de coussins de sécurité, les fonds aussi, qui ont levé des montants de cash substantiels ces 2-3 dernières années, mais cela pourrait affecter les performances négativement. L’impact de la 58 —

technologie nous pose aussi question. Des métiers vont-ils devenir redondants ? Des sociétés vont-elles disparaître faute d’avoir su rester à la pointe ou bien, au contraire, va-t-on voir naître une nouvelle source de croissance ? Au niveau des normes ESG, tout le monde n’est pas à la page, certains n’estiment pas cela nécessaire, et il manque un standard universel pour que chacun puisse se situer. Enfin, j’estime que l’industrie manque de diversité. À peine 6 % des décideurs en private equity au niveau mondial sont des femmes. C’est catastrophique. C’est pire que dans n’importe quel autre secteur. Or, la diversité permet d’améliorer encore la performance, c’est prouvé statistiquement. D’où l’initiative PE4W (Private Equity 4 Women) que vous venez de lancer au sein de la LPEA ?

Si on veut que cette industrie prospère, il va falloir la diversifier un peu. C’est un vrai défi. Ce problème est général dans la finance, mais c’est en private equity que la situation est la pire. J’étais choquée des chiffres. À quoi est-ce dû ?

C’est sans doute lié à l’image, à l’impression d’un métier dur, masculin, sans flexibilité. Or,

— Fonds d’investissement — Mai 2019

il faut tenir compte des impératifs de la vie de famille. Les employeurs ne sont pas toujours très flexibles, mais ils vont devoir le devenir, pour les hommes et les femmes. Ce sont des combats, et ce qui m’intéresse, c’est que des femmes qui ont 25-30 ans aujourd’hui ne se découragent pas. Je n’imagine pas que, dans 10 ans, on puisse encore n’avoir que 5 % de femmes au top. Et je vois de plus en plus que les hommes se rallient à cette cause. Quelles seront les premières actions de cette nouvelle association ?

D’abord parler des success-stories de femmes, et de celles permises par les hommes. Tout ne se passe pas mal pour les femmes. Je crois beaucoup à la communication de ce qui va bien et de ce qui existe. Ça doit aussi être une plate-forme d’échanges entre femmes et hommes. Elles ont moins tendance à pratiquer le réseautage à la manière des hommes. Ensuite, on peut imaginer des ateliers de travail, des événements dédiés en invitant des coaches qui pourraient devenir une source d’inspiration. On peut aussi travailler avec l’université en amont pour attirer plus de femmes au départ, avant de tout faire pour qu’elles restent car le problème est plus aigu dans les rangs seniors.  J.-M. L.


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CONTRIBUTION OU RGTECH FUND EY LU XE MB DIGITAL

pourquoi la jurisprudence européenne  change la donne

sive, et notamment (de manière non exhaustive) : l’utilisation de sociétés relais dénuée de justification économique, l’interposition de sociétés permettant de jouir de taux de retenue à la source plus favorables, le bref laps de temps s’écoulant entre le moment où des revenus sont perçus et distribués, ou encore le manque de pouvoir décisionnel réel en ce qui concerne l’affectation des revenus perçus par une société.

NOTION DE BÉNÉFICIAIRE EFFECTIF

En ce qui concerne la notion de bénéficiaire effectif, la Cour indique qu’il ne s’agit pas forcément de la personne qui reçoit formellement les revenus, mais plutôt de celle qui en bénéficie économiquement et qui a le droit d’en déterminer l’affectation. Cette jurisprudence européenne est d’une certaine manière un alignement des conditions à remplir pour bénéficier des directives IRD et PSD d’une part, et des traités contre la double imposition d’autre part, dont bon nombre ont intégré la notion de « principal purpose test » (PPT) visant à refuser les bénéfices d’un traité lorsque l’objectif principal, ou l’un des objectifs principaux, poursuivi par un contribuable est l’obtention d’un avantage fiscal.

IMPACT DU PPT

Par Olivier Bertrand Partner Tax, EY Luxembourg

60 —

E

n essence, la Cour confirme qu’un contribuable ne peut abusivement se prévaloir des exonérations prévues par ces directives et apporte des précisions importantes quant à la notion d’abus et de bénéficiaire effectif.

NOTION D’ABUS

En ce qui concerne la notion d’abus, la Cour indique qu’elle requiert la coexistence de circonstances objectives et d’un élément subjectif. Selon un ensemble de circonstances objectives, il doit être démontré que, malgré le respect formel des conditions de la directive, l’objectif poursuivi par cette dernière n’a pas été atteint. Quant à l’élément subjectif, il tend à démontrer que l’un des objectifs poursuivis par le contribuable est l’obtention d’un avantage fiscal en créant artificiellement les conditions requises par la directive. À ce titre, la Cour donne un faisceau d’indices pouvant être révélateur d’une situation abu-

— Fonds d’investissement — Mai 2019

PHOTO EY Luxembourg

Le 26 février 2019, en réponse aux questions préjudicielles posées par les tribunaux danois, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu des conclusions portant sur l’utilisation supposée abusive de structures d’investissement et sur l’application des directives européennes concernant le régime des sociétés « mère et filiales » et le régime des « intérêts et redevances » (respectivement PSD et IRD).

Ce concept de PPT est à appréhender en fonction des situations pays par pays. En effet, en l’absence de règles d’imposition de plus-value des non-résidents ou de retenue à la source sur dividendes et intérêts, le PPT devrait avoir un impact limité, alors qu’en présence de telles règles, il est important de comprendre la manière dont une structure d’investissement sera analysée par une administration locale, de façon à estimer le risque fiscal y afférent. Une nuance est à apporter quant aux effets de cette jurisprudence européenne. Alors que le PPT introduit dans les traités sera applicable « en principe » à partir de l’année 2020, la jurisprudence européenne a des conséquences immédiates sur des structures d’investissement existantes, et crée donc un risque à effet immédiat, voire rétroactif, pour une société qui ne satisferait pas les nouveaux standards de l’industrie des fonds alternatifs, à savoir la structuration d’investissements via des sociétés ayant une réelle justification économique et un niveau de substance approprié à leurs fonctions. 


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PALMARÈS

FOCUS

géants de la Place

Les

Dans son rapport sur l’industrie luxembourgeoise des fonds d’investissement, la société londonienne Monterey Insight dévoile chaque année une photographie détaillée des différents acteurs du secteur.

L’

industrie luxembourgeoise des fonds d’investissement prend une place considérable dans l’activité globale du pays. Avec, rappelons-le, 4.200 milliards d’actifs sous gestion environ dans 3.900 fonds et 15.000 sous-fonds, le Grand-Duché a développé une expertise mondiale. Pourtant, à l’exception des quelques statistiques qui apparaissent comme la face émergée d’un iceberg géant, on connaît mal la photographie détaillée de ce vaste pan de la finance internationale. Pour pallier ce manque, la société britannique Monterey Insight s’est positionnée en tant que centre de recherche sur les fonds d’investissement, et plus particulièrement sur les prestataires de services qui en composent l’écosystème. Basée à Londres, elle est apparue sous ce nom en 2012 après avoir quitté le périmètre du groupe Thomson Reuters lorsque ce dernier a voulu se séparer de certaines branches d’activité. Depuis plus de 20 ans, Monterey Insight produit des rapports nationaux sur l’industrie des fonds. Elle publie tous les ans un rapport sur le Luxembourg, l’Irlande, Jersey, Guernesey et, depuis cette année, le Royaume-Uni. « Notre spécificité, c’est l’exhaustivité, explique Karine Pacary, sa directrice générale. Nous n’analysons pas un échantillon, nous visons une couverture globale. Au niveau de notre activité globale, nous analysons environ 37.000 fonds. » Pour ce qui concerne le Grand-Duché, quatre personnes consacrent plusieurs mois par an au rapport qui sort traditionnellement à la mi-mai.

JP MORGAN, PILIER INCONTOURNABLE

Qui sont les champions de la Place ? Selon la dernière édition parue en 2018, le groupe de

62 —

Boston, State Street, maintenait sa position de leader du marché dans l’administration de fonds, en gérant à lui seul 18% des actifs. Second sur ce podium, le groupe financier new-yorkais JP Morgan faisait toutefois figure de pilier incontournable tous secteurs confondus. Car il pointait également à la première place dans la catégorie des banques dépositaires (avec 19 % des actifs), dans celle des promoteurs / initiateurs de fonds (8 %) et dans celle des sociétés de management (9 %). Le canadien RBC Investors Services Bank arrivait, lui, en tête pour l’activité d’agent de transfert (17 %). Du côté des prestataires, le cabinet de conseil PwC restait de loin le premier auditeur de fonds et sous-fonds avec plus de 6.000 entités contrôlées. Quant au cabinet Arendt & Medernach, il s’arrogeait d’une courte tête la première place sur le segment des conseillers juridiques avec un tiers des fonds dans son portefeuille clients devant Elvinger, Hoss & Prussen.

LES UCITS DOMINENT TOUJOURS

Au niveau des différents produits proposés depuis le Luxembourg, Karine Pacary observe la prédominance des Ucits dans le choix des investisseurs. « Leur part reste assez stable et atteint quand même 75 % du total des actifs sous gestion au Luxembourg. » C’est un peu plus que dans les autres centres, même si les fonds Ucits sont aussi largement majoritaires sur les autres marchés analysés, note la responsable. Mais si les Ucits, qui ont fait le succès du Luxembourg, restent fortement dominants, elle note quand même une percée des fonds alternatifs. « Leur croissance est liée à une demande de fonds plus ciblés qui permettent

— Fonds d’investissement — Mai 2019

d’obtenir de meilleurs rendements », analyse la directrice de Monterey Insight. Elle considère aussi que les investisseurs institutionnels sont à la recherche d’une plus grande flexibilité et d’une plus grande rapidité de mise en place et de commercialisation.

JOLI SUCCÈS DES FIAR

Dans la catégorie des fonds alternatifs, le Fiar (fonds d’investissement alternatif réservé), un nouveau produit proposé depuis juillet 2016, est celui qui évolue le plus rapidement. En 2017, Monterey en recensait 281 pour plus de 600 à fin 2018. « En termes d’unités, c’est une progression de 113 % en un an, c’est très important, note madame Pacary. En volumes d’actifs, la progression sur la même période atteint 120 %. » Un joli succès donc pour le dernier véhicule d’investissement « made in Luxembourg » qui, selon elle, pourrait très vite rivaliser avec la Sicar (Société d’investissement en capital à risque). Les Fiar ont engrangé jusqu’à présent 35 milliards d’euros d’actifs et les Sicar 54 milliards. Mais les fonds d’investissement spécialisés restent encore loin devant, avec 530 milliards d’euros. « Ceci dit, ce succès des Fiar doit aussi être relativisé par rapport à leur part globale, qui atteint seulement 1 % des actifs gérés au Luxembourg. »

UNE PALETTE COMPLÈTE AU LUXEMBOURG

De manière générale, la responsable de Monterey Insight note que l’« outil » fonds maintient sa popularité auprès des investisseurs. La demande est tirée par des besoins liés au financement des retraites, dans un


PALMARÈS

CLASSEMENT

LES CHAMPIONS DES FONDS Administration de fonds En milliards d’euros (31 décembre 2017) 822,5 610,2 338,1 307,8 253,0

1 State Street 2 JP Morgan Bank 3 BNY Mellon 4 BNP Paribas 5 RBC Investor & Treasury Services

Banques dépositaires En milliards d’euros (31 décembre 2017) 838,4 829,5 366,3 359,7 358,6

1 JP Morgan Bank 2 State Street 3 BNY Mellon 4 Brown Brothers Harriman (BBH) 5 BNP Paribas

Agents de transfert En milliards d’euros (31 décembre 2017)

contexte de populations vieillissantes, mais aussi par la nécessité de moyens financiers importants pour développer l’innovation. « Il y a clairement un avenir, mais l’offre devra aussi s’adapter à une nouvelle génération plus pressée, mieux informée et sensible à des sujets comme le climat, le développement durable, les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. Le challenge sera donc de bien comprendre ces nouvelles sensibilités et de pouvoir les transmettre au niveau de l’épargne », poursuit Karine Pacary. Monterey se prépare d’ailleurs à analyser les fonds à tendance soutenable, mais la sélection n’est toujours pas évidente à réaliser. Deuxième centre mondial de fonds d’investissement derrière les États-Unis, le Luxembourg est avant tout reconnu pour son expertise internationale. « C’est la place d’excellence de l’industrie des fonds, ce n’est pas un hasard qu’elle soit devenue le premier centre européen », confirme encore la directrice de Monterey. Parmi les particularités de la Place grand-ducale, elle note une offre à la fois de fonds régulés et non régulés, ce qui représente une palette assez complète. « Mais on y observe aussi une plus grande disparité géographique que sur les autres marchés en ce qui concerne les promoteurs de fonds. » Alors qu’en Irlande et au Royaume-Uni, les initiateurs de fonds sont surtout américains et britanniques, au Luxembourg, même si les fonds en provenance des États-Unis dominent, les européens – notamment allemands, suisses, français, italiens et britanniques – sont loin d’être insignifiants.  J.-M. L.

741,3 653,0 262,2 239,7 210,0

1 RBC Investor Services Bank 2 IFDS/State Street 3 JP Morgan Bank 4 BNP Paribas 5 Caceis

Promoteurs de fonds En milliards d’euros (31 décembre 2017) 314,6 192,5 169,0 160,3 142,3

1 JP Morgan 2 Deutsche Asset Management 3 Blackrock Financial Mgt 4 Amundi 5 UBS

Management companies /AIFM (Ucits) En milliards d’euros (31 décembre 2017) 312,0 181,2 166,5 148,9 127,1

1 JP Morgan AM (Europe) 2 Deutsche Asset Management 3 BlackRock 4 Amundi Luxembourg 5 UBS Fund Management

Auditeurs (fonds et sous-fonds) En nombre de clients (31 décembre 2017) 6.137 3.174 2.564 2.214

1 PwC 2 KPMG 3 Deloitte 4 EY

Conseillers juridiques (fonds et sous-fonds) En nombre de clients (31 décembre 2017) 1 Arendt & Medernach 2 Elvinger, Hoss & Prussen 3 Linklaters 4 Bonn & Schmitt

3.883 3.419 865 711 SOURCE Monterey Insight, 2018

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

— 63


INNOVATION TECHNOLOGIE

Et si l’intelligence artificielle révolutionnait le métier ? Qu’il s’agisse d’anticiper les évolutions du marché, de simplifier le travail de gestion des asset managers, ou encore de vérifier les risques que présentent certains types d’investissements, l’intelligence artificielle a pris d’assaut l’industrie des fonds depuis plusieurs années. De quoi modifier profondément la façon d’y travailler.

L’

intelligence artificielle prend aujourd’hui toute sa mesure là où elle peut s’appuyer sur un nombre important de données. C’est en effet en ingérant celles-ci que l’IA peut se développer et offrir le service le plus précis aux entreprises qui l’utilisent, dans des secteurs très variés. D’abord exploitée par les géants d’internet et des technologies de l’information et de la communication, l’intelligence artificielle gagne aujourd’hui des industries variées, conquises par les nombreux atouts qu’elle offre. Le domaine des fonds ne fait pas exception à la règle, loin de là. Et la place financière luxembourgeoise, de par son importance à l’échelle européenne et mondiale, fait désormais mieux que suivre le mouvement.

DES START-UP QUI FLAIRENT LE BON COUP

C’est sans doute à la Lhoft (Luxembourg House of Financial Technology) qu’on en 64 —

trouve les preuves les plus récentes. Reposant sur une collaboration entre les secteurs public et privé, l’institution a pour mission de soutenir les innovations technologiques dans l’industrie des services financiers. On peut donc facilement se rendre compte de l’intérêt que l’intelligence artificielle suscite dans le secteur des fonds en dénombrant les différentes start-up qui, au sein de la Lhoft, développent des outils reposant sur l’IA à destination de l’industrie des fonds. Elles sont très nombreuses et présentent des modèles très différents. Ffyn, par exemple, est une émanation de BNP Paribas Securities Services. « Il s’agissait d’abord d’un projet d’intrapreneuriat. Il est rapidement devenu évident que la réussite du projet nécessitait d’en faire un vrai projet entrepreneurial, et BNP P­ aribas­a donné son support, explique Richard Jones, CEO de cette start-up, dont le nom a été emprunté à

— Fonds d’investissement — Mai 2019

un mot gaélique signifiant « source ». Notre volonté est vraiment de devenir une source d’information sur les fonds, ce qui explique ce choix de nom. Il faut savoir que certains investisseurs doivent suivre l’évolution de fonds proposés par plus de 220 asset managers. C’est très compliqué à gérer au quotidien, et notre outil, basé sur l’IA, permet de leur faciliter la vie, puisqu’il collecte automatiquement, à leur place, la bonne information. » En développant cette solution, les responsables de Ffyn avaient en tête un besoin clairement identifié auprès des différents acteurs du secteur. L’IA s’est imposée comme la technologie la plus efficace pour y répondre, simplement parce que, pour relever ce challenge, il fallait parvenir à traiter plus efficacement un grand nombre de données. L’intérêt aujourd’hui manifesté par de nombreux gestionnaires de fonds par


INNOVATION

BIG DATA ET IA

UNE INDUSTRIE REPOSANT SUR LA DONNÉE

La donnée est un élément sur lequel repose en bonne partie l’industrie des fonds. Celle-ci présente toutefois un spectre très large, et il n’est donc pas étonnant que tant de start-up puissent développer des solutions à destination de cette industrie, sans pour autant se marcher sur les pieds. Ainsi, Label R est une autre start-up qui développe, au sein de la Lhoft, une application basée sur l’intelligence artificielle. Sa particularité : elle s’attache précisément aux fonds ESG (environnement, social, gouvernance). « J’ai eu cette idée il y a de nombreuses années et, quand j’ai commencé à la développer, on ne parlait pas encore de fonds ESG, indique Oriane Schoonbroodt, co-founder & executive director de Label R. Finalement, il s’est avéré que le timing était vraiment parfait pour nous, puisque l’intérêt pour ces fonds est aujourd’hui très important et, de l’avis de nombreux analystes, devrait aller croissant. » Label R propose à la fois un outil de certification de ces fonds et une solution de screening qui analyse toute l’information disponible sur les fonds ESG afin d’évaluer les risques sociaux et environnementaux qu’ils présentent. « L’intelligence artificielle est surtout utilisée dans les parties ‘screening’ et ‘rating’ des fonds entre eux, précise Oriane Schoonbroodt. Elle nous permet d’aller beaucoup plus loin dans la recherche d’informations que ce que pourrait faire un humain. Néanmoins, l’humain effectue toujours une vérification des sources utilisées par l’IA. Au terme de l’opération, une comparaison est effectuée entre les risques identifiés par l’IA et ceux pointés par le fonds lui-même. »

L’IA ÉPAULÉE PAR L’HUMAIN OU L’HUMAIN ÉPAULÉ PAR L’IA ?

Le travail mené par Label R a le mérite de démontrer un élément essentiel : l’humain présente des limites en ce qui concerne la recherche et l’analyse d’un nombre important d’informations, mais la machine en présente également lorsqu’il s’agit de développer une attitude suffisamment critique par rapport aux sources de cette information. Cela signifie-t-il que l’un et l’autre devront toujours travailler ensemble ? « C’est impossible à dire, reconnaît Oriane Schoonbroodt. Pour l’instant, la vérification humaine me paraît essentielle. Mais l’IA va continuer à se développer. Peut-être que dans cinq ou dix ans, nous n’aurons plus besoin de l’humain en support de notre solution… » Christian Gillot, CEO de Tetrao, une start-up qui propose une solution capable

SESAMM LÈVE 4,4 MILLIONS D’EUROS C’est l’Amérique pour la messine SESAMm, aussi implantée au Luxembourg. Au sens propre. La fintech spécialisée dans le big data et l’intelligence artificielle appliquée à la gestion d’actifs annonce, ce jeudi, avoir levé 4,4 nouveaux millions d’euros... et ouvert un bureau à New York. Quelle année pour SESAMm ! Après avoir annoncé une levée de fonds de 2,6 millions d’euros en mars 2018, en vue d’ouvrir une filiale à Londres et quasiment doubler ses effectifs, la fintech messine annonce, ce jeudi matin, un nouveau tour de table de 4,4 millions d’euros supplémentaires, soit 8,8 millions depuis sa création. Et surtout, elle a ouvert un bureau à New York. « Ce bureau permet de renforcer notre position aux États-Unis et d’accompagner avec plus de proximité nos clients sur place », précise un des trois cofondateurs, l’actuel CEO de la société, Sylvain Forté. Un CEO qui n’a pas le temps de se reposer sur ses lauriers ni de savourer la nouvelle, puisqu’il est en déplacement au Japon, où SESAMm ouvrira son prochain bureau, avant la

fin de l’année, tandis que l’ouverture londonienne n’aura finalement lieu qu’en début d’année prochaine. En 12 mois, dit le communiqué diffusé ce jeudi, « SESAMm a fourni ses services à Nikko Global Wrap, Candriam, La Française Investment Solutions, ainsi qu’à de nombreux fonds d’investissement internationaux. L’entreprise a également signé de nouveaux contrats avec des acteurs majeurs, tels que Groupama Asset Management, Raiffeisen Bank International, ou encore Nomura, première banque d’investissement au Japon. » Le cœur de métier du vainqueur du Pitch Your ­Startup­ 2016 à l’ICT Spring est l’analyse en temps réel des millions de messages, articles et posts issus de plus de 250.000 sources de données, grâce au traitement automatique des langues, au big data, au machine learning et à l’analyse quantitative. « Nous savons que SESAMm a tous les ingrédients pour un futur plein de succès : une stratégie claire, une équipe talentueuse, des technologies de pointe et des idées innovantes qui la distinguent sur son marché », explique la société d’investissement franco-américaine Havenrock, investisseur principal de ce financement. La fintech est accompagnée, depuis sa création, par la Caisse d’Épargne Grand-Est Europe, qui participe aussi à cette opération. Les autres investisseurs de cette levée de fonds sont AngelSquare Fintech, A-Venture, et plusieurs business angels, notamment aux États-Unis. SESAMm est aussi soutenue par le groupe ILP et la BPI. Entre Metz, Paris et New York et le Lux Future Lab, la société emploie 34 personnes. En 2017, elle avait réalisé un chiffre d’affaires d’un million d’euros et vise 20 millions d’euros à l’horizon 2021. T. L.

Mai 2019 — Fonds d’investissement —

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PHOTO Maison Moderne

rapport à cette solution a en tout cas conforté BNP Paribas dans son choix de faire de ce projet une véritable spin-off…


INNOVATION

de reconnaître et de structurer de l’information dénichée en ligne et dans différents documents électroniques, va plus loin dans l’analyse du rapport entre l’humain et l’intelligence artificielle dans le secteur des fonds. « Selon moi, c’est l’intelligence artificielle qui vient en support de l’humain, pas l’inverse. L’IA permet une analyse plus rapide et exhaustive de l’information. Si elle constate une incohérence, elle peut prévenir l’humain, qui effectue la vérification. » L’humain est donc débarrassé des tâches répétitives et rébarbatives de collecte d’informations, mais il continue à prendre les décisions stratégiques. « L’IA est précieuse dans le secteur des fonds, car l’information sur laquelle il repose est créée par des humains, pour des investisseurs humains. Or, l’IA a cette faculté de pouvoir simuler la compréhension humaine. Elle peut donc rendre de grands services aux acteurs de cette industrie. »

« L’IA est précieuse dans le secteur des fonds car l’information sur laquelle il repose est créée par des humains, pour des investisseurs humains. » Christian Gillo CEO de Tetrao

DES ROBOTS « ASSET MANAGERS »

Certaines start-up croient cependant dur comme fer qu’il est aujourd’hui possible de développer des outils qui se passent presque entièrement de l’Homme. Licorne Capital, une wealthtech, elle aussi basée à la Lhoft, a ainsi mis au point un robot asset manager entièrement automatisé, à l’exception du passage des ordres boursiers, toujours effectué par l’Homme. « Notre volonté est de faire de la gestion plus active, et non pas seulement du rebalancing, en travaillant les marchés à la hausse et à la baisse, explique Patrick Dan Piller, CEO de Licorne Capital. Notre outil utilise des t­ rackers qui permettent de réagir rapidement et à moindre coût aux évolutions du marché – une centaine de marchés réglementés et liquides dans le monde – afin de produire systématiquement une performance annuelle positive. Dans notre solution, tout est automatisé : la gestion, le back-office, le traitement de la réglementation juridique et fiscale. Cela permettra à nos futurs wealth managers d’être plus proches des clients, en se dégageant des tâches administratives et de gestion. » En insistant sur l’aspect entièrement automatique de sa solution, Patrick Dan Piller a en ligne de mire les nombreux robo-advisors qui sont de plus en plus fréquemment utilisés par des acteurs majeurs de la finance au Luxembourg. « Ces robots sont souvent chapeautés par des comités de gestion qui ont le dernier mot sur la gestion des portefeuilles, précise-t-il. Licorne Capital offre au contraire une solution qui est réellement automatisée et qui est donc bien plus réactive et performante, car elle élimine l’émotion humaine. »

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Il reste que la mise en œuvre concrète de ces solutions se heurte souvent à la nécessité de 66 —

trouver des financements relativement importants. Si, parmi les start-up que nous avons sollicitées, certaines ont déjà un produit disponible sur le marché et utilisé par des acteurs de taille respectable, d’autres peinent à lever les fonds qui leur permettraient de véritablement lancer leur produit. « La CSSF, pour délivrer l’agrément nécessaire, demande une assise financière solide, commente ainsi Patrick Dan Piller. En outre, les venture capitalists veulent investir dans des sociétés qui font du chiffre. Mais comment faire du chiffre quand nous ne disposons pas encore de l’agrément nécessaire, faute de moyens ? C’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule qui se répète… » À ce niveau, les sociétés bien installées, aux moyens plus importants, ont donc sans doute plus de facilités à dégager les budgets nécessaires pour concrétiser un projet reposant sur l’intelligence artificielle. Keytrade Bank Luxembourg a ainsi développé son robo-­advisor il y a environ cinq ans, avec l’aide de Gambit Financial Solutions. Cette solution table quant à elle sur une vraie collaboration entre l’humain et la machine. « Il y a aujourd’hui très peu de solutions IA indépendantes, reposant sur du machine learning, par exemple, indique Fabien Vrignon, CEO de Keytrade Bank Luxembourg. Notre algorithme permet de suivre les marchés financiers et de gérer les portefeuilles, mais l’être humain est toujours présent pour vérifier, optimiser et enrichir l’outil avec de nouvelles données. En effet, la construction d’un algo-

— Fonds d’investissement — Mai 2019

rithme se base sur les données du passé. Mais personne ne peut dire comment va évoluer le marché dans le futur, car il est par nature imprévisible. Il faut donc optimiser constamment le robo-advisor pour qu’il soit le plus proche possible du marché actuel. » Concrètement, un comité académique, composé notamment de professeurs d’université, travaille à l’amélioration constante du modèle. En outre, un comité d’investissement étudie les résultats fournis par l’algorithme et effectue une pondération en fonction de différents éléments. « Cela explique que le développement de projets d’intelligence artificielle implique toujours des investissements colossaux, car ils ont besoin à la fois de la machine et de cerveaux humains », explique le CEO de Keytrade Bank Luxembourg. L’importance des investissements à consentir pour développer de tels projets ne semble toutefois pas refroidir l’intérêt de cette institution financière pour l’intelligence artificielle. « Keytrade Bank ne développe pas de nouveaux projets d’intelligence artificielle en propre. Cependant, le groupe dont nous dépendons – Crédit Mutuel Arkéa – mène une série de réflexions à ce niveau. Dans le secteur des fonds, cette technologie est en effet inévitablement amenée à se développer, et il faut donc pouvoir suivre le mouvement. Des développements très importants peuvent ainsi être faits pour améliorer le service client, notamment via des chatbots. Dans le futur, nous devrions assister à une généralisation de ces outils dans notre industrie », conclut Fabien Vrignon.  Q. D.


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INNOVATION

FINANCEMENT

Les fonds jouent-ils le jeu des start-up

... à fond ?

Si les start-up luxembourgeoises les plus prometteuses réussissent à obtenir le soutien d’investisseurs privés en période d’amorçage, il est souvent plus difficile pour elles d’assurer une deuxième levée de fonds plus importante, lorsque le moment est venu de donner un coup d’accélérateur à leur business et de s’internationaliser. Un écueil à corriger au plus vite si le Luxembourg veut continuer à attirer de nouvelles pépites.

D

euxième domicile de fonds d’investissement au monde après les États-Unis, avec plus de 4.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion, le Luxembourg ne manque pas d’envergure financière ni d’ambition. Sur cette base, on pourrait croire qu’il est facile pour les start-up locales les plus prometteuses de trouver de l’argent pour financer leur développement. « Ces très nombreux fonds sont positionnés au Luxembourg pour investir dans d’autres pays, principalement dans l’immobilier, le private equity et d’autres actifs pour lesquels le Luxembourg a créé un écosystème très favorable, avec de nombreuses compétences, résume Jérôme Grandidier, président de Luxfactory. Autrement dit, ces fonds ne s’in70 —

téressent pas au marché local. Il ne s’agit pas de fonds de venture capital qui, eux, cherchent à financer les jeunes pousses. Par ailleurs, on ne voit pas un énorme intérêt des investisseurs locaux pour les start-up. Le décalage est là. Alors qu’on a réussi à créer un écosystème opérationnel pour attirer des start-up au Luxembourg, il nous manque encore cette capacité à assurer de la meilleure façon leur financement. » Ayant accompagné une dizaine de levées de fonds pour le compte de start-up luxembourgeoises au cours de ces trois dernières années, Nicolas Valaize, fundraising advisor auprès de la House of Startups, expose un avis plus nuancé sur la question. « En période

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d’amorçage, pour des montants allant jusqu’à 2 millions d’euros, il n’est pas plus difficile de lever des fonds au Luxembourg qu’ailleurs, explique-t-il. Le point de départ reste la qualité du projet présenté aux investisseurs. Et les entrepreneurs qui ne trouvent pas de fonds à cette étape doivent sans doute revoir leur copie plutôt que de critiquer le manque d’entrain des business angels et autres venture capitalists toujours à la recherche de la perle rare. »

DES LEVÉES DE FONDS D’AMORÇAGE EN HAUSSE

La première levée de fonds est en effet une étape cruciale pour toute start-up qui se respecte. Le « seed », comme on l’appelle, constitue souvent le premier vrai tour de


INNOVATION

table. Une entrée en matière qui demande une bonne préparation. « Il s’agit d’un travail conséquent, qui occupe l’entrepreneur durant plusieurs mois à temps plein alors qu’il doit aussi, dans un même temps, réussir les meilleurs chiffres possible », explique Nicolas Valaize. Constat positif, les levées de fonds ont doublé au cours de ces trois dernières années au Luxembourg. « Nous en avons répertorié 13 en 2018 pour un montant de 80 millions d’euros, contre 6 en 2016 pour un montant de 23 millions d’euros. La tendance est donc positive. » Certaines initiatives vont dans la bonne direction, comme le Digital Tech Fund lancé en 2016, fonds d’amorçage qui rassemble, entre autres, le ministère de l’Économie, la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI), l’Université du Luxembourg, Post, la Bil, SES ou encore Proximus. Ce fonds bénéficie d’une enveloppe de 20 millions d’euros et a pour objectif de financer entre 15 et 20 start-up luxembourgeoises sur une période de six ans. « Le Luxembourg apprend, confie Martin Guérin, CEO du Luxembourg-City Incubator, le dernier-né des incubateurs luxembourgeois. Les levées de fonds augmentent chaque année pour atteindre de beaux montants. Mais l’on peut et l’on doit encore mieux faire à l’avenir. Tout se passe aujourd’hui par le bouche-àoreille. Lorsqu’un bon plan se présente, tout le monde veut acheter, et il n’est pas compliqué de réunir quelques centaines de milliers d’euros. Reste maintenant à convaincre davantage de monde d’investir dans des jeunes pousses prometteuses. Pour cela, la start-up doit parvenir à lever un maximum de risques, démontrer que les clients existent, que l’attraction du marché est forte. »

UNE DEUXIÈME PHASE CRITIQUE

Là où le bât blesse, en matière de financement, c’est dans une deuxième phase de développement d’une start-up, au moment où il faut accélérer et s’internationaliser. À cette fin, les jeunes pousses prometteuses doivent réussir des levées de fonds de série A, avec des besoins de l’ordre de 4 à 15 millions d’euros. « Le vrai problème à ce stade, c’est que les start-up qui trouvent des financements ailleurs finissent par quitter le Luxembourg pour rejoindre le pays où se trouvent les fonds », témoigne Jérôme Grandidier. « C’est effectivement lors du deuxième round de la levée de fonds que nous manquons cruellement de solutions. Pour garder les compétences et les équipes au Luxembourg, il faut pouvoir accompagner les start-up au moment où elles doivent donner un coup d’accélérateur, ajoute Nicolas Valaize. Mangrove est l’un des seuls fonds luxembourgeois actifs à ce niveau. Cependant, il n’a pas vocation à investir spécifique-

« Pour garder les compétences et les équipes au Luxembourg, il faut pouvoir accompagner les start-up au moment où elles doivent donner un coup d’accélérateur. » Nicolas Valaize Fundraising advisor, House of Startups

ment au Luxembourg. Il opère aujourd’hui à l’échelle mondiale. Il faut comprendre que nos entrepreneurs sont en compétition avec l’Europe entière, au minimum, pour lever de l’argent, et la concurrence est rude. » Alors qu’une première levée de fonds permet le plus souvent de développer un modèle d’acquisition scalable, voire un modèle de revenus, cette seconde importante levée doit lui permettre de faire croître son activité de façon exponentielle. À ce stade, ce sont les investisseurs historiques qui remettent au pot et les fonds d’investissement traditionnels font leur entrée.

DES INCITANTS FISCAUX À INSTAURER

Les acteurs de l’écosystème des start-up plaident tous pour que l’État prenne ses responsabilités. « Ces dernières années, il y a eu beaucoup d’investissements, privés ou publics, dans des incubateurs, des accélérateurs, des programmes d’accompagnement. La dernière chose qu’il nous reste à réussir au Luxembourg, c’est le financement de ces start-up, analyse Jérôme Grandidier. Nous pensons qu’en créant un tax shelter et un fonds de taille correcte destiné à investir localement, nous irons dans la bonne direction. Aujourd’hui, on n’incite pas les gens à investir dans les start-up parce qu’il y a un risque, et que celui-ci n’est pas rémunéré à sa juste valeur. » Au Royaume-Uni par exemple, le Seed Enterprise Investment Scheme est un système de défiscalisation permettant à l’investisseur de récupérer 50 % de son investissement dans une start-up moyennant un abattement fiscal. « Ce genre de mesure peut avoir un impact direct sur la création d’emploi et la richesse, ajoute Nicolas Valaize. Chez nos voisins anglosaxons, beaucoup de particuliers investissent de cette manière quelques centaines d’euros et tout l’écosystème en profite. Au Luxem-

bourg, de plus en plus de personnes investissent dans des start-up. Les mentalités évoluent. » Reste à mettre en place les incitants nécessaires pour asseoir la pérennité de la « start-up nation ».

UNE SITUATION IDÉALE POUR ACCÉDER AU MARCHÉ

Si Luxembourg doit encore faire des efforts pour faciliter l’accès au financement des start-up, indispensable à la viabilité de son écosystème, ce dernier dispose par ailleurs de nombreux autres atouts. Sa situation géographique et la croisée de nombreux courants culturels font du Grand-Duché un lieu idéal pour développer un business innovant. « Nous disposons d’un avantage de premier ordre pour ce qui est de l’accès au marché. Au départ du Grand-Duché, on peut rapidement toucher quatre pays et facilement accéder au reste de l’Europe. Cette situation est idéale pour tester un business et l’étendre petit à petit, explique Martin Guérin. Si nous parvenons à davantage inciter les particuliers à investir dans les start-up, nous pourrons faire du Luxembourg une place privilégiée pour développer un business en Europe, en faisant valoir un réel avantage compétitif aux porteurs de projets. Cet incitant peut prendre différentes formes, comme le crédit d’investissement, les déductions d’impôts ou encore des garanties données par l’État. » Mieux armé sur l’aspect du financement, le Luxembourg pourrait alors jouer à fond cette carte de l’accès au marché. « Il serait par exemple tout à fait possible de convaincre des équipes qui ont réussi sur leur marché local à rejoindre le Luxembourg pour adresser l’ensemble des pays limitrophes, précise Nicolas Valaize. Disposer d’un fonds capable de faire des séries A et B pourrait faire la différence, en complémentarité du fonds d’amorçage Digital Tech Fund. »  M. P.

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CONTRIBUTION AC TO RYTECH FUND LU XF DIGITAL

«  nous travaillons à un lux start-up fund »

était d’investir dans une vingtaine de sociétés sur les six premières années. Aujourd’hui, trois ans après son lancement, le Digital Tech Fund a pris des participations dans six sociétés. La première est iTravel en 2016, dont le siège est à Cologne. Puis, le fonds est intervenu dans Nektria en 2017, dont le siège est à Barcelone. En 2018, quatre sociétés luxembourgeoises ont bénéficié de tickets : Passbolt, Wizata, Finarta et Salonkee. On sent donc une accélération des prises de participations, ce qui devrait permettre de tenir les objectifs en termes de nombre de participations, à condition de continuer à ce rythme. Les investissements sont encore récents. Il est donc prématuré de tirer des conclusions. On peut simplement remarquer que les dernières acquisitions sont des entreprises luxembourgeoises et qu’il semble difficile, au vu des critères d’investissement initialement établis, d’attirer des sociétés étrangères d’envergure, ce que semble regretter l’équipe managériale.

CRÉER UN ÉCOSYSTÈME COMPLET

Président de Luxfactory, Jérôme Grandidier n’a pas peur de bousculer l’ordre établi. Dans un monde de start-up qu’il voudrait réunir au sein d’une fédération luxembourgeoise (FLSU), l’entrepreneur a des idées pour développer et déployer le Digital Tech Fund.

Par Jérôme Grandidier président, Luxfactory

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e Digital Tech Fund est un fonds d’amorçage (seed) créé en avril 2016 par le gouvernement, conjointement avec un groupe d’investisseurs privés (Arendt & Medernach, Banque internationale à Luxembourg, Expon Capital, High Capital (BHS Services), Post, Proximus et SES). Doté d’une vingtaine de millions d’euros, il s’agit d’un fonds dit « evergreen », c’est-à-dire qu’il n’a pas de date de clôture prédéfinie. Il a pour vocation l’investissement dans le domaine des technologies de l’information et des communications, dans des entreprises de moins de sept ans. Il est géré par Expon Capital, qui s’occupe également du fonds Expon I visant plus largement les sociétés européennes, nord-américaines et israéliennes. Il a également pour vocation de financer des sociétés installées au Luxembourg à travers des tickets pouvant aller jusqu’à 1,6 million par participation. L’objectif annoncé à la création

— Fonds d’investissement — Mai 2019

Le Digital Tech Fund est un peu seul dans le paysage des fonds Luxembourgeois répondant à une stratégie d’investissement à destination des entreprises locales. En effet, la plupart des venture capitalists installés au Luxembourg n’investissent pas ici et, même s’il y a de rares exceptions et quelques beaux succès comme Mangrove et ses participations dans Skype ou Job Today, cela reste l’arbre qui cache la forêt. Aujourd’hui, il devient urgent de créer un écosystème complet de financement pour accompagner le Digital Tech Fund dans les différents stades de financement des start-up. Pour cela, chez Luxfactory, nous défendons ardemment deux projets : Le premier est relatif à la création d’un tax shelter au Luxembourg, afin de permettre aux particuliers de bénéficier d’un incitatif fiscal compensant le risque de ce type d’investissement. Cela permettrait de financer du early stage. Nous proposons de répliquer le schéma de la loi Rau avec deux fonds qui seraient chargés de mutualiser les risques en investissant pour les particuliers qui auront souscrit à des produits distribués par les banques de la Place. Nous travaillons aussi à la création du Lux Startup Fund, fonds de 150 millions, qui a pour but d’investir au stade suivant les prises de participations du Digital Tech Fund afin de pérenniser l’implantation des sociétés au Luxembourg et de les aider à se scaler au niveau mondial depuis le Grand-Duché. En effet, si d’un côté on ne finance pas plus les start-up en early stage avec un système comme le tax shelter, et que de l’autre, on ne fait pas de rétention sur le fleuron luxembourgeois, il sera compliqué de développer cet écosystème si important pour le futur de notre pays. 

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CONTRIBUTION KPMGKP M G

« l ’intérêt pour les regtech ne se dément pas »

ment intégrées à ces logiciels. Les objectifs principaux sont d’accompagner et de faciliter la compliance, mais aussi d’intégrer une démarche de conformité réglementaire et de bonnes pratiques au sein d’une stratégie et d’une gestion quotidienne efficaces. KPMG Luxembourg propose déjà des solutions intelligentes de dashboarding destinées aux compliance officers de fonds alternatifs (PE / RE). Solutions permettant d’obtenir une vue instantanée et complète de l’avancement des obligations déclaratives (dépôt des comptes, déclarations fiscales, reporting…) des nombreuses sociétés dont ceux-ci ont la supervision. Les domaines d’application sont multiples : la lutte contre le blanchiment d’argent grâce à la blockchain, la veille réglementaire générale, les processus de reconnaissance client (know your customer)... et la gouvernance (suivi des opérations, documentation des organes de gestion).

Il y a environ deux ans, les premiers articles ayant trait aux regtech paraissaient dans la presse spécialisée, provoquant un engouement immédiat. Il est vrai que la dernière décennie avait été chahutée pour le monde financier, devenu à la fois le cadre et le témoin d’une augmentation exponentielle des législations et réglementations diverses.

Par Christophe Diricks Associé chez KPMG Luxembourg

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a complexité de ces nouvelles réglementations et les amendes relatives à leur non-respect incitent les sociétés à rechercher les meilleures solutions, non seulement afin de se mettre en conformité avec celles-ci, mais encore afin d’assurer une juste documentation vis-à-vis des autorités de contrôle et des investisseurs. Malheureusement, l’utilisation des outils classiques est souvent chronophage et peu adaptée à la prévention des risques. Face à l’hyperbole régulatrice, les regtech, contraction des termes « regulatory » et « technology », apparaissent comme des solutions salvatrices, cristallisant de nombreuses attentes. En 2019, où en sommes-nous ? Les regtech se définissent comme des outils informatiques développés afin d’automatiser l’analyse et la confrontation des données aux réglementations, externes et internes, préalable-

— Fonds d’investissement — Mai 2019

Pourtant aussi variées que ne le sont les acteurs et les thématiques, les regtech font toutes bénéficier leurs utilisateurs des mêmes atouts : efficacité (facilité de gestion, gain de temps), réduction des coûts, anticipation des risques et réactivité. Quand, auparavant, le gestionnaire devait trouver, dans les circulaires et réglementations, les nouvelles normes à appliquer à un système, les regtech les lui proposent maintenant automatiquement dès le démarrage de son ordinateur. Générer des rapports complexes et les envoyer en temps et en heure aux autorités en un clic, en étant assuré que les dernières directives ont été suivies, procurent non seulement un gain de temps indéniable, mais aussi une certaine sécurité, permettant une allocation optimale des ressources humaines aux tâches dont la valeur ajoutée est certaine. L’interaction entre les développeurs de regtech et une société comme KPMG est très importante. Nos experts fiscaux et réglementaires interviennent pour créer du contenu, l’insérer dans ces logiciels et le mettre à jour lorsque la législation évolue. Par exemple, nous avons développé pour différentes regtech des modules qui sont destinés à identifier et reporter les opérations rentrant dans le champ de la directive UE concernant l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal (DAC 6 – MDR). Un nouveau modèle de gouvernance a bien entendu sa place dans n’importe quel secteur. Bien que le secteur bancaire ait été pionnier dans le domaine des regtech, leur intérêt ne se dément pas dans le cas des fonds d’investissement. Elles y rencontrent notamment le nouveau besoin de diligence de ce type d’organisations. Il est clair que nous n’avons pas fini d’entendre parler des regtech. 

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PICTURE REPORT

10x6 Finance Le Luxembourg atteindra-t-il les 5.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion ? Dix experts ont présenté leur point de vue sur les perspectives et défis de la finance lors du 10×6 Finance, organisé en février dernier par le Paperjam Club au centre culturel Tramsschapp, devant plus de 450 membres.

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Retrouvez chaque intervention en vidéo sur paperjam.lu

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“T he sky is never the limit” Bob Kneip, président de Kneip

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“T he future of the financial centre is great” Denise Voss, présidente de l’Alfi

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“B ringing the right message to the different stakeholders” Serge Krancenblum, chairman d’IQ-EQ (anciennement SGG)

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“E uropean development represents challenges for Luxembourg» Maître Jacques Elvinger, associé et responsable de la pratique des fonds de placement chez Elvinger Hoss Prussen

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“A sset management is still a people business” David Suetens, executive vice president et country head Luxembourg chez State Street

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«  Considérer un autre aspect de la durabilité » Fabio Mandorino, adviser in sustainable finance à l’ABBL

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“F intech is not a gadget” Raoul Mulheims, cofondateur et CEO de Finologee

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“F undraising is not the challenge” Alessia Lorenti, head of business development et membre du comité exécutif chez Edmond de Rothschild Asset Management (Luxembourg)

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«  Investir, oui, mais ne vous perdez pas en chemin » Laurence Nicolet local market sales manager chez Cardif Lux Vie

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“L uxembourg is one of the leading EU financial centres” Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance

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— Fonds d’investissement — Mai 2019

PHOTO Maison Moderne (Jan Hanrion)

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sharing inspiration programme 2019 MAI

mardi 07 10×6 Architecture mardi 14 Journée de workshops mardi 14 Marketing Breakfast

Évolution d’une entreprise pour être plus centrée sur le client mercredi 15 Table ronde Élections européennes 2019 jeudi 16 Delano Breakfast Talk mardi 21 Breakfast Nouveaux Membres mardi 21 Think global, act local : une conversation avec Nicolas Mackel mercredi 22 10×6 HR: Les compétences pour demain à l’ère du digital jeudi 23 Networking Circle mercredi 29 Let’s Taste Surprises vinicoles

JUILLET

NOVEMBRE

mardi 02 Breakfast Nouveaux Membres mercredi 03 Networking Circle mardi 09 Delano Live mercredi 10 CEO Cocktail -

Summer Edition

jeudi 11 Tournoi de golf

JUIN

mardi 04 Networking Circle mercredi 05 Start-up Stories Round 2 jeudi 06 Déjeuner Carrousel mardi 11 Delano Live jeudi 13 Club Talk

Voice & intelligence artificielle par Emmanuel Vivier jeudi 13 Dans les coulisses samedi 15 Journée Découverte  Survie & Management jeudi 20 Journée de workshops jeudi 20 Matinale RH mercredi 26 10×6 vendredi 28 Déjeuner Carrousel

SEPTEMBRE

mardi 10 Delano Live mercredi 11 Matinale RH jeudi 12 Networking Circle

Surprises vinicoles mardi 17 Start-up Stories Round 3 mercredi 18 10×6 Mobilité jeudi 19 Journée de workshops vendredi 20 Déjeuner Carrousel mardi 24 Delano Breakfast Talk mercredi 25 Club Talk Blockchain jeudi 26 Breakfast Nouveaux Membres samedi 28 Journée Découverte

OCTOBRE

mardi 01 Déjeuner Carrousel mercredi 02 Marketing Breakfast jeudi 03 Let’s Taste

Mixologie chez Maison Moderne mardi 08 10×6 Space mercredi 09 Networking Circle Vini Vegas mardi 15 Journée de workshops jeudi 17 Club Talk Architecture vendredi 18 Breakfast Nouveaux Membres mercredi 23 10×6 Entrepreneurship mercredi 23 Delano Breakfast Talk vendredi 25 Déjeuner Carrousel

jeudi 07 Networking Circle Surprises vinicoles mardi 12 Delano Live mardi 12 Journée de workshops mardi 19 Matinale RH mercredi 20 Breakfast Nouveaux Membres jeudi 21 Déjeuner Carrousel mercredi 27 10×6 Keytrade Bank jeudi 28 Dans les coulisses

DÉCEMBRE

vendredi 06 Déjeuner Carrousel mardi 10 Delano Live mercredi 11 Marketing Breakfast

Création d’un plan marketing et vente sur la méthodologie Funnel Planning jeudi 12 Breakfast Nouveaux Membres jeudi 12 Let’s Taste mercredi 18 Start-up Stories Awards

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Reviewing the fund industry’s balance sheet April 19th is “World Fund Day”. It’s the perfect opportunity to reflect on the fund industry’s excellent 2018 balance sheet and explore what to expect next.

W

hat will the investment fund industry look like in a few years’ time? The question is not a simple one given the volatility of this sector. Responding to it, however, is crucial in countries – like Luxembourg – that have invested a great deal of development in this industry. If you take a look in the rearview mirror, it is clear that the landscape is a pleasing one. Within just a few years, Luxembourg has become one of the world’s leading investment centres. This is largely due to the proactive manner in which it has transposed the December 1985 European directive on UCITS funds. Likewise, Liechtenstein has been reaping the benefits of its efforts to promote the sector for several years.

WHAT ARE TOMORROW’S SECTORS?

2018 was another great year. New trends, linked to the evolution of society as a whole, emerged and should witness further development in the future. Thus, it seems that “sustainable” funds are becoming increasingly popular, with investors’ choices reflecting widely shared and publicised concerns about climate change. In addition, illiquid assets are also gaining ground, probably in response to past crises.  78 —

— Fonds d’investissement — Mai 2019

tional i d a r t s “ In the , mixed fund sector particularly d enjoye and ” em high d

T

he success story of the investment fund locations Luxembourg and Liechtenstein continues. Both locations again posted noteworthy figures for fund assets under management in the year 2018. In Luxembourg, Europe’s largest investment fund centre, and the world’s second largest investment fund centre after the USA, assets under management in the private equity sector rose by 17%, in the case of credit funds by 25%, while UCITS funds recorded a net increase of CHF 118 billion (EUR 105 billion). Liechtenstein, with its liberal and very modern investment fund legislation, also saw what is likely to have been a record number of 70 new fund launches by the end of the year 2018 along with CHF 49.93 billion (EUR 44.59 billion) in fund assets under management.

OUTSTANDING OPERATING CONDITIONS SPEAK FOR LUXEMBOURG AND LIECHTENSTEIN

It proved possible to report these record figures, despite market higher volatility towards the end of 2018. This is due not just to the excellent

operating conditions in Luxembourg and Liechtenstein, but also to continuing demand from fund initiators and investors for fund solutions for illiquid investments – particularly in the fields of private equity, real estate and debt. In the traditional sector, mixed funds enjoyed particularly high demand. Due to the increasing importance of sustainability for investors, the market features more and more ESG and SRI funds, with most ESG funds being pure equity funds. “Continuing growth at both fund locations underscores the benefits that investment funds offer over other capital investment vehicles, such as for example certificates,” states Eduard von Kymmel, Head of VP Fund Solutions, on the World Fund Day on 19 April 2019. The background to this date is the birthday of the Dutchman Abraham van Ketwich, who was born precisely 275 years ago and encouraged numerous investors to acquire units in a form of investment fund for the first time.

ABOVE-AVERAGE GROWTH

VP Fund Solutions, the investment fund competence centre of the internationally active VP Bank Group, likewise reported outstanding new client volumes for the year 2018. Private label fund assets under management at both locations in Luxembourg and Liechtenstein grew by almost 25% to reach a historic record high of over CHF 11 billion (EUR 9.8 billion), comfortably outperforming growth in the market as a whole. 

70

The record number of new fund launches by the end of 2018, in Liechtenstein

el Kymm d von d a He olutions Fund S

Eduar VP

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mini MBA 2019 FUTURE-PROOF YOUR BUSINESS 8-day Leadership & Innovation Programme · Luxembourg City

Après une première édition réussie, le Paperjam Club est fier de reconduire son offre de formation, en partenariat avec Solvay Brussels School of Economics & Management : le mini MBA Leadership & Innovation. Différents modules seront organisés lors de huit journées complètes, de septembre à novembre 2019. r ns su m at i o r o m f i - ba d ’i n u/ m i n l . plus m a j aper g o. p

À ces dates, quatre modules distincts seront proposés aux participants : Strategy, Finance & HR, Innovation, Customer Development. DATES 23 et 24 septembre 2019 7, 8, 21 et 22 octobre 2019 4 et 5 novembre 2019

CONTACTS / INSCRIPTIONS Julien Delpy julien.delpy@maisonmoderne.com (+352) 20 70 70-415 Pauline Schmaltz pauline.schmaltz@maisonmoderne.com (+352) 20 70 70-409


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INDEX Maison Moderne ™ www.maisonmoderne.com Téléphone (+352) 20 70 70 E-mail publishing@maisonmoderne.com Courrier BP 728, L-2017 Luxembourg Bureaux 10, rue des Gaulois, Luxembourg-Bonnevoie fondateur

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RÉDACTION Téléphone (+352) 20 70 70-100 Fax (+352) 29 66 19 E-mail press@paperjam.lu Courrier BP 728, L-2017 Luxembourg dir ecteur de l a publication dir ecteur éditor i a l

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f r ee - l a nces Quentin Deuxant (Q. D.), Sébastien Lambotte (S. L.), Michaël Peiffer (M. P.), François Rémy (F. R.), Jeanne Renauld (J. R.), Romain Thomas (R. T.), photogr a phes

Edouard Olszewski, Patricia Pitsch, Matic Zorman

cor r ection Pauline Berg, Lisa Cacciatore, Sarah Lambolez, Manon Méral, Elena Sebastiani

AGENCE GRAPHIQUE dir ecteur de l’agence

Mathieu Mathelin

dir ecteur de l a cr é ation he a d of production

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Maison Moderne

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Stéphane Cognioul, Myriam Morbé mise en page

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ABBL 76 ALBRECHT JEREMY 8 ALFI 6, 8, 14, 28, 76 ALLIANZ GI 48 AMOR MOHAMMED 48 ARENDT & MEDERNACH 31, 62, 72 ATOZ 17 ATTASI ILARIO 48 AURIAC VINCENT 42 AXYLIA 42 BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT 42 BANQUE PICTET 7 BANQUE PRIVÉE EDMOND DE ROTSCHLID 19 BCEE 42 BERTRAND OLIVIER 60 BETTEL XAVIER 34 BIL 13, 42, 66, 72 BLACKSTONE 54 BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES 64 BOURSE DE LUXEMBOURG 34, 42 BOURSE DE SHANGHAI 34 BUFFLE MARC-OLIVIER 48

FESSEY NOEL 8, 82 FFYN 64 FINANCIAL CONDUCT AUTHORITY 38 FINANCIAL TIMES 24 FINARTASALONKEE 72 FINOLOGEE 76 FOYER 42 FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG 24 FRUSCHKI ANDREAS 48 FUNDROCK 20 GAMBIT FINANCIAL SOLUTIONS 64 GILLOT CHRISTIAN 64 GRAMEGNA PIERRE 6, 34, 42 GRANDIDIER JÉRÔME 66, 72 GSK 37 GUÉRIN MARTIN 66 HIGH CAPITAL 72 HOUSE OF STARTUPS 66

LA LIBRE BELGIQUE 24 LABEL R 64 LE REVENU TV 24 LHOFT 64 LICORNE CAPITAL 64 LINK FUND SOLUTION 20 LINKLATERS 2 LORENTI ALESSIA 76 LOYENS & LOEFF 45 LPEA 54 LUXEMBOURG FOR FINANCE 24, 30, 76 LUXEMBOURG GREEN EXCHANGE 8, 42 LUXEMBOURG PRIVATE EQUITY & VENTURE CAPITAL ASSOCIATION 54 LUXEMBOURG-CITY INCUBATOR 66 LUXFACTORY 66, 72 LUXFLAG 8, 42 LYXXOR 11 MACKEL NICOLAS 24, 30, 76 MAERA CAPITAL 54 MANDORINO FABIO 76 MANGROVE 66 MARC-ANDRÉ BECHET 28 MARX CLAUDE 38 MAURIER MATHIEU 8 MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE 66 MINISTÈRE DES FINANCES 30, 42 MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DES INFRASTRUCTURES 42 MONTEREY INSIGHT 62 MORNINGSTAR 42 MORTIER OPHÉLIE 42 MULHEIMS RAOUL 76

RAJAA MEKOUARSCHNEIDER 54 RBC INVESTOR & TREASURY SERVICES 8 RBC INVESTORS SERVICES BANK 62 ROCKEFELLER 54 SCANDELLA JEAN-LOUIS 48 SCHOONBROODT ORIANE 64 SES 66, 72 SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SECURITIES SERVICES 8 SOCIÉTÉ NATIONALE DE CRÉDIT ET D’INVESTISSEMENT 66 SOGELIFE 83 STANDARD & POOR’S 24 STATE STREET 62, 76 STÉPHANIE RAVAT 29 STURBOIS GILLES 32 SUETENS DAVID 76 TETRAO 64 THEMATICS AM 48 THÉOBALD TOM 30 THOMMES CAMILLE 14 THOMSON REUTERS 62 TPG 54

C - D - E CACEIS 33 CAPITAL AT WORK 57 CARDIF LUX VIE 76 CARLYLE 54 CASTIAUX JULIE 48 CGFP 29 COMMISSION EUROPÉENNE 8, 16, 38 CPR AM 48 CRÉDIT AGRICOLE 48 CRÉDIT MUTUEL ARKÉA 64 CSSF 6, 8, 20, 38, 48 DAN PILLER PATRICK 64 DEGROOF PETERCAM ASSET MANAGEMENT 42 DELOITTE LUXEMBOURG 20, 23, 48 DIGITAL TECH FUND 66, 72 DIRICKS CHRISTOPHE 74 EBA 38 EDMOND DE ROTHSCHILD ASSET MANAGEMENT 76 EFAMA 6 EIOPA 38 ELITE ADVISERS 48 ELVINGER HOSS PRUSSEN 28, 62, 76 ELVINGER JACQUES 28, 76 ESMA 38 ESRB 38 EUROPEAN FUND ADMINISTRATION 8, 82 EXPON CAPITAL 72 EY LUXEMBOURG 32, 60

I - J - K NG 47 INSEAD 54 INTERTRUST 41 IQ-EQ 76 ITRAVEL 72 JONES RICHARD 64 JP MORGAN 54, 62 KAROLCZUK STÉPHANE 34 KBL 48 KEYTRADE BANK LUXEMBOURG 64, 84 KKR 54 KNEIP 76 KNEIP BOB 76 KNIGHT FRANK 48 KPMG LUXEMBOURG 8, 74 KRANCENBLUM SERGE 76

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NATIXIS IM 48 NEKTRIA 72 NEW FINANCIAL 20 NICOLET LAURENCE 76 OPEXIA 61 OPINION (L’) 24 OSTRUM AM 48 PACARY KARINE 62 PAPERJAM CLUB 24, 76 PASSBOLT 72 PICTET AM 48 POST 72 PRIVATE EQUITY 4 WOMEN 54 PROCTER & GAMBLE 54 PROXIMUS 66, 72 PWC LUXEMBOURG 20, 51, 62

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JEUDI 11 JUILLET 2019

Le Paperjam Open, c’est LE tournoi de golf du magazine Paperjam. Une opportunité unique de rencontrer des personnalités influentes de la communauté business autour d’une passion, le golf. Le Paperjam Open, ce sont également des solutions de sponsoring créatives et impactantes pour associer l’image de votre société à un événement premium.

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« Focus on ‘alpha’ »

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Noel Fessey, CEO, président du comité exécutif et membre du comité de direction d’EFA, répond en image à la question : « Comment concevez-vous l’avenir du secteur des fonds au Luxembourg ? »

S

elon Noel Fessey : « Le changement continuera à s’accélérer pour tous : banques, asset managers, assureurs, administrations... Seuls ceux qui créeront de la valeur s’en sortiront. Pour les asset managers, il est vital de concentrer leurs ressources sur la recherche de performance et de s’appuyer sur des partenaires fiables pour l’administration. »

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