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Conversation Carole Muller
from Paperjam mars 2023
Femme, mère de famille, CEO d’une entreprise réputée et membre de plusieurs conseils d’administration, Carole Muller est-elle extraordinaire au point d’être qualifiée de Wonder Woman ?
Je suis très loin d’être la seule femme à cumuler plusieurs fonctions et à avoir de nombreuses occupations. De plus en plus de verrous sautent et les femmes sont plus visibles dans des fonctions publiques : on a une femme présidente de la CLC, une femme présidente de la Fedil, une femme présidente de l’OGBL… À vrai dire, j’aimerais que le genre ne soit plus une discussion, que cette question ne se pose tout simplement plus. Ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, ce sont les compétences, avoir une vraie personnalité, un caractère affirmé, une envie, un enthousiasme…
Justement, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous investir au-delà de vos responsabilités professionnelles directes au sein de Fischer, et notamment de la CLC ?
De manière générale, c’est la diversité qui me fait grandir et évoluer. Je ne suis pas quelqu’un qui reste seul dans son coin, j’ai au contraire besoin de réfléchir en groupe, de grandir dans la discussion contradictoire. C’est ainsi que se forgent les meilleures idées. En ce qui concerne la CLC, j’ai d’abord été vice-présidente aux côtés de Fernand Ernster. C’est lui qui a évoqué la possibilité de lui succéder, car il sait que je suis quelqu’un qui aime s’engager. Et s’engager totalement : le 50 %, je ne connais pas. Avec moi, c’est toujours 100 %. Quand je me suis sentie prête – car cela représentait tout de même un défi –, je me suis donc présentée à la présidence.
Depuis 2015, vous êtes également administratrice de LuxConnect. Là, c’est un mandat hors du champ immédiat de vos compétences initiales… Quand on m’a proposé ce mandat, je me suis dit que ce n’était en effet pas du tout mon métier. Les administrateurs cherchaient quelqu’un qui travaillait plus au niveau commercial, quelqu’un qui était de l’extérieur avec, dès lors, une vue différente. Au début, j’ai dû prendre le temps de comprendre ce que LuxConnect faisait, son activité, son business plan, ses ambitions. Toute cette diversité me permet certainement d’apprendre des choses qui me sont utiles, ainsi que pour mon entreprise.
Le Groupe Vertico Sa
Vertico SA est la holding sous laquelle se retrouve l’ensemble des sociétés de la famille Muller.
+ 24 SOCIÉTÉS (1)
• Efiga Invest SPRL – B – 100 %
• Panhold SA – L – 100 %
• Wedgold SA – L – 100 %
• Euromills Trade LTD – CY – 65 %
• Bakeries International Luxembourg – L – 100 %
• European United Bakeries – L – 100 %
• An der Bakes sàrl – L – 79 %
• Panord SA – L – 100 %
• L’Art du Pain sàrl – F – 100 %
• Vertimmo Sàrl – L – 79 %
• UB Group BV – NL – 100 %
• United Bakeries Trade
Slovakia SRO – SK – 100 %
• Delta Pekarny AS – CZ – 100 %
• OK Rest AS –CZ – 96,24 %
• PK Rest AS – CZ – 92,95 %
• United Business AS –
CZ – 99,77 %
• Finrest AS – CZ – 95,56 %
• Mourterco Investment Limited – CY – 99,77 %
• Fonteron Holdings Ltd –CY – 95,96 %
• United Bakeries Capital AS –
CZ – 79,26 %
• Kelsen Bakery – CZ – 99,77 %
• Farin’Up USA Inc – USA – 100 %
• MK 1704 USA LLC – USA – 80 %
• Panhelios SA – L – 49 %
VERTICO SA (1)
CONSEIL D’ADMINISTRATION (2)
MOULINS DE KLEINBETTINGEN SA (100 %)
CEO : Jean Muller
PANELUX SA (100 %)
CEO : Patrick Muller
Actionnariat à 100 % au sein de la famille Muller Fournisseur
Edmond Muller, Jean Muller, Emmanuel Emringer, Jean-Benoît Henckes, Patrick Muller et Claude Schmit
FISCHER SA (100 %)
CEO : Carole Muller
(1) Selon les comptes consolidés déposés en juin 2022 concernant l’exercice 2019
(2) Selon les modifications déposées le 1er septembre 2022
Pensez-vous qu’il existe encore des barrières en termes d’égalité homme-femme ?
Selon moi, il y en a de moins en moins, les choses s’améliorent. Mais, dans les statistiques de 2021, on remarque que l’on ne compte que 22,4 % de femmes dans les conseils d’administration du pays. Je ne m’attends pas forcément à ce que l’on soit à 50 % dans toutes les entreprises, mais là, on en est encore loin. Aujourd’hui, les femmes font des études plus longues, il faut aussi que cela se répercute dans l’économie réelle.
Seriez-vous favorable à la mise en place de quotas ?
Par principe, je suis contre, car si on impose des quotas, il y aura toujours ce risque d’entendre : « Il en fallait une. » Mais je pense que, malheureusement, parfois, pour pousser les choses, il n’y a pas d’autre solution. Si l’on instaure des quotas, il faut qu’ils soient alors limités dans le temps. Se dire, par exemple, qu’on les instaure pour 10 ans et que l’on arrête après.
Quels conseils donneriez-vous à des femmes qui aimeraient s’investir dans un board ?
Je pense qu’il faut prioritairement trouver un mandat et un conseil d’administration dans lesquels on se sente à l’aise, il faut assumer des mandats dont on a envie. Pour LuxConnect, par exemple, je n’ai pas dit oui tout de suite. J’ai d’abord voulu rencontrer les dirigeants, cerner ce que l’on attendait de moi. Je me suis également questionnée sur mes capacités à répondre aux exigences du mandat. Je dirais donc :
« Allez-y, posez des questions, intéressez-vous à l’entreprise et demandez-vous si elle vous intéresse, ce qu’elle peut vous apporter et ce que vous pouvez lui apporter. » Il est rare que l’on me propose quelque chose et que je réponde non de prime abord. Mais il m’est arrivé de refuser certains mandats lorsque j’estimais que je n’avais pas de plus-value à apporter.
Considérez-vous qu’une femme est plus exposée qu’un homme aux critiques ?
Pour répondre, je reprendrais une citation que je partage à 100 % et qui est d’Enrique Sacau, CEO de Kneip : « Il faut rappeler que tout le monde est très à l’aise avec le fait d’avoir un nombre considérable d’hommes incompétents qui occupent des fonctions. On devrait être aussi à l’aise avec le fait d’avoir des femmes incompétentes à ces postes de direction. Cela dit, cela n’arrive jamais, car elles doivent souvent prouver qu’elles sont bien plus talentueuses que les hommes pour obtenir les mêmes responsabilités qu’eux. »
À quoi ressemble une journée type de la très occupée Carole Muller ? Elle commence vers 7 h avec comme mission de motiver mes deux enfants de 7 et 9 ans à sortir de leur lit pour aller à l’école. Nous prenons le petit-déjeuner ensemble. C’est un moment important pour bien débuter la journée. Ensuite, je les emmène à l’école et je me rends à mon bureau. J’y suis tous les jours et j’ai décidé volontairement de ne pas habiter trop loin pour plus de facilité. En général, je gère l’administratif le matin, j’assiste à des réunions en interne. L’après-midi, c’est plus variable : je peux être à la CLC, dans les filiales du groupe, en discussion avec des acteurs économiques… Ce que j’aime, c’est qu’il est rare d’avoir une journée qui ressemble à une autre.
Accepteriez-vous d’autres mandats ?
Je veux pouvoir faire les choses à 100 %. La CLC me prend du temps et j’ai envie de continuer à avoir le temps d’aller déjeuner et de discuter avec les présidents des fédérations. Aujourd’hui, si je peux assumer ces mandats, c’est parce que j’ai des équipes derrière moi, à la CLC, chez Fischer, qui font un boulot fabuleux.
Quelle note donneriez-vous à votre work-life balance ?
Je dirais 8 ou 9 sur 10. Parfois, c’est plutôt 5 ou 6. Cela peut un peu varier selon les circonstances.
Parvenez-vous à ne pas penser « travail » lors de vos vacances ou durant les périodes de congé ? Quand je passe du temps avec mes enfants, je suis entièrement avec eux : maman est « off » de son rôle de CEO, même si mon téléphone reste évidemment allumé en
Fernand Ernster
UNE FEMME QUI SAIT
CE QU’ELLE VEUT »
Parmi les personnes que Carole Muller cite comme référence figure Fernand Ernster. Celui qui l’a accompagnée jusqu’à la présidence de la CLC fait pour elle figure de mentor. « C’est pour moi une forme de reconnaissance », admet celui qui vient d’être élu en tant que président de la Chambre de commerce. Il avait deviné très tôt son énorme potentiel. « J’ai d’abord vu son humilité. J’aime les gens qui savent en faire preuve. Mais Carole, c’est aussi une femme qui sait ce qu’elle veut, consciente de la chance de vivre dans un pays à l’écosystème exceptionnel et qui veut y contribuer. Elle a aussi une très grande capacité d’écoute, un style de management de qualité. Et, oui, elle apprend vite. »