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Céder son entreprise en sept étapes
from Paperjam mars 2023
À qui vendre mon entreprise ? Pour quel prix ? Par qui me faire conseiller ?
Le parcours des cédants est jalonné de nombreuses interrogations.
Plusieurs experts, actifs tout au long de la chaîne de transmission, y répondent.
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Trouver les bons partenaires
2Combien mon entreprise vaut-elle ?
Ils sont nombreux à pouvoir potentiellement aider dans le cadre de la cession envisagée de sa société. Encore faut-il trouver le plus avisé. Les plus petites structures peuvent s’adresser aux chambres professionnelles. Ou solliciter l’aide de leur fiduciaire ou expert-comptable. Au-delà, les cabinets de conseil proposent un service couvrant toutes les étapes du processus. On peut aussi opter pour la combinaison boutique M & A ou banque d’affaires / avocat spécialisé. Grégoire d’Avout, partner spécialisé chez EY, estime qu’un partenaire local peut suffire pour des transactions jusqu’à 2 ou 3 millions d’euros, mais qu’il vaut mieux se tourner vers un Big Four au-delà. Ou vers une banque d’affaires, selon Pierre Le Pahun, en charge du sujet chez Degroof Petercam. Chacun de ces spécialistes prêchant pour sa paroisse.
À la recherche d’investisseurs
L’expert dresse une liste d’acquéreurs potentiels, grâce à ses connaissances et ses recherches et avec des vérifications : « Est-ce qu’ils ont les moyens financiers ? Est-ce qu’ils ont déjà réalisé une acquisition ? », illustre Daniel Schneider, associé chez Tenzing Partners. Le cédant peut aussi proposer de lui-même un candidat. Il décidera qui contacter. « J’essaie de limiter. Cela évite de se perdre », indique Grégoire d’Avout. « Mettre des repreneurs en concurrence permet d’avoir un pouvoir de négociation plus élevé », relativise Alessandro Palagiano de Degroof Petercam. On leur envoie un teaser présentant la société sans donner son nom. « Basée au Luxembourg dans tel secteur avec un chiffre d’affaires entre X et Y euros », résume Grégoire d’Avout. Pour aller plus loin, ils devront signer un NDA (accord de non-divulgation).
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Habiller l’entreprise
Laurent Muller, administrateur délégué de Muller & Associés, effectue une triple opération pour déterminer la valeur d’une société. Il estime son patrimoine (actifs, revenus, matériel, infrastructure, terrains), ainsi que le résultat d’exploitation, redressé d’éléments exceptionnels comptables, auquel il applique un multiple entre cinq et sept fois l’Ebitda selon le secteur. Enfin, il réalise une projection, sur base d’un business plan avec analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces), du cash-flow que l’entreprise devrait générer dans les années à venir. « Si la valeur via le multiple de l’Ebitda est de 100 et celle via le cash-flow de 90, on va donner une fourchette entre 90 et 95. » Valeur et prix diffèrent et l’entreprise peut décider de vendre plus ou moins cher. 3
Une fois le NDA signé, les potentiels acquéreurs accèdent au mémorandum d’information. Il vise à « présenter, en 80 à 100 pages, les forces de l’entreprise, pas ses faiblesses », explique Grégoire d’Avout. On livre les informations comptables des « trois ou quatre dernières années », des détails sur les produits / services. Et « un business plan sur cinq ans » dans lequel on justifie les perspectives de croissance « grâce à une nouvelle usine, au lancement d’un produit, à l’augmentation du réseau de distribution ». Les échanges débutent et c’est souvent là qu’on ne retient plus qu’un acquéreur. Il signe une lettre d’intention, contrat non liant par lequel il manifeste sa volonté d’acheter.
« Il est primordial que les données soient identiques lors de la due diligence », prévient Joachim Heukmes de Deloitte.
5Avant de la déshabiller, via la due diligence
Cette étape de vérification dite « due diligence » vise à éviter tout vice caché. Elle peut être demandée à un auditeur par l’acquéreur ou anticipée par le cédant afin de régler les problèmes en amont. On y approfondit les données du mémorandum. S’il y a un revenu de 50 millions d’euros, on va aviser du fait qu’il ne s’agit pas d’une opération exceptionnelle, par exemple. « Le cédant doit être prêt à répondre à toutes les questions », détaille Grégoire d’Avout. On vérifie aussi les données sociales, juridiques, environnementales et immobilières. On demande les licences, contrats de travail, baux, permis d’urbanisme, autorisations d’établissement, listes des emprunts et garanties…
6De la négociation à la signature
Négociation et due diligence sont liées, le prix pouvant être adapté selon ce que cet audit aura révélé. Les échanges portent sur le montant, mais aussi le contenu de la cession et les clauses de garantie.
« À quel moment le passage de témoin se fait-il ? Le cédant reste-t-il dans l’entreprise et sous quelles modalités ? », liste Alessandro Palagiano. En général, la négociation dure « trois à six mois », même si cela peut prendre moins d’un mois ou jusqu’à trois ans dans certains cas, précise Jean-Philippe Smeets, avocat chez Baker McKenzie. Jusqu’à l’aboutissement : la convention de cession ou acte de vente. Les responsabilités de chaque partie sont définies dans les clauses. 7
Communiquer la cession
Les actionnaires sont les premiers au courant. Pascale Kauffman, à la tête d’Apollo Strategists, préconise de ne révéler le deal aux salariés que « lorsqu’il est signé ». Car s’il n’aboutit pas, « on perd en crédibilité ». Pour Grégoire d’Avout, « on peut confirmer des rumeurs en disant qu’il y a des échanges ». Pascale Kauffman conseille de choisir des ambassadeurs au sein de l’entreprise pour l’expliquer. Et de faire en sorte que tous les salariés aient le même accès à l’information, même ceux travaillant de nuit ou sans boîte mail, par exemple via des affichages. Puis, il faut envoyer une lettre aux fournisseurs et clients. « Leur dire qu’il y a une continuité, mais aussi des améliorations possibles », ajoute Joachim Heukmes. Enfin, il y a les médias. Faut-il leur révéler le montant de la transaction ? « On le communique très rarement », admet Pascale Kauffman, qui évoque une discrétion culturelle européenne.
Plusieurs Types De Transactions
Transmettre en une fois ou progressivement ? « Vous pouvez avoir un entrepreneur qui, dans 5-6 ans, voudra faire autre chose, mais n’a pas envie de passer la main complètement aujourd’hui », relate Pierre Le Pahun. Ou l’inverse.
La volonté d’une transmission progressive peut aussi venir de l’acquéreur. Une partie du prix sera payée à la signature, le reste plus tard. On adaptera alors le montant, selon l’atteinte ou non d’objectifs fixés. « Cela garantit que le cédant s’installe dans le futur, que les employés, fournisseurs et clients importants restent », justifie Daniel Schneider. L’acheteur peut privilégier une absorption pour
« économiser certains coûts », note Joachim Heukmes. À l’inverse, il peut séparer les structures pour « ségréguer les risques de la société acquise ». Et différencier les deux marques pour des raisons stratégiques – si le cédant lui donne le droit de les acheter.
Parfois, les cadres reprennent la société. On parle alors de management buyout (MBO).
« Quand il n’y a pas de reprise familiale, le cédant se dit qu’en termes de pérennité, c’est le plus naturel », relève Pierre Le Pahun. Mais « ce cas de figure ne se présente pas toujours, il faut un groupe de managers prêt à reprendre avec les capacités financières nécessaires à la réussite de l’opération ».
PLUSIEURS TYPES D’ACQUÉREURS
« Les industriels connaissent le métier, ce qui permet une pérennité du fonctionnement », schématise Pierre Le Pahun. Il peut s’agir d’une intégration verticale (achat d’un fournisseur par le producteur, par exemple) ou horizontale (entreprise concurrente, produits / services complémentaires, au même niveau de la chaîne de valeur).
Alors que « le financier veut faire une opération de valorisation avec sortie dans 5-10 ans. Il va maximiser les profits. Ce sont des optiques différentes. Il y a des cédants qui sont attachés, d’autres moins, aux aspects humains. »
Parfois, l’actionnaire veut seulement ouvrir son capital, par exemple, pour s’internationaliser. Dans ce cas, il peut « se tourner vers des fonds qui pourront aligner des millions ».
Ce document se veut un guide, élaboré à partir d’informations récoltées auprès de dizaines d’experts différents. Il s’agit cependant d’un schéma simplifié de la réalité, qui peut varier d’une situation à l’autre.
« En général, les family offices ont tendance à prendre des participations minoritaires passives avec un horizon de temps plus long », développe Joachim Heukmes. Alors que les fonds de private equity ciblent « des participations majoritaires avec un rôle actif dans la création de valeur et un exit à plus court terme ». Le partenaire financier peut aussi apporter des capitaux dans le cadre d’un MBO. Il existe des investisseurs publics, comme la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement, qui interviennent « dans les dossiers plus complexes ».