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Leur spécialité, c’est d’acheter
from Paperjam mars 2023
Qu’il s’agisse de fonds de private equity dédiés au soutien de PME ou bien d’entreprises d’envergure ayant adopté une stratégie de croissance externe pour se développer, coup d’œil sur des structures qui ne manquent pas d’appétit pour le rachat d’autres sociétés.
C’est l’histoire de deux consultants actifs dans le département Fusions et acquisitions d’un Big Four. Leurs journées sont rythmées par les échanges avec des entrepreneurs en quête de repreneurs pour leur PME. Et un jour, le duo décide de passer de l’autre côté du miroir et de racheter des entreprises. En 2015, un ami de Gauthier Gosselin et Georges Zahlen leur propose de reprendre l’entreprise Ady’s, spécialisée dans l’hygiène. « Nous nous sommes rendu compte qu’il existait une demande au Luxembourg pour des investisseurs capables de reprendre et de pérenniser des PME familiales dépourvues de repreneurs », explique Georges Zahlen.
C’est le cas, par exemple, de Reka, imprimerie rachetée en 2018 par le duo qui lance l’année suivante son f onds d’investissement Axiomatic. Celui-ci est aujourd’hui propriétaire d’Ady’s et de Reka mais détient aussi des participations dans d’autres sociétés non communiquées. « Nous avons une approche à très long terme. Le plus important dans la vente d’une société, c’est qu’elle ne soit pas déstabilisée », développe notre interlocuteur.
Quant aux caractéristiques qui font pencher Axiomatic pour une participation, il cite la gestion en bon père de famille, la maturité du secteur d’activité, la qualité de l’équipe en place, le fait que la société soit institutionnalisée avec un know-how indépendant de son patron, les bases financières solides, que le vendeur soit bien conseillé et ,enfin, ne pas sous-estimer le timing. « Un processus de vente peut durer entre trois et douze mois, il faut que ceux qui sont aux commandes soient prêts à faire une transition derrière », insiste Georges Zahlen.
Au-delà des frontières
Si Axiomatic a pour marché le Luxembourg, le fonds Europe Régions Financement (Eurefi) couvre pour sa part une zone plus vaste qui va du nord à l’est de la France en passant par la Wallonie et le Grand-Duché de Luxembourg. C’est en 1994 qu’Eurefi succède au Fonds Transfrontalier de Développement (FTD). Érigé sur un partenariat transfrontalier, Eurefi est présidé par Patrick Nickels, chargé de la direction générale au ministère de l’Économie. Parmi ses actionnaires figurent la SNCI, la BCEE, la BIL, mais aussi BGL BNP Paribas. Hors Grand-Duché, citons Idelux et Bpifrance Financement. Eurefi compte des participations dans une trentaine de sociétés. Il possède notamment Quarson et Sequoia en France ainsi que la pâtisserie belge Chez Blanche.
« Nous considérons un investissement comme un partenariat, un travail d’équipe où chacun apporte sa valeur ajoutée », explique Xavier Dethier, membre du comité de direction d’Eurefi. Le fonds traite en moyenne trois dossiers par an. « La première chose qui nous intéresse, ce sont les équipes et ensuite les projets afin de réaliser une belle aventure humaine. Tout en gardant un focus sur les secteurs d’activité que nous comprenons et qui ont du sens pour nous et nos stakeholders. Enfin, les sociétés dans lesquelles nous investissons doivent avoir démontré leur capacité à créer de la valeur. »
L’énergie, l’agroalimentaire, l’éducation, la formation et l’industrie à haute valeur ajoutée font partie des domaines de préférence du fonds de private equity. Ce dernier utilise des obligations convertibles qui génèrent des revenus récurrents. Quant au contexte actuel de remontée des taux, « compte tenu de notre approche peu agressive en termes de financement bancaire, cela ne devrait pas faire la dif férence sur le long terme au niveau des performances d’Eurefi », rassure Xavier Dethier.
Un moteur de croissance
Les rachats, c’est devenu une partie intégrante de la stratégie de croissance d’IQEQ. Le fournisseur de services aux acteurs financiers, comme les fonds d’investissement, réalise entre trois et quatre acquisitions chaque année en moyenne, selon son fondateur et président du conseil d’administration, Serge Krancenblum.
« Nous avons eu la volonté d’être un consolidateur dans notre métier, et pour y parvenir, nous avions besoin d’une croissance organique, d’une part, et d’autre part, d’un accélérateur de croissance, à savoir les acquisitions », explique-t-il. De quelques acquisitions au Grand-Duché au début du siècle, l’entreprise aux 420 salariés au Luxembourg a ensuite mis le cap sur les marchés européens puis extracontinentaux. « Depuis 2016, j’ai fait 21 acquisitions, tous continents confondus. »
L’entrepreneur estime que ces opérations sont nécessaires pour aller servir les clients à partir de là où ils se trouvent.
« En rachetant des sociétés, vous avez la capacité de servir rapidement vos clients et vous récupérez des ressources humaines de qualité », résume celui qui emploie 4.500 personnes dans le monde.
C’est le nombre d’acquisitions d’IQ-EQ depuis 2016. « Notre cible privilégiée concerne des entreprises actives dans l’administration de fonds, les services externes d’outsourcing qui concourent à aider et servir au maximum nos grands clients, les asset managers alternatifs », développe Serge Krancenblum.
Car Avenue : tout commence dans un garage
Il pointe en 389e position du classement des fortunes de l’hebdomadaire français Challenges, avec 300 millions d’euros estimés en juillet 2022. Pourtant, Stéphane Bailly se détourne du terme « serial acquéreur » lorsqu’on l’interroge sur le sujet. Le patron de Car Avenue estime que « la croissance n’est pas une fin en soi dans [sa] stratégie ».
Il n’empêche, c’est à force de rachats que la concession automobile Peugeot de Metz, ouverte en 1936 par son grand-père André Bailly, est devenue, moins d’un siècle plus tard, le 25e groupe européen de distribution automobile et le leader sur le marché de la Grande Région.
Mais Stéphane Bailly souligne qu’à côté des opérations de croissance externes, de nouveaux services se sont développés.
Outre la vente de véhicules neufs et les services après-vente dédiés à l’automobile, Car Avenue propose en effet une série de prestations comme la location de courte et longue durée, la vente de véhicules d’occasion, ou encore l’installation de bornes de recharge électrique, pour ne citer que cela.
UN AXE BELGIQUE-SUISSE
QUI PASSE PAR LE LUXEMBOURG Car Avenue compte 131 concessions situées dans le Grand Est, mais aussi au Luxembourg, en Belgique et en Suisse. « Nous faisons un métier où les marges sont réduites et la concentration permet, entre autres, de diminuer nos frais de structure et nos coûts de distribution pour investir dans la transformation digitale et ses nouveaux métiers, argumente celui qui préside le groupe depuis 2006. Nous ne faisons donc pas de la croissance pour de la croissance, nous avançons dans une logique d’intégration. » Quand on l’interroge sur l’acquisition dont il est le plus satisfait, le patron affirme que toutes ont répondu à une stratégie de complémentarité avec les marques commercialisées. Il n’empêche, « la première acquisition en 2010 au Grand-Duché de Luxembourg et celle en 2013 en Belgique marquent des moments importants pour le groupe, car il s’agit de nous ouvrir à une dimension européenne nouvelle ». Fort de 2.600 salariés, le groupe Car Avenue revendique 80.000 véhicules vendus et 1,8 milliard d’euros de ventes annuelles. Il distribue au Luxembourg les marques automobiles du groupe Stellantis ainsi que Lexus, Nissan ou encore Toyota. Côté belge, on retrouve principalement les marques Mercedes-Benz, mais aussi celles du groupe Volkswagen, de BMW et de Mini en France.