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BOB KNEIP
Bob Kneip voit dans la vente de son entreprise à Deutsche Börse Group « le deal parfait ».
« La donnée des fonds est le nouveau pétrole »
En mars dernier, Bob Kneip cédait Kneip, sa société de gestion des données de fonds, à Deutsche Börse Group. L’occasion idéale pour évoquer le succès de cette entreprise créée en 1993 et, surtout, la personnalité de l’entrepreneur derrière cette réussite luxembourgeoise.
Interview BENOÎT THEUNISSEN Photo ROMAIN GAMBA
Vous figurez régulièrement en très bonne place dans le Paperjam Top 100 des personnalités luxembourgeoises influentes, et vous avez même été 4e en 2018. Que votre nom soit associé à une success story aussi bien au Luxembourg qu’à l’étranger vous surprend donc toujours ? Oui, je suis toujours étonné par cela. Il y a tellement de belles histoires à écrire. Alors pourquoi la mienne plutôt qu’une autre ? J’ai une pudeur naturelle, tout simplement, et je n’ai pas nécessairement envie de me voir toujours au premier plan.
Bob Kneip préfère l’ombre à la lumière ? Cela vient avec les années. C’est paradoxal car, en début de carrière, je n’avais pas assez d’opportunités pour me mettre en évidence. Avec le temps, je me suis dit que c’est quand même une bonne chose de libérer la place, sur le devant de la scène. Tant que je reste au premier plan, cela crée de l’ombre pour les autres. Or, je pense justement que c’est maintenant à leur tour, plutôt qu’à moi, d’être mis en lumière.
Avec la récente vente de votre société, Kneip, à Deutsche Börse Group, quel héritage laissez-vous ? Je ressens beaucoup de fierté suite à cette transaction. C’est le genre de deal qui, à mes yeux, est juste parfait, parce que toutes les parties prenantes sont satisfaites. En outre, les clients de Kneip sont over the moon, car ils voient en Deutsche Börse Group un partenaire costaud avec de larges épaules. Cela constitue, pour eux, des garanties de continuité pour les affaires et des moyens qui peuvent être mis en œuvre pour leur assurer un meilleur avenir. Kneip ne fonctionne désormais plus comme une entreprise familiale qui était gérée par son fondateur. Quant aux équipes de direction et aux employés, ils ont accès, tout d’un coup, à un vaste éventail de nouvelles opportunités. Au lieu de faire partie d’une société de 200 personnes, ils se retrouvent dorénavant intégrés à un groupe de 10.000 personnes. De même, nos partenaires commerciaux se retrouvent désormais en relation d’affaires avec un des acteurs les plus robustes du marché.
Cette vente a permis à toute la structure de Kneip d’évoluer et de grandir encore. C’est cette perspective qui a orienté votre choix de vendre ? Je n’aurais jamais pu insuffler cette évolution seul, par mes propres moyens. J’en étais déjà parfaitement conscient il y a trois ou quatre
BIO EXPRESS
Les débuts Il a commencé sa carrière en 1984 chez Sodexo Belgium avant de poursuivre en 1987 chez Sodexo Luxembourg jusqu’en 1990.
L’entrepreneur En 1993, il fonde sa société, Kneip SA, dont il est directeur général jusqu’en 2017, avant d’occuper consécutivement les postes de président et de viceprésident jusqu’en mars 2022 – moment où Kneip SA est vendue à Deutsche Börse Group.
Associatif Il est administrateur du Cercle Munster, de la Fondatioun Kriibskrank Kanner, de la CroixRouge luxembourgeoise et de PSE Luxembourg. ans. Le dilemme était clair. Il s’agissait soit de doter l’entreprise d’un partenaire financier robuste, soit de vendre l’entreprise à un tel partenaire. Il s’est trouvé que Deutsche Börse Group partageait exactement ma vision, tant sur la direction que prenait le marché que sur le chemin à prendre. C’était donc la combinaison parfaite.
Le changement d’échelle n’est-il quand même pas une rupture majeure dans la culture et la stratégie de Kneip ? Cet aspect a bien sûr été pris en compte, aussi bien du côté de Deutsche Börse Group que du nôtre. Avec ses entités luxembourgeoises, Deutsche Börse a une stratégie clairement définie. Le groupe souhaitait étendre sa présence et ses activités au Luxembourg grâce à l’acquisition d’une nouvelle société spécialisée dans la gestion des données pour l’industrie des fonds. Avec Kneip dans son giron, Deutsche Börse Group vise à développer ce métier à part entière au Luxembourg. L’industrie des fonds commence à progressivement se rendre compte du potentiel des opportunités offert par la donnée. Il ne s’agit pas moins du nouveau pétrole.
À la tête de Kneip pendant une trentaine d’années, vous avez été un observateur privilégié des mutations initiées par le traitement de la donnée. Selon vous, quel défi attend l’industrie des fonds dans ce domaine ? Du fait que l’industrie des fonds s’est développée rapidement, il existe des milliers, voire des millions de duplications d’une seule et même donnée. Cela signifie que si un même point de donnée est multiplié à l’infini, des réconciliations doivent absolument être opérées, risquant alors d’être multipliées à l’infini.
Le défi consiste donc à pouvoir déterminer la donnée originale lorsqu’elle se retrouve à une multitude d’endroits.
L’enjeu porte donc sur les fonctions de contrôle ? L’une des plus importantes valeurs ajoutées de Kneip est, par exemple, de s’assurer que la donnée reçue soit testée avant d’être disséminée. Il faut également veiller à ce qu’elle soit diffusée de façon uniforme à travers les différents canaux d’information, que ce soient les bases de données spécialisées, les médias, les régulateurs, les distributeurs ou les investisseurs institutionnels. Il ne suffit pas que la donnée soit lâchée telle une bouteille à la mer. C’est la raison pour laquelle, il y a une vingtaine d’années, nous avions commencé à introduire des contrôles pour nous assurer que la donnée soit non seulement correctement envoyée en amont, mais aussi fidèlement reproduite en aval. Pareille approche nécessite de chercher à éliminer tous les doublons. Partout où la donnée se duplique, cela devient un enjeu.
Quelles conséquences cela a-t-il pour les professionnels de l’industrie des fonds ? Prenons le cas d’un gestionnaire de fonds qui possède un portefeuille contenant un millier de titres avec environ 2.000 classes d’actifs. Il est impossible qu’une seule personne passe en revue ce volume de données manuellement. Par contre, c’est une même et unique machine qui, en amont, va « processer » la donnée et opérer un filtre que le gestionnaire pourra alors utiliser pour savoir s’il y aura souscription ou rachat. Si la donnée est incomplète ou erronée, la machine la rejettera. Pour ce faire, la machine vérifie la valeur liquidative du même jour pour le même titre auprès de plusieurs sources différentes. Si la donnée diffère d’une source à l’autre, le titre est rejeté. L’enjeu est d’autant plus important que si des acteurs de l’industrie ne se sont pas bien occupés de leurs données, ils ne sauront pas combien d’opportunités de vente ils ont pu manquer. Vous évoquez l’unicité de la donnée. La duplication de la donnée n’est-elle pourtant pas inéluctable ? S’il n’est pas nécessaire de dupliquer la donnée, ce qui voudrait dire qu’elle n’a qu’une seule signification, ça n’implique pas de facto qu’elle doive obligatoirement se trouver à un seul endroit. En revanche, elle peut se trouver à des millions d’endroits, mais elle ne peut avoir qu’une unique identité et réalité. Obtenir cette maîtrise constitue sûrement l’un des points-clés du succès pour l’avenir.
Ne sommes-nous pas encore loin, aujourd’hui, d’une telle qualité dans le traitement des données ? Pas du tout. C’est déjà sur le pas de notre porte. C’est d’ailleurs ce que Kneip offre à ses clients depuis des années.
Comment cela se concrétise-t-il dans les activités de Kneip ? Kneip est au service de ses clients qui, à leur tour, sont au service de leurs propres clients. Kneip a donc pour mission de les assister pour rendre les données plus efficaces et plus pertinentes, en leur apportant une donnée clean en temps et en heure, qui soit accessible et qui n’ait qu’une seule réalité. Si vous cherchez dix sources différentes, vous voulez pouvoir trouver dix fois la même chose, que ce soit sur Bloomberg, Refinitiv, Morningstar ou d’autres plateformes. Mais la base de notre métier n’a pas changé : aider les clients à mieux communiquer avec les investisseurs et les épargnants. Ce sont les supports et les moyens utilisés pour réaliser cet objectif qui ont, en revanche, fortement évolué. Tout d’abord, il n’y a plus de papier. Avec les journaux, de gros recueils en papier étaient distribués à tout va. Les supports et les canaux de distribution se sont ensuite progressivement électronisés. Internet y a nettement contribué. Nous entrons maintenant dans une phase de complète digitalisation. Tout le monde peut obtenir les données dans le creux de sa main.
Le traitement de la donnée rime de plus en plus avec automatisation. À vos yeux, quelle place peut occuper l’automatisation dans l’industrie des fonds ? Il s’agit d’un élément pertinent au niveau du filtrage des titres détenus dans un portefeuille, une tâche effectuée à l’entrée – comme déjà expliqué – par des machines. Pour informer leurs clients et mettre à jour leurs portefeuilles, les professionnels reçoivent en bloc les données sur les produits qu’ils distribuent. Lorsque ces données rentrent dans leurs systèmes, elles subissent des batteries de contrôles. L’automatisation permet de les collecter depuis plusieurs sources, de les comparer afin de veiller à ce qu’elles soient complètes, justes et à jour.
Où se situe l’humain dans cette approche ? L’humain va progressivement être amené à gérer les exceptions que la machine rejette. Il faut aussi que, quelque part, l’humain définisse les lignes maîtresses de l’investissement et les monitore pour éventuellement les adapter. Plutôt que d’avoir des tâches d’exécution, l’humain aura des tâches à plus forte valeur ajoutée. Alors que les machines traitent la quantité, la touche humaine se retrouvera dans les aspects qualitatifs, avec le côté critique et la gestion des exceptions. Malgré tout, la machine va, peu à peu, apprendre à réaliser par elle-même ce type de tâches. Ce qui repositionnera l’humain à nouveau à un autre niveau, car je suis intimement convaincu que l’aspect humain ne disparaîtra jamais. C’est la créativité de l’être humain qui fait naître la valeur ajoutée, et non pas la machine. La valeur ajoutée de l’ordinateur ne se limite qu’à sa capacité à traiter plus rapidement des processus basiques.
Des professionnels commencent déjà à se doter d’outils basés sur l’intelligence artificielle. Le machine learning, par exemple, permet à un système d’apprendre sur la base de l’expérience. Comment percevez-vous cette mutation qui a débuté ? L’intelligence artificielle permet à une machine de s’inspirer de millions de facteurs pour apprendre. Et l’industrie passe en effet le cap de l’automatisation, de l’exécution mécanique. Alors qu’un robot se contente de refléter ce que l’humain lui a montré, l’intelligence artificielle va, quant à elle, se sourcer à de nombreux endroits différents pour les comparer, en tirer des conclusions en vue d’apprendre, et poursuivre cet apprentissage tout au long de sa vie.
Ne pensez-vous pas que le point de rupture concurrentiel réside justement dans ce type d’intelligence artificielle ? Tout le monde cuit avec de l’eau. Par cette analogie, je veux dire que toutes les tâches restent
génériques. Ce sont plutôt les choix d’investissement qui font la différence. Il y a des sousjacents, qui sont regroupés, se retrouvent en portefeuille et sont proposés au marché. C’est au gestionnaire de définir sa stratégie, ce qui revient à savoir dans quels types de sous-jacents il va investir, que ce soient des immeubles, des actions, des obligations ou des devises. Il fixe cette stratégie en fonction de son expertise, d’un secteur d’activité, d’une taille de marché, de la nature même de l’actif par rapport à la géographie, etc. Tout le monde n’a pas la même expertise dans les mêmes domaines. C’est justement sur cette base que le gestionnaire conçoit son produit d’investissement et la nature de sa gestion. Pour cela, il se fait aider tant par des personnes que des machines. Partout où des tâches génériques peuvent être effectuées de façon plus efficace, il serait dommage de s’en priver.
Le Luxembourg est réputé pour son expertise dans l’ingénierie financière. La place financière peut-elle se positionner en tant que hub pour les fintech ? Il a fallu beaucoup de pierres pour construire l’édifice qu’est devenue la place financière de Luxembourg. La donnée contribue au développement de cet écosystème. Cela fait au moins 25 ans que Kneip en fait partie. Maintenant, avec la force de frappe de Deutsche Börse Group, Kneip se donne les moyens pour contribuer à ce que le Luxembourg puisse se profiler comme centre international de la donnée relative aux fonds. C’est une corde supplémentaire à notre arc, car cela renforce la Place.
Outre la technologie, quels ont été les autres facteurs de transformation ? L’évolution a toujours été dictée par le même trio de moteurs : la clientèle, la réglementation et la technologie. Les demandes des clients et leurs attentes sont en grande partie motivées par la réglementation et les autorités de contrôle. La réglementation n’a pas cessé de gonfler, même si ça s’est relativement calmé au cours des dernières années. Les clients doivent aussi vivre avec leur temps pour être en accord avec leur clientèle rajeunissante. Dans les dix prochaines années, il y aura le plus grand transfert de patrimoine d’une génération à l’autre qu’il n’y a jamais eu, avec les baby-boomers en train de passer à la prochaine génération. Les nouvelles générations ont d’autres façons de consommer les produits financiers et la donnée. Une évolution profonde de l’industrie se prépare. Les modes de distribution évoluent. De même pour les coûts et leur capacité d’absorption. Toutes les sociétés de gestion sont en train de vivre une mutation. Cela se réalise avec la technologie et ce qu’elle rend possible. Quels ont été les moments-clés où la réglementation a poussé Kneip à se transformer ? À partir des années 90, il était par exemple obligatoire de publier les valeurs liquidatives des fonds dans différents titres de la presse quotidienne nationale des pays dans lesquels ces fonds étaient distribués. Ça a tout simplement favorisé l’envol de Kneip. Nous avions débuté cette activité en 98 et, en 2006, nous étions devenus le plus grand éditeur de données liées aux fonds dans la presse quotidienne internationale. Par contre, en 2006, il n’était plus obligatoire de publier ces valeurs liquidatives dans la presse en Grande-Bretagne. Un phénomène suivi, deux années plus tard, par le Luxembourg, chamboulant alors complètement notre modèle. Ce qui faisait à l’époque 70 % du revenu de Kneip n’en fait que 4 % aujourd’hui, en l’espace d’une quinzaine d’années à peine. Afin de faire réaliser des économies à nos clients, l’impression avait lieu dans les pays où les fonds étaient distribués. Plutôt que d’imprimer 450.000 exemplaires au Luxembourg, d’en envoyer une partie en Asie, une autre en Amérique latine et d’autres dans le bassin méditerranéen, nous avions des centres de production dans différentes régions.
Raison pour laquelle vous avez ouvert des bureaux à l’étranger ? La principale raison pour laquelle nous avons ouvert des antennes à l’étranger était plutôt de tisser davantage de proximité avec nos clients. Dans une époque de prédigitalisation, les échanges se déroulaient en face à face. C’était important pour nos clients de savoir que nous étions accessibles. Dès 1999, nous avions, par exemple, un bureau en Suisse. Ce qui a d’ailleurs été un argument-clé qui nous a permis de signer avec les plus grandes sociétés de gestion helvétiques. Par la suite, nous avons ouvert un bureau à Paris. Nous avons ensuite racheté une société en Belgique, créé une succursale à Londres et acquis une autre société à Francfort, en Allemagne. Nous avons ouvert ces bureaux parce
LES COUPS DE CŒUR ARTISTIQUES DE BOB KNEIP
Sa première représentation artistique achetée à l’âge de 10 ans Guernica de Picasso
Sa première toile acquise London at 12 PM de l’artiste belge Philippe Lebeau
L’œuvre qu’il a toujours rêvé d’avoir Campbell’s Soup Cans d’Andy Warhol que les clients nous le demandaient. C’était aussi lié à des questions réglementaires et à la compliance. La société a, de tout temps, accompli des tâches assez fondamentales pour ses clients, pouvant avoir potentiellement un lourd impact légal ou réglementaire. Raison pour laquelle nous avons aussi été soumis à des labels de certification pour montrer patte blanche lors de toutes les due diligences que les sociétés de gestion doivent mener à l’égard de leurs fournisseurs.
Vos partenaires ont donc également constitué une source de changement. Parmi eux, il y a les médias. Les considérez-vous comme vos clients ? Dès le début, nous nous sommes posé la question de savoir qui sont nos clients. Vendons-nous de la donnée ou travaillons-nous pour le compte des sociétés de gestion ? Le débat revenait chaque année : ne devrions-nous pas vendre de la data ou des services à valeur ajoutée aux destinataires ? Au final, je pense qu’il aurait été difficile de servir deux dieux à la fois avec notre business model d’antan. Nous nous sommes donc restreints à travailler uniquement pour les sociétés de gestion qui nous disaient ce qu’elles voulaient que nous fassions avec leurs données. Tant que j’étais aux commandes de la société, ce même focus n’a pas bougé. J’ai souvent laissé le débat s’ouvrir autour de la question, mais nous sommes à chaque fois revenus aux sources. C’est sûrement un modèle qui va évoluer avec le temps.
En 2021, vous avez conclu un partenariat entre Kneip et le Nasdaq. Quels en ont été les bénéfices ? C’était l’une des choses les plus géniales qui pouvaient arriver et qui fonctionnent. La couverture du Nasdaq est globale, les codes Nasdaq étant accessibles à l’ensemble de la population mondiale. Aucun autre acteur ne possède une couverture aussi large. Ainsi, à l’issue de notre partenariat avec le Nasdaq, il a été conclu que, pour chaque titre européen listé sur le Nasdaq, un contrat doit être signé avec Kneip. Ce qui donne lieu à un revenue sharing entre Kneip et le Nasdaq.
Était-ce nouveau de conclure un tel partenariat ? Nous avons développé toute une série de partenariats similaires au fil des années. Par exemple, nous avons été, de tout temps, un partenaire privilégié du Financial Times. De même, nous avons été le plus important fournisseur mondial de données relatives aux fonds pour Bloomberg. D’autres partenariats ont aussi été noués avec des médias internationaux, nationaux ou locaux. Nous nous sommes interrogés sur la façon de mieux travailler ensemble dans l’intérêt des sociétés de gestion, d’une part, et des lecteurs des médias, d’autre part.
Technologie, réglementation et modèle d’affaires constituent donc souvent des opportunités... Au final, c’est ce que nous faisons qui compte et qui fait la différence.
Il faut donc être créatif. Et c’est d’ailleurs une notion qui revient régulièrement en vous écoutant : la créativité... C’est dans des situations particulièrement difficiles que les neurones s’ouvrent. Le défi est de trouver des bribes de solutions pour satisfaire les clients. Sur ce plan-là, je n’ai jamais rien inventé. C’est toujours le client qui m’a dit ce qu’il fallait faire et comment le faire.
Avez-vous le sentiment d’avoir contribué à faire briller le Luxembourg à l’international ? Nous avons donné une visibilité extrêmement bonne au Luxembourg du fait de notre présence à l’international. Nous étions d’ailleurs membres de toutes les associations professionnelles locales de fonds. Nous étions aussi contributeurs dans les conférences et groupes de travail.
Bob Kneip est aussi un amateur d’art réputé. Comment cette passion est-elle née ? Ce n’était pas un choix délibéré d’entrée de jeu. Les tout premiers bureaux de la société se trouvaient dans un très bel immeuble art déco avec des sculptures, de hauts plafonds, des parquets, etc. Avec la forte expansion de Kneip, il a fallu que nous déménagions en 2000. Le seul immeuble que j’aie trouvé était un bloc de béton, d’acier et de verre qui était situé Grand-Rue. Il était très beau, mais n’avait pas la même touch que le précédent. Je me suis alors dit que puisque nous passions tant de temps au bureau, autant que l’environnement soit sympathique.
Quels sont les effets que vous avez constatés en plaçant des œuvres d’art dans les espaces de travail ? Ça stimule les échanges, les discussions et la créativité. J’ai découvert que mettre des tableaux aux murs – surtout du pop art sur des thèmes joyeux et des couleurs vives – rayonnait à l’intérieur du bureau.
Le pop art, cela a toujours été votre style préféré ? KNEIP SA ET SES CLIENTS EN CHIFFRES
Plus de 65 groupes clients pour les services d’investor disclosure
Plus de 250.000 Kiids / Kids produits chaque année
Plus de 110.000 titres dans sa base de données Priips / Mifid
Publication de données pour plus de 10.000 fonds dans plus de 40 pays
Offre ses services à plus de 30 % des titres de l’UE
13.5 millions de transactions calculées depuis 2018
125.000 documents déposés auprès des régulateurs
Des publications dans 40 pays
Des dépôts réglementaires dans plus de 30 pays
Je suis tombé amoureux du pop art après ma première visite au MoMa, à New York, vers la fin des années 60. J’y ai contemplé tous les grands noms du pop art, d’Andy Warhol à Roy Lichtenstein. J’ai tout de suite accroché. En revanche, pendant les années qui ont suivi, il fallait quand même de sacrés moyens financiers pour acquérir de telles œuvres. La fin des années 90 a toutefois été marquée par un renouveau du pop art. Beaucoup d’artistes contemporains sont alors revenus sur les thèmes habituels du pop art. C’est-à-dire, en règle générale, soit des icônes, personnes ou objets, soit des produits de grande consommation. Et ces œuvres étaient plus abordables.
Vous est-il arrivé d’ouvrir vos bureaux aux visiteurs, comme une galerie? Au début des années 2010, il y a eu l’événement Private Art Kirchberg. Les entreprises du plateau de Kirchberg ouvraient leurs portes un dimanche de l’année pour montrer leurs collections au grand public. J’ai commencé à inviter des artistes et des galeristes pour qu’ils viennent enrichir la collection. Nous débutions par un grand événement d’ouverture le vendredi soir, rassemblant des artistes, des amis, des amateurs d’art, des clients et des partenaires. Cet événement se prolongeait le samedi par des visites individuelles. Le dimanche, les bureaux étaient ouverts au public. D’une année à l’autre, les visiteurs ne voyaient jamais la même chose, car tant les
artistes que les galeristes apportaient de nouvelles pièces qui n’avaient pas été exposées lors des éditions précédentes.
Vous considérez-vous comme un collectionneur d’art ? Non, pas du tout. J’achète soit sur un coup de tête, soit sur un coup de foudre.
Vous continuez à acheter et à faire grandir votre collection ? Ça fait au moins deux ans que je n’ai plus rien acheté parce qu’il n’y a tout simplement plus assez de place sur les murs. Nous avons intégré la filiale belge il y a quatre ans et une dizaine de pièces sont revenues à Luxembourg. Nous avons ensuite fermé le bureau de Paris et une autre dizaine de tableaux ont à nouveau été rapatriés. De nos jours, avec la digitalisation, nous n’avons plus besoin des mêmes surfaces de bureau. Kneip est ainsi passé de 4.000 m2 à 2.000 m2. Faute de place, il a donc fallu que j’arrête d’acquérir de nouvelles œuvres.
Que sont devenues les œuvres d’art qui se trouvaient dans les autres bureaux de Kneip à l’étranger ? Tout est revenu au Luxembourg. Mais il faut savoir que les œuvres d’art n’ont jamais été acquises par la société, mais bien par moi. Je me suis dit que si un jour la société était vendue, au moins tout cela resterait en ma possession. Une des questions qui m’a d’ailleurs été posée avant de quitter ma fonction était de savoir si je pouvais encore laisser quelques œuvres d’art dans les bureaux. J’ai bien évidemment répondu favorablement à cette demande. De toute façon, je ne vais pas pouvoir replacer toutes les œuvres ailleurs.
Une nouvelle carrière dans le marché de l’art ne vous tente pas ? Non, pas du tout. C’est un métier à part entière. Pour moi, il s’agit avant tout de passion et de plaisir. Ma motivation est l’idée de montrer, de partager et d’égayer l’environnement.
Depuis la vente de Kneip au groupe Deutsche Börse, vous occupez de nouveaux bureaux, encore vides et avec des murs blancs. Comment vous y sentez-vous ? Un peu perdu, mais il est fort agréable que je puisse maintenant me demander ce que je vais pouvoir accrocher aux murs, et à quel endroit.
De nouveaux bureaux, cela veut dire de nouveaux projets professionnels ? J’ai pris la décision de me donner quelques mois de réflexion avant de me lancer dans un tout nouveau projet professionnel. Mais je souhaite encore, pour le moment, rester discret sur ce sujet.