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LAURENT MULLER

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MON STYLE

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Laurent Muller est l’auteur d’un premier livre évidemment porté sur le secteur de l’entreprise.

« Connaître la valeur de sa PME pour fixer un prix »

Auteur du livre Valorisation – comprendre la valorisation d’une PME, Laurent Muller explique la nécessité, pour les entrepreneurs, d’avoir une image fidèle des forces et faiblesses de leur entreprise. Un exercice pour lequel l’information, aussi bien qualitative que quantitative, est capitale.

Interview BENOÎT THEUNISSEN Photo MATIC ZORMAN

Vous dirigez Muller & Associés, une société spécialisée dans l’expertise comptable et le conseil économique. Pourquoi aborder le thème de la valorisation des PME dans ce livre ? Nos clients sont des dirigeants de PME. Un de leurs besoins est notamment de valoriser leur entreprise, dans le but soit de la céder, soit de la transmettre d’une génération familiale à une autre, soit simplement pour en connaître la valeur. Il y a plusieurs sources de revenus : le salaire, tout comme les dividendes perçus sur le résultat généré avec le bénéfice de l’entreprise. L’aspect de la valeur, pourtant crucial, est par contre malheureusement souvent ignoré. Même si un chef d’entreprise n’envisage pas de céder son entreprise, il a tout de même intérêt à en connaître la valeur. Il est également indispensable de suivre l’évolution de celle-ci dans le temps. La valeur d’une entreprise peut chuter ou croître d’une année à l’autre. Raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de la surveiller.

Dès le début du livre, vous faites une distinction claire entre la notion de valeur et celle de prix. Comment s’établit cette différence ? La valeur et le prix restent deux notions trop souvent mal comprises, portant à confusion. Économiquement parlant, la valeur est une offre. Le prix, quant à lui, résulte d’une intersection entre une offre et une demande au moment où deux parties prenantes à une transaction aboutissent à un accord. J’aime bien utiliser un exemple concret pour illustrer cette différence. Imaginons que je vous vends ma voiture, en déclarant qu’elle vaut 30.000 euros. Ensuite, vous m’appelez pour me proposer de l’acquérir plutôt à 25.000 euros. Ainsi, si nous nous mettons d’accord sur 25.000 euros, le prix sera alors de 25.000 euros. Nous remarquons alors que la valeur n’est pas égale au prix et, inversement, que le prix n’est pas égal à la valeur. Ce point est d’autant plus important à comprendre que, lorsque vous entendez circuler le prix d’une transaction, cela ne signifie pas nécessairement que l’entreprise en question vaut ce montant. Les parties prenantes à une transaction peuvent encore négocier certains arrangements, telle une période de transition entre le moment où la valeur est définie et celui où le prix est fixé. Finalement, la notion de prix elle-même peut comporter certaines nuances. Le prix déterminé peut par exemple être un prix fixe, un prix que l’on paie en tranches, voire un prix variable.

BIO EXPRESS

Études En 2008, Laurent Muller s’est vu attribuer le grade de docteur en sciences économiques. Il a auparavant obtenu un master en International business administration en 2003, à la suite d’un DEUG.

Début de carrière Il a débuté sa carrière chez Paul Wurth S.A. en 2003. Puis il a commencé son projet entrepreneurial en 2006, en reprenant avec son frère le cabinet de leur père, Fiduciaire Marc Muller.

Création Il a créé en 2014 Muller & Associés, une société active dans l’expertise comptable et le conseil économique, avec son frère, Frédéric Muller. L’entreprise compte une cinquantaine d’employés. La fixation d’un prix ne peut donc aboutir qu’aussitôt la valorisation finalisée. Qu’est-ce que cela change d’un point de vue numéraire ? Une valeur ne se reflète pas au travers d’un montant en euros. Le but de toute démarche de valorisation vise plutôt à obtenir une fourchette de valeur. Cette fourchette varie en fonction du poids de chacun des composants qui forment la valeur globale de l’entreprise. Ce n’est que sur cette base qu’un dirigeant de PME peut ensuite entamer des discussions avec un acquéreur potentiel, en vue de s’entendre sur un prix.

Cette clarification est fondamentale pour comprendre la finalité de la valorisation. La confusion entre la valeur et le prix n’amènerait-elle pas aussi à un mélange entre la valorisation et la phase de due diligence ? La valorisation consiste simplement à connaître la valeur de son entreprise. C’est la première chose à faire. Notons toutefois que la valorisation n’est pas un processus qui a pour vocation de toujours aboutir à une transaction. Il faut souligner que la chose la plus basique pour un entrepreneur consiste à connaître la valeur de son entreprise et d’analyser si elle augmente ou recule d’une année à une autre. Par contre, une valorisation qui a pour objectif une transaction sera alors suivie d’une due diligence. Cette dernière vise à vérifier la valorisation. Elle permet à l’acquéreur de s’assurer que les éléments intégrés dans la valorisation sont corrects. Il faut penser en termes d’étapes et la due diligence vient à la toute fin du processus.

Dans votre livre, vous avez choisi de mettre l’accent sur la vulgarisation plutôt que sur la technicité. Pourquoi ce choix ?

La littérature déjà existante autour du sujet de la valorisation d’entreprise se compose essentiellement de livres techniques. L’explication basique de ce qu’est la valorisation n’existait pas encore, à ma connaissance. Pourtant, je recevais énormément de demandes de la part de clients qui souhaitaient comprendre davantage, et mieux, le sujet. Je le faisais oralement ; maintenant, j’ai un livre.

Pourquoi adressez-vous votre livre tout particulièrement à un public de dirigeants de PME ? Le tissu économique luxembourgeois est essentiellement composé de PME. En revanche, les critères définissant une PME importent bien moins que le public cible du livre. Je m’adresse à des personnes qui agissent à la fois en tant qu’actionnaires, dirigeants et salariés de leur propre entreprise. C’est ce que nous appelons plus généralement aujourd’hui des entrepreneurs. Tous ceux-là constituent mon public cible.

Comment la valorisation d’une PME diffère-t-elle justement de celle d’une grande entreprise ? Si je regarde sur internet ou que j’achète un livre sur la valorisation d’entreprise, je trouve des méthodes quantitatives de calcul pour valoriser de grandes entreprises. Elles sont structurées de telle sorte qu’elles peuvent être directement appliquées. Les choses sont en revanche différentes pour les PME. Prendre les éléments des états financiers et les insérer immédiatement dans un modèle de valorisation ne fonctionne pas. Ce n’est pas si simple. Il faut opérer des redressements, analyser ces chiffres et comprendre s’ils reflètent la réalité économique de l’entité. Il y a des éléments que nous devons vérifier en lien avec ces chiffres avant de pouvoir les utiliser. Les modèles quantitatifs, à eux seuls, consistent en des modèles standards qui ne peuvent s’appliquer qu’à des entreprises standardisées.

L’intégration d’éléments qualitatifs est donc primordiale pour la valorisation d’une PME. Comment vous y prenez-vous pour évaluer ce type d’éléments ? Pour évaluer les aspects qualitatifs, nous passons en général par des analyses Swot (une technique de gestion stratégique pour identifier ACTIVITÉS PARAPROFESSIONNELLES

Fédération des jeunes dirigeants d’entreprise de Luxembourg Laurent Muller en est membre depuis 2015. Il en a été secrétaire général de 2016 à 2017 et président de 2017 à 2018.

Luxembourg Business Angel Network (LBAN) De 2015 à 2017, il a fait partie de son conseil d’administration.

1, 2, 3 GO Depuis 2015, il participe au comité de sélection de cette plateforme de coaching de plans d’affaires pour des projets touchant à la Grande Région.

les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces liées à une situation commerciale, ndlr). Nous positionnons donc l’entreprise en nous interrogeant sur ses forces. Pour ce faire, nous cherchons à comprendre les raisons pour lesquelles un client s’adresse à l’entreprise. Également, nous nous penchons sur les faiblesses de l’entreprise. De plus, au niveau de l’environnement du marché, nous identifions de potentiels risques, tels que l’évolution à la hausse des prix de l’énergie ou des matières premières. Le but étant de réaliser une valorisation aussi bien à la date d’aujourd’hui que de demain. L’augmentation des prix aura-t-elle, par exemple, un impact à moyen terme ? Cela pourrait affecter la fourchette de valeur.

Faisant face à une certaine part de subjectivité, comment collectez-vous les informations relatives à l’analyse qualitative ? Dans un premier temps, nous réalisons une série d’interviews avec les dirigeants pour comprendre l’entreprise. Mais le résultat reste toujours biaisé. Nous devons donc aborder le cadre plus général de l’entreprise, tel que le marché dans lequel elle évolue. Cette compréhension est absolument nécessaire pour valoriser l’entreprise le plus finement possible.

Quels types de faiblesses ou de risques cherchez-vous à identifier au cours de cette phase d’analyse qualitative ? Au niveau des ressources humaines, les PME sont exposées au key person risk. À travers nos entretiens avec les entrepreneurs, nous cherchons à identifier la compétence technique qui donne à l’entreprise sa position de force

« L’immatériel est implicitement inclus dans la valorisation. »

sur le marché. Si cette compétence repose sur un unique employé possédant un niveau technique élevé, l’entreprise se retrouverait sans back-up si l’employé en question était amené à s’absenter, même temporairement. Si cet élément n’est pas anticipé, c’est un risque, alors que s’il est identifié, cela n’est qu’une faiblesse. Cette dernière doit être gérée pour que l’entreprise devienne plus résiliente, car cela a un impact sur les coûts, la rentabilité et, in fine, sur la valeur. Le principe est le même avec le key client risk. Des entreprises ne possèdent qu’un ou deux clients importants. Une si faible granularité de la clientèle peut comporter des risques, dans le cas où un client viendrait à stopper la relation d’affaires. Il en va de même au niveau des fournisseurs avec le key supplier risk. La scalability est également un aspect important à analyser, pour que le chiffre d’affaires augmente, sans pour autant que les coûts augmentent simultanément.

L’approche qualitative reste particulièrement primordiale pour les PME. Mais qu’en est-il de l’approche quantitative ? Il y a en effet aussi l’approche comptable. Elle sert autant à comprendre les comptes qu’à vérifier que tout a été correctement comptabilisé. Il faudrait, par exemple, éviter que des provisions non prises en compte ne réduisent le résultat. Idem pour les investissements ou les tableaux d’amortissement. Nous devons nous assurer qu’ils sont corrects. Nous voulons ainsi constater que la comptabilité reflète fidèlement la réalité économique. Au-delà de l’aspect comptable, nous analysons des éléments liés à la finance d’entreprise, en nous basant sur des modèles de business plans orientés vers le futur.

Et quelle place donnez-vous aux éléments immatériels de l’entreprise dans le processus de valorisation ? L’immatériel est implicitement inclus dans la valorisation. Il ne faut pas encore ajouter une composante immatérielle au-delà de la valorisation, car elle est intrinsèque à la valeur de l’entreprise.

Quel est l’impact du contexte macroéconomique actuel sur le travail de valorisation des entreprises ? Par les temps qui courent, nous pouvons encore moins valoriser une entreprise à la seule date d’aujourd’hui, en sachant que demain, le prix de la matière première sera plus élevé et que l’entreprise aura du mal à s’approvisionner. Notons également qu’en moyenne, une entreprise vaut aujourd’hui moins qu’en 2019, puisque la valeur est en partie basée sur une rentabilité future. Il y a également le problème des financements, qui sont plus difficiles à trouver.

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