
5 minute read
UN MODÈLE À TROUVER
« Ce que l’on observe avec ces résultats, c’est que les personnes étudient vraiment ce qui est le plus avantageux et rentable pour elles dans leur déplacement, explique Philippe Gerber, chercheur au Liser spécialisé dans les questions de mobilité transfrontalière. Si je prends le bus ou le train, vais-je y aller en voiture, à pied ou à vélo ? Et si j’utilise ma voiture pour prendre le bus ou le train, est-ce qu’il y aura un parking ? Sera-t-il payant ? Lorsque l’on évoque la multimodalité, il faut vraiment réfléchir à tous ces aspects pratiques, qui font qu’un usager choisira telle ou telle solution. Et dans le but de décarboner les déplacements, et notamment ceux des nombreux frontaliers, ces problématiques sont incontournables pour les politiques. » Le projet Mmust (voir encadré) est sous le pilotage de l’Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord et mis en œuvre par un groupement de plusieurs acteurs comprenant le Cerema, le Liser, les universités de Namur et de Liège, ainsi que le ministère du Développement durable et des Infrastructures du Luxembourg.
Quels transports publics dans la Grande Région ? peut-être réfléchir à un système de plateforme connectée pour correspondre exactement aux besoins en termes de trajet ou d’horaire. Il y a une sorte d’équilibre à trouver entre l’efficacité offerte, le coût, la disponibilité. Il faudrait hiérarchiser les infrastructures, les offres, et cela nécessite encore des études et le développement de solutions alternatives », Aller travailler en marchant analyse Philippe Gerber. Mais c’est un sujet vraiment compliqué. Pour convaincre les gens puis en utilisant le vélo, de renoncer à leur voiture ou, du moins, de ou un peu sa voiture, puis le réduire son utilisation, il faudrait que tout roule en faveur des transports en commun, et qu’ils bus ou le train… tels seraient n’hésitent plus. Le prix actuel des carburants les meilleurs modèles de peut faire aussi que les frontaliers réfléchissent à modifier leurs habitudes de mobilité, d’autant multimodalité. Mais l’offre plus si leur employeur ne leur permet pas de est-elle déjà suffisante recourir au télétravail. » Pour le chercheur du Liser, « il n’y a pas une pour répondre à la demande, seule bonne solution. L’efficacité, c’est la complénotamment de la part mentarité d’un éventail de solutions. Ce sont des choses qu’il faut tester. Sans oublier que la Grande des frontaliers ? Région, avec ses quatre pays limitrophes, est un modèle en soi, et constitue un cas à part au sein de l’Union européenne. Il est donc difficile de s’inspirer d’autres pays pour voir ce qui fonctionne. » Il faut savoir également que le sillon lorrain entre Thionville et la frontière luxembourgeoise est la ligne la plus fréquentée du réseau SNCF. En France, seul le RER parisien transporte plus de voyageurs. L’offre va donc être renforcée dans les années à venir. Dans le PNM 2035, le ministère de la Mobilité explique notamment que les projets des CFL (nouvelle ligne Bettembourg-Luxembourg, etc.) seront opérationnels en 2028. Également, la mise en service des projets du côté français, prévus par l’accord gouvernemental du 20 mars 2018, per53,3 MILLIONS
Hiérarchiser les infrastructures « On observe que les transports en commun publics sont beaucoup plus développés au Luxembourg. Tous les villages sont desservis par des bus ou des trains, et toute la journée, ce qui n’est pas le cas dans toutes les villes lorraines ou belges. Mais le constat est que les bus ne sont pour autant pas remplis au Grand-Duché: il faudrait
C’est la distance, en kilomètres, parcourue chaque jour par les Français, les Belges et les Luxembourgeois de la Grande Région, selon l’enquête réalisée dans le cadre du projet Mmust publiée en 2021. Les personnes interrogées disent passer en moyenne 76 minutes à se déplacer et parcourent 42 kilomètres par jour.
Des différences selon les pays
Dans le cadre du projet Mmust, une vaste enquête de mobilité a été réalisée en 2021 en France, en Belgique et au Luxembourg, et 57.154 personnes ont été interrogées. La part de l’utilisation de la voiture (66 %) domine sur tous les versants. On observe néanmoins des variations en fonction du pays de résidence, avec notamment un taux bien plus élevé sur le versant belge (77 %). Des écarts entre versants se retrouvent également au niveau des parts modales de la marche et du bus. La marche semble sous-estimée au Luxembourg et en Wallonie (14 %), contrairement à la France (28 %). Pour les déplacements de 5 km et plus, le bus est utilisé à 15 % par les résidents luxembourgeois, contre 7 % pour les Belges et les Français. Pour rappel, le projet Mmust est un projet Interreg Grande Région qui a pour objectif d’élaborer un outil d’aide à la décision et à l’évaluation des politiques de transport en faveur de la mobilité transfrontalière au cœur de la Grande Région.
mettra de porter à huit trains par heure (en plus du TGV) le service entre Thionville et la gare centrale de Luxembourg. Le prolongement, jusqu’à Nancy, voire Strasbourg, d’une partie des trains ayant actuellement leur terminus à Metz serait également à l’étude.
Un RER de la Grande Région ? « Le PNM 2035 est une très bonne chose, mais on se rend compte que le Luxembourg tente finalement de rattraper le développement économique et le retard qu’il a pris ces 20 dernières années au niveau de la mobilité, note Philippe Gerber. Pendant de trop nombreuses années, on a laissé les choses se détériorer, privilégier la voiture, alors que les différents gouvernements auraient dû se rendre compte de l’ampleur des événements qui allaient arriver. » Le chercheur du Liser plaide notamment en faveur d’un REM (réseau express métropolitain), comme le RER parisien. « Il s’agit d’un réseau express dédié uniquement aux voyageurs. Si on fait ça, cela veut dire que le transport de voyageurs a sa ligne propre, sans le fret, qui aura également une ligne dédiée. C’est ce que le Grand-Duché commence à faire en doublant la voie sur le trajet Bettembourg-Luxembourg. C’est plus sûr en termes de cadence et de sécurité, mais cela a un coût conséquent, et nécessite de la place. » Aujourd’hui, on se retrouve souvent avec un « bouchon de trains » à Luxembourg-ville, qui constitue un goulot d’étranglement pour le réseau. « Il faut aussi que les gens changent leur comportement, mais qu’il y ait également une offre adaptée, qui corresponde exactement à la demande », conclut Philippe Gerber.