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INTERVIEW FRANÇOIS LAFONT
Interview
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Avec plus de 190 partenaires actifs dans les secteurs de l’hébergement, des salles, des agences événementielles, des services liés aux événements et des transporteurs, le Luxembourg Convention Bureau a succédé en 2019 au Mice Cluster. Sa mission ? Fournir une assistance aux organisateurs d’événements à caractère professionnel. Explications avec son CEO, François Lafont.
Comment se structure ce Luxembourg Convention Bureau ? Le Luxembourg Convention Bureau (LCB) est un GIE créé à partir des travaux réalisés par le Mice Cluster et détenu pour une moitié par la Ville de Luxembourg et pour l’autre moitié par l’État. Un cluster ayant une dimension interne, le Convention Bureau, a l’avantage de se positionner à l’international. Des 26 membres du cluster en 2019, nous sommes passés à plus de 190 partenaires au total. Le Luxembourg Convention Bureau porte le nom commercial de Business Events Luxembourg.
Le tourisme d’affaires est donc au cœur de votre activité ? La dénomination de tourisme d’affaires relève d’une tradition que je considère comme trop ancienne et trop floue. Aujourd’hui, le marché se partage entre, d’un côté, les déplacements d’affaires individuels ou en petits groupes de moins de dix personnes pour des rencontres avec des clients, des prospects, des fournisseurs ou des responsables politiques, pour lesquelles nous ne pouvons pas vraiment interférer. Et de l’autre côté, on retrouve les business events, à savoir des regroupements en plus grand comité qui peuvent prendre la forme d’assemblées générales, de séminaires, de conférences, de team buildings, d’incentives, etc.
Dans ce contexte, quelles sont les priorités du LCB ? Notre objectif, c’est de promouvoir une politique d’attractivité et de développement pour les manifestations. Le LCB se veut être un facilitateur de contact auprès des agences et structures internationales, de manière à positionner le Luxembourg sur la carte des manifestations internationales. Beaucoup d’entre elles tournent d’un pays à l’autre. Dans ce contexte, nous essayons de les attirer au Luxembourg grâce aux porteurs locaux lorsqu’elles visent l’Europe et qu’elles touchent à des domaines-clés pour le pays, à savoir la finance, la logistique, le spatial ou encore les technologies de la santé notamment. Comment évolue la demande dans le contexte actuel d’après-pandémie ? Au début de cette année 2022, le Luxembourg a connu un redémarrage plus tardif que les autres pays européens. Mais au second semestre, nous avons renoué avec une demande en hausse et en ligne avec les autres pays. L’intérêt augmente, nous travaillons déjà à positionner le Luxembourg sur des manifestations prévues entre 2024 et 2028.
En 2018, le Luxembourg annonçait viser le top 50 des destinations de tourisme d’affaires dans le monde. L’objectif est-il toujours d’actualité aujourd’hui ? Bien sûr ! Dans le classement de l’ICCA (International Congress and Convention Association), le Luxembourg est passé de la 74e position en 2017 à la 54e en 2021. Nous avons gagné des places, notamment grâce à notre capacité à mettre en œuvre rapidement des solutions pour nos partenaires. Nous maintenons le cap face à notre objectif.
Quels sont les points forts du Luxembourg pour attirer, par exemple, des congrès ? Le Luxembourg est un pays qui a la capacité à être bien représenté et bien reconnu grâce à un tissu de personnes engagées, multilingues et actives dans des structures au niveau international. C’est aussi un pays souple, doté d’une proximité avec les politiques et l’ensemble des décideurs. Le Grand-Duché est un pays à taille humaine avec des valeurs intéressantes à défendre. Les actions menées au niveau du nation branding et de Luxembourg for Tourism montrent que beaucoup de gens sont en train de redécouvrir le Luxembourg. Enfin, c’est un pays qui a de nombreux atouts structurels : je pense notamment à la proximité des différentes villes et à la gratuité des transports publics.
LES SECTEURS-CLÉS DE L’ÉVÉNEMENTIEL AU LUXEMBOURG
Agriculture et viticulture Automobile Cleantech Industries créatives Éducation Finance ICT Sciences de la vie Logistique
FRANÇOIS LAFONT CEO du Luxembourg Convention Bureau
Mais face à Las Vegas, par exemple, où l’industrie du congrès est fortement développée, le Luxembourg peut-il faire le poids ? Ce qui est le plus important, c’est le contenu. Notre objectif n’est pas d’attirer n’importe quel type de manifestation au Luxembourg. Notre intérêt consiste à ce que les manifestations sur lesquelles nous travaillons soient génératrices de croissance aussi bien pour notre destination que pour nos partenaires. Nous ne comptons pas organiser des événements à 10.000 ou 20.000 participants : notre souhait est de coller au pays et à ses valeurs, de miser sur la qualité et ne pas surcharger.
Quels sont, a contrario, les points faibles du Luxembourg dans le secteur du tourisme d’affaires ? Actuellement, près de 70 % de l’offre en hébergement est située à Luxembourg-ville, celle-ci concentrant aussi plus de la moitié des salles. Il faut parfois penser aux solutions en dehors de la capitale. Par ailleurs, la manifestation ou le congrès ne font pas toujours partie du planning stratégique des entreprises et organisations au Luxembourg. Il faudrait parvenir à réaliser une acculturation autour des événements professionnels et de leur finalité.
L’absence de liaisons aériennes long courrier et le fait de n’avoir que peu de liaisons TGV sont-ils des freins ? Être situé au carrefour des principaux pays européens est un avantage, car de plus en plus de personnes s’interrogent sur les déplacements lointains.
Quel avenir voyez-vous pour les événements d’affaires au Luxembourg ? Je vois un développement vers des manifestations à ouvertures multiples. Je pense qu’il importe de continuer à développer le multiangle et le « bleisure », entendez par là la combinaison de déplacements liés à la fois aux affaires et aux loisirs, car dans la mesure où les voyages sont devenus un peu moins faciles avec la pandémie, il existe une volonté de découvrir la destination plus longtemps, de manière à amortir son déplacement.
Tourisme d’affaires Mutation imposée en cours
Après le coup d’arrêt brutal porté à l’activité en 2020, le secteur du tourisme d’affaires et de l’événementiel se redresse, mais surtout s’adapte aux évolutions de la demande.
De 512.000 voyages d’affaires en 2019, les résidents en ont réalisé 181.000 en 2021, selon les chiffres du Statec. Toutefois, la durée de ces séjours s’est allongée, passant de 3,4 nuitées à 5 en deux ans. « Le ‘bleisure’ revient en force, à savoir la possibilité pour les voyageurs de prolonger leur séjour d’affaires pour des motifs de loisirs. C’est l’un des effets de l’accent porté sur l’équilibre vie privée-vie professionnelle », explique Gianni Pietrangelo, CEO de l’agence Travel Pro. Celle-ci estime que son activité est encore 30% en deçà du niveau de 2019. Si la demande des petites entreprises renoue avec les niveaux d’avant-pandémie, ce n’est pas le cas des plus grosses structures. « Les grandes sociétés ont réduit leur demande en voyages d’affaires. Beaucoup sont dans une démarche d’exemplarité environnementale et revoient leur politique de déplacements », ajoute le directeur général. Pour répondre aux exigences des stratégies RSE des sociétés, l’agence a instauré un outil de mesure des émissions de CO2 permettant aux clients d’opter pour la solution de voyage la plus adéquate.
Quand écologie rime avec économies Ce verdissement de la demande se ressent aussi dans les hébergements. À l’hôtel Le Royal, l’Écolabel est fièrement affiché tandis que les entreprises en charge des réservations posent de plus en plus de questions sur les pratiques en matière de développement durable, aux dires de son directeur général Philippe Scheffer : « Nous avons une liste de critères auxquels nous conformer. Certains pourraient sembler antinomiques avec le luxe, mais nous devons nous adapter. » Des distributeurs de produits d’hygiène ont donc remplacé les flacons miniatures dans les salles de bains, les chausse-pieds en plastique font place à des matériaux durables comme le bois ou la corne, tandis que les clients ont la possibilité de demander que les serviettes et draps ne soient pas systématiquement changés pour les séjours de plusieurs nuits. Dans un contexte où la facture énergétique a presque doublé, l’hôtel s’est doté d’un programme de gestion centralisé des éclairages et de la température ambiante, couplé à une réduction d’un degré de la température de sa piscine et à une ouverture du sauna en horaires réduits. En cet automne 2022, la clientèle est de retour à un niveau identique à 2019. Des chiffres que Philippe Scheffer relativise, compte tenu de la lente reprise et d’une baisse de régime observée fin 2019, sur fond de craintes liées au Brexit.
Le retour de l’événementiel « Nous avons renoué avec notre rythme d’activités de 2019 comme la plupart de nos confrères », avance Netty Thines, administratrice déléguée de Médiation, agence de communication spécialisée en marketing relationnel. Cette dernière n’affiche aucun événement virtuel au compteur depuis le début de cette année, signe que le retour au présentiel est bien réel. « Les gens ont besoin de se rencontrer et les distances ne sont pas énormes au Luxembourg, ce qui fait que les événements hybrides sont moins proposés que dans les grands pays. »