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I - Ce fantastique désastre

a) Le plastorique - Depuis quand et comment le plastique s’est-il invité progressivement chez nous ? C’est l’Histoire avec un grand H de cette matière virale.

Nous aurions pu commencer notre remontée de “ l’ère du plastique ” dans l’antiquité où l’utilisation de cette matière était dite naturelle. Les égyptiens employaient, alors, des colles à base de caséine* de lait, de gélatine d’os, ou encore d’albumine* d’œuf. Plusieurs siècles av. J.-C nous utilisions les propriétés plastiques des écailles de tortue, de la corne, de l’ambre, du caoutchouc et beaucoup d’autres (1). C’est pour dire à quel point nous employons, et ce depuis longtemps, cette plasticité, d’abord grâce à des formules naturelles puis synthétiques.

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Nous nous retrouvons, à la fin du XIXe siècle, dans une période où nous commençons à mieux capter le pétrole. C’est à ce moment que débute la mise au point de nouvelles matières : les plastiques semi-synthétiques. La première et seconde guerre mondiale font rage, tour à tour, et les besoins militaires demandent un développement industriel et technologique qui entraîne une grande innovation dans le domaine du plastique synthétisé. En 1935 apparaît la fibre proclamée par la société Dupont de Nemours comme « aussi solide que l’acier, aussi fine que la toile d’araignée, et d’un magnifique éclat ». Cette description du polyamide aussi appelé nylon, s’avère plutôt vrai. En effet, cette innovation fait ses preuves quelques années plus tard dans les parachutes des G.I. lors du débarquement de 1945. Par ailleurs, les bas distribués aux femmes des pays libérés sont eux aussi confectionnés en nylon (1). Autre exemple avec le Formica inventé aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Ce sont deux ingénieurs américains, Herbert A. Faber et Daniel J. O’Conor qui ont inventé ce revêtement synthétique. C’est un matériau composite*, un assemblage de feuilles de papier kraft imprégné de résine de synthèse pressée à chaud. Ils travaillaient initialement sur l’isolation électrique, le plastique étant un atout pour les appareils de communication en temps de guerre. C’est dans les années 30 qu’il habille le mobilier et envahit les salons et les cuisines des foyers occidentaux.

Publicité de 1959 promouvant les meubles de cuisine Formica

(1) Thommeret, R. (2014) Plastiques & Design, page 13, 14, 15 caséine- albumine : ce sont toute deux des protéines composite : se dit d’un matériau qui est constitué d’au moins deux matériaux de nature différente. L’idée est de combiner les propriétés de l’ensemble des matériaux utilisés.

Ce fantastique désastre a) Le plastorique

ECTOPLASTIQUE - I - Ce fantastique désastre a) Le plastorique

Le plastique prend de nombreuses formes, et c’est après la Libération et avec les années 50, que la diversification et la consommation de masse engendre de telles demandes que cela conforte l’essor de cette nouvelle industrie. Les usages sont alors repensés et deviennent très variés, le plastique entre dans les objets de la vie quotidienne. Ainsi les polymères sont progressivement proposés et parfois même imposés dans les secteurs de l’électroménager, de l’emballage, de l’habitat, de l’automobile ainsi que de l’habillement (2). Le plastique est donc partout. Par période c’est un objet précieux, un bijoux, ceux fabriqué en bakélite ont inauguré l’ère du plastique, car cette matière est devenue la première à être produite industriellement. La bakélite, développée entre 1907 et 1909, a par la suite été détrônée au profit de nouveaux plastiques plus colorés, plus performants, plus légers et plus simples à fabriquer. Passé d’objets rares et nouveaux aux objets prolifiques en série, le plastique touche de nombreux secteurs, et puisque tel est le cas, le design n’y échappe pas.

Le plastique entraîne un champ de possible pour les designers, c’est tout un regard formel qui évolue. Pour citer quelques grands noms et objets emblématiques du design, la célèbre Panton Chair de Verner Panton, en 1960, est la première chaise entièrement faite de plastique injecté* en une seule pièce, monobloc. Les hésitations dans le choix du matériau ont jalonné son parcours. Il a fallu plusieurs années à Verner Panton pour aboutir à une chaise mécaniquement durable. Le prototype de 1960 était fait dans une variété de polystyrène, le polysteron mais la structure en porteà-faux subissait trop d’efforts. Il a dû concevoir des renforts entre le dossier et l’assise, ainsi une petite série à été créée en polyester renforcé de fibre de verre. Mais si la chaise est devenue un objet emblématique du design et a obtenu de nombreux prix internationaux, c’est qu’elle à fini par être conçue entièrement en plastique. C’est l’ASA, un type de plastique, qui par sa grande fluidité mais aussi sa légèreté a permis au matériau d’être fidèle au détail du moule de la Panton Chair (1).

L’une des premières machines à écrire portatives en plastique montre parfaitement les nouvelles possibilités du moulage et de la déformation du plastique. La Valentine de Ettore Sottsass pour Olivetti, en 1969, symbolise la désinvolture des années 60. Cet appareil compact placé dans un coffret pourvu d’une poignée se rend transportable. La couleur rouge vive, innovante, renverse la vie monotone du bureau. En tirant parti des qualités novatrices du plastique, cette machine à écrire est un objet culte de la révolution culturelle de la fin des années 60.

Le plastique révolutionne et évince ainsi beaucoup d’autres matières plus traditionnelles. En fait, grâce à sa malléabilité, le plastique peut même imiter certains matériaux. Le consommateur n’y voit que du feu. Comme un caméléon, le plastique sait épouser les formes, les textures et les couleurs. C’est formidable tout ce que peut faire cette matière. Elle change les modes de perception, les mentalités, les comportements, innove nos moyens de créer, de consommer, de vivre.

« Le plastique, c’est fantastique, le caoutchouc, super doux », chante le groupe Elmer Food Beat dans les années 1990. C’est le gimmick d’une campagne de promotion pour l’utilisation du préservatif fait en latex (plastique). Encore un domaine d’application, dans lequel le plastique a su surpasser d’autres matériaux. Cette phrase, le plastique c’est fantastique, traverse la matière et est ainsi utilisée pour approuver une fascination autour du plastique. Nous l’avons vu, son ampleur est considérable, et son ascension dure depuis plusieurs siècles. La terminologie même du plastique fait appel à sa puissance. Tel un matériau magique qui a le pouvoir de se donner forme, la plastique est aussi esthétique que modelable. Mais alors pourquoi ce matériau est-il aussi exceptionnel et a-il révolutionné tant de secteurs? En quoi est-il si différent des autres matières ? Le fait qu’il puisse être usiné et implanté dans tant de domaines différents résulte de ses propriétés chimiques.

Affiche pour la Valentine, design Ettore Sotsass & Perry King, 1969 © Olivetti

(1) Thommeret, R. (2014) Plastiques & Design, page 87

(2) Messika, L. et Couette, P. 2004, Plastic no plastic. Paris: L’Archipel, page 12, injecté : le procédé d’injection du plastique presse (injecte) la matière chaude dans un moule

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