MEMOIRE D'ARCHITECTURE - REINDUSTRIALISATION DE LA PIERRE NATURELLE SUISSE - MANON MASSOT

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse HÉRÉSIE OU MATÉRIAU D’AVENIR?

Mémoire d’architecture master 2 Semestre 9 - Février 2019 Rédigé par Manon MASSOT

DE 5: «Villes et territoires, entre mémoire et actualité» Directeur de mémoire: Léa MOSCONI Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine


Couverture: production personnelle

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Ă€ papy Mitchou.

Les souvenirs avec toi resteront gravÊs dans les pierres blanches de la vieille maison d’Izernore...

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Remerciements Je remercie tout d’abord Léa Mosconi, professeur encadrant ce travail, pour son soutien durant ces mois de rédaction. Sa présence, ses relectures et ses conseils avisés ont été déterminants pour ce mémoire. Merci à Olivier Fawer et Carlo Bernasconi, tailleur de pierre et propriétaire de deux exploitations de pierre naturelle, qui m’ont accordé deux entretiens décisifs pour ce travail. Ils m’ont transmis une part de leur passion pour la pierre et son utilisation. Leurs expériences ont permis un apport essentiel dans ce travail. Ma gratitude va au corps enseignant et à tous les professeurs de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine pour ces deux années de master. Merci mille fois à mes parents , Betty et Didier, pour leur soutien inébranlable durant toutes ces années d’études. Leur intérêt particulier pour mon travail et la fierté qu’ils ont eue à m’accompagner m’a permis de toujours me surpasser. Je tiens également à remercier tous mes camarades de l’atelier Laurent de m’avoir intégré de cette manière et pour les nombreux échanges. Mais aussi merci à mes vieux amis genevois de l’HEPIA, toujours présent quoi qu’il arrive; Martin, Mathias, Pauline, Adrien et une pensée particulière pour Marion copilote toujours au top accompagnatrice hors pair. Et enfin merci à tout le reste de ma famille et mes proches pour leur joie de vivre et la motivation qu’ils me donnent; Charly TD, Julie, Juspine, Lolo, Mac, Maguy, Mamie Odile, Mamie Rosie, Marie Kiki TD, Marjorie, Phanou, Rémy, Romain TD, Sandrine, Seb. Finalement, merci à tous ceux que j’ai pu bassiner avec mes cailloux.

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«Soudain il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne.»

Roland Barthes

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Avant-propos

Cette vieille façade de corps de ferme du XIXème siècle aux couleurs

claires, un appareillage incertain, des murs courbés, la fraicheur des murs en été et la convivialité des repas d’hiver, des souvenirs d’une enfance à la campagne dans lesquels la pierre est présente. Les moments de joie, les moments de peine se sont mêlés à ces murs de la maison familiale. Ces murs ont une histoire, tel un palimpseste cette ancienne ferme s’est transformée au cours des années en gardant son charme indéniable, les pierres n’ont pas vieilli tandis que les générations se succèdent.

Jeune étudiante en architecture je découvre le reportage «Le

Sable, enquête sur une disparition»1, me voilà convaincue que l’architecture contemporaine ne peut plus continuer sur ce cycle. La destruction des fonds marins, la disparition d’îles en Indonésie, aux Maldives, les crues favorisées à cause du sable exploité dans les rivières, la mafia du sable au Maroc, autant de conséquences induites par l’utilisation massive du béton2 que les écoles d’architecture ne nous enseignent pas. J’ai alors la conviction que le respect de l’environnement dans la construction se fait par l’utilisation d’autres (nouveaux?) matériaux. En première année de master je fais la rencontre particulière avec les formes époustouflantes d’une carrière de comblanchien proche de Dijon. Je forge mes connaissances sur la pierre ce qui me persuade qu’il s’agit d’un matériau du futur comme le dit Gilles Perraudin, «Les villes du futur sont dans le passé3.» Après plusieurs interrogations sur le sujet et notamment pourquoi personne ne se rend compte des potentialités de la pierre, j’ai décidé d’engager ce travail en toute objectivité afin de savoir si l’utilisation de la pierre est viable dans notre société contemporaine. Le cadre géographique du mémoire s’étend à la Suisse, pays où j’ai découvert l’architecture avec passion durant mon bachelor et où j’ai également reçu les cours d’un des maîtres de la pierre naturelle en Suisse: Stefano Zerbi. 1. Delestrac, D. (2013), Le Sable, enquête sur une disparition, ARTE 2. Le béton est le deuxième matériau le plus exploité après l’eau. 3. Perraudin, Gilles, Entretien réalisé par Léa Mosconi

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«Architecture is the constant fight between the man and nature, the foght to overwhelm nature, to possess it. The first act of architecture is to put a stone on the ground. That act transforms a condition of nature into a condition of culture; it’s a holy act.»

Mario Botta 8


Sommaire

Avant-propos Introduction I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction 1. Introduction aux carrières Suisse

2. La problématique de l’accès à la ressource

a.

L’historique de l’exploitation helvétique b. Les morphologies des carrières c. L’économie actuelle: entre industrie et artisanat a.

L’inventaire fédéral des Paysages et des Monuments Naturels d’Importance Nationale (IFP) b. Législation sur les carrières

7 11 15 17 17 21 31

37 37 39

3. L’impact environnemental des carrières a. Une planification de l’exploitation

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4. Etude de cas

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5. Conclusion chapitre I

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b.

Une gestion des «déchets» c. Une évolution constante des techniques et des lieux d’extraction d. Différentes réhabilitations des lieux d’extraction

a. La réhabilitation des carrières d’Arzo, Tessin b. La carrière urbaine de l’herbier, Genève

45 49 53 61 65 73

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle

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comme système constructif

1. Une rationalisation plutôt qu’une évolution

a.

b.

La préfabrication rationnelle, dimensions et influence de l’exploitation Le transport des blocs pré-taillés et entreposage

2. Une mise en oeuvre dans la construction adaptée

a.

Les éléments structurels verticaux et ouvertures b. Les éléments structurels horizontaux c. Résistance face aux séismes

85 91

95 95 99 103

3. Un matériau au comportement exemplaire a. Une notion de confort intérieur acquise

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4. Etude de cas a. Une tour mixte en pierre massive, Genève

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b.

Une consommation maîtrisable: la reconsidération du confort c. La pérennité de l’ouvrage: La durabilité et le réemploi

b.

Une résidence pour personnes agées, Coire c. Une passerelle pré-contrainte, Thusis

5. Conclusion chapitre II

Conclusion Bibliographie Annexes

109 113 117 121 129 135

139 141 147 159 9


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Introduction

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L’âge de pierre. Partons de cette expression symbolisant l’époque

de la Préhistoire ou l’homme fabriquait ses premiers outils en pierre. Ce matériau, au même titre que la terre ou le bois, constituait la base de la construction. À travers les siècles la pierre perdure, s’amoncelle pour non seulement construire mais donner vie à des édifices civils, religieux, privés ou publics. Au XIXème siècle, la révolution industrielle change fondamentalement la manière de construire, l’essor de la production de l’acier, ou du béton remplacent petit à petit la pierre notamment grâce à leurs caractéristiques structurelles résistants davantage à la traction ouvrant ainsi de nouveaux horizons structurels à l’architecture. L’invention des murs-rideaux, l’apparition de l’usage intensif de l’isolation thermique lors du premier choc pétrolier de 1973, sont par exemple des évolutions qui tendent à rendre les bâtiments de plus en plus légers en augmentant les isolants et oubliant les principes de base de l’inertie thermique. Nous sommes depuis une quinzaine d’année dans une ère où les mentalités changent, ou notre mode de vie est remis en question, notre manière de consumer, de manger, notre regard sur l’environnement est en évolution positive. L’architecture n’échappe pas à cette évolution et montre depuis quelques années sont intérêts à tenter de changer la construction pour limiter son impact environnemental.

Le travail présent entreprend de proposer des alternatives futures à la

construction d’aujourd’hui en revenant à l’un des matériaux les plus anciens de la construction: la pierre naturelle. La Suisse étant un pays à la géologie très diverse, possédant une réelle histoire avec la pierre et son extraction, et dont l’histoire architecturale regorge de construction en pierre, nous cadrerons le sujet autour de ce pays. Nous tenterons donc de répondre à la question suivante : Pourquoi la réindustrialisation de la pierre naturelle dans l’architecture contemporaine Suisse peut-elle être une réponse aux enjeux environnementaux actuels ?

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Dans quelle mesure l’extraction serait-elle respectueuse de l’environnement? Est-ce que la maçonnerie en pierre naturelle peut encore répondre à nos besoins? Quelles seraient la mise en œuvre dans la construction la plus adaptée pour répondre aux nouvelles normes? Nous tenterons de comprendre si la réindustrialisation de ce matériau, audelà de l’utopie, pourrait réellement devenir un acteur de la construction de demain. À travers les normes et différents livres et articles sur la pierre nous déterminerons si l’extraction est encore viable. Trois interviews réalisées appuierons le travail, la première avec un propriétaire de deux carrières aux alentours de Berne, capitale Suisse; la deuxième avec un architecte contemporain utilisant la pierre dans ses projets; la troisième avec un tailleur de pierre et acteur de l’association ARMP1. Le travail se divisera en deux grandes parties: dans un premier temps nous parlerons de la gestion de la ressource, avec un questionnement sur l’accessibilité des carrières et son impact environnementale; le second chapitre s’attardera sur la mise en oeuvre de la maçonnerie en pierre naturelle afin de se rendre compte si son utilisation peut-être adaptée à une utilisation contemporaine. Des études de cas viendront soutenir ces deux parties afin d’avoir objectivement un avis sur la possibilité de réindustrialiser la pierre naturelle en Suisse.

1 ARMP Association Romande des Métiers de la Pierre, fondée en 1996, ayant pour but de «réunir sous une même bannière les entreprises exerçant quatre métiers différents, à savoir: tailleur de pierre, marbrier du bâtiment, marbrier, sculpteur sur pierre. Elle permet aussi de former la relève en garantissant aux apprentis une formation et un avenir de qualité et se veut être l’interlocuteur « pierre naturelle » de référence face à tous les acteurs du secteur de la construction: administrations, architectes, décideurs, écoles, propriétaires privés, etc…» 14


I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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1. Introduction aux carrières Suisse

a. L’historique de l’exploitation helvétique

La Suisse a débuté ses exploitations de pierre naturelle depuis l’époque

romaine. Elle exploitait surtout des gisements facilement accessibles et dont les roches étaient connues comme les tufs calcaires à Leuzingen (BE) et à Niedergösgen (SO), les calcaires du Jura à la Lance (VD) ou à Dittingen (BL) et les grès coquilliers, à Würenlos (AG).

Pendant le haut Moyen-Âge le nombre de carrières diminue

considérablement pour privilégier la construction en maçonneries de pierre sèche dont la pierre est trouvée sur place ou bien issue de l’excavation des tombeaux ou des bâtiments. Les carrières diminuent également parce que à cette époque on réutilise des pierres provenant d’anciennes constructions. L’exploitation se faisait donc selon les besoins et donnait lieu à des carrières de petite dimension.

Au XIIème siècle la Suisse débute d’importants chantiers urbains des

cathédrales, et «la nécessité de disposer de pierres de taille de bonne qualité et en grande quantité enclencha le rapide développement de l’activité extractive1». L’influence architecturale Italienne de la Renaissance combinée à la construction de nombreux édifices pour les bourgeois et les autorités a donné lieu à une grande production de pierres de revêtement et de décoration.

Une partie du XVIIIème siècle ainsi que le XIXème siècle constituent des

périodes ou l’extraction de la pierre en Suisse est au sommet, surtout en termes de quantités et de diffusion.

Jusqu’au XXème siècle les sites d’extraction sont répartis sur une grande

partie du territoire [Fig.I.1]. Mais la première Guerre Mondiale éclate, et après avoir connue son apogée, l’utilisation de la pierre perd petit à petit de l’intérêt jusqu’à décliner totalement après la Seconde Guerre Mondiale ou l’apparition de la brique, du béton armée et des pierres artificielles efface complètement 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p. 95.

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.1. Distribution des carrières suisses de pierre naturelle actives en 1915. Production personnelle d’après la carte de recencement de Niggli, P.

Fig.I.2. Distribution des carrières suisses de pierre naturelle actives en 2010. Production personnelle d’après la carte de recencement de Zerbi, S.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


la pierre du marché. Ce qui explique une large augmentation de l’exploitation des gisements de pierre naturelle dans la catégorie de la production de granulats. De nos jours la situation perdure voir s’aggrave avec la concurrence croissante des pierres naturelles de provenance étrangères. Seulement une soixantaine de carrières sont encore en activité aujourd’hui [Fig.I.2].

Fig.I.3. Evolution du nombre des entreprises suisses du secteur de l’exploitation de la pierre naturelle de taille. Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 60.

Fig.I.4. Evolution du nombre de carrières dans les six principaux Cantons suisses exploitant la pierre naturelle de taille. Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 60.

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


b. Les morphologies des carrières

Nous tenterons ici de faire un inventaire des différentes carrières

encore en activité en Suisse en fonction de leurs morphologies et de leurs types. Il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive mais plutôt d’une observation de plusieurs carrières qui permettra de donner un aperçu de l’exploitation sur le territoire. Pour ce faire nous prendrons en référence la thèse de Stefano Zerbi1 ainsi que le mémoire de Florian Rochat2. Il existe deux catégories principales d’exploitation de la pierre de taille en Suisse : les carrières à ciel ouvert et les carrières souterraines. Les carrières à ciel ouvert se subdivisent en trois souscatégories en fonction de leur morphologie adaptée au terrain : en flanc de taille, en puits ou en fosse. Les carrières souterraines peu présentes en Suisse se subdivisent en deux sous-catégories : en galeries ou en chambres. On retrouve très régulièrement des carrières possédants plusieurs morphologies décrites, «que ce soit dans l’espace ou dans le temps3». Comme la carrière de grès de la Molasse de Berne à la Krauchtal, qui était anciennement exploitée en flanc de taille qui est de nos jours exploitée en souterrain, permettant aux carriers de pouvoir extraire même lors des périodes hivernales. Souterraine Fosse 3% 7%

Puits 7%

Flanc de taille 79%

Fig.I.5. Répartition des types de carrières Réalisé d’après: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 125.

1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne 2. Rochat, J. (2013) Un architecture des carrières, énoncé théroque du travail de master EPFL, Lausanne, 3. Rochat, J. (2013) Un architecture des carrières, énoncé théroque du travail de master EPFL, Lausanne, p.7

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.6. Schéma synthétique d’une carrière en flanc de taille Production personnelle d’après: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne,

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Carrière en flanc de taille

C’est le type d’exploitation le plus répandu depuis l’Antiquité jusqu’à

nos jours, notamment pour sa simplicité et le peu d’aménagement et de technique qu’elle demande. Elles se situent principalement au pied d’une montagne ou d’une colline. Au vu de la topographie de la Suisse c’est tout naturellement qu’elle est la morphologie la plus présente sur le territoire helvétique et plus précisément dans les vallées alpines du Tessin, du Valais et des Grisons1 bénéficiant de bonnes connexions aux réseaux de transports. Ce type d’exploitation démarre depuis le sommet pour descendre en gradins ou bien en bancs verticaux. La pierre qui est extraite est amenée au sol par le biais de dumpers ou de derricks. Il suffit de mettre en place des rampes d’accès pour accéder aux différents bancs de pierre.

Fig.I.7. Photo personnelle de la carrière en flanc de taille d’Ostermundigen dans le canton de Berne

1. Rochat, J. (2013) Un architecture des carrières, énoncé théroque du travail de master EPFL, Lausanne, p.12

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.8. Schéma synthétique d’une carrière en fosse Production personnelle d’après: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne,

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Carrière en fosse

Les carrières en fosse se déploient souvent sur des surfaces

importantes où les gisements n’atteignent pas une grande profondeur. Elles furent répandues principalement sur le Plateau et parfois le Jura mais disparaissent au cours du XXème siècle parfois au profit de gravières1. L’exploitation commence par l’extraction d’une première tranchée jusqu’à la profondeur maximale puis dans un second temps on exploite les côtés. Elles côtoient fréquemment des espaces cultivés agriculture et sylviculture notamment et même des bâtis ce qui n’est pas le cas pour les carrières a flanc de taille.

Fig.I.9. Carrière en fosse dans le Jura suisse au Canton de Neuchâtel (Roc de Cernia) Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 105.

1. Kündig, R. (Ed.). (1997). Die mineralischen Rohstoffe der Schweiz. Schweizerische Geotechnische Kommission. ETHZ, Zürich, p.208

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.10. Schéma synthétique d’une carrière en puit Production personnelle d’après: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne,

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Carrière en puits

Ce troisième et dernier type d’extraction à ciel ouvert est semblable

à la carrière en fosse à la différence que la carrière en puits est utilisée pour les gisements d’une grande profondeur. Ce sont souvent des espaces nécessitant une sécurité accrue car elles sont dangereuses, sombres, étroites et profondes. Des derricks permettent d’acheminer la pierre au haut de la carrière. Elles restent rares en Suisse notamment car son exploitation est complexe et nécessite une technique précise. L’eau de pluie, les eaux des nappes phréatiques ou des sources environnantes remplissent régulièrement le fond de la carrière, elles peuvent servir aux refroidissements des machines en partie mais le reste doit être évacué et géré en surface. Les deux dernières encore en activité se trouvent sur le Plateau suisse1.

Fig.I.11. Carrière en puits dans la molasse d’eau douce inférieure au Canton de Saint-Galle (grès de Bollingen) Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 106.

1. Rochat, J. (2013) Un architecture des carrières, énoncé théroque du travail de master EPFL, Lausanne, p.24

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.12. Carrière souterraine dans la molasse de Berne situé à Krauchthal dans le canton de Berne Source: Hansueli, T. (2007) Sandstein, Stämpfli, ouvrage offert par Carlo Bernasconi sur ses lieux d’exploitation

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Carrière souterraine

Les carrières souterraines impliquent des coûts élevés d’exploitation:

stabilisation, ventilation et transport vers l’extérieur de la pierre et des déchets. Des coûts qui expliquent probablement pourquoi cette morphologie a quasiment disparu du territoire Suisse. Une dernière subsiste à Berne la carrière de Krauchtal. Afin de garantir la sécurité du site et la stabilité du «ciel de carrière» l’exploitation doit porter une attention toute particulièrement à la structure naturelle de la roche. Malgré tout elle permet une extraction tout au long de l’année ne subissant pas les intempéries et les variations de température et d’humidité, elle est donc une forme d’exploitation idéale pour les roches sensibles au gel. Par sa définition cette morphologie de carrière n’est pas visible, un avantage non négligeable1.

Fig.I.13. Schéma synthétique d’une carrière en puit Production personnelle d’après: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne,

1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.106

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


c. L’économie actuelle: entre industrie et artisanat

En s’intéressant davantage aux matières premières consommées

en Suisse on remarque une première chose: 80% de ces matières étaient extraites du sous-sol en 2006, dont 45 % proviennent de l’étranger1. Les matériaux minéraux (ne comprenant pas les matériaux fossiles ni les métaux) représente 50% des matières premières extraites en Suisse. Les 9/10ème extraient sont du sable, graviers et ciment réservés à la construction tandis que l’extraction de la pierre de taille représente seulement 1% de cette extraction des matériaux minéraux2. Il est impossible de trouver des données sur la production totale de pierre naturelle Suisse sur ces dernières années, ni extraite ni pour celle commercialisé. En revanche lors d’un travail de terrain mené sur plusieurs années, Stefano Zerbi avait recensé sur 23 entreprises actives un volume extrait de 225 600 m3 par an3. En 1983, l’étude de Schwarz4 sur les carrières Suisse révèle une production de 215 000 m3 pour l’ensemble des entreprises Suisses. Une légère augmentation de la production alors que parallèlement les sites de production disparaissent. Une observation qui nous permet d’affirmer que les méthodes d’extraction se sont améliorés mais aussi que la «pression grandissante sur le peu de gisements encore exploités, [impliquant] un plus grand impact au niveau de l’environnement5». La majorité de la production Suisse est utilisée en interne. L’exportation se limite à l’Europe et les pays limitrophes comme l’Allemagne qui reste l’un des principaux acheteurs de pierres Suisse [Fig.I.15]. Seulement la production en interne n’est pas sufissante et l’’importation représente 80% de l’utilisation de la pierre de taille en Suisse6. 1. Zecha, L., Kohler, F. (2006). Besoins matériels de la Suisse Statistique suisse de l ’environnement . Technical report, Office fédéral de la statistique (OFS), Neuchâtel, p. 8-10 2. Office Fédéral des Statistiques www.bfs.admin.ch 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.126 4. Schwarz, H. (1983). Die Steinbrüche in der Schweiz: die Entwicklung, Wetzikon. AG, Zürich, p.14 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.126 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.126

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.14. Géologie de la Suisse Production personnelle

Fig.I.15. Evolution de la taille des entreprises d’exploitation réalisé par Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 103.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


La géologie Suisse étant variée [Fig.I.14], les productions le sont tout

autant. Les types de roches sont principalement des roches dures, gneiss et calcaires alors que les roches les plus tendres, telles que les grès, largement exploités jusqu’au 19ème siècle, se limitent à la rénovation. Les types de pierre utilisés ont beaucoup évolué comme nous le confirme Mr Bernasconi1, propriétaire de deux carrières, qui exploite la molasse de Berne, un type de grès. Selon lui la réindustrialisation de sa pierre paraît difficile car elle n’est pas assez dure, ce qui avant était un atout pour la construction, du fait qu’elle soit facile à travailler, mais qui désormais avec l’évolution des techniques d’extraction, est devenu un défaut. Souterraine Fosse 3% 10%

Région 18% Monde 3% Suisse 53%

Europe 26%

Calcaire 8%

Puits 7%

Gneiss 50%

Grès 42% Flanc de taille 79%

Fig.I.16. Marchés principaux de vente de la pierre naturelle produite en Suisse

Fig.I.17. Répartition des types de carrières en Suisse

Fig.I.18. Types de roches exploitées en Suisse

Production personnelle réalisée d’après Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 127.

Production personnelle réalisée d’après Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 104.

Production personnelle réalisée d’après Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 125.

Nous savons déjà que le nombre d’entreprises d’extraction a

considérablement diminué et la composition même de ces entreprises a évolué. Nous avons pu observer que depuis 1975 les entreprises dites « artisanales », de petite taille, embauchant moins de dix employés se font de plus en plus rares, au profit des entreprises moyennes plus industrialisées [Fig.I.15]. La catégorie artisanale exploite principalement des pierres rares, tandis que les industrialisés (comprenant au minimum une trentaine 1. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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d’employés) exploitent les carrières pas uniquement pour la pierre de taille mais aussi pour d’autres moyens de rentabiliser leur entreprise. Ils combinent leurs activités avec une autre pour des raisons économiques : production de matériaux pierreux (sables, agrégats, gabions, ballast, ect…), importateur de pierre du monde entier, mise en œuvre en tant qu’entreprise de construction, stockage de matériaux et décharges. Carlo Bernasconi, qui exploite la carrière d’Ostermundigen et de Krauchtal, en est un exemple puisqu’il est également importateur de pierre.

Les chiffres sur l’exploitation des matières premières en Suisse

nous permettent d’assurer qu’inévitablement le territoire sera modifié, la construction nécessite une exploitation des minéraux. L’industrialisation des dernières exploitations a pour effet négatif d’augmenter l’impact environnemental de celles-ci. Nous allons nous intéresser à l’accès à la ressource afin de déterminer si cette dernière présente en grande quantité est aisément exploitable.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


2. La problématique de l’accès à la ressource

a. L’inventaire fédéral des Paysages et des Monuments Naturels d’Importance Nationale (IFP)

En un siècle la Suisse est passé de 750 carrières actives à seulement 70

aujourd’hui. La concentration de l’exploitation a pour effet pervers d’agrandir les carrières, donc d’être plus nuisible à la beauté du paysage naturel. Stefano Zerbi fait le constat suivant: «Il faut accepter la transformation de nos paysages pour en extraire les ressources car par exemple en Suisse on a toujours la même consommation générale de pierre elle est même grandissante mais on en extrait de moins en moins ce qui favorise l’importation1». En examinant les dépôts de roches et de sols, la Suisse est considérée comme étant riche en matières premières; malgré cela l’accès à cette ressource est de plus en plus difficile pour différentes raisons.

Fig.I.19. Carte IFP: Paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale Site officiel de la Confédération Suisse: https://map.geo.admin.ch/?topic=bafu&lang=fr&bgLayer=ch.swisstopo.pixelkarte-grau&catalogNodes=766&layers=ch.bafu.bundesinventare-bln&layers_opacity=0.75&E=2652423.03&N=1189923.12&zoom=1

1. Propos recueillis lors de la conférence «Construire en pierre massive» de Stefano Zerbi lors de la journée de conférence «Pierre&Architecture» le 12 mai 2015 au Salon des Professionnels des Patrimoines à Arles.

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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L’extension de l’inventaire fédéral des Paysages et des Monuments Naturels d’Importance Nationale (IFP) est un frein considérable à l’agrandissement d’une carrière [Fig.I.19]. Mis en vigueur par étapes entre 1977 et 1998 il comprend actuellement 162 objets répartis en 4 catégories1 :

- Les paysages uniques en raison de leur beauté, de leur particularité,

de leur importance scientifique, écologique, géographique ou culturelle.

- Les paysages typiquement suisses, c’est-à-dire des paysages proches

du naturel qui présentent une topographie, possèdent des caractéristiques historico-culturelles ou abritent des milieux naturels importants pour la faune et la flore qui sont caractéristiques d’une région.

- Les vastes paysages de détente, qui invitent à la promenade et à

la découverte de la nature, qui contribuent au bien-être et à la santé de la population et qui participent à la constitution d’une identité.

- Les monuments naturels, c’est-à-dire des objets naturels animés ou

inanimés tels que des blocs erratiques ou des affleurements caractéristiques.

1. Site officiel de la confédération Suisse https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/ paysage/info-specialistes/conserver-et-developper-la-qualite-du-paysage/paysages-d_importance-nationale/inventaire-federal-des-paysages--sites-et-monuments-naturels-dim. html

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


b. Législation sur les carrières

L’accès à la ressource est également contraint par le point de vue

légal. En Suisse il faut considérer trois niveaux pour la législation : fédéral, cantonal et communal, mais ce dernier niveau est simplement responsable de l’application des directives cantonales et ne concerne donc pas la définition des termes1. Dans le droit administratif Suisse, au niveau fédéral, la carrière est considérée comme un lieu d’exploitation pouvant se modifier2. (OBat: «Les objets itinérants comprennent des zones d’exploitation de matières premières, en particulier des gravières et des carrières d’argile et de pierres, incluant des plans d’eau de reproduction dont l’emplacement peut se modifier au cours du temps» .)

Pour ce qui concerne le niveau cantonal, la composition des lois sur

les carrières sont uniformes en quatre parties3 :

- Définitions et champs d’applications

- Rapport entre aménagement du territoire et activité d’extraction

(plan directeur, plan d’extraction et permis d’exploiter) - Déroulement de l’activité d’exploitation (rôle de surveillance de l’état, obligations du propriétaire et de l’exploitant)

- Voies de recours et dispositions pénales.

Certains cantons comme le Tessin, haut lieu d’extraction, ne possède

pas de texte législatif cantonal sur les carrières, ce sont dans ce cas les réglementations sur l’aménagement du territoire et des constructions et celles concernant la protection de l’environnement qui régissent l’exploitation des carrières.

Pour ce qui est de la réglementation sur l’Aménagement du territoire,

c’est l’article 75 de la Constitution4 qui oblige la Confédération à fixer les principes et les cantons à les appliquer. Cet article promeut « l’utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire». 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.133 2. Art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur la protection des sites de reproduction de batraciens d’importance nationale 3. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.134 4. Constitution fédérale de la Confédération Suisse, mis en vigueur le 1 Janvier 2000

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La législation fédérale regroupe une loi la LAT1 et trois ordonnances qui régisse l’aménagement global du territoire. Les communes se doivent de faire respecter cette loi au niveau local par des plans d’affectations. Finalement «la responsabilité d’établir les zones d’extraction et celles de transformation revient aux communes concernées par le biais des Plans d’affectations.2»

Concernant la réglementation sur la Protection de l’environnement et

du paysage, c’est l’article 74 de la Constitution qui la définit au niveau fédéral. Cet article concerne «la protection de l’être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes» et finalement «veille à prévenir ces atteintes. Les frais de prévention et de réparation sont à la charge de ceux qui les causent». C’est dans ce cas la LPE3 qui regroupe les dispositions fédérales que les cantons doivent faire respecter. Dans le cas d’une exploitation d’une carrière de pierre naturelle les ordonnances à respecter de cette loi sont: «l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair, du 16 décembre 1985); l’Ordonnance sur la protection contre les bruits (OPB, du 15 décembre 1986); l’Ordonnance sur la protection des eaux (OEaux, du 28 octobre 1998); l’Ordonnance sur les atteintes portées aux sols (OSol, du 1er juillet 1998) et l’Ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement (OEIE, du 19 octobre 1988).4»

En plus de ces deux réglementations contraignant l’extraction de la

pierre naturelle, d’autres lois peuvent entrer en vigueur dans le cas d’une modification de territoire, comme la LPN5 par exemple.

Le cas d’une ouverture ou d’un agrandissement d’une carrière est soumis

à l’Étude de l’Impact sur l’Environnement (EIE). L’EIE est contenu dans la Loi sur la Protection de l’Environnement (LPE) au niveau fédéral et s’applique par une Ordonnance, la OEIE, qui fixe de manière exhaustive les objets assujettis à cette étude: seulement les carrières d’un volume global d’exploitation supérieur à 300 000 m3. Les cantons ne peuvent donc pas modifier les objets à soumettre à l’étude mais ils peuvent par contre ajouter des exigences. 1. LAT: Loi fédérale sur l’Aménagement du Territoire, 22 Juin 1979 2. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.136 3. LPE: Loi sur la Portection de l’Environnement, du 7 Octobre 1983 4. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.136 5. LPN: Loi fédérale sur la Portection de la Nature et du paysage, 1 Juillet 1966

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


L’EIE est par définition «effectuée dans le cadre de la procédure d’autorisation et vise à examiner si une installation projetée respecte les dispositions relatives à la protection de l’environnement.»1. Toutes procédures de planification, de construction et de modification d’installations faisant la demande d’une EIE peut potentiellement faire l’objet d’un recours non seulement par les voisins mais également par un «certain nombre d’organisations à but non lucratif qui oeuvrent pour la sauvergarde du territoire2» selon la LPE et la LPN. C’est par exemple ce qui est arrivé à l’exploitant HOLCIM qui a déposé en 2015 une demande d’exploitation supplémentaire qui a dans un premier temps été accepté par le Canton permettant à l’exploitant d’extraire 2,8 millions de mètres cubes de calcaire à partir de 2020 jusqu’en 2029. Mais un an plus tard, des défenseurs de la nature s’en sont mêlé, WWF, Pro Natura, Helvetia Nostra, ainsi qu’une association qui lutte pour la sauvegarde de la montagne Mormont (ASM) ont déposé un recours3. Le 18 Octobre 2018 dernier le tribunal Cantonal a admis le recours des organisations environnementales contre l’extension de la carrière d’Eclépens notamment car celui-ci est inscrit à l’inventaire fédéral.

Une extraction d’un produit non renouvelable à l’échelle humaine

comme la pierre nécessite une planification des zones de carrière intelligentes. L’octroi du permis d’exploitation est régie par de nombreuses contraintes: hors des zones de protection des eaux souterraines et au-dessous des nappes souterraines exploitées, doit se trouver dans une zone affectée par le plan directeur cantonal et le plan d’affectation communal. Toute fois une dérogation peut-être autorisée selon l’Art. 24 LAT, dans le cas ou la destination de la carrières s’impose et si aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. Le défrichement du site est à prendre en compte, dans le cas d’une ouverture de site ou d’un agrandissement, il faut obtenir une dérogation en démontrant que les exigences du requérant priment sur la conservation de l’aire 1. Site officiel de la Confédération Suisse: https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/ eie/en-bref/qu-est-ce-qu-une-eie-.html 2. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.137 3. Rossel, N. «Holcim étendra sa carrière, les opposants fulminent», 24 heures, 14.06.2016, https:// www.24heures.ch/vaud-regions/la-cote/L-extension-de-la-carriere-dHolcim-fche-les-opposants/ story/14799846

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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forestière [LFo Art. 5 al. 2] « que l’ouvrage ne peut être situé ailleurs, qu’il remplit les conditions posées en matière d’aménagement du territoire et que le défrichement ne présente pas de dangers pour l’environnement 1». Une fois l’autorisation obtenue il faudra tout de même payer une taxe [LFo Art. 8] et l’obligation de compensation par de nouvelles plantations [LFo Art. 7]. Ces dérogations peuvent être délivrées par le canton mais requiert parfois les compétences fédérales si la surface excède 5 000m2 ou si la zone se trouve sur plusieurs cantons [LFo Art. 6 al. 2].

L’activité extractrice engendre des problématiques à propos de

l’aménagement du territoire et à propos de la protection de l’environnement, ce qui constitue à l’heure actuelle les raisons les plus valables contre un agrandissement ou une ouverture de carrière. Les surfaces d’exploitation diminuent (Voir chapitre II.1.A), une des raisons provient de la croissante opposition de la part des administrés, mais aussi des autorités. L’office fédéral de l’environnement (OFEV) souligne la difficulté de l’intégration dans le paysage des carrières qui l’affectent fortement, et ce même après une réhabilitation en état de nature. La «blessure» que laisseraient les carrières dans le paysage et les nuisances (bruits et poussières) seraient deux facteurs importants favorisant cette opposition. Mais ces craintes sont faussées par un manque de connaissances sur les carrières comme nous l’explique Stefano Zerbi dans sa thèse: «Ceci est en partie dû à la méconnaissance de la différence entre une carrière de pierre naturelle et une carrière de granulats ; cette dernière comportant des volumes extraits majeurs et des techniques d’extraction plus nuisibles, surtout à cause de l’utilisation d’explosif2».

Olivier Fawer, tailleur de pierre rencontré pour échanger sur ce sujet

est du même avis: «On n’arrive pas à ouvrir des concessions de gravières de moins en moins du coup la plus grande gravière de Suisse romande vous savez que c’est la douane parce que tout vient de chez vous (sous-entendu la

France) . Mais évidemment, quand vous faites un mode d’extraction gravière, [...] , ça génère beaucoup de bruit beaucoup de poussières et beaucoup de camions. Alors qu’un mode d’extraction pierre de taille, évidemment ça 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.138 2. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.132

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


dépend dans quel bassin on se trouve si vous êtes dans le Tessin vous êtes content d’avoir le bruit de l’autoroute en bruit de fond pour moins entendre les ratataratata des perforatrices qui vous font les trous, mais on s’est beaucoup mis au fil hélicoïdal. [...] ces haveuses ces grandes tronçonneuses, on pourrait se causer [...] sans être dérangé par le bruit. Ça creuse ça coupe des morceaux de sucre [...]. De plus les carrières sont temporaires, on en a énormément, on vient extraire pendant 3 mois ce qu’on a besoin après s’en va, alors les oiseaux et les crapauds se sont barrés un moment mais ils reviennent, on ne les a pas tués. ». On apprend avec ces deux hommes que la technique d’extraction est un

1

facteur plus ou moins aggravant du bruit et que le manque de connaissance, que ce soit du grand public ou même des professionnels de la construction, favorise l’opinion négative sur une possible ouverture de carrière. Bien qu’Olivier Fawer nous parle de carrière temporaire et de la préservation de la faune naturelle, nous allons comprendre dans la prochaine sous-partie quel peut-être l’impact environnemental de l’exploitation de la pierre naturelle.

1. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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3. L’impact environnemental des carrières

Malgré tout l’impact environnemental se doit d’être contrôlé de

l’ouverture à la fermeture d’une carrière. Le contrôle environnemental se fait selon trois points : la planification, la gestion et la remise en état après exploitation.

a. Une planification de l’exploitation

L’ouverture d’une exploitation ne se fait pas de manière systématique

et il est nécessaire d’avoir une planification infaillible. Une planification qui depuis des siècles se faisait par l’expérience du carrier et qui jusqu’à il y a quelques années était seulement spatiale: avec planification de la longueur, de la largeur et de la hauteur. Mais cette vision était trop limitée et nécessite également de planifier l’extraction en considérant le facteur temps. C’est en tout cas un facteur que l’association NVS1 tente d’introduire auprès de ses adhérents. Cette association est le représentant et le porte-parole de l’industrie suisse de la pierre naturelle. Au sein de cette association plusieurs commissions se réunissent régulièrement. Notamment la commission des carrières SBK qui s’engage à répondre aux préoccupations des entreprises d’extraction de la pierre naturelle.

Une zone d’exploitation est considérée comme une zone à bâtir et

nécessite donc une obtention d’un permis de construire, condition nécessaire selon la Loi sur l’Aménagement du Territoire [LAT Art. 22 al. 1]. Mais avant d’entamer la demande il faudra réaliser plusieurs étapes allant de la recherche documentaire en passant par des forages réalisés par un géologue, des analyses chimiques, des analyses pétrographiques … afin d’aboutir à un rapport final qui deviendra la base pour engager un permis de construire [Fig.I.20]. 1. NVS: Association Suisse de la Pierre Naturelle nom original Naturstein Swiss, basée à Berne qui regroupe plus de 70 entreprises spécialisées dans la pierre naturelle, elle est également responsable de la formation professionnelle de base et qui propose de nombreux cours de formation.

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.20. Diagramme des phases de prospection pour l’ouverture d’une exploitation Source: Smith, M. R. éd. 1999: Stone: Building stone, rock fill and armourstone in construction, («Geological Society Engineering Geology Special Publication No. 16»), London, Geological Society, 478 p.

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Une fois le permis obtenu, il est nécessaire de réaliser une Etude

d’Impact Environnemental (EIE, voir Chap I.2.b). Il s’agit d’un examen de la conformité de basant sur le Rapport d’Impact sur l’Environnement (RIE) examinant les effets du projet sur un certain nombre de points1.

L’association NVS traite ce genre de demande et peut guider les

carriers pour les études d’impact sur l’environnement (EIE), les plans de réhabilitation, sur l’aménagement du territoire et porte un intérêt particulier à la sécurité au travail dans les carrières.

L’agrandissement d’exploitation, ou même l’ouverture d’une nouvelle,

nécessite de nombreuses autorisations venant de diverses instances de l’autorité communale, cantonale, voire fédérale (voir chapitre I.1.b). L’avantprojet constitue un élément essentiel pour la planification d’un projet d’une telle envergure. Afin d’avoir une base suffisante pour la discussion avec les spécialistes et les autorités, l’avant-projet devrait contenir au moins: un plan général à l’échelle du 1:1000; les pré-examens géologique et hydrogéologiques, établis par un géologue; la description des étapes d’exploitation, des remises en état et de la situation finale, sous forme de plans, mais aussi d’images ou de modèles en trois dimensions permettant une meilleure appréciation de l’intégration de la carrière dans le territoire2.

1. Kündig, R., Die mineralischen Rohstoffe der Schweiz, Zürich, Schweizerische Geotechnische Kommission, 1997, 522 p. 2. - La protection de l’air - le bruit - les vibrations/bruits solidiens propagés - rayonnement non ionisant - eaux souterraines - eaux superficielles et écosystèmes aquatiques - evacuation des eaux - sols - sites contaminés - déchets substances dangereuses pour l’environnement - organisme dangereux pour l’environnement - préventions des accidents majeurs/ Protection contre les catastrophes - forêts - flore faune, milieux naturels - paysagistes et sites - monuments historiques, sites archéologiques

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b. Une gestion des «déchêts»

L’exploitation de pierre de taille produit beaucoup de «déchets»,

jusqu’à 50% à 70%1 du volume exploité. Le propriétaire de neuf carrières Suisses explique ce taux de déchets d’une manière très simple, «comme pour le porc, il y a les parties les plus prisées et celles qui le sont moins, révèle-t-il. Il y a les beaux blocs de pierre saine correspondant au filet, puis les sousproduits moins valorisés, comme le cœur ou le foie. Et les inutilisables, les os.2»

L’entassement des chutes induites par l’exploitation peut devenir un

danger pour la sécurité des travailleurs avec un risque d’éboulement, c’est pourquoi il est nécessaire de bien analyser l’endroit de stockage transitoire des chutes en attendant la revalorisation. Cependant cela ne présente pas de danger pour l’environnement2. Ajouté au risque sécuritaire, la perte de place au sein d’une carrière peut devenir un gros désavantage en fonction de la morphologie/taille de celle-ci. Alors la question est simple, comment ces chutes pourraient être gérées, voire revalorisées ?

Nous nous sommes donc intéressés à la définition même de déchet

et selon la Loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE) ce sont «les choses meubles dont le détenteur se défait ou dont l’élimination est commandée par l’intérêt public» [LPE Art7 al6.]. Il est ainsi faux de considérer les chutes de l’exploitation comme déchets car souvent l’exploitant ne souhaite pas s’en défaire puisqu’il peut la plupart du temps en tirer profit. En effet il existe plusieurs sortent de chutes produites lors de l’extraction et du façonnage: les poussières, les boues de sciages contenant des sables limons et argiles, les graviers et cailloux, et enfin les blocs trop fracturés ou ne correspondant pas aux critères mécaniques et esthétiques attendu. Malgré le fait qu’elles ne sont pas souhaitées, ces chutes sont plutôt à considérer comme des «sous-produits3» car la plupart de ces chutes peuvent être recyclées. 1. Dussault, A.M. «Des résidus de carrières encombrent le Tessin», Le Temps, 20.02.2017, https://www.letemps.ch/suisse/residus-carrieres-encombrent-tessin 2. Propos de Luca Vetterli, responsable de Pro Natura Tessin, recueillis dans l’article: «Des résidus de carrières encombrent le Tessin» 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.141

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Les graviers, cailloux, les boues de sciages et les blocs fracturés peuvent facilement devenir des agrégats pour production de béton, enrobés, des graviers, ou bien encore des granulats pour la future création de gabions dont la demande en architecture et aménagements urbains augmente. La revalorisation des boues de sciage en un terrain végétal pour remise en état de sols contaminés ou couche d’étanchéité pour le fond des décharges, est également probable cependant il faudra s’assurer qu’elles ne sont pas porteuses de métaux lourds (produits par l’usure des outils de taille) ou d’hydrocarbures lourds (contenus dans certaines huiles lubrifiantes d’outils et de machines de taille). Pour éviter la pollution des boues de sciage qui doivent être traitées ,qu’elles soient réutilisées ou mises en décharge, il faut procéder à une maintenance régulière des machines et outils ou bien à un assainissement si cela n’est pas suffisant. On favorisera une utilisation d’huiles lubrifiantes biologiques qui limiterait la pollution par les hydrocarbures lourds1. Stockage en carrière 25%

Valorisation moellons 36%

Valorisation granulats par tierces 25%

Valorisation granulats en propre 14%

Fig.I.21. Formes de valorisation des chutes Production personnelle réalisée d’après Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 147.

Une autre catégorie de chute vient de la croissante utilisation de la

pierre en plaques minces qui oblige à refuser des blocs qui présenteraient la moindre anomalie esthétique. Cependant leurs qualités structurelles ne sont pas entachées et ces blocs pourraient donc être utilisés dans la maçonnerie structurelle2. 1. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018 2. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.143

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Gilles Perraudin quant à lui utilise la pierre dans son intégralité en allant même jusqu’à réutiliser la poussière de la pierre pour le mortier permettant ainsi d’avoir une couleur similaire aux blocs et de se fondre complétement entre les blocs1. Carlo Bernasconi nous a confirmé durant notre entretien qu’il utilisait les chutes de façonnage pour du mortier de rénovation, mais que les quantités étaient faibles car il manquait de place pour l’installation de machines de séchages: «Une petite partie est même concassée pour faire du mortier de rénovation. Mais le reste notamment produit par le façonnage n’est pas recyclé car il faudrait d’énormes machines de séchage que nous ne possédons pas.2». Tandis que Olivier Fawer propose de se servir des chutes comme pour combler les carrières si les propriétés de la pierre ne permettent pas de s’en servir comme remblai: «Dans certaines pierres on peut en faire du remblai facilement. Mais d’autres comme la mollasse c’est plus compliqué et du coup on pourrait juste sen servir pour reconstruire le pan de colline, adoucir la meurtrissure, il y a toujours à faire.3»

Les structures de petite taille exploitant la pierre (moins de 10 personnes)

possèdent généralement des machines de façonnage mais pas de machines pour valoriser ces chutes4 et sont donc contraintes de les stocker dans leur carrière ou bien de les vendre à des clients qui sont parfois géographiquement loin, entrainant des frais de transports prohibitifs. «Pour vous donner une idée des coûts en Suisse, envoyer 25 tonnes à Bâle nous revient à 1’300Frcs suisse, alors que pour 1’000 dollars nous pouvons les acheminer en Chine. [...] Dans ces conditions, impossible d’être concurrentiel face aux matériaux italiens et aux résidus de construction recyclés suisses, moins chers.»5. A cervio, chef-lieu du district du ValleMaggia dans le canton du Tessin, le maire Pierluigi Martini propose une solution. Il demande d’améliorer la recherche sur la valorisation des déchets mais il propose également que lors des appels d’offres, les entreprises soient tenues d’utiliser 10% de pierre indigène sur leur chantier6. 1. Perraudin, G. (2013) Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, p.42 2. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018 3. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018 4. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018 5. Propos de Marzio Maurino, carrier, recueillis dans l’article: «Des résidus de carrières encombrent le Tessin». 6. Dussault, A.M. «Des résidus de carrières encombrent le Tessin», Le Temps, 20.02.2017

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Une proposition qui semble intéressante et potentiellement viable. Effectivement la recherche semble importante sur le domaine de la pierre et des déchets mais une obligation d’en utiliser réduirait considérablement le problème que rencontre le Tessin. C’est ce genre de dynamisme politique qui pourrait faire avancer les choses car si toutes les formes de la pierre sont utilisées l’impact environnemental sera plus faible et cela facilitera l’accès à la ressource.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


c. Une évolution constante des techniques et des lieux d’extraction

Le milieu de l’exploitation de la pierre naturelle a vécu et vit encore une

grande évolution de ses outils d’extraction et de ses machines de façonnage. Depuis toujours la connaissance géologique et pétrographique des gisements et des fractures naturelles est indispensable. Si les fractures naturelles sont présentes il est plus aisé d’extraire les blocs et nécessitera uniquement l’intervention de pelles mécaniques ou d’élévateurs à fourche. Si le gisement est très compact il sera nécessaire de découper la pierre en blocs de dimensions égales. Ce découpage de nos jours peut se diviser en deux grandes catégories, celle de la perforation la plus ancienne avec comme outils fondamentaux la masse et le coin, et la technique du sciage qui date elle de la Renaissance et qui s’est démocratisée depuis les années 19801. Chaque catégorie de découpe possède ses propres moyens d’extraction, la carrière détermine son mode propre moyen de découpage en fonction de plusieurs critères [Fig.I.22-23].

Prenons l’exemple de l’entreprise Guber Natursteine AG exploitant depuis

1903 la pierre de grès quartzifère GUBER dans le canton d’Obwald et dont l’usinage artisanal est actuellement complété par de nouvelles technologies2. L’ensemble des machines électriques utilisent le courant d’origine hydraulique et ils se sont équipés de nouvelles fraiseuses à disques d’une précision élevée peu sonores et qui consomment peu d’énergie. Au-delà des machines, l’extraction de la pierre nécessite des volumes d’eau conséquents, qui ne posaient pas de problème jusqu’à il y a quelques années. Mais l’eau vient à manquer et l’entreprise l’utilise désormais en circuit fermé: Utilisation – Récupération – Traitement – Recyclage3 Une planification raisonnée de la carrière a permis de déterminer ou se situait les meilleures conditions géologiques permettant ainsi de ne pas utiliser d’explosifs et d’ainsi pouvoir utiliser le maximum du matériau. 1. Singewald, C. (1992) Naturwerkstein: Exploration und Gewinnung; Untersuchung, Bewertung, Verfahren, Kosten. Müller. Köln, p.5 2. Guber Natusteine, site d’une entreprise de pierre naturelle, Histoire, http:/www.guber.ch/ cms/hp/fr/histoire-guber.html 3. ProNaturstein, Sur la voie du succès grâce à la durabilité et à l’innovation, https://www. pronaturstein.ch/fr/actualite/news/detail/sur-la-voie-du-succes-grace-a-la-durabilite-et-a-linnovation-1/

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Coins écarteurs métalliques

Ecarteurs hydrauliques

Pelle mécanique

Foreuse à colonne

Haveuse à chaîne

Fil diamanté

Fig.I.22. Outils pour l’exploitation Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 103.

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Fig.I.23. Diagramme déterminant le choix de la technique d’exploitation Source: Smith, M. R. éd. 1999: Stone: Building stone, rock fill and armourstone in construction, («Geological Society Engineering Geology Special Publication No. 16»), London, Geological Society, 478 p.

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Perforation

Découpe à la haveuse

Découpe au fil diamanté Fig.I.24. Principales techniques d’exploitation source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 115.

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L’exploitation se fait selon les différentes morphologies, en fonction

de l’espace mis à disposition et des conditions géologiques déterminées lors de la demande de permis d’exploiter (Voir Chap. I.2.b). Lors d’une visite des carrières de marbre de Carrare1 nous avions appris que leurs modes d’exploitation avait dû changer au cours des dernières années. L’exploitation en flanc de taille, donnant des murs de grandes hauteurs abruptes, posait des problèmes climatologiques et environnementaux. Pour ne pas trop modifier la trajectoire du vent notamment, il fallait désormais exploiter en gradins afin de conserver la morphologie primaire de la montagne. En Suisse aucun type d’exploitation n’est favorisé pour préserver l’environnement. Mais à la fin du 19ème siècle le géologue Hans Schardt proposait d’abandonner l’exploitation de front de taille pour les carrières de pierres jaunes de Neuchâtel au profit d’une exploitation souterraine2. Deux raisons à cela, la première pour obtenir plus pierre et la deuxième pour limiter les «cicatrices visibles» dans le paysage.

L’exploitation de carrières urbaines se fait de plus en plus connaître.

Cela consiste à profiter d’un terrassement pour en extraire de la pierre naturelle. L’exploitation serait donc temporaire avec des volumes plus ou moins conséquents. Une technique qui a du mal encore à séduire la maîtrise d’ouvrage notamment car l’investissement de départ est conséquent. Le problème est que nous avons une vision sur le court terme, effectivement le terrassement serait onéreux sur le moment mais il est nécessaire de prendre en compte la future valeur marchande de la pierre extraite ainsi que son utilisation au sein même du futur projet qui viendra au-dessus.

Depuis ces 10 dernières années on ne recense pas en Suisse Romande

de nouvelles carrières ouvertes à part une, ouverte de manière temporaire/ urbaine à Genève comme nous l’apprend Olivier Fawer. Il s’agissait d’une extension souterraine pour le jardin botanique seulement le bâtiment historique était proche et d’après les sondages qui ont fait apparaître de la molasse les modes d’extraction industrielles auraient pu mettre en péril

1. Visite personnelle effectuée en Septembre 2019 à Carrare, Italie 2. Froidevaux, N. «Autour des carrières disparues», Art+Architecture Suisse, 09.10.2018, https:// www.e-periodica.ch/cntmng?pid=kas-002:2012:63::414

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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l’édifice par les vibrations. L’ARMP1 propose donc une extraction en mode carrière grâce à une haveuse ce qui a permis de dégager plus de 450 m³ de pierre de taille et 450m³ de pierre moins saine. Cela est d’autant plus intéressant que la mollasse qui en a été extraite est disponible uniquement dans les carrières de Fribourg ou Berne, ce stock à donc pu permettre de restaurer une partie des monuments genevois2. Une seconde carrière urbaine aurait pu se développer à Lausanne. En effet la ville de Lausanne avait construit il y a plus de cent ans des réservoirs d’eau enterrés qu’il fallait rénover. Face à la densification urbaine la ville a décidé de construire par-dessus ces réservoirs des logements avec garages souterrains. Dès la faisabilité ils se sont aperçu qu’un éperon mollassique avait été attesté de bonne qualité depuis 1957 grâce à une étude géologique réalisée lors du rapport Bergier3 et qu’il atteste l’existence d’une carrière au XIIIème siècle sur le site. Environ 11’000 m3 étaient dans tous les cas à extraire pour la construction des parkings dont 3’000 m3 de couche supérieure impropre. L’ARMP (Association Romande des Métiers de la Pierre) propose un planning afin d’extraire en mode carrière. Seulement durant l’appel d’offre le prix des industriels pour extraire la molasse avec des toupies était de 90.-/m3 alors que les carriers demandaient 250.-/m3, une différence de prix ajouté à un déficit de la ville qui a rendu l’opération impossible. Le retour sur investissement n’a pas pu être pris en compte car la Ville n’avait pas les 400’000.- nécessaire au départ de l’exploitation. Olivier Fawer révolté assur que «l’extraction de carrière coute plus cher au départ mais après pendant 30 à 50 ans on avait 3 000 m3 de mollasse grise de Lausanne qui est la meilleure de toute, et on pouvait même utiliser les 3 000m3 de la couche supérieure pour faire les entrées des parkings, faire les murs de soutènement4.» 1 ARMP Association Romande des Métiers de la Pierre, fondée en 1996, ayant pour but de «réunir

sous une même bannière les entreprises exerçant quatre métiers différents, à savoir: tailleur de pierre, marbrier du bâtiment, marbrier, sculpteur sur pierre. Elle permet aussi de former la relève en garantissant aux apprentis une formation et un avenir de qualité et se veut être l’interlocuteur « pierre naturelle » de référence face à tous les acteurs du secteur de la construction: administrations, architectes, décideurs, écoles, propriétaires privés, etc…»

2. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018 3. Bergier, J.F. (1957), historien Suisse, Thèse sur les Recherches sur les ofoires et le commerce

international à Genève

4. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018

58

La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Une opération qui aurait pu être un succès mais Olivier Fawer trouve deux raisons à cet échec: «le monstre boulot au-delà du côté administratif c’est de pouvoir expliquer le côté WIN-WIN sur le long terme1.»

1. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


d. Différentes réhabilitations des lieux d’extraction

Une des étapes les plus importantes pour limiter les impacts

environnementaux de l’exploitation de la pierre de taille est la réhabilitation de son site. En effet l’exploitation a une durée temporelle déterminée et lors de la phase de planification menant à l’obtention du permis d’exploiter, la phase de réhabilitation doit être prévue. Les élus, les administrés ainsi que le propriétaire du terrain veulent connaître la vocation future du site dès le début de l’extraction. Cette fixation de vocation se détermine en estimant premièrement la «valeur» de la carrière. Quatre catégories de valeurs sont proposées1 :

- Matérielle : Valeur du gisement restant pouvant faire l’objet d’une future extraction.

- Géologique : Valeur de témoignage visible de la géologie d’un site.

- Culturelle : Valeur de témoignage historique de l’exploitation humaine.

- Paysagère/territoriale : Valeur paysagère

Une fois la valeur de la carrière déterminée, il s’agit de réaliser des

analyses écologique, géologique, morphologique et hydrogéologique, historique, urbanistique et un recensement des utilisations du sol afin de déterminer le type de réhabilitation le plus adapté. Quatre nouvelles catégories de réhabilitations :

- Remise en état de nature : le reboisement d’une carrière permet

d’améliorer la stabilité de la carrière et ses conditions hydrologiques.

La nature peut aussi reprendre sa place de manière autonome.

- Récupération productive : Transformer la carrière en lieu d’agricul

ture, cela pourrait être pour de la sylviculture, fruiticulture, viticulture...

Il s’agit d’une transformation intéressante d’un point de vue socio-

économique car elle permet de recréer des emplois une fois

l’exploitation terminée.

- Récupération technique : la carrière peut se transformer en bassin d’épuration des eaux, de stockage, ou bien même de décharge contrôlée.

1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.148

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

61


diminution des surfaces cultivables en %

cides

elée

< 5% 5 - 10%

e décelée

11 - 15%

e décelée

- Récupération urbanistique et fonctionnelle : cette dernière catégorie > 20%

10km 30km

comprend les utilisations liées aux loisirs et à la construction

(escalade, pêche lieu de baignade, théâtre en plein air…). Pertes desportive, terres cultivables

Mais on peut aussi imaginer que la carrière se transforme en champs

d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. différentes réhabilitations des carrières en fonction de leur morPhologies

En flanc de taille

En fosse

En puit

Souterraine

Remise en état de nature

+

+

+ Remblaiement

0

Récupération productive

+ Sylviculture Viticulture Frutticulture

+

0/+

-

Elevage de champignons Conservation de fromages, charcuteries et vins

Récupération technique

+ Bassin d’épuration Décharge contrôlée Stockage

+ Bassin d’épuration Stockage

Récupération urbanistique et fonctionnelle

+ + Zone de loisirs; Zone constructible zones constructibles

0 Zone de loisirs

Décharge contrôlée + Zone de loisirs; entrepôts

Fig.I.25. Exemples de récupération de carrières de pierre naturelle en fonction de sa morphologie et de sa valeur production personnelle réalisée d’après Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 151.

Peu importe le type de réhabilitations il faudra dans tous les cas

campUs de staRt-Up

respecter certains principes. Premièrement d’atténuer les impacts en cours d’exploitation mais également d’atténuer les impacts en stade final en prévoyant un réaménagement adapté au contexte local. Il faudra aussi

chimie alteRnative

pérenniser les réaménagements en identifiant le plus en amont possible le gestionnaire futur de l’espace créée par l’exploitation et préciser les conditions techniques et financières de gestion au travers d’une convention. Mais la réhabilitation nécessitera surtout de mettre le site en sécurité vis-àvis des risques de chutes de pierres, de noyade, de chutes et d’instabilité des remblais.

En Suisse la remise en état de nature reste la plus répandue en Suisse.

La re-végétalisation des anciennes carrières se fait à certaines conditions1: 1. Site officiel DREAL: Direction Régionale de l’Environnement, de l’Amégagement et du Logement de provence Alpes-côte d’Azur; Prévention des risques, Gérer les ressources minérales (carrières), http://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/chap9-5_cle2a1113-3. pdf

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


- Apport de terre végétale en quantité suffisante et d’engrais appropriés - Bonne répartition spatiale des espèces végétales - Priorités à donner aux espèces autochtones - Réalisation d’éboulis au lieu de falaises pour favoriser la repousse de la végétation - Gestion de l’écoulement des eaux afin de créer des espaces humides - Respect de la dynamique naturelle de reconstitution des milieux - Modelage des berges avec création de fonds en pente douce ou abrupte favorables à différents types de colonisation végétale

Parfois une réhabilitation peut se faire en parallèle de l’exploitation, par

exemple la carrière d’Ostermundigen ou le site se renaturalise par lui-même: «[Quelle est le plan de réhabilitation de la carrière?] Non ce n’est pas nécessaire car la réhabilitation se fait de manière progressive et naturelle due au fait que l’exploitation est lente1».

Nous avons pu voir qu’il existe une grande richesse de possibilité

de réemplois des sites. Sachant que le type de réhabilitation se décident dès l’obtention du permis d’exploiter on peut tout à fait imaginer un phasage de l’exploitation prenant en compte l’usage ultérieur afin de libérer certains espaces rapidement pour commencer la réhabilitation progressivement. Lors de la remise en état naturel, les suivis ont prouvés que les réaménagements bien conçus pouvaient aider au développement de la biodiversité et constituer des « zones de refuge pour des animaux ou plantes dont certaines (sont) en régression2». L’entreprise d’exploitation Guber Naturstein AG situé à Alpnach, est exemplaire en ce sens. Sur le plan écologique, la carrière est placée sous la surveillance de spécialistes. Dès qu’un lieu d’extraction est abandonné, l’entreprise procède aussitôt une renaturation ou à une reforestation du site, y compris à la mise en place de biotopes secs et humides destinés à accueillir des espèces rares d’animaux et de plantes. «La fermeture des carrières favorise l’apparition d’une biodiversité rare que les associations environnementales cherchent à protéger3». 1. Voir annexes: Interview 3, Carlo Bernasconi, Octobre 2018 2. Site officiel DREAL: Direction Régionale de l’Environnement, de l’Amégagement et du Logement de provence Alpes-côte d’Azur; Prévention des risques, Gérer les ressources minérales (carrières) http://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/chap9-5_cle2a1113-3.pdf 3. Véran, C. «Carrières d’Arzo, Tessin», D’Architecture, N°260, Mars 2018, p.85

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


4. Etude de cas

Dans les sous-parties précédentes, nous avons pu voir que la gestion

est très importante pour garantir une extraction raisonnée et durable. Il faut trouver un moyen de valoriser la ressource de la pierre et notamment en valoriser les lieux d’extraction. Ces études de cas vont développer de deux types de valorisations : la carrière urbaine, valorisation de la pierre à travers des terrassements, et la réhabilitation architecturale d’une carrière, revalorisation de la pierre à travers la réappropriation des endroits d’extraction.

a. La réhabilitation des carrières d’Arzo, Tessin

Pour le premier cas d’étude nous allons nous diriger dans le Tessin,

proche de l’Italie ce canton regorge de carrière de pierre de taille. Des générations de tailleurs de pierre se sont succédées dans les carrières de marbre d’Arzo depuis le XIVème siècle1. Le marbre coloré spécifique d’Arzo aura servi pour la construction de la cathédrale de Milan ou encore celle de Côme, trouvant aussi une utilisation en Allemagne jusqu’à Varsovie. L’extraction de la pierre se faisait exclusivement manuellement utilisant de lourds marteaux, des scalpels, des leviers et des cales en fer2. La Première Guerre mondiale laisse place à une longue période d’inactivité qui se termine au début des années 1920 grâce aux entreprises Luigi Allio & filgli et Rossi+Ci qui introduisent de nouvelles machines facilitant l’extraction3. Ottorino Rossi, associé de l’entreprise, rapport également de Carrare la machine à câble hélicoïdal avançant sur de longues distances (entre 500 à 1000mètres) et permettant à l’aide d’eau et de sable de découper la pierre. Puis au milieu des années 1980 c’est cette fois-ci le passage au câble diamanté qui facilita davantage l’extraction et réduira considérablement ses délais. 1. Période des grands chantiers gothique 2. Site ticino.ch; Carrières de marbre, https://www.ticino.ch/fr/commons/details/Carri%C3%A8res-de-marbre/142046.html 3. Site ticino.ch; Carrières de marbre, https://www.ticino.ch/fr/commons/details/Carri%C3%A8res-de-marbre/142046.html

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.26. Vue aérienne de la carrière d’Arzo source: site officiel du Tessin; https://www.ticino.ch/fr/commons/details/Carri%C3%A8res-de-marbre/142046.html

Fig.I.27. Vue aérienne de la carrière d’Arzo source: site officiel du Tessin; https://www.ticino.ch/fr/commons/details/Carri%C3%A8res-de-marbre/142046.html

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Mais comme de nombreux autres sites d’exploitation, les carrières d’Arzo connaissent un tournant difficile à la fin du XXIème siècle. L’exploitation s’affaiblit, «l’économie florissante a fini par péricliter1», ce qui a pour conséquence la fermeture du site en 2009. Territoire déserté, blocs de pierre abandonnés, les traces de la main de l’homme étaient très présentes. Au-delà de son histoire fascinante, les carrières d’Arzo sont reconnues au niveau international pour les caractéristiques géologiques que présente le gisement. En effet Arzo se trouve sur une brèche, une roche sédimentaire polychrome provenant des fonds marins d’un grand océan situé entre les continents primitifs européens et africains2. De nombreuses études scientifiques ont été réalisé sur la paléogéographie des Alpes car le territoire possède de nombreux gisements de fossiles. La carrière possède donc une valeur culturelle (trace humaine), une valeur géologique (gisement intéressant) et une valeur matérielle (possibilité d’exploiter)3.

Le gestionnaire (Patriziato di Arzo) décide de redonner un second

souffle à ce paysage manufacturé en rachetant les bâtiments abandonnés avec l’idée de relancer l’exploitation et d’y ajouter un programme culturel. Au-delà d’une volonté d’entreprenariat, il agit pour la communauté, pour la population des alentours, pour redonner vie au territoire et se servir de ces formes si précises que sont celles d’une carrière. C’est l’architecte Enrico Sassi, enseignant à l’Académie de Mendrisio, qui prend l’idée à coeur et propose un projet alliant industrie et aménagements publics tout en valorisant l’histoire et les techniques ancestrales du métier. Il propose de réhabiliter le vieil atelier qui longe la rue pour le réaménager en espace d’exposition [Fig.I.27]. On retrouve à l’intérieur les vieilles machines utilisées par les burineurs et les tailleurs de pierre, mais aussi une exposition nous expliquant les différents techniques d’extraction au cours du temps et de connaître l’histoire des anciens travailleurs des carrières4. En plus de l’aspect culturel didactique le projet se compose également d’un amphithéâtre 1. Véran, C. «Carrières d’Arzo, Tessin», D’Architecture, N°260, Mars 2018, p.85 2. Site ticino.ch; Carrières de marbre, https://www.ticino.ch/fr/commons/details/Carri%C3%A8res-de-marbre/142046.html 3. Voir chapitre I.2.d 4. Environ 200 personnes étaient employés dans la carrière en 1921

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.28. Amphithéâtre écologique source: Véran, C. «Carrières d’Arzo, Tessin», D’Architecture, N°260, Mars 2018, p.85

Fig.I.29. Bloc sanitaire source: Véran, C. «Carrières d’Arzo, Tessin», D’Architecture, N°260, Mars 2018, p.85

Fig.I.30-31. Travail stéréotomique source: Véran, C. «Carrières d’Arzo, Tessin», D’Architecture, N°260, Mars 2018, p.85

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


écologique [Fig.I.28]. Il apparaît au fil d’un parcours de découverte présentant les multiples carrières et la géologie diverse du site. Cet espace naturel n’a subi que peu de transformation puisque les formes des exploitations s’adaptent facilement à ce genre d’usage. C’est dans cet espace que l’on peut observer un géotope et plusieurs communautés biologiques de grand intérêt1. Tout le projet est basé sur un travail stéréotomique dont l’inspiration provient du projet d’aménagement paysager de Dimitris Pikionis2 des années 1950 aux alentours de l’acropole d’Athènes. Il consiste à réutiliser les blocs en abondance de différentes dimensions largement disponibles dans les carrières, un travail fin qui a laissé une part d’improvisation modifiant ainsi le projet au cours des découvertes de nouveaux blocs. Les blocs se transforme en édicule de toilettes publiques à la plasticité et l’esthétique indégniable [Fig.I.29-30]. Afin de ne pas perturber les écosystèmes développés à la fermeture du site, «deux biotopes ont été introduits de part et d’autre des gradins: un éboulis de pierres et un étang collectant les eaux de pluie de la carrière.3» nécessaire selon l’ingénieur environnement et consultant paysage. La création d’un belvédère a impliqué la sécurisation du site, l’architecte a décidé de réutiliser de simples ferraillages de béton nichés dans la dalle comme garde corps. La réhabilitation du site d’une superficie de 25’000m2 pour seulement 268m2 de bâtiments aura coûté 1’250’000 de francs suisses. L’étude du projet a débutée en 2012 et le chantier aura duré un an entre novembre 2016 et septembre 2017.

1. Site ticino.ch; Carrières de marbre, https://www.ticino.ch/fr/commons/details/Carri%C3%A8res-de-marbre/142046.html 2. Dimitris Pikionis: Important architecte grec du XXème siècle influençant grandement l’architecture grecque. 3. Véran, C. «Carrières d’Arzo, Tessin», D’Architecture, N°260, Mars 2018, p.85

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.32-33-34. Spectacles organisés par la troupe CAVA

source: site officiel de la troupe de spectacle CAVA, http://cavaviva.ch/

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Depuis la fin de la réhabilitation en septembre 2017, une troupe de

spectacle multidisciplinaire se produit pour plusieurs fois par an. CAVA se définit comme «un spectacle immersif à 360° qui invite le public à sillonner les lieux magiques des anciennes carrières de marbre1». Quatre spectacles se sont déjà produits et deux autres sont en programmation pour cette année, ainsi qu’un festival d’art et de musique. En plus de la réouverture de l’exploitation les spectacles font travailler une centaine de personne par représentation pour un public d’environ 250 personnes2. Conçu pour accueillir des événements publics et privés, c’est un projet profondément communautaire et intergénérationnel rapprochant la population. Acteurs, musiciens, chanteurs et danseurs racontent des histoires dans un cadre majestueux ou l’histoire est omniprésente, un paysage avec une âme. En Suisse la remise en état de nature reste la plus répandue mais nous commençons à voir depuis quelques années des récupérations urbanistiques et fonctionnelles. C’est pourquoi nous avons décidé d’étudier une réhabilitation architecturale, urbanistique ou fonctionnelle selon la vision, afin de montrer que des alternatives sont possibles et que ces espaces créent par une architectonique inversée peuvent devenir de véritable lieu public.

1. CAVAVIVE: Amici delle cave di Arzo, http://cavaviva.ch/ 2. CAVAVIVE: Amici delle cave di Arzo, http://cavaviva.ch/

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


b. La carrière urbaine de l’herbier, Genève

Le deuxième cas d’étude propose une valorisation de la pierre à

travers des terrassements, c’est le concept de carrière urbaine. En 2007 la ville de Genève lança un concours d’architecture pour la réalisation d’un nouvel herbier car l’ancien manquait de place et les qualités de conservation étaient mauvaises, ainsi que la création de nouveaux espaces d’accueil pour le Conservatoire et Jardin Botanique (CJB). Le projet présenté par le bureau Bassi Carella de Genève fut retenu. Il consiste à implanter en soussol le nouvel herbier en lien direct avec l’herbier actuel. Plongeant sur 3 niveaux excavés, cela a permis de limiter l’impact au sol et les abattages d’arbres tout en garantissant d’excellentes conditions de conservation des futurs collections. Puis trois pavillons de hauteurs variables sont implantés de manière compacte, un pavillon d’accueil, un café-restaurant et un pavillon de services. Rapidement, en phase de planification, des sondages géologiques ont été réalisés, mettant en évidence la présence de molasse du lac à partir de 6m de profondeur. La ville de Genève s’est alors intéressée à ce gisement rare et inexploité depuis environ deux siècles. En effet nombre de bâtiments anciens de la ville sont construits avec cette pierre qui n’est plus présente sur le marché actuel, or ces bâtiments peuvent nécessiter des rénovations. L’exploitation de cette pierre locale permettrait de créer un stock de pierre et d’éviter l’effet «patchwork»1 que l’on peut retrouver sur certaine rénovation2. De plus une serre historique proche rendait impossible «tous les modes d’extraction industriels et destructeurs [qui] allaient mettre en péril par leurs vibrations le bâtiment historique voisin3». 1. Site officiel de la Ville de Genève, «Agrandissement de l’herbier des Conservatoire et jardin botaniques et construction de pavillons d’accueil»,16.08.17, http://www.ville-geneve.ch/themes/amenagement-construction-logement/construction-entretien-renovation-batiments/ realisations/herbier-conservatoire-jardin-botaniques/ 2. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer: «C’est une mollasse que l’on n’extrait plus du tout donc on prend par dépit dans les carrières fribourgeoise ou bernoise pour restaurer nos monuments.» 3. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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Fig.I.35-36. Exploitation de la carrière urbaine à la haveuse et déplacement des blocs extraits source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 164.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


La ville de Genève a fait appel à un géologue dont les premiers sondages estimaient un volume de 1 500m3 de grès à exploiter, puis une analyse successive en 20081 prenant en compte les caractéristiques du grés, définit un volume entre 500 et 700 m3 de très bonne qualité. Genève a donc décidé d’extraire en mode carrière urbaine, sa volonté première était d’extraire elle-même le matériau et s’occupait du stockage et de la commercialisation. Une hypothèse rapidement écartée car la ville ne possédait pas les équipements nécessaires ni pour l’exploitation ni pour le stockage ni pour la vente du grès mais aussi car l’investissement financier et les temps d’arrêt du chantier semblaient trop importants2. C’est finalement en demandant à trois entreprises de taille de pierre s’ils étaient intéressés que le projet se concrétise. L’accord entre la ville et les carriers fut que les entreprises devaient payer un droit d’exploitation3 et conserver un volume de 25 m3 pour l’usage exclusif de la ville de Genève4 sur 10 ans à un prix de fourniture fixe et préférentiel. Les frais de découpage, d’excavation et de transport de la pierre sont à la charge des entreprises. Les travaux d’exploitation ont débuté le 9 Juin 2010 à l’aide d’une haveuse. L’exploitation de carrière urbaine s’apparente à celle de l’exploitation de la carrière en puits. La haveuse découpe verticalement sur une profondeur de deux mètres le grès pour ensuite venir découper horizontalement les blocs à l’aide d’un fil diamanté5. Chaque bloc est ensuite séparé en deux pour donner des dimensions de 120 x 200 x 120cm, puis déplacés par un élévateur à fourche dans le fond de fouille et enfin extrait grâce à un camion grue. Cette première étape des travaux pour le nouvel herbier a engendré un retard sur les travaux initialement prévus estimés entre deux à quatre mois il s’est finalement réduit à un mois et demi. L’exploitation a eu lieu durant l’été ce qui a permis à l’entreprise de maçonnerie de pouvoir commencer le travail à son retour de vacances permettant un roulement sans interruption entre les deux phases. 1. Analyse effectuée dans les laboratoires de l’EPFL révélant la bonne qualité de la pierre en dureté, texture et teintes d’aspect gris verdâtre à lie-de-vin. 2. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.163 3. Prix rapporté en fonction du volume réellement extrait 4. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.163 5. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.163

I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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L’investissement financier de la Ville de Genève pour en extraire et garantir le stockage durant au moins quinze ans grâce aux quantités aurait coûté environ 1,2 million de francs1.

La Suisse romande n’a connu aucune ouverture de carrière depuis

ces dix dernières années à part la carrière urbaine pour le nouvel herbier de Genève. Un principe évoqué dans le sous-chapitre I.3.c. qui prouve sa viabilité dans cet exemple à condition d’être bien pensé dès le début de la planification du projet. Ce moyen pour réaliser les fouilles d’un bâtiment est plus durable qu’une extraction industrielle qui aurait produit plus de nuisances sonores à cause des perforations et des nombreux camions qui auraient été nécessaires à l’évacuation des déchets et aurait demandé une démolition en décharge2. La carrière urbaine a ainsi permis de créer une réserve pour la Ville et les carriers d’une pierre rare qui n’est plus exploitée de nos jours en s’appropriant une ressource destinée à la déchetterie.

1. Site officiel de la Ville de Genève, «Nouvel Herbier des CJB: La molasse du chantier servira à restaurer des édifices anciens», conférence de presse, 07.07.10, http://www.ville-geneve.ch/ fileadmin/public/Departement_2/Communiques_de_presse/CJB-molasse-dossier-presse07.07.10-ville-geneve.pdf 2. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.163

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


5. Conclusion chapitre i

Durant cette première partie nous avons pu constater que la pierre,

ressource non renouvelable du point de vue humain, est très largement disponible. Stefano Zerbi a étudié pendant plusieurs années l’impact de l’extraction de la pierre naturelle et affirme qu’«en Suisse son usage dans la construction pendant des siècles n’a pas produit ni son épuisement, ni une défiguration du territoire1». De nos jours le principal problème pour la réindustrialisation de la pierre en Suisse réside dans les lieux d’extractions difficilement ouvrables/ré-ouvrables. L’opinion publique, les autorités, la législation, les organismes environnementaux jouent un rôle important dans l’accès à la ressource. Leurs méfiances proviennent souvent d’un manque d’information comme nous l’avons compris avec le tailleur de pierre Olivier Fawer.

La simplification des ouvertures des carrières favoriserait les circuits

courts et donc une architecture plus respectueuse de l’environnement. Combiné avec une utilisation globale du matériau (des chutes de l’exploitation jusqu’à la poussière de façonnage) l’extraction peut tout à fait répondre aux nouveaux enjeux environnementaux. Évidemment la gestion de la carrière avant, pendant et après est primordiale. L’exploitation des minéraux est inévitable dans la construction pour le moment, la ressource est là sous nos pieds en quantité quasiment infinie. La Suisse n’a jamais été autosuffisante en pierre malgré ses ressources cachées, l’importation doit laisser place au régionalisme et pour ce faire l’état doit faciliter la réouverture/ouverture des carrières.

Il est évident que l’exploitation de la pierre naturelle engendre une part

de «déchet» que l’on qualifie plutôt de «sous-produits» car tout dans la pierre peut être source de bénéfice. Les chutes produites lors de l’extraction sont réutilisables pour du remblai, des agrégats, pour combler une carrière, ou encore pour créer des gabions dont la demande pour les aménagements a considérablement augmenté. Lorsque l’on produit des plaques minces de

1. Zerbi, S. «Construire en pierre massive en Suisse, vers un nouvel âge de la pierre», A suivre, N°56, Janvier 2012 I. De la ressource au matériau: La gestion de l’extraction

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pierre il est nécessaire d’avoir un produit présentant aucun défaut, ce qui a pour conséquence la non-utilisation de blocs de pierre dont les caractéristiques sont valables dans l’utilisation massive. En résumé tout peut être recyclé dans la pierre pourvu que les carriers soient bien équipés évitant ainsi de devoir renvoyer les déchets dans d’autres entreprises pour être transformés.

L’exploitation de la pierre laisse des marques temporaires dans le

paysage et nous savons désormais qu’il existe différentes réhabilitations adaptées pouvant favoriser la création de nouveaux biotopes (dans la mesure où elles sont bien réfléchies et exécutées) ou bien favoriser l’apparition de projets urbanistiques ou fonctionnels permettant de limiter l’étalement urbain et pouvant améliorer socialement un territoire. La réhabilitation des carrières d’Arzo en est un exemple réussi puisqu’il allie enjeux environnementaux (récupération des matériaux issue de l’ancienne production, réhabilitation d’un lieu abandonné, production de biotopes...) et réponses sociales (appropriation des lieux par les habitants, programme culturel attractif...). Une réhabilitation de ce type est une réponse pertinente à la fermeture d’une carrière puisqu’elles ne perdent pas l’objectif socio-économique acquise.

La ressource est tellement abondante qu’un nouveau type

d’exploitation pourrait devenir récurrent: la carrière temporaire/urbaine lors de terrassements ne créant ainsi pas de changements visibles dans le territoire et se servant uniquement des fouilles liés aux nouvelles constructions pour se procurer de la ressource. Le cas de la seule ouverture de carrière en Suisse romande pour le nouvel herbier à Genève est un cas encore trop rare qui a su prouver sa viabilité sur le long terme. Olivier Fawer «salue d’ailleurs le dynamisme de la Ville de Genève1» et regrette que cela ne se fasse pas plus régulièrement. L’amélioration des techniques d’extraction rend une réindustrialisation probable car elle permet une productivité accrue tout en assurant une sécurité des carriers. L’exploitation de la pierre naturelle engage peu de risque sur une pollution de l’environnement. Aujourd’hui ce sont des relais politiques et une bonne information qui manque à ce secteur2. 1. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018 2. Ibid «Ce qui nous manque évidemment à tous les niveaux que ce soit pour le métier ou

pour les carrières ce sont des relais politiques.»

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Introduction au chapitre II

Les pierres naturelles aujourd’hui exploitées en Suisse répondent

aux attentes que l’on peut avoir en termes de caractéristiques mécaniques pour servir dans la construction et notamment pour une utilisation structurelle. La présente recherche s’attarde sur la construction Suisse et nous baserons donc nos écrits dans le respect des normes décrétées par la Société Suisse des Ingénieurs et des Architectes (SIA). La mise en œuvre autant que l’exploitation des matériaux participe à établir l’aspect durable et respectueux de l’environnement de l’édifice à bâtir. Évidemment l’histoire de la maçonnerie joue un rôle sur la mise en œuvre actuelle et nous avons donc décidé d’en introduire les principes retenus et de les mêler à la mise en œuvre actuelle. Ce chapitre se développera de manière progressive, de la conception/organisation du projet en pierre, en passant par la mise en œuvre de l’édifice pour terminer sur le confort et la pérennité que peut assurer une telle construction.

Selon la SIA V18: «La maçonnerie de pierre est un ouvrage de pierres

généralement hourdées au mortier, éventuellement combinées avec du béton, et se comportant comme un tout. Selon la mise en oeuvre, on distingue: la maçonnerie de pierre massive et la maçonnerie mixte (mur en béton avec parement de pierre)» [SIA V178 1996:1.11]. Les maçonneries se distinguent en quatre types: le mur massif, à un ou deux parements; le parement; le placage; le mur de pierres sèches (maçonnerie massive non hourdée). Le parement est un mur autoporteur, d’épaisseur variable entre 4 et 10 cm, qui ne fait pas partie de la structure porteuse. Le placage est un revêtement en pierre naturelle suspendu à la structure porteuse. Pour cette recherche nous prendrons en compte uniquement la maçonnerie en mur massif. «La contrainte est libératrice car elle évite que le psychisme du créateur se loge dans l’oeuvre.1» 1. Principe de l’Oulipo: l’OUvroir de LIttérature POtentielle, groupe international de littéraires et de mathématiciens

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


1. Une rationalisation plutot qu’une évolution

a. La préfabrication rationnelle: dimensions et influence de l’exploitation

Pour concevoir une maçonnerie en pierre nous devons prendre en

considération les caractéristiques de la roche utilisée en mettant en relation sa résistance à la compression et sa mise en œuvre. Les normes suisses ont donc mis au point un diagramme (Diagramme de la Recommandation SIA V178 pour la conception de nouvelles maçonneries en pierre naturelle) permettant de se rendre compte si le système de maçonnerie imaginé est cohérent avec les caractéristiques mécaniques de la pierre choisie [Fig.II.1-2]. On se rend compte que les appareillages en pierre de taille voire en moellons équarris possèdent les meilleures performances techniques. Pour garantir ces performances certains facteurs entrent en compte: la forme des blocs, favoriser la forme rectangulaire avec de grandes dimensions; la rugosité de la face d’assise; les joints d’assise minces; les liaisons transversales efficaces (joints pleins); un mortier adapté1.

La préfabrication a pour définition «une technique de construction

qui consiste à fabriquer à l’écart du site de construction même, les éléments d’un ouvrage qui sont traditionnellement construits sur place, puis à les assembler sur le site de l’ouvrage pour le former. »2 Pour donner du sens à la construction en pierre massive, la préfabrication est essentielle. Il s’agit de mettre en place un plan de calepinage dès l’esquisse du projet. Représenté en plan, coupe et élévation ce calepinage de la pierre est une étape très importante pour organiser le transport, l’entreposage et ainsi permettre de faciliter la mise en œuvre sur le chantier [Fig.II.3]. Chaque bloc représenté en élévation comporte un numéro qui sera ensuite reporté sur le bloc pendant l’étape de façonnage. Ce sont les calepinages qui vont permettre de faire les appels d’offre et il paraît évident que plus le nombre de bloc de mêmes dimensions est élevé plus le coût sera bas. Il est tout de même possible de 1. Zerbi, S. (2011) La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.209 2. Wikipédia, Définition de préfabrication, https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9fabrication

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Fig.II.1. Types d’appareillages selon SIA V178 Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 207.

Fig.II.2. Diagramme déterminant la résistance à la compression des maçonneries en pierre naturelle selon SIA V178 Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 211.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


réaliser un assemblage aux dimensions variables alors le calepinage devra impérativement être soigné pour faciliter la compréhension. Le plus cohérent est donc de partir d’un module standard, le module marchand, que l’on décline selon les nécessités. Pour ce faire il est important d’avoir un dialogue dès l’esquisse du projet entre le carrier et l’architecte, car l’exploitation et ses aménagements/machines ainsi que le type de gisement vont déterminer les dimensions du bloc marchand.

En effet la technique d’extraction fait grandement varier la dimension

du bloc : « L’exploitation du calcaire récifal à La Cernia, Neuchâtel, par explosion produit des blocs de petites dimensions par rapport aux calcaires monolithiques exploités à Laufen, Bâle, à la haveuse, où l’on obtient des blocs de la hauteur des bancs de carrière1» [Fig.II.4].

La production actuelle favorisant les plaques minces de pierre, les

dimensions des blocs extraits en carrière correspondent aux dimensions maximales que peuvent accueillir les machines de sciage/découpe. Le bloc marchand est défini par Piero Primavori comme mesurant 3 x 1,75 x 1,75m2 mais cela semble correspondre à des gisements de pierres cristallines ou métamorphiques ne présentant pas de fractures ou de fissures3. Christian Singewald établit des dimensions du bloc en fonction des bancs de pierre et donne plutôt les dimensions de 1 x 1 x 0,4m4.

Une des principales règles de la construction en maçonnerie est de

ne pas superposer les joints verticaux pour assurer la stabilité du mur, le croisement des joints verticaux nécessite un décalage supérieur ou égal à l’épaisseur du mur5.

Le plan de calepinage demande donc un certain savoir-faire ou au

moins une certaine réflexion pour optimiser le projet par rapport au module de base et ainsi avoir une préfabrication cohérente. 1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.132 2. Primavori, P. (1997). I materiali lapidei ornamentali: marmi, graniti e pietre, Pisa, Edizioni ETS, 224 p. 3. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.122 4. Singewald, C. (1992). Naturwerkstein: Exploration und Gewinnung. Untersuchung, Bewertung, Verfahren, Kosten, Köln, Rudolf Müller, p.33 5. Perraudin, G. (2013) Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, p.36

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Fig.II.3. Exemple de calepinage Source: Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.41

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Fig.II.4. Dimensions des blocs en fonction de leur lieu d’extraction Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 211.

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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b. Le transport des blocs pré-taillés et entreposage

L’utilisation de la pierre dans la construction engendre deux types

de transport en Suisse mais aussi dans le monde: le transport que nous qualifierons de nationale (interne au pays) et le transport d’importation.

Nous allons aborder premièrement le transport interne au pays

menant les blocs de la carrière directement au chantier. Les blocs une fois façonnés sont transportés et entreposés sur le chantier à l’aide de camions de 20 tonnes le plus souvent1. Il arrive qu’on utilise comme au temps d’avantguerre le transport par chemin de fer en fonction de la présence ou non de voies ferrées proches de la carrière et du chantier. Les blocs de grandes dimensions sont posés sur des carrelets de bois et si leurs dimensions sont réduites on peut les transporter sur des palettes. L’avantage de la construction en pierre massive réside notamment dans le fait que sa matière première se retrouve en abondance dans un pays comme la Suisse. Répondre aux enjeux environnementaux c’est avoir une réflexion sur la provenance des matériaux utilisés pour la construction. Le transport doit être réduit c’est pourquoi nous devons maintenir les carrières ouvertes, faciliter l’ouverture de nouvelle et appliquer le principe du régionalisme. Un principe déjà évoqué qui résiderait dans l’ouverture de nombreuses carrières temporaires, carrières urbaines afin de limiter le trajet lieu d’extraction-chantier. Avec un rayon de 25km autour des carrières encore en activité on se rend compte qu’une grande superficie de la Suisse peut être recouverte, autrement dit le transport de la carrière au chantier est faible [Fig.II.5]. D’autant plus que le réseau ferroviaire et routier est plutôt conséquent pour un pays de cette taille et permet aisément un transport rapide et court [Fig.II.6].

Comme le mentionne Stefano Zerbi dans sa thèse un problème

persiste: «les prix de l’énergie nettement inférieurs à ceux de la main-d’œuvre2», favorisant les pierres étrangères au détriment des pierres locales dont l’extraction coûte cher. Nous en venons donc au deuxième type de transport induit par l’utilisation de la pierre naturelle: le transport d’importation. 1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.211 2. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.176

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Fig.II.5. Rayon de 25km autour des carrières en activité Production personnelle

Fig.II.6. Réseau routier Production personnelle

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Ce processus engendre des transports de pierre sûr de grandes distances (principalement, venant d’Inde, de Chine et des Pays de l’Est de l’Europe) et seuls les acteurs politiques peuvent inverser la tendance. «(En Chine) la main-d’oeuvre ne coûte rien, le container Shanghai Gênes coûte moins cher que Genève-Lausanne avec un camion1», c’est le constat alarmant que nous confesse Olivier Fawer lors de notre entretien. Stefano Zerbi propose de mettre en place «une politique plus sévère d’impositions sur les énergies non renouvelables2», tandis que Mr Fawer propose de faire réagir en informant localement car pour lui la mondialisation est l’un des acteurs du désastre écologique.

Une construction en pierre massive demande un lieu de stockage/

d’entreposage qu’il faut prévoir sur le chantier. Les blocs doivent être protégés des intempéries mais surtout des possibles chocs. Il est important de stocker la pierre dans la même position que sa future pose. Ceci permet d’éviter de se tromper lors de la pose et de ne pas respecter le lit de la pierre pouvant ainsi altérer la durabilité de la pierre3.

Un projet d’architecture en maçonnerie de pierre naturelle nécessite

une planification importante, dès la phase d’esquisse un dialogue avec le carrier est nécessaire afin de rapidement déterminer les dimensions des blocs pour être le plus rationnel possible afin de réduire le coût de la construction. L’impact environnemental serait largement réduit avec un transport limité, pour ce faire il semblerait intéressant d’appliquer le principe du régionalisme des carrières. Une fois les blocs acheminés sur le site et entreposés de manière intelligente, la mise en oeuvre est le dernier point à soigner pour garantir la pérennité de l’ouvrage.

1. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018 2. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.176 3. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.211

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2. Une mise en oeuvre dans la construction adaptée

a. Les éléments structurels verticaux et ouvertures

Vitruve décrit dans les dix livres de l’architecture la préhension des

pierres par le mode de levage le plus connu et le plus simple qui est celui utilisant des cordes, chaînes ou sangles1. Dans le passé, pour ne pas bloquer les cordes lors de la pose, on réalisait des entailles que l’on remplissait par du mortier après la pose ou bien des tenons qui étaient retaillés par la suite. Une technique qui peut s’avérer complexe pour la maniabilité des blocs et la bonne pose. Un second moyen de levage, favorisé par Héron D’Alexandrie2 nécessite des outils bien spécifiques à la préhension des pierres: des louves, ce sont des outils en fer de la famille des pinces. Utilisées depuis l’époque romaine, les louves permettent de concentrer en un seul point la force de levage sur la face supérieure du bloc3. La dernière méthode de levage utilisée dans le passé était celle qui utilisait des pinces articulées, dépendant de la rugosité et de la forme de la pierre elle permettait néanmoins de ne pas faire d’entailles dans le bloc.

Les moyens de levage contemporains sont une évolution de ceux

utilisés durant l’Antiquité. La pince articulée est désormais mécanique, serrant et desserrant le bloc une fois mis en place. La main-d’œuvre est réduite puisqu’une seule personne peut diriger le bloc et la précision de pose est élevée. Il faut cependant s’assurer qu’il n’y a pas de trace sur le bloc au moment du desserrage. Les pinces sont assez conséquentes et compliquent parfois la pose, dans ce cas la louve sera le meilleur outil. La louve étant le mode de levage conseillé par Gilles Perraudin car il permet de préserver les flancs de la pierre d’un marquage éventuel de la pince4. 1. Vitruve & Damas, A. (trad. Perrault C.), De l’architecture: Les Dix Livres d’architecture, Traduction intégrale de Claude perrault, 1673, revue et corrigée sur les textes latins, Paris, Balland, coll. «Point de vue du spectateur», 1965, 349p. 2. Héron d’Alexandrie est un ingénieur, un mécanicien et un mathématicien grec du Ier siècle apr. J.-C, https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9ron_d%27Alexandrie 3. Wikipédia, Définition de louve, https://fr.wikipedia.org/wiki/Louve_(outil) 4. Perraudin, G. (2013) Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, p.420

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Cordes et sangles

Louve

Pince

Pince mécanique

Fig.II.7. Les systèmes de préhension des pierres Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 213.

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Le changement réside plutôt dans la force de levage qui est désormais mécanisée, seuls les blocs de moins de 60 kg peuvent être manipulés manuellement. L’engin le plus utilisé est la grue automotrice capable de se déplacer tout en ayant des capacités de levage importantes, elle se décline sous plusieurs formes selon la construction. Il existe également la grue à mât fixe ou tournant, mais leur capacité de soulèvement est réduite à cause des contrepoids. Pour une mise en œuvre de petite taille une grue hydraulique de camion ou bien un élévateur à fourche avec crochet de soulèvement sera suffisant1.

La pose du premier rang de blocs ainsi que l’équerrage des angles

sont des étapes primordiales. Une attention particulière sera apportée au type de mortier utilisé pour les joints dont la composition doit être en accord avec celle de la pierre pour éviter les efflorescences dues aux sels alcalins, les salissures et les dommages. On préfèrera des mortiers à base de chaux (aérienne ou hydraulique) plutôt que des mortiers bâtards (mélange de ciment et chaud hydraulique) ou des mortiers de ciment. Effectivement les mortiers à base de ciment sont trop rigides et peuvent causer des dommages liés à la cristallisation des sels alcalins, d’autant plus que le mortier à la chaux possède également une certaine élasticité, bénéfique pour le comportement de la structure. Gilles Perraudin, puriste de la pierre propose même un mortier composé 1/3 de chaud hydraulique et 2/3 de poussière de pierre récupérée lors du sciage permettant d’avoir la même teinte et d’effacer ainsi visuellement les joints2. L’épaisseur des joints est à prendre en compte dans le calcul de la compression de la maçonnerie si celle-ci est supérieure à 1cm; plus l’épaisseur est grande moins la stabilité de la maçonnerie est résistante.

Dépendant du plan de calepinage, la technique de mise en œuvre

de la pierre sous forme massive est relativement rapide, on compte environ 15min par bloc sur chantier. Pour un chantier de 1000 m2 avec un calepinage adapté il faut seulement 10min/m2 hors rejointement3. L’assemblage des 1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.212 2. Perraudin, G. (2013). Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, p.42 3. Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, http://construireenpierremassive.fr/index_htm_files/guide%20pierre%20massive%20-jp%20laurent%20-%20mars%20 2011.pdf, p.37

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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blocs/murs demande une certaine connaissance, Gilles Perraudin explique qu’il ne faut pas réaliser de chaînage en béton aux angles de la construction car cela les fragilisent. Il préconise le croisement des pierres aux angles avec des pierres lourdes offrant un meilleur encaissement des murs aux effets de traction exercés par la toiture1. Pour ce qui est des ouvertures il est nécessaire de les concevoir en fonction du module initial, le calepinage doit être adapté. Nous avons recensé 3 types de franchissements possibles pour une construction en pierre massive :

- Le linteau monolithique (si le percement est de l’ordre d’un module)

- La platebande / La voûte (si le percement est supérieur à 1,5m)

- Introduction d’un matériau de substitution (si le percement est supé

rieur à 1,5m)

Pans de mur reliés par un chaînage

Trilithes

Mur continu

Fig.II.8. Différents types de franchissements Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 201.

1. Perraudin, G. (2013) Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, p.37

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b. Les éléments structurels horizontaux

Pour garantir la durabilité d’un ouvrage en pierre il est nécessaire

d’avoir des fondations adaptées. Non seulement la fondation permet de garantir une bonne transmission des charges mais elle jouera également un rôle de préservation de l’ouvrage dans le cas d’une construction en pierre naturelle. En effet la pierre reste un matériau poreux, il est nécessaire d’introduire une semelle permettant d’éviter les remontés par capillarité et donc d’éviter l’effritement, voir la fissuration de la pierre. Cette semelle peut être réalisée selon trois méthodes :

- Une fondation en pierre naturelle (roche résistante au niveau

mécanique et aux agents atmosphériques, peu poreuse). On favorisera les roches cristallines ou bien des calcaires durs. Si la concentration de sels dans le terrain est trop élevée il faudra renoncer à ce système de fondation.

- Une fondation en béton armé. Il faudra soigner la connexion entre le

matériau et la maçonnerie, une couche étanche doit être prévue. La surface de béton devra être rugueuse pour permettre un bon accrochage du mortier, ou bien prévoir un joint injecté dans le béton pour la coupure de la capillarité.

- Un soubassement en béton cyclopéen. Maçonnerie de béton

grossièrement coulé entre deux banches et des gros moellons de pierres. On pose tout d’abord les pierres en fond de coffrage, on coule le béton maigre puis on renouvelle l’opération. Cette technique ne nécessite pas de vibration pour le béton et pas d’armature. Pour certains comme Gilles Perraudin l’introduction de béton armé est une erreur car trop rigide1 par rapport à la pierre, Olivier Fawer est en accord avec ce principe en affirmant ceci: «Je dirais que le béton est plus inerte que la pierre, il ne bouge plus alors que la pierre vit. On peut comparer le bâtiment à un corps humain il doit vivre, la béton n’accepte pas que ça bouge et fissurerait, n’arriverait pas à suivre la pierre. Pour moi le meilleur système constructif reste les planchers bois2». 1. Perraudin, G. (2013) Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, p.39 2. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Fig.II.9. Détail soubassement en béton de Fernand Pouillon pour la résidence du stade de Buffalo à Montrouge, 1958 Photo personnelle

Fig.II.10. Détail plancher béton de Wespi et de Meuron dans le projet de transformation de la maison à Scaiano, 2014 Source: site Wespi et de Meuron; http://www.wdmra.ch/showPage.php?template=opere&id=90

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Pour d’autres comme Fernand Pouillon l’usage du béton armé reste une technique envisageable [Fig.II.9]. Il est recommandé de créer un débord de 2 à 3cm entre la pierre et sa semelle afin de créer une goutte pendante et d’assurer le rejaillissement de l’eau [Annexe V]. On peut également introduire un mortier hydrofuge entre la semelle et la pierre servant de coupure étanche limitant ainsi les infiltrations.

Les planchers intermédiaires permettent de transférer les charges

verticalement sur le mur et le stabilisent. Aujourd’hui la construction en pierre peut recevoir tous types de planchers: plancher en béton coulé sur place ou préfabriqué, plancher collaborant en acier ou bien le plus traditionnel, le plancher en bois. Mais nous avons pu constater d’après plusieurs écrits qu’audelà de la composition, la liaison/le point d’appui entre le plancher et le mur nécessitait un soin particulier. Stefano Zerbi récence 4 appuis différents1 alors que Jean-Pierre Laurent en décrit six par types de plancher2 [Annexe IV]. Gilles Perraudin et Olivier fawer s’accordent sur le fait d’utiliser un plancher uniquement bois massif. Gilles Perraudin dans son interview avec Léa Mosconi juge que c’est «la bonne manière de faire, la plus juste» et que «Tous les lobbys sont faits pour faire des réglementations qui nous empêchent d’utiliser le bois, qui finit par être plus cher.3» Olivier Fawer fait l’analogie entre le bâtiment et le corps humain: «Je dirais que le béton est plus inerte que la pierre, il ne bouge plus alors que la pierre vit. On peut comparer le bâtiment à un corps humain il doit vivre, le béton n’accepte pas que ça bouge et fissurerait, n’arriverait pas à suivre la pierre. Pour moi le meilleur système constructif reste les planchers bois4». Mais sur ce point les avis divergents, l’agence Wespi et de Meuron utilisant régulièrement la pierre dans leurs projets, la combine avec des planchers-béton car selon eux «(le béton) est similaire à la pierre5» [Fig.II.10].

1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.217 2. Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.64 3. Perraudin, G. Entretien réalisé par Léa Mosconi 4. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018 5. Voir annexes: Interview 2, Jerôme de Meuron, Décembre 2018

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c. Résistance face aux séismes

Bien que la Suisse connaisse un aléa sismique modéré, elle n’est pas

à l’abri d’un séisme de grande ampleur à l’instar de celui de Sierre en 1946, Brigue 1855 ou encore Obwald en 1601. En règle générale, les assurances obligatoires des bâtiments ne couvrent pas les dommages dus aux séismes et une construction parasismique permet d’éviter ce genre d’inconvénient. Selon le SED1 les immeubles résidentiels et commerciaux construits selon les normes parasismiques sont conçus pour résister aux secousses susceptibles de survenir en moyenne une fois tous les 500ans. Or le service sismologique estime la durée de vie d’un bâtiment classique à 50 ans, ce qui donne une probabilité de 10% qu’un bâtiment soit concerné par une telle secousse. Pour notre part la durée de vie d’un bâtiment en pierre peut être considérée à 100 ans minimum ce qui augmente la probabilité à 20%. Étudiant la possibilité de la ré-industrialisation de la pierre et donc de son utilisation massive, il semblait important de vérifier son comportement face aux séismes.

Deux normes permettent d’élaborer des structures parasismiques

en Suisse, la SIA 260 «Bases pour l’élaboration des projets de structures porteuses» et la SIA 261 «actions sur les structures porteuses». Depuis 2003 la SIA 261 a introduit six nouvelles classes de sols de fondation pour la détermination des sollicitations sismiques et sa révision en 2014 ne fait que durcir ses contraintes. La méthode de construction par maçonnerie n’offre que peu de résistance aux séismes du fait de sa grande rigidité et de sa capacité de déformation réduite2. On sait que la maçonnerie en pierre naturelle possède une grande résistance à la compression ce qui lui permet «de résister à de grands efforts de cisaillement et donc de prolonger le mode de déformation par flexion3», mais jusqu’à quel point ? [Fig.II.12]

1. SED: Service Sismologique Suisse situé à l’ETH, Zurich, http://www.seismo.ethz.ch/export/ sites/sedsite/knowledge/.galleries/pdf_brochures/SUIhaz15_Flyer_FR.pdf 2. Lestuzzi, P., Sellami, S., & Badoux, M. (2008). Génie parasismique: Conception et dimensionnement des bâtiments. PPUR presses polytechniques et Universitaires Romandes, p.265 3. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.212

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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qui peuvent se produire au cours dʼune période définie à un endroit donné. Sur la carte, les accélérations les plus probables sont signalées sur un rocher de référence homogène. Pour donner une estimation locale de lʼaléa sismique, il convient de tenir compte du sous-sol concerné. La carte ci-dessous illustre lʼaccélération horizontale à 5 hertz subie par un bâtiment se trouvant sur un sous-sol rocheux avec une probabilité de 10 % en cinquante ans (500 ans). 5 hertz correspondent en moyenne à la fréquence propre des bâtiments de deux à cinq étages. Ils forment la grande majorité des constructions en Suisse. 500 ans représentent la valeur qui sert de base aux normes de construction parasismique: un immeuble résidentiel ou commercial construit selon les normes parasismiques devrait résister à un séisme susceptible de se produire à lʼendroit concerné en moyenne une fois en 500 ans.

Aléa sismique 2015

Les cartes de lʼaléa sismique indiquent les valeurs des accélérations horizontales provoquées par des séismes qui peuvent se produire au cours dʼune période définie à un endroit donné. Sur la carte, les accélérations les plus probables sont signalées sur un rocher de référence homogène. Pour donner une estimation locale de lʼaléa sismique, il convient de tenir compte du sous-sol concerné. La carte ci-dessous illustre lʼaccélération horizontale à 5 hertz subie par un bâtiment se trouvant sur un sous-sol rocheux avec une probabilité de 10 % en cinquante ans (500 ans). 5 hertz correspondent en moyenne à la fréquence propre des bâtiments de deux à cinq étages. Ils forment la grande majorité des constructions en Suisse. 500 ans représentent la valeur qui sert de base aux normes de construction parasismique: un immeuble résidentiel ou commercial construit selon les normes parasismiques devrait résister à un séisme susceptible de se produire à lʼendroit concerné en moyenne une fois en 500 ans.

04.02.2019 04.02.2019

Fig.II.11. Carte de l’aléa sismique Source: site Service Sismologique Suisse; http://www.seismo.ethz.ch/fr/knowledge/seismic-hazard-switzerland/maps/hazard/

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De 2006 à 2010, Stefano Zerbi a réalisé une série d’essais expérimentaux

afin de déterminer le réel comportement sismique des maçonneries en pierres naturelles. Les tests ont eu lieu au sein du Laboratoire IMAC1 prenant comme exemples des projets d’étudiants de l’EPFL, tous étant des immeubles d’habitations de taille moyenne en Suisse. La conclusion tirée «est que la construction en pierre naturelle sous forme de maçonneries est résistante du point de vue sismique pour la réalisation d’immeubles d’habitation de taille moyenne en Suisse2». Ces tests ont permis d’en tirer plusieurs principes concernant la mise en œuvre de l’édifice pour rendre sa résistance accrue aux séismes.

Contrairement à l’architecture grecque qui utilisait une structure en

pierre décroissante de bas en haut (affinement de la structure au sommet) permettant d’alléger la structure, les tests révèlent qu’une structure avec une masse constante sur toute la hauteur serait plus adaptée. Autre possibilité pour augmenter la cohésion de la maçonnerie serait d’interconnecter les blocs de pierre à l’aide d’éléments en plomb en bois ou en bronze. Cependant cela peut causer des dégâts sur la pierre, par exemple des connecteurs métalliques qui pourraient augmenter de volume lors de l’oxydation, le bois qui pourrait gonfler selon l’hygrométrie, amenant à la fissuration de la pierre. Un autre système composé de goujons en acier inox existe mais est difficile de mise en œuvre et les goujons doivent être scellés à la résine «réduisant la souplesse de l’ensemble et la possibilité de réutilisation des parpaings.3» On découvre également que les cloisons non porteuses en pierre naturelle peuvent être un facteur de risque du fait de leur poids élevé qui peut être mis en oscillation par les secousses4.

La résistance des joints est également un facteur pouvant favoriser

un écroulement dû aux tremblements de terre. En effet il est nécessaire d’avoir des surfaces de contact rugueuses, un mortier de bonne qualité qui permettra une meilleure adhérence entre les pierres. 1. IMAC: Laboratoire d’Informatique et Mécanique Appliquées à la Construction de l’EPFL, Lausanne 2. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.250 3. Ibid p.256 4. Ibid p.251

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Fig.II.12. Mécanismes de rupture dans une maçonnerie en pierre naturelle: cisaillement et glissement des joints. Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 240.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


«L’augmentation de la rugosité des surfaces des assises est donc une première forme d’amélioration du comportement de la maçonnerie au niveau de son appareillage1».

Les planchers jouent également un rôle dans la résistance aux séismes

puisqu’un plancher à la rigidité élevée permettra de distribuer de manière homogène les efforts sur l’ensemble des refends. Pour un bâtiment allant jusqu’à trois niveaux les planchers en bois massif sont suffisants alors qu’il faudra un plancher en béton pour plus d’étage. Les planchers mixtes bois-béton sont envisageables pour autant que les connexions plancher-maçonnerie soient soignées2.

Les fondations ayant pour but d’encaisser les efforts de compression et

de les redistribuer dans le sol, doivent également dans le cas d’une construction parasismique reprendre des efforts de flexion engendrés par les secousses. Pour une maison individuelle où un petit immeuble les fondations peuvent être en pierre de taille selon un bon dimensionnement, on préfèrera l’introduction d’un sous-sol en pierre de taille qui stabilisera encore mieux l’édifice. Bien que la fondation en pierre naturelle soit possible, le béton armé sera plus approprié pour certains cas ou le dimensionnement pourrait demander une quantité de pierre démesurée. D’autres types de fondations sont possibles pour des sollicitations sismiques plus élevées mais dans le cadre d’un immeuble en Suisse cela ne semble pas nécessaire au vu des résultats obtenus.

Dans cette sous-partie concernant les différentes mises en oeuvre de la

pierre dans la construction révèle que chaque architecte possède ses convictions sur l’utilisation de celle-ci. La mise en oeuvre contemporaine de la pierre naturelle n’a que peu évolué, les franchissements sont les mêmes qu’utilisés pendant l’Antiquité seule l’introduction de nouveaux matériaux permettent une évolution des ouvertures. Les fondations peuvent être réalisées en pierre ou bien en béton en fonction de la taille de l’ouvrage. On favorisera l’utilisation de plancher en bois afin que la maçonnerie puisse vivre sans fissurer le béton, cependant le béton est conseillé pour créer des noyaux de contreventements pour avoir une meilleure résistance face aux séismes. Une fois mis en oeuvre la pierre possède des caractéristiques favorisant un certain confort intérieur que nous allons découvrir dans la sous-partie suivante.

1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.256 2. Ibid p.252 II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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3. Un matériau au comportement exemplaire

a. Une notion de confort intérieur acquise

Le confort intérieur se définit selon plusieurs critères, notamment le

confort thermique associé à une bonne gestion de l’hygrométrie et un confort acoustique.

La qualité thermique de la pierre réside évidemment dans son inertie

thermique, dans sa massivité, la paroi de pierre entre l’extérieur et l’intérieur réagit comme un régulateur. En effet la pierre présente un déphasage important entre 8 à 10h, qui permet d’assurer en partie le confort thermique intérieur. Ainsi lors d’une journée d’été, la paroi massive va stocker la chaleur pour la diffuser lentement dans la nuit pendant que les températures seront plus basses. La pierre joue donc le rôle de refroidissement naturel et assure le confort en été. Tandis qu’en hiver la paroi en pierre va limiter la déperdition de chaleur. L’inertie thermique permet donc d’amortir les fluctuations de température entre l’intérieur et l’extérieur, plus la masse sera épaisse plus la température intérieure sera constante. Ceci est facilement démontrable par une observation faite au cours de l’interview avec Carlo Bernasconi1: l’exploitation en front de taille d’Ostermundigen est stoppée durant l’hiver à cause des températures trop basses, alors que l’exploitation souterraine de Krauchthal est constante toute l’année.

Pour répondre aux exigences Suisses en matière de thermique, les

parois, les planchers, les fenêtres, les toitures des bâtiments à construire doivent avoir une valeur U limite [Annexe III]. La valeur U «donne une information sur la performance d’isolation d’un élément de construction. Elle indique la quantité de chaleur qui passe en une seconde à travers une surface de 1m2 lorsqu’il y a une différence de températures de 1°C entre l’intérieur et l’extérieur.2» Plus la valeur U est petite, meilleure est la résistance thermique de l’objet évalué. Nous nous sommes donc intéressé à la valeur U d’une paroi en 1. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018 2. Energie et environnement, Calculer la valeur U (et R) d’une couche isolante, https://www. energie-environnement.ch/outils/421-calculer-la-valeur-u-et-r-dune-couche-isolante

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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pierre naturelle. Nous avons tout d’abord testé trois pierres différentes: un calcaire tendre, un grès de la molasse et un gneiss. Chaque pierre a fait l’objet d’un calcul selon trois versions, une en faible épaisseur de façon massive, une en épaisseur suffisante pour répondre aux normes de la construction suisse puis la dernière version combinée avec un isolant naturel [Annexe VIII]. Grâce à une série de tests réalisés par Stefano Zerbi et nos tests personnels sur différentes pierre naturelle on en tire deux conclusions :

- La construction contemporaine en pierre massive doit être combi-

née avec de l’isolant pour pouvoir atteindre les exigences thermiques

de la norme SIA 180

- Le type de roche sélectionné influence la capacité isolante de la paroi

Comme dans toutes constructions il faudra apporter un soin tout

particulier aux ponts thermiques. Le CTMNC1 a réalisé en février 2013 un document reprenant les principaux ponts thermiques dans la maçonnerie en pierre naturelle et permet de donner des réponses constructives adaptées. On apprend ainsi que la présence d’un vide sanitaire avec chape flottante permet de réduire les déperditions de moitié comparé à un plancher en béton isolé en sous-face sur terre-plein. Ou encore que la nature et l’épaisseur du plancher dans une liaison d’un plancher d’étage à un mur en pierre jouent plus que le type de pierre choisi.

Le confort intérieur ne dépend pas uniquement de la température

mais également de la régulation de l’humidité dans un bâtiment. L’humidité dans un bâtiment n’est pas à éviter mais à réguler, son taux doit se situer entre 30 et 70% pour ne causer aucunes gênes et entre 40% et 60% pour ne pas favoriser le développement de moisissures nocives2. On dit souvent que la pierre «respire» car elle a la capacité d’être un véritable régulateur hygrométrique en «adoucissant l’air sec par diffusion de vapeur ou en absorbant l’humidité excessive3». C’est pour cette raison que lors de la mise en œuvre d’une construction en pierre massive il faudra réfléchir aux couches 1. CTMNC: Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction, basé à Paris 2. Tiré du cours de Thermique du Bâtiment (TdB) donné par Camponovo Reto le 5 Janvier 2014 à Genève 3. Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.17

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que l’on va ajouter à cette paroi respirante pour ne pas l’étouffer. Comme pour le bois on favorisera les freins-vapeurs aux pare-vapeurs par exemple. Nous avons également appris avec Carlo Bernasconi que les traitements chimiques de surface de la pierre empêchaient la pierre d’avoir son rôle naturel de régulateur hygrothermique1.

La construction en pierre massive apporte également un confort

acoustique et phonique grâce à sa masse importante. En utilisant la loi de masse pratique de façon «semi-empirique», le CTMNC a réalisé une comparaison entre une paroi de béton de 20 cm d’épaisseur et une paroi de 25cm en pierre. Pour les bruits intérieurs comme extérieurs, «la valeur d’affaiblissement est identique pour les deux parois (respectivement 57 dB et 54 dB)2». Finalement la pierre naturelle possède les mêmes caractéristiques d’isolation phonique que le béton qui est lui-même reconnu pour ses propriétés acoustiques.

1. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018 2. CTMNC, Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction: Questions/réponses sur l’acoustique de la pierre naturelle, http://www.ctmnc.fr/pages/questions_reponses_pierre_naturelle.php

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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b. Une consommation maîtrisable: la reconsidération du confort

Dans la construction d’un bâtiment occupé quotidiennement, il est

essentiel que le confort des habitants soit la dimension première à respecter. Le confort thermique est lié à une répartition de température et de flux de chaleurs agréables et équilibrés1, influencé par différents facteurs2.

Pour obtenir un confort thermique agréable on recommande une

température intérieure «idéale» à 21-22°C pour un salon, 25°C pour une salle de bain et 19°C pour une chambre à coucher. Cependant nous savons que 30% de la consommation totale d’énergie et des émissions de CO2 de la Suisse proviennent du chauffage des bâtiments3. La réduction ne serait-ce que d’un degrés dans une habitation à des répercussions importantes tant au niveau du climat qu’au niveau du portefeuille4. Une étude a été réalisée et annonce 1,5 million de tonnes de CO2 en moins par année seulement en abaissant la température intérieure de 2°C5. Des résultats encore plus marquants lorsqu’il s’agit de l’appliquer à un bâtiment en pierre. En effet Stefano Zerbi lors de tests réalisés à l’EPFL sur deux types de logements en pierre naturelle massive, a pu constater qu’une réduction d’un degré sur la température intérieure permet un gain d’énergie de chauffage de 10% allant jusqu’à 40% selon les différents contextes climatiques6.

1. Tiré du cours de Thermique du Bâtiment (TdB) donné par Camponovo Reto le 15 Décembre 2014 à Genève 2. La température ambiante - La température des parois - La vitesse de l’air- L’humidité l’Habillement - Le niveau d’activité physique 3. Jorio, L. «Et si au lieu de 2 degrés de plus, on en avait 2 de moins?», Swissinfo.ch, 23.01.2018, https://www.swissinfo.ch/fre/economie/climat-et-%C3%A9nergie_et-si-au-lieu-de-2-degr%C3%A9s-de-plus--on-en-avait-2-de-moins-/43840280 4. Réduction de 6% sur la consommation énergétique selon Olivier Meile de SuisseEnergie 5. Jorio, L. «Et si au lieu de 2 degrés de plus, on en avait 2 de moins?», Swissinfo.ch, 23.01.2018, https://www.swissinfo.ch/fre/economie/climat-et-%C3%A9nergie_et-si-au-lieu-de-2-degr%C3%A9s-de-plus--on-en-avait-2-de-moins-/43840280 6. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.280

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Fig.II.13. Changement de la température saisonnière moyenne depuis 1864 (en °C par 10ans) Source: Météo Suisse; https://www.meteosuisse.admin.ch/home/climat/changement-climatique-suisse/evolution-de-la-temperature-et-des-precipitations.html

Fig.II.14. Température annuelle en Suisse entre 1864 et 2018 Source: Météo Suisse; https://www.meteosuisse.admin.ch/home/climat/changement-climatique-suisse/evolution-de-la-temperature-et-des-precipitations.html

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D’autres études comme le projet français BATAN1 visant à faire un

relevé de la consommation d’énergie des bâtiments anciens pour les comparer aux relevés de constructions neuves ont permis de tirer des leçons sur la mise en oeuvre de la pierre massive. L’impact de l’implantation d’un bâtiment et de sa typologie (présence ou non d’espaces tampons par exemple) sont deux points non négligeables. L’étude a également remarqué que les liaisons ponctuelles maçonnerie-plancher plutôt que linéaires permettaient de réduire fortement les déperditions thermiques, l’efficacité augmente avec une couche de plâtre au plafond. Puis ils ont aussi admis que les enveloppes non étanches à la différence des constructions d’aujourd’hui, ne présentent pas de condensation superficielle, notamment grâce à des températures superficielles intérieures supérieures à celle de rosée et aux caractéristiques hygrothermiques de la pierre. Évidemment les ouvertures sont les principales sources de déperditions mais elles ont tout de même deux avantages: les apports solaires et permettent une ventilation naturelle hygiénique non mécanisée. Selon les études analysées dans ce travail, la pierre utilisée de façon massive sans isolation ne répond pas aux normes Suisses actuelles. Cependant ces études ne prennent pas en compte le changement climatique, or la température extérieure est en constante évolution. L’influence du réchauffement climatique sur le projet doit être pris en compte, les besoins en chauffage réduisent au profit de ceux en refroidissement. Le confort d’été que présente la pierre grâce à son déphasage important est alors primaire pour répondre aux enjeux environnementaux futurs.

Depuis la crise pétrolière de 1973, l’isolation a progressivement rendu le

bâtiment imperméable à l’air, en réduisant les ponts thermiques ou en utilisant des triples vitrages. Or un bâtiment doit respirer encore plus lorsqu’il s’agit de la pierre. L’introduction de ventilation mécanique a favorisé ce système de construction «thermos». La conséquence directe de cette évolution est le développement des constructions légères comme les ossatures bois permettant d’intégrer l’isolation dans l’épaisseur de la structure. 1. BATAN: Modélisation du comportement thermique du bâtiment ancien avant 1948, étude menée entre 2008 et 2010, consultation des résultats: http://rehabilitation-bati-ancien.fr/fr/ espace-documentaire/batan-modelisation-du-comportement-thermique-du-batiment-ancien-avant-1948

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Ceci prend en compte la réduction des besoins en chauffage pendant l’hiver mais sous-estime le problème de la climatisation estivale. D’autant plus que les températures ne cessent d’augmenter depuis 1980, le climat s’adoucit d’année en année [Fig.II.13-14]. Pour garantir un confort autant en hiver qu’en été, tout en réduisant la consommation, la notion d’inertie thermique garantissant une température intérieure stable est un atout favorable. Les solutions constructives les plus performantes sont «celle(s) dont la masse est libre de toute barrière empêchant les échanges de chaleur (stockage et déstockage)1».

Chaque personne évalue son propre confort or aujourd’hui le confort

est un standard. Cette standardisation du confort nous amène à reconsidérer notre vision du confort car on se base sur des «données que nous prenons comme objectives, (qui) ne sont que des données subjectives, liées à des modèles de calcul développés pour des climats donnés, pour une idée idéale, mais l’architecture répond toujours à des données ponctuelles et locales2». Loin d’être une question purement technique, fondée sur l’équilibre entre les conditions climatiques extérieures et les constantes physiologiques de l’être humain, le confort est une idée culturelle. Le concept de confort est un condensé «des facteurs hétéroclites, tels que la relation que l’architecture entretient avec le corps humain, ou la conception de la nature et de l’espace3», pour Eduardo Prieto l’histoire du confort est avant tout une histoire de culture. Elizabeth Shove, sociologue anglaise théorise ce principe de manière clair en affirmant que «si l’on accepte que le confort soit avant tout une construction sociale, quoique intégrée dans un contexte sociotechnique ou «système» de régulation, d’ingénierie, de structures matérielles et d’habitudes, il est possible de l’influencer pour favoriser l’émergence d’autres standards de confort, plus vigilants à l’égard de l’environnement.4» 1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.264 2. Propos recueillis lors de la conférence « Construire en pierre massive » de Stefano Zerbi lors de la journée de conférence « Pierre&Architecture » le 12 mai 2015 au Salon des Professionnels des Patrimoines à Arles. 3. Propos recueillis lors de la conférence « Une petite histoire du confort » d’Eduardo Prieto dans le cadre du cycle TSAM-Docomomo, le 5 Décembre 2016 à l’EPFL, Lausanne 4. Shove, E. «Redéfinir le confort: un défi pour la consommation durable», La Revue Durable, n.9, février-mars 2004, pp. 18-21.

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


c. La pérennité de l’ouvrage: La durabilité et le réemploi

La pérennité d’une construction passe évidemment par l’utilisation

de matériaux durable mais aussi une mise en oeuvre dans la construction réfléchie pour justifier un concept de durabilité accru. Dans le cadre de la pierre plusieurs principes constructifs s’appliquent pour garantir cette permanence.

Le choix de la pierre à certains endroits de la construction est

évidemment à ne pas négliger. Chaque pierre présente des degrés de résistance aux agents atmosphériques variables, on préconisera une pierre résistance pour les soubassements par exemple pour éviter le risque de propagation de sels. (Voir sous-chapitre II.2.b) «Toute pierre, si elle est bien utilisée et au bon endroit, est susceptible de durer pendant des siècles1». Les toitures peuvent également protéger les façades des intempéries au travers de saillies, avant-toits améliorant la conservation de celles-ci. Tandis que les corniches ou retraits de la façade peuvent être des éléments favorisant la stagnation de l’eau s’ils ne sont pas bien traités.

Lors d’un conférence de Gilles Perraudin on apprend que 90% de la

pierre peut être réemployée contre seulement 25% de béton qui peut être recyclé. Une différence entre le réemploi et le recyclage qu’il définit de cette manière: «La pierre ce n’est pas recyclable, c’est réutilisable. Le recyclage oblige à utiliser de l’énergie, le réemploi non.2» L’impact environnemental de la pierre induit part son extraction et son transport est d’autant plus réduit si elle est réemployée pour plusieurs ouvrages. Dans le chapitre I.4.b nous avons examinés les différents types de réemploi des chutes due à l’extraction, nous allons désormais parler du réemploi des blocs standardisés d’un édifice en fin de vie. Les matériaux de construction accentue l’épuisement de nos ressources comme pour le béton dont nous avons déjà évoqué la problématique. 1. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.229 2. Propos recueillis lors de la conférence «Construire en pierre» de Gilles Perraudin dans le cadre du cycle Construire avec les eco-matériaux, le 5 Novembre 2018 au couvent Les Récollets, Paris

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Fig.II.15. Mur d’enceinte réallisé par Souto de Moura à l’aide de pierre de ruines Source: Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 300.

Fig.II.16. Rénovation d’une maison et prolongation par une loggia créée à partir de pierres trouvées sur le site Source: Site Wespi et de Meuron; http://www.wdmra.ch/showPage.php?template=opere&id=78

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Or la pierre permet de réduire l’utilisation des matières premières grâce à sa facilité de démontage et sa possibilité de réemploi des éléments standardisés. L’avantage de la réutilisation c’est qu’au contraire du recyclage elle ne nécessite pas de transformation et donc pas d’énergie supplémentaire à part de l’énergie humaine. Une mise en oeuvre de maçonnerie en pierre naturelle non armée et hourdée au mortier bâtard ou de chaux facilitera le démontage nécessaire pour l’éventuel remplacement d’un bloc.

Prenons l’exemple d’Eduardo Souto de Moura qui réemploie les pierres

d’une école et d’une ruine pour la construction d’un mur d’enceinte1. Ce mur constitue une partie de la façade de la maison, utilisé à la manière d’un collage les pierres de tailles et de tons différents le projet renvoi à l’histoire du lieu. Une construction qui, au-delà de l’esthétisme non négligeable et local, permet de garder une trace des constructions en ruine inutilisables [Fig.II.15]. Probablement pour des raisons de quantités, l’architecte a utilisé la pierre sous forme de revêtement, agrafé à un mur en béton. L’agence Wespi et de Meuron réemploi également les pierres lorsque c’est possible pour des raisons pratiques et esthétiques [Fig.II.16]: «Ce n’est pas facile d’obtenir des pierres, nous essayons toujours de récupérer d’anciennes pierres (déjà utilisée pour d’autres constructions), parce que les pierres de carrières d’aujourd’hui sont trop régulières dans leurs formes et leurs couleurs.2»

1. Maison à l’Avenida da Boavista, Porto (1987-1993) 2. Voir annexes: Interview 2, Jerôme de Meuron, Décembre 2018

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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4. Etude de cas Précedemment, nous avons observé la mise en oeuvre de la pierre

naturelle en tant que maçonnerie. En Suisse, les projets contemporains en pierre sont peu nombreux mais commencent à émerger. Cette sous-partie va permettre de voir l’application de la pierre structurelle sous trois formes différentes: la pierre utilisée pour une tour de logement/bureaux valorisant les caractéristiques physiques de la pierre; la pierre dans une résidence pour personnes âgées à Coire prouvant sa viabilité pour des édifices de taille moyenne; et une passerelle en pierre valorisant les nouvelles techniques de la pierre.

a. Une tour mixte en pierre massive, Genève

Accolée à Genève, la commune de Chêne-Bourg se densifie au cours de

la dernière décennie et l’arrivée du CEVA1 va la transformer en une centralité intercommunale qui nécessite de nouveau projet urbain pour répondre à ce développement. Le canton de Genève ainsi que CFF immobilier2 s’associent pour valoriser les terrains de la gare, environ 31’000m2 qu’ils souhaitent dédier à de nouveaux logements, commerce et bureaux. Un concours d’architecture est alors organisé par le DALE3 et CFF immobilier qui devra répondre au plan localisé de quartier avec pour budget 48 millions de francs suisses (HT). Le programme stipulait la création de logements de qualité, d’un espace public harmonieux et surtout «un impact écologique minimum et des coûts supportables pour la construction et l’exploitation des bâtiments.4»

1. CEVA: Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse: Projet de ligne ferroviaire de 16km faisant le trait d’union entre deux rives, deux cantons et deux pays, https://www.ceva.ch/ 2. CFF immobilier: Adjudicateur et maître d’ouvrage du programme; Chemins de Fer Fédéraux suisses Immobilier 3. DALE: Le Département de l’Aménagement, du Logement et de l’Énergie 4. CFF immobilier, Chêne-Bourg - Lot CFF. Rapport du jury - Concours d’architecture en procédure sélective, Décembre 2014

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Fig.II.17. Perspective générale du projet Source: site Perraudin architectes; http://www.perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/firmitas.html

Fig.II.18. Schémas concept structurel Source: site Perraudin architectes; http://www. perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/ firmitas.html

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L’agence Perraudin Architectes, dirigée par le célèbre Gilles Perraudin,

s’associe au bureau Genevois Atelier Archiplein pour proposer un projet audacieux. Une tour de 20 étages en pierre structurelle mêlant programmes de logements (7’780m2), bureaux (3’605m2), et activités (373m2). Un projet cassant les idées préconçues sur l’incompatibilité de l’utilisation de la pierre massive pour une structure de grande hauteur. Le système structurel est détaillé, il propose un soubassement et un noyau en béton posé sur des fondations sur pieux sur lesquels viennent se greffer une structure ponctuelle en pierre massive jusqu’au 5ème étage. Des arcs de reprise viennent reprendre les efforts latéraux au 5ème étage pour continuer à partir du 6ème étage avec une structure composée de murs de refend en pierre massive et d’une façade avec allèges et plate-bande en pierre massive [Fig.II.19]. Pour optimiser le matériau, les deux agences ont fait le choix d’affiner la structure de bas en haut à la manière grecque [Fig.II.18] une solution qui comme nous avons pu le voir dans le chapitre II.2.c. n’est pas recommandé pour garantir une plus grande résistance aux séismes. Mais dans ce cas le socle et le noyau en béton permettent surement de répondre aux attentes sismiques. Les planchers en dalles de béton préfabriquées sont aussi adaptés aux forces exercées puisqu’ils ont un effet diaphragme1. Pour la partie des bureaux, les contrecoeurs sont isolés tandis que la partie logement possède une grande baie vitrée allant du sol au plafond.

La thermique du bâtiment jouant un rôle important dans l’impact

écologique, celle-ci fut pensée de manière intelligente en introduisant un apport d’énergie solaire (obligatoire) servant pour 30% de l’eau chaude mais surtout en connectant le bâtiment au chauffage à distance de Chêne-Bourg. Si l’on ajoute les propriétés thermiques obtenues grâce à l’inertie des murs en pierre le projet promet d’être rafraichis de manière naturelle grâce au déphasage en été et chauffé à l’aide d’une source de chaleur existante en hiver. Deux modes de chauffage sont préconisés: le chauffage au sol pour les logements et leur utilisation permanente et des radiateurs à masse placés dans les contrescoeurs pour les bureaux. 1. Effet diaphragme: transmission des forces horizontales exercées par le vent et d’autres actions simplement aux éléments de renfort.

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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Fig.II.19. Schémas concept structurel Source: site Perraudin architectes; http://www.perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/firmitas.html

Fig.II.20. Schémas concept ventilation et chauffage/refroidissement Source: site Perraudin architectes; http://www.perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/firmitas.html

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Les concepteurs ont également réfléchis au système de ventilation: elle est garantie dans les bureaux par un système double flux, récupérant l’air en toiture tandis que dans les logements le simple flux a été préféré [Fig.II.20]. En effet l’utilisation sporadique des bureaux nécessite souvent un système double flux. Les typologies proposées allant du T2 au T6 sont agréables. La disposition du noyau permet d’obtenir des logements traversants avec dégagements extérieurs généreux orientés au sud permettant un gain de chaleur non négligeable dans les pièces de jour, tandis que les chambres sont placées au nord. Nous avons vu que l’implantation d’un projet en pierre peut être un véritable atout, en effet les façades nord et sud sont traitées de la même manière, or on pourrait imaginer un balcon moins profond dans la partie sud pour favoriser l’apport solaire tandis qu’au nord l’épaisseur pourrait être plus généreuse pour devenir un véritable espace tampon. Ce principe pourrait permettre une utilisation saisonnière des espaces. Lacaton et Vassal dans leur projet de rénovation de la tour Bois-le-Prêtre ont déjà expérimenté ce principe typologique en ajoutant une épaisseur véritable «espace thermique intermédiaire tempéré par les déperditions du volume chauffé et par les calories offertes par le soleil.1» Les habitants acceptent ainsi de perdre de la surface en hiver pour profiter d’un plus grand espace en été.

Concernant le projet de la tour massive, tout un travail (non accessible)

a été réalisé sur la recherche de la pierre, sa provenance et sa mise en oeuvre. Stefano Zerbi a été désigné expert de la ressource pour le projet. Pour diminuer les impacts environnementaux de la construction et surtout les nuisances possibles durant la construction, les architectes ont opté pour un montage à sec avec une très grande préfabrication. L’agence Perraudin souligne «nous avons privilégié dans ces préfabrications celle qui a l’empreinte carbone la plus faible et qui minimise l’utilisation de l’eau, ressource rare et précieuse.2» Le projet est estimé a 47 millions de francs suisses pour 16’500m2, un projet qui tente de prouver sa faisabilité économique et constructive. 1. Berthier, S. «Slow-tech», D’Architecture, N°261, Avril 2018 2. Perraudin Architectes, Tour de bureaux et logements, http://www.perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/firmitas.html

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Fig.II.21. Perspectives intérieures et extérieures Source: site Perraudin architectes; http://www.perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/firmitas.html

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Malgré la «parfaite cohérence avec la proposition1» faite par CFF

immobilier, le jury a placé le projet deuxième du concours. Le jury est resté «dubitatif quant à la simplicité et l’efficacité liées à la réalisation d’un tel choix constructif (acheminement simultané de pierre de même qualité? provenant de carrières différentes? en quantité suffisante?).2» Les propos d’Olivier Fawer font sens et le jury semble manquer d’informations sur le sujet. Un doute que le jury justifie en affirmant ceci: « Finalement, les coûts de construction relatifs à ce type d’ouvrage ne peuvent être estimés avec assurance en raison notamment du manque de références contemporaines.3» Un cercle vicieux qui semble difficile de briser, l’appréhension sur la question est présente et l’on manque d’exemples pour rendre le propos solide et cohérent. Le projet est toute de même arrivé deuxième du concours avec comme dernier commentaire du jury: «En revanche, l’utilisation de la pierre locale apparaît très écologique et suscite beaucoup d’intérêt!4.» Un commentaire plein d’espoir, rappelant les propos d’Olivier Fawer qui disait : «L’entretien avec les architectes est hyper important, et j’étendrais même aux décideurs. [Il nous explique qu’il a rencontré un directeur de régie qui voulait faire un projet et que le projet avait des coûts trop élevés. Olivier Fawer explique avec entrain et conviction son projet durable au directeur de régie.] Et à partir de là le mec le garde en tête et se dit peut-être que pour celui-là je ne peux pas mais peut-être le prochain. Moi je saute sur la personne dès que je sens un potentiel décisionnel pour en tout cas planter des petites graines.5»

1. CFF immobilier, Chêne-Bourg - Lot CFF. Rapport du jury - Concours d’architecture en procédure sélective, Décembre 2014 2. CFF immobilier, Chêne-Bourg - Lot CFF. Rapport du jury - Concours d’architecture en procédure sélective, Décembre 2014 3. CFF immobilier, Chêne-Bourg - Lot CFF. Rapport du jury - Concours d’architecture en procédure sélective, Décembre 2014 4. CFF immobilier, Chêne-Bourg - Lot CFF. Rapport du jury - Concours d’architecture en procédure sélective, Décembre 2014 5. Voir annexes: Interview 3, Olivier Fawer, Décembre 2018

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b. Une résidence pour personnes âgées, Coire

L’édifice présenté dans cette sous-partie a été réalisé par Peter

Zumthor entre 1989 et 1993. Cette résidence pour personne âgée construite il y a plus de ving cinq ans est un cas parfait permettant d’avoir un recul nécessaire pour analyser son impact et sa viabilité.

La résidence est composée d’un volume parallépipédique allongé de

seulement deux étages, elle est rattachée à un centre de soins pour personnes âgées. Se dotant de vingt et une chambres et une infirmerie, la résidence accueille seulement les personnes âgées capables de vivre seul et de prendre soin de leur propre personne.

Avant de traiter l’aspect constructif de cet édifice nous commencerons

par aborder rapidement l’ingénieuse typologie offerte par ce bâtiment. Conçu de l’intérieur vers l’extérieur, la conception globale du bâtiment découle de l’idée d’offrir quelque chose que les habitants connaissent, apprécient et pourront utiliser facilement. Une coursive généreuse pour que les habitants s’approprient ce corridor, des vues sur cette coursive depuis les appartements favorisant les contacts sociaux, de larges ouvertures dans le séjour donnant sur le soleil couchant, des prolongements extérieurs conçu comme des niches protégées du vent, autant de principes architecturaux permettant aux habitants de se sentir «chez eux et, comme avant au village.1» Les objectifs de la conception étaient de recréer une «banlieue rurale2.» [Fig.II.23]

On connaît l’intérêt particulier de Zumthor pour les matériaux, ici il

a voulu recréer une ambiance familière en sélectionnant trois matériaux largement utilisés dans la région: le béton apparent, le bois de mélèze et le tuf aussi appelé travertin. L’emploie du tuf «à quelque chose de noble, car le tuf était autrefois utilisé dans les Grisons pour les édifices publics importants3» souligne Peter Zumthor dans une de ses monographies. Cependant après plusieurs recherches nous apprenons que les murs porteurs sont réalisés avec des blocs parfaits de tuf volcanique de Slovénie, très poreux et de couleur claire. 1. Durisch, T. (Ed.). (2013). Peter Zumthor: Bauten und Projekte 1985-2013. Scheidegger & Spiess., p.123 2. Felder, L. «Flats for elderly people in Chur/Masans, Switzerland», Domus n.760, mai 1994, p.24 3. Durisch, T. (Ed.). (2013). Peter Zumthor: Bauten und Projekte 1985-2013. Scheidegger & Spiess., p.123

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Fig.II.22. Façade Ouest du bâtiment Source: Durisch, T. (Ed.). (2013). Peter Zumthor: Bauten und Projekte 1985-2013. Scheidegger & Spiess., p.123

Fig.II.23. Plan général d’un étage Source: Saieh, N. «Multiplicity and Memory: Talking about Architecture with Peter Zumthor», Archdaily, 2.11.10, https://www.archdaily.com/85656/ multiplicity-and-memory-talking-about-architecture-with-peter-zumthor?ad_medium=gallery

Fig.II.24. Coupe du bâtiment Source: Saieh, N. «Multiplicity and Memory: Talking about Architecture with Peter Zumthor», Archdaily, 2.11.10, https://www.archdaily.com/85656/ multiplicity-and-memory-talking-about-architecture-with-peter-zumthor?ad_medium=gallery

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Un choix surprenant qui ne renvoi à aucune codification culturelle locale, nous tenterons d’émettre des hypothèses en conclusion de cette étude concernant cette prise de position. L’épaisseur de la pierre massive pour les murs a permis d’éviter l’utilisation de l’isolation1. Le contreventement du bâtiment est assuré par les blocs massifs des sanitaires et les blocs en bois des cuisines. En façade on remarque un appareillage en opus quadratum dont les blocs sont de tailles très diverses. Peter Zumthor a privilégié l’esthétisme à la préfabrication rationnelle. Sur les façades publiées nous avons seulement les joints horizontaux de dessinés laissant imaginer que la préfabrication fut seulement en hauteur et épaisseur et que la longueur des blocs était ajustée sur le chantier. Les joints fins et lissés sont réalisés avec un mortier de la même couleur que le tuf.

L’architecte a combiné l’utilisation massive à des planchers en béton

armé apparent au plafond et recouvert de parquet massif pour les planchers. On remarque que le béton est également utilisé en fondation créant ainsi le socle décrit dans le chapitre II2.b. évitant les remontés par capillarités dans la pierre (très poreuse dans ce cas). Sur les deux façades principales Est et Ouest un débord de toiture permet de protéger la façade, cependant il n’est pas présent sur les pignons du bâtiment on peut donc se poser la question du vieillissement de ces façades. Les ouvertures possèdent des menuiseries en mélèze et vont de dalle à dalle permettant de créer un jeu de pleins-vides intéressant. L’orientation Est-Ouest favorise les apports solaires durant toute la journée. Malgré nos recherches nous n’avons pas réussi à avoir plus d’informations sur l’utilisation du chauffage dans ce bâtiment.

Le budget était fixé par l’État, le nombre de pièces et la taille des

appartements avaient été fixés par le maître de l’ouvrage et malgré ces contraintes Peter Zumthor affirme presque avec étonnement que «les conditions ont dû être favorables, car je réalise aujourd’hui que nous avons réussi à construire une forme de résidence pour personnes âgées de haut standing pour des gens tout à fait normaux.2» 1. Acocella, A. (2006). Stone Architecture. Ancient and modern construction skills. Skira, p.157 2. Durisch, T. (Ed.). (2013). Peter Zumthor: Bauten und Projekte 1985-2013. Scheidegger & Spiess., p.123

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Fig.II.11. Photos extérieures du bâtiment vingt cinq and après sa construction Source: Stani, I. «Home for the Eldery in Chur», afasia, 24.07.18, https://afasiaarchzine.com/2018/07/peter-zumthor-55/

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Les logements sont en effet appréciés des habitants et il est nécessaire de s’inscrire plusieurs années à l’avance pour obtenir un appartement1.

Le constat global est plutôt positif car ce projet prouve la viabilité et

l’appropriation immédiate d’un édifice en pierre ne possédant pas d’isolation dans un canton de la Suisse. Le budget fut respecté et le projet s’inscrit dans son lieu de manière intemporelle grâce à ses matériaux. Vingt cinq années plus tard le bâtiment garde ses façades dans un très bon état à en juger par les photos postées sur le site d’architecture afasia en 2018. La pierre est intacte et propre à la différence du béton sur lequel on aperçoit des coulures. On regrette l’utilisation du tuf de Slovénie car son importation va à l’encontre des enjeux environnementaux cependant nous supposons l’explication de ce choix par trois hypothèses: soit la pierre locale n’était plus extraite et ne permettait pas son utilisation, soit le prix concurrentiel de la Slovénie n’a pas pu rivaliser avec les prix de la pierre Suisse ou bien les caractéristiques physiques de la pierre locale n’étaient pas adaptées.

Pensé, projeté et exécuté de façon remarquable, il est sans défaut et

d’une grande intemporalité. La revue d’architecture Werk, Bauen+Wohnen qualifie même le projet en 1993 de «dernier refuge d’une architecture qui, à l’encontre de l’industrie du bâtiment et des tendances politiques, juridiques et culturelles, veut créer un tout esthétiquement contrôlé.2» Cette affirmation d’Ernst Hubeli nous permet de constater que dès les années quatre-vingt-dix les avis divergeaient déjà à propos de l’industrialisation dans la construction, des normes devenant de plus en plus strictes et de la politique changeante dans la construction.

1. Durisch, T. (Ed.). (2013). Peter Zumthor: Bauten und Projekte 1985-2013. Scheidegger & Spiess., p.123 2. Hubeli, E. «A residential building for senior citizens near Chur, 1993», Werk, Bauen+Wohnen n.11, novembre 1993, p.6

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c. Une passerelle post-contrainte, Thusis

Cette dernière étude présentée est un ouvrage civil: la passerelle

Punt da Suransuns réalisée entre 1997 et 1999 à Thusis dans le canton des Grisons. L’ingénieur Jürg Conzett1 est à l’origine de cet ouvrage prouvant que la pierre peut être utilisée de manière structurelle et contemporaine. Destinée à franchir un ravin la passerelle est destinée à l’utilisation des randonneurs parcourant les chemins escarpés des Alpes Suisses. Décrit comme «une voie de pierre suspendue2», l’ouvrage est qualifié de pont caténaire3 ayant une longueur s’étend sur quarante mètres pour une largeur d’un mètre dix. La chaussée est constituée de plaques de granit d’Andeer de 60 mm. Nous savons désormais que la pierre possède une capacité de compression quasi infinie mais résiste très mal à la traction. L’architecte ingénieur Jürg Conzett décide de la pierre avec des rubans en acier inoxydable placés sur les faces inférieures des plaques4. Excepté les culées5 qui ont été bétonnées sur place, l’ouvrage a été réalisé selon un procédé à sec avec notamment l’installation des rubans d’acier par hélicoptère. Une fois que les plaques de granit ont été mise en place, les rubans ont été mis en tension (principe de la postcontrainte). Le garde-corps a lui été réalisé sur place directement soudé sur les potelets afin «d’épouser parfaitement la forme de chaînette que prend l’ouvrage sous son poids propre.6»

Un ouvrage d’une grande simplicité d’esthétisme mais avec une

grande complexité dans le détail. Il s’insère particulièrement bien dans le paysage en douceur de par son intention architecturale mais aussi grâce à la pierre utilisée.

1. Jurg Conzett: ingénieur Suisse né en 1956, il a travaillé durant sept années dans l’agence de Peter Zumthor 2. Pagès, Y. «Une passerelle dans les Alpes», AMC, n°110, octobre 2000, p.72 3. Pont caténaire (ou en forme de chaînette) est un pont dont le tablier est réalisé au-dessus de câbles ancrés sur les culées à l’aide d’éléments préfabriquées ou voussoirs. 4. Ponti, J. «Quatre passerelles piétonnes», Tracés, n°22, novembre 2001, p.16 5. Culée: Partie située sur la rive destinée à supporter le poids d’un tablier à poutre ou la poussée de la voûte d’un pont en arc 6. Ponti, J. «Quatre passerelles piétonnes», Tracés, n°22, novembre 2001, p.16

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Fig.II.11. Photos générales de la passerelle Source: Pergame, B. «Passerelles de Jurg Conzett: quand un ouvrage rime avec art», blogspot, 03.01.15, http://pergame-shelter.blogspot. com/2015/01/passerelles-de-jurg-conzett-quand.html

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Un exemple prouvant la possibilité d’utilisation de la pierre de manière contemporaine. L’évolution des techniques de mise en oeuvre comme l’utilisation de la post-contrainte ou pré-contrainte permet de résoudre le principal problème de la pierre: sa résistance à la traction. Les essais sur cette technique commencent à émerger, les carriers font des tests sur leurs pierres afin de la rendre plus résistante. C’est le cas de Carlo Bernasconi que nous avons interviewé, il disait que le plus grand défaut de sa pierre était qu’elle n’était pas assez dure c’est pourquoi il tente d’améliorer sa résistance à travers la pré-contrainte, bien que les tests n’aient pas été terminés lors de notre entretien il conclue par dire «ça serait pour des travaux spéciaux car ça coûte très cher.1»

Fig.II.11. Photos générales de la passerelle Source: Pergame, B. «Passerelles de Jurg Conzett: quand un ouvrage rime avec art», blogspot, 03.01.15, http://pergame-shelter. blogspot.com/2015/01/passerelles-de-jurgconzett-quand.html

1. Voir annexes: Interview 1, Carlo Bernasconi, Octobre 2018

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Nos pères avaient un Paris de pierre, nos fils auront un Paris de plâtre.

Victor Hugo

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5. Conclusion Chapitre II

La seconde partie de ce travail nous a permis de mieux comprendre

le comportement de la pierre utilisée sous forme de maçonnerie. Un projet en pierre nécessite une préfabrication rationnelle (utilisant des blocs de même dimensions), le contact avec le carrier dès le début de la conception du projet est un avantage non négligeable, qui connaît mieux la pierre que celui qui l’exploite? Les blocs de grande taille permettent de limiter le nombre d’entailles et donc de réduire le coût des blocs mais aussi de réduire les chutes. Le transport des blocs joue un rôle important dans l’impact environnemental, l’utilisation de matériaux locaux permet de rendre une construction plus respectueuse de l’environnement. C’est pourquoi, il serait intéressant de revoir la démarche d’ouverture des carrières, appliquer le principe de régionalisme des carrières pourrait réduire le transport (plus de carrières maximise les chances d’en trouver une proche du chantier) et donc l’impact environnemental de l’extraction. Pour ce qui est de la mise en oeuvre une fois sur le chantier, la planification du projet est encore une fois importante, si la conception a bien été réalisée la mise en oeuvre est très rapide (environ 10min/bloc sur le chantier).

Concernant les détails de construction, il n’existe pas de façon juste

de l’employer, chaque architecte a ses convictions sur le sujet. La pierre étant un matériau résistant très peu à la traction, la résistance aux séismes d’une maçonnerie en pierre massive était une question légitime, mais nous avons pu voir que combinée avec des noyaux en béton celle-ci est réalisable et répond aux normes Suisses sur le sujet. Le confort thermique est également assuré, bien que l’utilisation d’isolant soit encore nécessaire pour atteindre les normes thermiques, on peut espérer une reconsidération du confort intérieur qui permettrait d’utiliser moins d’énergie grise pour la construction mais aussi dans l’utilisation de l’ouvrage. La pierre est un régulateur hygrothermique naturel et possède les mêmes caractéristiques acoustiques que le béton. Mais là où réside son point fort c’est dans sa pérennité mais aussi sa réutilisation qui ne nécessite pas de transformations.

II. Du matériau au procédé: La maçonnerie en pierre naturelle comme système constructif

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À travers les différentes études de cas nous avons pu remarquer différentes utilisations de la pierre. La première défie les idées reçues proposant un projet de tour en pierre massive réalisé par Gilles Perraudin et l’Atelier Genevois Archiplein. Un projet prometteur qui malgré sa seconde place au concours commence à faire réfléchir les maîtres d’ouvrage. Même si sa viabilité a été remis en cause par le jury le projet a su faire parler de lui. Le deuxième projet de Peter Zumthor de par son ancienneté et sa forte demande de logement aujourd’hui prouve la capacité de la pierre à offrir un cadre de vie intéressant. La bonne conservation des façades rassure sur le fait de l’entretien des bâtiments en pierre. De plus ce cas permet de prendre conscience de l’évolution des normes, 25 ans plus tôt une maçonnerie de pierre naturelle sans isolation a pu se construire tandis qu’il semble difficile de le construire de nos jours. La passerelle de Jürg Conzett réalisée en pierre post-contrainte est un exemple d’utilisation autre que celui en maçonnerie. L’utilisation de système de post ou de pré-contrainte pour la pierre permet d’affirmer que l’usage de la pierre se modernise et va encore évoluer donnant des capacités nouvelles à ce matériau n’ayant connu que peu d’évolution.

D’autres projets en pierre massive sont en cours de réalisation comme

un quartier à Plan les Ouates (Genève) de quatre immeubles de logements avec pour but de démontrer la faisabilité économique, constructive et technique d’édifices de grandes dimensions en pierre massive avec une structure bois. Ce sont des projets de cette ampleur qui vont finir par prouver la viabilité des réalisations en pierre massive et apporter l’information nécessaire dont parlait Olivier Fawer.

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Conclusion

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Si de nos jours, l’utilisation de la pierre naturelle en tant que maçonnerie

peut sembler obsolète, nous avons voulu démontrer son intérêt et sa viabilité dans l’architecture contemporaine. Traitant spécifiquement de la Suisse, les conclusions obtenues peuvent évidemment être appliquées dans de nombreux pays où la ressource est également abondante.

Les enjeux environnementaux de demain impliquent une construction

durable définie par Paola Tozolini en trois points1: Environnement2, Economie3 et Société-Culture4. La gestion des déchets semble prendre une place importante dans notre société c’est pourquoi il faudra «passer d’un système unidirectionnel «produit-déchet» à un système presque cyclique «produitutilisation-déchet-récupération des matières secondaires et ou réutilisation»5.» À travers ce travail nous avons pu constater que la construction en pierre massive répond aux exigences décrites et qu’elle permet un système cyclique. En favorisant une utilisation globale de la pierre, du déchet jusqu’au bloc, le bilan carbone d’une construction est considérablement diminué. Cependant l’utilisation de la pierre naturelle sous forme de plaque mince va à l’encontre du principe de réduction d’énergie espéré, c’est pourquoi nous avons parlé exclusivement de l’utilisation massive de la pierre car c’est sous cette forme qu’elle offre le maximum d’avantage. Répondre aux enjeux environnementaux de demain c’est aussi apprendre à faire des prospections sur l’avenir, n’oubliant pas de prendre en compte l’augmentation constante des températures comme paramètre majeur. Or la construction d’aujourd’hui tente de réduire principalement l’énergie dépensée durant les périodes froides oubliant que le réchauffement climatique tend plutôt un intérêt au refroidissement des locaux habitables. 1. Tiré du cours de Construction Durable donné par Tozolini Paola le 25 Octobre 2015 à Genève 2. Réponses adaptées au climat - protection et confort / Utilisation des ressources locales à disposition/Insertion harmonieuse dans le site-respect de la nature/ Matériaux non polluants/ Gestion approprié de l’eau 3. Faible coûts de construction/ Système constructif simple/ Eléments de construction remplaçable/ Minimisation des déchets de chantier/ Matériaux facile à entretenir/ Durable dans le temps 4. Adaptabilité et flexibilité des espaces/ Formes architecturales variées/ Participation de la communauté/ Valorisation du travail artisanal/ Expression de la culture du lieu 5. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, p.141

Conclusion

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La législation Suisse ne facilite pas l’accès à la ressource malgré son

abondance. L’opinion négative des autorités mais aussi des organismes environnementaux et de l’opinion publique à propos des carrières ne va pas en faciliter l’ouverture ou la réouverture et constitue donc un frein à une possible réindustrialisation.

C’est pourquoi il semble primordial d’informer ces personnes que

la construction amène la transformation de notre territoire quoi qu’il en soit. Or ces lieux ne sont que temporaire dans le paysage et peuvent être réhabilités de différentes manières (renaturation, réhabilitation productive, urbanistique...). Une planification de l’exploitation avant l’ouverture permet de mieux appréhender les impacts environnementaux de celle-ci. La mise en oeuvre réfléchie et planifiée d’un édifice en pierre contribue à réduire son coût mais garantie également la pérennité de l’ouvrage. De plus le matériau pierre naturelle créer un confort intérieur non négligeable et sain, un point sur lequel les maîtres d’ouvrage et futurs acquéreurs semblent s’intéresser de plus en plus.

La nouvelle génération d’architecture se veut «écologique» grâce à

leurs nouvelles performances énergétiques. Des résultats obtenus par la sophistication du bâtiment dont les récents retours d’expérience soulèvent des doutes sur leurs réelles performances. On se contente d’applaudir la baisse de l’énergie de consommation1 oubliant dans les calculs réglementaires l’énergie grise2, ainsi «un bâtiment dont la consommation est très faible peut avoir été un gouffre énergétique au moment de sa construction, reportant ainsi de plusieurs années le gain écologique espéré.3» L’architecture prend une tournure contradictoire avec la volonté de réduire les émissions dans la construction d’une part et d’autre part le développement des bâtiments high-tech très énergivore. Il pourrait être intéressant de favoriser un retour aux connaissances empiriques mêlé à une réinterprétation constructive augmenté des nouveaux savoirs de l’ingénierie. 1. Énergie nécessaire pour le chauffage, la ventilation, le refroidissement et le fonctionnement général de l’édifice 2. Énergie dépensée pour produire l’édifice, ses matériaux, leur transport et leur mise en oeuvre 3. Berthier, S. «Slow-tech», D’Architecture, N°261, Avril 2018

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Même si l’utilisation de la pierre massive en Suisse commence à

renaître à travers quelques projets contemporains cela reste des velléités. À l’époque de la mondialisation, du consumérisme grandissant, la pierre s’est petit à petit effritée mais tente de se renouveler. L’artificialité en architecture ne satisfait plus un monde en proie à un retour à la sensibilité.

«On a sans arrêt nié et dévalorisé les différences pour favoriser le developpement industriel [...] On voit combien cette modernité est le sujet aujourd’hui qu’il nous faut combattre en permanence. C’est le responsable de ce qui nous arrive sur le plan environnementale.1»

1. Perraudin, Gilles, Entretien réalisé par Léa Mosconi

Conclusion

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Bibliographie

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Consommation énergétique et confort intérieur Ouvrages:

Zerbi, S. (2011). «Confort et consommation énergétique» dans La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, pp.257-286

Articles:

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Cours personnels:

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Camponovo R. (2014). Cours personnel de Thermique du Bâtiment (TdB), Partie VI: La transmission de chaleur à travers les éléments d’enveloppe opaques, Hepia, Genève, 15p. Tozolini P. (2015). Cours personnel de Construction Durable, Cours1: Architecture vernaculaire, Hepia, Genève, 28p.

Bibliographie

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Articles:

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Etudes de cas Ouvrages:

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Bibliographie

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Ville de Genève site officiel, Nouvel herbier des CJB; La molasse du chantier servira à restaurer des édifices anciens, 07.07.2010, http://www.ville-geneve. ch/fileadmin/public/Departement_2/Communiques_de_presse/CJB-molasse-dossier-presse-07.07.10-ville-geneve.pdf

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Mémoire:

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Guber Natusteine, site d’une entreprise de pierre naturelle, http:/www.guber. ch/cms/hp/fr/histoire-guber.html

Gestion des déchets Ouvrages:

Perraudin, G. (2013) Construire en pierre de taille aujourd’hui, Dijon, Les presses du réel, pp.42-44 Zerbi, S. (2011). «Réutilisation et recylage» dans La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, pp.290-293

Articles:

Dussault, A.M. «Des résidus de carrières encombrent le Tessin», Le Temps, 20.02.2017, https://www.letemps.ch/suisse/residus-carrieres-encombrent-tessin

Bibliographie

153


Histoire de la pierre et de son extraction Ouvrages: Pouillon, F. (2015). Les pierres sauvages, Le Seuil, 264p. Pouillon, F. (1968). Mémoire d’un architecte, Paris, Editions du Seuil, 484p. Vitruve & Damas, A. (trad. Perrault C.), (1965) De l’architecture: Les Dix Livres d’architecture, Traduction intégrale de Claude perrault, 1673, revue et corrigée sur les textes latins, Paris, Balland, coll. «Point de vue du spectateur», 349p. Zerbi, S. (2011). La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 340p.

Mémoire:

Rochat, F. (2013). «Histoire et territoire des carrières en Suisse» dans Une architecture des carrières, énoncé théroque du travail de master EPFL, Lausanne, cahier n°2

Articles:

Froidevaux, N. «Autour des carrières disparues», Art+Architecture Suisse, 09.10.2018, https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=kas-002:2012:63::414

Sites Internet:

Les arènes de Nîmes, Les systèmes de préhension des pierres, https://arenes-webdoc.nimes.fr/fr/construire/batir/a-pied-d-oeuvre/les-systemes-deprehension-des-pierres/ Wikipédia, Définition de louve, https://fr.wikipedia.org/wiki/Louve_(outil) Wikipédia, Biographie d’Héron d’Alexandrie, https://fr.wikipedia.org/ wiki/H%C3%A9ron_d%27Alexandrie

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Mise en oeuvre de la pierre dans la construction courante Ouvrages:

Vittone, R. (1996): Bâtir. Manuel de la construction, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 950 p. Zerbi, S. (2011). «Construction en pierre massive» dans La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, pp.183-320 Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, http:// construireenpierremassive.fr/index_htm_files/guide%20pierre%20massive%20-jp%20laurent%20-%20mars%202011.pdf

Articles: Borne, E. «La pierre de taille massive, un matériau d’avenir?», Le courrier de l’architecte, 10.11.11, http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2399 Delemontey, Y. «Industrialiser la pierre», Le Moniteur, N°172, Septembre 2007 Guislain, M. «Matériau. La pierre entame une nouvelle carrière», Le Moniteur, N°59, Décembre 2017 Perraudin, G. «La pierre, ce matériau du futur», Le moniteur, 21.01.08, https:// www.lemoniteur.fr/article/la-pierre-ce-materiau-du-futur-par-gilles-perraudin-architecte.659199 Zerbi, S. «Inscrit dans la pierre», EPFL news, 01.01.10, https://actu.epfl.ch/news/ inscrit-dans-la-pierre-3/ Zerbi, S. «Construction en pierre massive en Suisse, vers un nouvel âge de la pierre», A suivre, N°56, Janvier 2012

Sites Internet: Wikipédia, Définition de préfabrication, https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9fabrication

Bibliographie

155


Normes/Lois Cst: Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, état au 17 mai 2009, ConfédérationSuisse. LAT: Loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire, état au 1er août 2008, ConfédérationSuisse. LPE: Loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983, état au 1er août 2008, Confédération Suisse. LPN: Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966, état au 1er janvier 2008, Confédération Suisse. OAT: Ordonnance du 28 juin 2000 sur l’aménagement du territoire, état au 1er septembre 2009, Confédération Suisse. OBat: Ordonnance sur la protection des sites de reproduction de batraciens d’importance nationale du 15 juin 2001, état au 1er janvier 2008, Confédération Suisse. OEIE: Ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement du 19 octobre 1988, état au 1er juillet 2009, Confédération Suisse. SIA V178 1996: Recommandation SIA V178, Edition 1996, Maçonnerie en pierre naturelle, Zurich, Société suisse des ingénieurs et des architectes, 49 p. SIA 180 2014: Correctif C1 à la norme SIA 180, Edition 2004, Protection thermique, protection contre l’humidité et climat intérieur dans les bâtiments, Zurich, Société suisse des ingénieurs et des architectes, 8 p. SIA D0170 2002: L’énergie thermique dans le bâtiment : guide d’utilisation de la norme SIA 380/1, édition 2001, Zürich, Société suisse des ingénieurs et des architectes, 97 p.

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Organismes luttant pour le maintien de la pierre ARMP, Association Romande des Métiers de la Pierre, Lausanne, http://www. armp.ch/ NVS, Naturstein Verband Schweiz Suisse Svizzera (Association Suisse de la Pierre Naturelle), Berne, https://nvs.ch/der-nvs/ CTMNC, Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction, Paris, http:// www.ctmnc.fr/

Protection des sites et de l’environnement Ouvrages:

Emmot, S. (2013). 10 milliards, Fayard, 198p. Zerbi, S. (2011). «Exploitation de la pierre naturelle de taille» dans La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, pp.95-177

Mémoire:

Rochat, F. (2013). «Histoire et territoire des carrières en Suisse» dans Une architecture des carrières, énoncé théroque du travail de master EPFL, Lausanne, cahier n°4

Sites Internet:

Confédération Suisse, Office fédérale de l’environnement OFEV: Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP), https://www.bafu. admin.ch/bafu/fr/home/themes/paysage/info-specialistes/conserver-et-developper-la-qualite-du-paysage/paysages-d_importance-nationale/inventaire-federal-des-paysages--sites-et-monuments-naturels-dim.html Confédération Suisse, Office fédérale de l’environnement OFEV: Qu’est-ce qu’une EIE?, https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/eie/en-bref/quest-ce-qu-une-eie-.html DREAL: Direction Régionale de l’Environnement, de l’Amégagement et du Logement de provence Alpes-côte d’Azur; Prévention des risques, Gérer les ressources minérales (carrières), http://www.paca.developpement-durable. gouv.fr/IMG/pdf/chap9-5_cle2a1113-3.pdf ProNaturstein, Sur la voie du succès grâce à la durabilité et à l’innovation, https://www.pronaturstein.ch/fr/actualite/news/detail/sur-la-voie-du-succesgrace-a-la-durabilite-et-a-linnovation-1/

Bibliographie

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Articles:

Berthier, S. «Slow-tech», D’Architecture, N°261, Avril 2018 Rossel, N. «Holcim étendra sa carrière, les opposants fulminent», 24 heures, 14.06.2016, https://www.24heures.ch/vaud-regions/la-cote/L-extension-de-lacarriere-dHolcim-fche-les-opposants/story/14799846

Vidéo:

Delestrac, D.(2011) Le sable: enquête sur une disparition, Issy-les-Moulineaux: ARTE France, Rappi Productions, La compagnie des Taxi-Brousse, 74min

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La réindustrialisation de la pierre naturelle en Suisse: hérésie ou réel matériau d’avenir ?


Annexes I. Les interviews

1. Interview 1: Carlo Bernasconi 2. Interview 2: Jerôme de Meuron 3. Interview 3: Olivier Fawer

II. Charte d’éthique et de bienfacture pour la réfection de

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monuments et bâtiments

III. Les valeurs U limites

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IV. Les différentes liaisons des planchers à un mur en pierre massive

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V. Les différentes liaisons des toitures à un mur en pierre massive

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VI. Les différentes liaisons des fondations à un mur en pierre massive

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VII. Exemple d’évaluation de l’impact environnemental du transport

205

de la pierre naturelle

VIII. Tests personnels de la valeur U des maçonneries en pierre naturelle 206

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i.

Les interviews

Interview 1 M. Carlo Bernasconi, Propriétaire de deux carrières de grès de la mollasse à Berne

Réalisée le 24 Octobre 2018

Carlo Bernasconi est le propriétaire de deux carrières en Suisse, une

à Ostermundigen petite commune de Berne exploitée en flanc de taille de Mars à Septembre, et une autre à Krauchthal proche de Berne exploitée de manière souterraine toute l’année. Le premier contact a été établie par l’intermédiaire de son site présentant leurs produits, une réponse rapide et un rendez-vous a été pris dans la foulée.

Dès mon arrivée Mr Bernasconi a été très à l’écoute et soucieux de

transmettre ses connaissances. Nous nous sommes installés dans une salle de réunion où j’ai pu pendant plus de 30min lui poser les questions que vous trouverez ci-dessous. Le premier contact fut bon bien que la barrière de la langue semblait parfois interagir avec ses réponses, étant suisse Allemand le français n’est pas sa langue maternelle. Après m’avoir gracieusement offert un échantillon de pierre et un livre comportant des photographies des carrières, il a tenu à me faire visiter les locaux ou l’entreprise entrepose et découpe les pierres importées et extraites. Nous avons terminé notre rencontre par la visite de la carrière d’Ostermundigen se situant à 5km des locaux. Le temps qu’il m’a accordé et sa volonté de transmettre son savoir ont été d’un grand soutien pour ce mémoire.

Annexes

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MM:

Depuis combien de temps exploitez-vous la carrière ?

BC:

Depuis 1966 À qui appartient la carrière et comment en devient on propriétaire? L’état est propriétaire et nous ne pouvons pas le devenir. La transmission des permis d’exploités c’est fait en famille depuis 3 générations. Quel est le plan de réhabilitation de la carrière? Ce n’est pas nécessaire car la réhabilitation se fait de manière progressive et naturelle due au fait que l’exploitation est lente. Devez-vous donner de l’argent ou en mettre de côté pour remettre la carrière en état par la suite ? Normalement oui mais dans cette carrière l’extraction est lente donc pas nécessaire. Combien de tonnes exploitées par an et combien vous avez le droit d’en exploiter ? 1000m3 2,5t-2,8t on pourrait plus mais c’est une question de la demande du marché. Avez-vous des géologues ou biologistes qui vous rendent visite et/ou imposent certaines règles ? Notamment sur la manière d’exploiter? Car à Carrare le type d’exploitation en flanc de taille produisant un mur de grande hauteur est désor mais interdit car il produirait un changement climatique et donc un impact sur la biodiversité important, ils préconisent donc l’exploitation en escalier pour garder la forme de la montagne. Non, à l’époque oui mais plus de nos jours Cela dépend du type de carrière, celle-ci sur la partie dont l’exploitation est terminée, on a presque plus de nature qu’au début. L’exploitation souterraine permet de ne pas toucher à la nature. Depuis que vous avez commencé ces exploitations avez-vous vu une progression des techniques d’extraction ? Oui

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Y’a-t-il des possibilités de polluer les eaux souterraines ou autres avec l’extraction de la pierre? Non aucune car nous utilisons des huiles mécaniques bio. Avez-vous de nombreux architectes qui vous contacte ? Si oui, ce sont-ils développés depuis les années 2000-2010 ? Ils viennent pour discuter mais souvent le coût pose problème. Aujourd’hui la pierre retrouve chez quelques jeunes architectes ou architectes confirmés l’intérêt pour ses nombreuses caractéristiques, mais selon vous existe-t-il un renouveau de la pierre ? On en discute seulement mais rien de concret. Pensez-vous qu’il serait possible de réindustrialiser la pierre comme au temps d’avant-guerre ? Si oui, faudrait-il mettre en place de nouvelles normes, lois ou autres pour le permettre ? Si on faisait le calcul total non seulement avec les couts de construction à long terme, quand on voit les maisons en pierre massive qui ont 300 ou 400 ans si on faisait le calcul jute cela jouerait déjà aujourd’hui, mais cela ne se fait pas. Par exemple pour la rénovation d’une maison, le coût est cette un peu plus élevé pour la pierre mais on explique que ça fait déjà beaucoup d’années qu’il n’y a pas eu d’intervention, malgré cela l’argent manque au moment donné car on ne l’a pas mis a part pendant des années. Si on calcule à long terme i n’y a pas de problème, car même la déconstruction d’une vieille maison en pierre massive on pourrait réutiliser les blocs mais tout le reste est à jeter. Tous les matériaux plastiques par exemple le réel coût n’est pas calculé. Certaines méfiances de la part de l’opinion publique voit d’un mauvais oeil ce type d’exploitation car selon eux cela laisserait des « cicatrices au paysage » avez-vous déjà eu ce genre de remarque ? On a la chance à Ostermundigen d’avoir la commune qui est fière de sa carrière. Par exemple à côté de chez moi une nouvelle carrière de graviers a ouvert, alors ils ont enlevé beaucoup d’arbres si on regarde maintenant c’est l’horreur mais c’est une question de 10-20 ans puis on

Annexes

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viendra recultiver. Existe-til une augmentation des ouvertures des carrières à votre connaissance ? Non pas du tout De votre point de vue diriez-vous que la ré-industrialisation de la pierre massive serait une réponse aux enjeux environnementaux actuels ? Et si oui dans quelle mesure ? Cette question je n’arrive pas à répondre, mais j’y crois. Il y a moins d’un mois j’ai discuté avec un architecte pour un projet mais ça reste un rêve pour le moment. Les qualités de la pierre sont nombreuses, rapidité de mise en oeuvre, ses qualités thermiques et acoustiques ne sont plus à démontrer, sa pérennité… mais si vous deviez choisir qu’une seule des qualités et un défaut de la pierre ? Elle pourrait être un peu plus dure, à l’époque c’était un avantage car pour travailler à la main c’est très facile et c’est aussi une des raisons pour laquelle elle a été très utilisée même jusqu’à Genève. Ça pose des problèmes pour les sols il faudrait des plaques de 8cm d’épaisseur ça serait un peu difficile. J’ai faits faire des tests pour la rendre plus dure (Oui de la précontraindre par exemple ?) oui voilà, on verra mais ça serait pour des travaux spéciaux car ça coûte très cher. Aujourd’hui une maison des années 70, on ne peut pas la réparer donc on la déconstruit alors qu’avec la pierre on n’a aucun problème à remplacer des partis, blocs, enlever remettre… c’est un caractère positif que je vois. Le régionalisme de l’extraction consisterait en la réouverture de nombreuses carrières afin d’avoir une ressource à porter de main, que diriez-vous de ce concept ? Est-il selon vous envisageable ou peut-être même en train de se produire ? On en rêve, mais ça reste un rêve pour le moment car la demande n’est pas encore là, et d’autre part les permissions pour ouvrir une carrière aujourd’hui sont presque impossibles à obtenir même pour la

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


réouverture d’une carrière. Serait-il intéressant selon vous de préparer les jeunes architectes à l’utilisation de ce matériau ? On en discute beaucoup dans notre coopération des entreprises, pour trouver des possibilités dans les écoles d’architectes ingénieurs d’avoir plus de leçons sur ce métier, mais notre branche est toute petite c’est différent par exemple pour le bois (lignum) ils ont une autre force sur le marché avec beaucoup plus de produits.

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


i.

Les interviews

Interview 2 M. Jerôme de Meuron, Architecte de l’agence Wespi et de Meuron situé à Caviano dans

le canton du Tessin

Réalisée le 6 Décembre 2018

L’agence Wespi et de Meuron est une agence d’architecture que j’admire depuis mes débuts en architecture, des projets épurés et clairs à la tessinoise. Beaucoup de leurs projets sont en pierre, souvent en réhabilitation mais également en neuf. C’est donc pour leurs projets inspirants que j’ai décidé de les contacter sans grand espoir. Plusieurs semaines plus tard j’ai reçu une réponse positive de Jerôme de Meuron l’un des associés. Il a accepté de répondre à mes questions par mail mais me prévient qu’il est très occupé en cette fin d’année. Deux semaines plus tard je reçois l’interview après une relance, malgré l’effort qu’il m’a fallu pour traduire l’interview en anglais et en allemand pour être sûre de sa compréhension je n’ai reçu que peu de réponses.

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The office Wespi de Meuron Romeo architetti opened in 2012, consisting of 3 people: Markus Wespi self-taught architect who has his own office since 1984, Lucas Romeo architect graduated from theUniversity of Applied Sciences Lugano in 2006 and you Jerome de meuron architect graduate fromBurgdorf University of Applied Sciences in 1996. Can you give me the state of mind and the values ofyour agency, and tell me what is important to you in your projects? We try to integrate our projects as much as possible in the environment, departing from the local traditions, with archaic materials, which get’s nicer (patina) with time and combined with simple modern forms. I have seen that you often use stone in your projects, regularly in renovation but also sometimes for new projects (such as the new construction house Kü in Brione sm ti in 2005), it is on this point that I would like to ask you more questions. Many of your renovations are massive stone, is it a choice or pure chance? Do you sometimes need to replace the stone? If so how do you find the stone wanted knowing that careers have decreased significantly? We use natural stone, where it’s tradition to build with it. It’s not used often anymore, because it became very complicated to built with all the new regulations (isolation, ect.) and it’s also more expensive. As for new projects, would you say it is easy to get stone? Do you have any contact with quarrymen, do you go directly to the extraction sites? It’s not easy to get the stones, we always try to get old (already use for constructions) stones, because the stones from the cave are to regularly in form and colour. Do you have stone quarries of preference and if so why? Where are they located? Is it always the same type of stone you work? If so, what are the characteristics of this stone? See above...

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Have you ever been interested in the rehabilitation of extraction sites? Do you know the rehabilitation of the Arzo quarry in Ticino by architect Enrico Sassi? If so, can you tell me from your architect’s eye what you think? Do you have references for stone quarry rehabilitation in Switzerland or elsewhere? We would like to make a project for the rehabilitation of an extractions site, it’s an interesting theme. The rehabilitation of the querry of Arzo is interesting. We don’t have other references. Today the use of massive stone is sporadic and young engineers do not know how to calculate the loads and strengths of a stone building. How does the relationship with the engineers go if there is one? Massive stone is difficult to calculate for the engineers, right, often we have to integrate concrete for static reasons. For example in some projects you use the site stone to rebuild new elements (I’m talking about the renovation project of houses in Caviano in 1998-2002 where the stone is used to rebuild a loggia) type of re-employment occurs regularly? As more as the existing stones can be used as better it is. (less costs and less transportation) I would now like to discuss with you the question of implementation. Each architect uses the stone with his own vision, for example Gilles Perraudin, whom you may know, likes to use the thermal inertia and the mass of the stone by voluntarily removing the insulation (if possible) and associating it with wood floors. You often seem to associate stone with concrete, for lintels, floors, etc ... Is it by structural choice or by aesthetic choice? How do you ensure thermal comfort in your stone projects? We would also like to use the stone in his simplest form (massive), but nowadays with all the laws, it’s not possible anymore for a living house with the required comfort. All the elements have to be separated with

Annexes

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isolation from inside to outside. We often use concrete, because it’s similar to stone. The stones you use do not require prefabrication, is it easy to find companies capable of doing this type of project nowadays? It’s not easy to find good companies, but in Ticino there are some, which are able to work with stone. Are you interested in stone architecture projects? If so, would you have examples of Swiss architecture to give me that seem interesting to you? Of course we are interested in stone architecture, unfortunately in Switzerland it’s rare. Today the stone finds in some young architects or architects confirmed interest in its many features, but do you think there is a renewal of stone in Switzerland? Do you think it would be possible to reindustrialise the stone as in pre-war times? If so, should new standards, laws or other be put in place to allow this? No, time has chanced. From your point of view, would you say that the re-industrialization of massive stone would be a response to current environmental issues? And if so, to what extent? The qualities of the stone are numerous, speed of implementation, its thermal and acoustic qualities are more to demonstrate, its durability ... but if you had to choose only one of its qualities and a defect of the stone? The regionalism of the extraction would consist in the reopening of many quarries in order to have a resource to hand, what would you say of this concept? Is it in your opinion conceivable or perhaps even

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


happening? In the course of your studies, did you receive any specific teaching on stone construction? Would it be interesting for you to prepare future architects for the use of this material? We learned by experience, but we don’t think that it will be used in large scale. I would like to have your opinion on two stone projects, on their constructive choice and their architectural qualities. The first one is a project realized by Zumthor in 1993 which you will find some information here as well as the plan and cut attached to the mail: https://afasiaarchzine.com/2018/07/peter-zumthor-55/ The second project is a competition project directed by Gilles Perraudin, it is a massive stone housing tower in Geneva, you can find more information by clicking on the link below: http://www.perraudinarchitectes.com/projets/firmitas/firmitas.html Have you ever seen this projects ? I want to thank you for the time you have given to these questions because I imagine that your time should be precious especially at the end of the year, and I would be happy to send you my thesis once it is finished.

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La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


i.

Les interviews

Interview 3 M. Olivier Fawer, Tailleur de pierre possèdant son entreprise d’études, d’exper

tises et de conseils sur les bâtiments en pierre Réalisée le 14 Décembre 2018

Après avoir faits quelques recherches j’ai découvert l’existence de l’ARMP: L’Association Romande des Métiers de la Pierre. Une rubrique sur le site m’a permis de prendre un premier contact avec Giovanni Giunta le secrétaire générale qui m’a gentiment redirigé vers Mr Olivier Fawer. Nous avons donc convenu d’un entretien à Genève mi-décembre, au sein d’un prestigieux hôtel autour d’un café de manière très conviviale. Ce fut pour moi une belle opportunité d’enchérir mes connaissances sur le domaine de l’exploitation en Suisse et d’avoir un avis passionné et sincère avec un vrai franc-parlé. Mr Fawer s’est livré avec passion à mes questions autour d’un sujet qui l’interpèle et le touche. Je le remercie vivement de m’avoir accordé ces presque deux heures dans une période aussi compliquée que celle qui est la fin d’année.

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Nous nous sommes présentés et j’ai commencé par expliciter mon travail de cette année et mon intérêt pour la pierre. Il s’est intéressé à mon projet et après avoir répondu à quelques-unes de ces interrogations voici ce qu’il a commencé par dire: C’est un beau projet, car c’est vrai qu’on a un monde de la pierre qui s’effrite, ni plus ni moins, depuis l’invention du béton, quatre planches en bois un bout de ferraille au milieu glouglou un nouveau matériau qu’on appelle ciment et puis ça donne du béton. La construction massive s’est terminée aux alentours de 1930-40, là on est à un enjeu insoutenable, on ne va pas parler d’urgence parce que tout est urgent, d’ailleurs on nous fait tous flipper avec les urgences planétaires et surtout arrêtez de nous culpabiliser. En matière de défi de construction, car on doit continuer à construire car on est de plus en plus, on a des choses qui arrivent en fin de vie (rarement en pierre massive mais nous allons y revenir), et du coup on a un enjeu majeur. D’autant plus que la pierre est présente partout, extraite en plus ou moins grande quantité à travers les âges, depuis les Égyptiens jusqu’à aujourd’hui. Le défi majeur du 21ème siècle se situe par rapport aux énergies grises, côté écologique. Pour le côté professionnel pur nous sommes tous en train de partir au musée, d’ailleurs on appelle notre métier (tailleur de pierre) vieux métier, mais ce n’est pas parce qu’ils sont vieux qu’ils sont fatigués mais car ça fait très longtemps qu’ils existent, l’âge de la pierre, néolithique. Maintenant il faut qu’on fasse savoir que l’on existe. C’est la grande bagarre parceque si je parle de la réhabilitation d’une carrière il y a deux possibilités: soit on fait rien et puis ça fait les plus beaux biotopes parce que la nature reprend ses droits, sans dépôt de mise à l’enquête elle vit sa vie et c’est ça qui est merveilleux d’ailleurs. Il faut absolument qu’on arrive à revaloriser ce matériau. D’autant plus que nous en sommes en train de pomper tout le sable des mers et que cela détruit les fonds marins, fait disparaitre des îles entières, des plages…et que finalement on ne le voit pas donc ça ne pose pas de problème, à la différence d’une carrière de pierre de

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taille souvent visible. Exactement, c’est-à-dire qu’on ne nous le dit pas, on est au siècle de la sur-information et en fait on arrive plus à trier. On nous balance tellement d’infos dont on n’a pas besoin mais qui capte quand même notre intention. Quand on sait que Dubaï est en train de piller le sable du Delta du Mékong juste pour pouvoir fabriquer du béton, il faudrait que ça se sache un peu plus. Ils ont l’argent pour alors qu’ils fassent des trucs en pierre massive et on applaudira mille fois, mais piller les ressources naturelles en fin de vie dont le sable en fait partie doit se savoir. ARMP Association Romande des Métiers de la Pierre a été fondé en 1996, pourquoi la création d’une telle association ? quel événement a engendré sa création et qui en est à l’origine ? passionnés, tailleurs de pierre, architectes …? Depuis combien de temps faites vous parti de l’association et quel est votre rôle ? Sur une réunion de tous les acteurs de la filière de la taille de pierre (marbrier, ouvrier du bâtiment, tailleur de pierre, sculpteur) se sont dit dans ces années-là juste après une grosse crise immobilière en 199091 a fait que le marché s’est forcément tendu notamment en maçonnerie, génie civil, il y a eu des faillites assez impressionnantes. Les 30 glorieuses sont loin, une crainte générale s’installe, et ce sont des cinquantenaire issu justement des 30 glorieuses, des chefs d’entreprises petites moyennes PME (la plus grande faisant environ 50 ouvriers) see sont mis ensemble en se disant : « il faut qu’on régule notre marché ». En 1986, dix ans avant, j’avais terminé mon apprentissage depuis quelques années, la taille de pierre était déjà peu présente, on commençait déjà avec des tendances d’oulalah la surface, le coût d’outil qui est très ancien donc nous on avait tendance à poncer quand la pierre était fatiguée lui on refaisait à neuf un peu. Il y avait déjà cette tendance ou les archéologues, les restaurateurs d’art déjà nous disaient «vous supprimez la croûte de la main de l’homme qui a formé cette pierre qui vient de 200 ou 300 années plus tôt» ce qui est sensé. Dans de tendances comme ça il y a eu un certain ralentissement

Annexes

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des travaux qui se sont fait déjà à cette époque, ce n’est que cyclique comme la mode cet… Mais du coup 1996, les acteurs de l’époque ce sont dit bon il faut qu’on se maintienne, car on faisait un peu moins de taille de pierre, il fallait nettoyer les bâtiments, c’était du nettoyage. Finalement c’était des peintres, des nettoyeurs techniciens de surface, qui s’en chargeait, les maçons aussi qui ont fait énormément de mal sur les bâtiments en pierre de taille depuis l’arrivée du ciment. On est dans un bassin mollassique, les deux pires ennemis de la molasse ce sont l’eau et le ciment. Tout cela faisant ils ont décidé de s’unir, en établissant notamment des prix unitaires pour faire une fourchette pour limiter les surenchères dans un sens ou dans l’autre. Avec un reliquat des 30 glorieuses, tout le monde est pote, tout le monde a suffisamment à manger, je veux dire toute la terre entière serait en paix si tout le monde avait à manger. Moi je suis arrivé car j’étais dans une des entreprises qui a participé à tout cela, je n’ai pas participé de manière active mais je suis arrivé en 2007, engagé en tant que «contrôleur». Ils avaient effectivement mis en place une charte d’éthique et de bienfacture (ANNEXE II), qui est un peu le livre de recettes du bon tailleur de pierre comment entretenir les bâtiments pour limiter les abus. Cette charte avait un système d’auto-contrôle. Existe-t-il ce genre d’association dans tous les cantons ? Nous sommes association Romande donc on comprend les cantons de Genève, Jura, Vaud, Fribourg, Valais, Neuchâtel. Et pour le Tessin par exemple ? Suisse allemande et Tessin ils Naturstein Swiss basé à Berne. On pourrait en faire partie également, c’est un peu l’association faîtière. L’ARMP effectivement est parti de la VMP, l’Association Vaudoise de la Pierre, ce sont les vaudois qui sont les premiers dans les années 80 qui se sont associés. Ce sont eux qui ont établi la charte et étendu à la romandie. Cette charte romande est désormais reconnue par ses six cantons, dont le service des monuments et sites. Charte non contraignante, sur l’honneur, il n’y a pas de base juridique comme une SIA, mais nous

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avons beaucoup d’appuis. Certaines grandes villes qui sont rentrés en matière, déléguées au patrimoine, donc la charte reste bâton de pèlerin. C’est un document qui doit être lu et distribué. De 96 à 2007 ils ont faits des auto-contrôles c’est-à-dire que les vaudois allaient visiter les Fribourgeois, les Neuchatlois les Genevois ect… voir si la charte était respectée. C’est là où ils se sont aperçu que ça finissait vite au bistrot, c’était copains/Concurrents un peu biaisé. Donc l’association à mis en concours un poste de contrôleur externe et je suis arrivé en 2007 au sein de l’association. Ça faisait 27 ans que j’étais dans le milieu, mon ostéopathe me disait qu’il fallait que je songe à arrêter. Oui j’imagine bien, et le concours se basait sur quoi ? Sur les compétences, et l’expérience, parce que vous pouvez être dans une entreprise de taille de pierre mais faire que du bureau technique, du dessin et vous arrivez sur un chantier c’est compliqué car vous n’avez que le point de vue théorique. On n’était déjà pas beaucoup, une quarantaine d’entreprises sur toute la romandie étaient affiliées à l’association, puis en 2007 plus que 32-33 donc l’association est allée chercher dans les indépendants comme moi. Je n’ai jamais compris pourquoi c’est moi qui fut sélectionner à l’issue du concours, si ce n’est que je suis complètement passionné par ce monde comme vous avez pu le remarquer et que les autres avaient peut-être plus d’intérêt financier. Du coup j’ai toujours dit je fais des visites de chantier et non des contrôles, je veux dire je suis un mal nécessaire. J’ai démissionné en 2016 de ce poste. C’était fabuleux de faire des réunions ça me faisait voyager pas mal, c’était très intéressant, l’association n’a pas de fond énorme je faisais clairement cela par passion afin d’avoir une vision d’ensemble du métier. Je n’ai pas arrêté de leur dire aimez-vous un peu plus, arrêtez d’être collègues quand il ne faudrait pas, d’être concurrent quand il ne le faut pas, se taper des claques dans le dos puis des couteaux une fois dans le dos ça ne peut pas jouer, on est tout petits. La mauvaise nouvelle c’est que quand il y a moins de riz bah y’a moins de riz quoi, et on rigole beaucoup moins. Je vous passe

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les détails mais il y a eu des gros problèmes au niveau d’une adjudication en 2016 après dix ans à ce poste, j’ai été mis en port à faux où on m’a accusé d’avoir favorisé une entreprise. S’il y a cinq actionnaires il y a qu’un adjudicataire à l’arrivée, donc forcément les quatre autres étaient déçus et sur ces 4, deux ont fait recours tribunaux et compagnie. Et comme ces deux étaient des membres influents du comité, une fois blanchi par le juge j’ai quitté mon poste. Ces deux personnes encore vexées ont quitté l’association avec pertes et fracas en amenant 5-6 membres dont en ce moment l’association n’est pas du tout moribonde, elle est en train de renaître de ses cendres avec Giovanni Giunta qui nous a d’ailleurs mis en relation. L’association reprend son second souffle, on ne veut plus vivre un truc pareil mais moins on est crédibles et plus c’est délicat. La taille de pierre est quand m’eme un monde de brut, même les meilleures entreprises de taille ne peuvent pas être tout seul, d’où l’importance d’une association. Mais en même temps si on y vient pour regarder ce que le voisin fait et lui piquer du travail ça ne joue pas. On est à l’apologie de l’individu, on peut faire toutes les théories qu’on veut c’est un fait. Toutes les belles paroles qui se disent dans une association peuvent disparaitre comme sucre dans le thé quoi, ou comme mollasse dans l’eau. Donc voilà le but de l’association c’est d’avoir un ensemble, de former la relève avec la partie formation. Des cours pratiques sont organisés 15 jours par année, ce qui est peu mais mieux que rien. La visibilité reste à travailler car l’association reste en «tentative de réunion». Sans prétention mais quand je travaillais pour eux j’étais vraiment le chaînon manquant, car j’étais le seul qui n’avait pas des ouvriers qui comptaient sur moi, donc j’arrive devant un bâtiment, le propriétaire, l’architecte, les monuments et sites les décideurs en général que ce soit une ville une commune, et je n’ai pas de raisons de rendre le contrat cher, j’ai aucun intérêt à ce qui dure 6 mois, mon patron c’est le bâtiment. Et cette position est en or massif car je suis à côté du maître d’ouvrage et j’accueille l’entreprise en lui disant bah mon gars voilà ce

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qui va se passer, par exemple au lieu de poncer on va utiliser telle ou telle technique qui compte moins cher alors OK je t’enlève du boulot, toi tu arrivais avec des gros moyens qui allaient rapporter mais je me dois de garder un équilibre. Quand l’ostéopathe m’a demandé d’arrêter je me suis dirigé vers les check-up des bâtiments, qu’est-ce-qu’il y a à faire sur ce bâtiment pour qu’il puisse continuer sa vie, point barre, pas qu’il soit joli, pas qu’il coûte cher, mais vraiment savoir ce qu’il a besoin un peu comme un docteur. Ça fait 15 ans que je fais ça et cela permet en amont de donner au propriétaire un chiffrage ensuite on envoie les soumissions à différents actionnaires puis on adjuge. Ce sont des bâtiments publics en général ? Alors oui, 60% des bâtiments sont sur Genève, et sur ces 60% la moitié sont publics, autrement ce sont des privés, des régies immobilières, des parcs immobiliers souvent de qualité. Par extension je fais beaucoup de suivi de chantier. Le but de cette association est je cite de « réunir sous une même bannière les entreprises exerçant quatre métiers différents, à savoir: tailleur de pierre, marbrier du bâtiment, marbrier, sculpteur sur pierre. Elle permet aussi de former la relève en garantissant aux apprentis une formation et un avenir de qualité et se veut être l’interlocuteur « pierre naturelle » de référence face à tous les acteurs du secteur de la construction: administrations, architectes, décideurs, écoles, propriétaires privés, etc… » Je voudrais développer avec vous davantage sur ce dernier point qui m’intéresse plus particulièrement. Quelles sont les relations/fréquence d’entretien avec des architectes ? J’ai pu comprendre du coup que c’est de manière régulière d’après vos dires. Complètement, je fais de l’accompagnement d’architecte on peut dire. Avez-vous vu une évolution depuis ces 10 dernières années? Je parle plus dans la construction neuve, car vous c’est beaucoup de rénovations de ce que je comprends mais des architectes viennent-ils vous Annexes

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proposer des projets neufs en pierre massive ? Étonnamment, pour l’instant ce ne sont pas les architectes mais les communautés. Avez-vous déjà entendu parler du projet à Plan-lesOuates ? Oui il me semble avec Gilles perraudin en collaborateur il a également proposé une tour de logement en pierre massive. Exactement, la commune a imposé pour le projet de Plan-les-Ouates une construction en pierre massive, faites nous rêver. Nous on en rencontre pas mais on en croise de temps en temps, des architectes avec qui ont fait des brainstormings, à chaque fois je mets le paquet je mets l’enjeu sur la matière. Mais pour l’instant il n’y a que des déclarations d’intention. C’est facile à convaincre, car la ressource est là, tu creuses tu as ton parking, et après tu construis dessus en tas et ça te fait ta maison. On a évidemment de gros problèmes avec les normes, en terme de démarches on a des yeux qui s’ouvrent. J’ai quelques copains de l’EPFL qui utilise des enduits de chaux, construisent en pierre dès qu’ils peuvent mais ça reste des velléités. Ce n’est absolument pas dans l’ordre du jour actuel. Grave erreur, mais peu importe car la pierre reste là, après il faudra peut-être se gratter la tête comment est-ce qu’on faisait pour l’extraire parce qu’on ne se souviendra plus et puis des mecs comme moi auront disparus. La disparition du savoir c’est un problème. L’entretien avec les architectes est hyper important, et j’étendrais même aux décideurs. Encore hier j’ai rencontré un Monsieur d’une grande régie (possédant 106 immeubles en suisse romande), le gars a la tête dans sa calculette et nous dit «vous me dites que y’en a pour 150 000 alors que j’avais prévu que 50 000, expliquez-moi», donc on lui explique et vu qu’il est intelligent il comprend il n’aura toujours pas les 150 000 mais on plante la petite graine, car le gars s’il ne sait pas on ne peut pas lui en vouloir y’a un problème d’information. Et à partir de là le mec le garde en tête et se dit peut -être que pour celui-là je ne peux pas mais peut-être le prochain. Moi je saute sur la personne dès que je sens un potentiel décisionnel pour en tout cas planter des

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petites graines. J’imagine que vous connaissez bien les lieux d’extraction, les carrières qui sont aujourd’hui le plus gros frein à l’utilisation en masse de la pierre. L’opinion publique possède en général un regard négatif sur ces lieux qui laisserait des « cicatrices au paysage », qui pourrait dégrader une partie de la biodiversité, que pouvez-vous répondre vous à ces accusations ? De nouveau c’est le manque d’information. On n’arrive pas à ouvrir des concessions de gravières de moins en moins du coup la plus grande gravière de Suisse romande vous savez que c’est la douane parce que tout vient de chez vous.(sous-entendu la France) Mais évidemment, quand vous faites un mode d’extraction gravière, concasse et compagnie, ça génère beaucoup de bruit beaucoup de poussières et beaucoup de camions. Alors qu’un mode d’extraction pierre de taille, évidemment ça dépend dans quel bassin on se trouve si vous êtes dans le Tessin vous êtes content d’avoir le bruit de l’autoroute en bruit de fond pour moins entendre les ratataratata des perforatrices qui vous font les trous, mais on est beaucoup mis au fil hélocoïdal. Vous avez dû voir à Ostermundigen ces haveuses ces grandes tronçonneuses, on pourrait se causer comme on le fait maintenant sans être dérangé par le bruit. Ça creuse ça coupe des morceaux de sucre, on est dans de la pierre tendre (la molasse de berne). C’est toujours intéressant de voir la réaction des gens quand on leur explique ça. Je me suis faiTs traiter une fois d’UDC raciste par un monsieur car je dénigrais un peu les pierres étranges au profit des pierres nationales. Pour vous dire jusqu’où, je m’excuse pour ce monsieur, mais jusqu’où l’inculture peut aller. Tous les autres ont dit mais arrêtez d’être con c’est super-intéressant on ne savait que l’on avait tout ça sous nos pieds, et puis qu’on va chercher ça a petaouchnok. De plus les carrières sont temporaires, on en a énormément, on vient extraire pendant 3 mois ce qu’on a besoin après s’en va alors les oiseaux et les crapauds se sont barrés un moment mais déjà ils reviennent, on ne les a pas tués. Après bien sur

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il faut bien choisir le site caché derrière des arbres parce que c’est vrai que des balafres comme à Arvel (montrer photo arvel) au bout du lac mais là ce n’est pas l’exploitation de pierre tailleé jusque dans les années 1910 qui a produit ça, c’est du d’abord à un éboulement 6000m2 descendu ce qui fait déjà une belle balafre puis c’est maintenant à cause des perfo, des explosifs ce qui produit des nuages de poussières impressionnants. Ah donc désormais elle s’est transformée en carrière d’agrégats ? Oui, parce qu’en plus la pierre est magnifique rose violacée qui est un grès calcaire avec un peu de silice dedans ce qui est le best pour les ballasts des chemins de fer. Donc les CFF (SNCF Suisse) s’approvisionne là-bàs pour 80% de leurs besoins. Donc on peut comprendre que le bruit, la poussière soit gênante, mais c’est un extrême pour dire que ce n’est pas simple de non plus. Mais on a toujours la possibilité de creuser en tunnel, et donc là on ne voit rien. Au niveau des carrières il y a énormément de chose à faire. Mais de nouveau ça passe par l’information. De toute façon quand on n’a pas de solution on dit que c’est politique. Ce qui nous manque évidemment à tous les niveaux que ce soit pour le métier ou pour les carrières ce sont des relais politiques. Comment se déroule l’achat d’une carrière et son ouverture/réouverture ? Dans le cas où elle n’est pas encore débutée ou stoppée. C’est tout simple sur le principe, y’a une demande de concession qui doit être déposée, ça doit être inscrit au plan directeur cantonal, en rapport avec le cadastre aussi savoir si c’est une zone agricole, constructible, industrielle, artisanale, … Et puis ces plans directeurs cantonaux sont mis à jour tous les dix ans. Ce qui est intéressant et nécessaire si on veut faire le BAba d’une vraie ouverture de carrière c’est de pouvoir inscrire un site où on aura pu faire un sondage géologique et faire une étude de faisabilité. Si tous les voyants sont au vert à ce stade-là, qu’il y a une accessibilité possible, qu’on ne traverse pas une zone humide ou va foutre en l’air justement un biotope qui existe. Puis là on a une dépose de permis d’intégration au plan directeur cantonal. En collabo182

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ration avec le canton et la commune concernée, on peut avancer pour déposer une demande de concession. C’est évidemment administratif c’est très long, mais de nouveau on a des arguments. Monsieur Bernasconi m’a parlé durant la visite de sa carrière que son banc de pierre en train d’être exploité n’était pas bon et qu’il aurait souhaité pouvoir extraire dans une autre direction que celle qu’on lui a autorisé savez-vous s’il est possible au cours de la durée de la concession de modifier la direction de l’exploitation ? À ma connaissance oui, tout ce que je sais c’est que les concessions sont très rigoureuses, sinon ça devient un peu sauvage. C’est la loterie, c’est toute la mauvaise nouvelle mais c’est la nature, vous achetez 10 stères de bois sur 4 chevrons y’en a 3 qui sont tordus on va vous dire c’est le risque du métier et les carrières c’est aussi pour ca que c’est problématique. Nous sommes au siècle de la surconsommation, à une rapidité effrénée j’appelle ça la génération IKEA: vous achetez un truc parfait nickel sans défaut pas cher, pratique, et vu qu’il n’est pas cher on s’en débarrasse rapidement. On est dans cette espèce de consommation effrénée mais y’a un moment il va falloir se poser la question de ce que l’on veut vraiment? Est-ce qu’on veut un endroit bien ou est-ce qu’on s’en fout que ça s’abime parce qu’on pourra changer, par exemple zalando ça fonctionne bien car je comprends l’envie d’acheter une veste à 20 balles pour en avoir plusieurs et changer. Mais pour un bâtiment, une construction, si on ne veut pas que ça dur on revient au moderne on fait des placages de pierre parce qu’on est quand même dans l’apparence. L’apologie de l’individu c’est l’apparence, on peut faire genre je suis comme cela alors que peut être pas du tout, c’est pareil pour les façades ventilées. Ce n’est pas une question d’authenticité de purisme, mais si on peut revaloriser cette filière on va rouvrir des carrières, on aura faits des phases géologiques, énergie grise limitée, durabilité, économie de moyens çar on n’a pas besoin de mettre 50cm d’isolation de laine de roch, laine de pierre qui sont complètement énergivore pour leur fabrication. Ça c’est le syndrome

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tesla, tout le monde mise sur la voiture électrique elle marche au charbon Allemand, hypocrisie totale. Il faudrait en prendre conscience et si tous les feux se mettent au vert alors on peut commencer à construire, commencer à rouvrir des carrières, continuer à former des gens pendant que le savoir est encore là. Moi je mise sur la carrière temporaire, je me suis approché d’une faisabilité de carrière près du quartier du CHUV à Lausanne où il y a un eperon mollassique. La ville de Lausanne a creusé des réservoirs d’eaux il y a longtemps, 100 -150ans, il fallait rénover ces réservoirs. Dans l’élan après la rénovation on s’est dit pourquoi pas construire par-dessus vu que c’est constructible et densification urbaine oblige on va construire des bâtiments. Agrandissement des réservoirs, création de garages… Eperon mollassique avec un banc de carrière en plus attesté du 13ème siècle, en 1235 on a extrait de la pierre là, la morphologie le prouvait pour construire la cathédrale de Lausanne. Là je veux dire que nous somme en phase avec une étude géologique des lieux de 1958 rapport Berger, qui a attesté de la très bonne qualité de ce site, tous les voyants étaient verts, 11 000 m3 a extraire quoi qu’il en soit pour les parkings et les réservoirs. Il fallait donc enlever dans tous les cas cette matière. Nous sommes arrivés et nous avons proposé d’extraire en mode carrière, sur les 11 000 m3 on enlevait 3 000m3 de découverte (couche supérieure impropre) on a fait tout un planning mais la ville n’a pas suivi car il fallait 400 000.de somme de départ et qu’ils avaient déjà 2 milliards de déficit. Bien sur face à l’extraction faite sur l’appel d’offre à la grignoteuse et ces grandes toupies qui ronge la mollasse était à 90.- le m3 alors que nous étions à 250 m3 donc forcément il y a une différence mais le retour sur investissement était monstrueux. La mollasse on peut rien en faire si ce n’est des blocs pour la construction donc la grignoter en revient à faire perdre la matière et utiliser des transports pour aller la jeter je ne sais ou pour combler un trou dont on n’a pas besoin, ridicule. Si vous voulez l’extraction de carrière coute plus cher au départ mais après pendant 30 à 50 ans on avait 3 000 m3 de mollasse grise de Lausanne qui est la

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meilleure de toute, et on pouvait même utiliser les 3 000m3 de la couche supérieure pour faire les entrées des parkings, faire les murs de soutènement magnifique mais ils ont prévu de faire cela en béton moche qui va se salir et jamais se renaturaliser. On faisait comme les Égyptiens on prenait les gros morceaux de sucre, vous agencez ça sans soucis, une mollasse en nature elle est dure car elle est gorgée d’eau en permanence c’est si vous la séchez qu’elle fond comme sucre dans le thé. Tous ces phénomènes géologiques il faut que ça se sache qu’on arrête de faire bêtement du béton armé alors qu’on peut faire de murs magnifiques avec des déchets de carrière. Là on était concurrentiel, on a pas été entendu mais si vous voulez pour revenir à ça le monstre boulot au-delà du côté administratif c’est de pouvoir expliquer le côté WIN-WIN sur le long terme. Or qui prend les décisions ? Les hommes et femmes très bien habillés qui parlent très bien qui ont toutes les capacités du monde mais qui sont incapables de regarder à 30 ans, il regarde de 5ans en 5ans, pour savoir si à la fin de leur quinquennat ils seront toujours sur les photos. Mais on s’en tamponne. Tout ce travail en amont qui tombe sous le sens, en plus on est vraiment phase, si on a pas de problème de pollution on continuerait avec des cargots qui viendraient d’Inde et tout ça. Ça par exemple (en me désignant

la table en pierre noire sur laquelle nous sommes installés) ça vient du Zimbabwe, la moyenne d’âge dans certains travailleurs dans ces carrières n’excède pas 12 à 15 ans, vous arrivez à vous offrir un plan de travail pour votre cuisine puis le matin déjeuner alors qu’il a été extrait avec le sang et la sueur d’un gamin de 8 ans ? Moi je ne peux pas. La traçabilité est toujours compliquée, selon Amnesty international il semblerait qu’il y ait une liste de carrières éthiques. Il y a tout un ensemble de chose, quand on en parle lors de conférences ou autres, les gens disent qu’ils ne savaient pas ce genre de chose c’est pour cette raison que ce n’est pas que politique mais il y a aussi et surtout l’éducation, la culture, l’information. Le palais fédéral de Berne construit entre 1880 et 1900 un peu près ils ont utilisé la plupart des pierres extraites en Suisse

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à cette époque. C’est très intéressant de voir ce musée, échantillon géant pour voir la diversité. Les Alpes 70 millions d’années dans cette région on a une des richesse le plus importante en terme de diversité de pierre et donc potentiellement de pierre de taille. Donc voilà on est assis dessus et on va acheter la pierre au Brésil et en Inde. La chine également d’après mes recherches. Oui bien sur la Chine aussi, la main d’oeuvre coûte rien, le container Shanghai- Gênes coûte moins cher que Genève-Lausanne avec un camion. On a fort à faire, mais l’important c’est l’information locale, on a tellement mondialisé. Pour revenir aux carrières c’est moins facile qu’en France d’ouvrir une carrière parce que l’étroitesse du territoire fait que ça se sait tout de suite alors que si on ouvre une carrière au fin fond de la creuse personne va le savoir. Existe-t-il une augmentation des ouvertures des carrières à votre connaissance depuis les 10 dernières années? Zéro, ah ouais absolument zéro. Pardon une, le jardin botanique à Genève. Carrière de la mollasse du lac, mollasse rouge. Ils se sont retrouvés confronté à la construction d’un herbarium en souterrain mais à côté d’un bâtiment historique. Les sondages on fait apparaître la mollasse rapidement donc du coup tous les modes d’extraction industriels et destructeurs allaient mettre en péril par leurs vibrations le bâtiment historique voisin. Puis l’ARMP au départ a dit il faut extraire en mode carrière, un carrier de Fribourg est venu avec sa haveuse, ils ont extrait environ 900 m3 dont plus de la moitié assez saine pour la pierre de taille. C’est l’unique carrière romande où ça a pu se faire et je salue le dynamisme du canton de Genève il prenne le risque de payer quelque chose mais d’avoir un retour sur investissement plus tard puisque ces blocs il n’en reste plus qu’une petite centaine à placer sur les monuments historiques. C’est une mollasse que l’on n’extrait plus du tout donc on prend par dépit dans les carrières fribourgeoise ou bernoise pour restaurer nos monuments.

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Existe-t-il selon vous une demande plus forte dans certains cantons pour la pierre naturelle dans la construction ? Fribourg, Vaud, Genève sont les cantons les plus demandeurs car nous sommes dans le bassin mollassique qui s’use forcément plus vite. Vous allez dans la ville de Neuchâtel une fois sur deux les bâtiments sont faits dans la magnifique pierre jaune d’Hauterive ou le Roc du Jura et sont très résistants nécessitant moins de renouvellement, ce sont juste des entretiens de surface, on ne remplace pas souvent un bloc massif. Y’a-t-il des possibilités de pollution avec l’extraction de la pierre (polluer les eaux souterraines nappes phréatiques, huiles des machines, …) ? Tout est question du mode d’extraction utilisé et du soin qu’on y apporte et de l’étude géologique préalable. C’est évident que si on prend connaissance d’une nappe phréatique pas loin on va étudier un peu différemment pour s’assurer que, mais même les graisses sur les haveuses ne sont pas recommandée car elles peuvent tâcher la pierre. Si je reste dans le bassin mollassique, ça serait qu’une mauvaise manipulation sur une machine qui pourrait engendrer une pollution, avec par exemple le bidon de mazout qui pourrait se déverser et qui rentrerait dans la pierre poreuse... Bien sur qu’il y a des possibilités de pollution mais c’est tout à fait gérable, comparé à l’agriculture. On peut considérer que l’extraction d’une carrière en mode taille de pierre ne génère pas de pollution, je dirais même moins que les gravières car le concassage c’est energivore. Aujourd’hui la pierre retrouve chez quelques jeunes architectes ou architectes confirmés l’intérêt pour ses nombreuses caractéristiques, mais selon vous existe-t-il un renouveau de la pierre ? Qu’est-ce qu’on veut faire passer comme message surtout ? architectural de nouveau est-ce qu’on fait du plaquage ou est-ce qu’on fait du massif. Mais malheureusement non, à part mes 2-3 potes architectes qui sont parfaitement conscients de ça et qui s’énervent comme moi quand on en parle… On est au siècle de la statistique, alors qu’on en fasse une, qui compare un m3 de façade ventilée avec des accroches Annexes

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métalliques et des plaques de pierre avec isolation qu’on nous donne le prix au m3 et puis qu’on compare avec 1m3 de mur massif où les encadrements sont faits et on vient planquer les menuiseries et puis ça roule ma poule. D’autant plus qu’aujourd’hui on prend en compte un coût en fonction du bilan énergétique par exemple qui sont incomplets car souvent ou oublie de parler dans ces bilans de la durée de vie du matériau. Alors oui, exactement je l’ai gardé pour la fin, la durabilité. Parce que ces façades ventilées on sera contents de les démonter si elles ne se sont pas démontées toutes seules. Pensez-vous qu’il serait possible de réindustrialiser la pierre comme au temps d’avant-guerre ? Si oui, faudrait-il mettre en place de nouvelles normes, lois ou autres pour le permettre ? Je serais contre de nouvelles normes, il faudrait plutôt dénormer. La petite anecdote d’un carrier français du Bugey était que la constitution des États-unis en 1776 c’était 183 mots, à titre de comparaison en 2014 la norme 14 223 73 pour l’arôme vanille et son emploi c’est plus de 14 000 mots. Donc là on est cuits. Donc surtout pas plus de normes, de nouveau on manque de cohérence, si on est cohérents on revient aux fondamentaux. Voilà les maîtres mots: cohérence, fondamentaux. Climatiquement même, on est pas arrivé la hier, une cathédrale même en mauvaise état de 700 ans est toujours là, on peut y écouter une messe un culte. Les qualités de la pierre sont nombreuses, rapidité de mise en oeuvre, ses qualités thermiques et acoustiques ne sont plus à démontrer, sa pérennité… mais si vous deviez choisir qu’une seule des qualités et un défaut de la pierre ? La durabilité je dirais, c’est là et ça tient le coup même avec tous les standards actuels, ces fameuses normes au niveau thermique et tout ça on est bon quoi. Le défaut c’est quand même même avec la mécanisation quoi, quand vous marquez rapidité de mise en oeuvre ce n’est quand même pas si simple si on compare aux standards actuels ou

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on peut vous couler 12m de haut en 1 jour, mais le principal concurrent le béton a fait pas mal de progrès depuis 20 ans. Forcément on ne peut pas monter 25 blocs les uns sur les autres même si on était 600 tailleurs de pierre, il y a des temps de séchage, des dimensions plus ou moins normées…Mais c’est vrai que l’aspect camion toupi qui arrive avec un truc mou qu’on met dans un moule et puis qui devient dur c’est génial et pratique mais du coup pour nous le défaut c’est la mise en oeuvre car elle prend plus de temps. Le régionalisme de l’extraction consisterait en la réouverture de nombreuses carrières afin d’avoir une ressource à porter de main, que diriez-vous de ce concept ? Est-il selon vous envisageable ou peut-être même en train de se produire ? Oui, c’est la bonne nouvelle quoi qu’il arrive la pierre reste là donc on peut en tout temps. Une pioche une mèche et puis on arrive à faire ce qu’il faut. Après bien sur ça dépend des bassins géologiques qui sont plus favorables que d’autres, comme la mollasse par exemple plus simple à extraire par rapport à un granit très dur, et la mollasse à une durabilité bien plus grande que tout ce qu’on fait aujourd’hui. Le côté régional on doit y revenir absolument. Parfois pour rénover des bâtiments de Genève ou de Fribourg avec cette mollasse rouge qu’on avait plus on allait la chercher en Allemagne, ou dans les Vosges. C’est quand même un monde de faire 800km aller-retour avec des camions alors qu’on en a sous nos pieds et c’est pour moi quelque chose d’incontournable auquel il faut remédier. La cathédrale de Lausanne c’est un patchwork aujourd’hui, originairement faite de mollasse grise qui présentait une grande homogénéité détruite par la suite à cause des rénovations et des changements de pierre/blocs et vu que l’on en extrait plus on va chercher d’autres pierres. Et c’est vrai que c’est dommage, ce n’est pas grave mais au niveau patrimonial on a perverti un peu le truc. Pour les bâtiments modernes on pourrait reconstruire en mollasse parce que c’est ça qu’on a, ou alors on va dans le Jura on rouvre une carrière de pierres jaunes il y en a encore! On se console

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en se disant qu’iil n’y en a plus de bonne qualité mais on a surtout pas été regardé, on a construit des villas un peu partout, on revient à l’étroitesse du pays de nouveau. Je sais pas si vous savez mais le bassin mollassique Nord-alpin de Chambéry jusqu’à Vienne à certains endroits vous avez jusqu’à 4km d’épaisseur de sédiments, et une partie vers la plaine du Pô jusqu’à 11km. On vivra jamais assez longtemps pour tout extraire, la civilisation sera éteinte avant. Je trouve ça dommage de ne pas valoriser ça. Oui c’est vrai, surtout que le bloc de pierre à la différence du béton ne se recycle pas mais se réutilise tel quel sans transformations. Absolument, regardez ce qu’on essaye de faire maintenant à juste titre parce qu’on n’a pas le choix parce qu’on a choisi la filière béton, mais maintenant vous avez sur le chantier quand c’est bien organisé l’architecte peut réutiliser une partie du béton de la destruction comme ça été fait pour un projet de halle à Lausanne ou l’ancienne a été détruite et une autre à refaire. Au marteau piqueur ils ont démonté le bâtiment, l’ambiance dans le voisinage je ne vous explique pas, nuage de poussière comme ça, puis ils ont séparés les fers et puis ils ont concassé le vieux béton pour le réutiliser sauf erreur. Le problème c’est qu’aujourd’hui de telles opérations coûtent très cher et nécessite de rajouter du nouveau béton pour garantir les fonctions statiques habituelles. Là aussi on a un argument de plus, notre pierre on la prend et on la repose la ou la prise à la limite et elle retrouverait presque son encoignure dans la carrière. C’est du win-win je suis persuadé, on est absolument compétitifs, y’a aucune volonté politique, aucune volonté communale, décisionnel, on est dans une spirale. Quand vous savez qu’un pétrolier plein à ras bord à pleine vitesse vous le mettez sur stop il met encore 45km pour s’arrêter à l’échelon de la construction en béton ça va prendre 10-15-20-30 ans. On n’est pas encore concerné parce qu’il nous arrive rien mais le jour où on a tous un asthme ou ne peut plus sortir tellement on tousse je peux vous dire qu’on commen-

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cera à s’inquiéter. Serait-il intéressant selon vous de préparer les jeunes architectes à l’utilisation de ce matériau ? Alors moi je supprimerai intéressant pour le remplacer par impératif, obligatoire. C’est primordial. Est-ce que vous avez remarqué une certaine évolution des techniques d’extraction et de façonnage ? Si oui dans quel sens ? Les outils … ? Depuis ces dernières années effectivement, ça fait déjà quelques années que les CNC ces espèces de robots à 5 ou 6 axes qui permettent d’aller tailler des endroits qui n’étaient pas forcément accessibles auparavant. Avant on faisait de l’usinage mais la main de l’homme devait terminer le travail alors que maintenant l’homme à la limite on pourrait quasiment s’en passer au niveau de la taille de pierre. oui des progrès ont été fait, c’est un monstre boulot de programmation et ce sont des machines qui nécessitent beaucoup d’eau, qui marchent avec ce qu’on appelle des consommables (fraises, les outils) s’usent vite ça coute cher ça tombe beaucoup en panne car c’est dans un milieu humide. J’ai pu voir d’ailleurs chez Monsieur Bernaconi que ces consommables en s’usant pouvaient polluer les déchets et ces déchets ne peuvent finalement pas être réutilisés à tous les coups. Auriez-vous une solution ou une réutilisation qui serait intéressante à proposer pour les déchets produits par l’extraction ou le façonnage de la pierre ? Dans certaines pierres on peut en faire du remblai facilement. Mais d’autres comme la mollasse c’est plus compliqué et du coup on pourrait juste sen servir pour reconstruire le pan de colline, adoucir la meurtrissure, il y a toujours à faire. C’est toujours une question de planification et d’intelligence. Par exemple quand on va à Carrare on arrive de loin on dirait de la neige et puis en fait ce sont les déchets qui font des coulés, eux sont un peu plus anarchiques. Mais nous sommes

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dans un pays très hygiéniste ou fait tout pour faire beau d’ailleurs les bucherons sont plus touchés. c’est impossible de couper une partie de la forêt d’un coup ils sont obligés de faire du paysagisme pour couper leur bois. On veut faire du beau dans notre pays . Quelle est selon vous la meilleure solution de mise en oeuvre de la pierre dans la construction ? Jumelé au béton, au bois , de manière massive ou bien combiné avec de l’isolant … ? Je dirais que le béton est plus inerte que la pierre, il ne bouge plus alors que la pierre vit. On peut comparer le bâtiment à un corps humain il doit vivre, le béton n’accepte pas que ça bouge et fissurerait, n’arriverait pas à suivre la pierre. Pour moi le meilleur système constructif reste les planchers bois et de manière massive. L’inertie thermique de la pierre se charge de la fonction de l’isolant.

Pour conclure notre interview voici les derniers mots de M. Fawer: Je suis persuadé que c’est notre rôle, nous la Suisse pays riche et développé de montrer l’exemple et si je vous dis tout ça c’est parce qu’il faut que ça se sache, c’est du militantisme. Comment voulez-vous qu’on impose à n’importe qui sur cette planète si nous ne montrons pas l’exemple ? C’est juste honteux de vouloir imposer à des gens qui ont moins de moyens que vous ce que vous-même de faites pas. Là on n’a que des déclarations de bonnes intentions mais c’est tout et c’est pareil pour la pierre. On a le moyen de faire cette transition, il faut la faire différemment que pour le pétrole et ne pas attendre la dernière goutte pour se poser la question de comment faire autrement ?

192

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Annexes

193


II. Charte d’éthique et de bienfacture pour la réfection de

monuments et bâtiments

Charte des Tailleurs de pierre

concernant le contrôle du respect de la Charte d’éthique et de bienfacture pour la réfection de monuments et bâtiments ART. 1 PRÉAMBULE La Charte d’éthique et de bienfacture pour la réfection de monuments et bâtiments, signée le 23 novembre 2000 à Nyon, définit comme suit les engagements des entreprises signataires: Les entreprises signataires de la Charte s’engagent à exécuter les travaux selon les règles de l’art ancestrales et celles définies par l’ARMP. Par leurs signatures, elles s’engagent à employer sur les chantiers de la main-d’œuvre qualifiée, formée à la taille de pierre. Elles s’engagent aussi à assurer la relève en formant régulièrement des apprentis. Les entreprises signataires de la Charte acceptent les contrôles pouvant être faits par un expert sur les chantiers pour lesquels elles ont un mandat. Les contrôles portent sur le respect des règles de l’art, l’application des normes et recommandations professionnelles (SIA et autres associations, notamment l’ARMP), la conformité avec le descriptif des travaux. Les sanctions prises à l’encontre d’entreprises irrespectueuses des règles de l’art sont l’avertissement pour un premier contrôle négatif et, selon la gravité des faits, une exclusion du cercle des signataires, voire de la liste des membres de l’ARMP pour un an ou plus, lors d’un deuxième ou troisième contrôle négatif. La liste des entreprises signataires est disponible en tout temps au secrétariat et sur le site Internet de l’ARMP. Dans tous les cas, les frais d’expertises et le suivi des corrections lors de contrôles négatifs sont à la charge de l’entreprise fautive. ART. 2 ANNONCE Chaque trimestre, l’entreprise signataire annonce au secrétariat de l’ARMP ses travaux de rénovation, publics ou privés, en cours ou pour lesquels elle est adjudicataire, et qui dépassent la valeur de vingt mille francs (Frs 20'000.-). L’annonce précise les dates probables du début et de la fin du chantier. La liste des travaux annoncés au secrétariat est transmise par ses soins à l’expert seul.

194

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


ART. 3 CONTRÔLES Le secrétariat de l’ARMP, en collaboration avec l’expert, organise le contrôle des travaux annoncés ou de ceux dont il a eu connaissance de toute autre manière. ART. 4 EXPERT L’expert est chargé du contrôle du respect de la Charte. Il est choisi par l’assemblée des signataires de la Charte. Son engagement est formalisé par le comité de l’ARMP et son activité dirigée par le secrétariat de l’ARMP. L’avis de l’expert peut être requis en tout temps par le comité de l’ARMP, par la commission ou par l’assemblée des signataires; cet avis n’a que valeur consultative. ART. 5 COMMISSION Une commission est nommée pour deux ans par l’assemblée des signataires. Elle se compose d’un président et d’un vice-président dont la tâche est de statuer sur les rapports de contrôle, de recevoir les entreprises contrevenantes à la Charte, de faire rapport au comité de l’ARMP de son activité et de préaviser pour les décisions du comité de l’ARMP. Chaque signataire peut être appelé à fonctionner dans la commission, à tour de rôle, sans indemnité. L’expert participe aux séances de commission avec voix consultative. En cas de recours au sens de l’article 11 ci-après, une commission ad hoc formée de trois signataires de la Charte sera chargée d’effectuer un nouveau contrôle. ART. 6 AVIS Avant la visite des travaux, une semaine en principe, l’expert avertit le patron de l’entreprise contrôlée, pour qu’il soit présent. Les documents nécessaires, notamment le descriptif des travaux, seront mis à la disposition de l’expert. Les signataires acceptent le principe du contrôle inopiné. ART. 7 CRITÈRES L’expert juge le travail conforme ou non conforme aux exigences de la Charte. Il ne met pas de notes et ne donne pas d’avis sur l’esthétique.

Annexes

195


ART. 8 RAPPORT L’expert établit un rapport, qu’il communique au secrétariat. Les éventuels travaux non conformes sont spécifiés en détail. Le rapport est signé par l’expert et contresigné par l’entreprise contrôlée. Ces rapports restent internes et ne sont communiqués qu’à l’entreprise contrôlée, mais pas au maître de l’ouvrage ou à l’architecte. ART. 9 CORRECTION Un premier constat de malfaçons donne lieu à un avertissement oral de la commission. Les malfaçons constatées doivent être corrigées par l’entreprise contrôlée. Un nouveau contrôle aura lieu pour en attester la bonne exécution. Ce nouveau contrôle est à la charge de l’entreprise fautive. ART. 10 CORRECTION Si des malfaçons qui peuvent présenter un danger pour la sécurité publique ne sont pas corrigées, le comité de l’ARMP décide s’il faut en avertir le maître de l’ouvrage. ART. 11 RECOURS Un recours contre les conclusions de l’expert peut être déposé au secrétariat de l’association par l’entreprise contrôlée, dans les quinze jours qui suivent la communication du rapport. En ce cas, une commission ad hoc, formée de trois signataires, exerçant de préférence dans un autre canton que celui du contrôlé, établira un nouveau rapport. Cette nouvelle décision n’est pas susceptible de recours. ART. 12 PÉNALITÉS Lorsqu’une entreprise signataire omet d’annoncer des travaux, ne corrige pas des malfaçons, dépose un recours non fondé, ainsi que dans les autres cas graves, le comité de l’ARMP, sur proposition de la commission, peut émettre un préavis d’exclusion, valable pour une durée de 12 à 24 mois suivant la gravité du cas; un deuxième préavis d’exclusion conduit à l’exclusion du cercle des signataires. Le prononcé d’un avertissement sanctionné peut faire l’objet d’un recours à l’assemblée des signataires. ART. 13 EXCLUSION En cas de malfaçon répétée et non corrigée, une entreprise pourra être exclue du cercle des signataires par le comité de l’ARMP, sur proposition de la commission. La possibilité sera donnée à l’entreprise de s’exprimer. La décision peut faire l’objet d’un recours à l’assemblée des signataires. 196

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


ART. 14 EXCLUSION L’entreprise exclue peut adresser au secrétariat une demande de réintégration du cercle des signataires. Le comité de l’ARMP, sur préavis de la commission, est compétent pour accepter ou refuser cette demande. En cas de réintégration, une période probatoire, d’au minimum 12 mois, peut être fixée par le comité. La décision n’est pas susceptible de recours. ART. 15 ENTRÉE EN VIGUEUR Le présent règlement, dont les principes ont été déterminés par une assemblée des signataires le 5 juillet 2001, a été mis en consultation auprès des signataires de la charte et promulgué par le comité de l’ARMP lors de sa séance du 23 octobre 2001. Il entre en vigueur le 1er janvier 2002. Il a été soumis à modification de l’assemblée des signataires du 11 septembre 2012. Il peut être modifié en tout temps par une assemblée des signataires.

Association Romande des Métiers de la Pierre

Annexes

197


III. L

U

 / 12.2009 es valeurs / 12.2009 limites 

Performances ponctuelles requises par la norme SIA 380/1 édition 2009 (chapitre 2.2) Source: https://www.vs.ch/documents/87616/93034/380-1+Valeurs+U+Isolation+SIA+2009/5e15e40d-30bc-4ba1-b3e2-462ee96ac34e Performances ponctuelles requises par la norme SIA 380/1 édition 2009 (chapitre 2.2)

Les épaisseurs indiquées ci-après ne sont que des exemples sans validité légale. Selon la qualité thermique des éléments de construction de l'isolant, l'épaisseur d'isolation nécessaire peutlégale. être inférieure supérieure. Les épaisseurs indiquéesetci-après ne sont que des exemples sans validité Selon laouqualité thermique des éléments de construction et de l'isolant, l'épaisseur d'isolation nécessaire peut être inférieure ou supérieure.       Elément de construction Elément de construction

Valeur U limite 2 [W/m K] Valeur U limite [W/m2K]

Epaisseur d'isolation avec Epaisseur λD moyen d'isolation avec λD [cm] moyen

0.20 0.20

entre chevrons Toiture avec isolation sur chevrons Mur avec isolation extérieure et plancher Toiture avec isolation entre chevrons

0.20

à ossature boisextérieure et plancher Mur avec isolation Plancher avec chauffage de sol Mur à ossature bois Mur avec avec chauffage dans de paroi Plancher chauffage sol Fenêtre Mur avec chauffage dans paroi Fenêtre

0.20 0.20 0.20 1.30

[cm] (λD = 0.024)

λD

(λD = 0.024)

18

0.036

12

24

20 16

0.036 0.034

16 12

28 24

22 18 16 22

0.036 0.034 0.036

20 16

16 12

[cm]

28 24 24 28

28 24

12 24 U16 du verre0.034 ≤ 1.0 [W/m K] intercalaire inox ou meilleur 2

Contre des locaux non-chauffés ou enterré 2 [m] du verre ≤ 1.0 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur 1.30 à plus de U

inhomogène Plafond homogène Mur et plancher homogènes Plafond inhomogène

0.25 0.28 0.25

18 14 12 18

0.28 0.25

15 10

0.28

inhomogènes Mur et plancher homogènes Plancher avec chauffage de sol Mur et plancher inhomogènes Mur avec avec chauffage dans de paroi Plancher chauffage sol

0.25 1.60

Fenêtre Mur avec chauffage dans paroi Fenêtre

1.60

  Elément de construction Elément de construction

Valeur U limite 2 [W/m K] Valeur U limite [W/m2K]

15 12

Contre l'extérieur ou enterré à moins Toiture avec isolation sur chevrons 0.25 de 2 [m] entre chevrons Toiture avec isolation sur chevrons Mur avec isolation extérieure et plancher Toiture avec isolation entre chevrons à ossature boisextérieure et plancher Mur avec isolation Plancher avec chauffage de sol Mur à ossature bois Mur avec avec chauffage dans de paroi Plancher chauffage sol Fenêtre Mur avec chauffage dans paroi

0.25 0.25

0.25

0.25 0.25 0.25 1.30

0.037

10

18

0.036 0.034

12 8

20 16

0.036 0.037 0.034 0.036

0.036 0.034

14 10 8 14

12 8

22 18 16 22

20 18

8 18 U10 du verre0.034 ≤ 1.3 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur U du verre ≤ 1.3 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur

Epaisseur d'isolation avec Epaisseur λD moyen d'isolation avec λD [cm] moyen

Epaisseur d'isolation avec λD très bon Epaisseur d'isolation avec λ[cm] D très bon

Epaisseur d'isolation avec Epaisseur un produit d'isolation avec non contrôlé un produit [cm] non contrôlé

λD

[cm] (λD = 0.024)

λD

(λD = 0.024)

14

0.036

10

20

18 14

0.036 0.034

14 10

22 20

[cm]

[cm]

Contre l'extérieur ou enterré à moins de 2 [m] [cm] 18 14 14 18

18 14

0.036 0.034 0.036

0.036 0.034

14 10 10 14

14 10

[cm]

24 20 20 24

22 20

10 20 U14 du verre0.034 ≤ 1.0 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur

Contre des locaux non-chauffés ou enterré 2 [m] du verre ≤ 1.0 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur 1.30 à plus de U

Contre des locaux non-chauffés ou enterré [m] Plafond homogène 0.28 à plus de 2 12 inhomogène Plafond homogène Mur et plancher homogènes Plafond inhomogène

inhomogènes Mur et plancher homogènes Plancher avec chauffage de sol Mur et plancher inhomogènes Mur avec avec chauffage dans de paroi Plancher chauffage sol Fenêtre Mur avec chauffage dans paroi

0.28 0.30 0.28

16 12 10 16

0.30 0.28

14 10

0.30

0.28 1.60

Fenêtre 1.60 Service de l'énergie et des forces hydrauliques Service de l'énergie et des forces hydrauliques

198

18 12 12 18

0.036 0.034

Contre des locaux non-chauffés ou enterré [m] Plafond homogène 0.25 à plus de 2 14

Fenêtre

Epaisseur d'isolation avec Epaisseur un produit d'isolation avec non contrôlé un produit [cm] non contrôlé

λD

[cm] [cm]

Contre l'extérieur ou enterré à moins de 2 [m] [cm] Contre l'extérieur ou enterré à moins Toiture avec isolation sur chevrons 0.20 de 2 [m]

Epaisseur d'isolation avec λD très bon Epaisseur d'isolation avec λ[cm] D très bon

14 10

0.037

8

16

12 8

20 16

0.036 0.037 0.034 0.036

12 8 8 12

0.036 0.034

12 8

0.036 0.034

20 16 16 20

20 18

8 18 U10 du verre0.034 ≤ 1.3 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur U du verre ≤ 1.3 [W/m2K] intercalaire inox ou meilleur Tél. 027 606 31 00 www.vs.ch/energie Tél. 027 606 31 00 www.vs.ch/energie

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


IV. Les différentes liaisons des planchers à un mur en pierre massive Les différentes liaisons plancher bois / façade en pierre massive Source: Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.64

Solive bois sur muraillère

Solive bois posée sur lit de pierre avec fermeture pierre

Solive bois posée sur engravure supérieure ponctuelle

Solive bois dans engravure ponctuelle pierre à mi-bloc

Solive bois posée dans engravure supérieure linéaire

Solive bois sur sabot métallique

Annexes

199


Les différentes liaisons plancher béton / façade en pierre massive Source: Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.66

Plancher collaborant posé sur muraillère acier

Dalle continue posée sur mur pierre

Dalle posée en engravure courante sur mur de pierre

Dalle sur mur + planelle pierre

Dalle posée en engravure supérieure sur mur de pierre

Dalle posée sur corbeau béton ou pierre

200

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Les différentes liaisons plancher acier / façade en pierre massive Source: Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.65

Poutre acier posée sur lit de pierre avec fermeture pierre

Poutre acier sur muraillière acier

Poutre acier dans engravure ponctuelle pierre à mi-bloc

Poutre acier posée sur engravure supérieure ponctuelle

Poutre acier sur sabot métallique

Poutre acier posée dans engravure supérieure linéaire

Annexes

201


V. Les différentes liaisons des toitures à un mur en pierre massive Source: Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.65

202

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Annexes

203


VI. Les différentes liaisons des fondations à un mur en pierre massive Source: Laurent, J.P. (2011). Construire en pierre massive, guide technique, p.65

204

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


VII. Exemple d’évaluation de l’impact environnemental

du transport de la pierre naturelle Source: CTMNC; http://www.ctmnc.fr/mod_documents.php

Annexes

205


VIII. Tests personnels de la valeur U d’une maçonnerie

en pierre naturelle

Les tests qui vont suivre ont été réalisés selon les normes Suisses. Nous avons voulu savoir si l’utilisation de la pierre de façon massive était possible et si oui à partir de quelle épaisseur respecterait-elle les normes de la construction. Grâce au tableau en annexe III nous savons qu’il faut avoir une valeur U égale ou inférieure à 0,2. Pour cette expérience nous avons sélectionné 3 types de pierres, un calcaire tendre, un grès de la molasse et enfin un gneiss pour se rendre compte de l’importance du type de pierre utilisé. Ensuite nous ferons varier les épaisseurs des murs et aussi les couches en ajoutant des couches isolantes.

CONCLUSION: Grâce aux différents exemples nous avons pu prouver qu’il semble difficile de construire en pierre massive seule pour répondre aux normes de la SIA. En effet pour atteindre la valeur U à 0,2 les épaisseurs seraient trop importantes. Cependant on remarque qu’une épaisseur minime entre 50cm et 1m combiné à un isolant naturel entre 18 et 22cm d’épaisseur la norme est tout à fait respecté.

206

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


EXEMPLE DU CALCAIRE TENDRE SEUL FAIBLE ÉPAISSEUR: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

λ

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

-

0,13

[1]

Climat intérieur résistance Rsi (normal. 0,13)

Calcaire tendre

1.

d

-

-

0,4

1,1

Rsi=

C

t

[2]

[3]

0,36

2. 3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

1 R

tot

dj

j

 Rse

Rse=

[2]

0,04 -

-

0,53

[m2.K/W]

1,88

[W/m2.K]

CONCLUSION: Le calcaire utilisé pour une construction massive en faible épaisseur ne parvient pas à atteindre la valeur U limite.

Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

Annexes

207

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU CALCAIRE TENDRE ÉPAISSEUR MINIMALE POUR ATTEINDRE LA NORME: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau

d

λ

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

0,13

[1]

Intérieur

Climat intérieur

-

-

Couche limite

résistance Rsi (normal. 0,13)

-

-

Calcaire tendre

1.

5,31

Rsi=

1,1

C

t

[2]

[3]

4,83

2. 3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

j

dj

j

 Rse

1 R

tot

[2]

0,04

-

Rtot  Rsi   U

Rse=

-

-

5

[m2.K/W]

0,2

[W/m2.K]

CONCLUSION: Pour respecter la valeur U limite et construire en calcaire tendre massif il faudrait une épaisseur de 5m30.

Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

208

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU CALCAIRE TENDRE COMBINÉ AVEC UN ISOLANT NATUREL: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau

d

λ

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

0,13

[1]

Intérieur

Climat intérieur

-

-

Couche limite

résistance Rsi (normal. 0,13)

-

-

Rsi=

1.

Calcaire tendre

0,5

1,1

0,45

2.

Panneaux de laine de pierre

0,18

0,04

4,5

C

t

[2]

[3]

3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

1 R

tot

dj

j

 Rse

Rse=

[2]

0,04 -

-

5,12

[m2.K/W]

0,19

[W/m2.K]

CONCLUSION: Combiné à des panneaux de laine de pierre de 18cm, le calcaire tendre peut être utilisé en tant que maçonnerie et répondre aux normes. Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

Annexes

209

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU GRÈS DE LA MOLASSE SEUL FAIBLE ÉPAISSEUR: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

λ

Rsi , dj/λj , Rse

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

-

0,13

[1]

Climat intérieur résistance Rsi (normal. 0,13)

Grès molasse

1.

d

q

-

-

0,4

Rsi=

2,3

C

t

[2]

[3]

0,17

2. 3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

Rse=

dj

j

 Rse

1 R

tot

[2]

0,04 -

-

0,34

[m2.K/W]

2,94

[W/m2.K]

CONCLUSION: Le grès de la molasse utilisé pour une construction massive en faible épaisseur ne parvient pas à atteindre la valeur U limite. Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

210

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU GRÈS MOLASSE ÉPAISSEUR MINIMALE POUR ATTEINDRE LA NORME: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

λ

Rsi , dj/λj , Rse

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

-

0,13

[1]

Climat intérieur résistance Rsi (normal. 0,13)

-

Grès molasse

1.

d

q

-

11,10

Rsi=

2,3

C

t

[2]

[3]

4,83

2. 3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

j

1 R

tot

dj

j

 Rse

[2]

0,04

-

Rtot  Rsi   U

Rse=

-

-

5

[m2.K/W]

0,2

[W/m2.K]

CONCLUSION: Pour respecter la valeur U limite et construire en grès de la molasse massif il faudrait une épaisseur de 11m10. Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

Annexes

211

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU GRÈS MOLASSE COMBINÉ À UN ISOLANT NATUREL: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

d

λ

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

-

0,13

[1]

Climat intérieur résistance Rsi (normal. 0,13)

-

-

Rsi=

1.

Grès molasse

0,5

2,3

0,22

2.

Panneaux de liège expansé

0,2

0,042

4,76

C

t

[2]

[3]

3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

Rse=

dj

j

 Rse

1 R

tot

[2]

0,04 -

-

5,15

[m2.K/W]

0,19

[W/m2.K]

CONCLUSION: Combiné à des panneaux de liège expansé de 20cm, le grès de la molasse peut être utilisé en tant que maçonnerie et répondre aux normes. Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

212

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU GNEISS SEUL FAIBLE ÉPAISSEUR: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

λ

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

Climat intérieur résistance Rsi (normal. 0,13)

-

Gneiss

1.

d

-

0,4

Rsi=

3,5

C

t

[1]

0,13

[2]

[3]

0,11

2. 3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

1 R

tot

dj

j

 Rse

Rse=

[2]

0,04 -

-

0,28

[m2.K/W]

3,57

[W/m2.K]

CONCLUSION: Le gneiss utilisé pour une construction massive en faible épaisseur ne parvient pas à atteindre la valeur U limite.

Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

Annexes

213

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU GNEISS ÉPAISSEUR MINIMALE POUR ATTEINDRE LA NORME: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

λ

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

-

0,13

[1]

Climat intérieur résistance Rsi (normal. 0,13)

Gneiss

1.

d

-

-

17

Rsi=

3,5

C

t

[2]

[3]

4,85

2. 3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

Rse=

dj

j

 Rse

1 R

tot

[2]

0,04 -

-

5,02

[m2.K/W]

0,2

[W/m2.K]

CONCLUSION: Pour respecter la valeur U limite et construire en gneiss massif il faudrait une épaisseur de 17m.

Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

214

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?

[1]

[2]

[3]


EXEMPLE DU GNEISS COMBINÉ À UN ISOLANT NATUREL: TABLEAU POUR LE CALCUL DU COEFFICIENT DE TRANSMISSION THERMIQUE U ET DE LA DIFF. DE

[R.Camponovo, _hepia//leea. 2005, rév. 12/2013]

Tableau de calcul de la valeur U et du profil de température

Calcul du coefficient de transmission thermique U

Composition Matériau Intérieur Couche limite

Rsi , dj/λj , Rse

q

[m]

[W/m.K]

[m2.K/W]

[W/m2]

-

-

-

-

0,13

[1]

résistance Rsi (normal. 0,13)

-

-

1 0,22

Panneaux en fibres de chanvre

2.

λ

Climat intérieur

Gneiss

1.

d

Rsi=

3,5

0,29

0,048

4,58

C

t

[2]

[3]

3. 4. 5. 6. 7. [3]

8. Couche limite

résistance Rse (normal. 0,04)

-

Extérieur

Climat extérieur

-

2003, 2008, 2013. Reto Camponovo

-

Rtot  Rsi   j

U

1 R

tot

dj

j

 Rse

Rse=

[2]

0,04 -

-

5,04

[m2.K/W]

0,2

[W/m2.K]

CONCLUSION: Combiné à des panneaux en fibres de chanvre de 22cm, le gneiss peut être utilisé en tant que maçonnerie et répondre aux normes.

Z:\MSI-P4-260M\Disk D\_hepia\Cours EIHes 2013-2014\AR_331_TdB_1\Presentations\Chap_6_Transmission_chaleur\TdB1_03-6_Tableau aide calcul U et vap.xls

Annexes

215

[1]

[2]

[3]


216

La réindustrialisation de la pierre massive en Suisse: utopie ou réalité ?


Cette vieille façade de corps de ferme du XIXème siècle aux

couleurs claires, un appareillage incertain, des murs courbés, la fraicheur des murs en été et la convivialité des repas d’hiver, des souvenirs d’une enfance à la campagne dans lesquels la pierre est présente. Les moments de joie, les moments de peine se sont mêlés à ces murs de la maison familiale. Ces murs ont une histoire, tel un palimpseste cette ancienne ferme s’est transformé au cours des années en gardant son charme indéniable, les pierres n’ont pas vieilli tandis que les générations se succèdent. La simplicité et la conception pratique de la maison de mon enfance empreinte de noblesse exhale un charme auquel on ne peut se soustraire. Ce travail entreprend de parler d’un matériau du «futur?» en tout cas d’une possible alternative au béton: la pierre. Et notamment la pierre dans son plus simple appareil, la pierre massive. Pourquoi l’a-t-on oublié? Est-il possible de la réindustrialiser comme au temps d’avant-guerre? Est-ce que la pierre naturelle pourrait répondre aux enjeux environnementaux actuels de la construction en Suisse? Autant de questions que ce mémoire tentra de répondre avec un regard technocritique sur l’architecture contemporaine. La Suisse étant un pays à la géologie très diverse, possédant une réelle histoire avec la pierre et son extraction, et dont l’histoire architecturale regorge de construction en pierre, le sujet sera cadré autour de ce pays. L’artificialité en architecture ne satisfait plus un monde en proie à un retour à la sensibilité.

Pierre massive - Suisse -technocritique - réindustrialisation - alternative


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