LES FILMS DE WES ANDERSON : DES PROJETS D’ARCHITECTURE ?
Rapport d’étude // Marianne Esposito École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon Enseignant Tuteur : Kevin Jacquot Année scolaire 2016-2017 // UE.64 // Soutenance le 8 juin 2017
_Sommaire
I. INTRODUCTION
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II. PARALLÈLES : L’ARCHITECTE ET LE RÉALISATEUR
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2.1 • Création d’espaces 2.2 • Travail Collaboratif 2.3 • Productions contextualiées 2.4 • Témoignages Critiques
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III. RENCONTRE : LES LIENS QU’ILS ENTRETIENNENT
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IV. CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
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3.1 • Codes de représentation de l’architecture 3.2 • Apllication et valeur de ces codes au cinéma 3.3 • Représentation de l’architecture à l’écran
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I. INTRODUCTION Considérés dans la classification des arts comme le premier et le septième art, l’architecture et le cinéma ont souvent été rapprochés dans de nombreux essais. Si c’est à Ricciotto Canudo, critique et écrivain italien, que l’on doit depuis les années 1920 le terme de septième art pour décrire le cinéma, l’architecture est désignée quant à elle comme premier art suite à une proposition1 du philosophe allemand Hegel datant du XIXe siècle, sur une échelle qu’il a établie en fonction de l’expressivité et de la matérialité. Ainsi des cinq arts qu’il distingue, l’architecture se trouve en première place en tant qu’elle est à son sens la plus matérielle mais la moins expressive, à l’inverse de la poésie située en cinquième place qu’il considère comme l’art le plus expressif mais le moins matériel.Ce rapport d’étude s’attachera à considérer leurs similitudes et leurs différences, mais aussi les liens qu’ils entretiennent ; en s’appuyant sur l’œuvre cinématographique de Wes Anderson et sa méthode. Le rôle de l’architecture dans le cinéma est peut-être le plus évident à concevoir. Ce rapport permettra de préciser sa nature, mais aussi de considérer ce lien dans le sens inverse, c’est-à-dire l’influence du cinéma sur l’architecture. Définir brièvement ce qu’englobent chacun de ces deux larges domaines semble pertinent pour introduire ce rapport, ce qui permettra de se concentrer par la suite sur ce qui se trouve le plus proche du sujet : le parallèle possible et les limites qui le définisse. Il est délicat en tant qu’étudiante en architecture de faire une définition de l’architecture qui soit neutre et juste, si tant est qu’il en existe une. Il me semble donc plus approprié de partir d’une définition simple : « Art, science et technique de la construction, de la restauration, de l’aménagement des édifices »2 . Cette définition permet de renvoyer l’architecture à la classification des arts énoncée dans l’amorce de cette introduction. Il est intéressant de souligner que l’architecture se trouve à la tête de cette classification. Elle fut d’abord considérée au Moyen Âge comme faisant partie des arts mécaniques (ou sciences mécanique ; il n’était à l’époque fait aucune distinction entre les arts et les sciences). Sa première place, au delà de l’échelle d’expressivité et de matérialité instaurée par Hegel, s’explique notamment à son omniprésence dans toutes les sociétés et de tout temps (allant des formes les plus primitives aux plus élaborées) en tant qu’est issue d’un besoin fondamental.
Progressivement ses enjeux au sein de la société se sont démultipliés, elle est devenue peu à peu expressive : de pouvoir, de richesse, d’idéaux, de styles. Enseignée tout d’abord aux Beaux-Arts en Europe aux côtés d’autres champs artistiques, des écoles d’architecture naîtront peu à peu, en faisant un domaine d’étude à part entière. Cette émancipation des Beaux-Arts contribue à forger l’image de l’architecture comme une entité hybride, d’où la formule : à mi-chemin entre les arts et la technique. S’il se base essentiellement sur l’oeuvre de Wes Anderson pour ce qui est de sa partie cinématographique, ce rapport ne s’appuiera pas sur un architecte en particulier, c’est plutôt l’architecture comme entité et l’architecte en tant que profession qui seront utilisées, agrémentés au besoin d’exemples plus précis et pertinents. Contrairement à l’architecture, le cinéma est considéré comme un art à part entière et dès sa création, à la fin du XIXe siècle. Il est un moyen d’expression et de promotion associé au progrès. Comme c’est le cas pour l’architecture, sa production constitue un riche patrimoine, témoin critique et artistique d’époques et de sociétés. Dans le cadre de ce rapport, le cinéma va être principalement abordé sous l’angle du travail du réalisateur : idisciable de son équipe. Le réalisateur est la «personne qui a la responsabilité de la fabrication d’un film ou d’une émission de télévision, qui assure notamment la direction des acteurs, des prises de vues et de son, du montage et de la sonorisation»3 . On l’appelle aussi le metteur en scène. Il est intéressant de souligner que le mot anglais pour le designer est director, un terme qui renvoie davantage à la notion de coordination et de direction qu’induit ce métier. Les aspects de la profession que cette traduction met en lumière sont ceux qui permettront, au cours du rapport, de l’apparenter au métier d’architecte, de la même manière que l’architecte est assimilé à un chef d’orchestre : ayant un regard large sur son domaine, il dirige avec précision chacun des spécialistes qui l’entourent, pour faire régner un harmonie productrice, et reconnue d’autrui. C’est précisément cet angle de considération qui fait de Wes Anderson un personnage clef de ce sujet. En effet, l’œuvre de Wes Anderson soulève plus que toute autre les liens entre architecture et cinéma, entre architecte et réalisateur : non seulement parce que son traitement de l’architecture y est consciemment travaillé, mais aussi pour les similitudes que présentent sa façon de travailler avec celle d’un archtecte.
1 Hegel Georg Wilhelm Friedrich, 1997. Esthétique, Le livre de Poche, collection Les classiques de la philosophie, Paris (publication posthume) 2
Définition du mot ‘‘Architecture’’, CNRTL, consulté le 18.04.2017 4
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Définition de ‘‘Réalisateur’’, CNRTL, consulté le 18 avril 2017 5
_Portrait
Figure 01 : Portrait de Wes Anderson
de
Wes Anderson
De son véritable nom Wesley Wales Anderson, Wes Anderson (Figure 01) est un réalisateur américain né en 1969 à Houston (Texas). Pendant sa jeunesse il se dirige vers des études de philosophie, et s’initiera lui même au cinéma en parallèle, en tournant d’abord de courts films. Il assiste à quelques cours mais ne fera jamais d’études de cinéma, c’est donc en autodidacte qu’il entama sa carrière par la suite, se formant en pratiquant. Il rencontre les frères Wilson qui travailleront par la suite énormément avec lui.
Si ses premiers films se sont souvent soldés par des échecs commerciaux (comme le tout premier, Bottle Rocket, 1996) il était cependant plutôt bien accueilli par la critique : son style s’apparentait déjà davantage à du cinéma d’auteur qu’à des films grands public. Peu à peu au cours de sa carrière, et paradoxalement à mesure que son style s’affirme, son œuvre devient plus accessible : elle est mieux appréciée et comprise du public. Wes Anderson gagne en notoriété au fil du temps, jusqu’au succès remarquable de The Grand Budapest Hotel (2014). S’il écrit le scénario de tous ses films et produit tout ses longs métrages, il collabore avec énormément d’autres personnes. Il dispose d’une équipe d’acteurs, d’auteurs, de techniciens et d’artistes récurrents qui l’accompagnent à travers son travail et alimentent ses projets, ce qui participe à son identité et son style cinématographique. Au final son univers visuel et sa narration deviennent emblématiques ainsi que le soin qu’il apporte à la musique dans ses films. Il traite régulièrement de thèmes qui lui tiennent à cœur, comme la famille (et les liens complexes d’appartenance à un groupe qu’elle génère chez un individu malgré sa composition et son histoire), notamment le cas de l’enfance et de l’abandon (il attache une grande importance à l’œuvre de J.D. Salinger, chez qui l’enfance et sa transition vers l’âge adulte occupent une place centrale), ou encore le poids du passé pour un individu. Malgré ses origines américaines, son goût pour l’importance du passé se matérialise aussi par son intérêt pour l’histoire d’Europe (« Il y a un sentiment de nostalgie douceamère pour ce que vous n’avez jamais connu, de temps où vous n’avez jamais vécu. L’imagination des écrivains et des réalisateurs dépend de cela»4) et notamment les guerres qu’elle a pu traverser (il prends la littérature de Stefan Zweig comme un modèle, ses acteurs sont d’ailleurs tenus de lire
Zweig dans le cadre du tournage de The Grand Budapest Hotel pour s’en imprégner). Son œuvre ne peut cependant pas être réduite à un style visuel. Le soin spécifique apporté à l’esthétique (ambiance rétro, géométrie et symétrie, teintes) sert non seulement une cause et une visée cinématographique, mais constitue également un travail considérable et précis qui nécessite une équipe variée. Ses films illustrent le cinéma où l’architecture n’est globalement pas figurative mais se trouve au premier plan, au vue de ce qu’elle a à y apporter. De plus au-delà de ses films, c’est tout leurs processus de création qui peut être apparenté à un projet d’architecture. Une première partie de ce rapport sera consacrée aux parallèles possibles entre l’architecte et le réalisateur : jusqu’où vont les similitudes de leurs métiers, que cela soit au niveau du processus de production créatif ou de l’œuvre achevée qui en résulte. Dans une deuxième partie seront abordés les liens qu’ils entretiennent ; des codes de représentations de l’architecture appliqués au cinéma aux différentes façons dont l’architecture peut être représentée à l’écran. Ces parallèles s’appuient majoritairement sur l’œuvre de Wes Anderson, puisque, comme va le démontrer ce rapport, elle est démonstrative d’une manière consciente d’utiliser l’architecture au sens large dans un film.
4 ‘‘There’s a bittersweat feeling from nostalgia for the thing you never actually experienced, the time you never actually lived in. Writers’ and filmmakers’ imaginations absolutely hinge on this ’’ Wes Anderson pour le New York Times. Dave Itzkoff, 28 Février 2014. Casting Shadows on a Fanciful World, The New York Times (consulté le 18.04.2017). 6
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II. PARALLÈLES : L’ARCHITECTE ET LE RÉALISATEUR Il est dans un premier temps possible d’établir un certain nombre de parallèles entre ces deux arts que sont l’architecture et le cinéma, mais aussi entre les deux profession directrices auxquelles on les associe : l’architecte et le réalisateur, chacun systématiquement entourés d’une équipe. Ces parallèles induisent de fortes similitudes et leurs limites, que l’on retrouve de la genèse de chaque projet jusqu’à leur achèvement et leur confrontation à un public.
2.1 • Création d’espaces Que cela soit en architecture ou en cinéma, la première valeur commune établie est la création d’espaces. Bien que le processus puisse diffèrer techniquement, chacun génère systématiquement la création d’espace-temps, qu’ils soient fictifs ou réels. Pour ce qui est de l’architecture, la construction génère de l’espace naturellement en tant qu’elle clos des lieux, délimite des pièces, détermine des surfaces. La notion du fictif est relative et nuancée : elle est limitée physiquement et techniquement. Dans un premier temps, des contraintes évidentes de physique, structure et de résistance régissent l’art de bâtir. Gravité, logistique, portées, usages, climat, terrain … Comme indiqué auparavant dans la classification des arts, elle est également apparentée à une science. Les savoirs qu’elle nécessite en font une discipline que chacun ne peut exercer tout à fait librement. Mais malgré ces contraintes inévitables à prendre en compte, les limites que connaît la construction sont de plus en plus repoussées. L’architecture moderne notamment s’applique continuellement à réaliser des ouvrages surprenants, poussant la technique à son maximum, défiant les lois de la gravité et les codes habituels du bâtiment. Des édifices audacieux qui donnent souvent une sensation de légèreté derrière les forces de portée colossales, des porte-à-faux vertigineux, des angles improbables… (Figure 02, 03 et 04) Cette évolution peut expliquer notre capacité croissante à « croire » en certains édifices fictifs, notamment au cinéma.
Figure 02 : Villa Méditerranéenne, Marseille, Stefano Boerti
Figure 03 : Photo de la Philharmonie de Paris, Jean Nouvel
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Figure 04 : Musée des Con uences, Lyon, Coop Himmelb(l)au
En amont de toute ces prouesses techniques se trouve la conception; où la fiction est davantage permise que plus tard lors de la réalisation du bâtiment : notamment dans la projection de scénarios de vie pour l’architecture en cours de conception, la mise en place et l’application de concept sur la façon de vivre selon le ou les architectes en charge du projet. Cette étape de conception est essentielle, et laisse une place à la fiction dans le sens du récit de la vie qui va se produire autour de la naissance d’un édifice. Elle induit d’ailleurs la production d’éléments graphique de projections de scènes de vie, comme le sont les intégrations. Ces documents graphiques, qui peuvent être des images ou même des vidéos se modifient considérablement avec le perfectionnement de l’outil informatique, pour se trouver aujourd’hui au centre des considérations en architecture, comme en témoignent le succès des studios MIR. Le travail de ces studios norvégiens remplis, comme ils le disent eux même, d’artistes, consiste à créer des visuels informatiques plus vrais que nature pour projeter des bâtiments avant qu’ils ne soient construit. (Figure 05, 06 et 07)
Figure 05 : Intégration des studios MIR, Lines Of Desire
Figure 06 : Intégration des studios MIR, Neumann Machine
Figure 07 : Intégration des studios MIR, Loop Too Fog
Ces nouvelles techniques s’apparentent fortement à la production d’images pour le cinéma ; dans la mesure où les logiciels et les compétences à maîtriser sont similaires. Il s’agit en effet de créer des espaces virtuels réalistes en trois dimensions, où peuvent se dérouler des scènes. S’il est nécessaire pour l’introduire dans une scène de film de simuler l’évolution d’un personnage une d’une caméra dans ces décors numérique, l’architecture n’en fait pas une obligation. Pourtant se développent peu à peu de courts films ultra-réalistes dont l’objectif est de simuler l’appréhension physique d’un bâtiment avant sa construction (ici aussi, MIR est capable de démonstrations pus vraies que nature). 9
La limite entre cinéma et architecture ne se fixe non plus au réalisme des simulation virtuelles, mais dans les fondamentaux de la structure : l’architecture réclame réalité et faisabilité même si le progrès les repousse sans cesse, tandis que la modélisation trois dimensions pour le cinéma s’affranchie de toute contrainte de gravité, de portée ou de résistance.
exploitables. Cependant, même s’il peut avoir plus ou moins notions de ces problématiques, le réalisateur garde un important droit de décision sur ces questions. Comme avec l’architecte sur le chantier, un réalisateur sera plus ou moins réceptif sur un tournage aux indications techniques de ses collaborateurs, puisqu’il est à l’origine de l’écriture du film.
En effet pour le cinéma, la dose de fictif qu’il est possible d’ajouter est maintenant quasiment illimitée. Il s’agit cependant, lorsque les espaces générés informatiquement sont fictifs, de les rendre crédibles, pour ne pas outrepasser le point d’inflexion de la suspension volontaire d’incrédulité. La suspension volontaire d’incrédulité consiste pour un spectateur à accepter de considérer une situation fictive comme une réalité, pour mieux comprendre ce qui s’y déroule. Ce concept a été défini1 ainsi en 1817 par le poète britannique Samuel Taylor Coleridge. Cette notion dépend davantage du sens de la réalité des situations que du réalisme physique des scènes, il est donc indépendant des avancées techniques, et ne disparaît pas au développement des nouvelles technologies au sein du monde du cinéma. Ce développement a fortement impacté le monde de la vidéo, du graphisme, et des effets spéciaux. Il s’accompagne de nouveaux métiers et de nouveaux protagonistes qualifiés, au service de cette création d’espaces fictifs, qu’un spectateur doit pouvoir considérer comme réels, notamment s’il s’agit de la reproduction d’architecture existante. Si autrefois les avancées technologiques ne permettaient que quelques effets spéciaux approximatifs auxquels on ne peut aujourd’hui trouver qu’un « certain charme » ; le réalisme n’est désormais plus un problème de technique, mais presque uniquement de moyens. Dans le cas de Wes Anderson, c’est avant tout une question de volonté et de philosophie : il refuse autant que possible d’avoir recours aux effets spéciaux. Or ce choix assumé se répercute aussi sur le budget, d’une autre manière. Selon les méthodes de productions, il peut en effet être question de création d’espaces physiques, littéralement. Cela s’étend largement de la recherche de décors existants : emploi d’une ville, d’un quartier, de bâtiments, de paysages typiques d’une régions où d’un pays … Jusqu’à la reproduction ou la création de toute pièce de décors en studio. Ces espaces physiques disposent eux aussi d’une échelle de réalité : un immeuble filmé est plus « réel » en tant qu’il existe vraiment, qu’une imitation en studio de cet immeuble. Parfois, ce choix est déterminé par d’autres notions logistiques, amenées pour d’autres professionnels : pour les lieux étroits comme les couloirs ou les trains, les pièces peu profondes et plus généralement les scènes qui se déroulent à l’intérieur, il est difficile pour le caméraman ou le cadreur d’avoir assez de recul pour filmer des scènes
On peut alors se poser la question de la perception du spectateur : Le décor est donc non seulement au service d’un scénario, mais aussi de la façon de penser du réalisateur. En effet si l’on considère que l’on est aujourd’hui en mesure d’obtenir avec l’informatique des résultats aussi réalistes (ci ce n’est les même résultats visuels) qu’en filmant un vrai bâtiment ou sa réplique en studios, de telle manière qu’un spectateur ne peut les distinguer à l’écran, alors ces choix ne sont plus fait sur la base de la recherche du réalisme, de la persuasion du spectateur et de la crédibilité des effets. Dès lors que les nouvelles technologies on permit d’atteindre un réalisme quasi-absolu, les volontés du réalisateur et la nature de ses échanges avec le reste de l’équipe technique ont outrepassé la quête du réalisme dans le choix du procédé de création d’espace.
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Expression originale : ‘‘ willing suspension of disbelief ’’. Coleridge Samuel Taylor, 1817. Biographia Literaria. 10
Wes Anderson illustre à lui seul l’un au moins des aspect de ce principe. Il s’attache en effet à n’avoir recours qu’à des techniques traditionnelles dans la mesure du possible. Il est persuadé que la conception informatique biaise la perception du spectateur, qu’il la remarque. Il exprime même son goût pour les effets spéciaux dont on comprend la mise en œuvre technique. Cette ligne de conduite est responsable en grande partie de l’univers visuel qui forge son identité de cinéaste, et influence le processus de production de ses films.
2.2 • Travail Collaboratif La création, la production, la représentation et la communication d’espace-temps - et plus largement d’un univers réaliste - demande un large spectre de compétences et de recherches en amont. Cela signifie qu’il est nécessaire de mettre en place une équipe composée de plusieurs corps de métiers pour mettre en place cet univers. L’architecture est un domaine très collaboratif en tant qu’il nécessite un nombre élevé de savoirfaire et de connaissances ; l’architecte est amené à traiter avec un grand nombre d’intervenants au cours du projet architectural, de sa genèse à sa livraison, et même plus tard au cours de sa vie. Il s’agit à la fois de professionnels et de spécialistes (échantillon : géomètres, urbanistes, économistes, ingénieurs dans différents domaines, bureaux d’études, sociologues, chargés de patrimoines, collectivités, élus, entreprises de constructions, ouvriers, fournisseurs, architectes d’intérieurs, décorateurs, designers, etc.), mais aussi d’usagers dont le profil varie en fonction des 11
Figure 08 : Photo du CNIT et du rond-point de la Défense en 1958
projets. Si l’architecte joue un rôle de coordinateur au milieu de cette équipe, le projet ne peut exister sans elle. On peut alors se questionner sur le rôle de ces professions indispensables : se bornent-t-elles à de l’exécutif, et si ce n’est pas le cas, dans quelles proportions et de quelle manière ces intervenants participent-ils à la conception du projet ? Il est impossible de répondre de manière générale à cette question puisque chaque projet connaît un déroulement différent. Cela dit dans l’inconscient collectif un bâtiment reste généralement associé à son architecte, plus rarement à ses collaborateurs les plus proches (généralement des ingénieurs), presque jamais aux autres intervenants dont la participation au projet reste inconnue.
C’est le cas par exemple du CNIT (Centre des Nouvelles Industries et Technologies, Figure 08) de Bernard Zehrfuss, premier bâtiment de La Défense, construit entre 1954 et 1958. Si ce bâtiment emblématique reste associé à Zehrfuss, il l’a pourtant réalisé en association avec Robert Camelot et Jean de Mailly, et c’est à Nicolas Esquillant que l’ont doit sa structure, dont la prouesse technique a fait la renommé de cet édifice. L’architecte, alors qu’il ne maîtrise pas son art seul, se voit le plus souvent attribuer la gloire d’un bâtiment dans la mesure où seul son nom s’y trouve associé. Il en va presque de même pour la figure du réalisateur d’un film.
Figure 09 : Affiche de The Nightmare Before Christmas, Tim Burton, 1993
Figure 10 : Affiche de Corpse Bride, Tim Burton, 2005
Figure 10 : Affiche de Alice in Wonderland, Tim Burton, 2010
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La production d’une œuvre cinématographique implique elle aussi une équipe qualifiée et diversifiée. La constitution de cette équipe est d’autant plus déterminante dans un univers aussi marqué que celui de Wes Anderson. Dans un autre registre, on peut le comparer à Michel Gondry ou à Tim Burton (Figure 09, 10 et 11), dont les œuvres cinématographiques sont empreintes de leur identité forte, reconnaissable notamment par un univers scénaristique, visuel et sonore marqué. Cependant le choix de Wes Anderson s’impose dans le cadre de ce rapport, en tant qu’il s’approche au plus près de la démarche d’un architecte. Établir sa vision du monde à travers des films nécessite des techniciens capables de rendre compte très précisément des idées d’un réalisateur à l’écran. La liste est longue : directeur de la photographie, acteurs, graphiste, de concepteur informatique, sociologue, compositeur, dessinateur, parfois architecte, de costumier, maquilleurs, monteur, chef décorateur, ingénieurs (son, lumière, effets spéciaux/visuels), producteurs, chorégraphes … Ici aussi il est légitime de se questionner sur la part décisionnelle plus ou moins grande de ces intervenants au cours de la réalisation d’un film. L’application de leurs savoir-faire est si déterminante dans la création d’un univers fidèle aux ambitions du réalisateur que celui-ci doit les choisir avec attention. La bonne communication des idées entre eux est primordiale. Ainsi on note que l’équipe qui entoure Wes Anderson présente des individus récurrents ou marquants au niveau de la conception. Ils seront cités à titre d’exemples pour illustrer les différentes professions créatives qu’ils exercent, et qui sont décrites ci dessous. Cette sélection représente celles qui influent le plus sur le rendu esthétique global d’un film, primordial chez Wes Anderson. _DIRECTOR OF PHOTOGRAPHY (Directeur de la photographie) Le travail d’un directeur de la photographie (aussi appelé chef opérateur) consiste à la gestion complète des prises de vue sur le tournage d’un film. Il est donc responsable de l’esthétique, du cadrage et de l’éclairage, des composantes très importantes du rendu global final d’un film. Chez Wes Anderson il s’agit notamment de mettre en valeur les teintes (souvent pastel) dominantes des costumes et du set, de définir l’ambiance globale du film en mettant en place des compositions proches de ce qui se fait au théâtre, en utilisant des lentilles anamorphique (qualité d’image optimisée pour un rendu panoramique), ou encore en modérant l’éclairage. Son travail détermine ainsi en grande partie l’identité visuelle et bien connue du réalisateur. (Robert David Yeoman : Bottle Rocket, Rushmore, The Royals Tenebaum, The Life Aquatic with Steve Zissou, Hotel Chevalier, The Darjeeling Limited, Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel)
Figure 10 : Affiche de Frankenweenie, Tim Burton, 2012
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_PRODUCTION DESIGNER / PD / KEY SET DECORATOR (Chef décorateur) Il est chargé de déterminer complètement les lieux et les décors pour le tournage d’un film. Il créé les décors de cinéma, et est responsable de leur mise en œuvre. Il peut alors s’agir de trouver physiquement ou de les concevoir : « En studio comme en décors naturels, le chef décorateur définit l’espace cinématographique »2 . Il est nécessaire pour lui de maîtriser aussi bien les aspects esthétiques, techniques (incluant le planning), et budgétaire que sous entends cette profession, dont l’impact sur la plastique du film est aussi déterminant. Son travail démarre très tôt, dès la lecture du scénario. Il est de ce fait étroitement lié avec le réalisateur. Lui même est entouré d’une équipe personnelle composée de différents artisans, artistes, et techniciens (exemples de corps de métiers spécialisés dans la construction de décors pour le cinéma : dessinateurs, ensembliers, menuisiers, staffeurs, électriciens, etc.). Son travail peut même s’étendre jusqu’à des domaines comme les costumes ou les effets spéciaux (d’où l’appellation en anglais : Production Designer). Les chefs décorateur ont une formation d’architecte, car les modes de communication de leur travail sont quasiment identiques. (Mark Friedberg : Life Aquatic with Steve Zissou, The Darjeeling Limited ; Adam Stockhausen : The Grand Budapest Hotel, Moonrise Kingdom ; David Wasco : Rushmore, The Royal Tenenbaum) _ART DIRECTOR / AD (Superviseur / Directeur artistique / DA) Dans le cas du cinéma, le directeur artistique se charge du visuel et de l’esthétique d’un film, mais cette profession s’applique à d’autres réalisations multimédia. Cette profession existe surtout dans l’industrie du cinéma anglo-saxon. Elle demeure presque absente en France où les tâches qui concernent les décors -et plus largement l’esthétique générale du film- sont réparties autrement. Souvent indifféremment considéré comme un chef décorateur avec de plus grandes responsabilités, ce poste subit une mutation dans le monde du cinéma, dans la mesure où l’envergure de son rôle croît. On date historiquement cette mutation à 1939 lors du tournage de Autant en emporte le vent3 , au cours duquel le producteur David O. Selznich a souligné la qualité exceptionnelle du travail du directeur artistique William Cameron Menzies (qui remporta une récompense personnelle pour son travail sur ce film, qui s’additionnera aux nombreuses distinctions du film).
2 Charte de l’ADC (Association des Chefs Décorateurs de Cinéma), http://www.adcine.com/qui-sommes-nous (consulté le 18.04.2017) 3 Fleming Victor, Wood Sam, 1939. Gone with the Wind, Selznich International Pictures, Metro-Goldwyn-Mayer, 238 min. 14
Cette mutation est d’autant plus délicate qu’elle induit un changement de terme, ainsi l’art director est de plus en plus appelé production designer, que l’on traduit littéralement en français chef décorateur… Cependant ces deux professions sont distinctes et ne peuvent être confondue selon Michael Rizzo4 . Pour lui, hiérarchiquement, le directeur artistique guide et supervise l’élaboration des décors de leur esquisse à leur achèvement, gérant au passage le budget et le planning. Il dirige le département artistique lors de la réalisation d’un film, quand le chef décorateur est chargé du design, de la conception, et de la construction des décors. (Carl Sprague : The Royal Tenenbaums, Assistant: Moonrise Kingdom ; Adam Stockhausen : The Darjeeling Limited ; Gerald Sullivan : Moonrise Kingdom, Superviseur : The Grand Budapest Hotel) _CONCEPT ARTIST / CONCEPT ILLUSTRATOR Le concept artist doit convertir une idée en dessin pour son usage au travers d’un film, d’un jeu vidéo, d’une bande dessinée ou n’importe quel autre support. Ce travail d’adaptation, dans le cas d’un film, se fait main dans la main avec le réalisateur, et nécessite la connaissance de codes de représentation de l’architecture comme en témoigne le travail de Carl Sprague pour The Grand Budapest Hotel. Le concept artist (ou concept Illustrator) dessine alors plusieurs propositions à soumettre au réalisateur. Son travail témoigne d’ailleurs ainsi de l’évolution du visuel jusqu’au rendu final. (Carl Sprague : The Grand Budapest Hotel, Isle of Dog) _ENVIRONMENT DESIGNER Il est difficile d’offrir une traduction efficace pour cette profession qui s’apparente dans le cas du cinéma au concepteur artistique, dans une version plus spécialisée car plus générale, nous utiliseront donc la version originale. L’environmental design regroupe les techniques (artistiques comme scientifiques) qui concernent la génération et la création d’environnement humain : la géographie, l’architecture, le paysagisme, l’urbanisme, ou encore le design d’intérieur sont inclus. (Chris Appelhans : Fantastic Mr. Fox) _PROPERTY MASTER / PROP(S) MASTER / PROPS (Chef accessoiriste) Le travail de l’accessoiriste en chef concerne la gestion de tous les objets mobiles, incluent ou mentionnés dans le scenario d’un film. Il appartient à l’équipe de décoration. La gestion des accessoires signifie se procurer les objets les plus fidèles possible au scénario lorsque celui-ci est précis, ou bien les plus proches de l’ambiance générale qui se dégage du film lorsqu’ils ne sont
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Rizzo Michael, 2013. The Art Direction Handbook for Film, Taylor & Francis, 333 pages. 15
que suggérés dans le scénario. L’accessoiriste en chef doit aussi gérer un budget donné. Il existe des accessoiristes spécialisés pour les domaines particuliers comme les armes ou les costumes (WEAPONS MASTER, COSTUME DESIGNER). Il collabore directement avec le réalisateur et le directeur artistique, ainsi qu’avec les autres membres du département artistique qui responsables du visuel du film (le chef décorateur, le caméraman etc.). Ils sont souvent confondus avec les ON-SET DRESSERS (qui peut être traduit en français par ensemblier) dont les responsabilités sont moindre, et qui sont chargé avant et pendant le tournage de mettre en place et de déplacer les meubles, objets et accessoires sur le plateau. Ces déplacements ont lieu selon l’angle de la caméra la prise de vue, mais aussi en fonction des mouvements du matériel de tournage. Il doit également vérifier la correspondance de l’emplacement des objets sur le plateau selon le script, et assurer la continuité de leur position d’une scène à l’autre quant elles ne sont pas tournées en un seul plan (ce qui est très fréquent même chez Wes Anderson, malgré son goût pour les plans défilant, tourné en une seule fois). Il assiste l’accessoiriste, et plus largement le chef décorateur. (Kris Moran : Assistant : The Royal Tenenbaums, Life Aquatic with Steve Zissou) _SET DECORATOR (Décorateur) Si leur vision englobe un spectre plus large que des corps de métiers comme électricien, staffeur ou menuisier, les décorateurs demeurent des exécutants du Chef décorateur au sein du département artistique. Ils souvent plusieurs selon les besoins ou l’envergure du film, et leur marge de manœuvre -comme chacune des professions précédemment décrites- peu varier. (Kris Moran : The Darjeeling Limited, Moonrise Kingdom ; Sandy Reynolds-Wasco : Rushmore, The Royal Tenenbaum) Toutes ces professions et ces protagonistes récurrents ne constituent qu’une part de l’équipe qui entoure Wes Anderson, il s’agit de la part la plus artistique, une portion de créatifs de différents domaines. Cet échantillon ne rend pas compte de la multitude de métiers techniques et artisanaux pourtant essentiels qui gravitent autour du réalisateur. Au cours de la réalisation de films comme ceux de Wes Anderson où chaque détail compte, un haut niveau de précision est attendu. Liées au son, à l’image, aux costumes ou encore aux décors, toutes ces professions techniques, artistiques et artisanales participent activement à l’élaboration de son univers. En ce qui concerne les acteurs, leur récurrence pousse Wes Anderson à imaginer peu à peu des rôles « sur mesure ». Un dialogue plus clair s’installe entre eux ; les acteurs se familiarisent avec le monde et la philosophie du réalisateur, ce qui optimise leur association : d’une part les acteurs saisissent mieux où le réalisateur veut en venir, et de l’autre le réalisateur leurs laisse une marge 16
croissante de responsabilités à mesure qu’ils s’imprègnent de son univers. Le réalisateur n’en est pas moins précis et directif pour autant concernant sur ses attentes. Il n’hésite pas à corriger le jeu de ses acteurs, particulièrement lorsque ceux-ci travaillent avec lui pour la première fois (comme ce fut le cas pour Adrien Brody dans The Darjeeling Limited, ou pour Ralph Fiennes dans The Grand Budapest Hotel ). Parmi ces acteurs proches du réalisateur, par ordre décroissant de fréquence d’apparition, on compte : Bill Murray, Owen Wilson, Jason Schwartman, Angelica Huston … 5 Le travail collaboratif est donc une notion centrale et commune à ces deux disciplines dans leur processus respectifs de création d’espaces-temps.
2.3 • Productions
contextualiées
Peut également être abordée la notion de référence et d’inspiration ; le cinéma comme l’architecture sont deux arts, et impliquent donc chacun une production artistiques vaste en amont. Il est impossible de décontextualiser un film ou un bâtiment, au sens de son contexte géographique économique et sociale comme au sens de ses influences. L’architecte comme le cinéaste puise dans une large collection de courants et de productions existantes, et pas uniquement au sein du monde de l’architecture ou du cinéma. Peuvent être cités les mouvements modernes à volonté d’art total pour l’architecture, ou ceux qui suivent la doctrine qu’énonce un manifeste (De Stijl, le Futurisme italien, l’Art Concret etc.) Au même titre que n’importe quel architecte puise inévitablement son inspiration dans une production artistique, picturale ou immatérielle, qui alimente son travail, fonde son œuvre et son style. Le cinéma lui aussi est contextualisé car il est ancré dans une époque, en plus de s’inscrire à la suite d’un vaste ensemble de productions artistiques. Ainsi chacun est libre de se rapprocher d’un art, d’un style ou d’un mouvement, de se l’approprier, d’y adhérer où de réagir à celui-ci. Wes Anderson s’inspire largement de la littérature classique. L’œuvre de de J.D. Salinger6 qui traite des thèmes proches de ceux qu’il aborde dans ses films, comme l’enfance, la famille, et le passage à l’âge adulte (particulièrement la famille Glass7 ou Holden Caulfield, qui apparaissent dans The Catcher in the Rye 1951, Franny and Zooey 1961 ou encore Uncle Wiggily in Connecticut
5
Voire Tableaux des collaborateurs récurrents, Annexe.
6 Seitz Matt Zoller, 17 Mai 2012. ‘‘The Substance of Style’’, MovingImageSource. Museum of the Moving Image, (consulté le 18.04.2017). 7 ‘‘And the Glass family in J. D. Salinger’s stories—that’s what they are, too. And it all kind of gelled and took that shape.’’ Wes Anderson. Seitz Matt Zoller, 2013. The Wes Anderson Collection, Harry N. Abrams, 256 pages. 17
1948, qui comportent de fortes ressemblances avec Max Fischer de « Rushmore » ou bien dans la famille de The Royal Tenenbaum8 ). Mais aussi « Eichmann in Jerusalem » d’Ana Arendt et Suite française d’Irène Némirovsky9 . Enfin, le réalisateur puise10 ouvertement dans l’imaginaire de Stephan Zweig, dont il donne l’œuvre à lire à ses acteurs pour la production de The Grand Budapest Hotel afin qu’ils s’imprègnent de l’ambiance que l’auteur dépeint. De la même manière, les arrière-plans des vues extérieures (Figure 17, 18) dans The Grand Budapest Hotel, peint par Michael Lenz, sont eux aussi inspirés de l’œuvre picturale du Caspar David Friedrich (Figure 13, 14, 15 et 16), un peintre et dessinateur romantique allemand du XIXe siècle. Adam Stockhausen (décorateur pour Moonrise Kingdom et The Grand Budapest Hotel, directeur artistique pour The Darjeeling Limited) affirme11 qu’en tant que peinture, les représentations de paysages de Friedrich constituent déjà une interprétation du monde, or cette façon de voir le monde correspond à celle du film. Ici la vision du monde telle que Friedrich la filtre à travers ses peintures alimente l’univers imaginé par Wes Anderson et son équipe.
Figure 17 : Photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014
Figure 13 : Tableau Morgen im Riesengebirge, Friedrich Caspar David, 1810
Figure 14 : Kreuz Gebirge, F. Caspar David, 1812
Figure 15 : Tableau Felspartie, Friedrich Caspar David, 1811
Figure 16 : Tableau Tageszeitenzyklus, Der Morgen, Friedrich Caspar David 1821-22
8
Ferenczi Aurélien, 29 Janvier 2010. ‘‘J.D. Salinger et le cinéma’’, Telerama, (consulté le 18.04.2017).
9
Cerisuelo Marc, 2016. Lettre à Wes Anderson, Capricci, 112 pages.
10 « Zweig’s books, is that what I have to write about » Wes Anderson pour The Telegraph. George Prochnik, 8 Mars 2014. ‘‘ ‘I stole frome Stefan Zweig’ : Wes Anderson on the author who inspired his latest movie’’, The Telegraph, (consulté le 18.04.2017). « even though the story in our movie is not really anything to do with Zweig and the main character doesn’t come from Zweig’s work, I feel it’s me trying to do a version of his world » Wes Anderson pour The Interview Magazine. Cwelich Lorraine, 3 Juin 2014, ‘‘Wes Anderson’s European Adventure’’, Interview Magazine, (consulté le 18.04.2017) 11 “As a painting, it created a filtered way of looking at the world” Adam Stockhausen pour le New York Times. Mekado Murphy, 28 Février 2014. ‘‘You Can Look, but You Can’t Check In’’, The New York Times, (consulté le 18.04.2017). 18
Figure 18 : Photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014
Pour la peinture ‘Boy With Apple’ de l’artiste Renaissance fictif Johannes Van Hoytl the Younger, le tableau volé et clef de l’intrigue de The Grand Budapest Hotel (Figure 19), Anderson fait appel au peintre Michael Taylor. Il lui commande un tableau avec une idée précise des références dans lesquelles il souhaite que l’artiste puise : il lui fournit des peintures de style renaissance représentant des jeunes hommes, de peintres allemands du XVIIe siècle, des peintures de Durers, Bronzino, Holbein, Cranach, ou encore des portraits de Tudor12 . Il lance également un casting discret pour trouver un modèle, idéalement un garçon blond à la silhouette de danseur de ballet. Figure 19 : Tableau Boy With Apple, Micheal Taylor, 2014 Le réalisateur étudie alors minutieusement les photos que lui transmet le directeur de casting, pour retenir un danseur londonien nommé Ed Munro. Figure 20 : Photo de Micheal Taylor en train de peindre Boy With Apple Ce dernier est tenu d’enfiler une cinquantaine de tenues, des clichés sont d’après modèle, 2014 envoyés au réalisateur pour qu’il choisisse ce qui correspond au mieux à son idée. S’en suit alors des semaines de peinture au manoir de Hanford School à Dorset (Figure 20). Un dialogue continu s’établi entre le peintre et le réalisateur pour ajuster le tableau, dont la réalisation duras près de 4 mois, de son commencement à sa livraison. Selon Michael Taylor, le résultat final avait à la fois « quelque chose de lui, et quelque chose de Wes Anderson »13 : cela démontre que l’acte de faire appel à un artiste pour intervenir dans une œuvre n’est pas anodin. Il laisse nécessairement une marque artistique personnelle à celle-ci, aussi précise et illustrée de référence soit la demande de Wes Anderson pour le tableau. Le film Life Aquatic with Steve Zissou illustre les références de Wes Anderson ; le film est un hommage critique à la vie de JacquesYves Cousteau. Le réalisateur lui fait déjà plusieurs clins d’œil notamment dans Rushmore, mais dans Life Aquatic cet hommage va des costumes de l’équipe au personnage de Steve Zissou (Figure 21, 22), en passant par le Belafonte -bateau de l’équipage de Zissou- inspiré de la Calypso de Cousteau.
Figure 21 : Photo de Jacque-Yves Cousteau
Figure 22 : Photo de Bill Murray dans Life Aquatic
2.4 • Témoignages Critiques Le cinéma constitue un témoin sociétal important. Il faut comprendre le mot « témoin » non pas dans le sens d’un témoin neutre, mais dans le sens du témoignage teinté d’un point de vue, d’un avis. Ainsi, le cinéma est un témoin en tant qu’il reflète une réponse apportée à certains aspects de la société à un instant particulier. Il va au-delà d’une retranscription historique fidèle d’une époque, d’un pays, d’une profession ; puisqu’il émet forcément une opinion, en donnant les choses à voir sous un angle choisi. Il transpose donc une critique, si ce n’est une idéologie, en réaction à des faits de société, quand il ne traite pas cette idéologie à travers le thème d’un film. Il rend compte de situations, quand il ne les dénonce pas carrément : il est plus engagé qu’un filmdocumentaire qui lui même ne demeure pas systématiquement neutre. Il s’agit aussi d’un témoin des avancées techniques et des découvertes : celles qui sont filmées, mais aussi celles qui sont mises en œuvre lors de la réalisation. Techniques de prise de vue ou montages et effets spéciaux : malgré l’excellente capacité de certains à masquer leur âge les années passant, chaque film est daté. Il en va de même pour l’architecture. Qu’il s’agisse de bâtiments ou de villes entières, elles marquent une époque, un courant, et peut même porter l’empreinte d’un architecte. L’architecture peut alors se faire emblème : la Tour Eifel de Gustave Eiffel se fait emblème de Paris, cependant que l’Opéra de Sidney de Jørn Utzon devient l’emblème de Sidney. Le style haussmannien est associé au Paris de la fin du XIX° siècle. Témoins stylistiques, ces bâtiments emblèmes sont très représentés au cinéma car ils transmettent un imaginaire très puissant et parlant aux spectateurs. Par exemple on reconnaîtra la fontaine de Trevi à Rome dans La Dolce Vita réalisé en 1960 par Federico Fellini. À l’inverse, des bâtiments beaucoup moins emblématiques mais à l’architecture marquée sont très utilisés dans le cinéma pour leur potentiel fictif. C’est le cas par exemple des Espaces Abraxas de Ricardo Bofill, construits entre 1978 et 1983 à Noisy-le-Grand, qu’on retrouve successivement dans À mort l’arbitre de Jean-Pierre Mocky en 1984, Brazil de Terry Gilliam en 1985, ou encore Hunger Games : la Révolte de Francis Lawrence en 2015.
12 Taylor Michael, 4 Mars 2014, ‘‘Commissioned to paint Boy with Apple for The Grand Budapest Hotel’’, mrtaylor. co.uk (consulté le 18.09.2017) 13 ‘‘we ended up with something that had a bit of me, and a bit of [Anderson] in it’’ Michael Taylor pour The Week. Meslow Scott, 2 Avril 2014. ‘’The untold story behind The Boy Grand Budapest Hotel’s Boy with Apple’’, The Week, (consulté le 18.04.2017) 20
21
III. RENCONTRE : LES LIENS QU’ILS ENTRETIENNENT 3.1 • Codes
de représentation de l’architecture
Il existe en architecture différents éléments graphiques qui communiquent chacun certaines informations : le plan, la coupe, l’élévation, la maquette, l’axonométrie, la perspective… Le cinéma aussi comporte des codes de représentation : une autre définition du plan, les scènes, les travellings… Or on observe particulièrement dans ses films que Wes Anderson a recours à ces codes de représentation de l’architecture à l’écran. Si un architecte, par le biais de son métier, dispose des clefs de compréhension de ses documents, qu’en est-il de l’interprétation des autres spectateurs lorsqu’ils y sont confrontés ? Quelle peut-être alors leur lecture de ces documents, et en quoi peuvent-ils toucher le public malgré la barrière de compréhension de leurs codes de représentation ? Jouent-ils le même rôle et expriment-ils la même dans le cinéma que dans leur application réelle ? Il conviendra tout d’abord d’analyser ces codes de représentation de l’architecture, et leur rôle lorsqu’ils sont employés en architecture : le plan
Le plan, généralement coupé à un mètre au dessus du sol, indique les côtes générales d’un bâtiment, vu de dessus. Il donne le plus souvent et selon l’échelle du bâtiment, une vue d’ensemble que l’on ne pourrait avoir en visitant le bâtiment. Il permet de percevoir les proportions des différents espaces, fait apparaître les surfaces aux sol, les accès. Il sert également aux professions techniques de présenter leurs réseaux (flux – ventilation – électricité – canalisations) Selon son échelle graphique, il donne des informations différentes ; de l’implantation du bâtiment dans un site/une ville pour le plan masse, jusqu’au détail des menuiseries pour les plans de détails. Aussi indispensable soit-il, il ne suffit pas pour expliquer l’ensemble d’un projet puisqu’il constitue un dessin en deux dimensions. Ce document peut être considéré comme un document technique : il obéit à des normes de représentation qui le standardise. L’acquisition de ces codes permet à chacun la lecture d’un plan ; encore faut-il les acquérir. la coupe
Un projet s’accompagne rarement d’une seule coupe : sa situation est déterminée en fonction des informations qu’elle se doit de communiquer. Egalement en deux dimensions, l’additionner au plan permet de rendre compte du projet de deux 22
points de vues essentielles. Elle donne une notion de hauteur, une échelle humaine. La présence de silhouettes, en plus de l’humaniser, lui donne des proportions perceptibles par chacun. Comme pour le plan, le choix de son échelle graphique détermine ce dont elle parle, les exemples de l’implantation sur le site et de la menuiserie récemment appliqués au plan sont ici aussi appropriés. l’elevation
L’élévation rend compte quant à elle d’une vision plus réaliste du bâtiment, puisqu’elle peut être comparée à la perception que l’on se fait d’un bâtiment en l’approchant réellement (contrairement à la coupe et au plan, qui sont comme des radiographies d’un bâtiment). Ombrée et texturée, elle donne à voir la profondeur et la matérialité extérieure d’un édifice, en plus des proportions de celui ci (notamment à l’échelle des bâtiments ou de l’environnement qui l’entoure). L’élévation peut aussi être un relevé d’une façade pour décrire et transcrire précisément son calepinage, l’implantation de ses fenêtres, le détail de ses moulures. Ce document graphique est tant qu’il représente une vue extérieure plus proche de la réalité, est un élément plus facile à appréhender par chacun, j’entend par là quelqu’un d’autre qu’un architecte. la perspective
Cette représentation en deux dimensions présente l’avantage de montrer des scènes en trois dimensions. Comme l’élévation et contrairement au plan et à la coupe, elle peut parler à chacun et présenter une vue du projet tout à fait réaliste, voire d’après un point de vue humain. La présence de points de fuite qui déforment l’espace et réduisent les objets lointains participe à cette humanisation. Elle permet de parler d’ambiances, de lumière, de scenarios de vie, de matières, de couleurs, et d’espace, ce qui en fait un élément assez complet et lisible. l’axonométrie
La paradoxe de ce document est sont caractère à la fois plus réel et moins réaliste que l’axonométrie ; la perspective cavalière (sans point de fuite) est en effet plus proche de la réalité au sens des dimensions : les proportions sont comparable entre elles, contrairement à une projection en perspective où les point de fuite déforment les objets, simulant ainsi la vision délivré par l’œil humain. Ainsi l’axonométrie a une connotation davantage technique. Ce document est pour autant un document en deux dimensions rendant compte de trois dimensions. 23
Il connaît également des codes (pointillés pour ce qui est caché, trait plein pour ce qui se trouve à l’avant) qui peuvent être transgressés et adaptés au besoin, selon ce qui doit être communiqué : c’est un mode de représentation malléable et pratique par la diversité des informations qu’il est en mesure de délivrer de manière précise. la maquette
Cet objet est le seul qui présente le projet en trois dimensions, bien que la perspective ou l’axonométrie ne le représente en trois dimensions. J’inclue ici aussi la maquette numérique, bien qu’elle exclue la notion de toucher. De tous ces moyens de représentation, c’est certainement le plus compréhensible. Son utilisation est très rependue au delà du domaine de l’architecture, et même au delà du domaine de la conception d’objet au sens large (design – ingénierie - aviation etc.). Elle s’apparente également aux jeux puisqu’elle parle aisément d’elle même, elle permet d’appréhender les volumes directement. Sa capacité à permettre d’appréhender les espaces sera plus amplement développée symétrie, géométrie, et autres ‘orthogonalités’
Leur omniprésence dans la batterie de documents graphiques liés à l’architecture est indéniable. Mais lors de leur vision au cinéma, le public les associe-t-ils systématiquement à l’architecture pour autant ? Il serait alors intéressant de déterminer quel est l’impact de l’apparition de tels documents sur la vision d’un spectateur non-initié à l’architecture, mais aussi de leur utilisation ponctuelle. En effet en architecture, une batterie complète de ces éléments est nécessaire pour présenter un projet, or dans les films de Wes Anderson ils n’apparaissent que ponctuellement. L’utilisation dans le cinéma de ces représentations graphiques codifiées utilisées en architecture renvoie avant tout à l’imaginaire de la conception architecturale, et plus largement de la conception d’univers.
24
3.2 • Apllication
et valeur de ces codes au cinéma
Ces documents, en tant qu’éléments de représentation, induisent une action consciente qui consiste à montrer, à faire savoir par divers procédés14 . Or les procédés de l’architecture que sont le plan, la coupe, l’élévation, et tout particulièrement la maquette sont une abstraction de la réalité. Ils permettent de d’appréhender les espaces différemment, d’un point de vue plus omniscient, et irréel. Cette abstraction est corrélée à la réduction d’échelle opérée par chacun de ces documents. A l’image des documents qui communique chacun un type précis d’information, chaque échelle signifie quelque chose de différent. Un changement d’échelle n’est pas seulement une homothétie exacte d’un modèle normal, et selon son échelle, un document taira ou divulguera certains éléments du projet. L’exemple le plus démonstratif est la différence entre le plan masse et a très grande échelle qui parle d’implantation à un paysage ou à l’urbanisme d’une ville en n’informant que dans les grande lignes sur l’aspect du bâtiment, et le plan de détail qui est un zoom très précis du projet et qui ne permet pas de l’appréhender dans son ensemble. Le cas de la maquette est le plus édifiant. C’est le medium le plus accessible au grand public et le plus rependu parmi cette liste. Elle donne une vision globale, manipulable, en trois dimensions. Le modèle réduit permet la compréhension immédiate des espaces. Il s’agit des espaces réels, auxquels on applique une échelle. Cela provoque immédiatement un sentiment, si ce n’est de pouvoir, de contrôle, de regard enveloppant sur ce qui est représenté. Historiquement la maquette a valeur, en tant que miniature, de nous rendre plus puissant face à elle. Cette notion est souvent évoquée au cinéma. C’est le cas par exemple le cas dans le film Hunger Games15 , pour la représentation de l’arène en maquette miniature virtuelle et holographique, dans la salle Figure 23 : Arène en maquette virtuelle, photogramme de de contrôle où des employés interagisse sur ordres directement Hunger Games, Ross Gary, 2012 sur l’arène réelle (Figure 23). Les codes de représentations dont fait partie la maquette sont donc très évocateurs pour le public, et génère immédiatement des impressions par leur symbolique. Ci dessous des exemples précis et commenté de leur utilisation dans les films de Wes Anderson, ainsi que leur sens dans la perception du public. 14
Définition du mot ‘‘Représentation’’, CNRTL, (consulté le 20.04.2017)
15
Ross Gary, 2012. Hunger Games, Lions Gate Film, Color Force, 142 min 25
Dans Life Aquatic with Steve Zissou par exemple, une maquette coupée dans la longueur du Belafonte est présentée au spectateur (Figure 24, 25, 26), à qui l’on présente en même temps l’univers de ce bateau. La vie du Belafonte est un puissant échantillon de l’ambiance du film puisqu’elle constitue le cadre de vie principale où évolue l’équipage que l’on suit au fil du long métrage. Compartiment par compartiment, des scènes de vies animent la coupe du bateau comme les organes vivant d’un corps, et permettent ainsi de comprendre son anatomie complexe avec un recul aussi saisissant qu’improbable. Cette coupe n’est donc pas ‘réaliste’ Figure 25 : Photo des compartiments de la maquette grandeur nature du dans le sens où l’on ne peut, dans la vie réelle Belafonte, photos de tournage, Portfolio de Karl Friedberg observer simultanément ces cellules de vies côte-à-côte. C’est justement en cela que cette coupe axonométrique présente des avantages propres et uniques : elle donne à voire et à comprendre (comme c’est le cas d’une coupe en architecture) les espaces les uns à côté des autres, d’une manière transversale et omnisciente. Elle donne au spectateur des clefs de compréhensions des espaces uniques puisqu’elle les juxtapose et nous les montre ainsi vivre est exister un monde de manière complète le monde créé par le réalisateur. C’est à Mark Friedberg que l’on doit la réalisation physique de cette maquette coupée du Belafonte, en tant que chef décorateur.
Figure 24 : Photo de la maquette grandeur nature du Belafonte, photos de tournage, Portfolio de Karl Friedberg
Figure 26 : Steve Zissou devant la maquette coupée du Belafonte, photogramme de The Life Aquatic with Steve Zissou, Wes Anderson, 2004
Figure 27 : Tableau de Steve Zissou, photogramme de Life Aquatic With Steve Zissou, Wes Anderson, 2004
Figure 28 : Adidas Steve Zissou, photogramme de Life Aquatic With Steve Zissou, Wes Anderson, 2004
Figure 29 : Logo Steve Zissou
Si cette coupe présente l’univers qu’est celui de Life Aquatic, les éléments qui le constituent ont été eux aussi réglés avec minutie. En effet toute la charte graphique et l’histoire de l’équipe de Steve Zissou ont été imaginés et produit de toutes pièces : le logo de l’équipe, les tableaux et portraits de la familles, et même les baskets Adidas faites sur mesure et floquée « Zissou » (Figure 27, 28, 29).
Figure 31 : Carte de New Penzance Island, photogramme de Moonrise Kingdom, Wes Anderson, 2012
Figure 30 : Bagagerie Louis Vuitton sur mesure, photogramme de The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007
Cette démarche suit la volonté absolue de Wes Anderson de produire de manière physique et réelle chacun de ses produits, c’est également le cas dans The Darjeeling Limited : ce sens du détail va de la bagagerie des trois frères Whitman designée pour l’occasion par Marc Jacobs (styliste de la maison Louis Vuitton, Figure 30), aux scènes tournées dans le train. Aux yeux du spectateur, cet ancrage dans la réalité par l’utilisation de références réelles appliquées à ses univers fictifs apporte du crédit à ceux-ci. Inconsciemment, le public ne peut que croire à ce que le réalisateur lui donne à voir. 28
Il en va de même dans Moonrise Kingdom. Pour ce film le réalisateur représente à l’écran une île fictive du nom de New Penzance, donc il montre la carte à l’écran à plusieurs reprises (Figure 31). Celle-ci, grâce aux normes de représentation strictes qu’elle présente, donne immédiatement à cette île du crédit auprès du public. La génération de cette île a nécessité l’utilisation de Google Earth pour trouver des îles d’après lesquelles s’inspirer, à Figure 32 : Photographie du Cananicut Island Light en 2007 la fois pour la réalisation de cartes et pour le tournage des scènes. Les îles-modèles choisies furent Prudence Island (Rhode Island, États-Unis) et Comfort Island (État de NY, États-Unis). La maison utilisée est un phare inactif de Jamestown (Rhode Island) construit en 1886, le Cananicut Island Light (Figure 32), et figure au National Register of Historic Places (en français Registre National des Lieux Historiques). L’ancien phare a presque été utilisé tel quel, à l’exception de l’extension qui a du être réellement construite devant le solarium -qui n’était pas approprié- pour mieux correspondre aux besoins du script. 29
Figure 33 : Vue du train, photogramme The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007
Figure 34 : Vue du train, photogramme The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007
Dans The Darjeeling Limited, certains visuels du train présents dans le films évoquent fortement le vocabulaire et les attributs de l’élévation en architecture (Figure 33, 34) : une vue extérieure ombrée, colorée, décorée et texturée, laissant apparaître la position des fenêtre à travers lesquelles des scènes de vie intérieures se jouent à nouveau comme des micro-cibles. La différence avec la coupe du Belafonte exposée précédemment est que l’élévation donne une vision plus réaliste et mystérieuse du train : la façade cache tout les éléments que la coupe dévoile, ne laissant apparaître que le contenu des cadres de fenêtres. Elle a donc une autre valeur scénaristique dans le film ; elle décrit non seulement le contenu d’un espace (partiellement, à travers les ouvertures), mais donne aussi des information sur son enveloppe : ici le train ; contrairement à la coupe, très précise sur le contenu intérieur mais muette concernant l’extérieur.
Concernant ces scènes où apparaît le train, Wes Anderson a insisté pour qu’elles soient tournées dans des wagons de train réels. Il a fallut pour cela se procurer dix wagons ainsi qu’une locomotive (en état de marche puisqu’il était nécessaire de les faire circuler sur des rails pour les besoins du films), qui ont été entièrement redécorés à la main en respectant les traditions indiennes spécialement pour le film. Ces décisions ont largement impacté le travail (Figure 35) de Mark Friedberg (chef décorateur) et Robert D. Yeoman (directeur de la photographie). Il semble d’ailleurs important de préciser que le processus de travail de ce premier passe par un ensemble complet de documents graphiques de l’architecture (plans, coupes, perspectives, élévations). Les résultats sont bluffants de réalisme, même s’il est difficile de déterminer si un tournage en studio ou des ajouts de décors informatiques aurait réellement amoindris la force de ces images. C’est en tout cas une ligne de conduite dont le réalisateur refuse de s’écarter, même face à la difficultés : voire même tout particulièrement dans ce cas. On retrouve d’ailleurs l’univers du train et les conditions spatiales qu’il induit dans Come Together le court métrage promotionnel réalisé par Wes Anderson pour la marque H&M, à l’intérieur duquel l’élévation extérieure du train est décrite par un long travelling orthogonal (Figure 36), où figure les mini scènes de vies déjà évoquées par la coupe du Belafonte ou l’élévation du Darjeeling Limited.
Figure 36 : Reconstitution de l’élévation du train dans le Court métrage Come Together (Wes Anderson, 2016) d’après plans dé lants, Marianne Esposito
Figure 35 : Croquis du Darjeeling Limited de Mark Friedberg, Portfolio de Mark Friedberg
30
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L’ampleur de ces difficultés se manifeste tout particulièrement dans le film Fantastic Mr. Fox, un film adapté du roman Fantastique Maître Renard de Roald Dahl (dont les œuvres font fréquemment l’objet d’adaptations cinématographiques à succès comme Charlie et la Chocolaterie). Il a passé pour cela un certain temps à la Gipsy House, l’endroit où l’auteur écrit ses romans, pour s’imprégner de l’ambiance dans laquelle ce dernier travaille. Ce film entièrement réalisé en stop motion est celui qui a nécessité le plus gros budget (40 000 000 $) après Life Aquatic (50 000 000 $). Cela s’explique effectivement par la quantité de maquettes, de marionnettes et de miniatures qu’il a fallut imaginer et réaliser pour le tournage, additionnées de toute la main d’œuvre nécessaire pour animer les marionnettes en stop-motion. Aussi appelée animation en volume, cette technique d’animation consiste à déplacer légèrement les objets filmés entre chaque prise de vue, l’idée étant de restituer un film de 24 images par seconde pour que l’illusion soit crédible et que la vidéo corresponde aux standard en vigueur. Wes Anderson précise à ce propos que de tout les effet spéciaux, ceux dont on comprend comment ils sont fait (il cite King Kong de Willis O’Brien dont la fourrure bouge entre chaque image, ou encore La Belle et la Bête de Jean Cocteau, lorsque des bras (appartenant à des personnes situées derrière le mur) portent des chandeliers) sont ceux qui le fascinent le plus. C’est Chris Appelhans (de Frogatstudios) qui en tant que Concept Artist et Concept Illustrator, qui fut chargé de transcrire en visuels (Figure 37, 38, 39) le scénario lui même inspiré du roman de Roald Dahl. Une fois de plus dans son travail, et par la suite dans le film, on peut voire apparaître des coupes lorsque les personnages creusent sous terre (Figure 39, 40). Il est ici aussi question de restituer une vue d’ensemble « exclusive ». Des plans apparaissent, mais il s’agit davantage de plans de stratégie que de plans faisant référence à l’architecture. Enfin, le monde de la maquette est largement exploré dans la mise en œuvre de Fantastic Mr. Fox, dans la mesure où cela a été nécessaire pour la réalisation de ce film en stop motion artisanal jusqu’au bout. Chris Appelhans qui avait déjà travaillé sur des projets de films d’animation en stop motion déclare16 que le rendu final de celui ci dégage quelque chose de très « fait-main », qu’il trouve très adapté à l’univers que le réalisateur a transposé dans ce film (Figure 41, 42).
16 «The “feel” of the film is just right. The stop-motion looks a little more handmade than some other recent films (Coraline), but I think it worked for this story and for the kind of laid-back tone that Wes was going for. » Chris Appelhans pour Kidsomo. Nancy, 8 Décembre 2009. ‘‘Insider Interview with ‘‘Fantastic Mr. Fox’’ Artist’’, Kidsomo, (consulté le 18.04.2017). 32
Figure 37 : Visuel de l’intérieur de l’usine pour Fantastic Mr. Fox par Chris Appelhans, Portfolio de Chris Appelhans
Figure 38 : Visuel d’une galerie sous-terraine pour Fantastic Mr. Fox par Chris Appelhans, Portfolio de Chris Appelhans
Figure 39 : Visuel d’une galerie sous-terraine pour Fantastic Mr. Fox par Chris Appelhans, Portfolio de Chris Appelhans
Figure 41 : Wes Anderson et les personnages miniatures de Fantastic Mr. Fox pendant le tournage
Figure 40 : Galerie sous-terraine, photogramme de Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson, 2004
Figure 42 : Maquette de la chambre de Ash, photogramme de Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson, 2004
Si Karlory Vary était elle aussi munit d’une tour d’observation dans ses hauteurs, cela dit c’est le Sphinx Observatory à Jungfraujoch (Figure 52), un col des Alpes bernoises situé en Suisse, qui a inspiré l’esthétique et la localisation de celui du Grand Budapest Hotel. Le funiculaire quant à lui (Figure 50) est une réplique presque exacte du funiculaire qui mène au Bada Castle -ou Royal Castle- à Budapest (Figure 49). Figure 43 : Photographie du Palace Bristol, Karlory Vary, République Tchèque
Figure 44 : Photographie du Grandhotel Pupp, Karlory Vary, République Tchèque
Figure 45 : Photographie de l’hôtel Gellert, Budapest, Hongrie
Mais quoi de plus démonstratif de l’utilisation de documents propre à représentation architecturale dans l’œuvre de Wes Anderson que son plus grand succès : The Grand Budapest Hotel. Celui-ci a demandé un travail de recherche pour la réalisation très important, et très proche de celui nécessaire en architecture. L’hôtel du Grand Budapest s’inspire très largement du Palace Bristol (Figure 43) ainsi que du Grandhotel Pupp (Figure 44, également utilisé pour Casino Royale de Martin Campbell) situé à Karlory Vary (en allemand Karlsbad), une ville thermale de République Tchèque, du Grandhotel Gellért à Budapest en Hongrie (Figure 45), mais aussi d’images d’hôtels européens d’époques puisées sur « Library of Congress »17 par Wes Anderson et son Production Designer (chef décorateur) Adam Stockhausen. La ville de Karlory Vary fut une source d’inspiration pour la République de Zubrowska, l’architecture des hôtels mais aussi les immeubles aux couleurs pastel le long de la rivière (Figure 46, 47) ; indique Adam Stockhausen18 , cependant leurs positions ne correspondait pas à ce qu’ils recherchaient, c’est pourquoi rien n’a été filmé à Karlory Vary, l’équipe a donc recréé leur propre ville de la république de Zubrowska inspiré de Karlory Vary. La statue du chamois qui la surplombe (Figure 48) a inspiré celle du cerf, visible sur la couverture du film.
Figure 46 : Photographie de la rue Láženská, Karlovy Vary, République Tchèque
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Figure 47 : Photographie des hôtels de Tržiště, Karlory Vary, République Tchèque
Figure 49 : Photographie du Budavári Sikló, le funiculaire de Budapest
Figure 50 : Photographie de maquette du funiculaire du Grand Budapest Hotel
Figure 51 : Plans et élévations du funiculaire du Grand Budapest Hotel, Carl Sprague
S’en est alors suivit un long travail de création, mené de front par Carl Sprague, le Concept Artist pour The Grand Budapest Hotel. Il fut en effet chargé de réaliser l’ensemble des visuels du film, à la suite de la lecture du scénario. Un travail qui le lie étroitement au réalisateur tant les résultats impactent le rendu visuel final du film, et qui se manifeste par une batterie de perspectives des différentes scènes du films, de plans, coupes et d’élévation des différents lieux : l’hôtel (Figure 55, 58), l’observatoire (Figure 53), la réserve de la boutique Mendl’s (Figure 57), le funiculaire (Figure 51), ou encore le coffre fort (Figure 56).
Figure 48 : Photographie de statue chamois depuis Jeleni Akok Cliff, vue sur Hotel Imperial, Karlovy Vary
Views of the Austro-Hungarian Empire, Library of Congress, 1ier Janvier 1890. (consulté le 18.04.2017)
18 “The town has a great quality to it. It has pastel-colored buildings along the river and several hotels in the hills above the town” Adam Stockhausen pour National Geographic. Angie McPherson, 27 Mars 2014. ‘‘You Can’t Really Stay at the Real Grand Budapest Hotel’’, National Geographic, (consulté le 18.04.2017). 34
Figure 52 : Photographie du le Sphinx Observatory, Jungfraujoch, Suisse
Figure 53 : Élévation de l’observatoire de Zubrowska, Carl Sprague
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Figure 54 : Observatoire de Zubrowska, photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014
Figure 55 : Élévation du Grand Budapest Hotel, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague
Figure 58 : Plans, coupes et élévations du Grand Budapest Hotel, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague
Figure 56 : Élévations du coffre fort, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague
Figure 57 : Plans, coupes et élévations de la réserve de la boutique Mendl’s, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague
Figure 63 : Photographie de la pâtisserie Aida, Vienne, Autriche Figure 59 : Photographie de la maquette du Grand Budapest Hotel, tournage
Figure 60 : Photographie de la maquette de l’observatoire de Zubrowska, tournage
Ces éléments ont nécessité un détail tout particulier, dans la mesure où deux maquettes (Figure 59, 60) en ont résulté, sous la direction cette fois du chef décorateur Adam Stockhausen dont le rôle est alors primordial ; celle de l’observatoire, et celle, bien connue, du Grand Budapest Hotel. Ces maquettes importantes, (3 mètres de haut pour l’hôtel) entièrement réalisées à la main, ont permis de filmer des plans larges de l’hôtel, que des bâtiments à l’échelle 1 ne permettent pas dans la même mesure. Il pourrait bien sûr s’agir de maquette virtuelle, ce à quoi le réalisateur se refuse catégoriquement. Les scènes d’intérieur, notamment le hall d’entrée du Grand Budapest Hôtel (Figure 62), ont été tournées au Görlitz Department Store (Görlitz, Allemagne, Figure 61), un grand magasin allemand Jugendstil (équivalent de l’Art Nouveau en Allemagne, daté de la fin du XIXe siècle), munit d’un énorme atrium vitré, datant de 1913 et conçu par l’architecte autrichien Carl Schumanns.
Figure 64 : Photographie de la crémerie Pfunds Molkerei, Dreden, Allemagne
La pâtisserie Mendl’s (Figure 65) s’inspire pour ce qui est du rose du visuel d’une pâtisserie emblématique de Vienne nommée Aida (Figure 63), tandis que les locaux utilisés sont ceux d’une crèmerie allemande située à Dreden, fondée en 1892 nommée Pfunds Molkerei (Figure 64), et dont les intérieurs sont entièrement et richement peints à la main dans un style néo-renaissance. Le Kriebstein Castle (Kriebstein, Allemagne, Figure 66) a permis de filmer les scènes extérieures de la prison « Checkpoint 19 » (Figure 67), tandis que les scènes d’intérieur ont été filmé au Osterstein Castle (Zwickau, Allemagne)
Figure 66 : Photographie du Kriebstein Castle, Kriebstein, Allemagne
Figure 61 : Photographie du hall du Görlitz Department Store, Görlitz, Allemagne
Figure 62 : Hall de l’hôtel, photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson
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Figure 65 : Photographie de la pâtisserie Mendl’s, The Grand Budapest Hotel, photographies de tournage, 2014
Figure 67 : Prison Checkpoint 19, photographies de tournage, The Grand Budapest Hotel
Au final, le film fut intégralement filmé en Allemagne, essentiellement dans la région de Saxe, ainsi qu’aux studios Babelsberg. Adam Stockhausen explique que Wes Anderson apprécie les mouvements de caméra complexes (notamment continus), de ce fait les espaces physiques où les scènes étaient tournées ont du suivre cette volonté : il en résulte la créations d’espaces « réels », très travaillés et persuasifs. 39
Ainsi les codes de représentations de l’architecture sont appliqués aux films de Wes Anderson aussi bien dans leur préparation qu’au final à l’écran, même si leur emploi diffèrent quand ils sont utilisé pour assister la conception d’un film de lorsqu’ils apparaissent littéralement à l’écran. Ils ne véhiculent pas non plus le même type d’informations pour un projet d’architecture dans la réalisation d’un film. Le cinéma fait rayonner et développe leur capacité d’abstraction des espaces au sein du film. Leur utilisation en architecture les met quant à elle au service de la description, et de la communication d’un projet. Ce projet est décomposé via ces différents modes de représentations dont chacun délivre une part des informations nécessaire à la compréhension totale d’un bâtiment. Au cinéma, il n’est pas nécessaire de faire comprendre en détails l’architecture au spectateur. Un réalisateur comme Wes Anderson peut donc ne choisir que le document qui l’intéresse, selon le type d’information sur l’espace qu’il souhaite communiquer pour son film. Il choisi ce qu’il montre et ce qu’il dissimule, ce qui l’orientera vers une coupe, un plan, une carte, une maquette ou encore une élévation. Ces document ne peuvent être dissociés de la façon dont ils sont filmés, qui participe à apparenter Wes Anderson à un architecte. Ces prises de vues très « chorégraphiques » ininterrompues, longues, changeantes ; ces plans zoomant sur des détails, défilant de l’intérieur vers l’extérieur, de bas en haut ou de gauche à droite de manière orthogonale, sont un démonstration des espaces qu’il récréé de toute pièce, piochant les différentes parties à travers une multitudes de références. Wes Anderson considère la spatialité de ses scènes. Il choisit comment il souhaite matérialiser les espaces pour choisir comment filmer. Il rend compte de ses choix de représentation de l’espace des prises de vues au montage pour les restituer fidèlement aux spectateurs. Cette volonté de restitution des espaces est ponctuée de l’intervention filmée des codes graphiques de représentations liées à l’architecture : cartes, plans, maquettes, coupes, élévations... Ils aident le spectateur à se situer, à comprendre les espaces, à les considérer dans leur ensemble, comme ce fut le cas lors de leur conception.
3.3 • Représentation
Dans cette partie il s’agira surtout de différencier, grâce aux films de Wes Anderson, les différents usages de l’architecture dans le cinéma, jusqu’à l’architecture comme protagoniste. _film sans architecture Ce type de film est dans un premier temps plus rare dans le cinéma ; car il est presque inévitable de faire référence à l’architecture, ne serait-ce qu’en générant un type d’espace où évoluent des personnages : elle cadre le récit, et lui donne des repères, qui constituent des clefs de compréhension pour les spectateurs. Le film le plus connu dans cette configuration est Dogville de Lars Van Trier, sorti en 2003. La quantité de décors est absolument minimum, certains sont même figurés par des bandes blanches au sol (Figure 68, 69). Le film Thérèse réalisé par Alain Chevalier et datant de 1986 fonctionne sur le même principe d’absence d’architecture et de décor minimum, parfois juste suggéré. Ce type de représentation est assez rare dans le cinéma, c’est une pratique plutôt associée au théâtre dont les moyens sont différents, et la dont mise en scène impose une autre marche à suivre. Chez Wes Anderson, le film sans architecture n’existe pas : au minimum l’architecture nous situe et nous informe sur plusieurs données spatiales, géographique ou Figure 68 : Photographie du plateau de tournage de Dogcity encore temporelle.
de l’architecture à l’écran
Les films de Wes Anderson constituent aussi un support de choix pour analyser les différentes manières dont l’architecture peut être envisagée au cours d’un film car il travaille consciemment à sa représentation à l’écran. Elle peut être plus ou moins présente et active, ou bien discrète et passive. Son œuvre ne permettra pas d’illustrer cette seconde catégorie, en tant que l’architecture prend toujours un rôle précis et défini dans chez le réalisateur. Une minutie extrême est apportée aux décors et donc à l’architecture, et à la manière dont elle est représentée à l’écran. 40
Figure 69 : Plan du plateau de tournage de Dogcity
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_l’architecture
figurative
Ce qui nous amène à la présence de l’architecture dans le cinéma dans un simple but figuratif. Dans ce cas l’architecture est à peine narrative, elle sert de décor et ce décor doit être travaillé dans le respect de l’ambiance du film et au service du scénario, sans pour autant qu’elle ne prenne le dessus. C’est le cas dans Moonrise Kingdom de Wes Anderson. Moonrise Kingdom retrace la rencontre de deux enfants, Sam et Suzy, leur correspondance, leur fugue, puis leurs aventures une fois réunis. L’un est un orphelin qui s’échappe de son camp de scouts, et l’autre est une enfant perturbée qui s’évade la demeure familiale. Ce film qui se déroule sur une île, comprend des plans emblématiques du réalisateur, notamment dans la maison de la famille de Suzy. Y apparaissent successivement un la demeure familiale des Bishop (Figure 70), un théâtre (Figure 72), un camp de scout (Figure 71), une église, sans jamais qu’aucun de ces lieux n’outrepasse leur fonction « basiques » au sein du film. Leur architecture n’est jamais tapageuse, elle remplie discrètement son rôle et adhère parfaitement à l’ambiance générale, sans se faire remarquer. La plupart des scènes se déroulent dans la nature, explorée et appropriée en de petits habitats temporaires par les deux jeunes protagonistes. En temps que simple décor, l’architecture se fait timide dans ce film, où sa présence mesurée nécessite tout de même de travailler sa discrétion et son juste effacement par rapport au scénario.
Figure 72 : Théâtre, Moonrise Kingdom, Wes Anderson, 2012, photogramme du Making Of
Figure 70 : Photographie de la Maison des Bishop, photographie de tournage de Moonrise Kingdom, 2012, Indian Paintbrush
Figure 71 : Photographie du camp scout Fort Lebanon, photo de tournage de Moonrise Kingdom, 2012, Indian Paintbrush
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_l’architecture
de la ville comme reference
L’architecture peut devenir autrement plus présente dans le déroulement d’un film, notamment quand celle ci intervient en tant que ville, comme référence historique. C’est le cas dans Hotel Chevalier, un court métrage introductif au film The Darjeeling Limited. Le film se déroule dans un hôtel parisien. C’est l’hôtel Raphael qui a été utilisé pour le tournage, un hôtel cinq étoiles familial et indépendant du 16° arrondissement, situé à côté des Champs Elysées, et construit en 1925 dans le style Art Déco (un style cher à Wes Anderson, récurrent dans son œuvre) par André Rousselot. La présence d’un monument dans le cinéma, pour peu qu’il soit suffisamment réputé, a pour vocation d’évoquer immédiatement un contexte dans l’esprit du spectateur. Dans ce film, l’architecture ancre le film dans une ville précise, grâce aux vues urbaines offertes par les fenêtres et balcons de l’hôtel, additionnées des allusions scénaristique : Paris est mentionnée, le français est parlé et écrit. L’architecture donne le cadre luxueux et connoté des beaux quartiers et hôtels de Paris, et l’imaginaire qui les accompagnes. Elle sous-entend alors la situation financière des deux protagonistes, deux jeunes adultes entretenant une relation amoureuse compliquée, joués par Natalie Portman et Jason Schwartzman. C’est aussi le cas dans Castello Cavalcanti, où l’architecture de la ville pose à la fois les bases de l’intrigue et du dénouement. L’histoire se déroule sur les environs d’une place de Castello Cavalcanti, un petit village italien. Ce court métrage a été tourné à Cinecittà, un complexe de studios de cinéma situé à Rome, où le décor de Castello Cavalcanti des années 1950 a été parfaitement restitué. Le pilote de formule 1 interprété par Jason Schwartzman s’écrase contre une statue de Castello Cavalcanti lors d’un étape de la course. Il réalise peu à peu qu’il est originaire de ce village et rencontre même un ce ces ancêtres sur place. Initialement en colère, il s’adoucit et décide finalement de rester un peu dans le village de ses racines. Ici ce décor citadin accompagne le récit sur le destin que fait Wes Anderson. Le décor du Castello Cavalcanti des années 50 (formica, couleurs vives des boissons aux enseignes, panneaux lumineux, costumes) évoque au spectateur un imaginaire italien soigné en rapport avec la famille, les liens, le retour aux origines… L’architecture en tant que ville joue un rôle très englobant dans le cinéma, l’imaginaire auquel elle peut renvoyer est puissant et riche de référence, et peut en dire beaucoup sur un film alors même qu’elle est dénuée de parole : simplement par des plans justement déterminés. La représentation de la ville dans le cinéma est un sujet à part entière, chez Wes Anderson elle est utilisée comme un outil architectural de plus qui nourrit son récit. Il s’en sert avec parcimonie et pertinence. Ces recours à la ville dans ses films ajoute une dose non négligeable de réalité à son univers personnel.
Figure 73 : Affiche officielle, Castello Cavalcanti, Wes Anderson, 2013, Prada
Figure 74 : Photogramme, Castello Cavalcanti, Wes Anderson, 2013, Prada
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_l’architecture
particuliere, cadre spatio-temporel
Plus ponctuelles que la ville mais aussi plus frappantes, les architectures particulières donnent quant à elles au cinéma des informations on ne peut plus précises l’espace et sur le temps. Elles fixent des cadres spatio-temporels très précis et marqués. C’es tout particulièrement le cas dans The Darjeeling Limited, où le train constitue un espace à vivre singulier. La notion d’espace, de petite cellule de vie (Figure 75, 76) traversant de grand espaces indiens, accompagne la visée du film : trois frères éloignés par leurs destins, se retrouvent pour un voyage qui se veut initiatique et spirituel à travers l’Inde. Incertains de ce qu’ils cherchent, la promiscuité qu’induit le train et qui transparait dans les cadrages génère des situations impossibles (Figure 77). Elles reflètent les liens entretenus par la fratrie, et font éclater leur histoire au spectateur, qui ne sait rien d’eux au commencement du film. On retrouve d’ailleurs le train dans Come Together, le court-métrage publicitaire pour H&M, où l’aspect train-cellule et sa promiscuité joue aussi au rapprochement des personnages. C’est également le cas dans Life Aquatic with Steve Zissou. Ce long-métrage est particulièrement riche d’espaces particuliers, gravitant autour l’architecture navale (Figure 78) et du monde de l’exploration. Le Belafonte (Figure 78, 79), son sous-marin, l’île abandonnée tombée entre les mains des pirates (Figure 82), mais aussi les repères marins en grande mer (Figure 80, 81) ou le cadre de vie isolé des Zissou (Figure 83). Chacun de ces espaces ont été imaginés de toutes pièce pour accompagner au mieux le récit des aventures de Steve Zissou, et participe à la création minutieuse de l’univers du film. On retrouve aussi cette ‘architecture phare’ comme emblème des sujets traités dans tout les films de Wes Anderson : la maison familiale (Figure 84, 85) et la chambre d’enfant dans The Royal Tenenbaums qui traite du passage à l’âge adulte et de l’évolution des liens familiaux ; l’école dans Rushmore et son élève surdoué à la fois trop enfant et trop adulte ; la maison familiale confrontée au camp scout et la tente dans Moonrise Kingdom qui met l’individualité face à l’appartenance à une famille ou à un groupe; l’enchaînement place, terrasse, restaurant dans Castello Cavalcanti qui questionne le retour aux racines, l’hôtel dans Hôtel Chevalier qui révèle à huis-clos un éclat de relation amoureuse. Utilisée comme point de repère dans le film, l’architecture est au service du récit. Elle épouse les thèmes traités, dans l’œuvre de Wes Anderson elle en révèle même des éléments que les dialogues taisent. Elle participe activement non seulement à l’intrigue du film, mais aussi à la visée de celui, aux intentions du réalisateur.
Figure 75 : Visuel du train de Mark Friedberg pour The Darjeeling Limited
Figure 76 : Vue depuis l’extérieur d’un compartiment du Darjeeling Limited, photogramme
Figure 78 : Coupe du Belafonte pour Life Aquatic with Steve Zissou, Portfolio de Mark Friedberg
Figure 80 : Visuel de la base marine et du Belefonte à ots pour Life Aquatic with Steve Zissou
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Figure 81 : Base marine assaillie, photogramme de Life Aquatic
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Figure 77 : Compartiment du Darjeeling Limited, photogramme
Figure 79 : Pont du Belefonte, photogramme de Life Aquatic
Figure 82 : Île abondonnée pour Life Aquatic with Steve Zissou, photographie de tournage
_l’architecture
protagoniste
Enfin, l’architecture peut aussi intervenir dans le cinéma en tant que protagoniste. C’est le cas dans The Grand Budapest Hotel. Il s’agit de distinguer dans un premier lieu l’architecture comme protagoniste, de l’architecture comme lieux clef d’un film. Même lorsque l’architecture est un cadre primordial de l’intrigue, comme l’école dans Rushmore ou la maison de famille dans The Royal Tenenbaums, elle s’efface au profit de cette dernière pour peu qu’elle ne soit pas un personnage du film à proprement parler. The Grand Budapest Hotel retrace la vie de l’hôtel de ses battements les plus intenses à son extinction progressive. L’hôtel n’est alors pas un prétexte pour l’intrigue, l’hôtel est l’intrigue, et le film s’applique à le faire vivre à travers les histoires nées et vécues entres ses murs. (Figure 86, 87, 88, 89) Ce long-métrage est une mise en abyme : une jeune femme trouve un livre qui relate l’histoire d’un écrivain à qui un homme à conté les histoires de l’hôtel. L’hôtel devient le personnage principal, et ne s’efface que très rarement pour laisser courir l’intrigue dont il est bien plus que le théâtre. Derrière ces histoires de destins, Wes Anderson nous parle de l’Europe, de la guerre, de ces incidences, tout cela dissimulé derrière la façade rose d’un hôtel d’Europe de l’est.
Figure 83 : Maison isolée des Zissou, photographie de tournage en parallèle du visuel préalable de Mark Friedberg, Portfolio de Mark Friedberg
Figure 84 : Maison des Tenenbaum, Photographie de tournage, The Royal Tenebaums, Wes Anderson, 2001
Figure 85 : Intérieur de la maison familliale des Tenenbaum, photogramme de The Royal Tenebaums, Wes Anderson, 2001
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Figure 86 : Entrée de l’hôtel assailli, photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014
Figure 88 : Hôtel tombé en désuètude, images promotielles, The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014, Fox Searchlight Pictures
Figure 87 : Af che of cielle, The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014, Fox Searchlight Pictures
Figure 89 : Hall de l’hôtel sur la n de sa vie, photogramme The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014, Fox Searchlight Pictures
IV. CONCLUSION Wes Anderson entretient consciemment les parallèles qui peuvent être établis entre l’architecture et le cinéma. Il en joue au travers de son œuvre, dans la mesure où il considère l’importance de la spatialité dans sa façon de réaliser des films. Si le réalisateur comme l’architecte imagine, produit et communique des espaces, l’œuvre de Wes Anderson peut être qualifiée d’architecturale dans la mesure où il produit de toute pièce des espaces, et qu’il les restitue à l’écran de manière accessible pour chaque spectateur. Cette accessibilité passe par l’utilisation dans ses films de codes de représentations de l’architecture, qu’il traite pour les rendre compréhensibles et intelligibles. L’appariation de ces documents à l’écran touche le public quand elle est banalisée, grâce à l’abstraction de l’espace qu’elle permet. Ils offrent une nouvelle appréhension des lieux à qui les observe, une vision plus omnisciente. C’est pourquoi Wes Anderson choisit avec soin les code qu’il utilise, selon les besoins scénaristiques : il a conscience de la valeur propre de chacun. Il sait que chacun de ces documents véhicule certaines informations, c’est pourquoi il les sélectionne tour à tour avec soin et les travaille avec précision tout au long de sa production. Son œuvre reflète l’instrumentalisation consciente de l’architecture au cinéma. Du processus de création des films jusqu’aux images projetée à l’écran, Wes Anderson contrôle et optimise la présente inévitable de l’architecture, main dans la main avec son équipe. Cette considération lie étroitement son travail à celui d’un architecte : le travail d’équipe, du processus de production au rendu final du projet, incluant sa postérité. Ce travail d’équipe est également une notion clef du parallèle architecte/réalisateur. Chacun à sa façon est un chef d’orchestre, qui maîtrise son domaine dans sa globalité et donne l’impulsion créative, les directions à prendre, et supervise la création. Chacun est à l’origine de son œuvre et la signe, chacun la réalise en contact avec une multitude de professionnels dont les compétences techniques ou artistiques demeurent essentielles au projet. La supervision d’une équipe nécessite de larges connaissances, et la conception d’un film ou d’un projet architectural de vastes connaissances culturelles. Wes Anderson, dans un recherche de précision pour l’esthétique de ses films, fait preuve comme son équipe d’une curiosité féroce pour tout les champs artistiques qui interviennent dans la réalisation des ses films. Cette démarche apporte rigueur et crédibilité à ses univers auprès des spectateurs. Un travail de référence est donc absolument nécessaire, aussi l’architecte et le réalisateur doivent systématiquement procéder à un travail de recherche, car leur œuvre s’inscrit obligatoirement dans un vaste contexte. Le réalisateur comme l’architecte doit avoir conscience du patrimoine au sein duquel il apporte une nouvelle production qui vient l’enrichir. 52
Ce rapport d’étude m’a permis de confronter la formation d’un architecte et le panel de compétences requises pour l’exercice de sa fonction à un autre type de chef de projet, élargissant au passage les milieux où la vision d’un architecte enrichi une production.
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ANNEXES
_Table
_Tableau des collaborateurs récurrents Page Wikipédia française de Wes Anderson (consultée le 02.05.2017) https://fr.wikipedia.org/wiki/ Wes_Anderson
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des figures
Figure 01 : Portrait de Wes Anderson, Fox Searchlight Pictures Figure 02 : Photo de la Villa Méditerranéenne, Marseille, Stefano Boerti, 2013, http://www.villa-mediterranee.org Figure 03 : Photo de la Philharmonie de Paris, Jean Nouvel + Brigitte Métra, 2015, http://philharmoniedeparis.fr/fr Figure 04 : Musée des Confluences, Lyon, Coop Himmelb(l)au, 2014, http://www.museedesconfluences.fr Figure 05 : Intégration des studios MIR, Lines Of Desire, Link Arc, Milano/Italy, 2012 Figure 06 : Intégration des studios MIR, Neumann Machine, Gensler NY, Wasteland City, 2014 Figure 07 : Intégration des studios MIR, Loop Too Fog, BIG, St Petersrburg/USA, 2011 Figure 08 : Photo du CNIT et du rond-point de la Défense en 1958. Archives départementales des Hauts-de- Seine Figure 09 : Affiche officielle du film The Nightmare Before Christmas, Tim Burton, Touchstone Pictures, Figure 10 : Affiche officielle du film Corpse Bride, Tim Burton, Tim Burton/Laika Entertainment Figure 11 : Affiche officielle du film Alice Au Pays des Marveilles, Tim Burton, Disney Figure 12 : Affiche officielle du film Frankenwinnie, Tim Burton, Disney Figure 13 : Tableau Morgen im Riesengebirge, Friedrich Caspar David, 1810, http://www.zeno.org Figure 14 : Tableau Kreuz im Gebirge, Friedrich Caspar David, 1812, http://www.zeno.org Figure 15 : Tableau Felspartie, Friedrich Caspar David, 1811, http://www.zeno.org Figure 16 : Tableau Tageszeitenzyklus, Der Morgen, Friedrich Caspar David 1821-22, http://www.landesmuseumhannover.niedersachsen.de/startseite/ Figure 17 : Photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014 Figure 18 : Photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014 Figure 19 : Tableau Boy With Apple, Micheal Taylor, 2014, http://www.mrtaylor.co.uk/news/boy-with-apple Figure 20 : Photo de Micheal Taylor en train de peindre Boy With Apple d’après modèle, 2014, http://www.mrtaylor. co.uk/news/boy-with-apple Figure 21 : Photo de Jacques-Yves Cousteau, http://www.cousteau.org/fr/le-commandant Figure 22 : Photo de Bill Murray dans Life Aquatic with Steve Zissou, Photos de promotions du film, Allociné Figure 23 : Arène en maquette virtuelle, photogramme de Hunger Games, Ross Gary, 2012 Figure 24 : Photo de la maquette grandeur nature du Belafonte, photos de tournage, Portfolio de Karl Friedberg Figure 25 : Photo des compartiments de la maquette grandeur nature du Belafonte, photos de tournage, Portfolio de Karl Friedberg Figure 26 : Steve Zissou devant la maquette coupée du Belafonte, photogramme de The Life Aquatic with Steve Zissou, Wes Anderson, 2004 Figure 27 : Tableau de Steve Zissou, photogramme de Life Aquatic With Steve Zissou, Wes Anderson, 2004 Figure 28 : Adidas Steve Zissou, photogramme de Life Aquatic With Steve Zissou, Wes Anderson, 2004 Figure 29 : Logo Steve Zissou, Touchstone Pictures Figure 30 : Bagagerie Louis Vuitton sur mesure, photogramme de The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007 Figure 31 : Carte de New Penzance Island, photogramme de Moonrise Kingdom, Wes Anderson, 2012 Figure 32 : Photographie du Cananicut Island Light en 2007, Kenneth C. Zirkel Figure 33 : Vue extérieure du Darjeeling Limited, photogramme de The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007 Figure 34 : Vue extérieure du Darjeeling Limited, photogramme de The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007 Figure 35 : Croquis du Darjeeling Limited de Mark Friedberg, Portfolio de Mark Friedberg Figure 36 : Reconstitution de l’élévation du train dans le Court métrage Come Together (Wes Anderson, 2016) d’après plans défilants, Marianne Esposito 59
Figure 37 : Visuel de l’intérieur de l’usine pour Fantastic Mr. Fox par Chris Appelhans, Portfolio de Chris Appelhans Figure 38 : Visuel d’une galerie sous-terraine pour Fantastic Mr. Fox par Chris Appelhans, Portfolio de Chris Appelhans Figure 39 : Visuel d’une galerie sous-terraine pour Fantastic Mr. Fox par Chris Appelhans, Portfolio de Chris Appelhans Figure 40 : Galerie sous-terraine, photogramme de Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson, 2004 Figure 41 : Wes Anderson et les personnages miniatures de Fantastic Mr. Fox pendant le tournage, photographies officielles, Twentieth Century Fox Film Corporation Figure 42 : Maquette de la chambre de Ash, photogramme de Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson, 2004 Figure 43 : Photographie du Palace Bristol, Karlory Vary, République Tchèque, site officiel de Karlory Vary, https:// www.karlovyvary.cz/en/hotel-bristol-palace Figure 44 : Photographie du Grandhotel Pupp, Karlory Vary, République Tchèque, site officiel de l’hôtel http://www. pupp.cz/fr/ Figure 45 : Photographie de l’hôtel Gellert, Budapest, Hongrie, Andrew Bossi Figure 46 : Photographie de la rue Láženská, Karlovy_Vary, République Tchèque, Yelkrokoyade Figure 47 : Photographie des hôtels de Tržiště, Karlory Vary, République Tchèque, Lala Lugo Figure 48 : Photographie de la statue de chamois depuis Jeleni Akok Cliff, vue sur l’Hotel Imperial, Karlovy Vary, République Tchèque, Mrlederhosen, https://www.flickr.com/photos/mrlederhosen/ Figure 49 : Photographie du Budavári Sikló, le funiculaire de Budapest, site officiel du Budavári Sikló, https://www.bkv. hu Figure 50 : Photographie du funiculaire du Grand Budapest Hotel, photographies de tournage, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 51 : Plans et élévations du funiculaire du Grand Budapest Hotel, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague Figure 52 : Photographie du le Sphinx Observatory, Jungfraujoch, Suisse, High Altitude Research StationsJungfraujoch and Gornergrat Figure 53 : Élévation de l’observatoire de Zubrowska, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague Figure 54 : Observatoire de Zubrowska, photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014 Figure 55 : Élévation du Grand Budapest Hotel, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague Figure 56 : Élévations du coffre fort, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague Figure 57 : Plans, coupes et élévations de la réserve, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague Figure 58 : Plans, coupes et élévations du Grand Budapest Hotel, Carl Sprague, Portfolio de Carl Sprague Figure 59 : Photographie de la maquette du Grand Budapest Hotel, photographies de tournage, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 60 : Photographie de la maquette de l’observatoire de Zubrowska, photographies de tournage, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 61 : Photographie du hall du Görlitz Department Store, Görlitz, Allemagne, Andreas Praefcke Figure 62 : Hall de l’hôtel, photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014 Figure 63 : Photographie de la pâtisserie Aida, Vienne, Autriche, site officiel, http://aida.at Figure 64 : Photographie de la crémerie Pfunds Molkerei, Dreden, Allemagne, site officiel de Pfunds Molkerei Figure 65 : Photographie de la pâtisserie Mendl’s, photographies de tournage, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 66 : Photographie du Kriebstein Castle, Kriebstein, Allemagne, Maja Dumat, https://www.flickr.com/ photos/47439717@N05 Figure 67 : Prison Checkpoint 19, photographies de tournage, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 68 : Photographie du plateau de tournage de Dogcity, Allociné Figure 69 : Plan du plateau de tournage de Dogcity, Allociné Figure 70 : Photographie de la Maison des Bishop, photographie de tournage de Moonrise Kingdom, 2012, Indian
Paintbrush Figure 71 : Photographie du camp scout Fort Lebanon, photo de tournage de Moonrise Kingdom, 2012, Indian Paintbrush Figure 72 : Photogramme du théâtre, Making Of de Moonrise Kingdom, Wes Anderson, 2012, Figure 73 : Affiche officielle, Castello Cavalcanti, Wes Anderson, 2013, Prada Figure 74 : Vue extérieur du café, photogramme, Castello Cavalcanti, Wes Anderson, 2013, Prada Figure 75 : Visuel du train de Mark Friedberg pour The Darjeeling Limited, Portfolio de Mark Friedberg Figure 76 : Vue depuis l’extérieur d’un compartiment du Darjeeling Limited, photogramme de The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007 Figure 77 : Compartiment du Darjeeling Limited, photogramme de The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007 Figure 78 : Coupe du Belafonte pour Life Aquatic with Steve Zissou, Portfolio de Mark Friedberg Figure 79 : Pont du Belefonte, photogramme de Life Aquatic with Steve Zissou, Wes Anderson, 2004 Figure 80 : Visuel de la base marine et du Belefonte à flots pour Life Aquatic with Steve Zissou, Portfolio de Mark Friedberg Figure 81 : Base marine assaillie, photogramme de Life Aquatic with Steve Zissou, Wes Anderson, 2004 Figure 82 : Île abondonnée pour Life Aquatic with Steve Zissou, photographie de tournage, Portfolio de Mark Friedberg Figure 83 : Maison isolée des Zissou, photographie de tournage en parallèle du visuel préalable de Mark Friedberg, Portfolio de Mark Friedberg Figure 84 : Maison des Tenenbaum, Photographie de tournage, The Royal Tenebaums, Wes Anderson, 2001 Figure 85 : Intérieur de la maison familliale des Tenenbaum, photogramme de The Royal Tenebaums, Wes Anderson, 2001 Figure 86 : Entrée de l’hôtel assailli, photogramme de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014 Figure 87 : Affiche officielle, The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 88 : Hôtel tombé en désuètude, images promotielles, The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014, Fox Searchlight Pictures Figure 89 : Hall de l’hôtel sur la fin de sa vie, photogramme The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson, 2014, Fox Searchlight Pictures
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_Résumé : Ce rapport effectue un rapprochement entre les films du réalisateur américain Wes Anderson et le processus de projet d’architecture. Le choix du cinéaste pour démontrer ces ressemblances se base sur son recours conscient à l’architecture dans ses films, de la conception à la production finale. Ainsi sont abordées les similitudes qui peuvent être établies entre l’architecte et le réalisateur au niveau de leur profession et de leur production, mais aussi la concrétisation de la rencontre du cinéma et de l’architecture à travers l’œuvre de Wes Anderson. La forte valeur architecturale de sa filmographie participe à son succès dans la mesure où l’architecture et la spatialité s’y trouvent retranscrites avec justesse pour le public. Dans un milieu tel que le cinéma où l’intervention de l’architecture est inévitable, Wes Anderson exploite son pouvoir d’évocation mieux que personne. This report brings together the movies of American director Wes Anderson and the architectural project process. The choice of the filmmaker to demonstrate these resemblances is based on his conscious use of architecture in his movies, from the conception to the final production. Thus are demonstrated the similarities that can be established between the architect and the director about their profession and their production, but also the concretization of the meeting of cinema and architecture through the work of Wes Anderson. The high architectural value of his filmography contributes to its success insofar as architecture and spatiality are accurately transcribed to the public. In a milieu such as cinema where the intervention of architecture is inevitable, Wes Anderson exploits its power of evocation better than anyone.
_Mots-clés : Architecture / Cinéma / Wes Anderson / Parallèles / Travail d’équipe / Spatialité / Représentation / Codes Architecture / Cinema / Wes Anderson / links / Team work / Spatiality / Representation / Codes .