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284 Le genre et le nombre de l’adjectif

TEXTE ET DISCOURS

La cohésion du texte

Souvent, il se forme au ciel des paysages d’une variété singulière, où se rencontrent les formes les plus bizarres. On y voit des promontoires, des rochers escarpés, des tours, des hameaux. La lumière y fait succéder toutes les couleurs du prisme. C’est peut-être à la richesse de ces couleurs qu’il faut attribuer la beauté des oiseaux de l’Inde et des coquillages de ces mers.

Bernardin de Saint-Pierre, Voyage à l’Île de France (île Maurice).

Les phrases de ce texte s’enchaînent les unes aux autres grâce au pronom adverbial y qui renvoie aux paysages, et au groupe nominal ces couleurs qui renvoie à toutes les couleurs du prisme. Ces reprises sont des marques de cohésion du texte.

QU’EST-CE QUE LA COHÉSION DU TEXTE ?

394 Cohérence et cohésion

• La cohérence concerne le sens du texte. Un texte est cohérent quand il contient des informations que le lecteur peut comprendre et quand il peut donc être interprété.

Barbara arrive souvent en retard à l’entraînement. Le gymnase est loin du centre ville.

Ce petit texte est cohérent. La deuxième phrase explique la raison pour laquelle Barbara est souvent en retard. Le soleil se lève. Brice a arrêté de fumer et il fume trop.

Ce petit texte est incohérent : la deuxième phrase comporte deux informations contradictoires et elle est sans rapport avec la première.

• La cohésion concerne l’organisation du texte. Elle repose sur des mots et sur des procédés grammaticaux qui relient les phrases entre elles et donnent au texte son unité. La succession des phrases dans un texte, en effet, obéit à certaines règles.

Le violoniste, distrait, a perdu son instrument dans un taxi. Il ne pourra donc pas monter sur scène ce soir.

La cohésion de ce petit texte repose notamment sur le pronom personnel Il, qui est anaphorique ➜402 du groupe nominal Le violoniste, et sur le connecteur ➜405 donc, qui exprime une relation de conséquence.

REMARQUE Les marques de cohésion ne sont pas nécessairement des marques de cohérence. Elles peuvent apparaître dans un texte incohérent.

Le soleil se lève. En outre, Brice a arrêté de fumer et, d’ailleurs, il fume trop. • Les marques de la cohésion d’un texte sont : les progressions thématiques, les anaphores et les connecteurs.

LA PROGRESSION THÉMATIQUE

395 Thème et propos

• Avant d’examiner la progression thématique d’un texte, il faut distinguer, pour chaque énoncé, ce qui relève du thème et ce qui relève du propos. Le thème représente ce qui est déjà connu, le propos l’information nouvelle

➜21.

Pierre ira à Brest la semaine prochaine.

Cet énoncé peut répondre à différentes questions : – Que fera Pierre ? → Pierre (le sujet) est le thème, ira à Brest la semaine prochaine (le prédicat) est le propos. – Quand Pierre ira-t-il à Brest ? → Pierre ira à Brest est le thème, la semaine prochaine (le complément circonstanciel de temps) est le propos. – Qui ira à Brest la semaine prochaine ? →ira à Brest la semaine prochaine (le prédicat) est le thème, Pierre (le sujet) est le propos.

396 Qu’est-ce qu’une progression thématique ?

• Au niveau du texte, on appelle progression thématique la manière dont les thèmes et les propos se succèdent et s’enchaînent d’une phrase à l’autre.

REMARQUE Quand on parle du texte, on utilise, par commodité, le terme de phrase, même si le terme d’énoncé peut paraître plus juste : l’analyse en thème et propos relève davantage de l’énoncé que de la phrase proprement dite.

• Il existe trois grands types de progression thématique : la progression à thème constant, la progression linéaire et la progression à thèmes dérivés.

397 La progression à thème constant

• Le même thème apparaît dans des phrases successives, qui présentent des propos différents. Cette progression, la plus courante, est utilisée en particulier dans le récit ou dans la description quand le même personnage ou le même objet est désigné.

En plus de toutes les raisons qu’il a d’être excité, Jerphanion n’a pour ainsi dire pas dormi. Hier soir, à Saint-Étienne, il n’a pas eu le courage de se coucher de bonne heure. Il est allé au café. Il a traîné dans les rues. Il a respiré les ombres de la place de la République […].

Jules Romains, Le Six octobre, © éditions Robert Laffont. Le nom propre Jerphanion est repris par le pronom personnel Il au début de chaque phrase. Le récit avance en associant à un même thème des propos différents : n’a pour ainsi dire pas dormi, n’a pas eu le courage de se coucher de bonne heure, est allé au café, etc.

398 La progression linéaire

• Le propos d’une phrase est à l’origine du thème de la phrase suivante.

Madame Vauquer, née de Conflans, est une vieille femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve-

Sainte-Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint-Marceau.

Cette pension, connue sous le nom de la Maison-Vauquer, admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable établissement.

Honoré de Balzac, Le Père Goriot. Une partie du propos de la première phrase fournit le thème de la deuxième phrase : Cette pension.

399 La progression à thèmes dérivés

• Un thème principal est divisé en thèmes secondaires.

Cependant, par la porte grande ouverte, le quartier regardait et était de la noce. Des passants s’arrêtaient dans le coup de lumière élargi sur les pavés, et riaient d’aise, à voir ces gens avaler de si bon cœur. Les cochers, penchés sur leurs sièges, fouettant leurs rosses, jetaient un regard, lâchaient une rigolade : « Dis donc, tu ne paies rien ?... Ohé ! la grosse mère, je vas chercher l’accoucheuse !... » Et l’odeur de l’oie réjouissait et épanouissait la rue ; les garçons de l’épicier croyaient manger de la bête, sur le trottoir d’en face ; la fruitière et la tripière, à chaque instant, venaient se planter devant leur boutique, pour renifler l’air, en se léchant les lèvres. Positivement, la rue crevait d’indigestion. Mmes Cudorge, la mère et la fille, les marchandes de parapluie d’à côté, qu’on n’apercevait jamais, traversèrent la chaussée l’une derrière l’autre, les yeux en coulisse, rouges comme si elles avaient fait des crêpes. Le petit bijoutier, assis à son établi, ne pouvait plus travailler, soûl d’avoir compté les litres, très excité au milieu de ses coucous joyeux. Oui, les voisins en fumaient ! criait Coupeau. Émile Zola, L’Assommoir.

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