L’urbanisme vertical de Genève La surélévation comme alternative
Plouhinec Marie - Master 2 - 2017-2018 Directeur de mémoire : Cyrille Faivre-Aublin : Espace de la tectonique
MERCI À Cyrille Faivre-Aublin, mon directeur de mémoire, pour le suivi et l’aide apportés tout au long de ce semestre. Frédéric Wüest, responsable du cours TeTU à l’Hepia, pour les cours qu’il m’a transmis sur les tissus urbains genevois et qui m’ont été d’une grande aide. Maeva, Julien, et mes parents pour leur soutien et leur présence. L’agence Raphael Nussbaumer et Group8, architectes à Genève, pour les documents qu’ils m’ont transmis ainsi que les réponses qu’ils m’ont apportées à propos de leur projet. Stephen Griek, architecte et responsable du pôle PAV au DALE, pour les renseignements et les idées qui ont enrichi les différentes parties de ce mémoire.
Figure 1 : Google Map de la ville de Genève decembre 2017
Figure 2 : Collage de la ville de Genève et Manhattan
SOMMAIRE Avant-propos
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Introduction
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I. La ville surélevée de Genève
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1.Les typologies des surélévations
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a. Prolonger
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b. Envelopper
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c. Suggérer
24
d. Contraster
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2. L’impact des morphologies urbaines
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a. Isolé
38
b. Contigu
40
c. En angle
42
d. En tête
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3. Bilan
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II. L’urbanisme vertical de Genève
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1. Les caratéristiques de la ville de Genève
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a. La congestion urbaine
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b. La course à la hauteur
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c. La recherche de densité
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2. Les théories applicables à la ville de Genève
70
a. La culture de la congestion de Rem Koolhaas
73
b. L’inachèvement perpétuel d’Antoine Grumbach
77
c. Le territoire comme palimpseste d’André Corboz
81
3. Bilan
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Conclusion
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Liste des sources des figures
92
Liste des acronymes
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Bibliographie
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Annexes
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AVANT-PROPOS Elles se dressent, défiant le ciel, seul élément qui les surplombe. Elles surprennent et suscitent la curiosité de ceux qui les côtoient. Elles créent la polémique, les citoyens décriant les ruptures de styles, au nom de l’harmonie de la ville de Genève. Elles peuvent être aussi une alternative à son évolution. Elles résonnent comme un changement architectural et urbain. Leurs apparitions re-questionnent la ville et viennent bouleverser l’ensemble des codes architecturaux. Elles, se sont les surélévations. Inévitablement, s’imposant un peu partout dans le décor genevois, elles interrogent l’étudiante en architecture que je suis. Lors de mon stage d’une année au sein du bureau Magizan, j’évalue alors, au travers de nombreux projets architecturaux, l’ampleur de ce phénomène. Est- il singulier? Qu’est ce qui fait de lui un élément si prégnant en comparaison à d’autres villes? Paris, Londres, New York, Bâle, Zurich, Grenoble, Bologne, comme Genève, cherchent elles aussi à s’étendre. En quoi la stratégie d’expansion diffère-t-elle d’une ville à l’autre? Et pour quelles raison? La topographie, la démographie sont sans doute au cœur du sujet, et procèdent d’un choix: l’étalement urbain pour certaines, ou l’extension verticale, pour Genève par exemple. Fort de ces questionnements, j’ai souhaité approfondir le sujet, en le développant dans le cadre de mon mémoire de Master 2 à l’ENSAPVS. Pour ce faire, j’ai établi une classification des différentes surélévations à Genève en fonction de leurs typologies. De cette classification j’ai retenu quatre cas. La Rue des Vernes 22-24 – Avenue de Vaudagne 47-49-51 par le groupe Batineg, la Rue Daubin 25-27-29 du Goup8, l’Hôtel Cornavin des architectes Devanthéry et Lamunière et l’Avenue de Secheron 9 de Raphael Nussbaumer. J’ai ensuite étudié leurs morphologies urbaines afin de comprendre leurs rapports à la ville. Suite à cette analyse je me suis intéressée aux volontés des acteurs de la ville de Genève afin de comprendre les caractéristiques de l’extension urbaine. Ces faits ont mis en évidence une urbanisation verticale. Dans un dernier temps je les ai comparées aux théories existantes de la ville verticale.
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INTRODUCTION Genève subit actuellement une crise du logement de grande ampleur. D’après la LDTR (Loi sur les démolitions, transformations, et rénovations des maisons d’habitation.) « Il y a pénurie d’appartements lorsque le taux de logements vacants est inférieur à 2% du parc immobilier »1. Si l’on se fie à cette affirmation, le canton de Genève serait en pénurie permanente de logements depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avant cette période, la pénurie était purement chronique. Ces phénomènes s’expliquent de plusieurs manières. Premièrement, la situation géographique et topographique de Genève amène à comparer cette ville à une île. Certes, elle n’est pas entourée seulement d’eau, mais de frontières tout aussi infranchissables, telles que les montagnes, la frontière avec la France, le canton de Vaud ou encore le Lac Léman. En ce sens, elle est circonscrite et donc inextensible horizontalement. La ville a donc pu absorber les premiers flux de personnes et s’étendre jusqu’à ses frontières, mais pas au-delà. Il est vrai que d’un point de vue historique, Genève a vu arriver de nombreuses vagues d’immigrés, les protestants pendant la réforme du XVIe siècle, ou encore les ouvriers venus principalement d’Europe aux XVIIIe et XIXe siècle. Ces phénomènes ont créé des pénuries dites chroniques. Ces dernières étaient présentes le temps de construire de nouvelles habitations sur une parcelle inutilisée. La ville avait à l’époque la possibilité de s’étaler. Aujourd’hui, la situation est toute autre, Genève continue d’attirer les populations. En effet le commerce y est lucratif et il y fait bon vivre. Il y a le lac pour se rafraîchir l’été et les montagnes pour les sports d’hivers. Mais le canton a atteint ses limites et peu de logements disponibles à proposer à ses nouveaux arrivants. Dans ce contexte, la ville a trouvé une solution, celle de l’extension verticale. A l’instar de New York City, la ville s’élève. Le moyen utilisé est principalement la surélévation. «Cette action d’élever ou de s’élever à un niveau plus haut qu’un niveau antérieur ou qu’un niveau considéré comme normal»2. Puisqu’il est devenu impossible pour la ville de Genève de s’étendre horizontalement, le moyen de contourner cette problématique est d’envisager la verticalité. 7 1. Loi du 25 janvier 1996 : https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_l5_20.html 2. http://www.cnrtl.fr
Ainsi, depuis quelques années, la ville de Genève se tourne vers cette alternative. Cela commence dès 1988, avec la Loi sur les constructions et installations diverses (LCI)1. Ce sont les premiers pas vers l’expansion légiférée de la ville. La surélévation est réalisée au cas par cas, et la plupart du temps un seul étage supplémentaire est accepté. «Après consultation de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites, le département établit des cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d’être surélevés»2 ou encore «Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit, à condition que celle-ci ne compromette pas l’harmonie urbanistique de la rue; il est notamment tenu compte du gabarit des immeubles voisins.»3. Cette loi paraissait trop restrictive pour les investisseurs, une nouvelle loi est alors proposée en 2005. Le texte propose de surélever de deux niveaux tout bâtiment construit il y a moins de cinq ans, et d’augmenter le gabarit des immeubles, passant ainsi de 21 mètres à 27 mètres en zone 2 et de 24 mètres à 30 mètres en zone 3. Mais cette mise en vigueur suscite de nombreuses oppositions et contestations au nom de l’harmonie de la rue et de la ville. En 2015, le Service d’urbanisme de la ville de Genève fait appel à Bruno Marchand, architecte à l’EPFL, qui propose un cadre d’évaluation. Le respect de ces critères permet l’obtention de l’autorisation de construire. Cette procédure dite ABCD4 permet de contraindre les architectes afin que l’harmonie de la ville soit respectée. Le bâtiment doit répondre à un certain nombre de critères à différentes échelles, celle du quartier, de l’îlot et de la rue. Selon le service du Département des constructions et des technologies de l’information de l’État de Genève (DCTI), le potentiel théorique du nombre de bâtiments surélevés dans les zones d’étude est estimé à 1041. Sachant que la surface brute de plancher, pour la majorité des immeubles, se situe entre 200 m2 et 500 m2, plus de 10 000 logements pourraient être construits. C’est dans ce contexte que j’ai décidé d’étudier le sujet de la surélévation genevoise. Cela m’a permis de comprendre cette démarche, d’en exposer les phénomènes, d’en identifier les impacts sur la ville, et de pouvoir répondre à certaines interrogations : Sur quelle durée cette méthode est-elle la solution à la pénurie de logements ? Est-ce pérenne ? Est-elle transposable à d’autres villes ? Par conséquent, en quoi la ville surélevée de Genève peut-elle être considérée comme un exemple d’urbanisme vertical?
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Pour répondre à cette question, j’ai abordé la présentation de ce sujet selon deux 1. Annexe 1 2. Loi du 14 avril 1988 : https://www.ge.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_l5_05.html 3. Ibid 4. Annexe 2
parties. La première porte sur l’analyse des typologies et les morphologies urbaines des surélévations afin de comprendre les volontés architecturales exprimées les architectes. La deuxième porte sur les caractéristiques de la ville de Genève afin de la comparer aux théories de la ville verticale.
9
I. LA VILLE SURÉLEVÉE DE GENÈVE Pour rappel, la surélévation est «cette action d’élever ou de s’élever à un niveau plus haut qu’un niveau antérieur ou qu’un niveau considéré comme normal»1. Depuis la procédure ABCD de Bruno Marchand mise en vigueur par le Service d’urbanisme de la ville de Genève en 2015, l’aspect extérieur des bâtiments, leur esthétique, a beaucoup évolué. Même si quelques débats demeurent encore, la surélévation est toutefois mieux acceptée par les habitants de Genève. Ce procédé permettant d’accroître la densité de la ville, est un enjeu pour la ville et ses acteurs, dont les maîtres d’œuvre, comme les architectes, en ont la charge. C’est sur eux que repose la finalité des divers aspects et fonctionnalités des surélévations. Les maîtres d’œuvre peuvent adopter différents langages architecturaux. Ils peuvent essayer de dissimuler la surélévation ou au contraire l’exhiber, prendre en compte l’existant pour s’en inspirer ou au contraire la feindre et créer une expression nouvelle. Ils choisissent ainsi d’être en rupture avec l’existant ou non. Cet artefact vivement critiqué ne représenterait-il pas la ville de Genève d’aujourd’hui? Celle, à l’air de l’innovation technologique, qui attire de plus en plus la population, les multinationales et leur siège social. Finalement, la surélévation ne serait-elle pas la nouvelle identité de Genève?
11 1. http://www.cnrtl.fr
Figure 3 : SchĂŠmas reprĂŠsentant les quatre typologies
1. LES TYPOLOGIES DES SURÉLÉVATIONS «La typologie est l’un des fondements les plus précis du projet architectural. Nous pourrions dire qu’elle est, exprimée ou non, l’essence même du projet de l’architecture (de son projet unique en quelque sorte).»1. D’après J.M. Lamunière, la typologie crée le projet. Mais est-ce le cas dans le cadre d’un projet de surélévation. La typologie devient-elle la représentation du projet? La surélévation est le principe de poser un volume sur un autre préexistant. Il existe une infinité d’articulations possibles entre ces deux volumes. L’impact du point de vue de la rue est lui aussi illimité, car ce qui est en hauteur est aussi visible (ou au moins en partie) depuis le sol. Les architectes en ont pleinement conscience lors de la réalisation de leur projet. Il s’agit d’un choix. Se faire discret ou au contraire s’afficher. Bien sûr, cette décision ne dépend pas seulement de l’architecte. Beaucoup de paramètres sont à prendre en compte, notamment le financement, les lois, les normes, les volontés du propriétaire, mais aussi la capacité de l’édifice existant à supporter les charges supplémentaires. À la suite de la réalisation d’un catalogue regroupant différentes surélévations genevoises, j’ai remarqué quatre volontés architecturales: -Prolonger -Envelopper -Suggérer -Contraster C’est au travers de quatre cas d’études que je développerai ces partis pris. J’analyserai dans un premier temps la typologie adoptée par le maître d’œuvre, pour pouvoir ensuite étudier l’impact produit sur les logements et enfin comprendre leurs mises en œuvre. La cause principale des surélévations genevoises vient de la pénurie de logements à Genève. C’est pourquoi les cas d’études choisis sont majoritairement des logements.
13 1. Jean-Marc Lamunière, Le classement typologique en architecture, Habitation : revue trimestrielle de la section romande de l’Association Suisse pour l’Habitat, 1988.
A. PROLONGER Définition Prolonger : Augmenter la longueur de quelque chose1 La surélévation par prolongation devient la typologie la plus courante à Genève. Il s’agit d’un mimétisme de la volumétrie, des lignes directrices et de la matérialité de l’immeuble existant. La partie ajoutée n’a aucun langage propre, elle continue celui établi par le «déjà-là». Ce procédé permet une imperceptibilité de la surélévation par le passant. Le bâtiment trône tel un immeuble unique et indivisible. Aucune distinction n’émane, si peu d’attention est porté à l’égard de l’immeuble, il semble parfaitement homogène. Pourtant, certaines traces sont décelables, par exemple, une légère différence de teinte de crépis, ou de châssis du vitrage (Ce dernier plus moderne, est généralement plus fin). Dans la plupart des immeubles suivant cette typologie, la similitude ne se répercute pas en ce qui concerne les typologies des logements. La structure est conservée et superposée aux niveaux supérieurs, organisant une trame régulière, mais les nouveaux logements créés doivent dorénavant répondre aux nouvelles normes établies par le Règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (RGL)2. Aujourd’hui, la taille des pièces est plus important qu’auparavant. En conséquence, si le salon d’un trois pièces ( à tire informatif le nombre de pièces d’un logement se calcule différemment de celui de la France)3 mesurait dans la partie existante 25m2, la superposition des murs aux niveaux de la surélévation n’est pas concevable, puisque la loi demande actuellement un minima de 27m2 pour un appartement de la même taille. En architecture, prolonger est un terme fréquemment utilisé. La plupart du temps la prolongation est utilisée d’un point de vue horizontal. Je pense notamment au Pavillon de Barcelone de Mies Van Der Rohe4 qui prolonge l’intérieur à l’extérieur en utilisant la même nature du traitement de sol. Dans le cas de la surélévation, la prolongation s’opère verticalement sur plusieurs aspects de l’édifice. Il peut s’agir de l’enveloppe extérieure, mais aussi de la structure.
15 1. Dictionnaire Larousse 2. Annexe 3 3. Ibid 4. Annexe 4
Application au cas de la Rue des Vernes 22-24 – Avenue de Vaudagne 4749-51 Présentation générale du projet La Fondation Parloca Genève a mandaté le groupe Batineg pour la surélévation et la rénovation de cinq immeubles à Meyrin (Banlieue genevoise). Le groupe Batineg est composé d’architectes, d’ingénieurs et Figure 4 : Rue des Vernes 22-24 – avenue de Vaudagne 47-49-51, façade est.
d’économistes de la construction. Le projet porte sur l’ajout de trente-huit logements supplémentaires. Leurs tailles sont différentes, du trois au cinq pièces. La rénovation du bâtiment existant était une demande de la Fondation. Cela permet «d’accroître la qualité de vie de ses résidents, d’optimiser le bilan énergétique de l’ensemble et de mettre à niveau une construction datant de
Figure 5 : Rue des Vernes 22-24 – avenue de Vaudagne 47-49-51, façade ouest.
1965.»1. Typologie : Prolonger Cette typologie n’est pas la plus stimulante puisqu’elle ne requiert aucune créativité pour l’architecte. Au contraire, on lui impose une contrainte, celle de la répétition des étages inférieurs. (voir figure 4 et 5 cicontre). Dans le cas présenté ici, à première vue, rien ne semble avoir changé, ni le langage architectural, ni la couleur. Seuls les matériaux diffèrent pour des raisons énergétiques mais tout en restant discret. Logement : Coller
1m
5m
Figure 6 : Schéma montrant la disposition des appartements
En ce qui concerne les logements, il s’agit d’une
répétition
typologique
sur
deux
étages. Les logements sont établis afin qu’il y ait le moins de perte d’espace possible. Cela rend compte du caractère social de l’immeuble. Les coûts sont réduits et cela
16 1. http://www.batineg.ch/realisations/surelevation-et-renovation-de-5-immeubles-2065
se répercute, non pas sur la qualité des logements, mais sur les typologies mises en œuvre. Cette typologie est appelée collage : «coller : le collage renvoie à la juxtaposition, au sein d’un même étage, de plusieurs ensembles typologiques sans articulation. L’immeuble est constitué d’un plan d’étage courant, la variété étant exclusivement générée par les différentes séquences d’appartements qui lui permettent de réagir de manière spécifique au contexte.»1. La surélévation présente cinq noyaux distributifs, chacun de ces noyaux dessert quatre appartements, à l’exception du dernier qui n’en distribue que trois. Les appartements sont traversants, et les plus grands disposent d’un bow-window. La cuisine et le séjour, donnant sur des loggias, sont placés à l’est tandis que les chambres donnent sur l’ouest. (voir figure 6 ci-contre). Structure : Mixte et renfort en carbone D’après Nadia Hoyet, «La mise en œuvre des matériaux de construction varie suivant leurs propriétés physiques qui conditionnent leur capacité à résister aux efforts et aux contraintes auxquels ils sont soumis en situation d’utilisation dans la construction»2. C’est dans cette idée qu’a été pensée la surélévation. Plusieurs matériaux ont été utilisés, chacun pour leurs propriétés spécifiques. Le choix s’est porté sur une structure métallique. Sa pose et la préfabrication en atelier permettent de raccourcir les délais du chantier. Les poutres en métal ont un avantage pour les surélévations : leur poids propre faible. Dans un second temps, Batineg étant un groupe ancré écologiquement, il a choisi un matériau en accord avec son idéologie : le bois, utilisé pour l’ossature en façade. «Le bois s’impose naturellement pour ses nombreuses qualités : bienêtre, écologie et développement durable, légèreté structurelle, rapidité de mise en œuvre grâce à une importante préfabrication, diminution des nuisances de chantier pour les locataires.»3. Un troisième matériau est utilisé, celui de la brique pour construire les murs. Ces derniers sont nécessaires pour la reprise des résistances sismiques du bâtiment. Des plaques minérales recouvrent et ventilent la façade. Elles donnent l’aspect brillant à la surélévation. Enfin, des lamelles de carbone et de piliers en béton-armé ont été ajoutés dans certaines parties communes du bâtiment pour sa mise en conformité.
17 1. Bruno Marchand et Christophe Joud, cahier et théorie, mixité typologique du logement collectif de le Corbusier à nos jour, presses polytechniques et universitaires romandes, 2014, p51. 2. Matériaux et architecture durable: fabrication et transformations, propriétés physiques et architecturales, approche environnementale, dunod, 2013, p.20 3. http://www.batineg.ch/realisations/surelevation-et-renovation-de-5-immeubles-2065
B. ENVELOPPER Définition Envelopper : Entourer, couvrir complètement quelqu’un, quelque chose avec quelque chose1 Cette typologie remodèle l’aspect de l’existant en ajoutant une couche au-dessus de l’ensemble de l’immeuble. Il s’agit d’un habillement extérieur sans pour autant modifier obligatoirement la partie intérieure. Cette enveloppe possède plusieurs rôles. L’un d’entre eux est cette peau qui reflète la nouvelle identité de l’immeuble, à la différence d’un volume posé sur une base existante et laissé de façon visible. Dans ce cas, une couverture vient par dessus et établit une uniformité de l’immeuble. Cette enveloppe joue aussi un rôle d’un camouflage de la façade existante. D’un point de vue extérieur, la surélévation et le bâtiment existant forment un tout. Cette typologie se veut tout aussi discrète que la précédente. Ou encore, cette enveloppe est utilisée dans le cadre d’une remise aux normes de l’existant. La nouvelle peau répare l’étanchéité thermique et acoustique de la façade souvent défectueuse. Ces raisons devraient pousser cette option à être l’une des plus souvent choisie, mais ce n’est pas le cas. L’inconvénient de cette méthode est qu’elle est onéreuse. Certains, comme Pierre Bonnet (architecte à Genève), parlent d’un taux de rentabilité trop faible qui amènerait plus d’acteurs à l’origine de la surélévation à vouloir détruire et reconstruire plutôt que surélever et remettre aux normes2. De plus, à la différence d’une construction neuve, les percées existantes doivent être considérées, afin que le minimum de distinctions s’opèrent entre l’existant et la surélévation. Ceci peut également être perçu comme un inconvénient par les architectes.
19 1. Dictionnaire Larousse 2. BONNET Pierre – La ville sous-exploitée pour COMTESSE Xavier - Élever la ville – contribution et débats sur la densification urbaine en Suisse romande, Avenir suisse, novembre 2008.
Application au cas de l’Avenue de Secheron 9 Présentation générale du projet Le bâtiment existant de l’Avenue de Secheron 9 (A titre informatif, en Suisse, le numéro de la rue se place à la fin de l’adresse. J’utiliserai tout au long de ce mémoire cette forme d’écriture) date de l’après-guerre. Il s’agit alors d’un immeuble typique de quatre étages composés de deux appartements de deux chambres chacun. L’agence Raphaël Nussbaumer Architectes est en charge du projet. Il constate l’état délabré du bâti actuel. Les vitres sont encore Figure 7 : Avenue de Secheron 9, façade nord
en simple vitrage, la façade est trop fine, et pose des problèmes de mauvaise isolation. La priorité n’est pas seulement d’agrandir, mais aussi d’assainir.
D’un inconvénient
l’architecte en tire un atout : il dit que « Le projet de surélévation devient une opportunité pour redonner un second souffle à cette construction»1. Il décide alors d’isoler la façade par l’extérieur, c’est en effet la solution la plus simple, afin d’éviter tout pont thermique entre dalles et murs. Il peut ainsi profiter du changement de façade pour y inscrire son projet. Figure 8 : Avenue de Secheron 9, façade sud
Typologie : Envelopper Comme expliqué précédemment, cette enveloppe constante tout au long du bâtiment permet ce rendu. Aucune discordance, décrochage ou retrait n’est présent. D’un point de vue extérieur, le bâti existant et la surélévation ne forment qu’un et c’est le rendu voulu par Raphaël Nussbaumer. Le traitement (matériaux, couleur, structure) est le même du rez de chaussée au dernier étage.
20
La seule différence notable est le dimen1. Anna Hohler, Werk : baeun+wohnen, Un emballage compact -Surélévation à Genève de Raphaël Nussbaumer.
sionnement des ouvertures en façade. La surélévation, sur les niveaux six et sept, comporte cinq fenêtres plus grandes que celles des cinq niveaux existants, et quatre fenêtres sur le niveau huit. «Mais cela est absorbé de manière subtile par un quadrillage, qui crée un effet d’illusion optique tendant à donner une impression d’unité. Un joint horizontal fin donne le seul indice immédiat de l’opération de surélévation.»1 décrit M.Nussbaumer. Ce «manteau»2 est inventé de toute pièce, puisqu’avec la mise aux normes de la façade et de son isolation, l’architecte et son équipe peuvent repartir de zéro et ainsi donner une nouvelle identité à l’avenue de Secheron 9. Pour cette décision, le bureau fait appel à Karim Noureldin. Cet artiste choisit d’appliquer une peinture cuivrée en trame irrégulière qui change de couleur selon l’orientation et l’intensité de la lumière. Ce traitement de la façade ne passe pas inaperçu auprès des habitants et des passants du quartier. C’est vrai que l’immeuble se distingue clairement de ses voisins, tous de diverses époques. L’architecte se défend : «Cette autonomie des deux façades par rapport à leurs voisins directs constitue une réponse cohérente vis-à-vis de l’hétérogénéité de l’îlot. Cette attitude met en évidence la question de l’« harmonie urbanistique de la rue», un concept introduit par la législation cantonale genevoise des surélévations, particulière à plusieurs égards.»3 Le traitement de l’immeuble est différent pour chacune de ses deux façades. La raison en est que l’une profite d’une orientation plein sud et bénéficie en plus d’une échappée visuelle au travers de la cour de l’îlot (voir figure 7 ci contre), et que l’autre est exposée plein nord et donne sur la rue. (Voir figure 8 ci contre). Le nouveau traitement de la façade a profité aussi bien aux typologies de l’existant qu’à celles de la surélévation. Logement : Emboîter Une grande diversité du nombre de pièces entre les logements existe. Pour autant, une unité est présente, puisque l’exposition solaire du bâtiment reste la même à tous les étages, en respectant le salon avec les loggias au sud, et les chambres au nord. Bruno Marchand et Christophe Joud définissent cette typologie comme l’emboîtement, pour eux «Emboîter : La figure de l’emboîtement se manifeste par une imbrication en coupe de certaines pièces ou parties du logement, à la manière d’un jeu de Tetris; les espaces s’intercalent entre les étages, grâce à des doubles hauteurs ou des demi-niveaux. Ce dispositif tend à fragmenter la lecture au sol de références ou d’un plafond filant au sein de l’appartement pour en accentuer les volumétries intérieures»4. En effet, comme nous pouvons l’apercevoir sur la fi1. Anna Hohler, Werk : baeun+wohnen, Un emballage compact -Surélévation à Genève de Raphaël Nussbaumer. 2. Ibid 3. Ibid 4.1. Bruno Marchand et Christophe Joud, cahier et théorie, mixité typologique du logement collectif de le Corbusier à nos jour, presses polytechniques et universitaires romandes, 2014, p51.
21
gure 9 ci-contre, l’ensemble en axonométrie ressemble à un Tetris, et rend complexe la lecture du plan. La surélévation comprenant l’étage cinq, six, et sept, est composée de cinq appartements, tous différents. Au cinquième étage, se trouve l’entrée de deux appartements : un Figure 9 : Axonométrie des volumes
quatre pièces en simplex et un six pièces en duplex allant donc jusqu’au sixième étage. Au sixième étage, se trouve l’entrée de trois appartements : Un studio, l’entrée du duplex inférieur présenté précédemment, et l’entrée d’un autre duplex. Il s’agit d’un six pièces, qui continue au septième étage en exploitant la totalité de la superficie de ce dernier. Cette mixité typologique a pour but d’apporter au sein de l’immeuble une mixité sociale qui reste modérée puisqu’il s’agit de personnes ayant la capacité financière de se loger sur Genève, ce qui confère un premier tri dans les classes sociales. Tous ces appartements sont, au premier abord, radicalement différents. Pourtant, à les étudier de plus près, des similitudes apparaissent. Premièrement, chaque appartement, que ce soit dans le bâtiment existant ou dans la surélévation, profite d’un jardin d’hiver privatif sur cours. Cela a pu être réalisable grâce à la nouvelle peau. Sur la totalité de l’immeuble, une douzaine de ces jardins sont empilés le long de la façade sud, cela donne aux locataires «une grande liberté d’usage et permet de maximiser le gain solaire passif.»1 explique l’architecte. La couleur, ici le magenta, revêt tous les
1m
22
5m
Figure 10 : Plans des étages 4,5,6 et 7.
sols de ces jardins, ce qui crée une unité visuelle. Côté rue, l’architecte repousse les fenêtres
1. Anna Hohler, Werk : baeun+wohnen, Un emballage compact -Surélévation à Genève de Raphaël Nussbaumer.
au niveau de la façade et crée ainsi l’illusion de gagner de l’espace intérieur en agrandissant les pièces. Aussi, il est observable que la disposition des pièces est la même pour chaque appartements, avec les chambres au nord, et au sud les pièces à vivre, qui donnent sur les loggias privatives. Cela permet de prolonger l’espace intérieur à l’extérieur, et donne, là aussi, l’effet d’agrandissement de la pièce. Les murs mitoyens cotés est et ouest, ainsi que le noyau de distribution coté sud, n’offraient que peu de possibilité typologique. Ce noyau a été déplacé au centre de l’immeuble afin de dégager la façade sud et de faire profiter de la totalité de cette dernière au septième étage. Le dernier étage est donc légèrement différent des autres puisqu’il est constitué d’un noyau distributif central et les pièces tournent autour. (voir figure 10 ci-contre) L’enchevêtrement spatial et le fouillis typologique n’est finalement qu’une première impression, puisque l’analyse plus fine de ce projet permet de comprendre la logique typologique des logements. Structure : Mixte Plusieurs matériaux sont utilisés pour cette surélévation. Le but étant de tirer parti de chacun des matériaux tout en ajoutant une charge minime. Le choix de la structure porteuse s’est orienté vers une ossature métallique (le bois étant exclu avec huit niveaux) qui est posée sur la maçonnerie existante. Elle continue la trame de l’existant, ce qui permet une bonne répartition des charges aux appuis déjà solides de l’existant. Cette ossature métallique est dissimulée derrière les faux plafonds et au milieu des cloisons, et n’est donc pas visible des résidants. Une seconde structure métallique, cette fois-ci bien visible, est appuyée contre le bâtiment existant. Elle est tout à fait autonome, et elle devient l’ajout destiné aux jardins d’hiver. Cette dernière a d’ailleurs permis l’amélioration des performances thermiques de l’enveloppe, mais aussi de réduire les faiblesses parasismiques. Pour des raisons de renfort parasismique un autre matériau est utilisé : le bois. Il est comme un cadre sur les façades sud et nord. Ce lamellé-collé retient les têtes de dalles et permet la stabilité de l’axe longitudinal du bâtiment). De plus il a aussi une fonction isolante. Un troisième et dernier matériau vient terminer cette construction, il s’agit cette fois du béton. Ce dernier est utilisé dans le prolongement du noyau de distribution. Il fonctionne comme un contreventement central. La construction est donc hybride : acier, bois, béton. 23
C. SUGGÉRER Définition Suggérer : Présenter, proposer à quelqu’un une idée, lui inspirer un acte1 Dans l’architecture, le terme suggérer est souvent utilisé lorsqu’il s’agit de la délimitation d’un espace. La présence d’une étagère ou d’une plante, voire même tout simplement la différence de hauteur, peut signifier la démarcation de deux espaces contigus. Tel est le cas dans la Guerrero House d’Alberto Campo Baeza3. Aucune présence de mur n’est nécessaire, la séparation est insinuée par un autre élément. Dans la surélévation suggérée, a partie surélevée est différente de l’existant tant par les matérialités que les couleurs choisies, à la différence des deux typologies présentées précédemment. La surélévation n’est pas en rupture totale avec l’existant, mais plutôt en continuité avec cette dernière. Cette hétérogénéité est harmonieuse. La typologie crée un dialogue entre les deux volumes, puisque le volume supérieur s’inspire du langage architectural déjà présent. La trame verticale ou horizontale est prolongée, mais elle peut insérer quelques variables. Il s’agit d’une réinterprétation par l’architecte qui s’inspire de l’existant. Par exemple le nombre de fenêtres peut être un élément fondateur du projet. Ce vide crée une trame de par sa répétition et ses dimensions. Ce sommet apporte un caractère contemporain, tel un couronnement qui vient magnifier le patrimoine. Peut être est-ce le futur visage de la ville de Genève ? Une tectonique moderne sur une strate de pierres anciennes. Ce nouvel élément développe sa propre identité tout en respectant l’existant. On parle alors de construction hybride : «croisement de deux individus, de deux variétés, espèces ou genres différents»2. Cette typologie est l’une des plus présente à Genève puisqu’elle permet aux maîtres d’œuvre une légère liberté architecturale. Ils donnent de la personnalité au bâtiment sans le dénaturer.
25 1. Dictionnaire Larousse 2. Ibid 3. Annexe 4
Application au cas de l’Hotel Cornavin Présentation générale du projet Dans son livre, Inès Lamunière définit l’Hôtel Cornavin comme un Pacemaker «une forme ou une autre d’obsolescence tant au niveau de l’usage que de la technique ou encore de l’esthétique. Leur architecture n’est ni adéquate ni conforme aux exigences de l’environnement contemporain.»1. En effet, Figure 11 : Hôtel Cornavin
un pacemaker est l’implant dans un organe vital. Il permet non pas de le remplacer, mais de l’aider, par une greffe, à continuer son travail dans un environnement en mutation. Un peu comme un bâtiment fatigué qui a besoin d’un peu d’aide pour résister. Impossible de le démolir et de le reconstruire car ce bâtiment est protégé et classé au patrimoine de la ville. Cela correspond encore à la vision d’un pacemaker. Comme l’explique Mme. Lamunière, «il ne pouvait pas être question ni de démolition, ni de dé-
5m
10m
Figure 12 :schéma montrant l’alignement du volume supérieur avec la présence de la casquette
molition construction; ceci, essentiellement à cause de leur valeur d’exploitation, et pour répondre au maintien, in situ et sans interruption, de leur activité»2. Typologie : Suggérer La typologie du projet est à l’effigie du pacemaker : il suggère, c’est à dire qu’il utilise un langage nouveau et souvent plus contemporain mais il prend en compte l’existant. En effet, la structure et le rendu visuel est
1m
5m
Figure 13 :schéma montrant l’espace de distribution
différent, mais la surélévation suit les lignes de l’existant et s’aligne parfaitement. Par exemple nous pouvons voir sur la figure 11 ci-contre que les poteaux de la surélévation sont systématiquement situés entre les fenêtres existantes et conservent ainsi
26 1. Ines Lamunière, Four Cities, p.27 2. Ibid
la trame. Sur la figure 12 ci-contre, la casquette de la surélévation joue un rôle primordial dans la typologie de l’édifice. En effet c’est elle qui permet de définir l’édifice avec un lien direct de par son alignement avec l’existant. Mais cette casquette ne crée pas seulement un lien. Au sein de cette dernière, des oculis ovales la perforent. Ils accentuent alors l’effet de fragilité de la surélévation et la sépare ainsi de cette masse. Les éléments de structures qui sont les plus fins possible, accentuent eux aussi cet effet de légèreté. Comme si la surélévation s’élevait dans le ciel. Comme le dit Inès Lamunière «la finesse du squelette métallique propulsé à 32 mètres de hauteur signale les rapports étroit entre l’ancien et le nouveau, et, simultanément, l’indépendance formelle et constructive d’une surélévation qui dépasse les habituels 20 mètres à la corniche de la silhouette genevoise.»1. Il est vrai que cette surélévation a bénéficié d’une dérogation de gabarit en raison de son emplacement géographique et de son importance historique mais peut être aussi de la notoriété de ses architectes. Mais tout cela n’est peut-être qu’éphémère «Dans pacemaker, il y a coupe, chirurgie, précision, réparation; ou encore interchangeable, provisoire... pour nous, autant d’analogies avec l’idée de ce projet particulier et nécessaire à l’agglomérat des villes» 2. L’Hôtel Cornavin, situé en plein cœur de Genève, est l’un des premiers bâtiment que le visiteur aperçoit à sa sortie de la gare. Construit en 1932, les afflux touristiques étaient plus faibles qu’aujourd’hui. Il devenait nécessaire de l’agrandir pour répondre à la clientèle actuelle toujours plus nombreuse. Le choix de l’agrandissement s’est naturellement porté sur une surélévation, comprenant l’ajout de soixante chambres supplémentaires, ainsi qu’une salle de petit-déjeuner. Logement : Superposer L’Hôtel Cornavin dispose d’un total de cent soixante chambres. Elles ont vue sur cour ou sur rue selon leur situation de part et d’autre du couloir central (voir figure 13 ci-contre). La surélévation comprend trois nouveaux étages qui viennent s’additionner aux sept déjà existants. Deux de ces nouveaux niveaux sont presque identiques entre eux. Ils sont composés d’un alignement de chambres dans l’aile sud, et d’une salle de petit-déjeuner en double hauteur dans l’aile nord. L’attique, quant à lui, diffère légèrement, il est intégralement composé de chambres. Bruno Marchand et Christophe Joud définissent cette typologie comme une superposition : «Superposer : le procédé de superposition se définit par l’empilement d’une série d’étages-types composée d’une unique typologie d’appartements (ou d’un nombre restreint). Il en résulte une diversité entre paliers et une forte diffé1. Ines Lamunière, Four Cities, p.27 2. Ibid
27
renciation de la coupe avec éventuellement des modifications du système distributif.»1. Cette définition est d’autant plus adaptée que le noyau distributif a été modifié pour la surélévation, afin d’être disposé au milieu et à l’extrémité des chambres. Chacune de ces chambres est composée d’un lit, d’un bureau, d’un placard, d’une télévision et d’une salle de bain privative. 1m
5m
Figure 14 :schéma montrant l’effet miroir des chambres
La répétition d’une cellule (voir figure 14 cicontre) permet la réduction des frais lors de sa construction. Puisque les gabarits sont les mêmes, les calculs sont moins nombreux et la rapidité du chantier accentuée. Du point de vue de la recherche de qualité, c’est bien différent. «Le projet réactive par une surélévation le rapport intérieur-extérieur de l’objet»2. Par cette phrase, Ines Lamunière explique le concept de la chambre. En effet la grande baie vitrée sur toute la hauteur de la chambre permet visuellement d’agrandir l’espace, de se projeter à l’extérieur, sans se sentir confiné. Le balcon filant du premier étage de la surélévation accentue aussi cet effet. Le regard ne s’arrête pas au niveau de la vitre mais continue à l’extérieur. Cette illusion d’optique est souvent utilisée pour agrandir visuellement un espace, à l’instar d’un miroir. Ines Lamurière dira aussi, en parlant de la structure «Ce dispositif acrobatique permet de réaliser, pour chaque chambre, un seul pan vitré, celui du paysage urbain, face au
Figure 15 : photos montrant que la structure est visible par tous
lit et au vitrage translucide de la salle de bain.»3.
28 1. Bruno Marchand et Christophe Joud, cahier et théorie, mixité typologique du logement collectif de le Corbusier à nos jour, presses polytechniques et universitaires romandes, 2014, p51. 2. Ines Lamunière, Four Cities, p.27 3. 1.Ines Lamunière, Devanthéry & Lamunière: Pathfinders, 2005, p47
Structure : Métal La surélévation est une ossature métallique. Ce matériau a une forte résistance au flambement, même avec un petit diamètre. Le fait d’être une structure légère est en total accord avec ce matériau. Cet effet est recherché dans l’idée d’opposition avec l’existant construit en pierre massif, comme pour la majorité des bâtiments construits pendant la période de l’aprèsguerre. «Le projet propose d’allier la redécouverte d’indices historiques (représentatifs et constructifs), et une réflexion sur ceux-ci en tant que symptômes d’un projet du nouvel hôtel devenu fragment du paysage urbain contemporain»1. L’acier a aussi la particularité d’être utilisé dans un système constructif en poteaux-poutre. Il reste entièrement visible aux yeux des passants et des touristes séjournant dans l’hôtel comme on peut le voir dans les photos de la figure 15 ci-contre. Volontairement, les deux architectes ont choisi de ne pas dissimuler cette structure. Le métal présente un autre intérêt quand il est associé au verre. C’est la combinaison de ces deux matériaux qui permet de donner à l’ouvrage l’effet voulu par les architectes. Par le fait, cette structure libère des larges espaces pour l’emplacement de futures baies-vitrées. Cette façade joue le rôle d’interface entre intérieur et extérieur. Ines Lamunière dira «A travers elles, ce qui se déroule à l’intérieur devient visible dans l’espace public.»2. La casquette métallique est en aluminium. Ce matériau a été choisi, là aussi, pour les caractéristiques physiques qui lui sont reconnues : sa légèreté et sa finesse. Ce rendu est accentué par les perforations ovales au sein de cet élément. Tous ces éléments se combinent pour donner un effet de volume suspendu :«La structure élevée au-dessus de la corniche existante est réalisée selon un principe statique innovant (les façades des chambres sont, en effet, suspendues) et un dimensionnement constructif minimal (les colonnes ont un diamètre de douze centimètre sur douze mètres de hauteur). »3.
29 1. Inès Lamunière, four cities, p27 2. Devanthéry/Lamuniére, images d’architecture/deux entretiens avec Anne Kockelkorn et laurent stalder, infolio, 2011p39 3. Ines Lamunière, Devanthéry & Lamunière: Pathfinders, 2005, p47.
D. CONTRASTER Définition Contraster : Être en opposition avec quelque chose ; s’opposer1 Par exemple, à Bâle pour Le Museum Der Kulturen d’Herzog et De Meuron2. Les architectes osent et choquent. Cela s’explique par plusieurs raisons. Premièrement les moyens financiers mis en place sont beaucoup plus importants dans cette opération que lors d’une surélévation genevoise. Et dans un deuxième temps, la fonction du bâtiment n’est pas la même. A Bâle on ne s’attaque pas à la pénurie de logements. Le bâtiment est un musée, et son ambition est tout autre que celui d’un immeuble d’habitation. Le but est d’attirer l’œil afin d’amener le public à l’intérieur de l’édifice. La partie ajoutée vient d’ailleurs en porte-à faux, afin de signifier l’entrée aux visiteurs. Le contraste est partout, dans la forme, les matériaux et les couleurs choisis. L’expression est nouvelle, sans aucune relation avec les alentours. Cela permet la plus grande autonomie aux maîtres d’œuvre. L’expression architecturale choisie est complètement étrangère à ce qui existe déjà, il n’y a aucune restriction esthétique. Les responsables du projet ont carte blanche, ou presque. Le bâtiment fait office de nouveau sol, comme un niveau zéro sur lequel viendrait s’implanter un nouvel édifice. Cet effet est évidemment seulement visuel, puisqu’en réalité la structure, elle, doit obligatoirement prendre en considération les niveaux sur lesquels elle s’implante. L’aspect libre de la construction n’est qu’illusion. Cette typologie pose le problème de l’identité du bâtiment. Il n’est plus une unité, il devient un tout qui tente de vivre ensemble. A Genève, cette typologie ne fait pas l’unanimité. Le langage architectural est complètement différent de l’existant, et les lois mises en vigueur à Genève tendent à être de plus en plus restrictives. C’est pourquoi cette typologie d’opposition est peu présente, et mise en place de manière modérée.
31 1. Dictionnaire Larousse 2. Annexe 6
Application au cas de la Rue Daubin 25,27,29 Présentation générale du projet Le projet Rue Daubin 25,27,29 est appelé «wood in the sky» par ces concepteurs. En effet l’idée générale de cette surélévation est un «meuble suspendu» en bois, comme l’annonce son titre. La volonté de l’architecte du Bureau Group8 est clairement de Figure 16 : Rue Daubin 25,27,29
prendre parti pour un élément complètement dissociable de l’existant. Typologie : Contraster Sa typologie de contraste (voir figure 16 cicontre) invite à cet effet de distance avec l’existant et non d’une continuité, puisque les gabarits initiaux, y compris, ne sont pas prolongés. La volonté de l’architecte est donc de contraster avec l’existant. Je considère cette surélévation comme une greffe. Pourtant, Group8 n’est pas aussi catégorique que cela lors de la présentation de son projet. «La surélévation est basée sur l’idée d’un meuble suspendu en bois. Fusionnée avec la construction existante, par la cohérence entre lignes horizontales et verticales ainsi que la similitude du registre chromatique, les deux constructions
forment un
ensemble unitaire.» . Cette idée est cer1
tainement celle mise en avant lors de leur présentation de la surélévation à la ville. Mais dans un autre communiqué, nous pouvons lire ceci «L’intervention vise à créer un “meuble suspendu” en bois se distinguant clairement de la construction existante minérale.»2 ou encore «Ce «meuble suspendu» en bois, occupe un niveau supplémen32
taire ainsi que le niveau d’attique existant 1. http://www.group8.ch/fr/projets/wood-sky_2?category_id=2 2. Ibid
afin d’obtenir un caractère unitaire de la partie haute de l’édifice.»1. Mais alors quelle est la réelle image qu’ils ont voulu donner à leur projet ? «Ce projet est la création d’un objet de caractère spécifique sur un bâtiment à l’aspect banal, qui agit sur son environnement en créant un lien entre le ciel et la ville.»2. Le bâtiment aux 25, 27 et 29 Rue Daubin présente une façade plutôt banale, caractéristique des immeubles d’habitation des années 70. Elle est lisse, avec des stores individuels orange, et des fenêtres à allège qui lui donnent un visuel horizontal. La structure quant à elle, est visible depuis l’extérieur et donne la verticalité. Cette façade à l’esprit de grille offre de nombreuses possibilités pour la surélévation. Au premier abord, le retrait pourrait être dû au gabarit puisqu’il en est ainsi de la majorité des surélévations de Genève. En effet à partir d’une certaine hauteur déterminée par la largeur de la rue, ce dernier doit opérer un retrait dicté par un angle de 35° à partir de la hauteur prédéfinie. Il oblige la plupart du temps un retrait du dernier étage afin que celui-ci rentre dans le gabarit. Mais pour ce projet, ce n’est pas le cas puisque le retrait s’applique aux deux côtés, sur rue et sur cour, (Or, le calcul du gabarit n’est pas le même pour ces deux côtés, il est beaucoup moins restrictif coté cour) et qu’il est le même sur les deux niveaux. Les architectes auraient pu prendre le gabarit le plus défavorable afin d’avoir une surélévation à morphologie symétrique, mais budgétairement cela n’était pas possible. Finalement, c’est peut être les typologies des logements qui ont défini la morphologie de la surélévation. Logement : Décliner Six appartements se trouvent de part et d’autre des trois cages d’escaliers. Cela donne l’impression d’un accès individuel à chacun d’entre eux, à l’instar d’une maison sur le toit. Ces six appartements ont entre quatre et six pièces, et sont sensiblement les mêmes. «Le choix typologique s’est fait naturellement, avec les chambres côté cour et les espaces de vie côté Rue Daubin, de manière à bénéficier de la meilleure orientation.»2. Malgré la différence du nombre de pièces, le principe typologique est commun. Pour Bruno Marchand et Christophe Joud il s’agit d’une typologie dite déclinée : «Décliner : le principe de déclinaison permet la production d’une diversité d’appartements à partir d’un schéma typologique de base qui est adapté ou transformé localement sans perdre les règles communes. Généralement, une trame constructive sert de support et tient les différents appartements dans une forme de familiarité.»3. 1. http://www.group8.ch/fr/projets/wood-sky_2?category_id=2 2. Ibid 3. Bruno Marchand et Christophe Joud, cahier et théorie, mixité typologique du logement collectif de le Corbusier à nos jour, presses polytechniques et universitaires romandes, 2014, p51.
33
Ces appartements sont traversants (voir figure 17 ci-contre). Cela permet un confort de vie avec plusieurs expositions et donc plusieurs ambiances au fur et à mesure de la journée, mais aussi, une excellente ventilation naturelle transversale. 1m
Les loggias et les espaces extérieurs défi-
5m
Figure 17 :schéma montrant le principe du logement traversant et son noyau distributif
nissent l’aspect général du projet. «Des loggias conçues au profit des nouveaux logements découpent la ligne du ciel créant ainsi une “skyline” discontinue.»1 déclare même l’architecte. Des cadres avancés sur la fa-
GSEducationalVersion
GSEducationalVersion
çade garantissent l’intimité des espaces extérieurs face aux vues croisées entre les difFigure 18 : photo montrant les cadres et les vues croisées.
férents logements. (voir figure 18 ci-contre). Ces différentes interventions permettent aussi de s’abriter du soleil si nécessaire et participent également au cadrage du paysage. Vue de l’intérieur, ces cadres sont comme des tableaux sur le paysage genevois, composé des toits de la ville, du lac et du jet d’eau. Configuré ainsi, chaque appartement permet à son résidents de profiter de cette vue, depuis la pièce de vie. Et l’architecte avait tout de suite perçu cette opportunité «La caractéristique principale réside dans les vues offertes par l’emplacement de l’immeuble»2. Malgré cette vue commune à l’ensemble des appartements et leurs similitudes de compositions, nous remarquons que chacune des trois cages d’escaliers n’a pas été traitée de la même façon. (Voir figure 19 cicontre). Au nord, le noyau distributif est central, et
5m
34
10m
Figure 19 :schéma montrant les différences entre les trois cages d’escalier
les deux appartements fonctionnent en miroir par rapport à ce noyau.
1. http://www.group8.ch/fr/projets/wood-sky_2?category_id=2 2. Ibid
Au milieu, le noyau distributif est à nouveau au centre mais cette fois-ci les appartements ne sont pas similaires. Ils sont assemblés symétriquement en L, comme un «ying/yang». L’emboîtement permet d’avoir des appartements de tailles différente. Pour autant il respecte la norme genevoise selon laquelle la taille de la cuisine et du salon doit être proportionnée au nombre de chambres. Le dernier noyaux, au sud, est collé à la façade est. Plusieurs explications plausibles à cette disparité: le bâtiment collé à cette façade ne possède aucune exposition à la lumière naturelle, et pour cette raison la cage d’escalier y a été positionnée; autre possibilité, la cage était déjà présente à cet endroit, et pour des contraintes techniques et structurelles, elle a été conservée. Structure : Bois Le nom du projet «wood in the sky» ne laisse aucun doute au matériau utilisé pour cette structure. Le bois est présent dans toutes ses déclinaisons, au sol, en façade ou en ossature. Ce matériau comporte de nombreux avantages. Tout d’abord, il permet la préfabrication en atelier. Cette méthode accélère fortement le temps de travail, les habitants n’ont la plupart du temps pas besoin d’être délogés. Cet aspect était une volonté des architectes : «Son enjeu majeur était de surélever les trois allées de l’immeuble tout en gardant la partie existante en exploitation pendant toute la durée du chantier, le tout plongé dans un milieu urbain.»1. Ce matériau permet aussi un chantier propre et sec, pas besoin d’attendre la sèche du matériau, pas besoin non plus de bâcher ou de protéger le chantier. Le bois est aussi très résistant en compression et en traction, et possède une très bonne résistance au feu. De plus il engendre un faible impact négatif sur l’environnement. La façade de la Rue Daubin est en panneaux préfabriqués. Ils ont ensuite été recouverts d’un bardage bois ajouré qui se prolonge sur l’intégralité de la surélévation et donne ainsi une unité à la surélévation. Les revêtements intérieurs sont eux aussi réalisés en bois avec un parquet au sol. Le bois a été utilisé pour sa réputation de bon isolant thermique. Le système porteur de l’attique est lui aussi en bois car cette dernière doit être résistante au feu. Ici un EI 60 (Résistance au feu pendant 60 minutes) est demandé entre un étage et un autre. Il faut : «insérer des séparations incombustibles horizontales (genre casquettes), pour dissocier les deux niveaux.»2.
35 1. http://www.group8.ch/fr/projets/wood-sky_2?category_id=2 2. Ibid
Figure 20 : SchĂŠmas reprĂŠsentant les quatre morphologies
2. LES MORPHOLOGIES DES SURÉLÉVATIONS «Désigne la forme urbaine ou son étude (formation, évolution, transformations, strates, structure…). La morphologie urbaine est le résultat des conditions historiques, politiques, culturelles (et notamment architecturales) dans lesquelles la ville a été créée et s’est agrandie. Elle est le fruit d’une évolution spontanée ou planifiée par la volonté des pouvoirs publics.»1. La morphologie urbaine compose les différents tissus urbains de la ville. A Genève, quatre tissus dans lesquels s’inscrivent les édifices sont différentiables: L’immeuble isolé L’immeuble contigu L’immeuble d’angle L’immeuble en tête Ces quatre profils influent sur la rue, puisqu’ils sont plus ou moins visibles. Leur impact est plus ou moins fort. Cela varie aussi en fonction de la fréquentation du quartier dans lequel se trouve le bâtiment. Plus il est au centre de la ville, plus le tissu est dense, et plus l’immeuble est visible car les flux sont plus nombreux. Au contraire, plus on s’éloigne, plus le tissu s’écarte et laisse de la place aux constructions, mais elles sont moins visibles car il y a moins de passage. Les architectes définissent le projet à travers de nombreux critères, notamment le contexte. Le rapport entre le bâti et ce qui l’entoure est intéressant afin de comprendre quelles influences se reportent l’un sur l’autre. Ce sont ces différences qui vont être analysées au travers des quatre mêmes cas d’études qu’au chapitre précédent.
37 1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Morphologie_urbaine
A. ISOLÉ Les différences du tissu urbain aboutissent à une multitude de bâtis possibles. Plus les bâtiments sont éloignés du centre, plus ils s’écartent les uns des autres, et ce, jusqu’à devenir isolés. Il devient alors autonome, dissocié de la ville, indépendant du sol, un objet qui ne s’organise qu’avec lui-même et la nature qui l’entoure. Deux formes existent alors: le plot ou la barre. Dans un premier temps, ce résultat s’explique par l’arrivée de l’industrialisation qui cherche à créer rapidement le plus grand nombre de logements sur les parcelles encore disponibles. La forme urbaine est imaginée en bande, orientée selon la course du soleil et répond aux principes du taylorisme1 et de l’hygiénisme2. La recherche est basée sur la minimisation de l’emprise au sol et donc, la construction en hauteur. Dans un deuxième temps, les besoins changent, et une augmentation de la consommation du sol est observable. C’est le début de l’étalement urbain et l’arrivée du modèle social de «l’américan way of life»3, où chacun possède sa maison individuelle. C’est l’apparition du logement individuel. La barre se transforme pour devenir un plot. Le statut du bâtiment solitaire évolue, il est d’abord collectif avant de se déconnecter pour devenir individuel. Lors de la surélévation d’une barre, les étages supplémentaires répondent à ce qui est déjà construit. La surélévation d’un plot n’est pas comparable, puisque les dimensions ne sont pas les mêmes. La partie inférieure n’est pas répétée, il s’agit plutôt généralement d’une extension afin de raccorder une pièce ou deux à l’existant. Ces deux formes ont toutefois un point commun : celui d’être un bâtiment où il est possible de circuler tout autour.
39 1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Taylorisme 2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Hygiénisme 3. https://fr.wikipedia.org/wiki/American_way_of_life
Application au cas de la Rue des Vernes 22-24 – Avenue de Vaudagne 4749-51
Figure 21 : Carte d’analyse Rue des Vernes 22-24, Avenue de Vaudagnes 47-49-51 Axes principaux Axes secondaires Hangars Barres Plots
Situation La barre en question est un immeuble collectif construit en 1965. Il correspond aux immeubles du parc ancien à loyers modérés ou au régime HLM. Récupérée par la Fondation Parloca Genève en 1993, cette dernière décide de la remettre en état et de l’agrandir afin de pouvoir accueillir plus de personnes aux revenus modérés dans le canton de Genève. Quartier La Rue des Vernes et l’Avenue de Vaudagne sont situées à Meyrin, en banlieue genevoise. Cette situation est en continuité avec l’explication précédente de l’immeuble isolé: pour être seul, il faut de l’espace, et donc s’éloigner du maillage dense du centre. Meyrin est proche de la frontière avec la France, une zone où les montants des 40
loyers sont réduits en raison de la disparité des salaires entre la France et la Suisse. Cette situation offre au quartier le loisir de s’étendre et de se répartir sur l’espace libre jusqu’à la barrière limitrophe. Ainsi, le quartier de Meyrin est un champ de barres, alignées les unes aux autres au sein d’un quadrillage planifié. Les rues des Vernes et l’Avenue de Vaudagnes sont à double sens et distribuent les différents immeubles de la ville. Elles rejoignent les axes principaux qui mènent au centre de Genève. Ce sont des voies secondaires, utilisées uniquement par les habitants puisqu’il y a peu d’intérêt pour un visiteur à venir jusqu’ici. Îlot L’îlot est composé de cinq barres, une tour, et de deux bâtiments bas qui abritent une école et une garderie. Tous ces éléments sont isolés, avec pour chacun un accès individuel. Le tout sur un sol végétal uniforme. Les îlots voisins sont formés de la même manière. Ils sont uniquement constitués d’immeuble d’habitation, auquel s’ajoute parfois un équipement. Plus loin dans la même ville se trouve la seconde forme d’habitation isolée: la maison individuelle. Enfin dans la troisième zone de la ville se trouvent les hangars et leurs parkings à perte de vus. Tous ces éléments sont présents dans ce lieu car leurs fonctions et leurs typologies exigent de l’espace. Tout ceci constitue le quartier de Meyrin. Densité Au premier abord, la densité bâtie parait faible puisque la végétation est omniprésente au sein de l’îlot. Mais d’après un calcul (densité bâtie = emprise au sol du bâti multiplié par le nombre d’étages divisé par la surface de l’îlot) elle est de 4,1. A titre de comparaison, il est le même que le Paris Haussmannien. Ceci s’explique par l’augmentation des hauteurs comparées au cœur de Genève. Les barres et les tours sont de neuf à douze étages. Or dans le centre Genève, la majorité des immeubles sont de 7/8 étages, puisque la réglementation genevoise impose un gabarit maximum de 24m en zone 3, et 21m en zone 2. Tout cela montre que la quantité d’espaces verts présents dans un îlot n’est pas un indicateur de densité, et qu’un maillage plus étiré n’est pas synonyme d’un affaiblissement du nombre de logements.
41
B. CONTIGU L’ordre contigu est à l’origine de la création de la ville. Cette dernière est constituée d’une maille hiérarchisée par la taille des rues, appelée tissu urbain. Ces rues ou aussi percées, dans le cas d’Haussmann à Paris, organisent des façades contiguës. Deux types de figures existent, la façade contiguë homogène, souvent présente dans les vieilles villes ou dans les centres-villes. Et la façade contiguë non homogène de l’Avenue de Secheron 9. Dans le cas d’une façade contiguë homogène, la surélévation apparaît comme une excroissance. L’objet est fortement visible et la ligne de front est rompue. C’est le cas par exemple du projet Rue de Lyon 67, réalisé par Empeyta et Alberi architectes1. La surélévation détruit l’homogénéité présente auparavant. Pour l’éviter, il est nécessaire que l’ensemble des bâtiments homogènes soient surélevés. Malheureusement, il est difficile de le mettre en place car la plupart du temps les propriétaires diffèrent d’un immeuble à l’autre. Dans le cas de l’Avenue de Secheron 9, l’immeuble fait place dans un alignement de bâtiments non homogènes. Le n°9 était à l’origine un immeuble de cinq étages dans un îlot qui compte l’ensemble des immeubles à sept étages. Ce bâtiment était, comme on le nomme, une dent creuse. Le cas est donc l’opposé du projet présenté précédemment Rue de Lyon 67, puisqu’ici, la surélévation vient recréer l’alignement de la ligne de front. Elle vient ainsi former une homogénéité de hauteur avec les immeubles voisins.
43 1. Annexe 7
Application au cas de l’Avenue de Sécheron 9
Figure 22 : Carte d’analyse Avenue de Sécheron 9 Axes principaux Avenue de Sécheron Parking Logement Equipement
Situation Le quartier de l’Avenue de Sécheron 9 est situé au nord du centre de Genève, en zone 2, entre la zone ferroviaire et la zone de verdure1. Cette situation engendre de nombreuses conséquences sur la morphologie et la constitution du quartier, mais aussi sur le projet de surélévation. Quartier Le quartier dit, de Sécheron, est composé de neuf îlots dont: un utilisé comme parking, quatre utilisés comme équipements dont un campus universitaire, le siège du Japan Tabacco international (JTI), un musée, et le siège de l’organisation météorologique mondiale (OMM); et quatre utilisés pour le logement. Ces équipements sont situés près de la gare de Genève-Sécheron, et les logements sont quant à eux situés près du parc. L’Avenue de Sécheron se situe dans cette zone. 44 1. Annexe 8
D’un point de vue quantitatif, le flux de passants piétons ou motorisés est faible, puisqu’il y a peu d’interaction entre la partie résidentielle du quartier à l’est avec le parc, et la partie équipement avec la gare à l’ouest. L’Avenue Blanc dessine une frontière qui divise ce quartier. L’Avenue de Sécheron est une rue à sens unique avec peu de trafic routier. De plus elle est située au milieu de trois grands axes du nord de Genève, à savoir : la Rue de Lausanne, l’Avenue de France et l’Avenue de la Paix. Être située dans une rue peu passante a permis aux architectes d’être plus audacieux sur le choix des couleurs. Le projet suit le principe de l’ordre contigu, c’est à dire qu’il est aligné aux autres bâtiments le long de la voie publique. De la rue, la surélévation n’est pas visible et ne choque pas. Les autres bâtiments étant de la même hauteur, le projet se fond dans l’alignement. Seules les couleurs utilisées attirent l’œil mais n’informent pas le passant qu’il s’agit d’une surélévation. Elles soulignent seulement qu’il s’agit d’un immeuble neuf. L’Avenue de Sécheron 111, est lui aussi un immeuble récent. Les couleurs choisies pour ce dernier sont plus sobres puisqu’il est à l’angle d’une rue passante. Îlot L’îlot est composé de dix bâtiments distincts mais qui ont comme point commun d’être des immeubles de logements de sept étages. Ils entourent une cour commune utilisée comme parking, de trente-trois mètres de large. Cette dimension a permis au projet de surélévation de se tourner sur la cour pour y créer des loggias tout en respectant l’intimité entre voisins. Densité Avec l’indice de densité bâtie de l’îlot de 2,8 il est à peine inférieur à celui du quartier des Paquis, le plus dense de Genève : 3,22. Une étude du quartier réalisée par PNR 54: Potentiel de densification des friches ferroviaires/Cahier de pré-évaluation (voir annexe) révèle que le quartier de «Genève-Sécheron se situe dans un contexte très dense en termes de personnes, mais la densité du bâti est moyenne. L’habitat est strictement dense, avec les contigus et les grands collectifs. Tous les équipements sont également présents. (...) Les environs de Genève-Sécheron connaissent une population avec un statut social très élevé avec peu d’enfants. Cependant, contrairement au site de Berne, le taux d’étrangers est très haut.» Ces résultats d’analyse ont permis au projet de dégager les tailles d’appartements nécessaires dans la surélévation afin de répondre à la demande du quartier.
45 1. Annexe 9 2. Annexe 10
C. EN ANGLE La situation en angle confère un impact visuel important puisque deux des façades du bâtiment font face au carrefour, à la place ou aux rues sur lesquelles elles donnent. Cette position conditionne une double influence sur la voie publique et ses usagers. Le choix de l’architecte est ici crucial, s’il fait le choix d’une architecture exubérante, il s’expose à de nombreuses critiques, sachant que la surélévation est visible d’un grand nombre de passants. Le traitement de l’angle est complexe car les façades doivent s’accorder entre elles, or leur exposition n’est pas la même. De plus l’immeuble doit s’accorder aussi avec les autres. Si les immeubles voisins sont eux aussi surélevés, cela risque de générer un surnombre de langage architectural différent sur un site restreint. En cela, les habitants redoutent une anarchie architecturale. Comme pour l’ordre contigu, plusieurs cas se retrouvent dans la position d’un immeuble en angle. Celui où la ligne de front est homogène, ou celui où les gabarits des immeubles diffèrent. Le cas de l’Hôtel Cornavin est particulier, puisque l’immeuble en question était déjà plut haut que tous ses voisins du même îlot, et pourtant ce dernier a bénéficié d’une dérogation. Pour quelles raisons? Mes nombreuses recherches sont restées infructueuses sur les conditions de cette dérogation.
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Application au cas de l’Hotel Cornavin
Figure 23 : Carte d’analyse Hôtel Cornavin Axes principaux Boulevard James-Fazy Place Cornavin Gare Cornavin
Situation L’Hôtel Cornavin est situé au centre de Genève, en zone 2 à la frontière de la zone 11. Il est adossé à la zone ferroviaire puisqu’il est accolé à la gare éponyme. Cette situation de proximité avec la gare est au cœur du projet de surélévation de l’Hôtel. Dans les années 90, l’Hôtel ne peut répondre à toutes les demandes. Les touristes affluent et le nombre de chambres disponibles est insuffisant. Les propriétaires de l’Hôtel décident de s’agrandir. Mais comment ? La parcelle est inextensible et sa proximité avec la gare ne permet pas son déplacement. La solution est donc de s’agrandir par le haut. L’Hotel obtient une dérogation de la LCI. La surélévation de trois niveaux de l’immeuble est acceptée afin de répondre à l’afflux toujours croissant des visiteurs. 48 1. Annexe 8
Le quartier La Place Cornavin sur laquelle s’ouvre l’hôtel, est le cœur névralgique genevois, elle est à l’instar de Châtelet à Paris, en ce sens, qu’elle concentre la majorité des flux de la ville, les plus grandes lignes de tramway et de bus. Cela contribue à rendre l’Hôtel très visible en différents points, ce phénomène est encore accentué par sa situation dans un angle de rues. De plus, le projet est aux abords de deux rues majeures de la ville, la Rue Chantepoulet et la Rue du Mont-blanc qui donnent accès au pont principal de Genève, le Pont du Mont-blanc. Une autre caractéristique de la localisation de l’Hôtel, est sa topographie. Il est situé sur une pente avec une vue imprenable sur le Lac Léman et le jet de Genève. Cette particularité fut bien évidemment mise en avant lors de la conception typologique des chambres et en particulier la salle du petit-déjeuner, afin que les résidants de l’Hôtel puissent jouir d’une vue panoramique sur le lac et ses environs. L’îlot et la densité La Haute École d’Art et de Design Genève (HAED) se situe sur le même ilot que l’Hotel. Son bâtiment est composé d’un seul étage, en ce sens il baisse la densité moyenne de l’ilot. L’Hotel Cornavin a pu bénéficier de ce contexte pour réaliser sa surélevation tout en respectant la moyenne de densité bâti du quartier des Paquis. Cette dernière est de 3,5 (la plus élevée du quartier de Genève), et celle de l’îlot de l’Hôtel Cornavin avec la surélévation est de 2,2.
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D. EN TÊTE L’édifice de tête, comme son nom l’indique, qui se situe en début de rue, cumule les atouts de l’édifice contigu et de celui de l’angle. Ces avantages influent sur plusieurs impacts. Sa situation représente plusieurs avantages. Par exemple, dans le cas d’un immeuble en tête dont la hauteur est inférieure aux immeubles contigus, il peut être valorisé à l’occasion d’une opération de surélévation puisqu’alors il gagnerait en hauteur en s’alignant aux autres. Cet élément sera mis en avant lors de la réalisation du dossier de mise à l’enquête. Autre avantage, l’immeuble en tête, comme l’immeuble en angle, est celui d’avoir deux façades coté rue. Cela donne une identité à la rue autant qu’il est un repère pour le passant. L’immeuble en angle permet aux résidents de bénéficier d’une double exposition solaire. Dans le cas de la Rue Daubin 25, ce point est d’autant plus important puisqu’il s’agit du sud. Le projet à la Place du Cirque par Bassi Carella Architectes est un autre exemple d’immeuble de tête ayant tiré bénéfice d’une surélévation (voir annexe). Il s’agit ici d’un immeuble dit en dent creuses (plus bas que ses voisins) et la surélévation se fond complètement avec l’immeuble existant grâce au choix du matériau, ici le bois.
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Application au cas de la Rue Daubin 25,27,29
Figure 24 : Carte d’analyse Rue Daubin 25-27-29 Axes principaux Rue Daubin Parcs
Situation La Rue Daubin 25-27-29, est située en zone 3 à la frontière de la zone 2, dans le quartier des délices1. A la différence des deux cas précédents, celui-ci est un peu plus excentré du centre ville. Dans le cas d’une surélévation, cela lui procure de nombreux avantages. Le quartier Le quartier des délices est un quartier familial. Avec ces deux parcs, celui de Geisendorf, et celui des Délices, et ses commodités (supermarché, écoles, etc.), il attire les familles. Il est par ailleurs bien desservi par les transports en commun, et ses logements sont moins chers qu’à l’hypercentre de Genève. Ce sont des atouts supplémentaires pour des familles avec enfants. Dans leurs projets de surélévation, les architectes en ont tenu compte, en privilégiant les typologies de quatre, cinq ou six pièces avec deux, trois ou quatre chambres. La Rue Daubin est une rue à double sens avec des places de parking en épis ou 52 1. Annexe 8
en créneau de part et d’autre de la route. La rue relie deux axes fréquentés de Genève, la Rue de Lyon et la Rue des Charmilles. Ces dernières permettent de relier Vernier (grand quartier en périphérie de Genève) au centre de Genève. La Rue Daubin constitue donc un lieu de passage modéré. Ces caractéristiques ont donc permis aux architectes d’oser une surélévation différente de l’existant avec des excroissances cubiques. Paradoxalement, la surélévation reste sobre, puisqu’elle est peu visible, cette dernière étant en retrait de la façade existante. D’autre part, avec sa couleur marron/ beige, elle se fond avec l’existant. Au final, la surélévation s’unit au bâtiment malgré une typologie architecturale osée. Situé en tête d’îlot, l’immeuble est visible par les passants en plusieurs points. Selon leur degré de curiosité, il agit même comme une invite aux passants à pénétrer dans cette rue. L’îlot Deux éléments se sont conjugués pour offrir de multiples possibilités de surélévation. La première est la faible densité en raison d’une végétation importante au cœur de l’îlot. Les projets peuvent alors être nombreux avant d’atteindre le seuil maximal de densité. La seconde est un manque d’unité, chaque bâtiment semblant avoir sa propre identité sur rue comme sur cour. Dans cet ensemble hétéroclite, les projets sont plus facilement acceptés par la population.
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3. BILAN «En chiffres : 30 à 40 % des dossiers traités par la commission d’architecture concerne des surélévations»1. Comme le chapitre I le démontre, elle peut être visible ou invisible, selon la typologie et la morphologie urbaine dans laquelle elle s’inscrit. Les quatre typologies présentées sont la preuve d’une grande diversité. La volonté de chaque architecte diffère, et il existe une infinité de projets ainsi que je les ai présentés. Par ailleurs, les techniques de constructions sont innovantes. Le bois est apparu comme matériau correspondant parfaitement à la surélévation. Il est léger, résistant à la traction, la compression. Il est un bon isolant thermique et acoustique, et possède une bonne résistance au feu. Le métal est lui aussi beaucoup utilisé pour ses nombreuses qualités. La surélévation supplante le béton qui était omniprésent. A chaque époque, son matériau. Les quatre morphologies présentées ont montré qu’elles influent sur le style de surélévation choisie. Celle-ci est effectivement déterminée selon son emplacement dans la ville, ou son tissu urbain. Dans un tissu dense, comme l’Hôtel Cornavin, il est volontairement exubérant pour susciter une réaction du passant. L’immeuble isolé, quant à lui, a moins d’impact sur le passant, d’où la volonté de l’architecte de proposer un projet plus sobre. La surélévation diffère aussi en fonction de sa période de construction, car les lois ont bien évolué depuis 1988, date de ses premières mesures. A cette époque les surélévations étaient traitées au cas par cas, puis les restrictions se sont banalisées afin d’augmenter le nombre de logements potentiels, et à présent elles tendent à être plus restrictives, afin de gagner en sobriété. «Enfin, les surélévations méritent d’être replacées dans un contexte plus général: ce n’est pas de cette façon qu’on résoudra la crise du logement, surtout du logement abordable!»2 Officiellement, les habitants se plaignent du manque d’harmonie des opérations de surélévations. Mais est-ce la véritable raison ? Selon mon avis, une autre pèse tout autant et qui se fait discrète, celle du coût qu’elle représente. La LDTR a déterminé un plafond de loyer maximal pouvant atteindre jusqu’à deux fois le besoin prépondérant de la population, soit 6’810 CHF la pièce par an. Soit pour un quatre pièces, 2’270 CHF/mois. Ce qui reste élevé. 54
«In the city, the penthouse is the place to be. It is close to heaven, far above the din 1. Charles Pictet président FAI surélévation , un nouveau gabarit pour la ville, interface 17, 2012, p3 2. Remy Pagani (maire de Genève), FAI surélévation , un nouveau gabarit pour la ville, interface 17, 2012, page 20
and smells of the city. There is nobody above you, meaning that you are the king of the moutain. Elevated above the masses.»1. Selon Aaron Betsky, l’attique est un étage réservé puisqu’il est situé au plus près du ciel. Cet espace est au dessus de la masse, de ses flux et de ses odeurs. C’est un endroit propice à se sentir comme le roi du monde. A travers cette phrase, il rend compréhensible que la surélévation s’adresse à ceux disposant de moyens financiers importants, lui offrant le sentiment d’être comme au dessus du petit peuple. La classe aisée de Genève occupe les postes à hauts revenus. Ces types de biens, onéreux, leur sont accessibles, en quelques sortes, leurs sont réservés. Ils jouissent de ce luxe en tout intimité au dessus du reste de la ville. Aaron betsky continue son discours en expliquant que l’attique est la nouvelle forme de distance entre les riches et les pauvres. Auparavant, la classe aisée s’exilait dans un palace, qui répondait à ses besoins, mais devait s’éloigner de la ville. Maintenant, et grâce à la surélévation, elle peut garder ses distances avec les autres citoyens tout en restant dans la ville. «It also came to stand a new form of division between rich and poor. Instead of isolating themselves in palaces or separated districts, a move that was in any case no longer tenable in a crowed city, the rich kept a vertical distance from those below them»2. La distance ne s’opère plus horizontalement mais verticalement.
55 1. Aaron Betsky, Rooftop architecture , building on an elevated surface - Ed Melet/Eric Vreedenburg, Nai Publishers,2000, p7 2. Aaron Betsky, Rooftop architecture , building on an elevated surface - Ed Melet/Eric Vreedenburg, Nai Publishers,2000, p8
II. L’URBANISME VERTICAL DE GENÈVE L’urbanisme vertical s’applique aux métropoles et mégalopoles en quête de territoire et d’expansion. C’est le cas par exemple de New York City qui ne cesse de s’étendre verticalement. Il s‘agit plus précisément du quartier de Manhattan, symbole de verticalité, avec des tours toujours plus hautes, notamment comme le One World Trade center du haut de ses 541mètres, construit en commémoration des tours jumelles. Ici, la tour est instrumentalisée, elle devient un symbole, dont la taille est la seule volonté du programme. Il s’agit d’une mise en scène de puissance économique, politique et commerciale, où l’architecture devient objet. «La crise du logement dans les grands centres urbains, les réflexions autour du développement durable et la volonté des acteurs publics de limiter la croissance et l’étalement urbain permettent de penser la ville verticale comme une alternative aux formes traditionnelles d’urbanisme.»1. L’urbanisme vertical n’est pourtant pas uniquement symbolisé par les tours. Il s’agit d’un principe d’évolution de la ville, en opposition à l’urbanisme horizontal. Aujourd’hui, les villes ont intégré cette course à la hauteur. Mais ce mode d’expansion prend également en considération les problématiques plus larges de la ville, tels que la pénurie de logements, l’écologie et l’étalement urbain. Il intègre également une réflexion plus globale : quelles fonctions donner à ce sol non bitumé? Doit-on le laisser comme réserve naturelle ou pour l’agriculture ? Quelles incidences cette restructuration a t-elle sur les liens sociaux? L’urbanisme vertical est-il au propice aux liens sociaux? Dans quels espaces ou lieux les citoyens se rencontrent t-ils? Échangent-ils? C’est autant de questions qui doivent interroger et être intégrées au projet. Les tours sont le principal symbole de la ville verticale, comme c’est le cas de Manhattan, mais selon moi, la surélévation, comme à Genève, est aussi une marque d’urbanisme vertical. Le but de ce chapitre est de déterminer les caractéristiques de la ville de Genève pour ensuite pouvoir qualifier s’ils sont applicables au principe de la ville verticale. Pour cela j’analyserai des théories d’urbanisme vertical rédigées par différents architectes.
57 1. http://www.cahiersvilleresponsable.fr/la-ville-verticale/
1. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA VILLE DE GENÈVE La ville de Genève est de taille moyenne, elle compte 200 000 habitants, ce qui est comparable, en terme de population, à la ville de Grenoble en France. Elle est la deuxième ville la plus peuplée de Suisse après Zurich. Et pourtant, elle est une plaque tournante à l’échelle mondiale. Suivant le phénomène de la mondialisation, Genève est le théâtre d’une multitude d’Organisations. Elle concentre vingt-trois organisations internationales, et plus de deux mille cinq cent cinq Organisations Non Gouvernementales (ONG). Elle est aussi le siège des Nations Unies, de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et du Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN), entres autres. Genève fonctionne comme une métropole mais avec des contraintes particulières qui sont autant d’enjeux à considérer. Par exemple celui de la surpopulation, puisque Genève, présente une démographie toujours croissante. En effet, ses nombreuses entreprises multinationales accueillent de nombreux travailleurs, et parmi eux d’ailleurs, un grand nombre d’étrangers. «En 2016, les étrangers représentent 40,5 % de la population résidente du canton»1. C’est donc une ville surpeuplée et cosmopolite. Les déplacements quotidiens de ces citoyens génèrent une congestion des voiries. La ville espère répondre à ce double enjeu: Permettre aux citoyens de se loger et de se déplacer. Pour se loger, elle pense trouver sa réponse par son extension verticale. Pour favoriser cet accroissement tout en en gardant la maîtrise, elle rédige de nombreuses lois. De la hauteur des immeubles déprend la densité. Afin de suivre et réglementer cette densification, elle a défini des règles d’urbanisme. Pour se déplacer, l’état de Genève a mis en place un plan directeur de la mobilité douce. Ainsi de nouveaux moyens de transports sont développés ou en cours de développement. La ville devra t-elle aller encore plus loin dans sa réflexion ? Le principe de rue verticale pourrait-il libérer de l’espace au sol et ainsi limiter la congestion croissante des rues? Ces diverses caractéristiques seront analysées au cours de ce chapitre. 1. https://www.ge.ch/statistique/tel/publications/2017/informations_statistiques/autres_themes/is_population_06_2017.pdf
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A. LA CONGESTION URBAINE Principe Comme la plupart des métropoles, Genève subit l’afflux massif de personnes. Malheureusement,
la création de nouvelles in-
frastructures routières ne s’est pas développée parallèlement. Aujourd’hui elle ne peut répondre aux besoins toujours croissants. De plus, la plupart des parcelles sont réservées pour la construction de bâtiments.
Figure 25 : Carte montrant le relief de la région de Genève C’est le cas du centre ville de Genève. La
voirie ne dispose pas assez d’espaces pour satisfaire les besoins, et cela crée le phénomène de congestion urbaine. Cette dernière est définie comme suit par le centre interna䜀爀漀琀琀攀猀 匀攀爀瘀攀琀琀攀 䨀漀渀挀琀椀漀渀
tional de recherche sur les transports.
倀焀甀椀猀
«La congestion est un phénomène physique 䔀愀甀砀ⴀ瘀椀瘀攀猀
倀氀愀椀渀瀀愀氀愀椀猀
concernant la façon dont des véhicules empêchent la progression des uns et des autres au fur et à mesure que la demande
Figure 26 : Carte montrant les différents d’un espace routier s’approche de la capaquartiers de Genève cité maximale de celui-ci... de même qu’un
phénomène relatif ayant trait aux attentes des usages vis-à-vis des performances d’un réseau routier. En langage courant, la congestion est l’incapacité d’atteindre une destination dans un temps satisfaisant ou à une heure satisfaisante à cause des vitesses ralenties ou imprévisibles de la circulation.»1. Afin de résoudre ce problème, différents acteurs tels que le centre de recherche sur les TErritoires et le Tissus Urbains (TeTU), le Grand Conseil, ou encore le Parti Socialiste Genevois mettent en place différentes actions analysées ci-dessous. 60
Cas de Genève 1. OCDE (2010), Gérer la congestion urbaine, Editions OCDE
Le tissu Morphologie urbaine et congestion sont indissociables. La morphologie urbaine de Genève est composée d’une multitude de maillages différents. Plus l’on se rapproche du centre et plus les tissus se resserrent. De part l’afflux massif de la population et le manque de voies publics , entre autres, cela provoque une congestion de la ville. Le sol est privilégié pour les bâtiments d’habitations qui ne cessent de s’élever, par le biais de la surélévation expliquée précédemment. TeTU est le centre de recherche sur les TErritoires et Tissus Urbain de Genève. Il a pour objectif «la lecture de l’épaisseur historique et temporelle du territoire et de ses dynamiques de formation.»1. Pour ce faire, il «analyse les composantes morphologiques, les facteurs socio-culturels et les conditions politico-économiques ayant produit la forme du contexte actuel. L’espace du territoire est un assemblage d’éléments dont l’arrangement produit le paysage.»2. «L’intérêt est de relever et interpréter ce que chaque période a pu déposer sur le territoire. Il s’agit de repérer les traces de l’histoire de l’urbanisation et de comprendre le processus de formation et de transformation des tissus territoriaux qui dans une succession de variations se sont sédimentés et composent le paysage d’aujourd’hui.»3. Ainsi il décompose deux formes de morphologie: la naturelle et la structurée par l’Homme. Dans le cas de la congestion, ces deux composantes sont intéressantes. Morphologiquement, Genève est une ville naturellement enclavée et ne peut s’étendre (voir figure 25 ci-contre). Au début de sa création, Genève était une ville édifiée sur une colline, et c’est cet événement qui va engendrer la deuxième composante de la cité, celle de la fortification façonnée par l’être humain. Aujourd’hui, Genève est construire en strates, verticales et horizontales, qui permettent une lecture des époques. Sa ville fortifiée constitue un premier maillage, le plus étroit de Genève, où la voiture n’est autorisée que pour les riverains. De plus elle est protégée par le patrimoine de la ville, donc intouchable. Cela engendre une grande superficie non extensible pour le logement et non accessible par la voiture, sur le territoire de Genève. Les solutions se tournent alors vers un second maillage. Le quartier des Eaux-Vives, des Grottes, de la Servette, des Paquis, de Plainpalais ou encore de la Jonction, en font partie. Ces quartiers constituent les zones densément bâties de Genève, mais aussi les plus congestionnées. (voir figure 26 ci-contre) En effet ils concentrent la majorité des emplois, des commerces, des habitations de Genève, ainsi que la gare. Puis il y a les quartiers satellites c’est 1. Frederic Wüest dans la présentation de son cours https://cyberlearn.hes-so.ch/course/ view.php?id=5515 2. Ibid 3. Ibid
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à dire en bordure de la ville tels que Lancy, Vernier, et Meyrin, autrefois des villes à part entière mais aujourd’hui annexées à Genève. Toutes ces strates constituent des maillages différents de la ville. Du plus congestionné au plus fluide. Plus on s’éloigne du centre et moins le quartier est attractif pour les emplois et les commerces, s’ensuit une baisse du nombre des habitations, et donc une circulation aisée. La voiture individuelle Comme toutes les villes construites en partie avant la seconde moitié du XIXème siècle, Genève a subit une intensification de la congestion avec l’arrivée de la voiture individuelle et de l’industrialisation. De plus, la mauvaise coordination des feux tricolores accentue cet encombrement. La multiplication des voies à sens unique est également un des facteurs qui ralentit la fluidité du trafic. Genève est classée 13e d’Europe et 25e/218 au palmarès mondial des métropoles les plus engorgés. «Dans ce catalogue planétaire, les Genevois apparaissent comme moins bien lotis que les conducteurs de Paris (28e), Shanghai (30e), New York (54e) ou Zurich (61e).»1. Autre aberration, celle des transports en commun qui empreintent partiellement la même voie que les voitures. Ainsi, en heure de pointe, le réseau des bus et tramways est lui aussi dans les embouteillages. Les Parking-Relais (P+R) Afin de désengorger le centre ville, Genève a mis en place le principe des P+R. L’idée est de permettre aux actifs genevois de garer leur voiture à la périphérie de la ville pour ensuite rejoindre le centre ville en transport en commun. Pour inciter les habitants, le tarif de stationnement est réduit et inclut le transport public pour 90 à 150 CHF mensuel. Cette possibilité est réservée aux personnes résidant à plus de 2km du parking concerné et n’ayant pas de transports publics à proximité de leur domicile. Le but est de fournir une alternative à la voiture individuelle. Cette mesure vise à limiter l’usage de la voiture en ville pour les déplacements habitat-travail, qui est l’une des principales source de bouchons. Malheureusement, cette politique publique ne semble pas porter ses fruits puisque «plusieurs P+R sont aux trois quarts vides.»2. Les circulations douce : Vélo et transport en commun Comparée aux autres grandes villes Suisse, Genève consacre une faible part à la mobilité douce dans ses moyens de transport. En 2000, 45% des déplacements sont effectués en véhicules motorisés individuels face à 30% à Bâle, Berne et 62
Zurich. La marche ne représente que 38% des déplacements, comparé à 46-47% 1. Marc Moulin, la tribune de Genèle, le 13.04.2015 2. Céline Garcin, Tribune de Genève, 12.2013
dans les trois autres villes. Les transports publics sont choisis pour 13% des déplacements. Le vélo, bien qu’en augmentation, n’obtient que 3.3% des choix modaux contre 4.4% à Zurich, 5.9% à Berne et 8.5% à Bâle, d’après l’Observatoire universitaire de la mobilité (OUM) en 2002. Le plan directeur de la mobilité douce (PDMD) annonce un objectif 8% des déplacements à Genève réalisés en vélo en 2030. Cela va dans le sens d’une prise en compte de la congestion, et d’une envie de décongestion de la voirie automobile. Pour y parvenir, la ville de Genève va mettre en place différentes actions : «développer le réseau cyclable, améliorer les réseaux piétonniers, rendre les espaces publics favorables à la mobilité douce, optimiser le fonctionnement des réseaux, développer le stationnement vélo et développer des services et des actions de promotion de la mobilité douce.»1. Il est vrai qu’actuellement, la discontinuité des pistes cyclables est un réel frein : « l’enquête montre globalement que l’absence de pistes ou bandes cyclables est considérée comme un facteur de danger.»2. En intervenant sur ce phénomène, la ville peut susciter l’envie des usagers vers la mobilité douce. Des actions de promotions peuvent aussi sensibiliser les habitants à la congestion. Eux mêmes ne supportent plus d’être constamment dans les bouchons. La forte concentration de la ville présente toutefois ses avantages puisqu’elle propose des emplois en proximité des logements permettant les déplacements à pied ou à vélo. La proposition du péage urbain du Parti Socialiste Genevois (PS) Le but ici n’est pas de parler politique, seulement d’exposer un fait, celui de la proposition du péage urbain du PS au Grand Conseil. Ce dernier répond aux enjeux de la décongestion, puisqu’il permettrait, à l’instar de celui de Londres, de lutter contre la congestion urbaine, et ainsi contre la pollution automobile. Ce péage permettrait une complémentarité modale puisque, dans le même principe que le P+R expliqué précédemment, les personnes disposeront de parking d’échange et de transports en commun afin de rejoindre le centre de Genève. De plus, il financerait à long terme la gratuité des transports publics. CEVA « Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse » Le CEVA , est un projet de liaison ferroviaire entre le canton de Genève et la Haute-Savoie. Il est lui aussi un projet acteur de la décongestion puisqu’il permettrait aux frontaliers et aux personnes habitant sur le tracé de la ligne de rejoindre le centre de Genève avec un Réseau Express Régional (RER) et non en voiture. Ce projet répond aux enjeux de développement et de croissance du canton de Genève. 1. http://ge.ch/transports/les-mobilites-geneve/mobilite-douce/plan-directeur-de-la-mobilite-douce
2.http://roukmout1.free.fr/velo/01%20La%20voiture%20dans%20une%20impasse/01-11%20Etat%20des%20lieux%20de%20l%27usage%20du%20v%E9lo/Rapport_usager_du_v%E9lo.pdf
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« Il apporte une réponse pratique et écologique aux problèmes de déplacements urbains (...).»1.
64 1. http://www.ceva.ch
B. LA COURSE À LA HAUTEUR Principe Depuis toujours, et dans la plupart des cultures, des preuves témoignent du désir de construire vers le ciel et le divin. Que ce soit réel tels que les pyramides, les clochers des églises ou imaginaire comme la tour de Babel. Cette conquête vers le ciel perdure encore aujourd’hui, elle s’est déclinée à travers les civilisations. Outre la recherche de proximité avec le divin, la verticalité vient aussi de la frustration de l’homme debout, vertical, face à son champ de vision horizontal. La tendance veut que l’homme soit curieux et cherche à regarder ce qu’il ne peut pas voir, et atteindre ce qu’il ne peut pas toucher. Ainsi l’homme s’élève et cela modifie sa perception du paysage. La hauteur est un défi pour l’homme, une provocation à la pesanteur, au sol et à ses contraintes. Elle n’est limitée que par la technique, mais grâce aux innovations, l’homme s’envole. Notamment avec l’arrivée de l’ascenseur au XIXème siècle, qui a permis la naissance des gratte-ciels New Yorkais. Depuis, l’homme cherche à dépasser ses possibilités en construisant toujours plus haut. Cette symbolique, tout d’abord religieuse, puis à caractère défensif, s’est peu à peu éloignée de ses principes. En effet, elle est, petit à petit, devenue symbole de puissance et d’identité. Cela est remarquable dans le cas des tours de Bologne1, par exemple. Cette tendance à vouloir montrer sa réussite, sa richesse et sa puissance, qu’elles soient réelles ou prétendues. C’est une course à la hauteur qui débute pour les familles les plus aisées de cette ville. L’histoire dit que le nombre maximal de tours est de cent quatre-vingt. Tous ces projets étaient dictés par l’ego des Hommes et l’envie d’être au dessus des autres, en gardant cette idée de supériorité en s’éloignant du peuple et en se rapprochant du ciel. Il en est de même dans la surélévation, ce principe a été expliqué dans le chapitre précédant. La hauteur est un réel argument de vente. Elle est généralement associée à une vue dégagée et à la luminosité. La hauteur est une ressource égoïste, utile aux personnes pouvant se l’offrir, et desservant les autres. Ainsi avec la hauteur, on prive une partie du sol de lumière, et ses habitants de l’accès au soleil, ce dernier étant réservé aux parties supérieures. De plus, la mixité sociale est limitée puisque l’accès aux étages supérieurs est quelquefois interdit à la population, ces parties étant privatisées. Les interac1. Annexe 11
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tions deviennent difficiles, et l’entre-soi se reproduit de la même façon que dans l’étalement urbain. Chaque classe est barricadée dans son espace, à l’instar des «gated communities», ces quartiers sécurisés ou résidences fermées pour riches. Cas d’application à Genève L’histoire de la verticalité A Genève, la verticalité est représentée par le Jet d’eau. Ce dernier contraste avec la ligne d’horizon du lac, ses plages et promenades aménagées. Il culmine à cent quarante mètres de hauteur, pour une raison actuelle seulement touristique. La vieille ville est la seconde verticalité de Genève. Du haut de cette colline culmine la cathédrale Saint-Pierre, symbole visible depuis de nombreux endroits de la ville. Cette hauteur s’explique par le phénomène de fortification qui encerclait la ville à la fin du IIIème siècle, et ce, pendant les six à huit siècles qui suivirent. Une utilité de base défensive, qui obligea la population à construire à l’intérieur de cette enclave. Au fur et à mesure de la croissance, la population n’eut d’autre choix que de s’étendre verticalement. Cela, jusqu’au XIème siècle, période de prospérité, qui obligea les habitants de la ville à construire et s’étendre au delà de ses murailles, allant même jusqu’au lac.1 Lois en faveur de la hauteur Dans un contexte plus actuel, la ville suit le même principe que la ville fortifiée. Cette dernière est encerclée par les montagnes et le lac, et subit les mêmes pressions démographiques de la vieille ville. Il faut donc s’étendre par le haut. Ainsi de nombreuses lois sont mises en œuvres pour répondre à cette demande. Tout commence avec la LCI du 14 avril 1988. Dans l’article 3 «Après consultation de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites, le département établit des cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d’être surélevés. La délivrance d’une autorisation en application de l’alinéa 3 est subordonnée à l’adoption par le Conseil d’État de la carte applicable à l’immeuble concerné.»2. L’état stipule qu’il ouvre la ville à la surélévation, et aussi à l’augmentation des gabarits en zone 2 et 3. Ainsi la hauteur maximale est de 24m en zone 2 et 27 en zone 3 et la surélévation maximale de 3m. Puis, lors de la Loi 9529 du 17 février 2006 , le Grand Conseil propose une modification de LCI. «Ce texte entendait rendre possible la surélévation de 6 m, soit 66
deux étages, des immeubles en zones 2 et 3. La hauteur maximale des construc1. Walter Zurbuchen, Les fortifications de Genève, Le Globe. Revue genevoise de géographie,1984, pp. 53-74 2. Annexe 1
tions était ainsi portée de 24 m à 30 m en zone 2 et de 21 m à 27 m en zone 3.»1. Il est adopté en large majorité. La course à la hauteur continue, avec toujours comme prétexte la pénurie de logements. Pourtant, il reste de nombreux bâtiments non surélevés, identifiés comme potentiellement surélevables. C’est dans ce contexte que Pierre Bonnet est mandaté par le service d’urbanisme de la ville de Genève afin d’analyser les causes de la sous-utilisation du potentiel à bâtir. Il doit aussi examiner les effets de cette nouvelle loi 9529. La première cause de cette sous-exploitation que cite Pierre Bonnet est celle de la faible rentabilité d’une surélévation. Pour lui, cela décourage les investisseurs. Ils ne prennent pas un risque aussi grand, pour un taux de rentabilité aussi faible. De plus, avec la surélévation il y a un surcoût de l’existant, puisqu’une surélévation nécessite une remise aux normes de l’ensemble du bâtiment (ascenseur, chauffage ...) La complexité des procédures est aussi un frein, de même pour les compensations aux locataires, en raison des pertes de gain des commerces ou pertes de loyers. Parfois même il y a des frais de relogement pendant la période de travaux. Les effets de cette nouvelle loi de 2006 sont considérables. Avec la possibilité de surélever de deux étages contre un antérieurement, la rentabilité est bien meilleure et encourage bien davantage les investisseurs. Pour Pierre Bonnet, cette nouvelle loi établit un potentiel théorique d’une dizaine de milliers de logements supplémentaires à Genève. Mais pour lui, afin de pousser les investisseurs publics ou privés à passer le cap de la surélévation, il faudrait un mode d’intervention coordonné à une échelle supérieure, celui de l’îlot, ou même de la rue. Il pense que cela pourrait simplifier un grand nombre de procédures et inciter certains investisseurs à se risquer. En 2008, la facilitation de la surélévation se poursuit avec la L10088 qui propose certaines dérogations. «Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit, à condition que celle-ci ne compromette pas l’harmonie urbanistique de la rue; il est notamment tenu compte du gabarit des immeubles voisins.»2. C’est avec cette loi, que le nombre de surélévation a augmenté exponentiellement, et qu’en 2015, le service d’urbanisme est obligé d’entreprendre une nouvelle loi afin d’éviter la «guerre des surélévations»3. 67 1. Annexe 12 2. Annexe 13 3.Olivier Francey, Le temps, Surélévations : ville et canton s’accordent sur un modus vivendi, 29 juin 2016
En quarante ans de bataille, entre nouvelles lois et réglementations, cette courte épopée aura fait gagner six mètres de hauteur en zone 2 et 3 à la ville de Genève.
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C. LA RECHERCHE DE DENSITÉ Principe La densité est un phénomène naturel qui permet à la population d’habiter en collectivité et de partager les ressources et les richesses comme les commerces, les emplois et de la culture. «La densité est à l’origine de tout établissement humain. Fermes, villages et localités sont fondés dans le but de se protéger et de faciliter ainsi le travail et les échanges. Avant tout, ils sont fondés pour que les hommes puissent, grâce à la proximité spatiale, interagir et communiquer mieux. Depuis toujours, la densité est la conséquence immédiate d’un besoin culturel de se rapprocher. Elle est l’essence du fait urbain, qui atteint son apothéose dans la ville.»1. La densification est une nécessité contre l’étalement urbain. L’afflux croissant de la population à Genève a besoin d’être accueillie. La surélévation est l’une des solutions apportées à ce phénomène, et celui-ci entraine une augmentation de la densité. La densité se calcule grâce à plusieurs outils, notamment celui de la mesure du coefficient de l’occupation du sol (COS) et de la densité bâtie (DB) exposées si dessous. Le COS est l’outil de calcul réglementaire par excellence. C’est le rapport de la surface constructible sur la surface de la parcelle et définit ainsi le « droit à bâtir » sur une parcelle. En somme, il est la densité rendue possible par le règlement d’urbanisme. COS = surface constructible / surface de parcelle La DB est le rapport entre le coefficient d’emprise au sol (CES) c’est-à-dire le rapport de l’emprise au sol multiplié par le nombre d’étages et la surface de l’îlot sur lequel ils sont implantés. DB = CES*nombre d’étages / surface de l’ilot Cas d’application à Genève Lois en faveur de la densité Le 16 mai 2013, le Grand Conseil de la République et Canton de Genève a voté le projet de loi 10965 qui propose une utilisation rationnelle du sol en zone de développement avec une nouvelle définition : l’indice de densité. Les habitants ont voté le 9 février 2014 «OUI Pour une utilisation rationnelle du sol»2 à 60 %. 69 1. Bonnet Pierre – La ville sous-exploitée pour COMTESSE Xavier - Élever la ville – contribution et débats sur la densification urbaine en Suisse romande, Avenir suisse, novembre 2008, 2. Annexe 14
Cette loi représente plusieurs enjeux. L’un d’entre eux est d’utiliser le sol de manière rationnelle. Cela passe tout d’abord par l’économie de ce dernier «Les terres agricoles et les paysages sont des ressources non renouvelables qui ne peuvent pas continuer à être grignotées par une urbanisation dispersée grande consommatrice de sol.»1. Il faut aussi optimiser les transports en commun afin que le sol végétal ne soit pas utilisé pour répondre aux besoins de la voirie automobile. «Pour que les transports publics soient performants et à des coûts acceptables pour les collectivités, il faut qu’ils desservent des quartiers suffisamment habités.»2. Aussi créer des quartiers multifonctionnels, afin que les habitants puissent vivre, travailler, se socialiser, se divertir, et faire leur courses dans ce quartier. Cela minimise les déplacements et donc l’étalement urbain. Pour cela il faut aussi qu’il y ait des espaces verts à proximité pour concevoir ainsi des quartiers de haute qualité environnementale. Un autre enjeu est de lutter contre la pénurie de logements. La recherche de la densité conduit à l’augmentation du bâti. Genève propose que ce bâtiment soit utilisé majoritairement en habitation pour répondre à la pénurie de logement qui touche la ville. «Il faut éviter que la croissance économique du Canton ne souffre de son incapacité à accueillir les personnes actives.»3. L’économie de Genève souffre de cette insuffisance, car il est vrai que la population consomme là où elle réside. Ainsi, si les actifs de Genève habitent en France ou dans le canton de Vaud en raison du montant de loyer trop éveillé à Genève, c’est une grande perte financière pour la ville. «En d’autres mots, il s’agit de réaliser un équilibre entre les emplois et les logements.»4. Densifier en représente un dernier. En 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève décidait d’augmenter les gabarits en ville (zone 2 et 3), permettant ajouter deux étages de logements supplémentaires. Cette décision va dans le sens de la Loi Générale sur les Zones de Développements (LGZD)5 puisque celle-ci détermine un indice de densité minimal dans les zones en développement ,qui est de : - 2,5 en zone de développement 2; - 1,8 en zone de développement 3; - 1 en zone de développement 4A; - 0,8 en zone de développement 4B. L’augmentation des hauteurs va de pair avec l’accroissement de la densité.
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L’étalement urbain 1. Annexe 14 2. Ibid 3. Ibid 4. Ibid 5. Annexe 15
En mars 2013, les Genevois ont accepté la modification de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT)1. Cette dernière préconise un développement tourné vers l’intérieur du milieu bâti et non vers l’extérieur. Ainsi certains cantons vont être obligés de rendre inconstructibles des surfaces de terrain non bâties qui jusqu’alors étaient classées constructibles. C’est un grand pas contre l’étalement urbain. Même si Genève ne peut pas s’étendre de façon exponentielle, il reste quelques espaces verts aux niveaux des frontières françaises. Et ces dernières vont rester partiellement non constructibles. Comme celui d’Avusy, qui conserve 8400 hectares de terre labourable «en cas de crise et la préservation des paysages»2. Le projet du Grand Genève va aussi dans ce sens. Ce territoire concentre deux cent douze cantons situés en France et en Suisse, soit le canton de Genève, soit le district de Nyon. Le projet prévoit notamment la création du CEVA. Il s’agit d’une ligne ferroviaire, un RER, à l’échelle de l’agglomération franco-valdo-genevoise, de seize kilomètres, qui reliera la Gare Cornavin à Annemasse. Aujourd’hui les réseaux des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) et la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) sont des cul-de-sac au niveaux des frontières. Seule la ligne 65 la traverse, mais une heure de trajet est nécessaire pour rejoindre les deux extrémités en heure de pointe en raison des bouchons. Cette ligne sera donc un véritable pas en avant pour les frontaliers qui pourront dorénavant rejoindre la gare Cornavin en vingt minutes, avec un train toutes les dix minutes en heure de pointe. Cette ligne desservira aussi les principaux centres d’activités dans le canton de Genève le long de son parcours. Elle sera majoritairement enterrée et respectera ainsi la volonté de la ville à préserver le sol végétal sans l’utiliser ni pour le bâti, ni pour le réseau viaire3.
71 1. Annexe 16 2. Jean Francois Mabut, Genève peut bâtir dans la zone agricole... jusqu’en 2023 La tribune de Genève, 02.08.2016 3. http://www.ceva.ch/2017/05/11/ceva-en-bref/?b=http://www.ceva.ch/category/projet
2. LES THÉORIES APPLICABLES À LA VILLE DE GENÈVE Après avoir étudié les caractéristiques de la ville Genève, il est intéressant d’appréhender les différentes théories de l’urbanisme vertical, afin de comparer ces dernières à ce qui a été présenté dans la partie en amont. Ainsi il sera possible d’identifier si ces caractéristiques sont en adéquation avec les théories de l’urbanisme vertical. Tout d’abord qu’est ce que l’urbanisme vertical. D’après mes recherches, c’est une méthode d’urbanisation choisie par les politiques publiques des villes suite à de nombreuses caractéristiques de la ville moderne. A savoir, le manque d’espaces au sol, le «besoin» d’infrastructures routières, mais aussi conjointement l’innovation technologique. Tous ces facteurs sont des déterminants de la ville d’aujourd’hui. Cette modernité a influencé les politiques de la ville dans leur choix d’urbanisation. Au cours de son renouvellement, la tendance est celle de la verticalité. De nombreuses théories sont rédigées à ce sujet. Dans cette partie, j’ai retenu principalement trois d’entre elle, chacune d’un architecte différent. S’agissant de Rem Koolhaas, j’ai étudié sa théorie à travers ces écrits, notamment New York Délire, mais aussi Junkspace et S,M,L,XL. L’architecte traite principalement du cas de Manhattan et en déduit ce qu’il appelle le Manhattanisme (mouvement urbain appliqué à Manhattan). J’ai également étudié celle de Antoine Grumbach et sa pensée de ville sur la ville. Et principalement L’inachèvement perpétuel mais aussi deux articles de revue : La ville sur la ville paru dans Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction et Culture de densité ou l’inachèvement perpétuel paru dans Cahier 8 - Institut pour l’Art et la Ville. Quant à André Corboz, son idée est celle d’un territoire formé comme un palimpseste. J’ai étudié son livre Le territoire comme palimpseste et autres essais, où il prend pour exemple le cas de Genève, évidemment intéressant puisqu’en lien avec ce mémoire.
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A. LA CULTURE DE LA CONGESTION DE REM KOOLHAAS Rem Koolhaas est un architecte et théoricien du XXI ème siècle. Il fonde en 1975 le Bureau pour une Architecture Métropolitaine (OMA). L’objet de ce bureau d’architectes est « de définir de nouveaux types de relations théoriques et pratiques entre l’architecture et la situation culturelle contemporaine »1. Un modèle de la ville post-moderne Pour Rem Koolhaas, la ville et les éléments qui la composent ont historiquement été façonnés sans architecte. Il affirme également que ce mode de faire la ville d’une part et l’ensemble des rapports sociaux qui s’y établissent d’autre part, amènent une cohérence, constituant la Ville européenne. Chaque acteur construit la ville et cela aboutit à une juxtaposition d’édifices, unifiés par des réseaux techniques. «Il en découle un espace dont la seule cohérence repose sur les logiques de flux et la prévalence de valeurs marchandes et utilitaires.»2. Dans Junkspace, il appelle cette ville européenne : Ville Générique. Il s’agit d’un modèle ou plutôt d’un résultat créé par des réactions en chaines. En découle une agglomération sans personnalités, dictée par les besoins/faux besoins de la société post-moderne. «La Ville Générique est tout ce qu’il reste de ce qu’était la ville. La Ville Générique est la post-ville en construction sur le site de l’ex-ville.»3. La verticalité La recherche de la verticalité est un phénomène provoqué par la société post-moderne. «La Ville Générique quitte l’horizontalité pour la verticalité. Le gratte-ciel sera, semble-t-il, le type ultime, définitif. Il a englouti tout le reste. Il peut se trouver n’importe où: dans une rizière, ou en centre-ville - cela n’a plus d’importance. Les tours ne sont plus érigées en groupe; elles sont espacées pour ne plus interagir. La densité dans l’isolation , c’est l’idéal»4. Il s’agit comme dans le cas de la surélévation, d’idéal, car elle permet l’évasion du reste du peuple, mais aussi de la congestion. Le gratte-ciel est considéré comme une construction de densité verticale, régie dans une forme singulière, représentant la ville post-moderne. La congestion Avant de comprendre la culture de la congestion exposée dans New York Délire, il est important d’exposer les conditions qui selon Rem Koolhaas déterminent la métropole. Dans son livre, Pour une culture de la congestion, Jacques Lucan décrit les ouvrages de Rem Koolhaas et à travers eux, les conditions qui déterminent la métro74
pole. Tout d’abord la révolution industrielle a engendré une croissance exponentielle 1. Patteeuw, Véronique, Qu’est-ce que l’OMA à propos de Rem Koolhaas et de l’Office for Metropolitan Architecture , Paris : Moniteur, 2004. p. 178. 2. L’architecte et la ville : à plusieurs voix sur Rem Koolhaas, Mouvements 2005/3 (no 39-40)P183 3. Rem Koolhaas, Junkspace, p55 4.Ibid
des machines, et a donc permis de fonder la métropole. L’arrivée de l’ascenseur a bouleversé la façon de penser des architectes, car la hauteur est devenue accessible. Il s’agit aussi de la possibilité de connecter plusieurs fonctions au sein d’un même édifice liées par un flux vertical. Dans un second temps, le concept de la métropole a effacé l’histoire précédente de l’architecture. «La grande originalité de la Ville Générique est d’abandonner tout simplement ce qui ne marche pas - ce qui a survécu à son usage -, de défoncer le bitume de l’idéalisme avec les marteaux-piqueurs du réalisme et d’accepter tout ce qui pousse à sa place.»1. Enfin, la recherche de densité de population et d’infrastructure est également responsable de la culture de la congestion. «... Son architecture favorise un état de congestion à tous les niveaux possibles, et exploite cette congestion pour inspirer et soutenir des formes particulières de relations sociales qui forment ensemble une culture unique de la congestion»2. Ainsi l’architecture elle-même favorise la congestion à tous les étages. New York Délire Manhattan Selon Rem Koolhaas, Manhattan est «une montagne d’évidences sans manifeste»3. C’est un territoire en constante évolution dans lequel chaque bloc reflète un désir de rechercher une architecture capable de combler tous les besoins et les envies d’un mode de vie métropolitain. Il la décrit comme «une ile mythique ou l’intervention et l’expérience d’un mode de vie métropolitain et de l’architecture qui lui correspond peuvent se poursuivre comme une expérimentation collective qui transforme la ville toute entière en usine de l’artificiel, où le naturel et le réel ont cessé d’exister»4. Cet alignement de blocs typique à la ville de New York est une non planification. Chaque bloc est unique, il est un projet à part entière tout en faisant partie de la ville. Il est la culture de la congestion, comme chaque projet, avec par exemple ceux des grands groupes. «La situation du quartier financier de Manhattan, entouré, de part et d’autre ,de fleuves qui interdisent toute extension latérale, a incité architectes et ingénieurs à chercher en l’air la place nécessaire aux grandes compagnies qui réclament des espaces de bureaux en plein cœur du Nouveau Monde»5. Pour Rem Koolhaas il est impossible de déterminer à l’avance ce que chaque bloc va devenir, et c’est cela qui crée la ville, et la congestion de Manhattan. «En terme d’urbanisme, cette indétermination signifie qu’il n’est plus possible d’attribuer à un site donné une destination unique fixée à l’avance.(...) Il est devenu impossible de 1. Rem Koolhaas, Junkspace, p55 2. Jacques Lucan , Pour une culture de la congestion de Rem Koolhaas, 1990, p32 3.Rem Koolhaas, New York Délires - Un Manifeste rétroactif pour Manhattan, 2002, p.9 4.Ibid 5.Rem Koolhaas, New York Délires - Un Manifeste rétroactif pour Manhattan, 2002, p.87
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planifier la culture»1. Manhattan est pour Rem Koolhaas un exemple de rupture nette avec l’architecture moderne, mais son but n’est pas de s’y opposer. Son but est «celui de toujours vouloir renouer avec «le vrai feu de la modernité»: offrir aujourd’hui un établissement aux programmes futurs.»2. Le Manhattanisme Rem Koolhaas oriente sa recherche sur les principes qui ont fait naître Manhattan, ainsi que l’architecture qui en résulte. Il en déduit qu’il s’agit d’une architecture moderne n’appartenant pas au mouvement moderne. Il appelle ce mouvement : le Manhattanisme. Un mouvement opposé et homologue à celui du Mouvement Moderne Européen. «Il s’agissait alors pour Koolhaas de retracer la théorie inconsciente et informulée ayant présidé à l’expérimentation collective sans manifeste qui, de 1890 à 1940, a fait de Manhattan le lieu de la culture de la modernité et de la congestion. Delirious New York n’était pas une simple critique du fonctionnalisme. Bien que fondé sur la fiction et sur l’ironie, il visait à élaborer une théorie urbaine pour la fin du XXe siècle, réévaluant la densité dans la culture urbaine.»3. «Comme urbanisme, le manhattanisme est la seule idéologie qui se soit nourrie dès le départ de la splendeur et de la misère de la condition métropolitaine - hyperdensité - sans jamais cesser de croire en elle comme le seul fondement d’une culture moderne souhaitable. L’architecture de Manhattan est le paradigme de l’exploitation de la densité»4. Cet urbanisme est créé par la volonté de répondre rapidement aux attentes d’une grande densité de population contenue sur un territoire restreint. «La métropole exige et mérite une architecture spécifique qui soit capable d’exploiter les possibilités offertes par la condition métropolitaine et de donner une nouvelle dimension à la tradition encore toute récente de la culture de congestion» Thèse développée dans Délirious New York (1978). Pour conclure, New York Délire est une recherche qui propose une hypothèse où la congestion est une nécessité de vie urbaine et un facteur de qualité urbaine. Dans cette optique, le livre cherche à démontrer les capacités qu’ont l’urbanisme et l’architecture de Manhattan à gérer la congestion, la mettre en valeur, et la rendre agréable.
76 1. Rem Koolhaas, New York Délires - Un Manifeste rétroactif pour Manhattan, 2002, p.85 2. Jacques Lucan , Pour une culture de la congestion de Rem Koolhaas, 1990, p7 3. Hélène Jannière, « L’Architecture entre mythe du progrès et désenchantement », Critique d’art [En ligne], 21 | Printemps 2003, mis en ligne le 27 février 2012, 4. Rem Koolhaas, New York Délires - Un Manifeste rétroactif pour Manhattan, 2002, p.11
B. L’INACHÈVEMENT PERPÉTUEL D’ANTOINE GRUMBACH Antoine Grumbach est un architecte-urbaniste, en accord avec les politiques publiques de la ville actuelle. En effet, la ville est aujourd’hui éclatée, «hétérogène comme le sont les comportements sociaux de plus en plus individuels et le jeu libre des acteurs économique»1. En réponse à cela, mais aussi en faveur de l’économie du territoire, de la ville plus compacte, et de la densification des vides urbains et périurbains, Antoine Grumbach a un mot d’ordre: faire la ville sur la ville! «Pour fabriquer la ville sur la ville, il faut négocier avec toutes ces histoires»2. Il nous parle d’une ville en perpétuel inachèvement. Un agglomérat d’éléments de différentes époques, établi sur des strates anciennes et d’autres plus récentes. Cela reflète la même pensée que Patrick Devanthéry et son idée de Pacemaker de la ville, quand il parle de l’Hôtel Cornavin de Genève. «C’est un projet d’acupuncture : c’est à dire la recherche du point juste sur lequel on agit pour que la ville se transforme.»3. Ainsi, deux idées principales œuvrent à la continuité de la ville pour Antoine Gumbrach, il s’agit d’établir la ville sur la trace existante : le déjà-là, sans pour autant tout détruire, il parle alors de ré-articulation de la ville. «Le premier travail à accomplir lorsqu’on intervient sur un territoire est d’en comprendre la géographie.»4. Le déjà là Pour Antoine Grumbach, construire la ville sur la ville c’est prendre conscience de l’histoire et de la géographie du lieu. «Le projet urbain ne peut pas faire l’économie d’étudier l’histoire de la formation du territoire car l’histoire est un outil de pensée»5. Il est en opposition avec le plan Voisin de le Corbusier : «ce plan est la manifestation la plus abrupte d’une indifférence totale à la ville existante et à l’histoire au nom d’une idéalité meurtrière et amnésique qui a trouvé son écho dans le nazisme par l’élimination de toutes les races soi-disant impures.»6. Il expose ses idées à travers différents projets qu’il a réalisés. Premièrement : «Ni reproduire, ni raser : renouveler»7. Cette idée est utilisée lors de la présentation de son projet Rue des Amandiers à Paris. Il s’agissait alors de suivre l’idée de conservation d’un immeuble auquel les populations étaient attachées puisque l’édifice représentait le dernier symbole de l’ancienne ville. Cette 1.Antoine Grumbach, Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la ville sur la ville, n° 15, décembre 1998, p3 2.Ibid p19 3.Antoine Grumbach, L’inachèvement perpétuel, Territoire, Aménagement-Déménagements, Conférences 1997, p60 4. Antoine Grumbach, Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la ville sur la ville, n° 15, décembre 1998, p20 5.Ibid p26 6. Antoine Grumbach, L’inachèvement perpétuel, Territoire, Aménagement-Déménagements, Conférences 1997, p48 7. Antoine Grumbach, Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la ville sur la ville, n° 15, décembre 1998, p19
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initiative fut réalisée, pourtant la demande initiale de l’APUR était de le raser. Cet événement suit la logique de renouvellement évoquée par Antoine Grumbach. Pour lui, il faut conserver un symbole tout en travaillant autour. Ce dernier établit alors un nouveau point de départ pour élaborer un projet. Deuxièmement : «Rétablir une normalité urbaine»1. Cette idée est exposée dans le projet des Minguettes à Vénissieux. Il s’agit d’un quartier situé sur une plaine, entre deux lignes de chemins de fer qui le séparent complètement de la ville. Pour Antoine Grumbach c’est une aberration. Il réalise une carte de courbe de niveaux afin d’observer le relief initial. A partir de cette carte, il décide de respecter les éléments naturels et de recréer les continuités qui avait été effacées. C’est à partir de ces éléments qu’il va réaliser le projet de construction des nouveaux quartiers d’habitations. Enfin «Retrouver les tracés»2. Cette idée s’applique au cas de la caserne de Bayonne. Dans ce projet, il était intéressant de s’interroger sur ce qui existait avant sa construction, afin de poser les bases du nouveau projet. Il convenait également de respecter la végétation initiale, puisqu’ici par exemple, un cours d’eau a été redécouvert. «Le projet se fait en étudiant l’histoire de la formation de la ville - instrument par lequel adviennent des évidences - et en restituant des liens qu’avaient rompus des logiques infrastructurelles»3. Tous ces projets impliquent la prise en compte, mais aussi le respect du déjà-là. A l’opposé du «fuck the context» de Rem Koolhaas, pour qui, la «Bigness» (architecture fragmentée entre une multitude de fonctions et d’acteurs) ne fait plus partie d’aucun tissu urbain. Ré-articuler «Ce qui illustre qu’un projet ne consiste surtout pas à dessiner, mais à ré-articuler le dejà-là.»4. Dans la continuité de considérer le déjà-là dans un projet urbain, Antoine Grumbach prend en compte l’existant. Il ne s’agit pas de faire la «tabula rasa», ni de recréer l’ancienne ville. «La ville sur la ville n’est toutefois pas tributaire de toutes les traces laissées par les différents récits et périodes sur un territoire. Le projet est un choix de traces.»5. En effet, les problématiques actuelles ne sont pas les mêmes. Aujourd’hui la ville est en mouvement, elle fonctionne en réseaux, et la notion de vitesse est fortement
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1.Antoine Grambach, Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la ville sur la ville, n° 15, décembre 1998, p20 2. Ibid p21 3. Ibid 4. Ibid p23 5. Ibid p3
ancrée dans notre société. La ville actuelle ne pourrait donc pas être construite sur le même principe que l’ancienne ville. Pour Antoine Grumbach, il faut recycler le territoire. «L’intelligence consiste à considérer que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.»1. Il faut le reprendre, élément par élément afin de reconstruire. C’est cette superposition qui forme la ville. Chaque fragment est unique, travaillé en fonction de son contexte, et nul ne pourrait le remplacer. «Construire la ville sur la ville signifie alors donner différentes réponses selon les lieux.»2. C’est un des critères qui prime sur le bien fondé d’un édifice. Ce dernier ne peut s’implanter qu’à un endroit précis, celui où il a été construit. Chaque bâtiment ou espace public apporte son histoire à la ville. Ainsi elle se caractérise par un ensemble d’éléments qui fonctionnent comme un tout. «Le pavillonnaire, les industries, les barres . les tours, les espaces verts et les centres historiques constituent une forme saisissable où coexistent une multiplicité de logique»3. Tous ces édifices ou espaces publics sont amenés à disparaître. Il s’agit de saisir le besoin du projet, à l’instant T mais aussi pour l’avenir, puisque l’urbanisme, à la différence de l’architecture, perdure. «La ville, en effet, n’a rien à voir avec l’architecture qui produit un objet qui se termine qui s’achève : la garantie de «bon achèvement» est indissociable de l’objet architectural. A l’opposé, la ville, et nous le verrons, est un inachèvement perpétuel. La ville finie est une ville morte.»4. La «culture de la densité» «cessons de construire nos villes hors les villes»5 La ville et la métropole impliquent la notion de déplacements, d’infrastructures routières et de transports publics. «La question des déplacements et des réseaux de circulation est l’armature centrale des nouveaux pôles du territoire.»6. En lisant cette affirmation, il était à mon sens question de flux routiers et de flux humains. Mais pour Antoine Grumbach, il n’est ni question de voiture, ni de congestion, ni de densité. Il évoque la «culture de la densité». C’est à dire l’espace délaissé au profit de la culture. Il explique alors que la culture fait partie de la ville et a besoin d’espaces pour s’exprimer. «L’espace public est le seuil minimum pour le travail des artistes,(...) 1. Antoine Grumbach, Les formes de la métropole, Atelier internationale du grand paris, publication collective, 2013 2. Alexandre Melissinos, Antoine Grambach, Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, la ville sur la ville, n° 15, décembre 1998, p26 3. Antoine Grumbach, L’inachèvement perpétuel, Territoire, Aménagement-Déménagements, Conférences 1997, p42 4. Ibid P44 5. Antoine Grumbach, Culture de densité ou l’inachèvement perpétuel, Cahier 8 - Institut pour l’Art et la Ville, 1994, p32 6. Antoine Grumbach, L’inachèvement perpétuel, Territoire, Aménagement-Déménagements, Conférences 1997, p24
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Encore faut-il avoir le courage nécessaire pour parfois choisir de respecter le vide emblématique de l’espace»1. La mémoire Dans la continuité de la «culture de la densité», Antoine Grumbach parle de mémoire collective. Pour lui, l’œuvre artistique éphémère peut être le fondement de la ville. «Ils peuvent produire des monuments, non pas au sens matériel mais au sens latin de monumentum, à savoir la mémoire»2. Il cite notamment l’œuvre d’Ernest Pignon, collant des affiches représentant des tableaux de peintres anciens dans des quartiers marginaux. Ainsi il fait revivre le peintre et le quartier, apporte connaissance, culture et souvenir. C’est un nouveau souffle, une nouvelle vie, une nouvelle ville. L’architecture est faite pour vivre et être modifiée, elle n’est pas comme une sculpture ou un objet. Elle se modifie, tout en conservant la mémoire du passé.
80 1. Antoine Grumbach, L’inachèvement perpétuel, Territoire, Aménagement-Déménagements, Conférences 1997, p34 2. Antoine Grumbach, L’inachèvement perpétuel, Territoire, Aménagement-Déménagements, Conférences 1997, p25
C. LE TERRITOIRE COMME PALIMPSESTE D’ANDRÉ CORBOZ André Corboz est un historien de l’art, de l’architecture et de l’urbanisme suisse. Il est célèbre notamment pour ces deux métaphores du territoire qui sont celle du palimpseste et celle de l’hypertexte. Prise de conscience Ces deux métaphores représentent l’histoire du territoire. Ce dernier a muté et mute sans cesse. D’une part, il se modifie spontanément, comme c’est le cas avec la tectonique des plaques ou autres phénomènes géologiques. Mais aussi, il subit les interventions humaines. Avec l’arrivée de l’industrie, la nature a été fortement bouleversée formant de nombreux obstacles, notamment les nœuds routiers et autoroutiers qui canalisent les nouveaux flux nécessaires à l’augmentation de la vitesse. Or pour André Corboz cela a modifié la pensée des planificateurs de la ville, et aboutit à une prise de conscience de la nécessité d’aménagement du territoire. «Jusqu’au seuil des années soixante-dix, cette idéologie du mouvement et de la mutation régnait sur la mentalité des planificateurs. Tout se passait parfois comme si le territoire était dépourvu de permanence.»1. Ces questionnements l’ont amené à penser le territoire comme le résultat de superposition de couches historiques, mais aussi de recoupement à travers ces dernières. Il considère aussi qu’il faut absolument les étudier avant d’implanter son projet. «une conception de l’aménagement, (...) comme résultat d’une très longue et très lente stratification qu’il importe de connaitre pour intervenir. (...). Cette nouvelle mentalité lui restitue une épaisseur que l’on avait oubliée»2. Il ne s’agit pas non plus d’enfermer ses couches sous une bulle protectrice à l’instar du Buckminster Fuller couvrant Manhattan. Pour lui, le but est de s’en inspirer, mettre en avant certaines parties et en mettre d’autres plus en retrait. «Une prise en compte si attentive des traces et des mutations ne signifie à leur égard aucune attitude fétichiste. Il n’est pas question de les entourer d’un mur pour leur conférer une dignité hors de propos, mais seulement de les utiliser comme des éléments, des points d’appui, des accents, des stimulants de notre propre planification.»3. Ces principes définissent son idée principale: «Les habitants d’un territoire ne cessent de raturer et de récrire le vieux grimoire des sols»4. La superposition des couches Le palimpseste est défini comme un manuscrit constitué d’un parchemin déjà utilisé, dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire de nouveau. Cette métaphore du territoire est utilisé par André Corboz pour signifier la multiplication des couches à travers le temps qui passe. A cela s’ajoute une nuance, celle 1. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001, p226-227 2. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001, p227 3. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001. p228 4. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001, p213
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de l’importance de la couche inférieure, et de la finesse de cette dernière. En effet, comme un palimpseste, ce qui est en dessous est fragile. Si on «gratte» trop fort, on efface l’information à tout jamais. Le but du territoire est donc de fouiller précautionneusement, afin de ne pas effacer des informations irremplaçables. «Mais le concept archéologique de stratification ne fournit pas encore la métaphore la plus appropriée pour décrire ce phénomène d’accumulation. La plupart des couches sont à la fois très minces et largement lacunaires. Surtout, on ne fait pas qu’ajouter: on efface. Certaines strates ont même été supprimées volontairement.»1. Pour cela il utilise le même terme qu’Antoine Grumbach, expliqué précédemment : Recycler. «Chacun est unique, d’où la nécessité de «recycler», de gratter une fois encore (mais si possible avec le plus grand soin) le vieux texte que les hommes ont inscrit sur l’irremplaçable matériau des sols, afin d’en déposer un nouveau, qui réponde aux nécessités d’aujourd’hui avant d’être abrogé à son tour»2. Je pense que ce terme n’est pas utilisé au hasard par ces deux théoriciens. La notion environnementale est un des premiers sens donné à ce mot, or le territoire, c’est la nature. Un élément qui s’oxyde et se perd, auquel il faut faire attention. Ainsi le recyclage est une aide, une forme de sauvetage pour le territoire et son environnement. La mutation L’ hypertexte est défini comme un document ou un ensemble de documents contenant des unités d’informations liées entre elles par des hyperliens. Ce système permet à l’utilisateur d’aller directement à l’unité qui l’intéresse, à son gré, d’une façon non linéaire. Cette caractéristique s’ajoute à l’idée du palimpseste mais permet une précision de cette dernière. André Corboz ne voit pas le territoire comme une superposition de couche individuelle, mais d’une interaction entres ces différentes strates. Ainsi ces dernières peuvent s’entremêler, se croiser, ou encore se confondre. «Le territoire résulte d’un ensemble de processus plus ou moins coordonnés.»3. Cette multiplication de processus atteint toutes les couches de notre système. Il ne modifie pas obligatoirement la croûte terrestre mais peut être simplement superficiel comme l’explique André Corboz dans cet exemple. «D’autres interventions ont également touché à la forme du territoire, sans pourtant modifier l’assiette topographique de la production - celles, par exemple, qui ont changé la couverture forestière d’un pays (en remplaçant les chênes par les sapins, qui poussent 82
beaucoup plus vite, comme c’est le cas pour une partie de l’Europe centrale) ou 1. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001, p228 2. Ibid 3. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001. p213
qui l’ont supprimée (comme l’Espagne du siècle d’or, qui avait besoin de bois pour sa marine et pour produire du fer et qui a ensuite achevé de ruiner ses terres en y lâchant des moutons).»1. Ces divers bouleversements sont l’objet de l’Homme, toujours dans la même optique: façonner la terre à son image. Alors le territoire représente l’Homme et son passé. C’est dans l’idée d’un continuel perfectionnement que toutes ces modifications se produisent. Elles répondent aux besoins du moment, puis changent plus tard quant elles sont devenues incongrues, inutiles, ou hostiles au nouveau territoire. «Le dynamisme des phénomènes de formation et de production se poursuit dans l’idée d’un perfectionnement continu des résultats (...) Par conséquent, le territoire est un projet»2. La carte La représentation du territoire s’exprime au travers de la carte. Elle est un outil de travail pour de nombreuses personnes, architectes, urbanistes, géographes, ... Bien malheureusement, elle ne peut représenter le territoire sous tous ces aspects et dans toute sa complexité. «Toute carte est un filtre. Elle s’affranchit des saisons, ignore les conflits qui innervent chaque société, ne prend pas non plus en compte les mythes ou le vécu»3. Au départ, la carte est un moyen de représenter un aspect précis du territoire (son relief par exemple), mais depuis quelques temps, il sert à devancer les futurs phénomènes induit sur le territoire. Son rôle évolue, au même titre que les moyens techniques de représentation. Aujourd’hui, la carte anticipe les futures morphologies du territoire, elle émet les conséquences des diverses mutations, c’est un outil utile aux projets car il permet d’étudier les caractéristiques de diverses propositions, et ainsi de définir la meilleure au travers de l’analyse des cartes réalisées.«Une nouvelle espèce de carte est née, celle des planificateurs, qui devance les mutations en les prescrivant.»4. Il ne s’agit plus seulement de l’observer tel un belvédère, ni d’avoir une vision horizontale du paysage. La carte peut être l’image d’un point de vue différent, celui des cieux, de la verticalité. «La carte (...) elle restitue le regard vertical des dieux»5. Chaque perception du paysage est personnelle. De nombreux caractères sensoriels et émotionnels inconscients diffèrent pour chacun de nous. C’est pourquoi une carte ne pourra jamais être le moyen de représentation pour tout le monde. «Les projections dont je l’enrichis, les analogies que je fais spontanément résonner à son propos font partie intégrante de ma perception : c’est pourquoi, bien 1. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001, p216 2. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001. p214 3. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001. p220 4. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001. p221 5. Ibid
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qu’identiques, ton paysage et le mien ne se recouvrent pas»1. Le cas de Genève Toutes ces théories sont expliquées au travers du cas d’étude de la ville de Genève. André Corboz explique notamment le cas de la famille Bergues. Leurs projets ont remanié l’organisation de la ville de Genève, sans toucher à sa topographie. Le pont des Bergues ainsi que la restructuration des bâtiments du front du lac en logement, a déplacé le centre de la ville de Genève, et avec elle son fonctionnement. La ville s’est alors comme tournée vers l’eau et « la vieille ville » est descendue la colline. «La réalisation du projet des Bergues a donc entraîné toute une série de conséquences. (...) Les nouveaux emplois ainsi créés compensent ceux que la disparition des manufactures de textiles avaient supprimés et s’ajoutent à ceux de l’horlogerie et de l’émail, qui subsistent. L’opération des Bergues induit donc une modification de la structure urbaine genevoise, qu’il s’agisse de la répartition des activités ou du domaine bâti. Dix ans plus tard, on ne reconnaît plus la ville.»2. Cela met en évidence que l’impact de chaque enchaînement des opérations a ses conséquences, aboutissant à la métamorphose de la ville. La ville s’est détachée de son passé pour devenir plus moderne. Les besoins changent. Il s’agit là du même phénomène qui a amené la ville à se surélever, elle s’adapte.
84 1. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001, p225 2. André Corboz, Le territoire comme palimpseste et autres essais, 2001. p140
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3. BILAN Le but de la partie précédente était de démontrer le rapport entre les caractéristiques d’urbanisations et d’extensions de la ville de Genève, et les théories de l’urbanisme vertical. De nombreux thèmes ont été abordés, notamment ceux de la verticalité, de la densité et de la congestion de la ville. La congestion est fortement présente dans la ville de Genève. Le trafic routier est perturbé. Genève se positionne en 13e place au classement des métropoles les plus encombrées. Cela coïncide avec «la culture de la congestion» qu’avance Rem Koolhaas, qui lui parait être le fondement même de la grande ville. New York représente, selon lui, la ville test de ce phénomène. C’est une logique de la ville en hauteur qui fait suite à l’arrivée de l’ascenseur et d’autres innovations techniques. Ce phénomène est également lié à la croissance démographique. Cette congestion peut être le fait de n’importe quelle ville répondant à ces deux idées. Genève accueille nombre de nouveaux habitants. Cela entraîne sa densification. Une «théorie de la densité» n’existe pas. Ce sont des schémas et des calculs déterminant le rapport entre le bâti et son occupation au sol. Les lois mises en faveur de l’utilisation rationnelle du sol imposent de construire sur des parcelles déjà construites, et donc d’augmenter la densité de ces parcelles déjà denses. La densification touche les villes avec un grand nombre de population et la plupart du temps, située sur des surfaces non extensibles, comme c’est le cas de Genève. Attention, la tour n’est pas obligatoirement synonyme de densité1, puisque cette dernière, entourée la plupart du temps d’espaces non construits perd alors en densité. Pour que la congestion et le ressenti de la densité restent supportables, de nombreux moyens doivent être mis en place pour gérer le flux, et ce, dans de courts délais. Je pense notamment aux infrastructures de transports en commun, et aux mobilités douces, nécessaires aux grandes villes où les distances à parcourir sont courtes. L’écologie et l’urbanisme vertical sont liés. En effet cette méthode d’urbanisme, contrairement à l’urbanisme horizontal engendre moins de pollution, que ce soit en matière de conservation des sols libres et qui peuvent profiter à l’agriculture, mais également par la diminution des déplacements automobiles. Pourtant l’urbanisme vertical est tout de même montré du doigt : construire est inévitablement source 86 1. Annexe 17
de pollution. Il y a notamment des déperditions énergétiques de la partie existante qui n’est plus protégée par son toit pendant le temps de la pose du nouveau sol, l’utilisation de matériaux de construction plus ou moins polluants, les déchets lors du chantier, etc. Les conséquences environnementales ne sont pas nulles, mais restent inférieures à celles de l’étalement urbain, ou encore de la maison individuelle en zone rurale. L’écologie et la densité sont également associées puisque la compacité de la ville minimise les dépenses énergétiques entre voisins. Malheureusement, elle concentre aussi les déperditions au sein d’un même lieu et d’une même ville, où l’air circule plus difficilement et la pollution stagne au-dessus des toits. La verticalité est le contexte dans lequel s’établissent ses phénomènes, ou bien sont-ce ces phénomènes qui sont vecteurs de verticalité ? Les tours représentent le symbole de la ville verticale, mais est-ce la solution et l’avenir de la ville? Ce n’est pas l’avis de tous les architectes et théoriciens pour autant. C’est le cas, pour Thierry Paquot qui dénonce le coût, financier et énergétique, d’une telle construction «la construction d’une tour est (encore) excessivement coûteuse en énergie»1, mais aussi ce qu’elle représente pour lui : «la tour exprime l’arrogance du capitalisme des entreprises multinationales, des établissements financiers ou d’assurances les plus puissants»2. C’est aussi le cas de Franck Lloyd Wright «partisan, on le sait, de la «ville dispersée», d’une ville-paysage, récuse le gratte-ciel.»3 .Dans la phrase suivante il exprime clairement son avis sur les constructions en hauteur et des gratte-ciels. «Ils n’ont pas de relations avec les alentours. Parfaitement barbares, ils se dressent sans égard particulier pour ces alentours, ni les uns pour les autres. (...) L’enveloppe des gratte-ciels est sans morale, sans beauté, sans permanence. C’est une prouesse commerciale»4.
87 1. Thierry Paquot, la folie des hauteurs : pourquoi s’obstiner à construire des tours, 2008, p26 2. Thierry Paquot, la folie des hauteurs : pourquoi s’obstiner à construire des tours, 2008, p8 3. Thierry Paquot, la folie des hauteurs : pourquoi s’obstiner à construire des tours, 2008, p21 4. Ibid
CONCLUSION Genève représente la ville laboratoire de la surélévation, phénomène de grande ampleur. Les promoteurs voient les toits de la ville comme un nouveau sol, un prix au m2, une superficie à vendre, de nouvelles opportunités pour une ville, celle de la ville surélevée. La ville n’a pas encore assez de recul pour évaluer les impacts positifs et négatifs de la surélévation à long terme. La mise en place de lois autorisant un grand nombre de surélévations est encore trop récente. Cependant, suite aux différentes analyses, qu’elles soient typologiques, morphologiques ou théoriques, présentées tout au long de ce mémoire, il est déjà possible d’émettre quelques conclusions. La surélévation est souvent perçue comme un projet de sous-catégorie, peu intéressant pour les architectes (projet de courte durée, comprenant de nombreuses contraintes tant par les normes à respecter par la ville que par la structure imposée par l’existant, peu lucrative), comparée à la réalisation d’un équipement tels qu’une école ou un musée par exemple. Or tout au long de ce mémoire et à travers les nombreuses analyses que j’ai effectuées, il en ressort une grande diversité de surélévations, et la possibilité de réaliser un travail remarquable autour de ce type de projets. D’un point de vue typologique tout d’abord, les quatre présentées montrent de nombreuses différences, comme la manière d’assembler deux volumes ensemble par exemple. Cette distinction est le fondement même de la surélévation puisque le principe de ce type de projet est d’ajouter un volume sur un autre déjà préexistant. Ainsi la nature du traitement de ses deux volumes ensemble constitue un élément principal du projet. Cet assemblage met en avant, ou non, la distinction des deux volumes. La présence du bâti apparaît au début comme une contrainte, mais comme pour le projet de l’Avenue de Secheron 9 par exemple, il peut finalement s’avérer être un réel atout, voire même une source d’inspiration du projet en devenir. Le rapport à l’écologie est aussi un élément qui diffère pour chacun d’entre eux. L’utilisation des matériaux est un choix provenant de l’architecte, et cela constitue un réel changement sur l’impact environnemental. Group8 et son projet « Wood in the sky » a mis en avant ce désir d’impact écologique minimum sur la planète, avec une construction en bois. La surélévation est un travail qui engendre de lourdes conséquences à l’échelle de la ville. Pour résoudre ce phénomène, une prise de conscience écologique est nécessaire par les architectes. 88
La diversité est aussi apportée par la morphologie urbaine au sein de laquelle est
implantée chaque surélévation. Cette différence provoque diverses approches du bâtiment, et ainsi une multitude de points de vues possibles depuis la rue. Par exemple, l’Hôtel Cornavin occupe une place importante sur l’espace public. Ce dernier étant situé en angle et donnant sur une place, il est largement visible des piétons. En cela, l’impact visuel, la manière dont le lecteur ressent la présentation de l’Hôtel, est fortement prise en considération lors de la création du projet. Ici, le parti pris de l’architecte, est une rupture des matérialités dans la continuité du langage architectural, contrairement à l’avenue de Sécheron 9 qui est située dans une rue plus étroite et moins passante. Son impact est moindre, et l’architecte a pu oser la couleur sans porter atteinte à l’harmonie de la ville, puisque ce projet est légèrement excentré du centre. Certains projets auraient-ils un avantage en fonction de leur position au sein de la ville et dans le maillage urbain ? La typologie choisie, influe aussi sur la perception qu’ont les passants depuis la rue. Avec Wood in the Sky et sa typologie en retrait du bâtiment existant, la visibilité est amoindrie, en opposition à un choix de typologie en alignement sur l’existant. Finalement, est-ce la morphologie qui influe sur la typologie ou bien l’inverse? Cette composition de maillage urbain constitue la ville de Genève d’aujourd’hui. Et c’est dans ce cadre, que la ville choisit l’urbanisme vertical comme solution d’expansion. Cette solution lutte contre l’étalement urbain, et donc, entre autres, contre l’accroissement de la durée du trajet quotidien dont nous parle Olivier Razemon dans son livre La tentation du bitume, où s’arrêtera l’étalement urbain ?. De plus la solution de l’urbanisme vertical répond à la demande de densité actuelle, en permettant à la population d’accéder à un plus grand nombre de logements dans le centre et ainsi de se rapprocher de son lieu de travail. La densification est l’un des principes de fondation de la métropole puisqu’elle permet d’absorber les flux humains qu’engendre le phénomène d’accroissement de la ville au sein d’un même endroit. Souvent pointé du doigt car il en résulte le sentiment d’entassement, elle n’est pourtant pas la source du problème. Cette perception est le résultat d’un excès de stimulations dans la ville, sociales ou sensorielles, mais elle est le principe même de la ville qui recentre toutes les activités dans un même lieu. Pour Antoine Grumbach par exemple, la ville est le lieu de la culture, d’où son terme «la culture de la densité». Ce dernier nous explique aussi que la ville représente pour lui une succession de couches. Cette réflexion est un sentiment partagé par André Corboz. Partant de ce principe, la surélévation pourrait être considérée comme la couche d’aujourd’hui, impactant indirectement les premières couches de notre terre. En effet à la différence de l’urbanisme horizontal, la topologie n’est pas directement
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atteinte. Les actions que la surélévation produit, comme l’augmentation des flux et donc la nécessité de créer de nouvelles infrastructures routières, peuvent, dans un second temps, modifier la topographie des sites alentours, correspondant aux couches inférieures de la ville. Cela façonnerait-il une ville sur la ville ? Comme le décrivait déjà William Leigh dans sa proposition de « Visionary City » en 1908. Le principe de ville sur la ville fait fantasmer de nombreux architectes et ce, depuis longtemps. C’est une utopie. Aucun résultat ne peut s’avérer comme représentant LA solution de la ville, tant les éléments qui la constituent sont différents de l’une à l’autre. Les différentes facettes de la surélévation exposées tout au long de ce mémoire reflètent cette méthode d’expansion comme une réelle alternative à l’étalement urbain. Malheureusement cette solution atteint rapidement ses limites. Actuellement, les toits de Genève sont perçus comme une véritable mine d’or. Mais qu’en sera-t-il une fois le nombre maximal de superficie surélevée atteint? Déjà, seule une partie est utilisée aujourd’hui pour créer des logements répondant à la demande de logements abordables. Un bon nombre est surtout utilisé pour réaliser des logements de luxe, ou accueillir les riches touristes de passages à Genève, comme le montre la surélévation de l’Hôtel Cornavin. La superficie énoncée par les lois comme potentiel genevois est déjà faible et non extensible. De plus cette ville n’apporte que très peu de mixité programmatique, à la différence de l’urbanisme de dalle par exemple. Il est vrai que la majorité des surélévations poursuit le programme déjà existant au sein du bâtiment (et la plupart du temps il s’agit de logements). C’est le cas de tous les exemples cités dans ce mémoire. La congestion est aussi un problème provenant du concept de la métropole ou des grandes villes telles que Genève et New York, comme le souligne Rem Koolhaas. La surélévation n’arrange rien à cela, puisqu’elle rajoute des logements et donc des flux supplémentaires dans le centre, soit la zone déjà congestionnée. Genève et New York, ont plus d’un point commun, elles sont toutes les deux congestionnées comme énoncé précédemment, mais ce sont elles aussi des villes test, des usines de l’artificiel, où la croissance démographique a pris la ville de court. Cette dernière tente alors de trouver la meilleure alternative urbaine et architecturale, une expérimentation collective qui transforme la ville. Pour être caractérisée de modèle, cette dernière doit être applicable à d’autres villes. Paris, par exemple, compte de nombreuses surélévations, mais la ville tend plutôt vers un urbanisme horizontal couplé à cette solution de surélévation, puisqu’elle en a 90
encore cette possibilité.
La surélévation est donc une bonne méthode d’urbanisme vertical, mais seulement à court terme. Pour être réellement efficace, il est nécessaire qu’elle soit couplée à d’autres méthodes d’urbanisations. Le concept de rue en hauteur en serait-il un ? La rue en hauteur est une solution apportée à l’augmentation des flux, la congestion, la densité, tout cela dans un contexte vertical. Par exemple le Linked hybride de Steven Holl est un complexe contenant des rues verticales. Dans le cas de surélévations, ces rues profiteraient à l’ensemble de la population et les surélévations ne seraient plus assimilées à la nouvelle propriété pour riches. Les piétons pourraient jouir d’une ville au-dessus du bruit et de la pollution. Il est agréable d’imaginer au-dessus de cette ville bitumée, des jardins et des toitures végétalisées.
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LISTE DES SOURCES DES FIGURES 1. Document personnel 2. Document personnel 3. Document personnel 4. http://www.batineg.ch/actualites/surelevation-de-5-immeubles-a-meyrin-3036 5. http://www.batineg.ch/actualites/surelevation-de-5-immeubles-a-meyrin-3036 6. Document personnel 7. http://www.rnussbaumer.ch/selection/043_SEC.html 8. http://www.rnussbaumer.ch/selection/043_SEC.html 9. http://www.rnussbaumer.ch/selection/043_SEC.html 10. Document personnel 11. https://www.hotel.info/fr/cornavin/hotel-28685/ 12. Document personnel 13. Document personnel 14. Document personnel 15. http://www.dl-c.ch/proj_detail.php?projId=0590 16. http://www.group8.ch/fr/projets/wood-sky_2 17. Document personnel 18. http://www.group8.ch/fr/projets/wood-sky_2 19. Document personnel 20. Document personel 21. Document personnel 22. Document personnel 23.Document personnel 24. Document personnel 25. https://cyberlearn.hes-so.ch/enrol/index.php?id=5515 26. https://cyberlearn.hes-so.ch/enrol/index.php?id=5515
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LISTE DES ACRONYMES CERN : Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire CEVA : ligne ferroviaire Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse CFF : Chemins de Fer Fédéraux suisses COS : Coefficient de l’Occupation du Sol CES : Coefficient d’Emprise au Sol DB : Densité Bâtie DCTI : Département des Constructions et des Technologies de l’Information de l’État de Genève EI : Etanchéité au feu et Isolation thermique ENSAPVS : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val-de-Seine HAED : Haute École d’Art et de Design HLM : Habitation à Loyer Modéré JTI : Japan Tabacco International LAT : Loi fédérale sur l’Aménagement du Territoire LCI : Loi sur les Constructions et les Installations diverses LDTR : Loi sur les Démolitions, Transformations et Rénovations de maisons d’habitation LGZD : Loi Générale sur les Zones de Développements OMA : Bureau pour une Architecture Métropolitaine OMC : Organisation Mondiale du Commerce OMM : Organisation Météorologique Mondiale OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONG : Organisation Non Gouvernementale OUM : Observatoire Universitaire de la Mobilité P+R : Parking - Relais PDMD : Plan Directeur de la Mobilité Douce PS : Parti Socialiste Genevois RER : Réseau Express Régional RGL : Règlement d’exécution de la loi Générale sur le Logement et la protection des locataires SNCF : Société Nationale des Chemins de Fer français TeTU : centre de recherche des TErritoires et Tissus Urbain
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