dictionnaire poétique

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poĂŠtique

dictionnaire de la langue française Marion Gouges & Lambert Clet-Wattelamne

- anecdotiques-


© Marion Gouges (images) et Lambert Clet-Wattelamne (textes) décembre 2015 tirage unique, maquette d’impression.


aux oliviers.


dictionnaire poétique de la langue française

dialogue entre les paroles de Lambert CLET-WATTELAMNE et les instants de Marion GOUGES proposant à l’observateur une définition nouvelle pour chacun des mots choisis;

un reflet poétique de deux visions du monde

réunies dans un ouvrage.


indice

7 .01

équinoxe

.02

allégorie

.03

oxymore

.04 ... .05 ... .06 ... .07 ... .09 ...



préface

9 texte extrait de l’ouvrage Les nourritures terrestres, André Gide 1897

... soigneusement gribouillé.


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1

Elle tourna les yeux vers les naissantes étoiles . « Je connais tous leurs noms, dit-elle; chacune en a plusieurs; elles ont des vertus différentes. Leur marche, qui nous paraît calme, est rapide et les rend brûlan2 tes. Leur inquiète ardeur est cause de la violence de leur course, et leur splendeur en est l’effet. 3 Une intime volonté les pousse et les dirige; un 4 zèle exquis les brûle et les consume; c’est pour cela qu’elles sont radieuses et belles.

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Elles se tiennent l’une à l’autre toutes attachées, par des liens qui sont des vertus et des forces, de sorte que l’une dépend de l’autre et que l’autre dépend de toutes. La route de chacune est tracée et chacune trouve sa route. Elle ne saurait en changer sans en distraire aucune autre, chacune étant de chaque autre occupée. Et chacune choisit sa route selon qu’elle devait la suivre ; ce qu’elle doit, il faut qu’elle le veuille, et cette route, qui nous paraît fatale, est à chacune la route préférée, chacune étant de volonté parfaite. 5 Un amour ébloui les guide; leur choix fixe les lois, et nous dépendons d’elles; nous ne pouvons pas nous sauver. »


1. n.f. astre doué d’un éclat propre, dû aux réactions thermonucléaires dont il est le siège.

2. adj. qui éprouve des craintes au sujet ou à cause de quelque chose. 3. adj. qui est au plus profond de quelqu’un, de quelque chose, qui constitue l’essence de quelque chose et reste généralement caché, secret.

4. n.m. ardeur, empressement au service de quelqu’un, d’une idée; vive application à très bien faire son travail.

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5. verb. projeter sur quelqu’un une lumière trop vive qui lui trouble la vue ou, en parlant de la lumière elle-même, troubler la vue par un trop grand éclat ; aveugler.


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.01

équinoxe:

équinoxe n.m moment défini par l’intersection de l’écliptique et de l’équateur, rendant les jours égaux aux nuits.


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chapitre .01 équinoxe; instants m.g.

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chapitre .01 équinoxe; instants m.g.

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chapitre .01 équinoxe; instants m.g.

Nos tabous restent en surface Rien ne tombe Ni nos êtres ni de nos êtres Absolution de la pesanteur Nords effacés, fins rompues Nos particules, filles du désert Ne succèdent plus, ne conjuguent plus.

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Dans un sourire Le maquis rieur dévoile Le régime de l’atomev Sa Nudité.

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chapitre .01 équinoxe; instants m.g.

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Au seuil de nos intransigeances, j’envisage l’an-

nulation des pôles. Nous avions marché jusqu’ici, lissant

l’espace de nos déambulations par nos pas mécaniques, attisant néanmoins la possibilité d’une brèche à venir. Nulle lumière ne traversait notre attente, la conscience de nos êtres se savait égarée. Ayant perdu tout motif,

mais connaissant les failles, et sachant les énergies

restantes à dépenser, nous avons courus vers la pointe, dépassé la cime, souhaité disparaître, décimés hors de

toute pesanteur, parmi l’océan vague d’une nuit incolore. Notre parole, qui par intempérance s’était faite directive, commença de se diluer, guettant les aspérités d’un silence encore inconnu, déjà irrémédiable. 24

Les yeux de nouveau ouverts, l’exaltation achevée,

nous mirâmes une énième fois les brumes : elles étaient moins denses, nos bras avenants leur ayant ôtés une part

d’opacité. L’air dans le visage ravi, nous moquons la

candeur, taisons les cendres que la trouée achève, rayons revenus. Notre courage est d’assumer ce regard posé sur le monde, vidé du cynisme exubérant, de l’insou-

ciance juvénile, bienveillant, et qui n’attend plus la farce de l’aurore.

Après les turbulences, lorsque les sols, encore

détrempés, avalent la violence enfin ferme d’un soleil

neuf, elle traîne ses guêtres parmi l’avarice des ruel-


chapitre .01 équinoxe; paroles l.c.w.

les nues. Sa sagesse, marbre sans relief qu’impose les

heures, joue les airs de l’espérance aux bordures de la

ville sans nom, à l’orée du mystère. Ses cheveux, de

leurs mouvements brefs, tendent les lueurs qui vacillent, inlassablement. Elle concentre ses maigres efforts

sur une image qui s’efface, qu’elle reconstruit sans cesse, travail destructeur de l’écoulement de ses vœux, intarissable perspective.

Lui, minutieux jusqu’à l’exécrable, recrache des

vocables, interminablement. Leur labeur est forgé de la

même matière, leur sottise réciproque dans sa noblesse

et sa grande beauté. Ce que son aveuglément arrache à force de phalanges tordues, les épaules voûtées sur un

substitut de palimpseste, il l’éparpille inconsidérément, alors qu’elle, elle et son désir de conserver une trace, se démène face aux remparts qui obstrue l’accès à cette image toujours manquante.

Ne se comprenant pas, scindé par les multiples

distorsions de tous les langages, ils s’ignorent.

équinoxes.

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chapitre .01 équinoxe; instants m.g.

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Qui éparpille nos traces successives? Nos sujets émiettés bafouillent et se dédient Projectiles Trajectoires aléatoires parmi les Turbulences

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Verbes Actions se dépossédant d’elles-mêmes Même nos paresses vacillent Devant cette inconnue qui s’ignore.

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chapitre .01 équinoxe; paroles l.c.w.

Disséminées

nos attentes quémandent

une absorption quelconque

une éponge

Sueurs parmi nos sueurs. La langue asséchée

le poumon boîteux

Nos formulations déshéritées se cabrent Se cambrent

chétives et indociles

Indécentes parmi notre ignorance. De ses dents creuses Toutes les lèvres

l’ivrogne a mordu agrumes de ses impatiences

Les mains sur les tempes Ses jambes tremblantes aboyant à la lune.

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chapitre .01 équinoxe; instants m.g.

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.02

allégorie:

allégorie n.f. expression d’une idée par une métaphore animée et continuée par un développement.


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chapitre .02 allégorie; instants m.g.

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chapitre .02 allégorie; instants m.g.

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chapitre .02 allégorie; instants m.g.

Ornés du verbe carnassier D’enluminures lourdes Singlant la nudité d’épaules Des êtres se découvrent Marcheurs malhabiles guettant l’absence Murmurant sur le chemin Des rires lointains, immémorables.

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Présence inaudible

Vacuité qui s’étend devant l’oeil qui vacille Rires devenus imperceptibles, garrotés

Malgré les syllabes qui persistent, s’efforcent, Malgré l’attention vaniteusement tenue. Le mouvement du vivant n’agit plus Il s’agite, s’étiole.

Incongrue, l’heure stable efface

La patience des cervelles qui s’usent. Victoire de camomille De paresses mignonnes

Rompant les champs où la nature assise, Sa défection,

Illustre les contes de l’abandon d’un monde.

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J’observe les minutes rebondir Savantes agaceuses

Tiroirs de détresse qui recèlent

La violence d’une structure invisable. Sermon arracheur de mâchoires

Pour qui veut détourner le regard. Ordonné, tout est ordonné,

Méandre de qualibrages menant au désert, Jeux de miroirs sans sujet, Où l’oeil finalement se ferme, Repos de l’indifférence, Ronflement, pause douloureuse.


chapitre .02 allégorie; paroles l.c.w.

La chose est, demeure inacceptable. Revoir pour qui?

Cadences dont on perd l’usage Parler de Myrtilles Pour quoi faire?

Exposer les songes Qui les amène?

Ignorance d’une ignorance (D’une dépendance)

Ma parole est de contingence

Bruissement vagabond du trouble qui se déplace Jeu encore, ombre qui oscille

Transparence face au rire qui l’allume On en perdrait le sens des images Leur ridicule arbitraire

Semeur de passages inemployés Masqués jusqu’aux tempes

Mon disque se répète, gravé par l’aiguille

Morsures de pacotilles, bien que profondes, Qui se fendent dans un grésillement. Art alors Mais de qui?

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Du remplissage, Monsieur! Et des espoirs abasourdis de leur persistance Taillés, tordus pour la joie des formes Navrées du schéma balistique

De l’espace amoureux de la guerre qui les trame Les laisse les mains nouées Pendus par les pieds

Plongés dans une zone quelconque, Obscure.

Messe engluée parmi le lisse

Statutaire, prononcée par un cactus Aux enfants des caillasses.

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Caravane à la mémoire trouée

Qui traîne ses sillons charmants

Mère de béatitude, aux élans inespérés Avachis sur des tabourets de fer Que là-bas fait luir

Nos instances transies. Accrochée aux méandres, Peuplade fuyant Déraison qui torpille Faite sous-marin. Inconsciences,


chapitre .02 allégorie; paroles l.c.w.

Là-bas on a dit, là-bas

Où l’évanescence dispose

Où naissent les inconséquences Dont on n’a pas ôté les mains. Et tous les entonnoirs discrets dans leur décrépitude Inondés de délire,

Flux opaque, et qui déborde

Cédant enfin, ultime vissitude Ultime? Absente!

Echos d’une crise de quolibets jacassants

Voix sans le souffle parmi les mouettes rieuses Qui ne s’écoutent pas rire

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Qui n’écoutent pas Triste jubilation préparant la candence Ritournelle d’espérance, Se taisent.

Naquît la torpeur, La surdité, Peut-être l’innocence, Qui sait?


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chapitre .02 allégorie; instants m.g.

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Prismes, rebuts de création Nous volons à l’onde le reflet qui la masque

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Au gré de nos ulcères Aiguisant nos lueurs Parlés par le tranchant creux D’un masque aux bords vides.

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chapitre .02 allégorie; paroles l.c.w.

49 Radoteurs devant l’espièglerie du silence

Nos amertumes sont de circonstances Scansions malhabiles en roulis de rivières Nous mastiquons jusqu’à notre absence Crachant, par moments indécis Une dent l’autre parmi l’écume De nos lèvres engourdies par l’expression ténue.


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Clore

Mais est-ce de ce monde? Les yeux en épave et la tête en confiture

Tout dédire

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Figures d’une impossible connivence.


chapitre .02 allégorie; instants m.g.

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.03

oxymore:

oxymore n.f. figure de style qui rĂŠunit deux mots en apparence contradictoires.


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chapitre .03 oxymore; instants m.g.

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chapitre .03 oxymore; instants m.g.

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chapitre .03 oxymore; instants m.g.

Patience parmi l’interrègne Des heures dissoutes de nos mémoires Proies vives de flammes Paressant en cascades

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Exténuées de la brusquerie de nos attentes Formant un vase aux ornements douteux Receptacle de siècles de silence.

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chapitre .03 oxymore; instants m.g.

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Naissance d’un soleil Regard en haut de la dune

Posée sur les ombres qui glissent A contre-jour

Oeil plissé que soumet le torrent de lumière. Ombres encore parsèment les sables

Nuées écaillant à la surface de la vague Passées au filtre du couchant.

Espoir – ne pas avoir à écrire ce moment encore Traces de lumière sur les poussières de rochers A l’immersion régulière.

Dans l’axe du couchant, ne plus voir les vagues Leur incessante chute

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Grondement à la limite qui oblitère

Toutes les paroles, tous les masques

Fraîcheur sur les extrémités dénudées.

Rouge enfin, surplombant les rires d’enfant Rivage par-dessus tous les chuchotements Lames de bois échouées sur la plage

Point aveugle que reflètent mille rayons, Silence – promesse d’une naissance.

Aspirer les derniers dons de l’astre Fracas seuls maintenus

Parmi les couleurs d’un ciel sans adieu Un vestige près des lames gesticule.


chapitre .03 oxymore; paroles l.c.w.

Premier Matin Premier matin

Ombres baignées des heures tardives

Tentations salivaires sans outrances Baillement ricochant

Sur le plastique de la table. Traces des ripailles passées

Le pied à peine posé sur les planches Réfléchir son propre équlibre instable Audible pour toutes les tensions

Guettant la fin d’une retenue de son eau. Miroitements d’un regard simplement posé Images vacillantes

Dans la clarté du jour,

Châleur rouge asphyxiante

Paralysie, chaîne de repos arrimée au foyer, Rester immobile.

A l’abris de toutes les espérances Prendre un second petit déjeuner Se recoucher.

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chapitre .03 oxymore; instants m.g.

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Inerte, L’autobus se râcle la gorge

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Râvive l’attente des regards figés. Longue Avenue sertie de boutiques Aux stores baissés. Réclames Aveugles

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chapitre .03 oxymore; paroles l.c.w.

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Illusions ternies au-delà du périph’ La vie qu’on y découvre Offre un visage malmené.


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chapitre .03 oxymore; instants m.g.

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imprimé à Lisbonne le 17 décembre 2015


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