Le Capitaine Fracasse
Théophile Gautier


Le Capitaine Fracasse
Théophile GauTier
Adapté en français facile par
Brigitte Faucard
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Crédits photographiques :
Couverture : © Andrey Kiselev Adobestock ; page 3 : Historical image collection by Bildagentur-online 2 Alamy Banque D’Images
Direction éditoriale : Béatrice Rego
Marketing : Thierry Lucas
Édition : Marie-Charlotte Serio
Couverture : Fernando San Martin
Mise en page : Isabelle Vacher
Illustrations : Conrado Giusti
Enregistrement : Blynd
© CLE International, dépôt légal : novembre 2024
Code éditeur : 732305
ISBN : 978-209-035937-4

L’auteur
Théophile GauTier naît le 30 août 1811, à Tarbes.
En 1814, son père est nommé pour son travail à Paris et la famille part s’installer dans la capitale. Théophile est scolarisé au Collège
Charlemagne où il rencontre Nerval, le futur poète, qui devient son ami. Le jeune homme est tout de suite intéressé par la poésie. Il fait la connaissance de Victor Hugo pour qui il éprouve vite une grande admiration. Il va d’ailleurs se ranger à ses côtés lors de la Bataille d’Hernani1 . En 1831, il publie ses premiers poèmes.
En 1836, à la demande d’Honoré de Balzac, il écrit des critiques d’art pour le journal La Chronique de Paris, et c’est là qu’il publie ses premières nouvelles fantastiques :
La Morte amoureuse (1836) et La Chaîne d’or (1837).
Grand voyageur, il se met à écrire des récits de voyage.
Il est aussi l’auteur de deux grands romans, Le Roman de la momie (1858), une histoire fantastique au temps des pharaons, et Le Capitaine Fracasse (1863), livre qui paraît en feuilleton dans la Revue nationale et étrangère et qui se déroule sous le règne de Louis XIII.
Théophile Gautier meurt à Neuilly-sur-Seine en 1872 et est enterré au cimetière de Montmartre.
Son roman, Le Capitaine Fracasse, a de nombreuses adaptations au théâtre, à la télévision et au cinéma.
1. La Bataille d’Hernani : pièce de Victor Hugo qui, en 1830, oppose les romantiques qui défendent la pièce moderne aux auteurs « classiques ».
L’œuvre
Inspiré du Roman comique (1651-1657) de Paul Scarron, Théophile Gautier met 30 ans à écrire ce chefd’œuvre, Le Capitaine Fracasse, immédiatement salué par la critique et le public. Il s’agit d’un roman de cape et d’épée, mélange entre le roman historique et le roman d’aventures. On y retrouve tous les éléments de ce genre : péripéties, duels, enlèvements, etc.
C’est aussi un roman réaliste : la fidèle description de la troupe de théâtre nous permet de comprendre la difficulté de la vie des comédiens, en France, au cours du xviie siècle : routes peu sûres à cause des attaques de brigands, conditions de voyage très rudes en hiver à cause du froid. Le Capitaine Fracasse est un livre plein de rebondissements et de sentiments.
Comme dans tous les romans de cape et d’épée, le héros s’affronte à plusieurs défis qui lui permettent de réveler sa vraie personnalité. Ici, le personnage principal, le baron de Sigognac, est un jeune noble ruiné qui vit dans son château avec son unique serviteur. C’est un homme triste et malheureux. Un soir de pluie, une troupe de comédiens vient lui demander asile pour une nuit. Sigognac tombe amoureux de l’une des comédiennes, Isabelle, et décide de partir avec la troupe. Après la mort d’un des comédiens, il devient à son tour comédien et prend le nom de capitaine Fracasse. C’est alors que Sigognac, confronté à bon nombre d’aventures – certaines assez sombres –, devient le jeune aristocrate qu’il a toujours été : noble, franc, extrêmement courageux et respectueux.
Les mots ou expressions suivis d'un astérisque* dans le texte sont expliqués dans le Vocabulaire, page 57.
1 CHAPITRE I
En GascoGne, sur une colline, s’élève, sous le règne de Louis XIII, un petit château avec deux tours. De loin, il semble agréable mais, si on s’approche, on voit tout de suite qu’il est comme abandonné. Ce domaine appartient au baron de Sigognac, un jeune noble sans fortune qui vit seul avec son domestique Pierre.
Ce soir-là, dans la seule pièce un peu vivante de ce triste château – la cuisine – un faible feu brûle dans la cheminée. Un vieux chat noir semble surveiller une soupe au chou qui cuit dans une marmite. Soudain, on entend un pas lourd qui approche. La porte grince et un vieil homme fait son entrée dans la pièce. À l’apparition du nouveau venu, le chat vient se frotter contre ses jambes.
– Bien, bien, Belzébuth, dit l’homme en caressant le chat. Je sais que tu m’aimes et nous sommes assez seuls, mon pauvre maître et moi, pour apprécier ta sympathie.
Pierre, c’est le nom de cet homme, le vieux serviteur du baron, prend alors un peu de bois et le jette dans le feu puis il s’assoit sur une chaise.
– Le jeune maître met longtemps à venir aujourd’hui, ajoute-t-il. La nuit va tomber et de gros nuages annoncent la pluie. Quel plaisir peut-il trouver à se promener seul dans la campagne ? Cela lui permet sans doute d’oublier la tristesse de ce château.
C’est alors qu’on entend un chien aboyer et le pas d’un cheval. Le chat arrête sa toilette et se dirige vers la porte. Peu après, le baron de Sigognac entre dans la pièce, précédé de Miraut, son vieux chien.
Le baron est un jeune homme de vingt-cinq ou vingt-six ans, à l’air grave et sérieux. Il a une certaine beauté mais on sent chez lui qu’il a renoncé à toute gaieté et qu’une grande mélancolie domine tout son être.
Après avoir répondu d’un geste au salut respectueux de Pierre, il s’assoit en silence devant une petite table. Pierre lui sert alors son maigre dîner : une soupe avec du pain.
Le repas terminé, le baron fait signe à Pierre qu’il veut se retirer. Pierre allume une lampe et se met à précéder son maître dans l’escalier ; Miraut et Belzébuth s’unissent au cortège.
Arrivé dans la chambre, le vieux serviteur allume une petite lampe puis sort, suivi de Miraut. Belzébuth s’installe sur un fauteuil. Le baron prend un livre posé sur une table et s’assoit sur un autre fauteuil. Le temps est devenu mauvais. De grosses gouttes de pluie frappent les vitres de la pièce mais le baron ne fait pas attention. Il lit son livre sans grand enthousiasme.
Depuis quelques instants, Belzébuth semble inquiet ; il se lève, va vers la fenêtre et se dresse pour essayer de voir dehors malgré la nuit. Soudain, un long hurlement de Miraut s’élève ; il se passe décidément quelque chose d’étrange dans les environs du château, d’ordinaire si tranquille.
Trois coups sont alors frappés assez violemment à la porte du château.
Qui peut, à cette heure, venir troubler la solitude du manoir2 et le silence de la nuit ? * * *
2. Petit château à la campagne.
Sigognac descend avec sa lampe. Il entrouvre la porte et se trouve face à un personnage assez étrange.
– Je vous prie de m’excuser, noble châtelain, de venir troubler votre soirée mais…
– Que voulez-vous ? coupe un peu sèchement le baron.
– L’hospitalité pour moi et mes camarades, des princes et des princesses, des Léandres et des Isabelles, des docteurs et des capitaines qui se promènent de ville en ville sur le chariot de Thespis* ; mais, malheureusement, le chariot, traîné par des bœufs, est maintenant embourbé3 à quelques pas de votre château.
– Si je comprends bien ce que vous dites, vous êtes des comédiens* en tournée* et vous vous êtes perdus ?
– Vous avez parfaitement compris mes paroles, répond l’acteur*. Puis-je espérer que Votre Seigneurie accepte ma demande ?
– Ma maison est en mauvais état et je n’ai pas grandchose à vous offrir mais vous y serez mieux qu’en plein air avec cette pluie.
Le Pédant, car tout indique que c’est son rôle* dans la troupe*, s’incline en signe de remerciement.
Pendant cette conversation, Pierre, réveillé par les aboiements de Miraut, s’est levé et vient de rejoindre son maître. Comprenant ce qui se passe, il allume une lampe et les trois hommes se dirigent vers la charrette embourbée. Ils trouvent le Léandre, Hérode – dit le Tyran –, et le Matamore en train de pousser en vain le chariot, Scapin qui donne des ordres et les femmes, Isabelle, donna Sérafina, Zerbine (la soubrette), qui gémissent4 de peur.
3. Qui est enfoncé dans la boue à cause de la pluie. 4. Se lamenter.
Grâce à l’expérience de Pierre, le chariot finit par bouger et, peu après, se retrouve dans la cour du château.
Une fois les bœufs dételés et conduits dans l’écurie à côté du cheval blanc de Sigognac, les comédiennes sautent à terre et, guidées par le baron, montent dans la salle à manger, une pièce un peu habitable de la maison. Pierre allume aussitôt un feu qui se met vite à flamber joyeusement.
– Je peux seulement vous offrir un toit, dit le jeune baron, mon garde-manger5 est vide. Je vis seul dans ce château et ne reçois jamais personne et, comme vous pouvez le voir, je n’ai pas de fortune.
– Pas d’inquiétude, dit Blazius, le Pédant ; je m’occupe de ravitailler6 la troupe ; j’ai toujours en réserve du jambon, des pâtés et de bons vins.
– Bien parlé, Pédant, s’exclame le Léandre ; va chercher les provisions, et, si ce seigneur le permet et veut bien dîner avec nous, préparons la table du festin. Il y a de la vaisselle dans ces buffets. Allons, mesdames, aidez-moi à mettre la table.
Le baron, un peu troublé par cette aventure, accepte et Isabelle et Zerbine, qui sont assises près du feu, se lèvent aussitôt et mettent sur la table, que Pierre vient de recouvrir d’une vieille nappe blanche, des plats et des assiettes.
Le Pédant revient bientôt avec deux paniers pleins de mets appétissants.
Le Matamore, trouvant sans doute la lampe trop faible, est allé chercher dans le chariot des bougies* de théâtre et, tout à coup, la pièce morte prend une forme de vie.
5. Endroit où on conserve des aliments.
6. Fournir des aliments.
Sigognac qui, au début, trouvait cette aventure un peu désagréable, se laisse bientôt aller à une sensation de bienêtre inconnue. Les femmes sont très jolies, en particulier Isabelle, et cela trouble un peu le jeune noble.
Le début du repas est silencieux ; les grands appétits sont muets comme les grandes passions ! Mais, peu à peu, on se met à parler. Le jeune baron mange avec appétit ; personne ne peut savoir qu’il a déjà dîné. Il ne cesse de regarder Isabelle et de l’admirer. La jeune fille s’est aperçue de l’effet qu’elle produit sur le jeune baron, et elle lui répond par des regards langoureux7.
Le repas terminé, tout le monde va se coucher. La nuit se passe sans incident. Seul, Sigognac ne peut fermer l’œil de la nuit. La venue de ces comédiens lui paraît comme une invitation à sortir de ce château lugubre.
Le jour se lève enfin. Le baron est installé dans un fauteuil de la salle à manger quand la soubrette arrive. En le voyant, elle fait une jolie révérence de comédie*.
– Je suis désolé, dit Sigognac, de l’état de cette demeure, plus faite pour loger des fantômes que des êtres vivants.
– Ce n’est pas un problème, monsieur. Grâce à vous, nous avons dormi dans des lits et non pas dans le chariot, sous la pluie. En plus, cet endroit est magnifique si on compare avec les granges8 où nous devons souvent dormir.
Pierre entre alors dans la pièce pour mettre de l’ordre et allumer le feu. D’autres comédiens arrivent enfin, parmi lesquels Isabelle.
– Vous allez avoir un maigre petit déjeuner, dit Sigognac. Comme vous l’avez vu, je ne suis pas riche…
7. Tendre et rêveur.
8. Bâtiment d’une ferme où on met la récolte de l’année.
– Peu importe, le coupe Scapin. Il est préférable de manger quelque chose à ne rien manger du tout. Ce qui m’étonne, c’est qu’un jeune homme comme vous reste vivre dans cette solitude. Pourquoi n’allez-vous pas à Paris où il y a toutes les chances de bien vivre ?
– J’y ai pensé quelquefois, mais je n’ai pas d’amis à Paris, et les descendants de ceux qui ont connu ma famille, quand elle était plus riche et avait des fonctions à la cour, ne vont pas s’intéresser à un Sigognac pauvre et maigre.
– Vous n’êtes pas obligé, continue le comédien, d’entrer triomphalement dans la grande ville. Si notre humble char à bœufs ne révolte pas l’orgueil de Votre Seigneurie, venez avec nous à Paris, puisque notre troupe y va.
En entendant cela, Sigognac rougit un peu. D’une part, l’idée d’aller à Paris avec une troupe de saltimbanques* ne lui plaît pas beaucoup mais, d’autre part, il est touché par la proposition du comédien. Il hésite à répondre quand Isabelle s’avance d’un air aimable et dit :
– Notre poète*, qui a fait un héritage, nous a quittés ; monsieur le baron peut le remplacer. J’ai vu dans la blibliothèque des livres de poésie… nous avons besoin de quelqu’un qui nous aide à préparer nos rôles, corrige nos textes…
En disant cela, Isabelle jette à Sigognac un regard si doux, si charmant que le jeune homme ne peut résister. Il accepte de partir.
Le petit déjeuner terminé, le baron demande aux comédiens de l’attendre un peu puis il va voir Pierre et lui confie son projet. Le fidèle serviteur comprend tout de suite les raisons du départ de son maître même si cela lui cause une immense peine. Il va donc seller le cheval de Sigognac car le baron a décidé de monter dans le chariot

des comédiens qu’à deux ou trois lieues du château, pour dissimuler son départ ; il a, de la sorte, l’air d’accompagner ses invités ; Pierre doit suivre à pied puis ramener la bête à l’écurie.
Au moment de quitter le manoir, Sigognac se sent triste mais c’est ainsi. Il part donc suivi de Pierre. Miraut et Belzébuth suivent quelque temps de l’œil Sigognac puis ils retournent tranquillement au château.
Le moment de la séparation du maître et du serviteur est arrivé, moment pénible, car Pierre a vu naître Sigognac et a rempli, à sa façon, auprès du baron, le rôle d’un ami.
– Que Dieu protège Votre Seigneurie, dit-il en s’inclinant sur la main que lui tend le baron. Je regrette de ne pas pouvoir vous accompagner.
– Mon bon Pierre, j’ai besoin de toi pour garder le château. Il ne faut pas l’abandonner. Et puis, qui va s’occuper de mon cheval, de Miraut et de Belzébuth ?
– C’est vrai, maître, répond Pierre ; et il prend le cheval par la bride pour le ramener à l’écurie.
Ce soir-là, l’ambiance est triste au château. Pierre partage son maigre repas avec Miraut et Belzébuth et, dans l’écurie, on entend le cheval tirer sur sa chaîne.
2 CHAPITRE II
La vie de salTimbanque a donc commencé pour le jeune noble.
Les comédiens doivent se rendre dans un château pour donner une représentation*.
Après avoir dîné et dormi dans une auberge, ils se préparent pour se mettre en route.
Peu avant leur départ, une fillette de huit ou neuf ans, très maigre, qui a passé la nuit sur un banc dans l’auberge, sort en courant et s’enfonce dans un petit bois au bord de la route. Elle entre dans une cabane et réveille un homme endormi.
– C’est toi, Chiquita, dit l’homme qui a environ trente ans. Quelle nouvelle ? Tu as vu quelque chose d’intéressant à l’auberge ?
– Hier soir, un chariot est arrivé avec des voyageurs. Il est plein de grands coffres.
– Parfois, il n’y a rien dans ces coffres, dit l’homme.
– Peut-être, répond Chiquita, mais il y a trois dames et elles portent de beaux vêtements. L’une d’elles, la plus jolie, a autour du cou un collier de perles blanches. Qu’il est beau ! Magnifique, même. Si tu coupes le cou de la dame, tu me donneras le collier, mon bon Agostin ?
– Oui, répond l’homme, tu le mérites. Combien as-tu compté d’hommes ?
– Oh ! Six. Il y en a un qui est très fort et un autre qui doit être un gentilhomme même s’il est mal habillé.
– Six hommes, dit Agostin pensif. Ont-ils des armes, Chiquita ?
– Le gentilhomme a son épée. Les autres, je ne sais pas, elles sont peut-être dans le chariot.
– Bon, on va quand même préparer l’embuscade9. Des coffres, des beaux habits, un collier de perles. J’ai travaillé pour moins.
Aidé de Chiquita, Agostin sort des mannequins de paille, armés et semblables à des soldats, qu’il place au bord de la route. Puis, Chiquita à ses côtés, il s’allonge dans l’herbe pour attendre le chariot.
Pendant ce temps, les comédiens ont pris place dans le chariot et se mettent en route. Sigognac, l’esprit agité par cette nouvelle vie aventureuse, préfère marcher à côté du chariot.
Le soleil commence à se lever.
Le chariot avance lentement. En approchant d’un petit bois, le baron croit voir, sur le bord du chemin, des êtres bizarres plantés comme en embuscade… comme ils sont parfaitement immobiles, il les prend pour des morceaux de bois et se met à rire de sa confusion.
C’est alors qu’on entend une forte détonation10. Toute la troupe s’éveille en sursaut ; les jeunes femmes se mettent à pousser des cris aigus.
Debout à la tête du chariot d’où les comédiens essaient de sortir, Agostin, un couteau au poing, crie d’une voix forte :
– La bourse ou la vie ! toute résistance est inutile ; au moindre signe de rébellion ma troupe va vous tuer !
En entendant la menace du bandit, le baron dégaine son épée et fonce sur lui. Agostin pare les coups du baron puis balance son bras d’un mouvement sec et envoie son couteau vers le ventre de Sigognac. Ce dernier fait un bond de côté et l’arme d’Agostin tombe un peu plus loin. Agostin pâlit 9. Piège tendu à quelqu’un pour l’attaquer par surprise. 10. Bruit violent de quelque chose qui explose.
car il est désarmé mais, comptant sur un effet de peur, il crie à ses mannequins : « Feu ! vous autres ! ».
Les comédiens, effrayés, se réfugient derrière le chariot. Sigognac lui-même, malgré son courage, ne peut s’empêcher de baisser un peu la tête. Chiquita, cachée par un buisson, a vu toute la scène. Comprenant que son ami est en danger, elle se met à ramper comme un serpent sur le sol, ramasse le couteau, se relève et court le donner à Agostin. Celui-ci s’apprête à lancer une nouvelle fois son couteau quand une main de fer saisit son bras par derrière et serre si fort que l’homme croit que son bras va se casser. Il ne veut pas se retourner car il a peur d’être tué par le baron. La douleur devient si violente qu’il finit par lâcher son couteau.
C’est le Tyran qui a rendu ce service à Sigognac.
Tout à coup, l’homme pousse un cri :
– Mordious ! Une vipère me pique la jambe !
En effet, Chiquita lui mord le mollet pour libérer Agostin ; le Tyran, sans lâcher le bandit, secoue la petite fille et l’envoie rouler à dix pas sur le chemin. Le Matamore se précipite alors, prend le couteau et le met dans sa poche. Pendant cette scène, le soleil est apparu à l’horizon et éclaire les mannequins.
– Ah ! dit le Pédant, les aides de ce bandit n’allaient pas intervenir… regardez, ce sont des hommes de paille.
– Vous pouvez venir, mesdames, dit le baron aux comédiennes, il n’y a plus de danger.
Agostin, désolé de l’échec de sa ruse, a un air qui fait pitié. Près de lui se tient Chiquita, à la fois triste et furieuse.
Le Tyran maintient le bras du bandit avec moins de force et lui dit de sa grosse voix tragique :
– Tu as fait peur à ces dames, et tu mérites d’être pendu. Mais j’avoue que ton stratagème pour voler les bourgeois est
LECTURES CLE
EN FRANÇAIS FACILE
LE CAPITAINE FRACASSE
Théophile Gautier
Par amour pour la belle Isabelle, le baron de Sigognac décide de suivre une troupe de comédiens. Sous le nom de scène du Capitaine Fracasse, il part à l’aventure. Enlèvements, duels, rivalités amoureuses se succèdent dans un récit riche en rebondissements.

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