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UN DOSSIER SPÉCIAL DE

Provence-Alpes-Côte-d’Azur Enfin fière de ses TER


DOSSIER SPÉCIAL

Paca cultive ses TER Pour ce qui est des transports express régionaux, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur partait de loin. Réseau vétuste, offre inadaptée, tout était à faire. Depuis 15 ans pourtant et, singulièrement depuis 2010, cette région décidément pas comme les autres rattrape son retard. Récit.

E

«

n 2011, nous avons fêté le centenaire plus tard, on continue d’en parler. » de la ligne des Chemins de fer de Pro- Il faut dire aussi que ce bout de France mévence et certains rails avaient eux aussi ridionale n’est pas tout à fait un territoire 100 ans », se souvient Thierry Coquil, mi- comme les autres. Des caractéristiques qui amusé mi-navré. En une anecdote, le direc- compliquent grandement la gestion et l’orteur du service Transports et Grands équi- ganisation des transports. En 50 ans, la répements au conseil régional de Provence- gion Paca a ainsi gagné plus de deux milAlpes-Côte-d’Azur (Paca) résume la situa- lions d’habitants (source Insee). Avec un tion dans laquelle la région a trouvé les taux de progression de 71 % entre 1962 trains express régionaux (TER), lorsque et 2006, plus du double de celui du pays l’Etat lui en a transféré la compétence en (+32 %), c’est même la championne de 2002. Les facteurs sont nombreux pour ex- France toutes catégories, devant la Corse pliquer l’immobilisme et le LanguedocPrès de 80 % des habitants se qui a prévalu durant Roussillon (+63 %). des décennies. Un concentrent sur une bande littorale de La guerre d’Algérie a passé peu glorieux 30 km de large, entre Marseille et Nice notamment créé des qui permet d’éclairer mouvements de pole présent mais aussi l’avenir, les actions en- pulation très importants entre ces deux rives treprises et à entreprendre. Au premier chef, de la Méditerranée. De plus, les nouveaux Michel-Philippe Baret pointe les carences arrivants, d’où qu’ils soient venus, se sont des élus qui se sont succédé, de tous bords installés à une écrasante majorité dans les et à tous les échelons. « Il y avait un désin- 24 villes centres de la région, les principales térêt total pour cette région et pour cette pro- étant Marseille, Nice et Toulon, mais des blématique de la mobilité, aucune volonté villes plus petites, Manosque, Gap, Menton politique, insiste le conseiller du président et Salon-de-Provence, ont également été de la région Paca, Michel Vauzelle, en touchées par le phénomène. Conséquence, charge des transports. A titre d’exemple, aujourd’hui, 91 % de la population vit dans lorsque j’étais jeune journaliste, en 1980, on l’espace urbain (chiffre de 2006). Pire enm’a envoyé écrire un article sur un projet en core, près de 80 % des habitants se discussion d’un RER à Marseille. Trente ans concentrent sur une bande littorale de

Sommaire

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Paca, enfin fière de ses TER p. II

Paca cultive ses TER

Trois questions à Michel Vauzelle, président de la région Paca : « Notre

plus grande réussite est d’avoir redonné le goût du ferroviaire » ■

Et Zou !, on prend le train !

Des déplacements 2.0

De la région à la régie

Entretien avec Jean-Yves Petit, vice-président de la région Paca :

p. IV p. V p. VI p. VII

« L’Etat devrait considérer notre territoire comme une priorité nationale » p. VIII ■

Des projets tous azimuts

p. X

■ Directrice générale adjointe Delphine CHÊNE : 01 49 70 12 79 delphine.chene@laviedurail.com ■ Directeur de la publicité ferroviaire Patrick MUZOLF : 01 53 80 74 05 patrick.muzolf@laviedurail.com ■ Directrice de clientèle pôle Mobilités Sabine HORSIN : 01 53 80 74 02 sabine.horsin@laviedurail.com ■ Responsable technique Marie-Line RENAUD : 01 49 70 73 03 maryline.renaud@laviedurail.com Imprimerie Interface

Ce dossier a été écrit et réalisé de manière autonome. Il n’a fait l’objet d’aucune validation. II • octobre 2013

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(c) Photo Région / Van der Stegen An

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30 km de large, entre Marseille et Nice. L’at- du tout-voiture a aussi été plus fort qu’ailtrait exercé par la Grande Bleue, sans leurs, notamment à Marseille. » doute… A tout cela s’ajoute un dernier élé- Au final, le résultat de tout cela, c’est une ment, géographique voire géomorpholo- bouillabaisse indigeste, particulièrement dans gique celui-là. Le relief très accidenté de le ferroviaire. « Le réseau est très ancien et l’arrière-pays, jusqu’aux Alpes, n’est pas le n’a pas été entretenu, insiste Thierry Coquil. terrain idéal pour la construction de grandes C’est aussi l’effet TGV. La France a développé voies routières ou même ferrées, tandis que la grande vitesse dans les années 1980 mais les petites routes ravissantes mais si- pas trop son réseau, à part en Ile-de-France, nueuses en diable, ne favorisent pas vrai- et surtout pas chez nous. Au moindre proment la fluidité du blème ou dès qu’il est trafic. « C’est une ré- La tendance s’est inversée, passant du nécessaire d’effectuer gion de pleins et de tout-routier et du transport individuel des travaux, la ligne litvides et cela vaut torale entre Marseille au tout-ferroviaire et aux TC également pour Maret Nice ne peut plus seille, explique Thierry Coquil. Les villes qui laisser passer un seul train. » Point noir en composent l’agglomération marseillaise sont Paca, cette ligne littorale n’est qu’une douassez loin les unes des autres. C’est un ar- ble voie alors qu’elle dessert un bassin de chipel. Du coup, les trajets sont plus longs population de quatre millions d’habitants. De et se concentrent sur des corridors uniques. » toute évidence, l’urgence est à la création Pour Thierry Coquil, le frein était aussi dans d’une voie nouvelle (voir p. X). les têtes. « Ici, les populations ont tardé à Mais dépassé ce constat alarmant, depuis comprendre qu’elles étaient de vraies mé- 15 ans, le changement, c’est tous les jours. tropoles, et donc à s’organiser, analyse-t-il. Il Une première prise de conscience a eu lieu règne plutôt un esprit village. Pour des rai- au tournant de l’an 2000. La tendance s’est sons socio-économiques, le développement inversée, passant du tout-routier et du transVR&T Communication

Inertie politique pendant de longues années, démographie, relief… la mise en place des transports dans la région est singulière pour plus d’une raison.

octobre 2013 • III


DOSSIER SPÉCIAL

Trois questions à Michel Vauzelle, Président de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur

« Notre plus grande réussite est d’avoir redonné le goût du transport ferroviaire » Quelle place tiennent les transports dans la politique de la région Provence-AlpesCôte-d’Azur ? Michel Vauzelle. D’immenses progrès ont été réalisés en matière de transport collectif depuis que nous présidons cette région, en particulier dans le domaine du transport ferroviaire. La précédente majorité préférait privilégier les infrastructures routières, ce qui ne faisait qu’accentuer le déficit d’investissements dont notre réseau souffrait depuis des dizaines d’années. Depuis 1998, le nombre de TER a triplé pour dépasser le seuil des 700 trains quotidiens. Nous avons rouvert des lignes, fait de gros efforts en matière de matériel roulant en engageant 750 millions dans l’acquisition de nouvelles rames, bouleversé notre grille tarifaire pour rendre le train plus attractif, et nous avons créé une régie qui sera opérationnelle le 1er janvier prochain pour l’exploitation de la ligne des Chemins de Fer de Provence qui dessert nos vallées de Nice à Digne. La fréquentation a suivi. Cela prouve bien que cette volonté de développement répond à une attente profonde de la population, tout particulièrement autour des métropoles de Marseille et de Nice. En

termes budgétaires, avec 350 millions engagés en investissement comme en fonctionnement en 2013, c’est l’un des deux postes les plus importants de la région.

(c) SNCF PACA

(c) chemins numeriques

Quelle est votre plus grande réussite en la matière ? M. V. Notre plus grande réussite est justement d’avoir redonné le goût du transport ferroviaire. Plus de 100 000 personnes utilisent quotidiennement nos TER et nos Lignes express régionales routières. Le trafic entre Cannes et Menton est le deuxième en importance du pays après celui de l’Ile-de-France, ce que peu de décideurs mesurent à Paris… Ce succès reste cependant toujours très fragile car nous devons sans cesse veiller à ce que la SNCF respecte la qualité du service exigée par notre contrat. Cela se traduit malheureusement trop souvent par des rappels à l’ordre musclés de notre part.

Hors Ile-de-France, le trafic entre Cannes et Menton est le plus important du pays.

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Que reste-t-il à faire dans ce domaine et avec quels objectifs ? M. V. Il nous reste beaucoup à faire, ne serait-ce que pour consolider les résultats engrangés depuis dix ans, en matière de développement et de remise à niveau des infrastructures comme en matière de qualité de l’offre. Dans un an, nous aurons ainsi rouvert la ligne Avignon Carpentras, terminé la réalisation de la troisième voie entre Marseille et Aubagne et mis en service de nouvelles rames sur notre réseau. Nous attendons également beaucoup, à plus long terme, du chantier de la ligne nouvelle récemment validé par le gouvernement pour sécuriser notre réseau et la qualité de service. Le projet aura cependant besoin de ressources financières nouvelles. Il sera indispensable que l’Etat, notamment au travers de la réforme territoriale en cours, permette à notre région de franchir ce nouveau palier de développement. Propos recueillis par Stéphane MÉJANÈS

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port individuel au tout-ferroviaire et aux trans- pour un redressement de la qualité, et donc ports en commun. Les choses ont frémi à un redressement de la fréquentation. » Opl’occasion du premier Contrat de projets Etat- portunément baptisé PrioriT et toujours d’acrégion (CPER), entre 2000 et 2006, qui a tualité, ce plan a porté ses fruits mais la sipar exemple abouti à la réouverture de la tuation reste fragile. « Depuis le début de ligne Aix-en-Provence - Marseille, en 2009. l’année 2013, c’est à nouveau en train de Entre 2007 et 2013, tout s’est accéléré. plonger », regrette Michel-Philippe Baret. Le premier dossier « Cet été, l’opérateur Sur la seule période 2007-2012, sur la table concera changé sa grille et nait les rapports avec l’offre TER a augmenté de 20,5 % annulé unilatéraleSNCF dont la prestament un certain nomet la fréquentation de 25,7 %, tion n’était pas jugée bre de trains, satisfaisante depuis plusieurs années déjà. s’étonne Thierry Coquil. Cela n’est ni Problème de dialogue social, entretien du conforme à notre contrat ni acceptable. Si matériel, retards, annulations, fraude… les ça ne bouge pas, on remet le casque. » Une griefs s’accumulaient. « Il y a eu une phase nouvelle dégradation du service serait d’autrès dure avec sanctions, menaces et mises tant plus préjudiciable qu’elle viendrait en à exécution, rappelle Michel-Philippe Baret. partie annuler les bons résultats obtenus. Et puis, fin 2010, on a tout remis à plat avec « Nous avons attiré plus d’usagers et des l’exploitant, qui a fait des efforts conséquents usagers assez nouveaux, qui ne connais-

Parmi les leviers sur lesquels la région s’est appuyée pour améliorer la situation des transports, la carte Zou ! tient une place centrale. Ce n’est pas un hasard si elle a été lancée dès la rentrée de septembre 2011, moins d’un an après la signature du plan PrioriT entre la région et SNCF pour améliorer la qualité du service. Il était important de fidéliser le public sur un réseau TER amélioré, et ainsi favoriser le report modal de la voiture individuelle vers le transport collectif. Avec la carte Zou !, non seulement on facilitait l’accès au train grâce à la technologie sans contact mais, surtout, on fidélisait de nouveaux clients attirés par un réseau de meilleure qualité et des tarifs préférentiels. Avec l’offre Zou ! Etudes, les personnes concernées (collégiens, lycéens, étudiants, apprentis et stagiaires âgés de moins de 26 ans) peuvent ainsi bénéficier de la gratuité totale sur le trajet entre le domicile et le lieu d’étude, mais aussi d’un tarif réduit de 50 % sur tous les autres trajets. La carte Zou ! 50-75 s’adresse, elle, à tous les publics, et octroie 75 % de réduction sur un trajet de préférence, quel qu’il soit, et à condition d’acheter ses billets virtuels par lot de 10, mais aussi 50 % sur tous les autres trajets. Mieux, le titulaire de la carte peut faire bénéficier trois autres personnes voyageant avec lui de ce tarif réduit à -50 %. Idéal pour emmener des amis de passage à la découverte de sa région. La carte Zou ! Solidaire porte, elle, bien son nom puisqu’elle offre une réduction de 90 % sur tous les billets aux personnes en fin de droits ou bénéficiant du RSA. Des offres valables aussi bien sur le réseau TER, les Chemins de Fer de Provence, ainsi que

(c) Yann Bouvier Region Paca

Et Zou !, on prend le train !

Depuis deux ans, l’offre Zou ! a permis à la région de fidéliser sa clientèle et d’attirer de nouveaux voyageurs grâce à des tarifs préférentiels.

sur les bus du réseau des Lignes express régionales (LER). Sans parler des Zou ! Hebdomadaire et Mensuel, pour les occasionnels et les touristes. Ni même des Zou ! Pass, mis en place à l’été 2013 à destination des touristes (accès illimité au réseau pendant 24 heures). Une nouvelle offre plus originale est en revanche apparue au printemps 2013 : Zou ! Alternatif. C’est là aussi un outil de report modal puisque cette carte mensuelle, moyennant un surcoût de 1,50 euro, permet de voyager entre Marseille et Aix-en-Provence ou Marseille et Aubagne. Grâce à une concertation entre les différentes AOT (voir entretien avec Jean-Yves Petit, p. VIII ), cet abonnement permet d’utiliser indifféremment les TER ou les cars interurbains (Cartreize) du conseil général des Bouches-du-Rhône. Aujourd’hui, les différentes offres Zou ! ont été adoptées au total par près de 100 000 personnes. Ça s’appelle un succès. S. M.

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Region / Garufi Jean-Pierre

DOSSIER SPÉCIAL

Les lieux d’échange aussi ont bénéficié de l’impulsion donnée aux transports dans la région (ci-dessus, la gare Saint-Charles à Marseille).

saient pas le train, explique Thierry Coquil. Les anciens étaient habitués à un service médiocre, pas eux, qui sont arrivés dans une période où ça se passait plutôt bien. » Au-delà de ces rapports houleux avec l’exploitant, le changement dans les transports

en Paca s’est matérialisé par une participation financière accrue aux travaux sur les infrastructures, les lieux d’échange, et à des investissements en matériel. La contribution financière régionale à l’exploitation des TER est ainsi passée de 191,5 millions d’euros en 2007 à 243,9 millions d’euros en 2012. Elle doit atteindre environ 300 millions d’euros en 2016. Un budget conséquent pour des résultats concrets. L’offre de TER, exprimée en trains.km réalisés (et non commandés), a doublé entre 1998 et 2012 (+99,7 %), et la fréquentation en termes de passagers a connu une augmentation sensiblement plus soutenue (+121,3 %). Sur la seule période entre 2007 et 2012, l’offre a augmenté de 20,5 % et la fréquentation de 25,7 %, avec une hausse significative depuis la mise en place de l’offre tarifaire Zou !, en septembre 2011. Avec un paradoxe, qui dit plus de train dit plus de maintenance, plus de travaux, et donc plus de risques de perturbation sur un réseau ferré contraint. Cela ne fait pas peur à Thierry Coquil. « Il faut que l’on se prépare à augmenter l’offre par deux ou trois à moyen terme, par quatre ou cinq à plus long terme, prédit-il. Mais il ne faut pas aller trop vite, le comportement des gens n’évolue pas du jour au lendemain. » Le transport, c’est aussi de la politique. Stéphane MÉJANÈS

Des déplacements 2.0 Le lancement du site pacamobilite.fr (également accessible sur iPhone et sur smarphone sous Android) est une première à plus d’un titre. Avec cette centrale de mobilité, la région Paca se dote en effet d’abord d’un outil high-tech, pour « favoriser l’utilisation des transports publics et des pratiques d’écomobilité par l’accès à une information complète, coordonnée, et par le biais d’un calculateur d’itinéraire ». Un projet dont elle finance intégralement l’investissement, à hauteur de 955 000 euros sur quatre ans, tandis que 12 partenaires apportent environ 450 000 euros pour les évolutions de l’outil et les mises à jour. Mais, autre nouveauté presque plus remarquable dans la région, ce site a pu voir le jour grâce au concours de l’ensemble des AOT du territoire, soit 15 partenaires conventionnés qui représentent 37 réseaux de transports publics. Une gageure chez des Méridionaux où l’esprit de clocher n’est pas une vaine expression. Basé sur la technologique développée par Transdev, ce site intègre

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l’ensemble de la chaîne des transports collectifs, des modes alternatifs (vélos, covoiturage, autopartage), des parkings d’accès aux réseaux de transports collectifs, et renseigne sur les chaînes de déplacement accessibles aux personnes à mobilité réduite. Il permet de trouver les horaires, tarifs et conditions de déplacements tant sur les réseaux de la région (TER, autocars régionaux et ligne des Chemins de fer de Provence), que sur l’ensemble des réseaux urbains et interurbains du territoire. Le calculateur d’itinéraires peut être utilisé non seulement pour savoir comment se rendre d’un point à un autre, mais il donne aussi la possibilité, via la « recherche avancée », de préciser ses préférences : critère de rapidité ou nombre réduit de correspondances, modes de transport, paramétrage des modes en rabattement (piéton, vélo, voiture). En s’abonnant à Paca Mobilité, on est enfin tenu informé des perturbations annoncées sur ses itinéraires quotidiens. S. M.

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(c) Pascal Grassart Photorail

De la région à la régie

Paca a décidé de créer une régie régionale des transports pour prendre en main l’exploitation de la ligne des Chemins de Fer de Provence, le fameux « train des Pignes ».

Le 1er janvier 2014, Jean-Yves Petit aura une nouvelle casquette. Le vice-président de la région Paca, en charge des transports et de l’écomobilité, entrera pleinement dans sa fonction de président de la Régie régionale des transports (RRT) créée fin 2012 après la reprise, dès 2007, de la ligne des Chemins de fer de Provence (CDP), entre Nice et Digne. Le premier conseil d’administration s’est tenu le 22 avril 2013 mais c’est bien le 1er janvier prochain que la RRT entrera dans sa phase véritablement opérationnelle. « Nous avons saisi l’opportunité de la fin de la délégation de service public le 31 décembre 2013, raconte Jean-Yves Petit. Si nous avions lancé un appel d’offres, nous n’aurions sans doute reçu une réponse que du délégataire actuel. Ce n’est pas un marché très concurrentiel. De notre côté, nous avions besoin d’une vision plus précise pour une maîtrise des coûts plus efficaces, mais aussi de travailler sur la complémentarité de l’offre. » La décision se justifie d’autant plus que la région a déjà beaucoup investi dans cette ligne encore plus vétuste que les autres. Depuis 2007, sur un budget total de 80 millions d’euros, la région en a injecté 42, pour l’achat de matériel roulant (quatre rames automotrices réversibles à traction diesel pour 20 millions d’euros) ou, sur la partie ur-

baine de la ligne, pour le renouvellement intégral de la voie ferrée sur 25 km, avec reprise des ouvrages d’art, la mise en accessibilité des quais aux personnes à mobilité réduite, la sécurisation des passages à niveau et la mise en sécurité des tunnels. Et ce n’est qu’un début puisqu’une étude de développement à l’horizon 2020 a été engagée, en partenariat avec l’Etat, la métropole Nice Côte d’Azur et le département des Alpes-Maritimes. Elle a pour objectif de « déterminer un scénario de développement en cohérence avec les dynamiques d’aménagement et les politiques de transport dans l’agglomération de Nice », précise-t-on à la région. Une première étape vers une sorte de RER niçois qui permettrait d’accompagner le développement économique de la partie basse de la ligne, qui concentre 80 % de la fréquentation. « Il faut trouver l’équilibre entre deux fonctions, conclut Michel-Philippe Baret, conseiller du président de la région Paca, Michel Vauzelle, en charge des Transports. Celle d’aménagement du territoire, avec la desserte de tous les villages jusqu’à Digne, et celle de dynamisation d’une agglomération en plein développement. Les intérêts des uns ne sont pas forcément pas ceux des autres. C’est un outil stratégique très intéressant. » S. M.

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octobre 2013 • VII


DOSSIER SPÉCIAL

Jean-Yves Petit, vice-président de la région Paca, chargé des Transports et de l’écomobilité

« L’Etat devrait considérer notre territoire comme une priorité nationale » Pour son premier mandat, Jean-Yves Petit, vice-président de la région Paca, en charge des Transports et de l’écomobilité a pris le problème à bras-le-corps. Depuis 2010, les initiatives se multiplient et les projets sont nombreux. Tour d’horizon.

Quels sont les autres axes de développement sur lesquels vous travaillez ? J.-Y. P. L'information est une donnée essentielle. Il faut

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qu'elle soit la plus multimodale possible. Dans cette optique, nous lançons sur l’Internet la centrale de mobilité Paca Mobilité [voir encadré p. VI, ndlr]. C’est déjà une belle réussite en soi dans la mesure où la quasitotalité des autorités organisatrices du transport de la région, les départements et les communautés d’agglomération, sont parties prenantes. Ensuite, à partir de cette information multimodale, on va pouvoir travailler sur l’optimisation de l’offre, avec une meilleure complémentarité entre les différents réseaux. Dans cette optique, pour le prochain contrat de projets Etat-région, nous travaillons notamment sur un cadencement multimodal. Il peut arriver que des trains et des cars circulent à la même heure. C’est inutile. Il faut étudier quel créneau est le plus opportun pour le train, quel autre l’est pour le car. On met ainsi à disposition de l’usager une offre de transport plus dense mais surtout multimodale et avec la même tarification. A titre d’exemple, nous venons de lancer une offre tarifaire entre Aix et Marseille et entre Aubagne et Marseille, avec le conseil général des Bouches-du-Rhône (CG13) et la communauté urbaine Marseille Provence Métropole. C’est intéressant, car nous sommes sur deux axes avec des flux importants, 200 000 personnes par jour pour le premier et 75 000 pour l’autre. On y trouve les TER de la région et le réseau de cars du CG13 (toutes les 5 ou 10 minutes à certains créneaux). Avec mon collègue du CG13, nous mettons en place un Pass alternatif qui permettra, en payant environ 2 % de plus pour 10 tickets, de prendre au choix le train ou le car. On pourrait aussi jouer sur

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(c) JP. Garuffi / Région PACA

Quelles ont été vos priorités lorsque vous avez pris vos fonctions ? Jean-Yves Petit. La première chose à faire dans l’urgence, c’était remettre sur pied la qualité, la régularité, et la fiabilité du réseau TER. Soit on retrouvait une meilleure qualité soit on allait tous dans le mur. Une fois que la situation s'est améliorée, la deuxième phase a consisté à rénover la tarification. On est passé à une gamme tarifaire que je qualifierais de socialement adaptée, avec différentes offres, notamment en direction des jeunes [voir encadré p. V, ndlr]. La carte Zou ! Etudes offre par exemple la gratuité sur les trajets domicile - lieu d'étude et 50 % de réduction sur les autres trajets. Mais, au-delà de cette gratuité, c'est une façon d’apporter aux jeunes de l’autonomie. Lorsqu’ils choisissent leur orientation, il ne faut pas que le lieu de formation soit un problème par rapport à leur domicile. Avec plus de 40 000 cartes vendues, on peut dire que ça marche. Par ailleurs, avec la carte Zou ! 5075, qui permet notamment d'obtenir une réduction de 75 % sur un trajet de préférence, on fidélise et on transforme des usagers en occasionnels fréquents. Ce sont encore 40 000 abonnements qui ont été souscrits. Grâce à ces deux cartes, nous avons pu constater que nous avons converti 20 000 personnes qui, auparavant, auraient pris la voiture. C’est une expérience réussie de report modal.


(c) Photo Region / Ciot Pierre

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Jean-Yves Petit regrette que la dotation globale de l’Etat n’ait pas bougé alors que depuis le transfert du TER à la région, en 2002, l’offre de transport a été multipliée par deux.

l’amplitude horaire. Aujourd’hui, par exemple, sur l’aire métropolitaine marseillaise, au-delà de 22h, il n’y a plus grand-chose comme offre de transport. Peut-être pourrait-on avoir un jour des bus jusqu’à minuit ou plus tard, ce qui favoriserait un accès différent à la culture et au loisir. Quelles infrastructures prévoyez-vous de mettre en place pour accompagner cette politique ? J.-Y. P. Le point d’appui, ce sont les gares, les pôles d’échange. C’est ce qui va contribuer à faire que tous les investissements lourds (matériel roulant, voies, entretien, etc.) prendront tout leur sens. Il faut que l’usager puisse continuer son parcours dans les meilleures conditions de fluidité. Il est aussi essentiel de travailler sur le dernier kilomètre. Par exemple, les gens qui arrivent en gare d’Aubagne et qui travaillent dans la zone industrielle des Paluds, comment font-ils pour s’y rendre, quelle information leur donne-t-on ? Aujourd’hui, on constate qu’il existe peu de connexions entre un pôle d’échange ou une gare et une zone d’activités. Nous travaillons donc beaucoup sur les plans de déplacement interentreprises, avec les autorités organisatrices concernées. Vélo, covoiturage, réseaux de bus, tout est envisageable. La motivation et la mobilisation de tous les acteurs sont réelles.

De quelles ressources disposez-vous pour mener à bien tous ces projets ? J.-Y. P. Depuis le transfert du TER à la région, en 2002, l’offre de transport a été multipliée par deux mais la dotation globale de l’Etat n’a, elle, pas bougé. Par ailleurs, le levier fiscal d’une région est très faible. Pourtant, nous desservons des périmètres de transports urbains immenses, comme le Grand Avignon, le métro de Marseille, l’aire toulonnaise, la Côte d’Azur, avec un grand nombre de trains. Mais l’on perçoit zéro centime de recettes. C’est un problème, pour toutes les régions, d’ailleurs, que j’espère voir réglé dans la loi de finance 2014. Il faut déterminer une ressource financière dédiée au transport public local, pérenne et dynamique. Par exemple, grâce à nos efforts, comme le passage à sept trains par heure entre Aubagne et Marseille ou la réouverture de la ligne Avignon - Carpentras, les deux fin 2014, l’immobilier va prendre de la valeur. Il y a peut-être là un gisement de ressources. Je lance une piste. Des solutions ont bien été trouvées pour le Grand Paris. On a parlé d’un budget de 30 milliards mais l’Etat n’en donne qu’un seul. D’autres dispositifs ont été mis en place. Pendant ce temps, nous pointons chez l’abbé Pierre. L’Etat devrait pourtant considérer notre territoire comme une priorité nationale, eu égard au retard accumulé. Propos recueillis par Stéphane MÉJANÈS

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octobre 2013 • IX


DOSSIER SPÉCIAL

Des projets tous azimuts Après une phase de remise à niveau des transports collectifs qui a duré près de 15 ans, la région ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le nouveau contrat de projets Etat-région 2014-2020 sera riche en réalisation. Des pôles d’échange au fret, rien n’est oublié. Détails.

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a ne sert à rien d’insister sur ce qui a déjà structure est reconnue, dans les nœuds les plus été fait, c’est partout pareil en France. » saturés, à Marseille (Saint-Charles) et à Nice Thierry Coquil, directeur du service Transports et (Thiers), mais aussi de traiter celui de Toulon par Grands équipements au conseil régional de Pro- la suite ». « Avant la remise à plat, nous avions vence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), n’est pas du réussi à faire entendre qu’il fallait une ligne supgenre à regarder dans le rétroviseur. La région plémentaire, LGV ou pas, d’ailleurs, pour désenregorge de projets et cultive sa différence. gorger et augmenter la capacité du réseau ac« Quand je parle avec mes collègues d’autres ré- tuel, renchérit Thierry Coquil. Sinon, nous serions gions, ils me disent qu’ils sont tous quasiment dans une impasse totale, sans possibilité d’ajoupassés à une logique de budget constant, ra- ter un seul train express régional ni même un train conte-t-il. On passe pour des fous quand on dit grande ligne. De plus, il suffit d’un incendie, d’un inque l’on va récupérer 60 millions d’euros en plus cident de personne, pour perdre une demi-jourdans les trois ans qui viennent, 15 en 2014, 30 née. » En attendant le traitement des nœuds de en 2015 et encore 15 en 2016, alors que nous Marseille et Nice, au mieux en 2023, Thierry Coavons déjà 260 millions d’euros en commande. quil peut donc dérouler plus sereinement la Pourtant, on n’est pas plus riches que les autres. (longue) liste de tous les projets de la région. Dans une région inégalitaire comme la nôtre, avec Cela concerne bien sûr l’exploitation de la ligne un revenu fiscal plus faible que la richesse réelle des Chemins de fer de Provence. Mais aussi des de la population aisée, nous avons même assez efforts sur le matériel. « Nous sommes déjà en peu de recettes fiscales. » De toute façon, à l’aube train de faire une projection sur nos besoins, en de la signature d’un nouveau contrat de projets deux séquences, d’ici à 2020 puis au-delà, préEtat-région (CPER), pour 2014-2020, cet ar- cise Thierry Coquil. Il s’agit de renouveler du magent, il faudra bien le trouver. Il faut déjà mettre en tériel ancien et de gérer une augmentation de caservice les projets d’infra programmés dans le pacité sur certaines lignes. » Dix rames Régiolis et CPER 2007-2013 : liaison intergares Avignon- 16 rames Regio2N sont ainsi attendues à partir centre - Avignon-TGV de 2014. On n’oublie (baptisée la Virgule), Côté fret, le prochain CPER verra sans pas non plus de contidoute la création d’un terminal de nuer à remettre en état doublement de capacité de la ligne Cannes - transport combiné mixte à Marseille le réseau, en participant Grasse, troisième voie à des travaux là où l’Etat entre Antibes et Cagnes, réouverture d’Avignon - et RFF se désengagent, typiquement sur les Carpentras, troisième voie entre Marseille et Au- lignes secondaires : la ligne des Alpes, la ligne bagne, développement de la capacité entre Tou- de Tende entre Nice et Coni, via Vintimille et Breillon et Hyères. En vue, une augmentation de l’of- sur-Roya, ou la Côte Bleue, de Miramas à l’Esfre de 15 % en trains.km. taque. Ces trois lignes, ainsi que la ligne des CheMalgré leur volonté d’aller plus loin, l’enthou- mins de fer de Provence, voire la ligne de Nice à siasme des techniciens et des élus a cependant Eze, via Cannes, Monaco et Menton, présentent été douché dès le début de l’été 2012. Les ru- par ailleurs un intérêt certain pour développemer meurs couraient alors sur l’abandon définitif par le tourisme. Empruntez-les, vous comprendrez. l’Etat, pour cause d’économies budgétaires, de La robustesse du réseau doit elle aussi être amétous les projets de lignes à grande vitesse (LGV). liorée pour en assurer l’exploitabilité et résister Une catastrophe pour la région, dont la ligne lit- aux aléas. Il est notamment impératif d’ajouter torale à double voie arrive à complète saturation. des contresens à divers endroits, ou de prévenir Le rapport Mobilité 21, rendu le 27 juin 2013 a un la chute de rochers depuis les falaises, par exempeu apaisé les esprits. « Nous sommes plutôt sa- ple entre Monaco et Eze. Autres priorités, les tisfaits du résultat, souffle Michel-Philippe Baret, pôles d’échange multimodaux, comme ceux de la conseiller du président de la région Paca en Garde, à l’entrée ouest de l’agglomération de charge des Transports. La nécessité d'une infra- Toulon, de Nice-Thiers, ou de la Seyne-sur-Mer, X • octobre 2013

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dont les premières pierres ont été posées en 2013, ainsi que l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, réglementaire pour les établissements recevant du public (ERP) à partir du 1er janvier 2015. La région prévoit également de développer les zones denses avec des projets de grands systèmes métropolitains, notamment sur les axes Aix - Marseille, Mandelieu - Nice Vintimille, mais aussi autour d’Avignon et de Toulon. Il s’agit également de poursuivre le maillage du territoire pour que personne ne soit exclu et pour fluidifier les parcours. Des études sont en cours sur les zones de Gardanne, Digne-lesBains, ou Aix-en-Provence/Vitrolles. Derrière la plupart de ces actions, l’objectif est d’arriver à une coordination des transports pour faciliter le porte à porte, de travailler sur les pôles d’échanges et sur la coordination horaire entre les TER, les Chemins de fer de Provence, et les 20 lignes express régionales (LER) historiques. Dernier chantier sur la table, le fret ferroviaire. Le prochain CPER verra sans doute la création d’un terminal de transport combiné mixte à Mourepiane, un quartier de Marseille. Cela consiste à aménager et équiper l’espace situé à proximité immédiate de l’actuel terminal à conteneurs maritime « Med Europe Terminal », par l’installation de voies ferrées, de matériels de transbordement, d’une cour de manutention et de stockage. Cette opération permettra, par ailleurs, en reprenant les trafics actuellement traités sur le terminal de transport combiné du Canet, de libérer des emprises foncières qui seront rachetées par l’Eta-

blissement public Euroméditerranée (Epaem), dans le cadre de l’extension de l’opération d’intérêt national Euroméditerranée, pour réaliser un parc urbain de 14 ha autour du lit du ruisseau des Aygalades. A Avignon, c’est le terminal de transport combiné rail-route de Champfleury qui retient l’attention. Sa réserve de capacité est très faible et il n’est accessible que par une seule voie. Une préétude a été menée en vue d’un développement du site voisin de Courtine, géré par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et quasiment inoccupé. Situé sur le chenal de navigation du Rhône, il a d’ailleurs été identifié comme stratégique dans le schéma portuaire du bassin Rhône-Saône. La construction d’un nouveau raccordement ferroviaire serait nécessaire. Même chose à Fos, dont on envisage d’augmenter la capacité à condition de doubler sa voie d’accès. « A Fos, on plaisante en disant que c’est le seul port à vocation mondiale desservi par une départementale », sourit Michel-Philippe Baret. Enfin, en contribuant à sauvegarder l’activité de tri gravitaire de Miramas, la région a clairement montré son intérêt pour ce secteur délaissé. « Il faut que le fret ferroviaire puisse reconquérir des parts de marché, tant vers Nice que vers les Alpes, insiste Thierry Coquil. Depuis dix ans, on a assisté à un retrait complet, sauf sur le delta du Rhône. Ailleurs, il ne subsiste que quelques trains transportant des marchandises dangereuses ne pouvant pas passer par la route. Il faut mener une véritable reconquête du territoire par le ferroviaire. » Un slogan tout trouvé pour le prochain CPER. S. M. VR&T Communication

La création d’une ligne supplémentaire est vitale pour la région dont la ligne du littoral, qui dessert un bassin de quatre millions d’habitants, est totalement saturée.

octobre 2013 • XI


Mobilité

en Provence-Alpes-Côte d’Azur Conception-réalisation : Direction de l’Information de la Région – Illustration Gettyimages

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