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Conclusion
Conclusion
Vers une architecture de réemploi,
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Pour donner un sens aux matériaux récupérés, nous nous sommes attachés ici à comprendre la spécificité des matériaux de réemploi à travers les acteurs actuels de cette pratique, en nous posant la question de savoir si elle pourrait devenir un outil de conception pour l’architecte en dépassant le stade de l’expérimentation.
Tout au long de ce mémoire nous nous sommes efforcés de répondre à deux questions principales.
Comment donner une valeur spécifique aux matériaux de réemploi, sans générer une impression de minoration qualitative pour l’usager et convaincre les architectes que cette voie est vertueuse ?
Dans quelle mesure la pratique du réemploi peut-elle devenir une pratique courante ?
S’agissant de l’impression de minoration qualitative nous avons vu qu’elle pouvait être parfaitement évitée et dépassée, notamment par l’intégration de la notion d’ensemblage : en donnant un sens aux matériaux utilisés, en tenant compte de leur histoire et de leur destination initiale et en intégrant ces éléments dans le nouvel ouvrage, qui de ce fait n’est plus un empilement de matériaux récupérés mais une oeuvre nouvelle avec son sens propre.
De notre point de vue, l’ensemblage dans la pratique de l’architecture de réemploi élève la notion de glanage, de bricolage et d’assemblage au rang de théorie architecturale. En ce sens où elle est emprunte de technique, d’ingénierie mais aussi de poésie.
En effet, dans chacun des projets exposés dans ce mémoire, le matériau réemployé, intégré dans un ensemble, conserve néanmoins les traces de son premier usage. C’est en cela que, comparé à un matériau neuf, l’écriture de l’ensemblage nous apparaît comme poétique. Conjointement à la satisfaction de réemployer un matériau voué à la destruction, cette valeur multiple l’éloigne de la notion de déchet.
Quant à la possibilité que l’architecture de réemploi devienne une
pratique courante, nous nous sommes attachés à démontrer qu’elle est raisonnablement envisageable, en adoptant une démarche spécifique, un protocole transmissible.
En premier lieu, constituer un inventaire ouvert des matériaux réutilisables. C’est la première étape pour ancrer une pratique en plein essor. Tel qu’évoqué pour le recyclage, si signaler la disponibilité d’un matériau dont on a plus besoin sur une plate forme d’échange ouverte devient un reflexe, alors il sera plus facile pour chacun de piocher dans ce stock établi et répertorié. Ainsi, on ajoute au catalogue des possibilités pour optimiser la consommation de nos ressources.
Ensuite, mettre en place un système de repérage et de collecte des matériaux de réemploi, en privilégiant l’approvisionnement local. La déconstruction devient ainsi une nécessité pour préserver la ressource que constitue le matériau à réemployer.
Enfin, sensibiliser tous les acteurs, de la conception à la réalisation, à la nécessité de raisonner le choix des matériaux, leur nature, leur origine et leur mise en oeuvre, de manière à donner un sens particulier au nouvel ouvrage et à lui conférer une plus-value reconnaissable.
Ce sont ces éléments qui constituent le point de base nécessaire, impératif à la constitution d’une filière et permettra l’émergence d’une pratique admise par tous.
La principale difficulté dans ce travail de recherche est que le sujet est volatil en ce sens que l’objet est en création. Il y a énormément d’acteurs qui sont en train de tester ces méthodes, et de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cette pratique encore à la marge et il est très difficile de dresser une liste exhaustive de tous les acteurs de cette (r)évolution.
Néanmoins, un inventaire plus large de propositions concrètes en matière de conception et de réemploi de matériaux issus de déconstruction, intégré à un système comparatif serait porteur de plus d’informations afin d’approfondir cette analyse. Reconnaisson que l’on a aujourd’hui très peu de retours d’expériences sur la systématisation de ce type d’architecture à l’échelle des constructions « répétitives » (lotissements, habitations collectives…) ; en effet, chaque acteur du réemploi expérimente la démarche qui est propre à
chaque situation de projet.
S’il apparaît que l’architecture de réemploi est déjà utilisée dans les opérations de réhabilitations et reconversions (friches industrielles), il serait intéressant d’étudier les possibilités d’anticipation du réemploi dans les constructions neuves dès la conception. Ces principes de réemploi pourraient être intégrés dans un contexte d’architecture modulable et de mutabilité des édifices. Ainsi, le réemploi permettra d’être le support de la multiplicité d’usages dans la durée de vie des bâtiments.
En ce sens, cette anticipation pourrait concerner l’intégration de possibilités de réemplois dans le choix des matériaux neufs. Ainsi, nous pourrions opter pour des procédés techniques facilitant la déconstruction et le réemploi.
Est ce que la question du réemploi peut aboutir à la création d’une filière et à une pratique architecturale établie ?
Ou bien n’est-ce qu’une étape temporaire vers une systématisation de la prise en compte du potentiel de réemploi des matériaux dans les constructions neuves ?
Finalement, à travers le réemploi d’un matériau,remet-on en question la pérennité d’un bâtiment ? A t-on besoin de lier un usage à la pierre ?