4 minute read
DEVANCER LE DÉCLIN ARCHITECTURAL
Rien n’est éternel, le temps passe et les architectures finissent par s’essouffler, perdre leurs utilités ou même sombrer face à certaines catastrophes. C’est pourquoi le rôle d’un concepteur est aussi de d’anticiper la façon dont va être recyclé ou réutilisé son édifice avant même que celui-ci soit édifié. Théorie déjà énoncée par la revue d’architecture avant-gardiste britannique Archigram, l’architecture peut être imaginée comme un produit de consommation 10. Très en vogue actuellement, les questions du réemploi et du recyclage sont au cœur des nouveaux mouvements pour lutter contre l’appauvrissement de nos ressources. Mais pour faciliter et optimiser ces intentions, il est nécessaire de les prendre en considération dès la phase de conception du projet quel que soit la durabilité de l’édifice. C’est sans aucun doute l’une des nouvelles charges qui incombent le métier d’architecte, d’évaluer et de proposer des solutions de réversibilité ou de recyclage de sa propre architecture pour s’approcher au maximum d’un bâtiment zéro déchet.
Le fameux : ‘’ rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ‘’ 11, met en évidence que la nature n’a pas de poubelle et qu’elle a le gaspillage en horreur. De plus en plus d’architecte sou d’agences d’architecture, voient en cette évidence les prémices d’une nouvelle manière de penser l’architecture. Les secteurs du bâtiment et de la construction font partie des activités économiques les plus polluantes de la planète, ils génèrent près de 260 millions de tonnes de déchets par an soit 73% des déchets annuels 12.Une grande partie des déchets actuels dans le bâtiment proviennent des opérations de démolition de bâtiment qui n’ont pas été construits dans une optique de réemploi des matériaux. C’est au travers des cours complémentaires au studio de projet de licence 3 (S5AT) que j’ai pu faire la découverte de concepts et de références architecturales qui prônent le réemploi. J’ai notamment découvert certaines productions de Shigeru Ban avec ses constructions en carton, du Studio Mumbai et leurs Copper Houses I et II, ou encore Glenn Murcutt pour ses productions en acier. Leurs connaissances des matériaux et leurs réflexions concernant le futur de leurs œuvres les conduiront à utiliser une structure en acier plutôt qu’une structure en bois par exemple pour minimiser l’empreinte écologique de leurs projets. L’acier n’est pas un matériau renouvelable ou local mais il présente des qualités mécaniques et durables beaucoup plus performantes. En effet, l’acier permet de réaliser des structures à la fois très légères, résistantes aux intempéries et recyclables à l’infini. Un raisonnement qui implique parfois des choix écologiques inattendus mais pertinents. C’est pour ces raisons que je m’inspire de ces types d’architecte qui ont prouvé au monde entier par leurs productions qu’il est possible de réduire la facture écologique d’un bâtiment en le rendant facilement recyclable, modifiable ou extensible et donc ne plus nuire à l’environnement de manière irrémédiable.
Advertisement
Même s’il est entendu qu’un édifice et ses matériaux peuvent être rénovés ou recyclés, l’effort pour y parvenir reste considérable tant le désassemblage des matériaux est long et fastidieux ou que la multiplication des nouvelles normes réduise le champ des possibles. Contrairement à la reconversion d’un bien existant, la «réversibilité» est une solution anticipée qui consiste à programmer un ouvrage dès l’élaboration du projet pour qu’il puisse indifféremment accueillir aussi bien des logements que des bureaux par exemple, au moyen de modifications minimes 13. Patrick Rubin de l’agence Canal Architecture est l’un des pionner de cette nouvelle façon de construire. Ce principe pourrait devenir une des réponses efficaces à notre contexte social,
10 GUIHEUX Alain, Archigram: Monographie, 1994, p.108-109.
11 DE LAVOISIER Antoine Laurent, Citation.
12 1http://www. dechets-chantier. ffbati- ment.fr, [site consulté le 23/03/2018].
13 RUBIN, Patrick, Construire réversible, Canal architecture, 2017, p. 1.
(fig. 8) Photo de la La Maison Pour Tous, Four, projet des Master 1 AECC 2018 de l’Ecole d’architecture de Grenoble, sous la direction de Marie et Keith Zawistowski. Elle est entièrement réalisée en matériaux bio et géosourcés écologiques dans la philosophie se la construction en terre du laboratoire CRAterre. Source : www.timurersen.com, http://craterre.org/
économique et immobilier actuel, avec une société toujours plus changeante et des édifices qui perdent leurs fonctions premières peu de temps après leurs conceptions. Découverte récemment, cette idée de penser un projet qui propose en un seul ouvrage un large panel de fonctions possibles pouvant ainsi muter au même rythme que notre société semble une piste ambitieuse mais cohérente. Je pense qu’imaginer des bâtiments ou l’on pourrait aussi bien habiter, travailler ou se divertir mérite d’être étudier mais cela engage à réfléchir aux différents programmes et procédés constructifs dès la conception et ainsi trouver un consensus qui permet une souplesse de l’édifice pour ses différents usages. Penser réversible, devient alors au même titre que le recyclage une anticipation de l’évolution d’un édifice avant même sa construction, pour alléger au maximum les adaptations et leur coût, lors de sa transformation.
L’architecture contemporaine, pour des raisons de préservation de notre planète, se doit d’adopter une vision à long terme. Architecturer sans concevoir que son architecture devra, un jour ou l’autre, être reconstruit ou détruit revient à gaspiller nos ressources naturelles avant même leurs mises en œuvre. Prévoir l’évolution et la durabilité de son architecture se traduit aussi par une réflexion du devenir de ce qui la compose ou de ce qui fait sa fonction. Ainsi, avoir conscience de ce concept permet de mettre sa culture de la construction et des matériaux au service d’une solution anticipée concernant la fin de vie de son édifice pour optimiser et minimiser la perte de nos richesses. Cette capacité à juger clairement et sainement chaque étape d’une réalisation architecturale nous permettra de préserver à la fois notre environnement et notre avenir. C’est une vision orientée vers l’avenir, c’est ça l’architecture prospective.