4 minute read

CHOISIR AVEC APPLICATION LA MATIÈRE À TRAVAILLER

Cultiver le site me permet de planter mes premiers concepts architecturaux et dispositifs bioclimatiques. Mais pour faire germer et valider ces concepts, il est indispensable de penser à la matérialité de son architecture. Les choix des matériaux à mettre en œuvre permettront ainsi d’inscrire physiquement le bâtiment dans son contexte, d’assurer la performance et la durabilité de l’édifice. En choisissant certains matériaux et certaines techniques de fabrication, l’architecte va dans un premier temps valoriser l’ambiance et la qualité de son architecture, mais devra dans un second temps évaluer l’impact de ses choix sur l’environnement. Il n’existe aucun matériau dont l’impact environnemental soit nul, ils ont tous besoins de matière première, doivent tous être transformés puis transportés pour être utilisés lors de la construction et finissent tous par être recyclés ou démontés. L’enjeu est donc d’identifier tous ces facteurs pour guider de manière raisonnée nos choix de matière à architecturer. Bien entendu la réalisation d’un projet d’architecture découle d’un concept fondateur qui ne doit pas être remis en cause, les choix matériels du projet s’opèrent donc par un consensus complexe entre l’expression d’un concept et l’atténuation de l’impact environnemental.

Les études d’architecture cherchent à développer notre potentiel sensible et créatif à travers l’art et la technique. Que ce soit au cours des séances d’arts plastiques ou de matériaux et mise en œuvre, j’ai pu expérimenter et découvrir la capacité de la matière à générer des émotions ou des sensations de par sa composition, sa forme, ses dimensions, son façonnage ou ses propriétés physiques. Chaque matériau est donc doté de sa propre charge émotionnelle et sensible. L’enseignement de Jean-Christophe Grosso sur la matière en architecture (S5C1) encourage cette réflexion grâce à des études détaillées de mise en œuvre des matériaux dans des édifices existants. Ce travail d’étude et de redessin m’a permis de comprendre comment les architectes matérialisent leurs intentions architecturales et manipulent certains matériaux pour générer des qualités spatiales, lumineuses, sonores, thermiques, esthétiques... Saisir le travail de ces architectes m’a fait découvrir comment et pourquoi tel matériau prend place dans le projet plutôt qu’un autre et comment il intervient dans l’édification du projet. Cette idée rejoint la pensée de l’architecte Peter Zumthor, qui voit dans la diversité de ces détails la formation d’un tout qui donne vie à l’idée fondatrice du projet : « Là où des matériaux concrets sont assemblés et édifiés, l’architecture imaginée devient une part du monde réel. » 5. Avec cette citation, Peter Zumthor n’oublie pas de nous rappeler que l’architecture n’est pas uniquement sur le papier, mais que c’est bien la matière qui la fait exister.

Advertisement

Le processus décisionnel lié au choix des matériaux est donc influencé par nos intentions de projet, aux ambiances et à la philosophie que l’on veut mettre en place. Mais l’affaiblissement de nos ressources naturelles et l’augmentation de la pollution nous contraignent à développer une nouvelle approche plus conservatrice de notre environnement. Une approche plus locale qui ferait écho aux méthodes ancestrales que j’ai pu étudier lors de mes premiers cours sur l’histoire et la critique de l’architecture (S1SH). Avec des choix de matériaux qui émane de la compréhension du contexte, de l’expérience du lieu et de tout autres analyses permettant de faire un état des lieux de la matière première à disposition pouvant être utilisée dans le projet. A la manière de l’architecture vernaculaire, ce choix d’opter pour des matières premières de proximité va permettre de créer des circuits courts et ainsi minimiser l’impact environnemental. C’est aussi un moyen de valoriser le site comme richesse constructive et d’ancrer encore

5 ZUMTHOR Peter, Penser L’architecture, Basel, Birkhäuser, 2010, p. 10-11.

un peu plus l’édifice dans son environnement. C’est à travers différentes références que j’ai pu développer cette réflexion autour de la matière locale, par exemple avec l’architecture écologique du Vorarlberg. Cet ensemble d’architectes et de constructeurs autrichiens des années 80 ont misés sur des constructions qui exploitent astucieusement les ressources du land de Vorarlberg (État fédéré de la république d’Autriche). Véritable laboratoire architectural, ils réussissent ensemble à valoriser les savoir-faire locaux et à réinterpréter les codes architecturaux ancestraux pour produire une nouvelle architecture plus contemporaine et respectueuse de son environnement. Matériau principal de leurs constructions, le bois est aussi la matière la plus abondante de la région et la plus encré dans l’artisanat local. C’est pour cette raison que je cherche presque systématiquement à définir le type de ressources disponibles à proximité de mon site de projet mais aussi à ne pas faire de raccourcis en associant trop vite une matière locale comme quelque chose de forcément écologique. En effet chaque région est attachée à certaines ressources plutôt qu’à d’autres et les travaillent plus efficacement, il faut savoir puiser dans les traditions locales pour construire un édifice avec un faible impact environnemental qui fasse partie de l’identité de la région.

Les matériaux ont chacun leurs propre potentiel physique et sensible, c’est pourquoi il faut savoir les choisir avec soin afin que le concept architectural prenne tout son sens. Le contexte, le site et les traditions, sont autant de pistes à exploiter pour guider judicieusement ses choix et ainsi proposer des projets qui se marient avec l’identité des régions, des habitants et des paysages. Puiser dans les ressources et les savoir-faire locaux, fait écho à la pensée des architectures traditionnelles et permet de minimiser l’impact environnementale de la construction tout ayant la possibilité de réinventer leurs mises en œuvre pour proposer une écriture architecturale plus contemporaine.

(fig. 4) Photos de l’Illwerke Center Montafon, Vandans, Hermann Kaufmann + Partner ZT GmbH - L’un des plus grands immeubles de bureaux à ossature de bois du monde, symbole du savoir faire des architectes du Vorarlberg . Source : www.hkarchitekten.at

This article is from: