Maxi-Basket 40

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Taylor Rochestie... Rétro : Bercy... Andreï Kirilenko... Evan Fournier... Arnaud Kerckhof... Olimpia Milan

#40

février 2012

• Ali Traoré

En Russie • Stephon Marbury

En Chine

• Isabelle Yacoubou

En Espagne

L’énigme Ajinça

© Jean-François Mollière

En or ou en toc ? Tout savoir sur

Kim Tillie

MAXI-BASKET N°40 – février 2012 DOM-TOM : 5,60 € BEL 5,40 €

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16 19 FÉV.

ROANNE

Hôtel République 2011 • © Shutter

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Édito • maxi-basket 03

Signé Ali Traoré Par Pascal LEGENDRE

de chemins de terre ! » Et Ali ne se contente pas de nous narrer son quotidien, entre deux déplacements au long cours, il nous l’a numérisé. Ne vous faites pas d’illusions, une fois descendus de leur piédestal de stars du sport, beaucoup de basketteurs – je ne parle pas des footballeurs ou des cyclistes – sont sans relief avec une vie qui n’est pas rythmée par la trilogie métro-boulot-dodo mais par hôtel-bus-salle avec en son et lumière PlayStation-facebook-DVD. Il faut rester « focus sur l’objectif » disent leurs coaches, c’est-à-dire le match, la victoire. C’est un rien lobotomisé pour ne pas dire militarisé – les armes en moins, et c’est plus qu’un détail. Soyons honnête, il en va de même des journalistes dont certains, après cinq voyages à Istanbul, n’ont toujours pas visité la Mosquée Bleue et la Basilique Sainte-Sophie. Mais ce n’est pas un secret, après une interview, il nous est tous arrivé de nous demander comment nous pourrions remplir les six pages ou écrire les 15.000 signes impartis. Ceci dit, je le répète, au foot, certains de mes confrères font preuve d’un vrai talent de romancier tant la « matière première » recueillie est d’une affligeante pauvreté et à l’inverse le rendu dans le journal distrayant ; en basket, à ma connaissance, ce n’est jamais le cas. Je ne connais pas Ali Traoré, mais je suis certain qu’avec lui je passerais une bonne soirée. En attendant voici les aventures d’Ali au pays des merveilles et, au quotidien, n’hésitez pas à suivre @bomaye12 sur Twitter, il sera tellement heureux d’atteindre les 4.000, puis les 5.000 followers. Et vous ne serez pas déçu. l

« Un petit côté Tintin chez les Soviets »

Directeur de la publication Gilbert CARON Directeur de la rédaction Pascal LEGENDRE (p.legendre@norac-presse.fr) Rédacteur en chef Fabien FRICONNET (f.friconnet@tomar-presse.com) Rédacteur en chef-adjoint Thomas BERJOAN (t.berjoan@tomar-presse.com) MAXI-BASKET est édité par NORAC PRESSE (Capital : 25 000 euros). Siège Social : 3 rue de l’Atlas –

75019 Paris. Téléphone : 02-43-39-16-21 Principaux associés : Print France Offset, Le Quotidien de Paris éditions, Investor.

Sommaire #40

04 échos 14 Alexis Ajinça 22 Kim Tillie 28 Kevin Harley 30 Rétro : Bercy

A

li Traoré est devenu une référence sur Twitter. Nous vous en avons déjà largement parlé dans ces colonnes. @Bomaye 12 – c’est son pseudos’y décrit comme un « travailleur saisonnier – cueillette des fruits du verger à mettre dans un panier ». Ali a franchi le cap des 3.000 abonnés. Un franc succès légitime car l’international a le chic pour être drôle et pertinent en moins de 140 signes. Le temps qu’il passe sur Internet doit être dans la moyenne nationale des 20/30 ans et peut-être un peu supérieur car lorsque vous êtes dans une chambre d’hôtel, dans un bus, un aéroport, le virtuel est souvent plus palpitant que le réel. Seulement ne pensez pas qu’Ali est un simple bouffon du Roi qui passe tout à la moulinette de la dérision. C’est un homme curieux, sensible, qui ne se contente pas de la mousse, et comme en plus il possède le verbe, c’est un excellent conteur. Il y a quelques mois, nous nous sommes tous bidonnés à lire son blog qu’il a finalement arrêté car, en s’inspirant de l’aphorisme de Pierre Desproges, on dira que l’« on peut rire de tout mais on ne peut pas être lu par n’importe qui ». Villeurbanne, Quimper, Roanne, Le Havre, c’était peu exotique, Rome davantage, et là son parcours de sportif lui offre une fenêtre touristique unique ; il joue – et fort bien – au Lokomotiv Kuban-Krasnodar. Allez me chercher ma fiche Wikipedia s’il vous plaît. Que dit-elle ? 1.200km de Moscou, un peu moins de 750.000 habitants, un climat plutôt tempéré pour la Russie, et une seule liaison quotidienne vers l’Union Européenne, en direction de Vienne. Ça a donné à Maxi l’envie de confier à Ali les clés du camion, et on n’a pas été déçu. Ali Traoré en Russie, pays immense et toujours mystérieux, ça a un petit côté Tintin chez les Soviets – on exagère juste un peu – car sinon quelques hommes d’affaires, qui a envie de partir en villégiature à Krasnodar ? Ali en profite à fond de cette expérience originale. C’est ce qu’il dit dans le reportage. « J’aime bien me perdre un peu pour apprendre à connaître la ville ! J’ai une voiture neuve, le club me l’a donnée (…), je n’ai pas voulu de chauffeur parce je préfère me débrouiller tout seul, rouler un peu. Les routes sont très spéciales, mais apparemment, c’est la Russie ça. Sur certaines routes, t’as des espèces de cratères (rires), il faut prendre les petites rues ou faire des zigzags pour éviter les trous. Et puis la voiture est dégueulasse parce qu’il y a beaucoup

féVrIER 2012

40 Made-in-USA 48 Andreï Kirilenko 54 à la Une : Evan Fournier

56 Ali Traoré

62 Dans l’œil des scouts : Furkan Aldemir

64 Stephon Marbury

70 Olimpia Milano 72 Isabelle Yacoubou 78 Fondamentaux : Match up

80 Un-contre un :

Taylor Rochestie

82 Contrôle surprise : Arnaud Kerckhof

Nos remerciements à Pascal Petit pour son aide précieuse pour la réalisation des photos de Kim Tillie.

RÉDACTION DE PARIS 3 rue de l’Atlas – 75019 Paris Téléphone : 01-73-73-06-40 – Fax 01-40-03-96-76 RÉDACTION DU MANS 75 Boulevard Alexandre & Marie Oyon BP 25244 – 72005 Le Mans Cedex 1 Téléphone : 02-43-39-16-21 – Fax 02-43-85-57-53

Correspondants à l’étranger David BIALSKI (USA), Giedrius JANONIS (Lituanie), Kaan KURAL (Turquie), Pablo Malo de MOLINA (Espagne), Streten PANTELIC (Serbie), Bogdan PETROVIC (Serbie); Yannis PSARAKIS (Grèce), Sran SELA (Israël), Stefano VALENTI (Italie). Ont collaboré à ce numéro Claire PORCHER, Gaétan SCHERRER et Frédéric TRIPODI. Secrétaire de rédaction Cathy PELLERAY (02-43-39-16-21 – c.pelleray@norac-presse.fr).

JOURNALISTES

RÉALISATiON GRAPHIQUE

Thomas BERJOAN, Jérémy BARBIER, Yann CASSEVILLE, Fabien FRICONNET, Florent de LAMBERTERIE (01-73-73-06-46), Pascal LEGENDRE (02-43-39-16-26), Antoine LESSARD, Pierre-Olivier MATIGOT, Laurent SALLARD. RÉDACTION AUX USA Pascal GIBERNÉ (New York).

Conception charte graphique Philippe CAUBIT (tylerstudio) Direction artistique Thierry Deschamps (Zone Presse) Maquettiste Cyril FERNANDO

ABONNEMENTS

Laurence CUASNET (02-43-39-16-20, abonnement@tomar-presse.com) – NORAC PRESSE – Service abonnements – B.P. 25244 – 72005 Le Mans Cedex 1

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Loïc BOQUIEN (01-73-73-06-48, 06-87-75-64-23, l.boquien@norac-presse.fr)

IMPRESSION

ROTO PRESSE NUMERIS 36 Boulevard Schuman – 93190 Livry Gargan

RÉGLAGE

À JUSTE TITRES : Badice BENARBIA (04 88 15 12 42) b.benarbia@ajustetitres.fr COMMISSION PARITAIRE : 0117 K 80492 RCS : Paris B 523 224 574 ISSN : 1271-4534. Dépôt légal : à parution

La reproduction des textes, dessins et photographies publiés dans ce numéro est la propriété exclusive de Maxi-Basket qui se réserve tous droits de reproduction et de traduction dans le monde entier.


04

maxi-basket

LES ÉCHOS Jak de Saint-Thomas Basket Le Havre

« On essaye de garder l’humour, l’autodérision » Les dessins de Jak illuminent le site officiel du Havre (stblehavre.com). Aux crayons, Jacques Lemonnier, un Havrais, homonyme du président du club.

Q

u’est-ce qui vous a amené à réaliser ces dessins humoristiques pour le STB ?

C’est du bénévolat. Je suis dessinateur, je supporte Saint-Tho car mes deux garçons font du basket là-bas, en cadets et en minimes. Ils y sont depuis les benjamins et c’est à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser au basket. J’avais envie de faire quelque chose sur le basket, mon intérêt est croissant. J’ai essayé de penser à une bande dessinée qui mette en scène le basket, les coulisses, j’ai tourné en rond pendant longtemps, et il y a eu finalement cette idée d’avoir une réaction à tous les matches. Les dessins sont visibles sur le site Internet du club ?

Egalement sur facebook, sur mon blog (jak-blog.overblog.com). Et puis il y a une rétrospective tous les quinze jours sur Maxi Mag. Vous êtes dessinateur professionnel, auteur de Léo et Lulu, Robinson et La Bande à Ed ?

Oui, d’ailleurs sur mon blog on voit mes autres albums. Ce sont les trois séries que j’anime et je suis en train d’en démarrer une autre qui est secrète pour l’instant (rires). Je vais faire un septième album de Léo et Lulu qui sortira à la fin de l’année. Cette année vous avez fait la campagne d’abonnement du club ?

Suivez-vous de près l’actualité pour avoir des idées ?

Ça fait deux ans que je leur fais des dessins. La première année on ne savait pas où ça allait nous mener. Ça s’est installé au fur et à mesure avec un dessin par match et des petits strips pour la communication interne du club, à la demande. Donc là, il y a eu la campagne d’abonnement. Je me suis servi d’un personnage qui existait déjà, Stouby, la mascotte, que l’on voit faire le clown sur le terrain, qui est très bien animée par Christophe, le gars qui est dedans.

Davantage cette année alors qu’auparavant j’étais un peu le candide qui arrivait avec ses gros crayons. Ce sont toujours des réactions de non-initié mais bien sûr j’assiste à tous les matches, je regarde les sites de basket, je suis sur plusieurs forums. Avez-vous des réactions des joueurs, du public ?

J’avais fait l’année dernière une caricature de Nick Pope, je l’avais représenté dans un strip pour la nouvelle année, il avait trouvé ça rigolo. Sinon, pas de réaction

des joueurs, en plus ils changent d’une année sur l’autre, ils n’ont pas le temps de s’habituer. Si, l’année dernière nous avions eu une soirée VIP où j’avais fait des dessins après le match et (Joseph) Jones m’avait demandé un dessin vite fait. Depuis un an je fais des caricatures mais d’après photos, pas en direct. Sinon il y a pas mal de réactions sur la page facebook du STB, une cinquantaine voire plus après chaque dessin. Que ce soit une victoire ou une défaite, et ce sont malheureusement le plus souvent des défaites, on essaye de garder l’humour, l’autodérision, et c’est là qu’on voit ceux qui en ont ou pas. Certains rient jaune ! (rires). l


maxi-basket 05

Par Pascal LEGENDRE

Luka Pavicevic

Il y a 25 ans L’occasion de souligner que le natif de Podgoricia (il a joué un temps à Buducnost avant donc de passer deux ans à Utah) a appartenu à la fameuse confrérie du Jugoplastika Split, trois fois champion d’Europe d’affilée. Luka a d’ailleurs marqué 4 points en finale en 89, aucun en 90 (en jouant 8 minutes) et 7 en 91. Il était déjà considéré comme un « réel coach sur le terrain ».

Hervé Bellenger/IS

C’est au fin fond du grenier que nous avons retrouvé la trace de Luka Pavicevic, le coach de Roanne, puisque ce document est issu du media guide de l’université d’Utah de la saison… 1986-87. Il avait 22 ans.


06

maxi-basket

LES ÉCHOS Évaluation en Eurocup

Pascal Allée/Hot Sports

L’étonnant Fabien Causeur

C

’est une véritable performance – passée un peu inaperçue – qu’a réalisé Fabien Causeur en s’inscrivant comme le joueur le plus complet de la saison régulière de l’Eurocup, en étant notamment le meilleur scoreur. Ce petit récapitulatif permet de constater que peu de Français se sont classés chaque saison dans le Top 20 depuis la création de l’ULEB Cup/ Eurocup en 2002 (fusion à l’époque de la Saporta et de la Korac). l

Pl.

Joueur

Club

Saison

MJ

Moy.

1

Fabien Causeur

Cholet

3

Tariq Kirksay

Nancy

2011-12

6

23,3

2006-07

10

23,6

5

Tariq Kirksay

9

Unics Kazan

2008-09

6

21,7

10

Amara Sy

Lyon-Villeurbanne

2008-09

6

19,3

Ali Traoré

Lokomotiv Kuban

2011-12

5

16,4

12

Cyril Julian

Nancy

2006-07

9

18,1

12

Cyril Akpomedah

Cholet

2004-05

10

21,3

15

Tariq Kirksay

Unics Kazan

2007-08

10

20,1

19

Cyril Julian

Nancy

2007-08

7

19,4


maxi-basket 07

Par Pascal LEGENDRE

Les budgets depuis 5 ans

ASVEL n°1

5,62 5,15 4,52

4,34

4,33

4,23

Aucun club français n’est riche, simplement certains sont plus aisés que d’autres. Ce comparatif des budgets (la moyenne sur les cinq dernières années) permet de détacher l’ASVEL et le MSB, de constater qu’une très large majorité de clubs se tient dans une petite fourchette et que les parents pauvres sont… ceux attendus. Un autre indice de la puissance financière d’un club est sa masse salariale et, en début de saison, 4,22 4,18 derrière l’ASVEL (1,801), 3,97 3,94 3,91 3,87 c’est Roanne (1,78) et Orléans (1,57) qui se positionnaient.

Les chiffres sont en millions d’euros.

2,61

2,51 2,21

2,13


08

maxi-basket

LES ÉCHOS Arbitres

Insolite, cocasse, sulfureux Un arbitre, ça vit mille situations différentes dans un match. La preuve par l’image.

Arbitre bénéficiant du

concours absolument désintéressé d’un coach.

Arbitre exigeant le

respect total du code de la route. Franchissement de ligne jaune interdit.

Arbitre ayant à faire avec un président/ supporteur bénéficiant d’une place de privilégié au bord du terrain.

Arbitre heureux de se faire manger tout cru.

Photos : NBAE et EB via Getty Iamges, J.F. Mollière

Arbitre jouant dans un film d’horreur.

Arbitre s’apprêtant à porter les premiers secours.


maxi-basket 09

Par Pascal LEGENDRE

Arbitre n’ayant visiblement

Photos : NBAE et EB via Getty Iamges

pas les moyens (physiques) de faire respecter la loi.

Arbitre vivant une grande histoire d’amour.

Arbitre pas convaincu par les arguments de la défense.

A4B

Nouveau 2012 1 salle des sports

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10

maxi-basket

LES ÉCHOS Barack Obama

He loves basketball

Le président des États-Unis, Barack Obama voue une vraie passion pour le basket et la Maison Blanche est parfois devenue la Maison Orange. La communauté afro-américaine – et pas seulement – le lui rend bien.

Dunkant par-dessus son adversaire républicain sur le T-shirt de Baron Davis.

En action. En consultant de luxe pour la chaine CBS.

Célébré par les fans de Memphis.

Photos : NBAE et Getty Iamges

Avec Kobe Bryant… … Et Phil Jackson.

Fêté par les Los Angeles Sparks de WNBA.

Dans les jardins de la Maison Blanche.


maxi-basket 11

Par Pascal LEGENDRE

Sur le mollet de Gilbert Arenas aux côtés de Malcolm X et Idole de LeBron James.

Avec sa femme Michelle durant Towson State vs Oregon State.

Affichant son plus beau sourire pour Sue Bird et les Seattle Storms.

Pendant l’hymne national avant un match NCAA sur le navire de guerre USS Carl Vinson.

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Recevant à la Maison Blanche Dirk Nowitzki et les Mavericks champions NBA 2011.

Photos : NBAE et Getty Iamges

Décorant Bill Russell.


12

maxi-basket

LES ÉCHOS

Par Pascal LEGENDRE

Une Calédonienne en Belgique

Soana qui ? Dans une impasse à Arras, Soana Lucet (1,86 m, 24 ans) a rebondi en Belgique. Curieux parcours pour cette Calédonienne qui fut une joueuse majeure à l’université d’Arizona.

12,9 pts à Arizona

Hervé Bellenger

/IS-LFB

3

5 points avec un 6/9 à 3-pts et 10 rebonds pour sa première sortie dans le championnat belge soit plus de la moitié de la production offensive des Castors de Braine face à Waregem, de quoi interpeller. Qui est cette Soana Lucet qui fait désormais équipe avec une autre Française, Isis Arrondo, beaucoup plus réputée car elle était meneuse de jeu de rechange à Tarbes ? Ce n’est pas son passage telle une météore à Arras au dernier trimestre 2011 qui laissera une trace indélébile en Ligue Féminine, et pourtant Soana a à son actif un parcours à la fois original et bien sous tous rapports. Début tardif, au lycée, et dans des conditions loin d’être optimales car Soana est originaire de la Nouvelle-Calédonie, archipel français de 245.000 habitants, éloigné de tout, de la Métropole (17.000 km) mais aussi de l’Australie (1.500 km) et de la Nouvelle-Zélande (2.000 km), qui n’a jamais réellement produit de basketteurs et de basketteuses. La LFB répertorie une autre calédonienne, Dominique Armand (Tarbes), qui a débuté comme Soana à l’AS 6e kilomètre de Nouméa mais qui est arrivée en France dès l’âge de 12 ans.

t-elle timidement. « Ma mère était fière et elle voulait me faire de la publicité, alors elle avait envoyé un mail à la fédération en faisant état de mes performances mais elle n’a jamais eu de réponse. » C’est dans les films que les bouteilles à la mer ne se perdent pas dans l’océan. Arras, c’est le choix de son agent, et elle loue l’accueil des gens du Nord tout en regrettant le ciel gris et la température fraiche. Évidemment quand vous venez de Nouvelle-Calédonie et de l’Arizona… Le hic c’est que Soana va débarquer dans l’Artois blessée, une double entorse à la cheville qui l’a immobilisée deux mois pendant l’été. « Lors des matches de préparation je pensais que j’avais ma place mais au bout de trois semaines la douleur est revenue. Ça a nuit définitivement à ma carrière à Arras… » 8 matches, 8 minutes en moyenne pour 2,0 d’évaluation, Soana n’avait jamais regardé des matches de basket du bout du banc. « Elle a commencé à douter. Quand on fait des paris, parfois on gagne, parfois on perd », a commenté le président JeanLouis Monneret dans La Voix du Nord. Le recrutement de Sabrina Reghaïssia a mis fin à tout espoir d’intégration. Le club et la joueuse se sont mis d’accord pour rompre le contrat à l’amiable. C’est le coach belge d’Arras Thibaut Petit qui l’a mise en relation avec les Castors de Braine. « Il m’avait recruté comme 4 et lui comme moi on pense que je suis une 3. Il m’a dit de bosser et qu’aller en Belgique c’était un bon moyen de me relancer car le niveau est un peu moins fort. » Et comme les Castors ne s’entraînent que quatre fois par semaine Soana continue de faire des entraînements avec Arras, une heure de route seulement séparant les deux villes. Soana assure ne pas avoir été inquiète par le fait que les Castors de Braine étaient quand même à la remorque d’un championnat pas spécialement folichon. 13 matches, autant de défaites avant son arrivée. La performance de Soana n’a pas permis de s’imposer à Waregem, mais lors de la deuxième tentative, avec une Isis Arrondo de feu (21 pts, 8 pds) Braine a balayé Houthalen, 85-48. Avec ses deux Françaises le coach Jean-Luc Cornia estime que son équipe sera compétitive pour les playout et éviter la descente. Quant à Soana elle croit fermement que son passage à Arras n’est qu’un « incident de parcours » et que « l’année prochaine ça sera beaucoup mieux. Je veux jouer quelque part où ils ont besoin de moi. » On suivra tout ça. Avec attention. l

« Peut-être que les gens ne savent pas que la NouvelleCalédonie est française »

« On m’avait dit que je pouvais aller en métropole ou en Australie ou en NouvelleZélande dans les divisions les plus basses mais je voulais passer mon bac d’abord », raconte Soana. « Avec l’équipe de Nouvelle-Calédonie j’ai participé aux Océaniens, une compétition pour les moins de 18 ans et les moins de 20. Je les ai faits en 2006 et je me suis dit qu’il fallait que j’assure pour me faire repérer. J’ai fait un bon tournoi, on a battu les Fidji, j’ai dû marquer 40 points. Une dame dont le fils coachait aux États-Unis dans une petite université est venue me voir et m’a demandé d’envoyer des vidéos. Mais en Calédonie il n’y a que 5-6 équipes, on joue une fois par semaine, le niveau n’est pas terrible et des highlights, j’en n’avais pas ! » Un mois plus tard, la Calédonienne reçoit un mail d’un assistant d’Oregon State, elle montre son intérêt, son niveau d’anglais insuffisant – ni TOEFEL ni SAT – lui interdit d’entrer directement à l’université mais elle est aiguillée vers un junior college et dès janvier 2007 la voici dans l’Idaho. « Je me suis entraînée avec l’équipe, j’étais ce que l’on appelle redshirt, j’ai pris des cours d’anglais, ça m’a permis d’être prête pour l’année suivante. » « J’ai bien cartonné spécialement ma 2e année »,

indique Soana. De fait son curriculum vitae fait état de 21,1 pts et 8,2 rbds à College of Southern Idaho. Le niveau de ce Juco est incertain mais pour une quasi débutante c’est remarquable. Surtout que « j’ai été classée 3e ou 4e de tous les Juco des ÉtatsUnis. » Des états de service qui vont lui valoir d’être sollicitée par plusieurs major colleges de NCAA, son choix se portant sur l’université d’Arizona où elle est directement starter. Malgré sa taille un peu modeste (1,86 m) elle joue intérieur et se débrouille fort bien (12,9 pts de moyenne les deux saisons).

Une blessure fâcheuse

À l’heure d’Internet Soana Lucet, la Française du bout du Monde, qui n’est venue qu’une seule fois en métropole – à l’âge de 10 ans pour voir sa grandmère – demeure une anonyme, une étrangère à la filière fédérale. « Je n’ai jamais été approchée par la fédération française. Peut-être que les gens ne savent pas que la Nouvelle-Calédonie est française », ose-


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12

MAXI-BASKET

Alexis Ajinça devant la cathédrale NotreDame de Strasbourg. Probablement deux des plus hauts monuments d’Alsace.


REPORTAGE • MAXI-BASKET 13

IN BED WITH ALEXIS AJINÇA (STRASBOURG)

UN DÉFI DE TAILLE APRÈS TROIS ANS D’ÉCHEC EN NBA, ALEXIS AJINÇA A CHOISI STRASBOURG POUR SE RELANCER. UN NOUVEAU CLUB ET UNE NOUVELLE VIE POUR CE BASKETTEUR HORS NORME QUI, À BIENTÔT 24 ANS, SE RETROUVE À LA CROISÉE DES CHEMINS.. Reportage à Strasbourg, par Florent de LAMBERTERIE (texte) et Jean-François MOLLIÈRE (photos)


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«

C’est sa première apparition ici au Rhénus, le numéro 12, Alexis Ajinçaaaa ! » Sous un tonnerre d’applaudissements et d’encouragements vocaux, l’immense silhouette jaillit du tunnel à petites foulées et tape dans les mains de ses nouveaux coéquipiers. Nous sommes le samedi 14 janvier et, après une première sortie encourageante en Coupe de France à Châlons-Reims quelques jours plus tôt, Alexis Ajinça découvre enfin son public. De l’autre côté du terrain, l’équipe de Nanterre observe avec attention l’arrivée du transfuge NBA. Du haut de son double-mètre, Johan Passave-Ducteil, le pivot nanterrois, sait probablement qu’il va passer une sale soirée face à la verticalité d’Ajinça. Un duel a priori déséquilibré et, pourtant, c’est bien le nouveau venu qui va souffrir le premier. Malgré sa taille, Alexis est bousculé dans le combat, et écope rapidement de deux fautes, dont une antisportive. Visiblement pas dans le coup, la recrue sort au bout de sept minutes, et passera le reste de la première mitemps sur le banc. Des débuts qui ne correspondent pas franchement à ceux qu’il s’était imaginés, d’où une rage visible sur son visage. « J’étais vraiment très frustré quand je suis rentré au

vestiaire, j’ai tout pris sur moi parce que je savais qu’on aurait pu être à +15 ou +20 si j’avais été là en première mi-temps », dira le joueur en conférence de presse une fois le match terminé. « J’ai donc voulu montrer que j’étais aussi un élément important de l’équipe. » Des paroles aux actes. Repositionné dans le cinq de départ à la reprise, Alexis va enfin faire parler ses centimètres. Poste bas, il enchaîne plusieurs mouvement dos au panier et cette fois, personne dans le camp d’en face n’arrive à le contrôler. Neuf points au total sur la période pour Alexis, et un écart qui commence à se creuser. Il sera bien géré jusqu’au bout par la SIG, qui s’impose finalement de 20 points. Le public peut sortir heureux, la greffe Ajinça a bien pris.

« Au bout d’un moment faut arrêter, tu ne vas pas dire à un nain qu’il est nain où à un moche qu’il est moche ! »

Première « flammekueche » pour Alexis depuis son arrivée. La tarte flambée est l’une des grandes spécialités de la région.

Combiné en plaqué or

Pourtant quelques-uns des spectateurs tardent à rejoindre leurs pénates. Ils sont une bonne trentaine à faire le pied de grue devant le tunnel de protection qui relie le parquet au vestiaire. Parmi eux, beaucoup d’enfants mais pas seulement. Quels que soient leur âge en revanche, les badauds attendent tous la même personne. Et quand


REPORTAGE • MAXI-BASKET 15 enfin, Alexis Ajinça débarque, la petite troupe se presse autour de lui. « Oh ! T’es grand ! », s’exclame un gamin, tandis qu’Alexis, plié en deux, se prête au petit jeu des autographes. « T’as vu comme il est grand maman ! » Les signatures effectuées, Alexis prend ensuite la pause pour une séance photo improvisée en compagnie des spectateurs venus immortalisés l’instant. « Il fait deux fois sa taille », juge un jeune homme, comme sidéré. Même au sein d’une équipe de basket, où la taille moyenne est largement supérieure à celle du commun des mortels, l’envergure d’Ajinça est tellement grande qu’elle continue de surprendre. Y compris aux VIP du Rhénus, où Martial Bellon s’apprête à présenter en grande pompe son nouveau poulain aux partenaires attablés. Debout sur l’estrade, le président de la SIG y va de sa petite blague lui-aussi. « Non Alexis, pas besoin de monter me rejoindre », plaisante Martial Bellon, avant de tendre le micro à Alexis. « Bonsoir à tous ! J’espère que vous avez apprécié le spectacle ainsi que la victoire. Il y en aura d’autres », promet Alexis, visiblement à l’aise dans cet exercice. « J’ai été très bien accueilli à Strasbourg même si à Dallas, il n’y avait pas autant de glace comme ici ! » « Il va quand même falloir trouver une solution pour la voiture », reconnaît ensuite le président, ravi de constater que, visiblement, les premiers pas d’Alexis ont satisfait le public présent. « Ils m’ont donné une Classe A ! », développe Alexis. « Si vous voyez un grand noir avec les genoux au niveau de la tête, c’est moi. » L’éclat de rire général passé, Alexis est libéré de ses obligations.

Il décroche alors un improbable combiné filaire en plaqué or relié à son smartphone et s’éloigne du salon VIP pour rejoindre ses potes qui l’attendent dehors. « Attention ! Attention ! », lui crie-t-on alors. Sa tête a failli heurter une poutre au plafond. La taille, toujours la taille.

« Tout le monde me regarde »

Nous retrouvons Alexis le lendemain matin, sur le parking du Rhénus, accompagné de sa mère, Joëlle, venue en Alsace pour le week-end. Un rapide coup d’œil suffit à constater que la veille au soir, Alexis n’avait pas menti au sujet de la voiture. Si pour un basketteur, être très grand est une qualité, ça ne doit cependant pas être toujours drôle au quotidien. « C’est sûr, quand je rentre dans un magasin, tout le monde me regarde », reconnaît Alexis, blasé par les années mais pour qui certaines remarques continuent de blesser. « Dès fois, des petits viennent me taper et disent : t’as vu maman comme il est grand ! Au bout d’un moment faut arrêter, tu ne vas pas dire à un nain qu’il est nain où à un moche qu’il est moche ! Le plus chiant, c’est les gens qui t’arrêtent dans la rue, qui ne te disent même pas bonjour, mais qui te demande combien tu mesures. D’autres me disent : « oh, vous êtes grand ! » Je leur réponds : « merci je le savais déjà. » L’autre truc, c’est pour les fringues, dans les magasins, il n’y a jamais rien à ma taille ou alors les rares trucs que je trouve, c’est des fringues de vieux. En plus, les sites Internet qui vendent des très grandes tailles ne livrent pas toujours en France. Aujourd’hui, j’ai suffisamment d’argent pour acheter des vêtements faits sur mesure mais je sais que ceux qui sont dans le même cas que moi et qui n’ont pas les mêmes moyens sont dans la galère pour s’habiller. » Pendant que le fiston pose devant l’objectif de notre photographe, sa mère nous confie d’ailleurs se souvenir du temps pas si lointain où elle avait un mal de chien pour trouver des vêtements pour son fils. « En revanche, un avantage d’être grand c’est avec les filles », tempère Alexis. « Les très grands, ça attire, surtout aux États-Unis. » Et pas que chez la gente féminine. Car si Alexis a pu expérimenter la chose depuis l’Amérique, c’est aussi grâce à sa taille hors norme qu’il a pu franchir l’océan.

Repères Né le 6 mai 1988 à Saint-Étienne (Loire) Français 8 sélections en équipe de France

• Taille : 2,15 m

• Poste : Pivot

• Clubs : Centre Fédéral (N1, 2003-06), Pau-Orthez (Pro A, 2006-07), Hyères-Toulon (Pro A, 2007-08), Charlotte Bobcats (NBA, 2008-10), Dallas Mavericks (NBA, 201011), Toronto Raptors (NBA, 2011), Hyères-Toulon (Pro A, 2011), Strasbourg (Pro A, 2012-…)

• Palmarès : Médaille d’or à l’Euro U16 2004, Médaille d’or à l’Euro U18 2006, Médaille de bronze au Mondial U19 2007, Vainqueur de la Coupe de France 2007

• Stats 2011-12 : 16,3 pts à 56,8%, 7,3 rbds, 1,0 pd et 3,3 cts pour 21,5 d’éval en 30 minutes.

2,15 m ou 2,17 m ?

Juin 2008. Alexis a tout juste 20 ans et évolue alors à Hyères-Toulon. Après un passage quasi anecdotique à Pau à sa sortie de l’INSEP (15 minutes en deux matches), le jeune homme fut prêté dans le Var où Alain Weisz compte l’utiliser davantage. Avec Hyères-Toulon, son temps de jeu n’explosera pas tant que ça (5,0 pts, 3,1 rbds en 11 minutes) mais le garçon brille par séquences, notamment lors de ce match en Semaine des As contre Nancy (6 points, 14 rebonds et 7 contres) qui attire l’attention. Ajinça n’est encore qu’un tout jeune prospect de Pro A, et son corps est si frêle qu’il semble sur le point de rompre à tout moment. Mais il a pour lui un sens du timing indéniable, des qualités de course, de saut et de mains remarquables pour son poste et une envergure énorme, mesurée à 2,36 m. Surtout, sa taille est l’objet de tous les fantasmes, y compris aujourd’hui. Lui annonce culminer à 2,15 m mais l’entraîneur de Strasbourg, Vincent Collet, assure l’avoir mesuré pieds nus à 2,17 m. Quelle que soit son exactitude, ses dimensions séduisent les Charlotte Bobcats, qui le draftent au premier tour en 20e position. Le début d’une grande carrière croit-on alors, sauf que les choses ne tourneront pas comme prévu. 30 matches la première année (2,3 pts en 6 minutes), 6 la deuxième (1,7 pt en 5 minutes), des aller-retour multiples en D-League et des critiques récurrentes de son coach, Larry Brown, qui reproche au garçon son

« La première fois que je me suis vu dans le jeu, je crois même que j’ai pris l’écran en photo. »


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manque de dureté et d’écoute. Au point de le transférer à Dallas, où Alexis atterrit à l’orée de la saison 2010-11. Les Mavericks termineront champions cette année-là, mais pas Alexis qui, après dix petites apparitions (2,9 pts en 10 minutes) est à nouveau transféré en janvier, cette fois aux Raptors. Avec Toronto, Alexis commencera à se faire enfin une petite place (4,8 pts en 11 minutes de moyenne sur 24 matches) mais pas suffisamment grande pour que les Raptors ne le prolongent, si bien qu’il se retrouve sans club à la fin de saison. « Le lockout est vraiment mal tombé pour moi », avance Alexis. « Je pense sincèrement que sans cela, j’aurais signé quelque part. » Après un court passage à Hyères-Toulon sur le mois de décembre, Alexis retourne à Dallas une fois le lock-out terminé, pour essayer de décrocher un nouveau contrat en NBA. Sans succès. « C’était vraiment l’euphorie, le lock-out était tout juste fini que la NBA reprenait deux semaines après. » Le rêve américain touche à sa fin.

coin télé est bien achalandé. Écran plat dernier cri, console de jeu vidéo, Box Internet, on sent qu’Alexis n’a pas tardé à mettre à disposition les moyens d’assouvir sa deuxième passion : les jeux vidéo. Bien installé dans son confortable fauteuil, il s’empare rapidement d’une manette et lance une partie de NBA 2K, la référence incontestée en matière de simulation de basket. Le match du jour ? Oklahoma City contre Miami. Belle affiche. « Moi je prends toujours le Heat, parce que je sais comment les joueurs aiment tirer », explique Alexis. À l’écran, LeBron James, Dwyane Wade et Chris Bosh enchaînent les dunks dans une gestuelle au réalisme saisissant. Avec quelques mètres de recul, on se croirait véritablement devant un match télévisé. « C’est vrai qu’on s’y croirait vraiment, tout est super bien fait, même les spectateurs au bord du terrain », admet Alexis, qui sait de quoi il parle pour avoir longtemps joué face à ces mêmes adversaires, dans le réel comme dans le virtuel. « En NBA, presque tout le monde joue à NBA 2K. Moi, je m’entendais très bien avec Serge Ibaka parce qu’on a fait le Hoop Summit ensemble et on avait partagé la même chambre. Une fois, il était venu me rejoindre à Dallas avec Eric Maynor, James Harden et Kevin Durant, on avait joué pendant des heures », se souvient Alexis. « Les mecs commencent aussi à jouer à FIFA (célèbre jeu de football sur console) et certains se débrouillent bien. Le meilleur joueur que j’ai jamais connu à

« Je ne regrette pas du tout mon choix et si je devais le refaire, je n’hésiterais pas »

Serge Ibaka, Kevin Durant et Adam Morrison

Même en Alsace, le rêve américain n’est jamais très loin…

Un petit tour en voiture plus tard, Alexis nous présente son nouveau chez soi, un appartement plutôt spacieux de la Robertsau, le quartier résidentiel de Strasbourg situé à quelques minutes de route du Rhénus. Les quelques boîtes de conserve dans le frigo et le manque de mobilier trahisse une installation toute récente. Dans le salon, en revanche, le


REPORTAGE • MAXI-BASKET 17 FIFA, c’est Adam Morrison, c’est abusé comme il est fort ! » Aujourd’hui, ses partenaires de jeu se nomment Abdoulaye Mbaye ou Jessie Begarin, ses copains du temps des équipes de France de jeunes qu’il a retrouvé en Alsace, le second évoluant dans les rangs de Souffelweyersheim en Nationale 1, à quelques minutes de Strasbourg. Loin de la NBA et du temps où Alexis pouvait manier son propre avatar à l’écran. « La première fois que je me suis vu dans le jeu, je crois même que j’ai pris l’écran en photo. Ça faisait bizarre mais j’étais super content. C’était le rêve de gamin qui devenait réalité, et c’est pour ça que je ferai tout ce que je peux pour y retourner. »

« Les gens parlent sans savoir »

poignet gauche, Alexis nous révèle une inscription : Parfait, l’autre prénom de son géniteur. « Les gens croient parfois que j’ai fait tatouer ça pour me la péter, parce que je serai parfait. Sauf que c’est pas du tout ça, ça n’a rien à voir avec de l’arrogance mais les gens parlent sans savoir. » Les critiques, Alexis en a connu un bon paquet, surtout de la part des médias – BasketNews et Maxi-Basket compris – qui ne l’ont pas toujours épargné. Tant pour ses choix de carrière que ses prestations en matches, notamment avec l’équipe de France, une équipe qu’il n’a plus connu depuis son dernier passage en 2010, lors de la préparation au championnat du monde pour lesquels il n’a finalement pas été retenu. « Cet été-là, ça avait très difficile pour moi », se remémore Alexis, la voie chargée d’émotion. « J’ai perdu mon grand-père, trois semaines après j’ai perdu mon père et ensuite, encore deux autres personnes qui m’étaient chères. J’ai perdu 4 personnes dans le même été… Ce sont des choses que les journalistes ne prennent pas en compte. Parce que malgré ça, je suis revenu en équipe de France et j’ai fait toute la campagne de préparation jusqu’à la fin. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens l’auraient

« J’ai perdu mon grand-père, trois semaines après que j’ai perdu mon père. Malgré ça, je suis revenu en équipe de France. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens l’auraient fait. »

Après un rapide passage dans son appartement, direction le centre-ville de Strasbourg, histoire de mieux faire connaissance avec une ville où Alexis a tout juste posé ses valises. En cette froide matinée d’Alsace, les rues sont loin d’être remplies, y compris aux abords de la cathédrale, non loin de la place Kléber. « La plus belle place du monde », s’écrie d’emblée le natif de Saint-Étienne, qui ne l’a pourtant pas encore découverte. La raison à ce coup de foudre est simple. Kléber, c’est aussi le deuxième prénom de son papa, disparu en 2010. Sur son

Comme beaucoup d’autres de sa génération, Alexis aime jouer sur sa console une fois chez lui. Plus jeune, c’est sur son BMX qu’il passait son temps libre. Il fut même l’un des meilleurs au monde dans sa catégorie d’âge.


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Interview réalisée sans trucage…

fait mais moi je l’ai fait, parce que je sais que mon père l’aurait voulu. » Bien que vilipendé pour son manque de dureté, Alexis sait pourtant ce que sont les exigences de la compétition et du haut niveau, notion qu’il a découvert bien avant le basketball. « J’avais des voisins qui faisaient du BMX et j’ai commencé à en faire quand j’avais cinq ans. J’ai continué et j’ai fait des résultats : champion de France, champion d’Europe, 2e au championnat du monde, j’ai presque fait tous les titres jusqu’à mes 12 ans, où j’ai commencé à faire du basket. Je pense que ça m’a apporté la combativité, ne pas lâcher. Plein de fois j’ai commencé une course avec du retard et j’ai tout remonté pour finir avec deux mètres d’avance à l’arrivée. C’est le mot qu’on a dans notre famille, chez les Ajinça, on a faim de réussite. »

Polémique et double casquette

Alors pour satisfaire sa faim, Alexis, malgré l’échec de la NBA, a choisi Strasbourg pour se relancer. Un choix qui n’a pas manqué de déclencher une polémique lorsque Jean-Luc Monschau, entraîneur d’un SLUC Nancy qui aurait bien voulu enrôler Ajinça, déclara que Strasbourg avait remporté la mise grâce à la présence de Vincent Collet. Des accusations que l’intéressé défend. « Ce qu’Alexis voulait, c’étaient des minutes », avance l’entraîneur à la double casquette sélectionneur national/coach de la SIG. « Il n’y a pas besoin de faire maths sup, avec les départs de Lavoy (Allen) et Justin (Harper) on a perdu 60 minutes de temps de jeu sur nos postes intérieurs puisque Lavoy et Justin jouaient environ trente minutes chacun. À Nancy, Akingbala était toujours là, il n’était pas sûr du tout qu’il joue autant que chez nous. Chez nous, Alexis avait l’assurance de jouer beaucoup et dans une complémentarité avec les joueurs que j’avais sous la main puisqu’il il est capable de jouer en 5 avec Ricardo (Greer) et (Nicolas) De Jong, et en 4 et avec Maxime Zianveni. C’était tout de même les minutes le critère essentiel pour lui et puis je pense que c’est sous-estimer Alexis de penser ça. Il sait très bien que ceux qui étaient en équipe de France l’année dernière partent avec une longueur d’avance et je rajouterai là-dedans Ronny Turiaf et Ian Mahinmi. Avec Noah, Séraphin, Traoré et Turiaf blessé, t’as déjà une belle triplette et ceux qui ne sont pas pris derrière comme c’était le cas d’Alexis, ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas bons. Je lui ai aussi parlé de leadership, lui qui a toujours été une pièce dans les équipes où il est passé, là il n’a pas le même statut. On a besoin de lui comme leader, sur le jeu. » Un statut qu’Alexis n’a jamais embrasser dans sa carrière, si ce n’est lors de son bref intermède à HyèresToulon, durant le lock-out. En seulement deux matches, l’ancien espoir gringalet du basket français a permis à l’équipe varoise de remporter ses deux seules victoires de la saison, le tout avec des chiffres traduisant une réelle domination (21 pts, 10 rbds, 29 d’éval en 35 minutes). Comme si l’Alexis d’aujourd’hui n’avait plus rien à voir avec celui d’autrefois. « Ce qui est marrant c’est qu’on entend souvent que je suis un feignant alors que c’est pas du tout le cas », estime Ajinça. « Ça fait trois ans que je bosse beaucoup l’été, je ne prends presque pas de vacances et je m’entraîne beaucoup. J’ai fait pas mal de muscu chaque été, j’ai pris du muscle, et du gras aussi parce que je savais que c’était mon point faible. Quand j’ai quitté la France, je faisais 105 kilos, aujourd’hui j’en fais 124. Et puis c’est sûr que la Pro A n’est pas le même niveau que la NBA. » Ses débuts avec la SIG (11,5 pts, 4,4 rbds, 14,0 d’éval en 25 minutes pour une victoire et une défaite au moment de boucler ces


REPORTAGE • MAXI-BASKET 19 lignes) sont cependant moins bons qu’avec Hyères-Toulon. Pourra-t-il redresser la barre d’ici la fin de saison ?

« Après, les critiques… »

Autre sujet d’interrogation qui perdure, la capacité d’Alexis à utiliser au mieux son arme numéro un : sa taille. En France comme en NBA, il lui a souvent été reproché de ne pas assez jouer près du cercle, là où ses dimensions pourraient potentiellement faire le plus de dégâts. Un doute sur lequel Alexis continue d’entretenir le mystère. « Je fais ce que le coach me demande », se contentet-il de répondre quand on l’interroge sur son jeu. « Si le coach me demande de jouer à l’intérieur, je joue à l’intérieur, si on me demande de jouer mon jeu, je joue mon jeu. En NBA, on m’a plutôt fait jouer 4 mais je sais faire les deux. Après, les critiques… Je suis d’accord pour dire que je suis grand mais il y en a plein des grands qui jouent extérieurs. Je ne me compare absolument pas à eux parce qu’ils sont au-dessus de moi en terme de niveau mais il y a Dirk Nowitzki, Kevin Garnett, Andrea Bargnani… Ils font quasiment la même taille que moi et ils shootent beaucoup. C’est une optique dont on devrait s’inspirer en France, même si je suis d’accord qu’un grand doit aller dans la raquette. » Un constat que partage son coach. « Nous, c’est d’un pivot dont on a besoin. Pour moi, ce serait une hérésie qu’il passe son temps à la périphérie parce qu’il n’y a pas de raisons à ce qu’il y soit plus dominants que les autres, alors qu’il peut tellement l’être près du cercle. Après, ça ne me dérange pas qu’il y ait une ou deux gourmandises à la périphérie parce qu’il a aussi une main, il le faut le reconnaître et aussi l’utiliser mais tout est une question d’équilibre. Pour l’instant, il n’est pas réfractaire, je trouve qu’il fait des efforts. Il a aussi de l’expérience, il va avoir 24 ans et je pense que les expériences passées l’ont suffisamment impacté pour qu’il comprenne qu’il doit se rapprocher du panier. »

Rendez-vous dans six mois

De sa capacité à répondre à ces deux questions dépend l’avenir d’Alexis Ajinça. Un avenir que le joueur continue d’imaginer en NBA, mais pas à n’importe quel

« Une telle taille c’est rare, même en NBA, ils n’en ont pas à tous les pas de porte. » Vincent Collet

prix. Faire le banc, rentrer deux ou trois minutes parci par-là, il a suffisamment gouté pour savoir que ce n’était pas sa tasse de thé. « Je ne regrette pas du tout mon choix et si je devais le refaire, je n’hésiterais pas », lâche-t-il sans ambiguïté. « Mais je suis aussi plus mature aujourd’hui que lors de mon départ. Je veux retourner en NBA mais pour y avoir cette fois un rôle, être une vraie rotation. » La chose ne sera pas aisée, car rares sont les exemples de joueur ayant réussi à retourner en NBA après y avoir connu l’échec. Pourtant, certains y croient, et pas uniquement Alexis Ajinça. « Il a gâché des choses, clairement, parce que c’est vrai que la réalité de la NBA, c’est que les premières impressions restent souvent gravées dans les mémoires des GM », admet Vincent Collet. « Mais je crois qu’il peut le faire pour une raison toute simple : ses dimensions. Une telle taille avec 2,36 m d’envergure, c’est rare, même en NBA, ils n’en ont pas à tous les pas de porte. Mais il faut qu’il avance, et pour moi, ça veut dire devenir dominant dans d’autres ligues, et dans tous les contextes. J’en ai beaucoup parlé avec lui : s’ils ne te gardent pas, c’est qu’il y a des raisons, qu’ils t’ont évalué depuis trois ans et que ce que tu as fait ne leur suffisait pas. Donc maintenant, il faut leur donner des raisons de penser que tu vas être plus haut dans six mois. » Il reste encore une demi-saison à Alexis Ajinça pour prouver qu’il peut donc rebondir. S’il y parvient, s’il devient enfin un joueur NBA comme il le souhaite tant, les gens ne s’arrêteront probablement pas de l’interpeller dans la rue pour autant. Mais cette fois, ils ne le feront plus seulement pour lui dire qu’il est grand. l

La nouvelle coqueluche est déjà la cible des paparazzis


Jesse D. Garrabrant/NBAE via Getty Images

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DU CÔTÉ DE CHEZ • MAXI-BASKET 23

JE SUIS MAUVAIS PERDANT !

DU CÔTÉ DE CHEZ…

KIM TILLIE IL EST À L’HEURE, IL EST SOURIANT, IL RÉPOND AVEC SINCÉRITÉ ET HUMOUR. FILS D’UN IMMENSE VOLLEYEUR (LAURENT TILLIE COMPTE PLUS DE 400 SÉLECTIONS EN ÉQUIPE DE FRANCE !) ET D’UNE INTERNATIONALE HOLLANDAISE DE VOLLEY, L’INTÉRIEUR DE L’ASVEL N’A… JAMAIS JOUÉ AU VOLLEY. IL ADORE LE BASKET ET AIME EN PARLER. INSTALLÉ DANS LES CONFORTABLES FAUTEUILS EN CUIR DU CLUB HOUSE DE L’ASTROBALLE, IL SE LIVRE POUR MAXI. Propos recueillis par Fabien FRICONNET, à Villeurbanne Photos : Hervé BELLENGER


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CÔTÉ COUR

Ton enfance

ASVEL

Mon père était volleyeur professionnel donc on le suivait partout où il allait. Quand je suis né, les internationaux n’avaient pas de club et s’entraînaient toute l’année avec l’équipe de France. C’était de 1986 à 88, je crois. Jusqu’à l’âge de trois ans, j’étais un peu de partout (rires). Puis mon père a signé en Italie. De trois à six ans, j’ai vécu là-bas, je suis allé à la maternelle là-bas, je parlais couramment italien. Ensuite, il a signé à Paris pour quatre ans. J’ai fait toute l’école primaire à Paris. J’ai joué au foot jusqu’à dix ans, donc pas de basket. Mais pas de volley non plus. Puis on est retourné dans le Sud, on avait toujours notre maison là-bas. Mon père a signé à Nice. Je me suis fais de nouveaux copains et ils faisaient du basket donc… Il n’y avait pas vraiment de foot et de volley là-bas, donc mon frère et moi nous sommes inscrits au basket. J’avais onze ans, c’était dur au début mais, petit à petit, j’ai appris à aimer. En cadets France, je suis allé à Antibes.

Ah ben… (rires) C’est le seul club qui a voulu de moi ! Le seul qui m’a fait une offre concrète. D’autres clubs s’étaient renseignés mais je n’avais pas eu d’offres. Alors que Pierre Grall était en contact avec moi. Vincent Collet m’avait également contacté.

Parents sportifs J’ai l’expérience de ce qui se passe dans le sport professionnel. On déménage beaucoup, mon père n’était pas souvent à la maison. Mais ça ne m’a jamais gêné, je me suis fais des amis partout. Mon père me donne beaucoup de conseils dans l’approche des matches, la préparation mentale, et au niveau physique aussi car il est kiné. Entretenir son corps, etc. Quand j’ai des bobos, je l’appelle. Il a joué jusqu’à 38-39 ans au volley.

Paris

Jacques Monclar La plupart des joueurs de Paris était du coin donc l’internat dans lequel on vivait était fermé le vendredi, samedi et dimanche, pour que les joueurs retournent dans leurs familles. Moi, je ne pouvais pas, donc je passais les week-ends chez Jacques. J’étais proche de son fils Benjamin, avec qui j’ai fait les sélections de jeunes dans le Sud.

Né le 15 juin 1988 à Cagnes-sur-Mer (06) Français • Taille : 2,11 m • Poste : Ailier-fort • Clubs : Antibes, Paris Basket Racing, Utah (NCAA, 2006-10), ASVEL (2010-…) • Palmarès : Champion d’Europe juniors 2006, médaillé de bronze au championnat du Monde juniors 2007 • Stats 11-12 : 9,1 pts à 50,9%, 5,0 rbds et 1,3 pd en 27 min et 14 matches

C’était court ! Mais pendant les quelques mois avec lui, j’ai beaucoup progressé dans le jeu. Dans son système, les postes 4 ont beaucoup de responsabilités, ça m’a permis de gagner en expérience. J’ai progressé dans la vision de jeu, la prise de décision. C’est dommage que ça ait été aussi court. C’est un bon coach et j’aurais aimé travailler plus avec lui.

Pierre Vincent Ça s’est très bien passé dès le début, il m’a donné des responsabilités sur le terrain. Je les ai prises. J’ai l’impression d’avoir beaucoup progressé depuis le début de l’année. J’ai passé un petit cap, quand même. Il me fait confiance et ça, ça m’aide pour progresser. Pareil, dans ses systèmes, le 4 a beaucoup de responsabilités. Avec lui, tous les petits détails sont importants. On peut devenir une très bonne équipe. Nous sommes une équipe jeune, pas très expérimentée, donc ça n’est pas toujours facile pour lui.

“ MA PREMIÈRE ANNÉE EN NCAA, J’AI DÛ PRENDRE DIX OU QUINZE KILOS ”

Christophe Denis était à Antibes avant et il m’a fait monter à Paris, avec Xavier Corosine, Sylvain Marco, etc. C’était une bonne expérience. Je passais un cap. C’était la première fois que je vivais loin de ma famille, tout seul. Déjà, j’avais en tête d’aller à l’université, une fois que j’aurais eu mon bac. J’ai eu le bac S, avec d’assez bonnes notes. Je n’ai jamais fait le banc pro mais je m’entraînais tous les jours avec eux. Christophe Denis m’a beaucoup fait bosser pour me préparer à l’université.

Repères

Vincent Collet

La NCAA J’avais toujours vu ces ambiances incroyables dans des salles de 10.000, 15.000 places, la vie sur le campus, etc. J’avais envie de cette expérience. Mais la première raison c’est que je voulais continuer mes études tout en jouant au basket à haut niveau, or en France c’est impossible. Quand je vois les jeunes espoirs de 18 ou 19 ans qui ont déjà arrêté leurs études, je trouve ça triste car ils ne font plus rien d’autre, ils s’entraînent avec les pros mais ne jouent pas. Je ne voulais pas de ce parcours-là. À cet âge-là, je n’étais pas prêt pour jouer en pro, j’étais trop frêle. La NCAA était le parcours parfait pour moi, pour me développer physiquement et continuer les études. Ma première année en NCAA, j’ai dû prendre dix ou quinze kilos. Quand je suis parti, je devais faire 80-85 kilos, avec déjà ma taille adulte, et quand je suis reparti, je faisais 105 kilos. J’ai été blessé dans mon année freshman, après dix matches, je me suis fracturé la cheville, donc j’ai fait de la musculation, j’en ai profité.

L’université d’Utah Plusieurs universités étaient intéressées mais Utah était celle qui avait le plus envie. Ils sont venus me voir à Paris plusieurs fois, ils m’envoyaient des courriers, j’allais avoir du temps de jeu. La visite là-bas m’a beaucoup plu, j’ai aimé le campus, la salle qui est vraiment impressionnante.

Le « projet jeunes » de l’ASVEL

Même en dehors du terrain, on est très soudés. On va manger ensemble au restaurant, on se fait des soirées chez les uns et les autres à tour de rôle, on sort. Le groupe jeune est une réalité. On n’est pas juste coéquipiers. On est tout le temps au courant de ce que fait l’autre. C’est sympa.

Tony Parker C’était une bonne expérience. Avant son passage, il était déjà


DU CÔTÉ DE CHEZ • MAXI-BASKET 25 impliqué dans le club mais on ne le voyait pas si souvent que ça. Il nous parlait de temps en temps mais quand il est venu jouer ici on a vraiment appris à le connaître personnellement. On était avec lui tout le temps, à la salle, en déplacements. C’est quelqu’un de très sympa, qui a vraiment envie de partager son expérience. Il nous a donnés beaucoup de conseils. À l’entraînement et en matches il nous faisait des vraies passes. (rires) Tu es en train de courir à miterrain et d’un seul coup tu as le ballon qui t’apparaît dans les mains et tu te retrouves tout seul sous le panier. C’est un très bon joueur. Il a fait des cartons avec nous. Après son départ, il a laissé cette trace. On a gagné trois ou quatre matches d’affilée après son départ, et celui de Ronny. Ronny, c’est pareil, c’est un mec super sympa, il trainait avec nous tout le temps. Il ne se prend pas pour une star. Ils se sont mélangés avec nous. On a passé de supers moments ensemble.

pris, j’aurai l’été de libre et je travaillerai, la muscu, le shoot, etc. Tout ça pour y arriver l’été suivant. Et ainsi de suite jusqu’à ce que j’y arrive.

Ta saison On est à la moitié et je suis plus ou moins satisfait. Satisfait car j’ai plus de temps de jeu et plus de responsabilités, et je pense que je peux apporter plus, des deux côtés du terrain. J’ai été un peu ralenti par mon genou, qui m’a empêché de faire le All-Star Game. Ça traine un peu. Mais c’est pas une excuse. J’ai progressé sur mon shoot, je tire plus extérieur. Mais je dois travailler plus dans la diversité du jeu. Je me repose trop sur mon shoot. Je dois jouer plus dos au panier et dans l’agressivité. Si j’élargis mon registre de jeu, je vais être un meilleur joueur, globalement. Je travaille tous les jours à l’entraînement sur les situations où je ne suis pas très à l’aise. Je suis satisfait que l’on se soit qualifié pour le Top 16 de l’Eurocup, ce que nous n’avions pas réussi à faire l’année dernière.

Les équipes de France de jeunes

La NBA

De supers souvenirs. Vraiment un super groupe. Chaque année, c’était pratiquement le même groupe donc on est devenu une bande de potes. En plus, on a gagné deux médailles, une d’or au championnat d’Europe juniors et le bronze au championnat du Monde. Quand tu gagnes en plus de passer du bon temps, c’est super. Je suis toujours proche de chacun de ces joueurs, Nicolas Batum, Ajinça, Vaty, M’Baye, Moerman… Je peux faire toute la liste. On est toujours bons potes.

Je regarde de loin, pour voir s’il y a des opportunités qui se présentent ou pas. Si je fais toute ma carrière en France ou en Europe, ça n’est pas un problème du tout. Je me sens bien en France, puis peut-être un jour je partirai en Europe, pour voir de nouvelles choses. Et puis, oui, je vais tout faire pour aller en NBA. Si je peux faire une summer league et des camps de free agents l’été prochain, je vais les faire. Pour augmenter ma visibilité, pour que les gens gardent un œil sur moi.

Les Bleus

Lyon

J’aimerais en faire partie. Ça doit être l’objectif de tout Français jouant au basket. Il me reste pas mal de travail. Je dois progresser. L’été dernier, j’ai été présélectionné mais je n’ai pas fait de stage. Là, si je progresse tout au long de cette année, je pourrai au moins faire quelques stages avec eux, au moins pour me frotter aux joueurs. Ça m’intéresse. C’est mon objectif, faire des stages. Et si je ne suis pas

Ça me plaît bien. J’ai habité six ans à Paris et j’aime bien les grandes villes, or Lyon est une grande ville mais tout est rapproché, tu n’as pas la sensation d’étouffement que tu as à Paris, ou même dans le Sud. Quand tu fais Cagnes-Antibes, tu mets une heure alors que c’est juste à côté. À Lyon, il n’y a pas trop de trafic. Le centre-ville est vachement sympa pour se balader, je vais dans les petits restaurants.

Hervé Bellenger

“ SI JE FAIS TOUTE MA CARRIÈRE EN FRANCE, ÇA N’EST PAS UN PROBLÈME DU TOUT ”


MAXI-BASKET

CÔTÉ JARDIN

Hervé Bellenger

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DU CÔTÉ DE CHEZ • MAXI-BASKET 27 Petit, tu rêvais d’être… (rires) Je ne me rappelle plus… Je sais pas. Je pense que je voulais être athlète. Footballeur, peut-être. Ou volleyeur. Je voulais faire comme mon père, je crois.

pris un blâme, j’ai été exclu un jour. Il avait l’air solide, ce panier ! (rires) Je me souviens que mon père était très sérieux dans le bureau de la directrice mais dès qu’on est sorti, il a souri et il m’a dit : t’inquiète pas !

Un modèle de joueur

Ton plus gros défaut

Pas vraiment. Quand j’étais petit, je ne connaissais pas le basket européen. On regardait les Top 10 à la télé. Eddy Time, l’émission s’appelait comme ça, je crois. Une fois par semaine, le mercredi, il y avait un match NBA, avec les résumés et tout. Il n’y avait pas Internet, on ne voyait aucune image, donc on regardait ça et on voulait être comme eux. Mais je n’avais pas d’idole.

Je crois que je déteste perdre. J’ai toujours envie d’avoir raison. Dès qu’on discute, je ne veux jamais perdre. Oui, d’accord, je suis mauvais perdant. (rires)

Tes études Je voulais être architecte mais ça aurait pris trop de temps, visà-vis du basket, donc j’ai fait un cursus similaire, qui s’appelle « urban planning ». Ce sont des études d’urbanisme. Ça, c’est mon diplôme. Et j’ai aussi fait un « certificat », c’est un autre diplôme, en « arts et technologies ». Ce sont deux choses qui vont ensemble. L’urbanisme, ce sont beaucoup de dessins par ordinateur, j’utilisais beaucoup Photoshop, pour faire des plans, dessiner des bâtiments. Ça m’a plu.

Un don caché Je suis très bon à un jeu vidéo qui s’appelle Battlefield 3. À ce jeu-là, je suis imbattable. Si j’arrête le basket, je passe pro en jeux vidéos. Non, je déconne. Mais j’ai vu que pendant le lock-out, un joueur NBA, Gordon Hayward, avait joué professionnellement à un jeu vidéo (ndlr : Starcraft). J’ai trouvé ça marrant.

Ton expression favorite Ah oui… « T’es bête ou quoi ? » (rires) Quand je dis ça, les intéressés savent.

Ce qui te fait pleurer

Je parle français, hollandais, anglais et, quand j’étais petit, je parlais couramment italien, mais j’ai beaucoup perdu. Si je prends des cours, ça reviendra.

Ce qui te met en colère

J’essaye de me reposer. Je vais beaucoup au cinéma. Je vais pratiquement voir tous les nouveaux films qui sortent. Sinon, Internet. Je joue un peu à la PS3.

L’injustice. Ça me met hors de moi. Je dois apprendre à contrôler ça. En basket, ça arrive tout le temps. Quoi, je ne parle pas trop aux arbitres ? (rires) Bah… J’ai pris ma première technique contre Pau, avant la trêve. Quand tu vois une faute pas sifflée, puis sifflée de l’autre côté, ça, ça m’énerve.

La politique

Des amis dans le basket

Je ne m’intéresse pas trop. Je regarde les infos, je sais ce qui se passe, mais je n’ai pas d’opinion particulière.

Oui ! En fait, tous mes meilleurs amis sont des gens avec qui j’ai joué. Depuis tout petit. Je suis proche de ceux avec qui je jouais à Cagnes-sur-Mer, Antibes, Paris, etc. À Utah aussi je me suis fait des amis.

“ JE VOULAIS ÊTRE ARCHITECTE ”

Un jour sans basket

La religion Je suis ouvert à en parler. Je ne suis pas religieux. Je ne suis pas athée, je suis agnostique. Si je vois, je crois. Salt Lake City est la capitale des Mormons, j’étais un peu dépaysé. J’ai rencontré beaucoup de gens qui n’en revenaient pas que je vive sans religion. Je vis très bien comme ça.

Le meilleur conseil reçu Je pense que la phrase que je retiens, c’est : le travail paye. C’est ma devise. Tu travailles, tu seras récompensé un jour ou l’autre.

• Dunk ou 3-points ? Dunk • Kobe ou LeBron ? LeBron • Celtics ou Lakers ? Celtics • Blonde ou brune ? Blonde • Euroleague ou NBA ? Euroleague • Sucré ou salé ? Sucré

Ton dernier coup de fric

• Un animal Un tigre • Un super héro Hulk • Une ville Cagnes-sur-Mer • Un plat Des pâtes • Une odeur Celle dans les McDo • Un personnage historique Einstein, tiens ! • Une boisson Oasis tropical

Une montre. Une belle montre.

Sur ton iPod En priorité Drake et Lil Wayne. Ce sont mes deux rappeurs favoris. Mais j’écoute de tout, ça va du rap au R’n’B, house, techno par moments. J’adore Cold Play.

Un film

Ta plus grosse bêtise En école primaire, dans le Sud, quand je commençais le basket, il y avait un gros panier de basket sous le préau. Il était fixé à un poteau, avec des armatures en fer. Il était un peu rouillé et, un jour, j’ai dunké. Il n’était pas à 3,05 m, je précise. Bref, j’ai dunké et j’ai tout arraché. S’il y avait eu quelqu’un en-dessous, ça aurait mal fini. Je me suis fait attraper, emmener dans le bureau de la directrice, ils ont appelé mes parents qui ont dû venir. Je me suis

1

• Bière ou vin ? Bière

Si tu étais

Je ne pleure pas.

Polyglotte

L’un ou l’autre

2

3

Inception. Mes deux acteurs favoris sont Leonardo Di Caprio et Denzel Washington.

Trois personnes avec qui dîner Michael Jordan. Lil Wayne. J’aimerais bien le rencontrer en personne, pour voir s’il est aussi fou qu’il en a l’air. Et… Pfff… Naismith, l’inventeur du basket, pour voir d’où lui est venue cette idée. l

4

5

1. Michael Jordan 2. Battlefield 3 3. Lil Wayne 4. George Eddy 5. Inception 6. Drake 6


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maxi-basket

« Il arrive à scorer dans des situations vraiment pas faciles. »

Andy Thonrton-JoneS


FOCUS • maxi-basket 29

KEVIN HARLEY

TALENT PRÉCOCE

Il n’a que 17 ans mais il est l’un des joueurs les plus en vue du championnat espoir et compte déjà trois apparitions sur les parquets de Pro A. Avec Kevin Harley (1,98 m), Poitiers tient peut-être une nouvelle pépite. Par Florent de LAMBERTERIE

Coaché par Detlef Schrempf

Après avoir débuté le basket vers l’âge de cinq ans en région parisienne, Kevin et sa famille déménagent à Boulazac, dans le Sud-Ouest. Rapidement, son talent attire l’attention et Kevin intègre le pôle espoir d’Aquitaine, à Mont-de-Marsan. Jusqu’au printemps 2009 où il décide d’envoyer son CV au centre de formation de Poitiers. « Dans la foulée, plusieurs entraîneurs m’ont parlé de ce joueur, ce qui m’a interpellé encore un peu plus », se remémore Andy Thornton-Jones, l’entraîneur des espoirs pictaviens. « Il avait déjà beaucoup de facilité balle en main et un profil technique et physique intéressant. Pourtant, lors de sa première année, il a un peu ramé. Il a eu des éclairs de talent sur certaines situations mais il avait des difficultés pour s’imposer régulièrement. » Le déclic interviendra à la rentrée 2010. À son retour de vacances, Kevin mesure près de dix centimètres de plus et il commence à faire bonne figure en espoirs, ce qui pousse Ruddy Nelhomme à le prendre avec lui deux fois par semaine pour l’entraînement des pros. Kevin progresse à grand pas, au point d’être invité au

Adidas Nation de Los Angeles en août, camp de basket pour jeunes talents où Kevin rejoint l’équipe… d’Afrique. « Parce que l’équipe qui représente l’Europe est en fait celle d’un club, Zagreb pour l’édition 2011 », explique-til. « Comme mon père est sénégalais, j’ai pu jouer avec l’équipe d’Afrique. » Ce qui lui permet d’être coaché par Detlef Schrempf, l’ancienne star NBA trois fois All-Star dans les années 90. « Je le connaissais juste parce que j’avais joué sur NBA 2K avec lui, mais c’est tout », nous avoue Kevin. « Après j’ai regardé des vidéos et j’ai vu… » Une expérience unique, et qui va porter ses fruits.

En un-contre-un face à Linehan

Bien qu’il continue de jouer avec les cadets et les espoirs du club, Harley frappe de plus en plus régulièrement à la porte des pros. « On lui laisse son lundi mais sinon il fait tous les entraînements avec nous », précise Ruddy Nelhomme. « Il avait joué aussi en Coupe de France avec nous contre Angers et il avait fait la pré-saison mais c’est vrai que ce n’est pas simple de mettre les jeunes sur le terrain quand l’équipe est en difficulté, comme c’est notre cas cette année. » Les grands débuts interviendront pourtant plus tôt que prévu. Privé de J.J. Miller, blessé, Ruddy Nelhomme décide de lancer son prospect dans le grand bain le 29 octobre 2011, à Nancy, alors premier du championnat. « Quand Ruddy m’a demandé de rentrer, j’ai eu un énorme coup de chaud », avoue Kevin. « Je rentre sur le terrain et j’ai vu que c’était Linehan qui défendait sur moi, j’ai eu un peu peur. Je me suis juste dit qu’il ne fallait pas que je perde le ballon, mais il a quand même réussi à me la prendre. » Malgré trois turnovers en huit minutes pour son premier match, le coach continue de lui faire confiance contre Gravelines et Hyères-Toulon. Dans le Var, Harley inscrit même ses premiers points en pro (5 pts, dont un shoot à 3-pts). « Je trouve qu’il s’est très, très bien comporté », estime Thornton-Jones. « C’est un joueur qui a un vrai impact dans le jeu offensif, il tourne à 45% de réussite à trois-points mais en plus de ça, il a des qualités athlétiques et une verticalité qui lui permettent de finir près du cercle, de prendre des intervalles et d’être agressif balle en main. Il perd encore trop de ballons (3,9 en espoirs) et doit gagner en dureté mais il a des vraies qualités de scoreur, il arrive même à scorer dans des situations vraiment pas faciles. » Des qualités rares, surtout à même pas 18 ans. l David Bernardeau/PB86

L

e hasard fait parfois bien les choses. Le jour même où l’on contacte Kevin Harley, celui-ci venait de recevoir sa convocation en équipe de France des moins de 18 ans. « Ça fait plaisir », reconnaissait de bonne grâce le jeune homme. « C’est mon coach qui m’a prévenu le premier et c’est tout de suite devenu un gros objectif pour moi. J’ai envie de faire une campagne avec les Bleus au moins une fois. » Déjà convoqué par les Bleus en 2010 pour l’Euro cadet, Kevin avait été l’un des deux derniers coupés juste avant le début de la compétition. Mais cette fois, le jeune basketteur pourrait bien être de la partie. Intronisé dans l’équipe espoir du PB86 l’année dernière à tout juste 16 ans, le jeune combo originaire de Trappes avait effectué des débuts satisfaisants (6,4 pts, 2,4 rbds, 1,1 pd en 19 minutes). Aujourd’hui, il est tout simplement le leader de la jeune garde de Poitiers (15,5 pts, 6,1 rbds, 2,6 pds pour 15,2 d’éval en 31 minutes) et pointe dans le top 20 au scoring. Sauf qu’à la différence de ses devanciers, il n’a toujours que 17 ans et, parmi les jeunes espoirs nés comme lui en 1994, il figure, statistiquement parlant, loin, très loin devant les autres. Un gamin en avance sur son temps.


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maxi-basket


RÉTRO • maxi-basket 31

1984-2012

Histoires et légendes de

Bercy

Michael Jordan et les Bulls, Magic Johnson et les Lakers s’y sont produits. Le Palais des Sports de Paris-Bercy est devenu au fil du temps le temple du basket en France. Alors que le POPB va bientôt être refait de fond en comble, voici notre top 10 de trois décennies d’actions.

• De ce basketteur-là, de ces moments-là, Stéphane Risacher s’en souviendra toute sa vie.

Lou Capozzola/NBAE via Getty Imagew

Par Pascal LEGENDRE


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1984

5.000 spectateurs

• Richard Dacoury fut l’un de ceux qui inaugura le POPB pour du basket lors du Tournoi PréOlympique de 1984.

Maxi-Basket

• Toni Kukoc, la Panthère Rose de Split.

Dans les tribunes a pris place sa majesté Bobby Knight, coach de l’équipe US pour les Jeux de Los Angeles, venu scouter ses futurs adversaires européens, qui répond si froidement aux journalistes qu’il pourrait geler toute la Somalie. Et puis aussi Bill Walton, intérieur des San Diego Clippers, un mythe du basket universitaire, qui participe à un clinic avec la présence de trois centaines d’entraîneurs, et qui lui, est tout à fait dispo. « Ils sont bons ces Russes. Je n’ai vu que la seconde mi-temps du match contre l’Espagne mais ce n°10 (Vladis Valters), quelle classe ! Ils auraient souffert contre notre équipe quand même. Les Américains sont plus puissants et plus techniques. » Les trois grandes networks américaines, ABC, NBC et CBS ont chacune dépêché une équipe pour réaliser des reportages sur le tournoi de basket et surtout sur l’équipe soviétique d’Arvidas Sabonis dont on vient d’apprendre qu’elle ne participera pas aux Jeux puisque l’URSS les boycotte. Trois semaines auparavant le Palais des Sports de ParisBercy a été inauguré par Jacques Chirac, maire de Paris. Son architecture est avant-gardiste avec sa forme pyramidale

et ses parois recouvertes de pelouse. Son fonctionnement est inspiré du Madison Square Garden de New York avec un espace modulable, qui lui permet d’organiser les Six Jours de Paris de cyclisme sur piste (jusqu’en 1989), de monter des spectacles de moto-cross, de stock-car ou encore d’organiser des concerts avec les têtes d’affiche mondiales. Le Tournoi Pré-Olympique de basket essuie un peu les plâtres. Le terrain ne dispose pas exactement des 28 mètres réglementaires, le score apparaît en minuscule, et surtout le POPB n’a pas fait la promotion promise auprès des collectivités locales et des grands magasins. Chaque journée n’enregistre pas plus de 5.000 spectateurs en moyenne et dans une telle enceinte, ça sonne creux. « Malgré tout, nous avons eu raison de faire disputer ce Tournoi Pré-Olympique à Bercy plutôt qu’à Coubertin où nous étions assurés de faire le plein pour chaque journée mais dont le cadre ne vaut pas celui du POPB », juge Christian Mansion, le directeur administratif de la fédération. Les Bleus se qualifient pour les Jeux après une dernière victoire sur Israël. Jean Luent, leur coach, s’enflamme un peu. « C’est formidable ! Je vois déjà l’aéroport, l’avion, le décollage pour Los Angeles. Là, on est au maximum de nos possibilités. On peut faire un truc aux Jeux, et si on peut


RÉTRO • maxi-basket 33

monter sur le podium, on ne se privera pas. » Seulement la France se fait ensuite pendre haut et court par l’Espagne et s’incline le dernier soir face à la Grèce. Les J.O. de Los Angeles ne seront qu’une triste pantalonnade.

1991

Ça fait toujours Split !

C’était a priori la débandade. Les intérieurs Dino Radja et Goran Sobin et le shooteur Dusko Ivanovic avaient couru le cachet à l’étranger. Le coach Bozidar Maljkovic, champion avec le Jugoplastika Split les deux années précédentes, avait été kidnappé par le FC Barcelone. En plus ça sentait le souffre en Yougoslavie en ce printemps 1991. Le Barça était donc l’hyper favori du Final Four avec plusieurs internationaux réputés, une triplette d’intérieurs (Audie Norris, José Ortiz et Steve Trumbo) formée aux États-Unis vouée à peindre la raquette en sang et or, et donc le Prince Maljko à la manœuvre. Les médias espagnols, dont la modestie n’a jamais été le fort, étaient tellement certains que le grand Barça allait manger tout cru les restes de Split qu’ils avaient déjà écrits leurs titres victorieux. « Ne sousestimez jamais le cœur d’un champion », dira quatre ans plus tard Rudy Tomjanovich le coach des Houston Rockets. Avec un Zoran Savic absolument royal à l’intérieur (27 points à 9/13), un Toni Kukoc pas très adroit mais toujours là où il le fallait, une défense carbonisante sur les défenseurs espagnols, Split réalisa un triplé légendaire. Il y avait encore un peu de gras dans le Split de cette annéelà… Zan Tabak n’avait pris part à la finale que pour neuf minutes et Petar Naumoski n’était pas rentré du tout en jeu. Les Yougos avaient la meilleure école de basket d’Europe, ils étaient de plus en plus concurrentiels pour les Américains, et l’année suivante, alors que le pays avait explosé, c’est le Partizan Belgrade qui succéda à Split au palmarès.

1991 Pour ce McDonald’s Open ils avaient emmené avec eux d’Amérique leurs mascottes – le Gorille de Phoenix et le frelon de Charlotte –, les Dare Devils, la jongleuse Tanya Crevier, leur parquet – revendu ensuite au Touquet –, leurs Lakers Girls, des célébrités de la NBA tel Julius « Doctor J » Erving, et surtout leurs joueurs parés de pourpre et d’or : James Worthy, Vlade Divac, Sam Perkins, Byron Scott, A.C. Green et en chef de bande Earvin « Magic » Johnson, le plus fabuleux meneur de l’Histoire de ce jeu qui ne savait pas encore qu’il avait chopé le virus du SIDA. Ce n’était pas une manifestation populaire car le prix des places avait été fixé entre 200 et 450 francs, mais cela n’avait pas empêché un sold out avec 14.133 spectateurs totalement acquis à la cause des Los Angeles Lakers. « Magic ! Ma-gic ! », hurla de plaisir le public du POPB alors que les Lakers concassaient le Limoges CSP fleuron du basket français. « Dans un premier temps, je ne me suis pas aperçu que le public chantait « Magic » mais c’était beau. Je suis très étonné de l’impact de la NBA ici. » Magic venait de battre le record du tournoi de passes décisives (21) et était un formidable ambassadeur de la ligue américaine que les passionnés avaient appris à apprécier sur Canal+ avec les commentaires de George Eddy, et qui allait être programmée pour toute la saison le dimanche sur FR3 avec Tony Parker Sr comme consultant.

Maxi-basket et Pascal Allée / Hot Sports

Les Lakers de Magic

Pour un Limougeaud, jouer les Lakers c’était tout simplement magique et Frédéric Forte avait rêvé de « planter au moins un 3-points », ce qu’il devait réussir tout comme piquer une balle à Magic himself. Le CSP fut expédié à 31 longueurs (132-101) alors que la Joventut Badalona refusa d’être le faire-valoir de ce conte de fées. Of course les Lakers étaient en pré-saison, pas très motivés, n’avaient pas du tout étudié le jeu de leur adversaire espagnol qui, lui, rentra dans le match tête baissée sans complexe d’infériorité, mais à 116114 et 22 secondes à jouer les Californiens bénéficièrent de la part d’un arbitre américain, Ed Rush, d’un coup de pouce salutaire pour l’ultime remise en jeu. « Si j’avais pu briser ce mythe, j’en serais heureux. Mais c’est déjà un résultat qui démontre que l’écart se rétrécit, que la qualité des joueurs ›››

• Le cliché tant attendu : Magic Johnson et James Worthy à Paris.

« Je suis très étonné de l’impact de la NBA ici. » Magic Johnson.


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Pas question de rejouer le match, même si « une erreur peut être démontrée par le ralenti de la TV »

• Le fameux contre de Stojan Vrankovic. Illégal mais validé. • Page de droite Michael Jordan face au PSG Racing (ici, Dejan Koturovic).

››› européens augmente sans cesse et que nous avons un bel avenir », commenta Jordi Villacampa. « Je n’ai jamais pensé que nous pouvions perdre », répondit Magic qui s’apprêtait à livrer une bataille bien plus importante. Celle pour rester en vie.

1996

Le contre de Vrankovic

Neuf éditions du Final Four de l’Euroleague, neuf participations, la roue de la fortune devait fatalement un jour sourire aux clubs grecs. Les supporters du Panathinaikos le pressentaient, sept milliers d’entre eux avaient investi le POPB, fiévreux, mais sans actes d’hooliganisme à déplorer.

Le Pana était alors le club le plus fortuné d’Europe avec un budget estimé à la louche entre 55 et 80 millions de francs. Il venait de se payer Dominique Wilkins avec un contrat de 7 millions de dollars sur deux saisons. Ce formidable athlète, ex-superstar des Atlanta Hawks, qui avait illuminé plusieurs fois le concours de dunks du All-Star Game, était à 36 ans au soir de sa carrière. Un bon gars Do Wilkins mais capricieux et nombriliste. Plusieurs fois le public du Boston Garden lui avait fait savoir vertement son mécontentement quand il avait porté le maillot des Celtics. Un journaliste américain écrivit même sans délicatesse que « la plus grande chance des Celtics, c’est d’avoir trouvé un club grec pour se débarrasser de Wilkins. » Lequel Wilkins fit sa tête de con et multiplia les aller-retour entre Athènes et Atlanta, et parut longtemps impropre au jeu européen. En définitive « the Human Highlight Film » fut élu MVP de ce Final Four parisien. Le Serbe Bozidar Maljkovic, déjà champion avec Split et Limoges, avait su l’apprivoiser. Le Pana méritaitil pour autant son trophée ? À une huitaine de minutes de la fin, il menait de 13 points face à Barcelone toujours en quête lui aussi d’une première consécration. Maljkovic envoya deux meneurs, Yannakis et Korfas, pour sécuriser la victoire mais les jambes des Grecs étaient de plus en plus en coton et leurs mains savonneuses. Yannakis s’affaissa à terre et perdit la balle. Deux joueurs catalans la touchèrent sans la contrôler, elle roula, roula, pour être récupérée par Jose Antonio Montero. Le guard du Barça n’avait plus qu’à la faire passer dans le filet d’un lay-up. C’est alors que l’immense carcasse de Stojan Vrankovic (2,17 m) déboula de derrière le décor. La balle monta, toucha le plexis avant que le Croate ne la baffe pour l’expédier au loin. « C’est la plus incroyable séquence que je n’ai jamais vue. Le plus grand contre que je n’ai jamais vu », s’enthousiasma Wilkins. Sauf que les Espagnols n’apprécièrent pas du tout la plaisanterie. À l’évidence la balle avait eu contact avec le plexis et c’est alors règlementairement interdit de la toucher. Dans la nuit, à 3h30, la fédération internationale rejeta pourtant l’appel du Barça. Pas question de rejouer le match, même si « une erreur peut être démontrée par le ralenti de la TV ». « Le panier aurait dû être accordé. » Avec franchise l’arbitre français Pascal Dorizon plaida coupable demandant les circonstances atténuantes car le match avait été viril et donc pas facile à arbitrer. Le FC Barcelone ne lui accorda aucune excuse et la presse espagnole hurla à la conspiration. Maudit, le Barça échoua encore en finale l’année suivante, toujours face à une équipe grecque, Olympiakos cette fois.

1997

Quand Jospin et Risacher admirent Jordan

Maxi-Basket

Un plateau-repas sur les genoux, Lionel Jospin, Premier Ministre en exercice, vrai fan de basket comme Barack Obama, déjà présent pour le TPO en 1984, ne voulait pas manquer ça : Michael Jordan était à Paris. Et pas à la sauvette comme en 85 et en 90 pour assurer la promotion de son équipementier Nike, cette fois dans le cadre majestueux de Bercy et sous le maillot mythique – grâce à lui – des Chicago Bulls. Finalement, peu importe que Scottie Pippen (blessure) et Dennis Rodman (pneumonie) n’étaient pas en état de marche puisque His Airness s’offrait à ses fans… Du moins sur le terrain car ceux qui firent le pied de grue à la porte de son hôtel, L’Intercontinental, en furent pour leur frais. Pas d’autographe ni même un regard. Son passage


RÉTRO • maxi-basket 35 sur le plateau de Canal+ fit un tabac, forcément. Le reste demeura de l’ordre du privé. Un passage au dîner officiel des délégations présentes au Buddha Bar, de bonnes bouffes notamment chez l’Ami Louis, un after au Barfly et au Duplex, une petite montre par ci, quelques cigares par là… Le tout avec la french touch puisque Michael sortait coiffé d’un béret basque. Ces Américains savent toujours chatouiller l’orgueil national de leurs hôtes. Sa venue à l’Open McDonald’s avait mobilisé un millier de journalistes et 161 chaînes de télévision. Aux portes du POPB, certains revendeurs n’hésitaient pas à proposer des places au marché noir entre 1.000 et 2.000 francs. Les veinards qui avaient pris place dans l’enceinte furent béats d’admiration. Malgré une douleur à l’orteil, Michael Jordan revêtit son habit de Superman. « Son talent a irradié le parquet de Bercy, ses moindres mouvements étant salués par autant d’ovations », écrivit L’Équipe. Jordan scora 28 points (plus 7 rebonds et 6 passes) et c’était nécessaire pour que les Bulls repoussent le PSG Racing remonté comme un coucou suisse (89 à 82). « On a vraiment manqué de synchronisation. On s’est mis à faire des fautes stupides qui leur ont permis de revenir dans le match. J’ai commencé à être un peu inquiet. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans un scénario pareil », reconnaîtra le Super Héros. Un superbe hommage fut rendu un peu plus tard par Stéphane Risacher : « ma culture du basket américain, c’est Jordan. Point », nous disait-il. « J’ai joué contre le meilleur joueur de tous les temps, mon idole, une icône, un Dieu vivant. Il n’a pas forcé… Ce qui est extraordinaire avec ce mec, c’est qu’il peut mettre 60 points et que, peut-être, tu ne le toucheras pas une seule fois du match. J’ai joué contre des mecs forts dans ma vie, mais ça, ça n’a même pas de nom. Tu n’arrives pas à le toucher. Je le compare à une sorte de glue gélatineuse qui t’échappe toujours. Ce jour-là, vu qu’il n’y avait ni Pippen ni Rodman, la différence entre le PSG et les Bulls, c’était Michael Jordan. Sans lui, je pense qu’on aurait battu cette équipe des Bulls, certes en méforme puisqu’ils étaient en préparation. »

1999 Son père Dino avait gagné l’or européen seize ans plutôt, déjà sur le territoire français, à Nantes. Andrea faisait alors sa communion et avait vu la finale contre l’Espagne à la télé. C’est toujours contre l’Espagne que le fils a remporté à son tour le trophée alors que le père était le manager général de la squadra azzura. Un triomphe inattendu que l’Italie a dû pour beaucoup à son coach iconoclaste Boja Tanjevic qui avait choisi de ne pas utiliser de meneur spécifique. Le Bosniaque avait osé laisser à la maison la révélation européenne de l’année, Gianmarco Pozzecco, un joueur pittoresque mais indiscipliné. C’est Meneghin, pourtant davantage un deuxième arrière voire un ailier, qui se chargea de la mène avec sa capacité à ne pas perdre les ballons et son abattage défensif. Épuisé par un tournoi stressant le fiston ne fut pas très fringant offensivement en finale mais fit encore profiter son équipe de son énergie communicative. « J’étais tellement fatigué, mes jambes ne me portaient plus. Mais je me suis dit qu’il fallait tenir encore quarante minutes avant de partir en vacances », déclara t-il. L’après-match fut un véritable tourbillon avec douze joueurs chantant en chœur l’hymne national « Fratelli d’Italia » avec ›››

« Tu n’arrives pas à le toucher. Je le compare à une sorte de glue gélatineuse qui t’échappe toujours. » Stéphane Risacher à propos de Michael Jordan

John Gichigi/Getty Images

Après le père, le fils


Pascal Allée / Hot Sports

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››› un cœur qui donna le frisson au public. Alessandro De Pol porta Andrea Meneghin sur ses épaules et celui-ci poursuivit son show jusqu’en salle de presse où il simula un orgasme au micro. On n’est pas champion d’Europe tous les quatre matins, même dans la famille Meneghin.

2001

La foi des fans du Maccabi

Jean-François Mollière

C’était le temps de la scission entre la fédération internationale (FIBA) et l’Union des Ligues Européennes (ULEB), ce qui aboutit à deux compétitions similaires dans la même saison. Dans l’une, la vraie, l’Euroleague, le Kinder Bologne d’Antoine Rigaudeau s’imposait au TAU Vitoria de Laurent Foirest. L’autre s’était affublé d’un nom, la SuproLeague, qui pour un Français défiait les lois du marketing, mais nous intéressait au premier chef car nos clubs avaient reçu l’ordre fédéral de s’y engager, et son Final Four fut organisé à Paris. À dire vrai, le public français ne se sentit pas très concerné par l’événement. Bercy fut recouvert de jaune, la couleur fétiche du Maccabi Tel-Aviv. Il faut savoir que le Maccabi est LE club du peuple juif et que celui-ci se retrouve systématiquement derrière lui, peu importe l’endroit de la planète. L’année précédente, lors d’un match d’avant-saison à Toronto contre les Raptors, ce sont les paniers des Israéliens qui avaient été chaleureusement salués par le public canadien. Lorsque le Maccabi avait obtenu son premier titre européen en 1977, ce sont 200.000 fans qui étaient venus remercier les joueurs à leur descente d’avion alors que le pays comptait moins de sept millions d’habitants. Pour ce Final Four à Paris, très exactement 5.914 supporters avaient fait le déplacement en charter. À ceux-ci il fallait ajouter ceux venus en avion ou en voiture de toute l’Europe et en métro des différents quartiers de la capitale. Tous en T-shirt, avec des banderoles, des drapeaux avec l’étoile de David, des tubes en plastique que l’on frappe l’un contre l’autre pour faire du bruit, et surtout une foi de David prêt à terrasser Goliath. Si le Maccabi avait joué au Ben-Yehuda de Tel-Aviv, l’ambiance n’aurait pas été plus brûlante. Le Maccabi a gagné, laminant en finale le Panathinaikos. Pour vivre les derniers instants du match, les plus ardents entourèrent le terrain, certains n’hésitant pas à grimper sur les panneaux publicitaires au risque de perdre l’équilibre. Au buzzer, ils envahirent le terrain et ce ne sont pas les injonctions en anglais et en hébreu qui les firent reculer. Ils ont chanté, ils ont dansé. On n’avait jamais vu ça.


RÉTRO • maxi-basket 37

Si le Maccabi avait joué au Ben-Yehuda de Tel-Aviv, l’ambiance n’aurait pas été plus brûlante. Le All-Star Game investit Bercy

C’est Philippe Morin, lorsqu’il était le « Monsieur Basket » de chez Nike qui en a eu l’idée lumineuse : organiser le AllStar Game de la Ligue Nationale de Basket à Bercy avec les standards en vigueur en NBA. « Philippe estimait que le basket, après une période de flottement, allait repartir et que Nike se devait d’être présent à ce moment-là. Il a poussé Nike à investir, à créer une passerelle entre le basket de clubs, la fédération, et de l’autre le basket de rue », commentait au moment de la naissance du match des étoiles Nicolas Barthes, directeur du marketing associé de la marque au swoosh. Le All-Star Game existait en France depuis quinze ans et le concept avait fait mouche dans un premier temps en reprenant les recettes de base de la NBA (match Est c. Ouest jusqu’en 91 puis Français c. Étrangers, puis concours de dunks à partir de 95). La plupart des grandes villes du basket y avait été associées chacune à leur tour. Mais au fil des années une infernale routine avait castré l’événement, au point que lors de l’édition 2001 à Chalon il avait fallu se mettre à genoux pour que des joueurs de deuxième zone viennent compléter le plateau. L’intérêt même de ce rassemblement de prestige était en cause. La ligue fit son autocritique. Elle décala une journée de championnat, prévu des suspensions et des amendes en cas de manquement au devoir, et concéda l’organisation pour un premier mandat de trois ans à Nike aidé par l’agence Sport Plus Conseil. « Ils ont des moyens que l’on n’a pas, ils sont plus professionnels que nous. Ils ont la capacité de remplir Bercy. Nike, ce sont les payeurs, nous, nous sommes les conseilleurs », déclara alors Pierre Seillant vice-président de la LNB. Furent à l’affiche en plus du match de gala, un concours de dunks avec des membres de la Slam Nation, un concours de tirs à 3-pts et même un match entre les All-Stars nés en 1982 contre ceux de 83. Pour l’anecdote, ce sont Julien Doreau et Tahirou Sani qui en furent les top-scoreurs et seuls Philippe Amagou, Alain Koffi, Ali Traoré et Hervé Touré ont réellement percé ensuite.

Il s’avéra que c’est le décorum qui donna aussitôt de l’ampleur à l’événement, qui en fit un spectacle majuscule. Il y avait le son, la lumière, le timing. Quatre écrans autour du panneau central – une première au POPB – faisaient la promo des sponsors. Des bornes de jeu Xbox étaient installées dans les coursives où l’on vendait des appareils photos jetables Konica aux couleurs du All-Star Game. George Eddy de Canal+ et Eddy Bernard de l’ASVEL faisaient chauffer la salle avec le concours du DJ Philippe Corti, un complice à Thierry Ardisson. Un spectateur tiré au sort eut la possibilité de gagner 200.000 euros en marquant un panier du milieu du terrain. Il échoua… comme ses successeurs. Benoît Georget du BCM Gravelines-Dunkerque écrivit son nom au palmarès du concours de tirs à 3-pts mais c’est le slam dunk contest qui embrasa Bercy. Cette année-là Kadour Zianveni (1,79 m) tenta en vain deux figures incroyables qu’il réussissait parfois à l’entraînement : un dunk en prenant appel sur la ligne des lancers, et un 720°, soit un ›››

• Page de gauche : l’Italie est championne d’Europe. Andrea Meneghin est sur un nuage. • « Maccabi ! Maccabi ! » • Steve Lobel fut le seul dunkeur à doubler la mise. Jean-François Mollière

2002


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Gregory Shamus/NBAE via Getty Images

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• Tony Parker devant ses fans avec le maillot des Spurs. • Max Zianveni est maudit. Pas le SLUC.

››› tomar après deux tours sur lui-même. C’est Steve Lobel qui décrocha finalement le gros lot. Ce vigile dans le civil sera le seul dunkeur à assurer un doublé, deux ans plus tard. Douze milliers de spectateurs suivirent cette première édition au POPB ; près de la moitié avait bénéficié d’invitations. Depuis, le show du All-Star Game fait salle comble et il y a bien longtemps que la gratuité n’est plus de mise. Au fait, ce sont les étrangers qui gagnèrent en 2002 et le Palois Dragan Lukovski fut élu MVP. Mais est-ce important ?

8 octobre 2006

La visite de TP

« Tony scored 27 points to help the San Antonio Spurs beat Maccabi Tel-Aviv 97-84 Sunday in an exhibition game. » La dépêche d’agence fut aussi convenue, insipide, plate, que le match lui-même. Pourtant c’était un rendez-vous spécial entre l’étoile des Spurs et son public français. « Nous n’avons pas d’excuses. Nous n’avons pas joué le jeu du Maccabi, pas

de rythme », avoua Rodney Buford. Après un quart-temps et 17 points d’avance, les Spurs avaient fait la différence et le reste nous emmena au bord de l’ennui. Au cours de ce NBA Europe Live Tour, les Sixers s’étaient fait piéger à Barcelone et les Clippers s’écroulaient à Moscou. Les Spurs, eux, avaient – bien – fait le job comme à Villeurbanne juste avant. « On a été compétitifs sur le terrain et dans les restaurants », s’amusait le coach Gregg Popovich. « On a bien mangé et bien bu, mais maintenant il est temps qu’on rentre parce qu’on ne peut pas continuer comme ça. » Bref, passons aux choses sérieuses.

2005, 2006, 2007, 2008

Nancy, enfin !

2005 ? Il y a le retour – éphémère – de la télé publique et 800.000 téléspectateurs sur France 3. Il y a surtout Ricardo Greer qui serre les dents et force la cadence dans les instants décisifs. L’Alsace et Strasbourg rient, la Lorraine et Nancy pleurent, une première fois.


Pascal Allée/Hot Sports

RÉTRO • maxi-basket 39

« Il ne faut jamais abdiquer. » Jean-Luc Monschau. 2006 ? C’est l’un des douze géants turcs, Hüseyin Besok, qui se dresse face au SLUC et qui en transe envoie tout valser. « C’est son côté méditerranéen, on va dire. Il a su se concentrer. Il a mis des paniers exceptionnels qui sont la marque des très grands joueurs », sourit Vincent Collet. 2007 ? À la 18e minute, le SLUC a 16 points d’avance (3923) quand Dee Spencer retourne sur le banc avec 3 fautes au débit. Cette fois, c’est la bonne ? Non, la Chorale de Roanne hausse le ton, Marc Salyers est un chef de chœur exceptionnel, et Nancy est capot. Trois finales, trois échecs. DeRon Hayes, Tarik Kirksay, Dan McClintock et Max Zianveni, qui sont sortis par la petite porte les trois fois sont définitivement maudits. En 2008, le SLUC a demandé des licences pour 7 nouveaux joueurs et se retrouve de nouveau à Bercy et encore face à

Roanne. Jeff Greer (29 points, 35 d’évaluation) et Philippe Amagou, déjà champions avec respectivement Strasbourg et Le Mans, montrent la voie. Cette fois pas de quartiers. 84-53. Les supporters lorrains pas rancuniers sont revenus en nombre (3.500) et savent cette fois quel bon goût à la victoire. La séquence émotion se déroule dans la salle de presse. Les larmes tombent sur les joues de Jean-Luc Monschau. « Quand on fait du sport, on s’expose aux déceptions, aux matches qu’on aurait aimé gagner », déclare t-il. « Mon père m’a toujours appris que c’est dans la déception qu’on doit trouver les forces pour être plus fort la fois d’après. Alors quand la déception dure un peu, c’est compliqué à mettre en application, mais il ne faut jamais abdiquer. » CQFD. l


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Gabe Hernandez/NBAE via Getty Images

Mouhammad Faye

(Hyères-Toulon / Rio Grande Valley) Il y a un an le Sénégalais a craché son venin aux Rio Grande Valley Vipers de D-League: 10,3 pts en saison régulière avant de monter en puissance pour les Finals : 16,3 pts.


Portfolio • maxi-basket 41

Souvenirs, souvenirs

Made-in-USA

Quelques-unes de nos ĂŠtoiles de Pro A quand elles portaient un maillot made-in-USA.


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Lamont Hamilton

Ned Dishman/Getty Images

(Paris Levallois / St. John’s University) Puissant le New-Yorkais ? Deux gars de Connecticut ne sont pas de trop pour l’empêcher d’aller au cercle.


Portfolio • maxi-basket 43

Teddy Gipson

Brian Bahr/Allsport

(Pau-Lacq-Orthez / University of Arkansas) Ses jambes sont des allumettes, mais pour ce qui est d’avoir l’œil et de faire la passe dans le timing, c’est aussi dans son ADN.


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Hilton Armstrong

Scott Cunningham/NBAE via Getty Images

(Lyon-Villeurbanne / Atlanta Hawks) Un poster dunk sur la tête de Jon Brockman des Milwaukee Bucks qui est tout frais puisque même pas un an d’âge ; il a été réalisé le 15 mars 2011.


Portfolio • maxi-basket 45

Alex Acker

Ron Turenne/NBAE via Getty Images

(Le Mans / Detroit Pistons) Alex aura goûté à la NBA du bout des lèvres, aux Pistons comme aux Clippers : 30 matches pour 2,7 pts en moyenne.


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John Linehan

Kent Smith/NBAE/Getty Images

(Nancy / Greenville Groove) Dans sa longue carrière « Le Virus » est passé, à sa sortie d’université, par la NBDL lors de la saison 2002-03.


Portfolio • maxi-basket 47

Fernando Medina/NBAE via Getty Images

Blake Schilb

(Chalon / Loyola Chicago) Une poignée de scouts, d’addicts pour voir ce précamp NBA à Lake Buena Vista en Floride. Blake est déjà face à Demetris Nichols qu’il retrouvera en France.


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MAXI-BASKET

Décisif à l’Euro en Lituanie, évidemment, lors du match pour la médaille de bronze.


PORTRAIT • MAXI-BASKET 49

ANDREÏ KIRILENKO DOMINE L’EUROPE

PROPHÈTE EN SON PAYS

Agenzia Ciamillo-Castoria/JF.Molliere

QUAND TOUS LES INTÉRIMAIRES AMÉRICAINS DU LOCK-OUT REGAGNAIENT LEURS PÉNATES, ANDREÏ KIRILENKO CHOISISSAIT LUI DE RESTER EN COMPAGNIE DU GOTHA EUROPÉEN, SNOBANT AU PASSAGE LES AVANCES DE FRANCHISES NBA PLUTÔT MÉDIOCRES. REVERRA-T-ON L’ANCIEN ALL-STAR SUR UN PARQUET US ? PEUT-ÊTRE… EN ATTENDANT, LE TSAR DU CSKA POSE LES FONDATIONS DE SON PREMIER SUCCÈS EN EUROLEAGUE. Par Jérémy BARBIER


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MAXI-BASKET

«

Après avoir pesé le pour et le contre, je suis arrivé à la conclusion qu’il fallait que je termine la saison avec le CSKA. » Dans l’histoire du basket moderne et de la dualité Europe/NBA, le 31 décembre 2011 fera date. Quelques heures avant que l’année écoulée ne se conjugue au passé, Kirilenko, dix ans de carrière bien remplie outre-Atlantique, confirmait sa volonté de rester au pays, le Russo-Américain héritant aussitôt de l’estime inconditionnelle de milliers de compatriotes. Fallait-il déceler dans cette décision l’estompe du complexe d’infériorité envers le basket made in USA ? Certains semblent le penser. « AK-47 n’a pas seulement prouvé qu’il était un maillon important de notre équipe, un joueur incroyable et dévoué. Il a aussi montré qu’il était un véritable patriote, un homme qui ne recherche pas les bénéfices faciles, qui essaie de satisfaire les fans de basket de tout le pays et d’améliorer la popularité de notre sport favori. » La tirade est signée Andrey Vatutin, président moscovite plutôt fier d’avoir damé le pion à Mikhaïl Prokhorov, proprio des Nets que l’on imaginait en position de force pour rapatrier le médaillé de bronze 2011 dans le New Jersey. Évidemment, réduire le retour de l’ancien prodige du CSKA à un élan soudain de patriotisme serait inconvenant. CV de 681 matches NBA que les Kings de Sacramento auraient aimé ajouter à leur roster, Kirilenko n’est ni cramé, ni en préretraite. Il n’a pas renforcé les

rangs d’un club de cœur en quête de notoriété mais bien ceux d’une cylindrée multi-auréolée et d’ores et déjà grandissime favorite du Final Four stambouliote. Meilleur joueur du début de la compétition avant qu’une vilaine chute ne le prive de la fin du premier tour, Kirilenko est pour les Moscovites un luxe ostentatoire tant le CSKA pouvait dominer sans lui. Les chiffres parlent d’euxmêmes. Avec « Kirikou », Moscou pointait à 6-0 (+16,6 points) en coupe d’Europe au moment de boucler ces lignes. Sans le tsar star ? 5-0 et un écart moyen de 9,6 points. Déjà quasi intouchable sans l’ancien produit de sa formation, le CSKA est subitement devenu injouable. Pourtant, à écouter les premiers bénéficiaires de cette signature inespérée, l’essentiel n’est pas sportif. La fierté nationale, encore : « Andreï Kirilenko est la star du basket russe », commente Jonas Kazlauskas, coach lituanien du CSKA. « Il est aussi important pour son pays que Sabonis pour la Lituanie, Pau Gasol pour l’Espagne ou Nowitzki pour l’Allemagne. » Si les deux derniers cités ne risquent pas de revenir régaler de sitôt le championnat de leurs débuts, le come-back du Russe sur le Vieux-Continent n’a finalement rien de très surprenant et, avant même le début du lock-out, l’ancien All -star tournait à demi-mots la page Utah. « J’ai connu une superbe aventure avec le Jazz. Je ne sais pas comment cela se passera l’année prochaine mais

« Il est aussi important pour son pays que Sabonis pour la Lituanie, Pau Gasol pour l’Espagne ou Dirk Nowitzki pour l’Allemagne. » Jonas Kazlauskas

Ciamillo&Castoria / H.Bellenger

Un tsar, champion d’Europe 2007 et MVP du tournoi.


PORTRAIT • MAXI-BASKET 51 sur le terrain comme en dehors, mes 10 années avec le Jazz ont été magnifiques. » On se permettra de réfuter cette dernière assertion.

La rupture avec le Jazz

Depuis déjà plusieurs années, la version européenne d’Andreï Kirilenko n’avait plus grand-chose à voir avec le AK-47 modèle NBA. Au sommet de son art sous les couleurs de sa sélection et désormais en Euroleague, le MVP de l’Euro 2007 s’est progressivement éteint outre-Atlantique, au point qu’en 2007 déjà, Mikhaïl Prokhorov, alors grand argentier du CSKA, tentait une OPA sur le bail du NBAer. « Cela aurait eu une grande valeur patriotique pour Kirilenko de revenir », expliquait Ettore Messina, coach du CSKA de l’époque. « Mais il avait un contrat avec le Jazz et ils n’auraient pas voulu le laisser partir. » Entre le Russe et sa franchise de toujours, la rupture semblait pourtant consommée. En bisbille avec Jerry Sloan car amoindri dans ses prérogatives offensives (8,3 points et 4,7 rebonds, 6,0 shoots en 29 minutes de moyenne) au profit du duo Deron Williams - Carlos Boozer, Kirilenko quittait les playoffs avec la boule au ventre et des velléités de transfert. L’été 2007 soulignait un peu plus le choc des cultures. Champion d’Europe inattendu en Espagne et MVP indiscutable de la compétition (18,0 points, 8,6 rebonds et 2,4 passes), Kirilenko annonçait dans la foulée son intention de boycotter la reprise avec le Jazz. « Je veux faire ce que j’aime le plus au monde et je pense que les émotions vécues avec l’équipe nationale méritent que je retourne en Russie pour y jouer devant les fans russes… La dernière saison m’a

fait comprendre que je ne pouvais pas progresser à Utah. Jerry Sloan est un coach incroyable qui a mené l’équipe en playoffs de nombreuses fois mais nous sommes opposés sur des questions purement basket. » Réponse - cinglante - du technicien incriminé? « Je n’ai pas besoin d’être aimé par mes joueurs. J’ai besoin qu’ils jouent pour moi. » Qu’il était loin le temps de l’Européen précoce et prodige, des petites sauteries du All-Star Game (2004) ou de la nomination dans le meilleur cinq défensif de la ligue (2006). « Ce n’est pas que je n’aime pas Jerry », confiait le 24ème choix de la Draft 1999. « C’est une bonne personne. Il est simplement d’une génération plus ancienne qui traite les joueurs comme des gamins. Ce n’est pas forcément blessant mais ce n’est pas non plus très agréable. » Si ses 206 centimètres se présentaient finalement à la reprise de la saison 2007-2008, la tête, elle, n’y était plus vraiment. « J’ai compris avec ma sélection qu’il n’y avait rien qui clochait avec mon jeu », confiera le swingman un an plus tard dans les colonnes de Sports Illustrated. « J’étais toujours le même joueur. » Las, les trois exercices qui suivront en NBA ne confirmeront jamais cette résurrection espérée. Sur cette période, AK-47 se contenta du strict minimum (11,7 points, 4,8 rebonds et 2,7 passes en 189 matches), une production chiffrée très éloignée de sa

En civil, il ressemble à un gendre idéal.

« J’ai compris avec ma sélection qu’il n’y avait rien qui clochait avec mon jeu. » Andreï Kirilenko

Melissa Majchrzak/NBAE/Getty Images

Ron Hoskins/NBAE via Getty Images

Avec ses bras tentaculaires, AK-47 surgit de n’importe où pour scotcher un tir. Roy Hibbert en fait ici l’amère expérience.


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MAXI-BASKET

saison référence (16,4 points, 8,1 rebonds, 3,1 passes et 2,8 contres en 2004) et, surtout, de ce que le Jazz pouvait légitimement attendre de la part d’un joueur payé rubis sur l’ongle (86 millions entre 2005 et 2011).

L’Europe lui va si bien

Robertas Dackus/EB via Getty Images

Avec lui le CSKA paraît tout simplement injouable.

Preuve du vague à l’âme qui rongeait à petit feu le vétéran dans les plaines mormones, il faudra attendre l’Euro 2011 et ses retrouvailles avec David Blatt pour le revoir motivé et prêt à remettre son costume de couteau suisse de classe internationale. « Quand on commence une compétition, que cela soit un Euro, un Mondial ou les Jeux, nous avons toujours quelque chose à prouver et la responsabilité de représenter fièrement notre pays », expliquait-il sur le site de la FIBA avant le début des hostilités. Ses performances ne trahiront pas ses belles paroles. Une nouvelle fois élu dans le cinq idéal de la compétition (14,9 points, 6,1 rebonds et 2,3 passes), le leader national pliera seulement devant la France avant de crucifier la Macédoine de trois triplés décisifs en

petite finale. « Nous avons gagné 10 de nos 11 matches et il est normal que nous soyons sur le podium. Nous faisons vraiment partie des trois meilleures équipes du tournoi et, surtout, notre équipe a grandi. » Breloque de bronze autour du cou, le free agent s’éloignait de la ligue américaine et, très vite, ce qui n’était qu’une rumeur insistante se concrétisait. Dix ans après son départ du CSKA, Andreï revenait donc au bercail pour un contrat de trois ans assorti de clauses libératoires vers la NBA. « Nous comprenons parfaitement les risques de son probable départ mais nous les acceptons en connaissance de cause », assurait le président Vatutin. À chaud, seul Jonas Kazlauskas émettait une légère réserve quant à cette signature de prestige. « Mon avis est qu’il ne faudrait pas signer de joueurs NBA pendant le lock-out. Vous ne pouvez pas savoir à quoi vous attendre s’ils sont autorisés à partir et seules les équipes faibles peuvent prendre ce risque. En même temps, chaque règle a son exception et Andreï Kirilenko est l’exception. » La (re)mise en route de la super recrue fut immédiate. Face


PORTRAIT • MAXI-BASKET 53 au Zalgiris Kaunas, Kirilenko lançait parfaitement sa saison européenne (17 points, 15 rebonds, 5 passes, 3 contres et 37 d’évaluation), comme toujours imperturbable devant les différences arbitrales FIBA/NBA. « C’était un peu étrange de rejouer en Euroleague. Certaines règles sont différentes mais je pense m’être adapté assez rapidement. » Les semaines se suivent et se ressemblent : 23 d’évaluation en 22 minutes contre Bamberg, 14 unités et 7 prises à Zagreb ou 9 points, 10 rebonds et 5 contres au Pana, AK-47 abat minutieusement toutes ses cibles. « C’est un joueur vraiment différent des autres, surtout sur le plan défensif », apprécie Nenad Krstic, autre NBAer expatrié au CSKA. « Il s’occupe de chaque adversaire à n’importe quelle position. C’est un joueur malin en attaque, talentueux et intelligent. Ce que je ne savais pas sur lui, c’est qu’il était un joueur si altruiste. Il rend nos autres joueurs tellement meilleurs.»

viennent hypothéquer la suite de la belle aventure. « On ne sait pas s’il sera encore là pour le Top 16 », craignait le président Vatutin à Noël. On connaît la suite. Parti très tôt en NBA sans avoir pu ajouter un titre continental sur son CV, l’ex-Jazz s’est laissé dévorer par l’appât du gain et la perspective d’une saison d’exception. « Nous avons un objectif : gagner chaque match, c’est aussi simple que ça. Il y a une pression énorme sur notre coach et les joueurs. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, même pour une seconde. Tout le monde regarde nos performances et chaque défaite du CSKA est considérée comme un désastre. J’aime ressentir cette forme de pression. » Que l’on ne s’y trompe pas, le retour du fils prodigue au CSKA ne sera peut-être qu’éphémère. Via Twitter, son agent Marc Fleisher a déjà laissé entendre à au moins deux reprises que son client ferait tout pour retrouver une place de choix dans l’élite du basket US dès l’été prochain. Info ou intox ? Plus que l’argent - Kirilenko a promis de reverser son cachet moscovite à des œuvres caritatives - ce seront les perspectives sportives qui décideront de son avenir immédiat et, en cas de victoire finale en Euroleague dès cette saison, il est probable de voir le Russe s’exiler de nouveau en NBA pour y chasser une bague de champion, seule récompense d’envergure qui manquerait alors à un palmarès remarquable. On parle déjà des Lakers ou des Clippers, Los Angeles étant sa cible supposée. Pour le moment bien loin des spotlights de la Cité des Anges, Kirilenko semble avoir mis un mouchoir sur ses ambitions américaines. « Je n’ai pas de trophée en Euroleague et j’en veux un plus que tout. » À bientôt 31 ans, le plus grand des tsars américains a repris son destin en main… l

« Il rend nos autres joueurs tellement meilleurs. » Nenad Krstic

Son petit chef-d’œuvre, Kirilenko le signe face à Malaga lors de la 5 e journée : 17 points, 9 rebonds, 6 interceptions, 3 contres, 2 passes et 7 provoquées pour une note artistique de 39, record à battre cette saison. « Comparé aux autres favoris, Andreï Kirilenko est le joueur qui fait vraiment la différence », exprimait alors Chus Mateo, coach vaincu mais épaté. « Il fait tout. Il est également humble et modeste. C’est une véritable star. » Sans forcément exploser son compteur offensif, l’intérieur signait de très loin la meilleure évaluation (29,4) du premier mois de compétition (13,8 points à 56,5%, 9,0 rebonds, 3,4 passes, 3,2 contres et 2,2 interceptions en 30 minutes) avant qu’une série de blessures et la fin du conflit outre-Atlantique ne

Quelle coupe de cheveux préférez-vous ?

Mikhail Serbin/EB via Getty Images

Retour en NBA ?


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MAXI-BASKET

IER EVAN FOU R N

2004

À la

Une

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE

« C’EST RUDDY QUI A RESSORTI LES IMAGES, LE SALOPARD ! »

« C’EST QUOI TON SPORT ? » ÉTAIT UN PROGRAMME COURT DE TF1 OÙ UN JEUNE SPORTIF AFFRONTAIT L’UNE DES STARS DE SA DISCIPLINE. CÉLINE DUMERC, ANTOINE RIGAUDEAU OU ENCORE MICKAËL PIÉTRUS SE SONT PRÊTÉS AU JEU. TOUT COMME BORIS DIAW, QUI A ÉTÉ MIS AU DÉFI PAR UN JEUNE DU NOM DE… EVAN FOURNIER ! L’ACTUEL ARRIÈRE DE POITIERS SE SOUVIENT.

e année, au club de J’étais en benjamin 2 s’est fait grâce à Charenton. Et en fait ça président du club le est Fabrice Canet, qui presse de la FFBB, (également responsable raînement pour me ent un rà ndlr). Il est venu me voi ton ionné pour « C’est quoi dire que j’avais été sélect e. mm gra pro le pas is ssa nai sport ? » Moi je ne con m’a qui r, teu duc es au pro Il a donné mes coordonné ncé a été long ! On a comme ça ge, rna tou Le . elé app rcel Ma à tait C’é vers 21-22h. vers 14-15h et on a fini it déjà éta t tou le sal la à ivé Cerdan. Quand je suis arr m’habiller. prêt, je n’avais plus qu’à ais nom mais je ne l’avais jam de is Bor is ssa nai con Je nné sio res imp spécialement vu. En fait je n’étais pas c pas mal de champions ave vu à déj ais j’av que ce par de bre nom bon n présenté à Eva mon père (ex-judoka, qui a up même il y avait beauco nd qua is Ma ). ndlr , rtifs spo et r, teu ket bas st un très fort de respect parce que c’e re miè pre ma tait C’é ue. hiq pat il avait été très, très sym nd qua fait ça ent donc forcém fois devant une caméra a commencé à faire des On se. cho e lqu que me mê souviens que les personnes actions avec Boris. Je me un notamment qu’il y ait de l’émission voulaient

«

Evan Fournier

Né à Saint-Maurice (Val-de-Marne) le 29 octobre 1992, Evan commence le basket à Charenton avant de rejoindre l’INSEP, entre 2007 et 2009. Il débute sa carrière professionnelle à Nanterre, en Pro B, puis rejoint Poitiers à l’intersaison 2010. Il a reçu la saison passée les trophées de meilleur espoir et meilleure progression de Pro A. Leader de la génération 1992, médaillée d’argent au dernier Euro U20.

tait alley-oop, mais sinon c’é e oqu l’ép à i Mo e. libr nt vraime er, jou me mê je savais quand ions on venait d’être champ ne is Bor . ins de France benjam d, mais il m’a quand même fon à pas nt me dem évi jouait pas l’époque je ne le savais mis 2-3 dunks (rires) ! Et à t dan pen un trecon unen er si athlétique. On a dû jou t tou ais j’ét c dotation Nike don 2h, 2h30 ! Moi j’avais ma aussi lui it éta qui i mo à e pot un content et j’avais amené et après la salle on est allé très content de voir Boris, filmé deux-trois scènes que chez moi où ils ont encore et illé par son ami, Evan se lève l’on voit au début (où, réve ). file à la salle défier Boris, ndlr t récemment les images son J’avais vu la diffusion. Et rd ! opa sal ce , me) lhom (Ne dy ressorties. En fait, c’est Rud ok ça, il l’a publié sur Facebo Il trainait sur un site, il a vu et b, clu le s dan rné tou a ; ça et ça y est, c’était parti Les ! u ven pré ne m’avait pas après un peu partout. Il . t bien foutus de ma gueule son se ipe équ n mo de mecs gs, lon x veu che : j’avais les Je me suis fait chambrer une j’étais tout maigre, j’avais ffe, tou la nt ime vra ais j’av ne je is, Bor c ave ais reparlé petite voix… Je n’en ai jam » i. mo tait c’é que nt vie sais même pas s’ils se sou

* Pour voir la vidéo, inscrivez « c’est quoi ton sport Boris Diaw » dans la barre de recherche de Dailymotion



MAXI-BASKET

RU S SI A

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ALI TRAORÉ À KRASNODAR

BONS BAISERS DE RUSSIE ! AVEC CERTAINS JOUEURS, QU’ILS JOUENT À VLADIVOSTOK, ALICANTE, SEATTLE, PARIS OU AU KATAR, C’EST DU PAREIL AU MÊME. PAS AVEC ALI. LE PIVOT DE L’ÉQUIPE DE FRANCE EST UN CURIEUX, UN HOMME QUI AIME ALLER À LA RENCONTRE DES AUTRES ET DU MONDE. AVEC CE GUIDE DE PREMIER CHOIX, ON APPREND UN PEU PLUS SUR LA RUSSIE, MAIS SURTOUT, ON EN APPREND UN PEU PLUS SUR LUI. Par Thomas BERJOAN


Ali Traoré

PORTRAIT • MAXI-BASKET 57


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MAXI-BASKET

Photos : Ali Traoré

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J’ai toujours été comme ça », nous explique Ali, joint au téléphone. Trois heures de décalage avec Krasnodar, pas loin de la côte orientale de la mer Noire, entre la Géorgie au sud et l’Ukraine au nord. Réveil de sieste affable. « Mes parents adorent les voyages même s’ils n’ont pas eu la chance de beaucoup bouger dans leur vie. Moi j’ai la chance exceptionnelle de pouvoir voyager beaucoup, et je me dis que ce serait quand même dommage de ne pas voir le monde, de ne pas sortir de la routine « salle, maison, salle, maison, déplacement ». J’essaye de voir autre chose, de m’imprégner des différentes cultures, c’est un enrichissement personnel. » Le discours paraît banal. Emprunt de bon sens. Sauf qu’il est assez rare dans la bouche d’un basketteur de métier. Les professionnels avouent volontiers être assez casaniers, qu’ils soient Américains en France ou à l’inverse, quand ce sont des nationaux qui s’exportent à l’étranger. Et Ali aurait apparemment toutes les raisons de l’être. « Le club sait prendre soin de ses joueurs ! J’ai un appart de 400 m², un premier étage, un sous-sol, trois salles de bain, trois chambres, j’ai même un sauna chez moi ! Donc ça va. » Depuis qu’il quitté l’Hexagone et l’ASVEL à l’été 2010, un titre de MVP français de la Pro A en poche, Ali Traoré n’a pas passé tout son temps sur Twitter ou à jouer à la console. Pourtant, ces deux activités d’intérieur lui plaisent beaucoup. Alors pour sa première année en dehors de France, « Bomaye » a mis les bouts pour Rome, la cité éternelle. La troisième ville la plus visitée d’Europe, derrière Paris et Londres, la capitale d’Italie. Tout invite là-bas à sortir de chez soi, à s’intéresser et à déambuler dans ce joyau culturel. Sur le papier Krasnodar, c’est une autre paire de manches. « Attends ! C’est vraiment une super ville ! »,

rectifie-t-il. « C’est très russe. Il y a des endroits très moches à côté d’endroits supers beaux. C’est vrai de toutes les villes russes, sauf Saint-Petersbourg où tout est beau ! Quand je suis arrivé, j’ai aussi pu voir un peu Moscou. J’ai un pote Français là-bas qui a pu me montrer un peu la ville, c’est magnifique. À Krasnodar, il y a tout ce dont on a besoin, des centres commerciaux, des supers restos, et puis c’est une grande ville, 2 de la taille de Lyon, donc il y a plein de choses à faire. Et le climat est très sympa, plutôt doux pour la Russie. En ce moment (début janvier) il fait 7 degrés, ce n’est pas la mort. Ce n’est pas Mariupol quoi. (Ali s’était déplacé là-bas avec l’ASVEL en janvier 2009 et en garde un souvenir glacé !) Krasnodar gagne à être connu, il y a la mer ici. L’été, il fait très très chaud, pratiquement 40 degrés. »

« J’ai un appart de 400 m , un premier étage, un soussol, trois salles de bain, trois chambres, j’ai même un sauna chez moi ! Donc ça va. »

Ça a tourné court à Rome

Mais au fait, avant de poursuivre la visite, comment Traoré a-t-il atterri là-bas ? Au départ, il avait signé pour trois ans en Italie. Après un an seulement à l’étranger, Traoré est-il déjà devenu un mercenaire ? « Pas du tout ! », s’insurge Ali. « Rien à voir ! À Rome, j’étais censé rester trois ans, mais ce n’était pas possible ! Je ne veux pas rentrer dans les détails parce que c’était une catastrophe. Mais je ne suis pas un mercenaire. Si j’étais arrivé dans un environnement correct, je serais resté sans problème. Je suis parti parce que je ne pouvais pas continuer comme ça. » En cours de saison dernière déjà, l’intérieur des Bleus avait fait remarquer le manque de professionnalisme du club italien. « Krasnodar est arrivé avec une proposition ferme, un projet, la perspective de travailler avec un nouveau coach qui n’est pas n’importe qui (Bozidar Maljkovic), mondialement reconnu. C’est l’Eurocup et un championnat russe très

« Je commence à parler russe, je connais les formules de politesse et je maîtrise deux ou trois insanités (Il rigole) Normal quoi, la base ! »


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Photos : Ali Traoré

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relevé, je me suis dit pourquoi pas. » Rapidement, c’est Jeremiah Massey, vieux routier du basket continental qui le prend sous son aile. « Un Américain qui resigne dans un club russe, tu sens tout de suite que c’est franchement bon signe ! » L’intérieur muni d’un passeport macédonien a découvert la ville la saison dernière et fait bénéficier à son camarade français des bons plans. Mais Ali aime aussi l’exploration en solo. « J’aime bien me perdre un peu pour apprendre à connaître la ville ! J’ai une voiture neuve, le club me l’a donné, il y a avait 70 kilomètres au compteur, boîte automatique. Une bonne auto-tamponneuse ! Après, je n’ai pas voulu de chauffeur parce je préfère me débrouiller tout seul, rouler un peu. Les routes sont très spéciales, mais apparemment, c’est la Russie ça. Sur certaines routes, t’as des espèces de cratères (rires), il faut prendre les petites rues ou faire des zigzags pour éviter les trous. Et puis la voiture est dégueulasse parce qu’il y a beaucoup de chemins de terre ! »

russe. » Pourtant, Traoré lui-même n’aurait pas parié au départ sur une adaptation aussi facile à son nouvel environnement. « J’avoue que j’avais un peu d’appréhension par rapport à la Russie. Je n’y étais jamais allé, même en coupe d’Europe. Je voyais que ce qu’on peut en voir à la télé… C’était ridicule. L’expérience permet justement de se rendre compte que ce qu’on voit à la télé, c’est souvent de la merde ! Les gens sont très sympathiques. Je fais ma vie, je fais mes courses tout seul, normal quoi. Bon, le club fait pas mal de campagnes publicitaires donc on voit ma gueule partout dans la ville. J’ai droit à du respect, les gens m’arrêtent dans la rue. Mais ça me gonfle quand on me parle de racisme en Russie parce que ce n’est pas ce que je vis. Après, je sais qu’en étant basketteur, je suis un privilégié. Les gens sont donc peut-être plus gentils. Mais j’ai parlé avec des étudiants africains qui bossent ici, ils sont très biens, ils n’ont aucun problème. J’ai parlé aussi avec des travailleurs qui bossent dans la salle où on joue, des ouvriers et même chose. On le sent quand on n’est pas le bienvenu, dans les regards, les attitudes. Ici, rien de tout ça. Parfois, je me dis qu’on devrait plutôt balayer devant notre porte. »

« Le club fait pas mal de campagnes publicitaires donc on voit ma gueule partout dans la ville. J’ai droit à du respect, les gens m’arrêtent dans la rue. »

Comme un poison dans l’eau

Au son de sa voix, c’est évident, Ali est heureux. L’âme slave lui convient parfaitement. Lui qui aime tenir un rôle un peu particulier dans un vestiaire – diffuseur d’ambiance, amateurs de blagues en tout genre – a rapidement trouvé auprès des joueurs autochtones un public conquis. « J’aime beaucoup mes coéquipiers russes, leur mentalité, j’accroche bien avec eux », précise Ali. « Je sors avec les mecs de l’équipe, on va au resto ensemble. » Comme en Italie, Traoré, un garçon intelligent et cultivé a tout de suite saisi l’importance de faire un pas vers la culture locale. Chez lui, ce n’est pas par calcul, mais par plaisir. « Je commence à parler russe, je connais les formules de politesse et je maîtrise deux ou trois insanités (Il rigole) Normal quoi, la base ! Non, je commence à me débrouiller pas trop mal. Je voulais prendre un prof, mais en fait, ce n’est pas possible comme on se déplace tout le temps, je ne peux pas avoir de cours fixe. Mais j’essaie d’apprendre sur le tas. J’ai réussi à apprendre l’Italien tout seul, je vais bien me débrouiller en

Le jour de l’An, incroyable !

Reste toutefois des particularités indéniables du pays. Quelques anecdotes assez croustillantes, des moments de décalages intenses. « Les Russes fêtent le jour de l’An, c’est incroyable, j’ai jamais vu ça ailleurs ! », nous explique par exemple Bomaye. « On m’avait prévenu que c’était spécial, mais là… Les mecs commencent à picoler à midi à la vodka et toute la nuit jusqu’au lendemain matin. Ça dure 24 heures quoi. Le premier janvier au matin, j’ai vu des mecs courir à poil dans la rue, d’autres passer en peignoir avec chaussures à crampons et faire un lap dance à un pote à eux, la musique à fond à 8 heures du mat’ ! Le centre ville, c’était une vision d’apocalypse, c’était détruit. Mais détruit bon enfant. Le lendemain, tout est revenu normal. La capacité du Russe à faire la bringue à mort et, tout de suite après, de revenir à la normale, c’est impressionnant ! » L’histoire retiendra qu’avec un entraînement le lendemain à 18 heures, Ali est resté sage et s’est couché tôt. « Entraînement du premier janvier, entraînement qui fait chier ! »


PORTRAIT • MAXI-BASKET 61 En fait, les anecdotes ne manquent pas. « L’histoire de la gonzesse sur le cheval à Saint-Pétersbourg, c’était dingue ! Après le match, on va se balader dans la ville. Et une femme nous suit avec son cheval. On ne sait pas trop ce qu’elle veut, on trouve ça bizarre, elle nous suit longtemps ! Et puis elle arrive, elle commence à nous parler mais on ne comprend rien. Je crois qu’elle avait capté qu’on était basketteurs et elle voulait prendre une photo avec nous. Pas de souci, sauf qu’elle voulait qu’on prenne la photo sur le cheval et moi, ce n’est pas du tout mon truc (rires). Ça a été compliqué de lui expliquer que je ne voulais pas, elle l’a très mal pris et c’est parti en embrouille bizarre. Ça a commencé à chauffer. Les Russes attachent beaucoup d’importance à la politesse. Et quand ils ont l’impression d’être sympas, ils n’aiment pas qu’on leur dise non (rires). Pour moi, c’était une catastrophe ce truc, le gros malentendu, l’incompréhension. »

Et sinon le basket ?

Heureusement, sur le terrain, pas de décalage culturel. « Il fallait que je gagne la confiance du coach, maintenant, c’est fait », note le pivot de l’équipe de France. « Niveau basket ça va, j’ai fait ma place. » En Eurocup notamment, jusqu’à présent, Traoré a été très bon (13,0 pts à 58,6% aux tirs, 8,4 rbds pour 16,4 d’évaluation en 23 minutes seulement). « Coach m’a dit qu’il m’a choisit parce qu’il pense que je n’ai pas encore atteint mon potentiel maximum. Il pense que je suis un bon joueur mais je peux être meilleur. Il m’attend sur deux choses : la course, il faut que je cours plus vite, que je sprinte pour avoir plus de paniers faciles et le rebond. Et on peut voir dans les stats que j’ai progressé au rebond. Il m’a d’ailleurs donné deux ou trois conseils qui m’ont permis de m’améliorer au rebond et je suis plutôt content de ça. Mais je ne peux pas donner mes petits secrets, sinon tout le monde peut être bon rebondeur ! Je sens que je progresse. Il veut aussi que je continue à engranger de la confiance sur mon shoot extérieur pour reculer petit à petit et pouvoir commencer à balancer à trois-points, d’ici un ou deux ans. » Sur le papier, en tout cas, par rapport à l’image qu’on se fait des deux bonhommes en France, il n’est pas du tout évident de penser que ça va coller entre les deux hommes. Mais entre le Boja de Limoges et un Ali encore parfois un peu boudeur à l’ASVEL, les deux hommes ont évolué. Et semblent s’être trouvés. « Coach n’est pas aussi dur que quand il était à Limoges (champion d’Europe en 1993) », assure le joueur. « Il m’a expliqué ça hier, on discutait : il a une réputation d’être super dur et froid, il l’est, mais il est vachement ouvert à la discussion aussi. Et pour lui, il se sentait obligé d’être extrêmement dur avec cette équipe de Limoges parce qu’il estimait ne pas avoir autant de talent dans cette équipe de Limoges qu’avec les autres équipes

qu’il avait eues. Il avait quelques joueurs talentueux comme Michael Young, mais à côté, il avait des joueurs de devoir et pour que l’équipe gagne, il savait qu’il lui fallait imposer une discipline militaire. On a vu qu’il avait raison. Mais en poussant la discussion, il me disait : il faut s’adapter à l’effectif qu’on a. »

8 heures de décalage sur le territoire russe !

« Ici, c’est plus cool que l’année dernière à Rome par exemple. Tout est contrôlé, très pro alors que l’année dernière, par moment, c’était aux limites de la folie.»

Et justement, comment est-il aujourd’hui ? « Il est dur, mais ce n’est pas non plus le camp militaire. Ici, c’est plus cool que l’année dernière à Rome par exemple. Tout est contrôlé, très pro alors que l’année dernière, par moment, c’était aux limites de la folie. Et puis, on a une quantité inimaginable de matches, ce qui sauve notre peau aux entraînements. Si on n’avait qu’un match par semaine, ce serait beaucoup plus chaud. Et encore, on a refusé la coupe de Russie. Parce que déjà, quand tu vas jouer un match en Sibérie puis un autre en Eurocup à Gran Canaria, tu le sens passer ! J’ai appris la notion de road trip, 10 jours à l’extérieur à enchaîner les matches. Je déteste ! C’est épuisant. On a des décalages horaires monstrueux à gérer comme on est en Russie, 3 heures par rapport à l’Europe de l’Ouest, 5 heures quand on va en Sibérie, c’est compliqué. C’est pire qu’en NBA, ils n’ont que trois heures de décalage sur tout le territoire ! Nous, la différence entre Moscou et la Sibérie, c’est 8 heures ! C’est immense, il faut s’y faire ! Par exemple, les équipes essayent toutes les solutions pour ne pas être K.-O. au moment des matches. Il y a celles qui jouent direct en descendant de l’avion, d’autres arrivent le plus tôt possible, parfois une semaine avant… Il n’y a pas de recette miracle pour moi. » Après, niveau motivation, Ali n’a pas à chercher bien loin un supplément d’envie cette saison. Après une campagne en équipe de France qui lui procure encore des frissons en y repensant, il a toujours le maillot bleu à l’esprit au moment de pénétrer sur le parquet. « Quand je joue, je garde toujours les Jeux dans un coin de la tête, en me disant : faut que j’y sois, faut que j’y sois ! Il ne faut pas que je tire des plans sur la comète mais c’est le rêve. Pendant la cérémonie d’ouverture, si j’y suis, si vous ne me voyez pas chialer devant la caméra, c’est qu’il y a un problème ! » On lui souhaite donc ces larmes. En attendant, il reste une saison à finir. En Russie.●


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DAN S L’UŒTIL S DES SCO

ALDEMIREXPRESS LE JEUNE INTÉRIEUR DE GALATASARAY (2,07 M, 20 ANS) EST ENCORE BRUT DE DÉCOFFRAGE MAIS SA GRANDE FORCE, LE REBOND, LE REND DÉJÀ EFFICACE EN EUROLEAGUE. ELLE PEUT L’AMENER TRES HAUT.

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Par Antoine LESSARD

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omment diable font-ils ? Comment les Turcs se débrouillent-ils pour sortir chaque année un golgoth des raquettes, calibré pour le très haut niveau européen ? On exagère à peine. Le dernier spécimen, Furkan Aldemir, est sorti de nulle part ou presque. Du Pinar Karsiyaka d’Izmir précisément, où il a joué ses trois premières saisons pros dans un anonymat certain avant de débarquer à Galatasaray l’été dernier. Le 9 novembre dernier, le jeune homme a signé son premier double-double en Euroleague dans la salle de Ljubljana. 18 points, 11 rebonds, 28 au ranking. À 20 ans. Bien sûr, Aldemir n’est pas un monstre de précocité du calibre d’Enes Kanter (né en 92), son compatriote des Utah Jazz. Il n’est pas non plus un extra-terrestre façon Nikola Mirotic, l’ailier-fort du Real, lui aussi né en 1991. Il n’empêche qu’au

moment de démarrer le Top 16, Aldemir était rien moins que le troisième meilleur jeune de l’Euroleague au ranking, derrière Mirotic, donc, et le Lituanien Motiejunas (Prokom Gdynia, né en 90). Pas mal pour UN joueur pratiquement inconnu en début de saison, si ce n’est des spécialistes des catégories de jeunes. Ces derniers n’ont pas raté son passage lors du dernier Euro espoir. Élu dans le meilleur cinq du tournoi, Aldemir a fait étalage de sa science du rebond. À Bilbao, il a battu deux fois le record de rebonds de l’histoire de la compétition. 23 contre la Russie, 25 contre l’Allemagne, et bouclé l’Euro avec 15,9 prises en moyenne (en plus de ses 14,8 pts à 51,7%). Son surnom était tout trouvé : Monsieur Rebond. « Cela m’a fait plaisir. C’est sympa pour un jeune joueur d’hériter d’un surnom comme celuici », a-t-il confié sur euroleague.net. « Je sortais

d’une blessure sérieuse et j’espérais retrouver mon niveau dans ce tournoi. Cela m’a beaucoup aidé mentalement d’entendre cela. »

Un gros moteur Les prédispositions physiques du Turc ne sautent pas aux yeux. Pas bien épais ni doté d’une détente fantastique, Aldemir possède en revanche d’autres attributs très intéressants. Une bonne vitesse de pied, une capacité à décoller très vite, et ce, à plusieurs reprises. Surtout, Aldemir est un formidable energizer. Contraste étonnant pour ce jeune homme, à la personnalité réservée. « Il a été élevé dans une famille très conservatrice et très pieuse. Il a ce côté Docteur Jekyll / Mister Hyde, comme s’il libérait toutes les frustrations issues de son éducation sur le terrain », nous explique notre confrère turc, Kaan


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Furkan ALDEMIR (GALATASARAY)

Repères • Né le 9 août 1991 à Izmir • Turc • Taille : 2,07 m • Poste : Ailier-fort • Clubs : Pinar Karsiyaka (200711), Galatasaray (2011-12).

• Palmarès : médaillé de bronze à l’Euro U18 en 2009.

• Ses stats en Euroleague’11 : 7,1 pts à 60,5%, 75,0% LF, 4,7 rbds, 0,4 co, 9,6 rkg (9,9 d’éval) en 16’ (après la saison régulière) • Stats en Turquie’11 : 8,2 pts à 59,4%, 55,8% LF, 5,5 rbds, 0,8 co, 11,4 d’éval en 18’ (après 14 journées)

25 rebonds contre l’Allemagne à l’Euro U20

Kural. « Son moteur ne s’arrête jamais. Il pourrait jouer 80 minutes. Si besoin, Il est capable de prendre 3 ou 4 rebonds sur la même action. Sa vitesse de déplacement latérale et verticale combinée à un excellent timing en font un pilier au rebond. » Furkan a aussi cette science du placement sous le cercle, qu’il explique avoir travaillé en regardant l’un de ses joueurs favoris, le pivot du Magic, Dwight Howard. En cela, il n’est pas sans rappeler un certain Mirsad Turkcan (Fenerbahçe), le meilleur rebondeur de l’Histoire de l’Euroleague, en dépit d’une taille relativement modeste (2,06 m). Si, statistiquement, Aldemir est encore à des années lumières de son aîné, avec ses 4,7 rebonds de moyenne en Euroleague

(41e rang), le potentiel est évident. Il est le 5e rebondeur à la minute de la compétition.

« Son jeu offensif est très basique »

Voilà pour le gros point fort du garçon. « D’un autre côté, son jeu offensif est très basique, pour ne pas dire plus », décrit Kaan Kural. Bien que très expérimenté pour son jeune âge, avec ses 85 matches joués en ligue turque, Aldemir est encore brut de décoffrage. « Son jeu en un-contre-un est très pauvre, son range (distance de shoot) est très très court. Mais c’est un gros travailleur. Dos au panier, il est au niveau 1 sachant qu’il était au niveau 0 l’année dernière. Il a progressé à la passe et il commence à montrer les

prémices d’un hook shot. » Ceci explique pourquoi Aldemir ne s’impose pas davantage dans la rotation intérieure de Galatasaray, composée de Darius Songaila, Luksa Andric et Cevher Ozer. Le Turc a encore deux ans pour être drafté. Pas sûr cependant que son profil physique et technique intéresse autant les franchises NBA que ceux des Okur, Asik, Kanter, Erden et Ilyasova. En revanche, Aldemir paraît bien calibré pour l’Euroleague et devrait rendre service à l’équipe nationale dans quelques années. Peut-être dès les qualifications pour l’Euro 2013. « C’est un grand espoir mais tant qu’il n’aura pas porté le maillot de l’équipe nationale, il n’atteindra pas le statut de héros national qu’Enes Kanter a atteint », dit Kaan Kural. « Une génération de joueurs est sur le point de prendre sa retraite, donc il est le futur de cette équipe, c’est certain. » l


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STEPHON MARBURY ET LA CHINE

QUAND STARBURY DEVIENT

MABULI Par Yann CASSEVILLE

China Fotopress via Getty Images

Curieuse trajectoire que celle embrassée par le double AllStar NBA. Devenu persona non grata dans la grande ligue, où il avait pété les plombs, Stephon Marbury a trouvé refuge en Chine en 2010. Deux ans plus tard, « Starbury » le paria est devenu « Mabuli » l’adoré.


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« Avant qu’il ne parte il était en train de perdre son esprit » Bill Duffy, agent

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onnaissez-vous la série télévisée américaine Prison Break ? Le héros parvient à s’évader d’une prison grâce à ses tatouages, qui représentent les plans de la maison d’arrêt. Stephon Marbury également a des pans de sa biographie inscrits à même ses membres. Une mémoire dans la peau. Lui aussi, il a marqué à l’encre sa porte de sortie, son échappatoire. Sur son avant-bras figurent des signes chinois : « Ma-Bu-Li » (son nom en Asie) puis un cœur suivi de « CHINA ». L’Américain a désormais la Chine dans le cœur et sur la peau. Dans l’Empire du Milieu, celui qui était auparavant au milieu de nulle part, parfois délirant et délirant trop souvent a trouvé un refuge. Une issue de secours. « Il y a deux ans, personne ne voulait m’approcher. Man, la Chine a tout changé pour moi. Tout », confiait-il récemment à un journaliste de GQ. « Les fans là-bas m’ont montré tant d’amour. Ils m’ont donné une seconde chance. » Impensable quelques années plus tôt.

« S’il reste 10 jours… »

2009 aux États-Unis. Stephon Marbury est un paria. Il y a bien longtemps que le gamin de Coney Island, le prodige de Brooklyn façonné par ses frères dans un moule de meneur idéal pour sortir la famille de la misère ne fait plus fantasmer la NBA. Des points, des sélections au AllStar Game, mais trop de mauvais choix. Trop ingérable, trop égoïste. Minnesota, New Jersey, Phoenix, jamais il ne réussit à mener son équipe vers les sommets. Pire, à New York, sa ville, il se met une franchise et une organisation à dos. Jouer pour les Knicks était son rêve, Marbury le voit se transformer en cauchemar. Il termine la saison 2008-09 aux Celtics. Ailleurs. Une histoire d’adultère, le décès de son père, il n’encaisse plus. Durant l’été, il publie volontairement sur Internet des vidéos le montrant dans son quotidien qui part à vau-l’eau. Devant sa caméra il chante, il danse, il mange de la vaseline, il débite des absurdités. Vilipendé par la presse, le meneur n’a plus rien d’un All-Star. Boston lui propose un contrat pour 2009-10 pourtant il décline l’offre. Marbury opte en janvier 2010 pour un rebond renversant en rejoignant le championnat chinois, la Chinese Basketball Association (CBA), au sein du club des Shanxi Zhongyu. En quête de rédemption. Ce départ est considéré comme une ineptie passagère. « Le choc culturel est énorme », commente Bruce O’Neil, président de l’US Basketball Academy, organisation qui a placé bon nombre de joueurs en CBA. « S’il reste dix jours, je serai surpris. » O’Neil a eu 700 occasions de se pincer ou de se frotter les yeux. 700 jours plus tard, Marbury se réveille toujours chaque matin de l’autre côté du Pacifique. « Avant qu’il ne parte il était en train de perdre son esprit », explique son agent d’alors Bill Duffy au New York Times. « Il avait besoin d’un endroit où les gens ne le connaissaient pas et où il pourrait être une personne ordinaire mais toujours en restant basketteur. » Persona non grata aux États-Unis, Marbury trouve en Chine le moyen de relancer ses deux seules occupations : le basket et le projet né en 2006, Starbury, marque de vêtements et de chaussures à bas prix – 15 dollars, volonté du joueur en souvenir des années où ses potes et lui, sans le sou, arpentaient les playgrounds avec des baskets usées. À Shanxi, Stephon tire une croix sur les salaires mirobolants (jusqu’en 2010 les clubs de CBA avaient droit à deux étrangers pour qui le salaire cumulé ne pouvait excéder

60.000 dollars mensuels) mais le deal est conçu pour devenir gagnant-gagnant. Marbury a pour mission de sortir le groupe des profondeurs du classement et le mener en playoffs ; de son côté Wang Xinjiang, propriétaire du club, magnat de l’acier dont la fortune est estimée en 2008 à 260 millions de dollars par Forbes, promet d’investir 2,2 millions dans Starbury – marque à l’arrêt depuis que Steve and Barry’s, la chaîne qui devait produire les vêtements, est tombée en liquidation en 2008. Au sujet de la Chine, il avoue « ne pas connaître grand-chose à part les reportages télé »… concernant Yao Ming !

« Si vous voyez un oiseau »

Sa signature en CBA tout juste officialisée, l’euphorie envahit les Chinois amateurs de balle orange. 1 000 paires de Starbury instantanément vendues : le public asiatiaque adule l’Américain. En dépit des performances individuelles de haut vol de son meneur (22,9 pts et 9,5 pds de moyenne, MVP du All-Star Game) Shanxi ne rallie pas les playoffs. Le soufflé ne retombe pas, « Mabuli » est sans cesse arrêté par les badauds, pour une photo, un autographe. Lassant ? « Non. Tu ne sais jamais quand le jour viendra où les fans ne t’arrêteront plus. » Il demeure idôlatré, en témoigne l’anecdote racontée par le journaliste de GQ au cours de son séjour avec le joueur. Un après-midi, les deux hommes décident de s’offrir un massage. L’une des professionnelles chinoises ne put masquer son exaspération de palper le corps du reporter plutôt que celui du basketteur. « Elle exprima plusieurs fois sa frustration en me tirant les cheveux », écrit le journaliste. Marbury annonce prolonger de trois ans au club des Dragons. Il s’est fait à Taiyuan, la ville du club (4 millions d’habitants, capitale de la province de Shanxi), cité industrielle parfois qualifiée de shithole où les centrales à charbon prolifèrent… mais pas les oiseaux. « Si vous en voyez un, dites-le moi », souffle le meneur à GQ. « Il faut s’habituer. Vraiment, ça n’est pas trop mal, à part ça », dit-il en montrant l’horizon gris, toujours gris. « Et ça. » Il pointe sa main vers sa bouche, soulignant les haut-le-cœur que lui apportent la nourriture asiatique. « Quand je suis arrivé ici, les deux premières semaines, je voulais me tuer. Mais maintenant je n’y pense plus. » À l’intersaison, au cours d’un repas avec la direction, la conversation concerne d’abord l’hôtel – Stephon en exigeant un aussi luxueux que le World Trade, 5 étoiles, où il a passé ses premiers mois alors que ses coéquipiers sont logés à la périphérie de la ville – puis le développement de Starbury. Ensuite seulement arrive le sujet du basket. Le club parle de top 8 pour son équipe, classée 14e auparavant. Marbury lève l’index : « Number one. » « Vous promettez le top 8 ? », poursuit Cindy, l’interprète. « Ne vous inquiétez pas », sourit Stephon. Le staff tient à savoir si leur meneur s’est maintenu en forme durant l’été. Marbury hoche la tête en signe d’approbation. « Tous les jours ? », s’encquiert Cindy. « Écoutez, tout ce que vous avez à savoir est ceci : quand viendra le 10 décembre (début de la saison de CBA, qui court jusqu’en mars, ndlr), je serai prêt. » Pourtant en présaison, alors que ses coéquipiers suent deux fois par jour sur les parquets, lui s’adonne à des journées de repos, en trois temps : le déjeuner, McDonald’s, Subway ou Pizza Hut, puis des séances de massage, des siestes, et voilà qu’arrive l’heure du dîner. À l’aube de cette deuxième saison, le club et le joueur


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vont au clash. Comme toujours avec Marbury, lui crie au complot tandis que Shanxi stigmatise les caprices de sa star. Le divorce est prononcé. « Je sais ce que les gens vont dire : Stephon a été en Chine, il a foiré », anticipe l’intéressé, obnubilé par une idée de revanche sur le passé. Effectivement certains sites américains font leurs choux gras de ce nouvel échec du paria : « Cachez vos vaselines, cachez vos webcams, Stephon Marbury est sur le chemin du retour aux États-Unis », peut-on lire sur Black Sports Online. Pourtant l’Américain ne reprend pas l’avion. « Moi je connais la vérité. Je vais aller à Pékin trouver une autre équipe. » Il se dégote effectivement une nouvelle niche en CBA, pas dans la capitale mais à Foshan, ville de la province de Guangdong. « C’est comme la Floride ici ! Soleil, ciel bleu ! Je suis heureux, content. J’ai atterri. Sur les deux pieds. » En saison, « Mabuli » aligne les cartons (25,2 pts et 5,7 pds, 2e sélection au All-Star Game) mais Foshan n’atteint pas les playoffs.

« J’ai eu beaucoup d’argent mais… »

2011. Le New-Yorkais entame sa 3e saison asiatique dans un 3e club. Oubliée la grisaille de Taiyuan, terminé Foshan, Marbury s’engage avec les canards de Pékin, les Beijing Ducks ; la capitale, la ville qu’il espérait depuis son arrivée en Chine. Le salaire est conséquent (il varie selon les médias de 100.000 dollars mensuels à 1,4 millions annuels), le chauffeur à disposition, l’appartement dans un quartier chic de la capitale, le voisin son coéquipier ex-NBAer Randolph Morris. Pourtant cette saison tout semble avoir changé. Le basket est revenu au centre des conversations. La star a effectué la préparation avec ses coéquipiers et les Beijing Ducks occupaient la 2e place après 25 journées grâce au meilleur départ de leur histoire (14v-0d). Le meneur parle de titre, de collectif, ses coéquipiers louent ses qualités de passes. Il a entrepris d’apprendre la langue nationale, a aidé ses compatriotes J.R. Smith et Wilson Chandler à s’intégrer, a accueilli sa femme et leurs trois enfants plusieurs semaines cet hiver, où ils ont passé Noël à Tokyo. Il a réalisé le rêve de Yuanyuan, fille de 11 ans à l’hôpital car atteinte d’un rare cas de leucémie, en lui rendant visite le 13 novembre, jour de son anniversaire. « Je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer alors je l’ai prise dans mes bras pour ne pas qu’elle voit mes larmes. » Il a promis à Yuanyuan que tant qu’il serait en Chine, il passerait chaque 13 novembre à ses côtés. L’ancien paria est devenu un apôtre de l’amour. Enfin épanoui, presque apaisé. « Neuf personnes sur dix pensent qu’avoir gloire et fortune signifie avoir moins de problèmes et être heureux. Ce n’est pas vrai. Oui, j’ai eu beaucoup d’argent (plus de 150 millions de dollars en NBA, ndlr) et je vivais bien. Mais je n’avais pas la tranquilité de l’esprit. » Les fantômes du passé ne l’ont pas totalement quitté. Il dit avoir tiré un trait sur la NBA, « trop fausse », mais ne retient pas toujours ses mots, contre ESPN, les médias en général,

« Quand je suis arrivé ici, les deux premières semaines, je voulais me tuer »

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la grande ligue : « La NBA ne me contrôlera plus comme ils contrôlent les gens comme LeBron James et d’autres. Je n’aurais jamais embrassé leur cul pour la célébrité. » Stephon tient une chronique hebdomadaire dans le quotidien China Daily. « C’est bon quand vous pouvez raconter votre propre histoire. » Une obsession : rétablir la vérité ou plutôt établir la sienne. « Je ne suis pas celui qu’ils disaient que j’étais » : telle est l’accroche de son Twitter.

« Je veux créer ma ville »

Cette image nouvelle est-elle montée de toutes pièces ? « Rien dans sa manière d’être n’indiquait une stratégie. Il donnait l’impression de quelqu’un qui désespère d’oublier les haters et veut voir seulement un monde rempli de nouveaux amis », écrit le reporter de GQ. Son havre de paix, le kid de Brooklyn, même s’il a gardé de Big Apple son « sang orange et bleu » ainsi qu’une maison, assure qu’il ne le quittera pas. « Ce n’est pas temporaire, c’est pour de bon. Je n’étais pas venu ici pour le basket, j’étais venu pour me reconstruire. Je vais prendre ma retraite en Chine. » Son parcours n’incite pas à croire ses promesses. Et s’il avait changé ? Après tout, c’est bien cet Américain qui se goinfrait dans les McDo de Taiyuan qui, incité par Yuanyuan, s’est laissé aller à son premier sushi. « Mabuli » voit son avenir en très grand. « Je veux créer ma ville (en Caroline du Sud). Je dirai à tous les gens de Coney Island de venir dans leurs nouvelles maisons. » Chacun deviendrait un « membre de la famille », un « employé de Starbury ».

« Je n’étais pas venu pour le basket, j’étais venu pour me reconstruire » Fou, Marbury ? Désespéré ou déséquilibré ? Son coéquipier à Phoenix Casey Jacobsen l’a décrit comme « inoubliable » dans SLAM. Parfois déroutant : au cours d’un déplacement, Stephon explique à Casey que la femme avec qui il parlait avant de prendre l’avion est une amie… actrice de films pour adultes, et montre un DVD des dernières performances de la demoiselle – dédicassé s’il vous plaît. « Tu veux regarder ?, m’a-t-il demandé avec un grand sourire. Non merci. Ensuite il a mis le disque dans son ordinateur et a regardé le film comme si c’était juste un épisode de 24 », raconte Jacobsen. Le rookie est entré en NBA avec la peur de Marbury, le dingue, le pétard ambulant ; après leur première rencontre, Casey dit avoir été rassuré par « ce mec normal » qui ne correspondait en rien en « la personne imaginaire qu’il avait construite ». Ainsi Jacobsen conclut sa chronique : « Vous pouvez avoir votre propre opinion sur Stephon Marbury. Vous pouvez vous baser sur le comportement dérangeant qu’il a retransmis en direct ou sur le fait qu’il a donné plus de 500.000 dollars aux victimes de Katrina et qu’il a reçu trois fois le prix « Good guys in Sports » de Sporting News. Je vous laisserai décider. Il y a une chose que je sais : Stephon ne se soucie pas de ce que vous pensez de lui. Il ne veut simplement pas être oublié. Pour moi, ça serait impossible. » Un roman de l’auteur chinois Glen Cao, tiré de l’expérience personnelle de l’écrivain, qui a quitté Pékin pour New York, s’intitule A native of Beijing in New York, aussi connu sous le titre Beijinger in New York. Peut-être Stephon Marbury a lu cet ouvrage. Peut-être alors que, dans une maison à Starbury, sa ville, écrira-t-il un jour sa biographie : Un NewYorkais à Pékin. Dans son obsession de raconter son histoire à sa manière. Et pour ne pas que « Mabuli » tombe dans l’oubli. l

Repères • Né le 20 février 1977 à Brooklyn (New York, USA)

• Américain • Taille : 1,87 m • Poste : Meneur • Clubs : Georgia Tech (NCAA, 1995-96), Minnesota Timberwolwes (NBA, 1996-99), New Jersey Nets (NBA, 1999-01), Phoenix Suns (NBA, 2001-04), New York Knicks (NBA, 2004-09), Boston Celtics (NBA, 2009), Shanxi Zhongyu (Chine, 2010), Foshan (Chine, 201011), Beijing Ducks (Chine, 2011-…) • Palmarès : All-Star NBA 2001 et 2003, médaillé de bronze aux J.O. 2004 • Stats’12 : 25,0 points à 56,0%, 5,4 rebonds et 6,7 passes en 35 minutes


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Nathaniel S. Butler/NBAE via Getty Images

« Je n’aurais jamais embrassé le cul de la NBA pour la célébrité »


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LES GRANDS CLUBS EUROPÉENS

ÇA, C’EST DE LA TRADITION ! UN PEU D’HISTOIRE

UN ÉTRANGE ACHAT

ondé en 1936, l’Olimpia a commencé à se montrer sur la scène européenne en 1964, avec une demi-finale de C1 (Euroleague) perdue contre le Real Madrid. Deux ans plus tard, les Milanais terminent le travail en venant à bout du Slavia Prague, à Bologne (7772), notamment grâce à Bill Bradley, futur champion NBA avec les Knicks et futur sénateur, à ce moment-là étudiant à… Oxford mais désireux de faire le voyage chaque semaine pour jouer avec l’équipe italienne ! Nouvelle finale de C1, perdue celle-là, en 1967, contre le Real (83-91). Les années 70, qui appartiennent à Varese, sont celles de la C2 (Coupe des Coupes) pour Milan : trois titres (71, 72 et 76) dont le dernier contre l’ASPO Tours. En 1983, nouvelle finale de C1 perdue contre Cantu, à Grenoble (68-69). Mais en 1987 puis 1988, le Tracer règne sur l’Euroleague, en battant deux fois le Maccabi Tel-Aviv en finale (71-69 puis 90-84), autour de Mike d’Antoni, Roberto Premier, Dino Meneghin et Bob McAdoo. Depuis, pas grand-chose à se mettre sous la dent en Euroleague, si ce n’est un Final Four en 1992 et un Top 16 en 2009. l

iuseppe Stefanel, patron de la société de prêt-à-porter du même nom, est un homme patient mais il y a des limites. Lorsqu’il achète le club de basket de Trieste, en 1984, il veut gagner. Mais ça ne vient pas. La finale de coupe Korac perdue en 1994 (contre le PAOK Salonique) ne le satisfait pas. Alors à l’été 1994, il rachète l’Olimpia Milano, lui accole son nom comme sponsor, bien évidemment, mais il prend aussi soin de « transférer » l’équipe de Trieste à Milan. Pas tout le monde, bien sûr, mais l’essentiel des forces vives. Et quelles forces vives ! Ainsi, passent de Stefanel Trieste à Stefanel Milan MM. Dejan Bodiroga, Gregor Fucka, Nando Gentile, Sandro De Pol et Davide Cantarello. Sans oublier l’entraîneur, Boscia Tanjevic ! C’est avec cette base de joueurs que l’Olimpia perd deux finales de Korac de plus (1995 contre l’Alba Berlin et 1996 contre Efes Pilsen Istanbul) mais remporte enfin le titre italien, son dernier en date, en 1996, en battant la Fortitudo Bologne (3-1). l

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BIENVENUE AU FORUM UNE VRAIE SUPERSTAR

BOB LE MAGNIFIQUE

Euroleague

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agic Johnson a beau s’être moqué de lui dans son autobiographie, pour sa propension à se vanter – c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! – Robert McAdoo, dit Bob, a un CV à faire baver d’envie 99% des joueurs dans l’Histoire de la NBA. De fait, le natif de Greensboro, en Caroline du Nord, est sans doute l’Américain le plus prestigieux passé en Europe, en tous cas celui avec le background le plus ronflant. Avant de poser ses valises à Milan, en 1986, cet ailier-fort de 2,06 m doté de tous les talents, y compris un shoot dans le périmètre dévastateur, avait été choisi en deuxième position de la Draft 1972, derrière un certain LaRue Martin (c’est-à-dire personne), avait raflé le titre de Rookie of the Year en 1973, puis celui de MVP (carrément !) en 1975, grâce à des statistiques que l’on qualifiera de replètes (34,5 points et 14,1 rebonds !), qui avaient permis de semer Kareem Abdul-Jabbar, couronné avant lui… et après lui. Celui qui est aujourd’hui assistant d’Erik Spoelstra à Miami compte également trois titres de meilleur marqueur NBA (1974, 75 et 76), tout cela avec les Buffalo Braves. Il avait ensuite évolué aux Knicks, aux Celtics, aux Pistons, aux Nets, aux Lakers et aux Sixers. Avec LA, il avait remporté deux titres de champion (1982 et 85), qui ajouteront à sa « légende » et lui permettront d’être intronisé au Hall of Fame en 2000. Bref, c’est un monstre qui a évolué à l’Olimpia entre 1986 et 1990, conduisant le club lombard à deux Euroleague, trois Lega et une Coupe. McAdoo tourna par exemple, en Euroleague, à 29,8 points en 1988. Il compila 46 points en deux finales. Il termina sa carrière à quasi 42 ans à Fabriano, après une escale à Forli. l

L’Olimpia dispute ses matches à domicile au Mediolanum Forum, du nom de la banque d’affaires qui l’exploite. Cette salle a, auparavant, été connue sous les appellations de Forum di Assago, puis Datch Forum puis Fila Forum. L’enceinte, située à Assago, une petite ville des environs de Milan, a été inaugurée en 1990 et l’Olimpia y a pris ses quartiers à cette époque. En configuration basket, elle peut accueillir jusqu’à 12.000 spectateurs. l

NOTRE HALL OF FAME Premier cinq Mike D’Antoni

1977 à 1990

Roberto Premier

1981 à 1989

Dejan Bodiroga

1986 à 1990

Bob McAdoo

1994 à 1996

Dino Meneghin

1981 à 1990 et 1993 à 1995

Deuxième cinq Sasha Djordjevic

1992 à 1994 et 2004-05

Antonello Riva

1989 à 1994

Bill Bradley

1965-66

Danilo Gallinari

2006 à 2008 et 2011-12

Gregor Fucka

1994 à 1997


Par Fabien FRICONNET

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ÉPISODE 4

OLIMPIA MILANO CETTE SAISON

DANS LE DOUTE

L

’Olimpia a pris le Top 16 de l’Euroleague 2012 en pleine face. Pour l’ouverture, au Forum, Sergio Scariolo et ses hommes ont reçu une jolie fessée de la part du Panathinaikos (57-78), et encore l’addition aurait-elle pu être plus lourde, l’écart ayant excédé les 30 points à un moment. Milan était privé, il est vrai, de son meilleur marqueur, Malik Hairston, blessé a priori pour l’essentiel du Top 16. Mais la gifle fait m a l ,

d’autant qu’elle est consécutive à trois défaites de rang en championnat qui ont repoussé Milan à un bilan de 10-6, qui vaut toujours une deuxième place (ex aequo) mais qui offre un confort certain à Sienne au sommet. L’objectif est pourtant de détrôner enfin la Montepaschi. Le recrutement avait en tous cas été imaginé pour cela, avec les arrivées prestigieuses de Scariolo, Hairston, Drew Nicholas, Omar Cook et des vedettes grecques Yannis Bourousis et Antonis Fotsis. Evidemment, cette équipe-là avait, sur le papier, plus d’ampleur avec Danilo Gallinari, reparti en NBA

après sept matches d’Euroleague, mais l’Olimpia s’est tout de même qualifié au Top 16 sans sa star en remportant ses deux derniers matches, contre Charleroi et surtout au Partizan Belgrade. Depuis, c’est le doute… l

HISTOIRE DE SPONSORS • Avant de céder sa place dans la hiérarchie à la Liga, la Lega, surnommée « Spaghetti Circuit » jusqu’au tournant des années 90, était la ligue numéro 1 en Europe et avait impulsé ce qui est aujourd’hui un mouvement de fond : le nom du sponsor qui remplace le nom historique du club. Milan n’y a pas fait exception, bien au contraire. Dans son histoire, l’institution lombarde s’est appelée Borletti, Simmenthal, Innocenti, Cinzano, Billy, Simac, Tracer, Philips, Recoaro, Stefanel, Sony, Adecco, Pippo, Breil, Armani Jeans et désormais EA7 Emporio Armani.

LE CHIFFRE

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• Comme le nombre de club(s) qui arrive(nt) à la cheville de Milan en termes de championnats d’Italie remportés. Avec 25 trophées, l’Olimpia est très loin devant la Virtus Bologne, et ses 15 titres (quand même). Suit Varese et ses dix succès. Sienne est à six… Zéro comme le nombre de défaite(s) de l’Olimpia lors de la saison 1962-63. Cette année-là, le « Simmenthal » remporte ses 26 matches de la saison régulière (les playoffs n’ont pas encore été instaurés). Une performance unique. On notera d’ailleurs qu’entre 1956-57 et 1966-67, l’Olimpia ne perd que 25 des 250 matches qu’il dispute en Lega.

PALMARÈS

Ioannis Bourousis, Malik Hairston et Stefano Mancinelli.

Photos : Luca Sgamellotti/EB via Getty Images

• 3 Euroleague : 1966, 1987 et 1988 • 3 « Coupes des Coupes » (C2) : 1971, 72 et 76 • 2 « Coupe Korac » (C3) : 1985 et 1993 • 25 Lega : 1936 à 39, 1950 à 54, 1957 à 60, 1962, 63, 66, 67, 72, 82, 1985 à 89 et 1996 • 4 Coupes d’Italie : 1972, 86, 87 et 96

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ISABELLE YACOUBOU à Valencia

SAISON

HORS NORME

UN PHYSIQUE ATYPIQUE, UNE CARRIÈRE AU TOP. ISABELLE YACOUBOU ÉVOLUE DANS LES HAUTEURS DU BASKET FéMININ, AUX CÔTÉS DES PLUS GRANDES : DANS LA DREAM TEAM DE Valencia.

Cipriano Fornas/FIBA Europe

Par Claire PORCHER


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À

son arrivée à Tarbes, Isabelle marque les esprits. pour travailler. Comme à Schio, le confort des structures et Polina Tzekova, son ancienne coéquipière, se l’encadrement d’un des clubs les plus pro en Europe font la souvient : « Quand je l’ai vue la première fois, je différence. Essentiel pour elle, compte tenu de son physique me suis retournée vers les dirigeants en leur disant : Où atypique, point fort fragile, sujet aux blessures. « J’ai des vous avez trouvé ça ? » Impressionnée par son physique, la trucs que tout le monde n’a pas, c’est un peu bizarre, mais double MVP étrangère a eu « un coup de foudre pour elle ». c’est comme ça ! En club, ils apprennent à faire avec, il y « Ça se voyait qu’elle avait quelque chose. Je disais aux a une vraie communication entre le staff médical et nous journalistes : Cette fille-là, elle va aller très loin. Je suis à Valencia. On aménage le temps, tout est complètement contente de ne pas m’être trompée ! » François Gomez, personnalisé », explique la pivot d’1,90 m. Et elle est dans ancien coach de Tarbes (champion’10) se souvient aussi qu’à une équipe où on ne la sollicite pas à outrance comme c’était son arrivée au club (décembre‘07), il avait été frappé par parfois le cas à Tarbes, son corps apprécie. « Si on pouvait ses « qualités mentales et sa volonté de revenir au meilleur lui greffer des jambes toutes neuves elle serait contente ! niveau », alors que la jeune femme revenait d’une longue Car elles ont dû surmonter des efforts et de la charge. blessure au genou contractée lors de l’Euro. « On m’avait Malgré son âge, elle a un peu tiré sur la machine », analyse parlé de quelqu’un d’un peu laxiste, ça n’a pas du tout été François Gomez. « La gestion de son physique et la santé le cas. » Il a vu Isabelle se transformer, « devenant un pivot c’est omniprésent pour elle ça l’a été très tôt et ça va l’être incontournable, dominant dans notre championnat. J’ai de plus en plus, les saisons passant, ça va être de plus en tellement entendu dire du mal de gens qui ne la connaissent plus dur. » Alors Isabelle a appris à gérer son corps, surtout pas. Mais c’est quelqu’un d’engagé, qui fait tout le temps en pré-saison. le maximum. » Comme les titres, Isabelle a gagné la reconnaissance. Prête pour sortir les crocs Avec l’expérience, elle s’est forgée un solide mental. Sa À Valencia, sa préparation a été idéale, sans blessure et décision de sortir de son confort tarbais (après un titre de avec une compétition internationale bouclée mi-juillet. champion de France’10) et de rejoindre de fortes ligues « Les résultats sont là, je n’ai jamais vraiment eu de prédans d’ambitieuses équipes est déterminante. Loin des saison avant ça. Cette année, je suis arrivée en septembre siens, le prix à payer pour avancer. « Il arrive un moment où pour un début de compétition le 15 octobre. Le travail en on aimerait bien voir d’autres championnats. À Tarbes, on prépa, en muscu, c’est vrai que ça se voit sur le terrain ». connaît son histoire, ça reste notre petit bébé mais il fallait Avec un programme très personnalisé, Isabelle a gagné en la voir comme une grande joueuse », explique Polina. masse musculaire et en mobilité : « Je perds du poids mais pas du muscle, c’est super positif. » « J’ai trouvé un sacré changement dans sa morphologie, tu le vois très bien, elle Une préparation au top « Cette volonté, cette ambition, c’est l’un de ses points forts », est vachement affinée, elle a encore plus de muscles, elle explique François Torres. « C’est quelqu’un qui se satisfait paraît légère », confirme Polina. rarement », ajoute-t-il. Dans une équipe au niveau aussi « Il faut remercier ses parents, de lui avoir donné tous ces élevé que celle de Valencia, Isabelle a prouvé son esprit de outils ! » s’exclame François Gomez. Si son physique est sa compétition et a eu son rôle à jouer dès le début de saison. première arme, Isabelle laisse aussi exprimer à Valencia En ligue espagnole, elle tourne à 15,8 points (61,2%) et 7,4 sa technique, sa maîtrise du cercle. « Elle peut vraiment rebonds en 21 minutes alors qu’en EuroLeague, elle compile dominer le jeu intérieur. Mais elle n’est pas que très forte 9,8 points (51,2%) et 5,3 rebonds en 19 minutes. Actrice et non physiquement, elle lit bien le jeu, elle a aussi des bonnes spectatrice : « Si je suis là, c’est que moi aussi j’ai ma pierre mains », décrit sa coéquipière Ann Wauters. Isa marque à apporter à l’édifice et ma saison le prouve. » « Elle m’a dit avec Valencia mais essaye d’imposer son gabarit en défense que quand (Laura) Jackson est arrivée, la priorité c’était de lui aussi. Cette impression d’avoir un rôle est « rassurant ». expliquer qu’elle existait, que cela ne serait pas si simple de lui « Moi, je suis un peu la guerrière de l’équipe qui va apporter prendre du temps de jeu », confie François Gomez. Compétitrice, beaucoup d’énergie, pousser une gueulante de temps en elle se confronte au quotidien à un niveau d’entraînement temps ! Quand il faut aller batailler, on sait qu’on peut très relevé : « On ne se fait pas de cadeau, on a donné le ton compter sur moi. » La régularité pêche encore, son objectif dès le départ avec Ann (Wauters) Mais c’est très sain comme est de maintenir le rythme toute la saison. « Tactiquement, compétition, pas de coups bas. » La confiance en soi, la force elle a encore des limites mais à Valencia, elle apprend à jouer mentale : des traits de personnalité de sportive de haut niveau un peu plus juste », résume le coach de l’équipe de France. qui lui ont fait parfois défaut. Comme en 2009, avec l’équipe de « Ce qui est différent », explique-t-il, « c’est qu’elle est dans une grande équipe, en défense il y a beaucoup de joueuses à prendre en charge, ça lui ouvre plus d’espaces. Des gens qui jouent plus juste, qui passent mieux les ballons, des dangers de partout, ça facilite la vie. Elle n’est pas confrontée aux mêmes problèmes qu’en équipe nationale, où on est moins fort à l’extérieur, il y a plus d’aides donc ça limite son volume d’expression. » Si Isabelle s’épanouit autant, c’est aussi qu’elle s’est bien France, une campagne polluée de doutes : « Elle était bien avec adaptée au collectif, dans un environnement positif, comme Tarbes mais avec nous, elle avait du mal à être efficace. Elle ne sa personnalité. « Je me suis sentie très vite à l’aise. Je suis comprenait pas la différence d’exigence qu’il y avait entre les comme ça, une fille je crois plutôt sympathique à vivre dans deux. Parfois très up ou très down », explique le sélectionneur un groupe. Je pense que cette entente fera la différence Pierre Vincent. Aujourd’hui, les doutes semblent dissipés. « On sur les matches décisifs, notre force c’est notre groupe en ne le dit pas assez en France, on a des qualités, on nous a appris dehors du basket. » Une bonne entente, malgré une logique à être humble mais quand tu es bien il faut le dire. Je pense que pression. « Quand on a une équipe comme ça, on rend je fais partie des meilleurs pivots d’Europe donc c’est plutôt une des comptes. Mais ça permet de repousser les limites », récompense d’être dans ce projet-là, ça fait plaisir, ça pousse à explique Isabelle. Toujours agréable, elle s’est rapidement encore plus travailler pour ne pas décevoir les gens qui te font liée d’amitié avec ses coéquipières, comme Ann Wauters, sa roomie en déplacement. « On passe pas mal de temps confiance ». Avec Ros Casares, Isabelle a tous les outils à portée de main ensemble ! Isa est très ouverte, sociable. Elle a un grand › › ›

« Je pense que je fais partie des meilleurs pivots d’Europe »


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Cipriano Fornas/FIBA Europe

« De venir ici, c’est un nouveau souffle, un nouveau départ »


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cœur. Toujours la première à faire une petite blague ! », décrit la meilleure joueuse européenne ‘01,’02, ‘04, ‘05 et ‘08.

Un futur en WNBA…

En Espagne, Isabelle a été adopté. Yacou, comme on l’appelle là-bas, a même commencé à faire des interviews en espagnol. « Ici c’est des connaisseurs de basket, ils respectent l’adversaire et savent reconnaitre le beau basket, ça change. J’ai une relation spéciale avec le public, j’ai besoin d’eux. Ils le comprennent et me soutiennent. » Encore plus qu’avec les joueuses ou le public, Isabelle a aussi besoin de créer une relation particulière avec son coach. Alors le départ surprise de Natalia Hejkova, remplacée par Roberto Iniguez, l’a déstabilisé. « J’avais une relation très fusionnelle avec elle. Je suis arrivée, elle m’a fait confiance direct. Avec le nouveau coach aujourd’hui ça se passe mieux, mais il a fallu qu’on parle quelques fois, pour mettre les choses au carré. » « Je fais mes meilleures saisons

« J’ai ma pierre à apporter à l’édifice »

Ciamillo castoria/Agnce castoria-FIBA

Europe

quand j’ai la confiance de mon coach, c’est très important. Après quand je ne l’ai pas, ça ne m’empêche pas de faire mon boulot mais quand je l’ai, c’est plus facile. Gomez à Tarbes, c’est caricatural de ce que je peux donner. » Isabelle et François ont depuis gardé ce lien extra-basket. La joueuse étant même la marraine du fils de l’entraîneur. Polina Tzekova, qui a aussi tissé un lien très fort avec Isabelle, se souvient des discussions qu’elles avaient ensemble sur la WNBA. Ancienne championne avec Houston (’99), Polina pense qu’Isabelle n’est pas encore prête pour le « Hollywood du sport », comme elle l’appelle, « une expérience extrêmement dure à vivre ». Mais que oui, elle ira. Avec une carrière chargée, entre l’évolution au plus haut niveau européen et les compétitions internationales, ses priorités sont ailleurs. Pour le moment. « Si elle a une possibilité d’aller en WNBA dans une équipe sérieuse et surtout où elle aura du temps de jeu, pourquoi pas », explique son agent. Le rêve de

rejoindre les États-Unis ne la quitte pas. « J’y pense beaucoup. Tôt ou tard, je vais y passer ! », explique-t-elle. « J’ai envie de le faire, j’aurais un petit regret de ne pas l’avoir essayé. J’aime les challenges, aujourd’hui je pense que je suis en train de confirmer mon statut comme l’un des meilleurs pivots en Europe donc j’ai envie d’aller prouver cela à l’extérieur. » Pour les années à venir, elle reste en contact avec les franchises, comme celle de Seattle (équipe de Lauren Jackson) ou encore de Chicago. « Après cet été, on verra… »

… mais priorité aux Bleues

Car si Isabelle s’éclate en club, elle espère bien gagner en galon avec l’équipe de France. Et pourquoi pas dès cet été au tournoi de qualification et éventuellement aux Jeux de Londres. Après une campagne difficile et frustrante (Euro’09), blessée (Mondial’10) et enfin un départ poussif dans l’Euro 2011, Isabelle veut prouver sa progression en équipe nationale. « Elle a raté son début de championnat, sur un circuit alternatif. Avec des séquences très bien, d’autres moins, à rater beaucoup de choses faciles. Ça l’agaçait. Elle a été un peu fragile au niveau de la confiance parfois », explique Pierre Vincent. « Les responsabilités, je les ai eues avec l’absence d’Emmeline (Ndongue). J’espère qu’aujourd’hui, le coach me fera plus confiance. Se maintenir au haut niveau, avoir cette force mentale, garder la concentration pour tous les matches, même avec la fatigue des déplacements… J’ai beaucoup gagné en ça cette année. J’ai vachement mûri, pour le futur et l’équipe de France, ça m’aidera. » « Il faut profiter de gens comme ça, ça ne court pas les rues. Quand on est entraîneur, on en a une ou deux dans sa vie, c’est de l’ordre de l’exception », explique François Gomez. En avouant que son avis peut être subjectif : « C’est la famille ! » D’ailleurs, à Perpignan, le coach a pris sous son aile une certaine Laurette Yacoubou, cadette France (1,82 m, 16 ans)… En Espagne, la fille qui a mis les pieds pour la première fois sur un terrain à l’âge de 11 ans, l’ex-lanceuse de poids sous les couleurs du Bénin, a fait beaucoup de chemin. Arrivée jusqu’à Valencia, Isabelle prend tout ce qu’il y a à prendre. Après une période difficile dans sa vie privée, elle tourne la page. Elle est mieux, dans sa vie de femme comme de sportive. « De venir ici, c’est un nouveau souffle, un nouveau départ ! » l


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Valencia : l’équipe à abattre

La Dream Team D

ébut 2011, Isabelle prend la décision de rejoindre Ros Casares la saison suivante. « Vu comment ça se passe aujourd’hui, pas de regret ! Ça me confirme que j’ai pris la bonne décision », explique-telle. La formation de cette équipe a créé le buzz dans le milieu du basket féminin. Tout a été mis en place pour la gagne, pour voler la vedette à Salamanque, dominateur en 2011 (Coupe, championnat et EuroLeague). Dès le mois de mai, le président German Ros avait annoncé composer « la meilleure équipe de toute l’histoire ». Que des championnes ! Vesela, Palau, Wauters, Murphy, Jackson, Lyttle, Moore… Une belle brochette d’internationales médaillées et titrées par équipe et individuellement (MVP) en Europe comme en WNBA.

Pas des Superwomen

En début de saison, l’équipe s’est formée sans les WNBAers (Lyttle, Jackson, Moore…) : « On a mis le rythme, en arrivant elles n’avaient qu’à suivre les mêmes pas que nous, ça s’est fait très naturellement », explique Isabelle. La dernière arrivée, en janvier, la jeune star US Maya Moore (22 ans) s’est aussi vite adaptée pour sa première expérience européenne. « Un gros plus », selon Isa. Au mois de décembre, le club s’est séparé de la grande Natalia Hejkova, remplacée par Roberto Iniguez. « Ça perturbe », explique Isabelle, « les matches avant la pause ont été durs à gérer, mais ça fait partie du basket, on essaye de ne pas perdre de vue les objectifs. » Un changement de coach lié à un bilan pas si parfait que ça. Ros Casares n’est pas imbattable. En attestent deux faux pas en EuroLeague, contre Prague (59-67 à domicile) et contre Kaunas (72-73). Une armada encore en phase de construction. « On veut aller le plus loin possible, à nous de ne pas sauter les étapes, travailler jour après jour, gagner les matches les uns après les autres. Dans cette équipe, il n’y a que des gagnantes et avec l’orgueil, on veut gagner encore plus. » Isabelle est consciente du chemin à parvenir pour arriver au sommet. « La meilleure équipe d’Europe ? Non, je ne crois pas, mais on y travaille. Le meilleur roster oui. Le meilleur que le basket féminin n’ai connu, je pense, même à l’époque du grand Spartak (EuroLeague’07, 08, 09, 10). » l

• Bien connue des fans de basket féminin français, la Belge Ann Wauters évolue à Valencia.

Cipriano Fornas/FIBA Europe

Claire PORCHER


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MAXI-BASKET

FONDAMENTAUX

LA

COMMENT ÇA MARCHE ? Par Thomas BERJOAN

MATCH-UP ZONE

DÉCRYPTÉE LA DÉFENSE INDIVIDUELLE ? ÇA VA, FACILE ! LA ZONE ? DÉJÀ PLUS COMPLIQUÉE À EXPLIQUER, PLUS CONCEPTUELLE. LA MATCH-UP ? RÉGULIÈREMENT, EN EUROLEAGUE OU EN COMPÉTITION INTERNATIONALE NOTAMMENT, ON ATTRIBUE BIEN DES VERTUS ET DES RÉSULTATS À CE DISPOSITIF ÉTRANGE. QU’EST-CE DONC ? Par Thomas BERJOAN

«

C’était une défense atypique et jamais nous n’avons su y hormis quelques exceptions, de l’attaquer correctement. » répondre ». Nous sommes en septembre 2010 et la France Nous y voilà. La match-up zone. Littéralement ça signifie « la vient de perdre au Mondial un match de poule contre la défense de zone qui va chercher », entendez, une défense Lituanie. Nicolas Batum, aux micros des journalistes, est encore de zone où les défenseurs cherchent à marquer un joueur. perdu. « Ils commençaient en zone pour finir en homme à Comme en individuelle en fait. C’est confus ? C’est le but ! homme. Puis commençaient en homme à homme pour passer Reprenons du début. Au basket, il y a deux grandes façons de en zone. C’était très perturbant. Nous n’avons pas l’expérience défendre. En individuelle : chaque défenseur se voit attribuer pour nous adapter à ce type de défense. Il va falloir regarder la la garde d’un attaquant et le suit dans ses déplacements. En vidéo. » Pourtant, tout avait si bien commencé dans ce match. zone : chaque défenseur se voit attribuer la garde d’une zone et La France menait face aux Baltes, futurs médaillés de bronze, défend sur le joueur qui se trouve sur cette zone. La match-up 29-14 après 15 minutes de jeu. Et puis les Lituaniens ont changé zone se propose d’emblée de combiner (on l’appelle d’ailleurs de défense. 12 minutes plus tard, le score est de 37-50 en faveur parfois « défense combinée ») des principes propres aux des jaunes, verts et rouges. 8-36 ! Le constat à venir est terrible deux philosophies. La plus commune – il existe une infinité de mais la compétition des Bleus a basculé à ce moment-là. déclinaisons – consiste à démarrer la défense en individuelle, Partis sur de très bonnes bases (victoires contre l’Espagne, le chaque défenseur prenant en charge un attaquant. Mais Liban et le Canada), mentalement, quelque chose s’est cassé ensuite, au moment où l’attaque se met en mouvement, chez les Français qui ont perdu les trois matches suivants. par exemple si un attaquant coupe dans la raquette pour « Les Lituaniens ont sorti une zone match-up qui nous a posé ressortir de l’autre côté du terrain, le défenseur ne suit pas son mille problèmes », reconnaissait alors coach Vincent Collet. Le attaquant. Il le laisse partir, comme en zone. L’attaquant sera cauchemar a donc un nom. « Nous n’avons jamais été capables, pris en charge par un autre défenseur et le défenseur se dirige

Agenzia Ciamillo-

Castoria/M.Kulbi s

Nando De Colo est déconcerté par le dispositif lituanien au championnat du monde 2010.

Est-ce une défense individuelle, une match-up 1-1-3 ou une défense de zone jouée par les Wolves ? Impossible à dire pour l’instant. La capacité à lire correctement une défense est un art difficile. Tout comme l’art de brouiller les pistes de l’attaque…


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Jose Manuel Calderon l’Espagnol est pris dans les filets tissés par JR Holden et Sergei Monia en finale de l’Euro 2007.

D.R

Gary Bassing/NB

AE/Getty Images

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alors vers l’attaquant le plus proche qui se trouve dans sa ou « mismatches » quand il y a un déséquilibre dans une opposition) ou qui n’ont pas la capacité à assurer les zone. Voilà pour la théorie pure. principes défensifs de bases. Ces problèmes s’expliquent en général par des différences physiques et techniques La leçon de David Blatt En pratique, en Europe, quand on parler de match-up, on importantes. Une meilleure approche statégique de ces pense tout de suite à un homme. David Blatt. Le coach de situations peut permettre de dissimuler en partie ce genre la sélection de Russie et du Maccabi Tel-Aviv. Il n’est pas le de faiblesses. Cela peut également perturber ou ruiner seul à utiliser ce système défensif mais il en a fait une arme totalement le rythme et la fluidité offensive de l’adversaire. de prédilection de son arsenal. Surtout, il a emporté grâce L’utilisation de la défense 1-1-3 match-up zone peut être à cette fameuse défense 1-1-3 match-up (1 défenseur en une de ces stratégies parce qu’elle permet de faire face pression défensive sur le porteur de balle, un autre au poste aux formes de jeu les plus communément utilisés dans haut et les 3 autres alignés en bas, parallèlement à la ligne le basket européen : le pick’n’roll face au panier, les de fond) de nombreux succès, notamment avec le Maccabi cascades d’écran au poste haut et les « double exit », un en Euroleague. Le plus beau restant évidemment le titre de système pour libérer un arrière-shooteur après écran. » champion d’Europe gagné avec la Russie en 2007, en finale Alors, est-ce la panacée ? Les choses sont évidemment face à l’Espagne à domicile. Impériale en attaque durant plus compliquées. En pratique, à très haut niveau, il est toute la compétition (82,1 pts marqués en moyenne sur parfois difficile de distinguer les défenses. Un vieil adage la compétition, meilleure attaque), la sélection de Pepu prétend que : « une bonne zone ressemble à une homme Hernandez a été tenue sous la barre des 60 points pour à homme et une bonne homme à homme ressemble à une l’ultime rencontre (59-60 pour la Russie). Un morceau de zone. » C’est très vrai. Sur individuelle, même stricte, l’aide bravoure. « Nous ne voulions pas faire de prises à deux à l’opposé du ballon est essentielle avec des joueurs qui contre (Pau) Gasol », expliquait après le match coach flottent dans la raquette. Et sur une défense de zone, il Blatt. « On a proposé beaucoup de match-up zone et on paraît inconcevable de laisser des attaquants totalement ne l’a pas autorisé à avoir la balle près du cercle. » Et ça a libres quand ils se trouvent du côté du ballon. De même, une marché. Gasol finit à 14 points certes, mais 4/13 aux tirs. Et match-up zone n’est pas fondamentalement très différente d’une défense individuelle où les défenseurs feraient le toute l’attaque de son équipe s’en est trouvée perturbée. « Rien ne peut replacer des fondamentaux solides et choix de changer systématiquement sur tous les écrans. une défense individuelle et collective forte », prévient Au final, l’intérêt principal du dispositif est de faire toutefois David Blatt. « Mais il y a des joueurs et des gamberger l’équipe d’en face. La sortir de sa zone de équipes qui connaissent des problèmes évidents dans confort. Perturber les habitudes, les réflexes. L’obliger à leurs oppositions défensives (les fameux « match-ups » réfléchir. Une arme intéressante.●


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TAYLOR ROCHESTIE

(LE MANS)

MENEUR OMNIPOTENT (20,4 POINTS ET 6,8 PASSES), L’AMÉRICAIN POSSÈDE UNE VISTA ET UN COUP D’ŒIL QUI SE FONT RARES DANS NOTRE CHAMPIONNAT. BIEN PARTI POUR DEVENIR LE PROCHAIN MVP DE PRO A, TAYLOR ROCHESTIE RÉVÈLE QUELQUES-UNS DE SES SECRETS. Propos recueillis par Jérémy BARBIER

Quelle est ton action préférée ?

L’action que je préfère, ça doit être une passe pour un alley-oop. Il y a aussi le buzzer beater, mais c’est quand même plus rare. En général, j’aime faire des choses qui font se lever les gens dans les tribunes.

Un secteur de ton jeu que tu veux vraiment améliorer ?

J’essaie chaque semaine de devenir un meilleur défenseur. C’est vraiment dans ce domaine que j’ai le plus de progrès à faire. En attaque, j’aimerais être capable de finir mes gestes main droite de la même façon que je peux le faire avec la gauche.

Quelle est ta passé préférée ? Aveugle ? Dans le dos ? Entre les jambes ?

J’ai envie de dire la passe aveugle. C’est la plus amusante et peut-être la plus impressionnante. Ce type de passe prouve également que tu connais bien tes coéquipiers, que tu sais où ils aiment se placer. Plus qu’une passe pour faire le show, je pense que c’est une belle action collective.

Au quotidien, quelle est la chose que tu travailles le plus ?

J’essaie de mieux connaître les adversaires contre lesquels je vais jouer pour savoir ce qu’il faudra faire pour avoir l’avantage. Selon l’adversaire, je crois qu’il y a toujours quelque chose que tu peux utiliser plus qu’une autre. Pour comprendre ça, il faut se concentrer sur les individualités mais aussi le jeu collectif de l’équipe.

Tu te considères davantage comme un scoreur ou un passeur ?

J’essaie de faire ce qui est le mieux à l’instant T. Parfois, mon équipe a besoin que je score et d’autres fois, simplement que je fasse tourner le collectif. C’est un vrai challenge de s’adapter en permanence.

Si tu dois choisir : passe ou shoot à trois-points ?

Je dois dire la passe. Mieux encore, la passe pour un de mes coéquipiers qui en profite pour marquer à trois-points. (Il rit)

Trois points ou panier plus faute ?

C’est dur. Parfois, un trois-points très important, c’est très excitant. Cela dépend du scénario du match. Le panier accompagné de la faute, c’est peut-être plus difficile.

Jeu rapide ou attaque placée ?

Plus le jeu rapide mais je sais que les meilleures équipes sont celles capables de gagner les batailles sur demi-terrain. Après, je pense que le jeu rapide est ce qui me convient le mieux. C’est agréable pour les joueurs et les fans. Cela ressemble au basket américain et c’est souvent plus impressionnant au premier coup d’œil.

En France, quel est le meneur adverse qui t’as posé le plus de problèmes ?

(Il réfléchit longtemps) C’est difficile comme question. Attaquer contre John Linehan n’est pas évident. En défense, pour moi, le joueur le plus difficile à contenir a certainement été Andrew Albicy. Il a tellement d’options dans son équipe. Il joue avec beaucoup de rythme et d’énergie, il est très agressif. Et il est clairement en confiance cette saison.

Y a-t-il un joueur dont tu t’inspires particulièrement ?

Non, pas spécialement. J’aime regarder le basket, surtout les joueurs qui sont considérés comme des underdogs et qui font des performances inattendues.

Pascal ALLEE/HOT SPORTS

À mi-saison, tu es le favori au titre de meilleur joueur du championnat. Selon toi, quelles doivent être les qualités d’un bon MVP ?

Ton équipe doit gagner, tout simplement. Il faut aussi que tu rendes tes coéquipiers meilleurs. L’important est de jouer avec beaucoup de passion et de s’amuser car cette attitude peut déteindre sur tes coéquipiers et, au final, sur tout le collectif. Il faut aimer ce que tu fais, c’est la clé.

EST T N A T R O P M ’I «L EC DE JOUER AVD E BEAUCOUP» PASSION


LE LIVRE D’OR 2011 Immanquable, la version 2011 du traditionnel Livre d’Or du Basket, édité par Les Èditions Solar. Sur 120 pages BIEN DOCUMENtées, les auteurs revisitent la saison 2010-11, ponctuée par l’incroyable épopée des Bleus à l’EuroBasket. De la chevauchée des Mavericks et de Nowitzki au sacre de Nancy, des coups de gueule aux coups de sang, des salaires aux révélations, le Livre d’Or raconte les petites et les grandes histoires d’une saison exceptionelle.

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CONTRÔLE SURPRISE !

ARNAUD KERCKHOF Par Antoine LESSARD

pas éresse peut-être rce que je ne m’int pa , tu nt , ide re év nt s co pa r « Ce n’était de mon métier. Pa du basket en dehors , rigole le meneur suffisamment au e sur le foot… » air nn t en tio em es ch qu an un fr n’était m’aurais fait tionnaire du mois es qu le , ge ar ch BBD. À sa dé pas évident.

4/10

Pro B ? ulazac est monté en 1. En quelle année Bo ❏ 2006 ❏ 2005 la saison non, Arnaud, c’était ❏ 2004 is (2006-07) ». Eh cro alifié je qu ns ais âlo jam Ch st à s en Pro B, et ne s’e « C’est quand j’étai tive écu ns co n ée. so sai ann cette e sa 7e que la série soit brisée précédente. Le BBD jou (très) bien parti pour st C’e . fs yof pla les pour ns de Boulazac ? mi les trois Américai par ne jeu s plu le est 2. Qui ❏ Darryl Monroe ❏ Amadi McKenzie en 1986 ! ❏ Ryan Ayers coéquipiers sont nés e puisque ses trois enc ell exc par t. de aoû har La question vac t et McKenzie du 17 vier, Ayers du 16 juille Monroe est du 30 jan ? lla, du SLUC Nancy alité d’Abdel Kader Sy is 3. Quelle est la nation ala nég Sé ❏ ❏ Seychellois ❏ Burkinabé Pierre Pelos ? espoir joue le jeune ipe équ e ell qu ns Da 4. ❏ Hyères-Toulon Pau-Lacq-Orthez ❏ me meilleur joueur à y ❏ Nanc 19 ans) était le deuxiè m, 05 (2, los Pe es, ces lign d’éval’ en 28’). Au moment d’écrire pts, 10,1 rbds et 26,3 pionnat espoir (20,4 am ch du n tio ua val l’é cette saison ? Causeur en Eurocup ien Fab de s int po de ne 5. Quelle est la moyen ❏ 21,8 ❏ 18,8 . ❏ 13,8 so de la sai n régulière é meilleur marqueur Le Choletais a termin ague ? l’histoire de l’Eurole sur un match dans ses pas de ord rec 6. Qui détient le ❏ Tyus Edney ❏ John Linehan kas ou pal . » Le 3 novembre Pa eo ❏ Th ée, je l’aurais trouvé ann te cet n) e agu ole ur s l’E kas et Edney (14 chacu « Si j’avais regardé plu co-détenu par Papalou ord rec le tu bat a an dernier, John Lineh ker. contre Fenerbahçe Ul nce ? ions en équipe de Fra te le plus de sélect mp co rs eu jou ces 7. Lequel de ❏ Kévin Séraphin ent à ❏ Antoine Diot et l’Euro’11 contrairem ❏ Andrew Albicy étitions, le Mondial’10 mp co s nde gra x deu é le. Andrew Albicy a jou n ont joué qu’une seu raphin (Euro’11) qui n’e Diot (Euro’09) et Sé ? MVP des NBA Finals Duncan a-t-il été élu 8. Combien de fois Tim ❏3 ❏1 ❏0 é la mise en 2007. rafl a 2005. Tony Parker en et 03 20 , 1999 en C’était saison en NBA ? le mieux payé cette est i qu rs, eu jou 9. Parmi ces ❏ Carlos Boozer peu ❏ Kevin Durant qu’il faisait. » C’est ❏ Rashard Lewis ntrat par rapport à ce pour co ds, s zar gro Wi s, gro les ez un it ch dollars annuels de « Je savais qu’il ava ns lio me mil xiè 15 deu 22, ge Le . is engran ès 9 matches) de le dire. Rashard Lew rbds en 29’ (stats apr e), (15 3,8 et M$ 6% 16,3 à 38, e à arg pts ém 9,1 be Bryant. Durant Ko un apport moyen de re riè der it, pla s e, s’il vou salaire de toute la ligu e). (29 M$ 13,5 à Boozer nerey ? Française Allison Ver américaine évolue la fac nde gra e ell qu 10. Dans ❏ Maryland ❏ North Carolina tournait à ❏ Duke rès 14 matches, elle n junior en NCAA. Ap so sai sa s dan est La jeune intérieure minutes par match. rbds en seulement 12 6,4 pts à 68,5% et 2,6

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Pascal Allée / Hot Sports


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