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EN 1900, MAYOTTE À PARIS
APRÈS 1855, 1867, 1878 ET 1887, PARIS ACCUEILLE SA CINQUIÈME EXPOSITION UNIVERSELLE EN 1900. AYANT POUR AMBITION DE FAIRE LE “ BILAN D’UN SIÈCLE ”, L’ÉVÈNEMENT RÉUNIT UNE FOULE INÉDITE ET UNE ORGANISATION LITTÉRALEMENT MONUMENTALE. MAYOTTE, COLONIE FRANÇAISE, Y EST PRÉSENTE, MÊME SI ELLE N’A LE DROIT QU’À UNE PETITE PARTIE DE L’EXPOSITION COLONIALE.
Paris, 1900. Voilà une trentaine d’années que le peuple français s’est remis de la guerre franco-prussienne, a adopté pour de bon la République avec la IIIème du nom, et peut aborder sereinement la période dite de “ la Belle époque ” , synonyme d’avancées sociales et techniques fulgurantes. L’exposition universelle constitue ainsi le point d’orgue de cette époque, l’épicentre des cultures du monde, la grandeur de la France. Inaugurée le 15 avril par un Émile Loubet fraîchement élu président de la République, elle s’étale jusqu’au 12 novembre, mais aussi dans de nombreuses artères de la capitale.
En effet, la solennité du “ bilan d’un siècle ” se retranscrit dans les chiffres vertigineux de l’évènement. Ce dernier attire plus de 50 millions de visiteurs, un record absolu pour l’époque, et quelque 80 000 exposants venus de 40 pays différents. Les flux humains sont tels qu’ils nécessitent un réaménagement des gares de Lyon, de l’Est et de Montparnasse pour les accueillir. Les réalisations architecturales et techniques sont elles aussi impressionnantes : si l’exposition universelle de 1889 voyait la Tour Eiffel s’ériger au-dessus du Champ de Mars et de la skyline assez basse du Paris de l’époque, celle de 1900 accouche du Grand
Palais et du Petit Palais, mais aussi du pont Alexandre-III, et de la gigantesque porte Binet, inspirée de l’art byzantin et trônant place de la Concorde.
ZOOS HUMAINS
L’exposition universelle du début du siècle voit aussi se dérouler les deuxièmes Jeux Olympiques de l’ère moderne, et nombre d’innovations : trottoir roulant à deux vitesses installé sur un viaduc à 7 mètres du sol, grande roue de 70 mètres de haut, cinéma des frères Lumière, plus grand télescope du monde, moteur Diesel à l’huile d’arachide, ouverture de la première ligne du métro parisien… Et l’exposition coloniale, présentant les peuples et les cultures du monde entier.
C’est au sein de cette dernière, installée en face de la Tour Eiffel, sur la place du Trocadéro, que Mayotte, colonie, et les Comores, protectorats, sont présentés. Tout cela à l’intérieur du “ ministère des colonies ” , à côté des pavillons de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion, avant le pavillon de Madagascar, tout au fond. Comme onze ans auparavant, l’exposition coloniale comporte des villages d’indigènes, parfois nommés “ cannibales ” : les zoos humains.
Ces derniers exposent des étrangers, bien souvent des femmes et des hommes colonisés, africains, asiatiques et kanaks. Exhibés dans des enclos, dans des conditions telles que beaucoup ont trouvé la mort au pied de la Tour Eiffel. Une situation qui émouvait déjà les journalistes de l’époque.
Outre ces exhibitions indignes, l’exposition coloniale permet aux visiteurs de voir ce qui se passe dans les colonies françaises. Si la promesse a été tenue pour les colonies martiniquaise, réunionnaise et guadeloupéenne, Mayotte n’était incluse que dans le bâtiment du ministère des colonies qui, semble-t-il, n’avait pas grand-chose à proposer aux visiteurs. Selon des textes de l’époque, le capitole construit pour l’occasion ne comportait que quelques peintures et sculptures, des timbres et cahiers coloniaux, ainsi qu’une serre coloniale comportant des plantes endogènes de l’archipel des Comores certes, mais aussi de Madagascar, d’Inde ou du Cambodge. Quant au document que nous analysons cette semaine, il a été produit pour l’occasion.
“ Mais, vers six heures du soir, vous apercevrez, se glissant en cachette le long des murs, trompant la surveillance des gardiens bons garçons, de pauvres Hovas, en chapeau de paille et en manteau ballant, qui viennent contempler le panorama de Tananarive, et là, tout d’un coup, demeurent immobiles, comme fascinés à la vue de la patrie absente, devant cette terre rougeâtre qui semble n’avoir pas encore complètement bu le sang versé…"
L’un d’eux surtout m’a fait pitié. Pendant une demi-heure, il resta blotti le long d’un pilier : sur sa figure de simple, des larmes coulaient pendant que ses yeux dilatés semblaient fixer un tout petit point perdu dans la toile immense.
- C’est sa maison, qu’il regarde, m’expliqua le guide ; tous les soirs, il vient la voir ici, et ne peut pas s’en arracher. ”