MPS MEN PORTRAITS SERIES n°4 version française
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Les Frères de Limbourg (1380-1416) Les Très Riches Heures du duc de Berry (1410-1485) Folio Juillet Musée Condé, Chantilly
Il s’agit ici de 2 types de travaux imbriqués dans un seul : mer premier étant la réalisation du Livre d’heures proprement dit qui représente un travail s’étendant sur plus de 75 ans ; le second étant constitué par les activités quotidiennes du Moyen-âge décrites chacune avec minutie et détails. Le Livre d’heures Les Très Riches Heures du duc de Berry fut commandé vers 1410-11 par le duc Jean Ier de Berry aux trois frères peintres Paul, Jean et Herman de Limbourg. Inachevé à la mort des trois peintres et de leur commanditaire, victimes tous les quatre de la peste, il est généralement admis qu’il a été complété par un peintre anonyme dans les années 1440, avant d’être achevé avant 1485-1486 par le peintre Jean Colombe pour le compte du duc de Savoie qui était alors le propriétaire de l’ouvrage. Ce somptueux livre acquis par le duc d'Aumale en 1856, est toujours conservé aujourd’hui au château de Chantilly dont il ne peut sortir, conformément aux termes du legs. Cet impressionnant travail médieval contient un total de 206 feuillets, le manuscrit lui-même se composant de 66 grandes miniatures et 65 petites. Le Calendrier qu’il contient est l'ensemble de miniatures enluminées sans doute le plus célèbre du livre… et du Moyen-âge en général. Le Calendrier permet au lecteur de repérer la prière correspondant au jour de l'année et à l'heure de la journée, en fonction des activités et travaux qui y sont détaillés... Le mois présenté ici est le mois de Juillet qui aurait été peint par Paul de Limbourg et non pas par le peintre anonyme, mais les avis divergent toujours entre experts sur ce sujet encore aujourd’hui. Les travaux des champs qui caractérisaient ce mois d’été dans l’hémisphère Nord au Moyen-âge étaient principalement la moisson et la tonte des moutons. Concernant la moisson : on voit deux personnages qui fauchent les blés à l'aide d'un volant, une longue faucille ouverte dont le manche fait angle avec le plat de la lame et d'une baguette avec laquelle ils dégagent un paquet de tiges qu'ils coupent en lançant le volant. Pour mener à bien leur tache, les moissonneurs avançaient de l'extérieur de la parcelle vers le centre. Ils se reposaient de temps en temps pour aiguiser leur volant avec une pierre que l’un d'eux porte à la ceinture. Concernant la tonte : on voit deux personnages, dont une femme en habit d’un bleu éclatant qui coupent la laine sur le dos des animaux à l'aide du forcesc. Globalement (reliefs montagneux mis à part) le paysage s’inspire de la réalité ave : au premier plan, la rivière Boivre qui se jette dans le Clain, enjambé par une rampe d’accès couverte en bois qui mène au château triangulaire de Poitiers, construit à partir de 1378 par l’architecte Guy de Dammartin pour le duc de Berry.
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Exemple même de l’éclectisme thématique, l’œuvre de Charley Garry (1891-1973) (ne pas confondre avec son homonyme américain Charles Garry 1909-1991) s’est intéressé à des domaines très différents de la société aussi bien que du monde du travail de son époque. Ainsi ayant bâti sa réputation sur la peinture du Paris des Années folles, dont il fut une figure incontournable en devenant le peintre du french Cancan ou le fresquiste de la célèbre Brasserie Lipp à Paris, il se fait aussi en toute discrétion, le chantre de la condition minière en héroïsant littéralement les Gueules noires. Sa fresque minière qui recouvre le plafond du Carreau de Faulquemont, en est le seul et dernier témoin, mais quel témoin ! Malgré cela, Garry l’Africain, comme le surnomma un critique, resta surtout connu pour ses toiles vantant les beautés féminines de l’Afrique équatoriale coloniale, et ne sortit jamais de la sous-catégorie des peintres érotiques, catégorie assez méprisée au 20e siècle, sauf de quelques grands collectionneurs comme le patron de presse Daniel Filipachi, par exemple. Reste pourtant encore de son œuvre, cette fresque minière en 5 tableaux conçue pour les Houillères de Lorraine.
Charley Garry (1891-1973) Charley Garry (1891-1973) Mineur et marteau piqueur, 1935 Plafond du Carreau de Faulquemont Houillères du Bassin de Lorraine
La fresque est classée et on peut toujours la voir de nos jours, bien que peu de visiteurs fassent le rapprochement entre ces gueules noires en plein boulot et les figures insouciantes de l’autre fresque classée de Garry, celle plafond de la Brasserie Lipp ! Dans la peinture ci-contre, le marteaupiqueur même tenu par le mineur de fond dit beaucoup sur le travail qu’il exécute et sur ses dangers. Ce modèle se généralisa dans les mines à partir de 1925, pour remplacer les antiques rivelaines (pioche à deux pointes) et haches utilisées pour l’extraction manuelle. Les spécialistes ne manquent pas de noter que le modèle retenu par Charles Garry pour sa peinture de Faulquemont n’est pas équipé d’un système de pulvérisation d’eau, seul l’air comprimé étant raccordé par un tuyau (à gauche). Tel que l’artiste présente cet outil, il exposait le mineur à l’inhalation des particules minérales qui provoquaient une maladie pulmonaire irréversible et mortelle : la silicose. Celle-ci a frappé les mineurs de charbon à partir de1925, lors de la généralisation des marteaux-piqueurs puis des haveuses. Un dégât sanitaire colatéral que l’on a très peu alors imputé à l’instrument de travail lui-même et beaucoup à la composition chimique du charbon…. ce qui était faux.
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Léon Bonnat (1833-1922) Le Barbier nègre à Suez, 1876 Curties Galleries, Minneapolis
Elève de Léon Cogniet, grand admirateur d'Ingres, le peintre Lépn Bonnat fut le maître du portrait officiel et du portrait bourgeois de la fin du XIXe siècle : les présidents de la III° République Jules Ferry, Adolphe Thiers, Emile Loubet, le duc d’Aumale, les écrivains et les artistes en vue comme Victor Hugo, Alexandre Dumas fils ou la célèbre actrice la Pasca posèrent devant son chevalet. Un voyage en Orient, en 1870, donne à Bonnat le goût des scènes pittoresques et exotiques ; les toiles qu'il expose cette année-là au Salon, Une paysanne égyptienne et son enfant (The MET) et Le Barbier nègre à Suez (ci-contre) sont commentées par Emile Zola en ses termes : « Son »Barbier nègre à Suez, » en train de raser un autre nègre qui est assis par terre, rappelle les compositions de Gérome «. Zola compte alors Bonnat au nombre des artistes qui, « en dépit d'eux-mêmes » font progresser le naturalisme à la conquête de l'Ecole des Beaux-Arts. On est d’ailleurs aujourd‘hui toujours frappé par la condescendance du XIXe siècle (Zola y compris) vis à vis de la figure du « nègre ». Bonnat chercha au moins à savoir quel était le métier de l’homme que l’on voit debout et à le décrire, en peignant avec minutie son geste de barbier. Zola lui ne voit « qu’un nègre rasant un autre nègre assis par terre » uniquement digne d’intérêt pour l’exotisme coloré qu’il suscite. Du métier de cet homme et de son habilité à manier le coupe chou (nom de son rasoir à main) : rien ! De son échoppe improvisée dans un recoin de la ville sur un tapis jeté au sol pour le confort du client : rien ! De l’ingéniosité de la posture du client, dont la tête s’appuie avec confiance - et avec un érotisme certain - sur les parties les plus intimes du barbier : surtout rien ! Là où Zola semble dire « Circulez il n’y a rien à voir » Bonnat dit au contraire : « Arrêtez vous, tout ici vaut qu’on le décrive : le métier, celui qui
l’exerce, la façon dont il l’exerce, le client et le décor… »
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. Lewis Wickes Hine (1874-1940) Young Man at Lathe (c. 1936-37)
Jeune homme au Tour (1936-37) The Brooklyn Museum, New York .
Dès ses débuts, et jusque dans les années 1920, le photographe américain Lewis Wickes Hine eut une approche résolument sociologique de son métier. Déclarant qu'il voulait « montrer des choses qui devaient être corrigées » , il fut un des premiers à utiliser la photographie comme un outil documentaire, comme un témoignage vivant de l’état de la société, annonçant par avance le travail qu’il allait mener dans les années 1930 pour la Farm Security Administration. Ses reportages dans les usines (ci-contre) et les manufactures contribuèrent à une meilleure prise de conscience des problèmes sociaux aux ÉtatsUnis. Le métier décrit sur cette photo et exécuté par un ouvrier assez jeune, est celui de tourneur qui permet d’exécuter sur un tour, le procédé d’usinage dit du tournage. Le tour est un outil très ancien dont les premières exemplaires sont documentés dès la période de l'Égypte pharaonique vers 1300 avant l’ère chrétienne. Sa première représentation connue sur une fresque date du 3ème siècle avant l’ère chrétienne. On retrouve également des preuves de son existence sur un site grec mycénien, remontant au 13e ou 14e siècle avant l’ère chrétienne, époque où il semble être apparu. On a aussi la trace, vers l’an 400 de notre ère, d’exemplaires de tours rotatifs en Chine, où les habitants les utilisaient pour affûter des outils et des armes déjà produits de façon industrielle.
A la fin du XIXe siècle, pendant la révolution industrielle, la puissance mécanique engendrée par l’hydraulique et la vapeur fut appliqué au tour via l’arbre à came permettant un travail plus rapide et plus facile. Le tour d’usinage de métaux devint alors une machine-outil assez imposante avec des pièces plus épaisses et plus rigides. Entre la fin du 19e et le milieu du 20e siècle, des moteurs électriques individuels montés sur chaque tour remplacèrent les arbres à cames. À partir des années 1950, grâce aux recherches du M.I.T. et d’IBM, des servomécanismes furent couplés au contrôle des tours et autres machinesoutils via une commande numérique associée à des ordinateurs, une technologie connue sous le nom de CNC (Computer Numerical Control). Dans le métier du tournage traditionnel tel qu’on le voit sur cette photo de Hine, la vitesse de rotation choisie en fonction de la matière et du diamètre de la pièce, est constante. Sur les tours CNC une fonction de programmation (appelée G96 sous langage FANUC) permet d'avoir une vitesse de rotation évolutive, recalculée dynamiquement par rapport au diamètre usiné. Cette fonctionnalité permet d’atteindre des états de surface très supérieurs au tournage traditionnel. Aujourd'hui, les tours à commande manuelle et CNC coexistent dans les industries manufacturières.
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John Neagle (1796-1860) Pat Lyon à sa Forge (c. 1826-27) The Boston Museum of Fine Arts
Ce portrait du célèbre homme d'affaires et inventeur américain des premières pompes à incendie et camions de pompiers, Patrick Lyon, est très inhabituel. Il est l’un des seuls en effet à montrer un personnage de cette importance directement et personnellement engagé dans le travail manuel (en l’occurrence celui de la forge) qui fit sa célébrité. Lorsqu'il chargea John Neagle de peindre son portait en pied, Patrick Lyon était déjà un homme riche et prospère, mais ce fut à la condition sine qua non que l'artiste le peigne comme un ouvrier devant son outil de travail que la commande fut passée. Le peintre fut à la fois surpris et intrigué par cette demande ; en effet en ce début du XIXe siècle, dans les tous jeunes Etats-Unis d’Amérique, les personnalités qui avaient réussi dans les affaires et qui pouvaient se permettre de s’offrir un portrait d’eux-mêmes, préféraient généralement se faire représenter en costume d’hommes d’affaire et entourés des objets précieux que leur fortune leur avait permis d’amasser plutôt qu’en forgeron, mineur de fond, marchand de tissus ou ouvrier ! Quand le peintre demanda à son commanditaire la raison de sa demande, Patrick Lyon lui répondit : « Je ne suis pas un gentleman, je ne l’ai jamais été et je ne vois aucune raison de me
faire représenter comme tel. Je suis un forgeron, un ouvrier et je me faire représenter au travail devant ma forge. Montrez dans ce tableau que le travail des ouvriers est noble et je serai satisfait…". Ce mépris de l’establishment avait une raison bien précise : au début de sa carrière, Lyon avait été accusé - à tort – d’un vol à la Bank of Philadelphia dont le siège se trouvait situé dans es locaux a Loge maçonnique de la ville. Lyon fut emprisonné pendant 3 mois dans des conditions très sévères, pour cette faux vol ! Après cet incident qui le marqua durablement, il devint un héros parmi les ouvriers de la ville et mit un point d’honneur à toujours être décrit comme un honnête forgeron au travail plutôt que comme le membre d'une classe supérieure qu’il associait à l'injustice et au mensonge. C’est aussi la raison pour laquelle Pat Lyon insista auprès du peintre Neagle pour que la prison dans laquelle il avait été si durement détenu apparaisse dans son portrait, en l’occurrence la coupole de la chapelle de la prison, dans la partie supérieure gauche de la composition, derrière l’apprenti. Le caractère peu habituel de ce portrait fut largement célébré en son temps et allait lancer définitivement la carrière de Neagle encore jeune artiste (29 ans) en lui apportant de très nombreuses commandes. Ce portrait demeure encore aujourd’hui, d’ailleurs, son œuvre la plus connue.
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Longtemps considéré comme un peintre amateur, collec=onneur et mécène, Gustave CailleboBe apparait aujourd'hui comme l'une des figures majeures du groupe impressionniste. Célèbre pour ses composi=ons inspirées du Paris d'Haussmann, il a consacré une part importante de sa produc=on à l'évoca=on des jardins. Il peint ses premières études sur le mo(f dans la demeure familiale d’Yerres, avant d'acquérir au Pe=t Gennevilliers une propriété où il élabore un somptueux jardin et fait construire une serre. Tout comme son ami Claude Monet, avec lequel il partage une passion pour l'hor=culture, il privilégie l'évoca=on de cet univers végétal. CeBe peinture permet de juger de l'étendue du jardin potager qui requérait l'emploi d'au moins deux jardiniers. Les cloches en verre du modèle de celle que l’on voit ici, agissant comme des mini serres individuelles, étaient u=lisées pour protéger les salades et en hâter le développement.
Gustave Caillebotte (1848-1894) Les Jardiniers Collection privée
L’arrosage se pra=quait alors encore avec des arrosoirs en fer blancinoxydable comme on peut les voir représentés. Dans le monde de l’art, Le talent de CailleboBe fut méconnu, sauf aux États-Unis où son travail rencontra dès les premières exposi=ons un très vif succès. Les américains le considèrent même comme l'un des fondateurs du courant réaliste, qu'illustra par exemple au 20e siècle le peintre Edward Hopper. En Europe, CailleboBe surtout connu pour avoir été le mécène des peintres impressionnistes fut redécouvert en tant que peintre dans les années 1970 à l'ini=a=ve de collec=onneurs américains. Les rétrospec=ves de ses œuvres sont désormais fréquentes. Fortuné, il n’avait pas besoin de vendre ses toiles pour vivre, si bien que ses descendants possèdent encore près de 70 % de ses œuvres. Certains de ses tableaux se trouvent au musée d'Orsay à Paris.
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Annibale Carracci (1560-1609) Esclave galérien au travail, 1585-90 Fondation Jan Krugier
L’homme représenté sur ce dessin d’Annibale Carraci est un esclave galérien c’està-dire un homme travaillant sur une galère, un navire de guerre d’assez petite taille. Au XVIe siècle, chaque galère comptait en moyenne 260 galériens disposés à 5 hommes par banc, chiffre qui se portait à 450 hommes à 7 par bancs banc sur une Réale (la galère du général de la flotte) ou une Patronne (celle du lieutenant général). On dénombrait trois catégories de galériens : les esclaves dits turcs, les volontaires ou bénévoglies et les condamnés ou forçats. Les turcs étaient achetés dans les marchés d'esclaves de Livourne, Venise ou Malte et venaient le plus souvent d’Afrique. Tous les coups étant permis dans ce commerce d’êtres humains, certains étaient capturés en mer comme les pêcheurs au large de la Tunisie ou pendant les voyages sur terre comme les pèlerins musulmans en route vers La Mecque. Il y avait aussi des Guinéen, mais ils furent très vite décimés par le froid. Pendant un temps, manquant de main-d’œuvre africaine, on captura des Iroquois d’Amérique pour les envoyer sur les galères, les turcs représentant toutefois toujours un effectif stable de 20%. Les volontaires ou bénévoglies, étaient, quant à eux, des gueux qui pour exercer ce métier maudit, touchaient une maigre solde mais vivaient dans les mêmes conditions déplorables que les autres, entassés dans la chiourme, à même la cale du navire sans la moindre hygiène. Exactement comme sous la Rome impériale et au Moyen-Age, ils étaient recrutés pour des campagnes de guerre très ciblées et limitées dans le temps. Les conditions se faisant de plus en plus rudes au fil des siècles, il furent remplacés par les forçats. Les forçats partaient aux galères sur décision de justice pour purger une peine connue sous le nom de Peine des galères. Elle équivalait en France, selon le droit pénal pratiqué sous l'Ancien Régime, à une condamnation aux travaux forcés. Lors de son exécution (immédiate) les forçats étaient envoyés sur les galères royales pour ramer durant des périodes plus ou moins longues ou jusqu’à ce que mort s’en suivre. Les Républiques de Venise et de Gênes, et les empires espagnol et ottoman appliquèrent la même peine, mais le royaume de France, surtout sous Louis XIV, fut le plus zélé à l’ouvrage. …
MEN PORTRAITS _____________________ AU BOULOT ! Vladimir Aleksandrovich Seróv (1910-1968) Portrait d' un travailleur, 1960
Ce tableau a précisément été peint l’année où la croissance commençait officiellement à ralentir en URSS. En cette année 1960, l’URSS est dirigé jusqu’en Mai par le Maréchal Kliment et à partir de Mai par Leonid Brejnev dont l’autoritarisme légendaire le mena par deux fois à la tête du Soviet Suprême, de 1960 à 1964 et de 1977 à sa mort 5 ans plus tard. 1960 est donc l’année que les autorités choisissent pour commander au peindre officiel du régime, Vladimir Serov, Président de l’Académie des Beaux-arts, ce portrait de propagande montrant un héros-travailleur musclé et très sérieux, au prise avec un mystérieux carnet de notes qui démontre sa volonté à la fois de suivre les instructions du Plan à la lettre et d’être un bon serviteur du Parti ! En URSS, l'entre-deux-guerres et l'après-guerre furent des périodes de croissance économique importante, croissance que le régime attribua à l’alliance de la planification quinquennale et du travail forcé. Et en effet, si l’on en croit les chiffres (toujours sujets à caution provenant des autorités de l’époque!) : entre 1913 et 1989, le revenu par habitant fut multiplié par 4,6, en URSS, contre 3,3 en Grande-Bretagne, 3,8 aux États-Unis, 5,1 en France ou 5,4 en Allemagne. Lorsque la croissance ralentit au moment où est peint ce tableau, le Parti Communiste tout puissant dans le pays, considère ce ralentissement comme un épiphénomène provisoire et transitoire. En réalité, les responsables du Plan se révèlent incapables de prévoir les problèmes économiques.
Pire : alors que le concept même d'économie planifiée semble difficile (voir impossible) à mettre en œuvre dans le contexte d'une économie mondiale capitaliste rapidement changeante, sur le plan interne, l'administration de la planification s’avère littéralement paralysée par la bureaucratie. La Nomenklatura, très corrompue, se révèle beaucoup plus attachée à ses propres privilèges qu'au service de l’État ou du Parti ! Dès 1979, le maréchal Nikolaï Ogarkov publie dans la presse officielle, une série d'articles qui expliquent de façon alarmiste que les Américains ont au moins deux générations d'avance dans les domaines de l’électronique et surtout de l’informatique, et qu’il « ne sera
jamais possible pour l’URSS de les rattraper dans ces domaines ». Dans les années 1980, l'URSS se lance donc en urgence dans le développement d’un secteur micro-informatique (ordinateurs de la série DVK et Élektronika-0). Mais rien n’y fera ! L’économie soviétique presque exclusivement dépendante de la production d’armement et des industries militaires et spatiales va s’effondrer littéralement en quelques années. En 1992, un an après l’éclatement de l’URSS, le pays fait état d'une inflation de 2520 % à la suite de la déréglementation de la plupart des prix qui avaient été fixés par l'administration. L’air songeur de cet ouvrier devant son plan de travail donne la mesure des mensonges de cette propagande.
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Gustave Roud (1897-1976) Fermier suisse, 1940 Série " Corps de Paysans " Tirage photographique sur papier Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne
La série "Corps de Paysans " cons(tue une part importante pour ne pas dire essen(elle de la photographie de Gustave Roud. Posant généralement le torse dénudé, le jeune paysan au champ engage une imagerie de la puissance virile. Loin des photo reportages des campagnes, ces séries montrent un protocole de prise de vue réitéré avec différents modèles. Le paysan célébré dans la photographie se détache de la figure liCéraire d’Aimé, dans la mesure où il ressemble davantage à une statue grecque ou à un athlète qu’à l’ange intercesseur. Modèle par excellence, Fernand Cherpillod, a permis au photographe la mise en place d’une esthé(que du paysan proche de l’athlé(sme agricole ou d’un être premier accordé à la terre. Prenant son essor à la fin des années trente, ceCe esthé(que déployée ensuite pendant des décennies entre(ent des liens étroits avec des pra(ques de l’époque : la contre-plongée, l’arrière-fond du ciel, le choix du modèle lui-même jeune, musclé, imberbe ou glabre. La célébra(on du paysan est accompagnée d’une esthé(que du désir que certaines mises en scène avec les ombres ou les objets éro(sent. Mais ces mises en scène, peu nombreuses, laissent le plus souvent la place à la fascina(on du corps athlé(que en tant que tel, dans une épopée silencieuse du faucheur solitaire. * On connaissait Gustave Roud (1897-1976) principalement pour être un des auteurs francophones les plus éminents de Suisse, connu surtout pour ses proses poé=ques. Depuis quelques années cependant, son travail de photographe revient au premier plans de son œuvre au point que : Gustave Roud est considéré aujourd’hui comme l’un des grands écrivains-photographes européens de l’entre-deux-guerres et de l’immédiat après-guerre. Loin d’être simplement un écrivain qui se serait amuser à illustrer sa démarche liBéraire, Gustave Roud a eu une ac=vité photographique intense, et ce dès l’âge de 16 ans et jusqu’à la fin de sa vie. CeBe œuvre n’a jamais été exposée de son vivant. Malgré des exposi=ons posthumes au Centre Pompidou à Paris et au Musée de l’Elysée à Lausanne, ainsi que la publica=on d’un catalogue (Terre d’ombres, Slatkine, 2002), son statut de photographe est longtemps resté marginal. Apres sa mort, Philippe JaccoBet qui a été chargé de gérer son œuvre a tenu à maintenir ceBe distance entre l’ œuvre écrit et l’œuvre photographique. Pourtant, si Gustave Roud avait tenu lui-même à conserver et à transmeBre ce travail photographique abondant, accompli avec détermina=on et rigueur. c’est bien que son inten=on était de le faire connaitre au public. S’il avait souhaité le contraire, Il aurait pu tout simplement le détruire. Il s’est bien gardé de la faire. * Extrait de la no(ce du site Gustave Roud.com
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Le métier de barbier existe depuis la plus haute antiquité Egyptienne et sans doute bien avant encore, dès l’époque où une personne eut l’idée de faire un métier de l’entretien des cheveux et de la pilosité faciale masculine (barbe,moustache, rouflaquettes, sourcils…). Le métier du barbier est assez proche de celui d'un coiffeur, c’est pourquoi les deux pouvaient s’exercer indifféremment (comme on le peut voir dans cette peinture).Pourtant à l’origine c’était bien le barbier qui était plus spécialisé que le coiffeur. Il devait en effet savoir raser de près (dans le sens du poil) et raser à blanc (dans le sens contraire du poil), mais aussi, quand il était barbier-chirurgien, pratiquer des saignées, de petites opérations de chirurgie, des poses de ventouses, de pansements, et
William Roberts (1895-1980) The Barber’s Shop 1946
même des arrachages de dents, les conditions minima d’hygiène n’étant pas toujours au rendez vous ! C’est la raison pour laquelle le poteau signalant au public les échoppes de barbiers, symbolisaient toujours le bâton que le patient devait serrer pour rendre ses veines saillantes. Il pouvait aussi lui arriver de le serrer pour ne pas hurler de douleurs, mais c’est une autre histoire ! En France, il faut attendre 1691 pour qu'un édit royal sépare la profession de chirurgien de celle de barbier nommé alors Barbier de longue robe et Barbier de courte robe. Au XVIIIe siècle, le métier de barbier-perruquier, connu un essor considérable dans toute l’Europe, Russie comprise. Le barbier étant alors quelquefois chargé de préparer et de poudrer les perruques de ses nobles clients.
Au XIXe siècle, le confort fit son apparition avec d’imposants fauteuils à bascules montés sur vérins; ainsi installé le client attendait, une serviette chaude et parfumée lui recouvrant le visage, que le barbier lui propose de le raser soit au pouce soit à la celle-ci étant cuillère, introduite dans la bouche du client pour gonfler sa joue et faciliter le rasage. Le statut de barbier a disparu en 1989 en Europe ainsi que le titre de Maître Barbier, mais il faut bien constater que l’on n’a jamais vu autant fleurir de boutiques de barbier dans les grandes villes que depuis que le métier a officiellement disparu ! Signe d’un engouement des jeunes générations pour ce métier… d’autant que la barbe ellemême a fait un retour massif dans le monde depuis le début de l’an 2000.
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La figure humaine est centrale dans l'œuvre de l’artiste peintre belge d'Anto Carte. Au début de sa carrière, il représenta des personnages mythologiques mais assez rapidement, son œuvre peint choisit des thèmes qui devinrent ses thèmes de prédilection, comme les personnages « à la Brueghel ». Le monde du travail l'inspira aussi beaucoup, en particulier celui des charbonnages de son borinage natal, et celui des paysans ou des ouvriers et mariniers. Le batelier ou marinier peint ici avec sa casquette typique de navigateur fluvial devait piloter une péniche ou un pousseur de convois naviguant sur le réseau des voies intérieures européennes. Le marinier vivait généralement à bord de son bateau, et ne possédait aucun domicile ni propriété à terre. Il vivait dans l’espace restreint de la cabine, le volume le plus important étant réservé à la cale et au fret commercial. Lorsque les grands canaux furent percés et que la navigation sur les rivières se mit à évoluer vers une activité marchande régulière, des familles entières s’installèrent à bord des bateaux, reprenant le même métier - et quelquefois le même bateau - de père en fils. Avant l’arrivée du moteur, les embarcations étaient tractées le long des chemins de halage qui doublaient chaque canal et permettaient à des animaux de traits (cheval, âne) de fournir la force motrice nécessaire au mouvement de l’embarcation.… Il n’était pas rare que le marinier lui-même et les membres de sa famille soient à la manœuvre à la
Anto Carte (1886-1954) Le batelier, 1938 Collection privée
force de leurs biceps et de leurs mains, façonnées, comme on le voit sur cette peinture, pour manipuler les gros cordages. Au fil des siècles, la corporation des mariniers finit par installer ses rites, ses codes, ses saints patrons, ses lieux de rassemblement et même sa capitale. Cette corporation fut très puissante, du fait de son rôle dans l'approvisionnement en marchandises mais aussi dans le transport des voyageurs par voie fluviale ou lacustre. Avec le développement du chemin de fer puis de la route, la profession ne regroupa plus qu'un nombre assez restreint de membres vivants de façon assez marginale et que le public croisait avec admiration lors des manœuvres dans les écluses. La lenteur des voyages fluviaux a longtemps éloigné les enfants des écoles de la République, les condamnant - quand ils n’étaient pas placés dans des internats - à reprendre le métier de leur parents. L'équipage d'une péniche était assez restreint et comprenait généralement : le batelier, son épouse (batelière elle aussi), un seul enfant, et parfois, un matelot. N'ayant pas de mécanicien à bord, le batelier devait être capable d'assurer les petites réparations sur le moteur, l'installation électrique ou la robinetterie. .Jusqu'au milieu du XXe siècle, les conditions de vie furent difficiles à bord, l'électricité et l'eau courante n’étant pas présentes sur les péniches avant que les « batteries à accumulateurs » n’équipent les navires.
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Vincent van Gogh (1853-1890) Le terrassier Dessin au fusain
La pioche à deux piques (rivelaine) et la pelle étaient les instruments de travail par excellence du terrassier comme du mineur de fond. A l’époque où Vincent Van Gogh dessina ce personnage, les instruments de travail n’étaient pas fournis par l’employeur mais il étaient façonnés par l’ouvrier par lui-même à la mesure de sa main. S’il voulait pouvoir exercer son métier, un terrassier devait posséder ses propres outils et ne devait pas compter sur son employeur pour les lui fournir. Son outil de travail était une partie importante de sa richesse. Il en allait de même pour l’ensemble de sa tenue de travail. Le reste de sa richesse était constitué par ses mains, sa santé et son habilité à bien s’acquitter du travail qu’on lui demandait. Employés pour une seul tache à la fois, sans garantie qu’il y en ait une deuxième, on appelait ces ouvriers précaires, des tacherons.
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Barbara Hepworth (1903-1975) Surgery, circa 1949
Alors que le statut de chirurgien était très respecté sous l’An=quité et pendant le Moyen-Age, il bascule dans l’obscurité, à l’aube de la Renaissance. Véritablement relégués dans une caste inférieure parmi les soignants, les chirurgiens furent exclus des études médicales universitaires… et ceci pendant au moins 4 ou 5 siècles. Au XIXe siècle, de grands progrès se font jour à mesure des besoins sanitaires, des types de blessures, du contexte poli=que, religieux ou technologique. L’hygiénisme et l’illusion que l’on pourra un jour guérir de tout, sont alors à leur apogée. Au XXe siècle et surtout après la Première Guerre Mondiale, pendant laquelle la chirurgie réalisa des miracles, le statut de chirurgien retrouve sa splendeur passée. Par la suite, les avancées technologiques en ma=ère de prothèses, de prophylaxie (avec l’arrivée des an=bio=ques dans les années 1950) et de confort anesthésique vont propulser la chirurgie vers l’échelon le plus pres=gieux de l’exercice de la médecine moderne. Aujourd’hui dans la majorité des cas, le chirurgien opère ses pa=ents dans la salle opératoire d'un bloc opératoire, en atmosphère stérile et sous un fort éclairage reproduisant une lumière du jour à son zénith.
Le chirurgien opère à l'aide de nombreux instruments y compris informa=ques, dans les cas de chirurgies non invasives, c’est-à-dire ne nécessitant pas d’ouvrir le pa=ent. Comme le montre ce tableau de Barbara Hepworth, le chirurgien était et est toujours entouré et assisté d’un équipe nombreuse: médecin anesthésiste réanimateur, infirmier(e), anesthésiste, infirmier(e)de bloc opératoire, simulateur d’imagerie médicale et même… robots chirurgicaux. Dans ce dernier cas, les robots sont toujours placés sous le contrôle du chirurgien qui agit, selon la terminologie consacrée, en Maître, le robot étant alors qualifié d ’Esclave. On parle aussi de chirurgies, pour des actes pra=qués par le chirurgien-den=ste en collabora=on des assistants dentaires. Idem pour la stomatologie (cavité buccale, dents comprises pra=quée par un chirurgien stomatologiste. L'épisiotomie, acte chirurgical réalisé par le médecin gynécologue ou la sagefemme lors d'un accouchement, peut directement s'effectuer sur la femme enceinte allongée sur une table de travail ou même à domicile.
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Gerardo Sacristán Torralba (1907-1964) Campesinos de Haro Collection privée
Il s'agit d'un portrait d'un père et de ses deux fils de retour des champs après une journée de labeur. Dans la besace du père, on peut voir l'embout en corne fixé par un collier rouge, très caractéristique de la Zahato. Cette gourde de peau, qui est l’outre traditionnelle des bergers basques. Est habituellement portée en bandoulière par le cordon rouge qui en fait le tour. Dan cette peinture la Zahato est glissée dans la besace du père qui porte aussi sur son épaule le bâton des bergers en bois d'olivier. Un des fils porte un lourd panier rempli de fruits et de légumes (carottes et pommes) qu'il rapporte des champs. Son frère (la ressemblance est trop frappante pour qu'il ne le soit pas) ferme la marche en regardant à la dérobée le paysage de champs d’oliviers qui borde la rivière. Tous trois sont coiffés du béret typique des bergers basques, en laine tricotée et feutrée. C’est une coiffe circulaire et plate, généralement garnie d'une couronne intérieure en cuir qui était traditionnellement tricoté, foulé et préparé « à la maison ». Il est ici porté exactement de la même façon par le père et ses fils. Un mimétisme familial comportemental qui se retrouve dans la façon dont le père comme et les fils gardent leurs poings solidement serrés contre les objets qu’il tiennent, sans doute en signe de l’attachement à leurs biens. Bien que personne ne sourit et que les visages portent les marques de la rudesses des conditions de travail d’alors, le tableau représente une Espagne agricole et pastorale qui ne pratiquait pas encore l'agriculture industrielle intensive du XXIe siècle. Considéré comme l'un des grands portraitistes espagnols du 20e siècle, Gerado Sacristan Torralba fut très peu exposé de son vivant. Il n'aimait pas l’ exercice de la présentation au public de ses œuvres qu’il peignait presque en secret. Quand à ces portraits qui étaient pour la plupart des commandes privés, il estimait qu’il aurait été indécent de les produire en public. On les retrouve aujourd'hui toujours dans des collections privées d’Espagne et du sud de la France.
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Raymond Rochette (1906-1993) Les chauffeurs Collection privée
Le peintre français Raymond Rochette a commencé à peindre des tableaux représentant les paysages de son Morvan natal, des scènes de la vie rurale et de nombreux portraits d’anonymes. Du Maroc, où il réalise son service national, il rapporta des paysages lumineux, mais dès cette époque il écrit à ses parents : « Je crois qu’il serait intéressant de peindre les hommes au travail, suant, rouges avec les énormes machines, la poussière et la vapeur ». Assez curieusement, Rochette est marqué - au point d’en être fasciné - par l’univers de la métallurgie lourde qu’il découvrit à l’occasion d‘une visite d’usine, pendant son enfance. En 1949, soit treize années après sa première demande, il obtient enfin l’autorisation d’entrer dans une usine et d’y peindre. Rapidement accepté par les ouvriers, il les représente minuscules à côté des machines qui les dominent, ou en centre de ses tableaux, toujours saisis dans une précision gestuelle digne d’un reporter. Ils ne cherche jamais à les idéaliser, il les peint simplement « au boulot » comme on disait alors. Ainsi dans cette toile des années 1950, Il peint les « chauffeurs ». Il s’ agit en fait des chauffeurs métallurgistes qui avaient pour tâche de « charger » les fours incandescents, c'est à dire de les alimenter en combustible. Comme on peut le voir ici, les chauffeurs des années 1950 travaillaient dans des conditions extrêmes, à mains nues, têtes nues, avec des vêtements de travail appelés des « bleus de chauffe» qui ne les isolaient pas du tout de la chaleur insupportable des fours. On remarque aussi qu’ils étaient chaussés de simples sabots en bois ! C’est donc aussi de ces conditions de travail quasiment inhumaines, que parle la peinture française Raymond Rochette et c’est en cela qu’elle est un témoignage essentiel de son époque. Le poste de travail de chauffeur existe toujours dans la métallurgie moderne bien qu’il soit de plus en plus remplacé par des robots. Quand des êtres humains l’exercent encore, ils doivent obligatoirement porter des équipements et protections individuelles : chaussures, gants et combinaison ignifugées, lunettes et masques de protection…
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Paul Cézanne a peint environ 300 tableaux dont 54 seulement sont parvenus jusqu’à nous. L’explication tient dans le fait qu’il a lui-même détruit une grande partie de son œuvre. De nombreux portraits d'hommes parsèment son œuvre, prenant pour modèles des critiques d’art, des amis collectionneurs, des membres de sa famille mais aussi des paysans, des gens de maisons et des ouvriers agricoles de la Bastide du Jas-de-Bouffan, la maison de famille où il vécut et peignit durant 40 ans. Son jardinier ,dont on voit ci-contre le portrait en pieds. fit partie des ces modèles favoris C’était un robuste gaillard que l’on retrouve souvent représenté debout ou assis autour de la table de la célèbre série des Joeurs de cartes qui réunissait d’ailleurs plusieurs autres ouvriers agricoles du domaine. Reprenant une tradition des frères Le Nain (1597-1677), Cézanne représenta ainsi des gens simples, des anonymes avec lesquels il aimait vivre, partager un morceau de fromage, des figues, des noix et un verre de vin... À partir de 1870, soit une vingtaine d’années avant que ces tableaux n’aient été peints, la paysannerie française venait de traverser une période particulièrement difficile du point de vue économique. Trois facteurs se conjuguèrent pour déboucher sur cette crise e d’envergure : 1. La baisse des prix des produits qui avait entraîné une amputation des revenus des paysans et une chute des rentes foncières.
Paul Cézanne (1839-1906) Paysan debout les bras croisés, c. 1895 Huile sur toile (82.5 × 59cm)The Barnes Foundation
2. La fin de certaines activités agricoles éradiquées par le progrè, comme la production de colorants organiques (la garance notamment) désormais remplacés dans l’industrie textile par des colorants chimiques ou l’arrivée sur le marché de produits agricoles venus des colonies (huiles, vins) ou du Nouveau Monde (viande d'Argentine)… 3. Enfin, dans la même période : le phylloxera, un maladie qui toucha et décima l'ensemble des vignobles français ; une dévastation bactérienne d'autant plus grave que la vigne jouait un rôle socio-économique majeur en valorisant les terres les plus pauvres. Des révoltes paysannes se levèrent partout dans le Languedoc et en Provence dès la fin du phylloxera et pendant de nombreuses années après. Cette crise des années 1870 entraîna de profondes et durables modifications du monde paysan qui s'organisa pour faire face aux difficultés. Ce fut le début du syndicalisme agricole revendicatif. Parallèlement, l'influence urbaine pénétrait dans les campagnes par le biais du service militaire, du chemin de fer, de l'émigration rurale, de la presse et de l’Ecole . Politiquement cette période fut marquée par l’avènement de la République. qui prit le parti de la cause paysanne, laquelle avait grandement contribué à l’installer au pouvoir.
1892 - The MET Museum, New York
1892 - The Barnes Foundation
1895 - Courtauld Institute, London
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Winslow Homer (1836-1910) The Woodcutter, 1891 Private collection
Le peintre américain Winslow Homer (1836-1910) est surtout connu aujourd'hui pour ses marines. En grande partie autodidacte, il est considéré comme étant l'un des peintres majeurs du XIXe siècle américain et l'une des figures principales du réalisme américain. Né à Boston, il entre d'abord dans un atelier de lithographie de sa ville natale en tant qu'apprenti. En 1859 il commence sa carrière de peintre à New York, en ouvrant son premier studio. Durant la Guerre de Sécession, il travaille comme illustrateur pour le magazine Harper's Weekly, et réalise de nombreux dessins de batailles et scènes de guerre, croquées sur le vif, alors qu'il suit les armées nordistes sur les champs d’affrontements. En 1867, Il décide de se rendre en voyage en France, pays alors réputé pour la vivacité de sa vie artistique et pour ses écoles de peinture. Lors de ce voyage, il rencontre les peintres paysagistes de l'Ecole de Barbizon (Camille Corot, Théodore Rousseau, Jean-François Millet…) qui vont avoir sur lui et sa façon d’appréhender le paysage, une influence décisive. Dès son retour en Amérique, dans les années 1870, il se met à peindre des paysages ruraux et des scènes de la vie campagnarde, comme ici ce bucheron scrutant l’horizon, une fois son travail accompli. Le rendu des couleurs somptueuses (ciel et mer) et l'exactitude des détails, deviennent des traits distinctifs de son art. Son œuvre pleine de vigueur et de réalisme, son expressivité dédiée à l’éloge du spectacle de la nature eurent une influence déterminante sur nombre de peintres américains du XXe siècle et ceci bien que Winslow Homer n’ait jamais eu d'élèves et n’ait jamais cherché à fonder la moindre école.
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Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, jusqu’au XVIIIe siècle, la sieste faisait intégralement par=e de la journée de travail. A la campagne en par=culier, elle cons=tuait le moment de repos idéal et indispensable quand le soleil était à son zénith. Mais l’ère de l’industrie et de l’urbanisa=on ainsi que les impéra=fs de rentabilité du XXe siècle assénèrent un coup fatal à la sieste, soudain considérée comme l’expression même de ce que la paresse avait de plus odieux ! Décrétée improduc=ve en Occident, la sieste serait donc désormais considérée comme un luxe, pire un temps volé sur le temps de travail. Elle fut même qualifiée de danger pour la santé et de « vice » par des hygiénistes du XIXe siècle, uniquement parce qu’elle permeBait de s’endormir au milieu de la journée ! Si la sieste était un vice, c’était alors le vice mieux partagé du monde !
Ainsi en Espagne où les horaires officiels de travail adaptés au climat ont toujours laissé le temps de faire une bonne sieste pour reprendre l’ac=vité vers 15 ou 16 heures. En Chine, la sieste, appelée hsiuhsi est un droit inscrit dans la Cons=tu=on de la République Populaire de Chine (ar=cle 43). Au Japon, de nos jours, de nombreuses entreprises ont aménagé dans leurs locaux des espaces des=nés à assurer la sieste (plus ou moins obligatoire) de leurs employés. Les chefs d’entreprises se sont aperçu en effet que la sieste avait la vertu d’augmenter la produc=vité des employés plutôt que de la diminuer ! Voici donc la sieste promue désormais au rang d’ou=l de produc=vité au travail, et parée de tous les vertus dont celle d’augmenter les performances des employés par le seul fait de couper la journée en deux !! Qui s’en plaindrait ?
Gustave Caillebotte (1848-1894) La sieste, 1877 Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford, Connecticut, USA
MPS n°4 MEN PORTRAITS SERIES ©Francis Rousseau 2011-2020 htpp : //menportraits.blogspot.com
C’EST FINI… à bientôt pour le suivant