Ol’ Mates Poèmes et nouvelles
Bruno Toméra Harry Wilkens Jan Bardeau Eric Dejaeger Jérémy Bérenger Illustrations: Norman Olson et Pierre Tréfois Logo et couverture : Walter Ruhlmann
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Mauvaise graine, revue créée à Cirencester, GrandeBretagne, en 1996, publiée jusqu'en 2000. mgversion2>datura en ligne depuis 2002.
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Mauvaise graine – a literary magazine – was created in Cirencester, UK in 1996 and published until 2000. mgversion2>datura has been on line since 2002.
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Sans titre | Bruno Tomera Nous cherchons un peu d'amour et de paix Avant de rendre nos fringues au vestiaire du néant. Nous cherchons un peu d'amour et de paix, Sous le blanc sourire des pétales des cerisiers d'avril, Sur les traces de rouge à lèvres de la bouche des siècles, Caressant les cicatrices d'une autre chevelure contre nos épaules, Dans l'alchimie du rêve des déments, Écoutant swinguer le murmure envoûtant de l'univers, Dans le cruel mensonge du non-dit des émotions. Nous cherchons un peu d'amour et paix Assis près d'inconnus sur les gradins de l'obstination, Buvant le miroir liquide de verres d'alcool glacés, Décodant le sens des mots effacés d'un amas de computers brisés, Fatigués voyant les outils de l'usine rongés par notre sueur. Nous cherchons un peu d'amour et de paix Sous les luminaires neutres des stations d'autoroute, Partageant l'affolement des oiseaux perdus des migrations, près de magnifiques téléphones bleus aphones, Guettant le moment d'hésitation de la plus sûre des vérités, Abandonnant l'idée d'éternité dans les files d'attente des supermarchés, Dans les mille identités des ombres passantes des rues. Nous cherchons un peu d'amour et de paix Dans les utopies merveilleuses brillantes des yeux de nos frères, Espérant du confus chaos du réel. Nous cherchons un peu d'amour et paix Alignant des phrases imparfaites Pour assembler les bouts de nous-mêmes De l'éparpillement du monde
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Physique des poivrots. Bar des Gachères | Bruno Tomera Combien de centièmes de seconde prendrait la chute si je décidais de sauter du bord du cendrier vert Heineken cela dépendrait de l'emplacement du cendrier et de moi même par rapport à l'équateur, des turbulences, du climat, de la position de mon corps et de sa résistance à l'air, en écartant les bras je planerais quelques nanosecondes le temps d'admirer le paysage des mégots si bavards dont un des filtres est mordu d'angoisse et de solitude un autre enrobé de rouge à lèvres prometteur d'érotisme extrême un autre complètement baveux, un autre déchiré d'impatience ( ces mégots parlent plus que mon voisin de bar ) et puis de m'écraser sur un tas de cendre. Évidemment je ne compte pas mourir dans cette chute c'est juste un désir d'action métaphysique, sauter d'un cendrier vert Heineken ne demande aucun courage, après un certain taux d'alcoolémie c'est tout naturel. Ce qui prouve que le saut lui a toujours un sens alors que la vie n'en a aucun et que l'on passe les trois quarts de son temps d'existence à s'emmerder et un petit quart à quelques illuminations et puis que l'on en raconte des conneries et que l'on ne s'en rend même plus compte.
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Intermède estival avant d'immanquables jours d'hiver | Bruno Tomera Nue, elle ne portait qu'un chapeau de paille sur ses longs cheveux bruns, elle écrivait à mon goût de mauvais poèmes sur un guéridon derrière une astronomique baie vitrée face au chemin communal, à 49 ans elle était belle, le temps s'essoufflait à la rattraper. Tous les hommes défilaient devant la très confortable masure, des rabougris claudicants, des gamins rigolards, des vieux schnocks aux mégots asphyxiés, des coureurs de fond du dimanche au ralenti, de romantiques ados émoustillés et graves, de jeunes péquenots sur leur rutilant tracteur à 100 millions, un vrai boulevard. Quand elle me prenait la tête avec ses interrogations insipides et nostalgiques du genre " Pourquoi ce monde est-il si injuste ? " "Mon existence a t'elle un sens ? " " Patati et patata ?.." je fonçais droit au bistro du village valider mon loto et me reteinter aux rouges limés. Les sourires entendus des habitués du zinc semblaient me dire qu'ils en savaient plus moi sur mon intimité et c'était peut être vrai. Bourré, je rentrais écouter ses dernières créations poétiques sur le comment indigné du cela et le pourquoi vengeur du ceci, c'était pleurnichant.
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Englué à la guimauve, j'avais beau lui rabâcher qu'il n'y avait pas de réponse dans le bric et le broc du monde, tout au mieux on pouvait enjoliver une question et si c'était toujours une question ça prenait l'apparence d'une réponse dans la tête des crédules, l'esbroufe faisait tourner la vie depuis des lustres, Darwin avait mis le doigt dessus et dieu en était retourné jouer le représentant de commerce dans un univers parallèle. Elle me regardait fâchée et vexée, je la prenais dans mes bras et n'avais que l'effort de lui ôter son chapeau de paille. Elle écrivait à mon goût de mauvais poèmes mais elle baisait comme seule une poétesse sait le faire.
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Last News From the Flying Horseman | Harry Wilkens He was last seen in Oakland, Orange Street Without horse, wanted to make it to a poet To save him from death, but, hungry, he collapsed Was picked up by the cops and is waiting for extradition to New York City, Wall Street from where he'd run away.
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What Allen Cohen Did To me | Harry Wilkens Sitting there cool in his wheelchair Small-talking to gorgeous girls Sipping from time to time his mineral water While I was fantasizing to mix it with wine Anyway, water was as rare as 100 year old champagne And no beer around like always All I had to do was to watch Allen Sitting there cool in his wheelchair Small-talking to gorgeous girls And no fucking beer around ! Livorno, September 13, 2003
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Chroniques du bardeau | Jan Bardeau Lorsqu'une ânesse se laisse séduire par un cheval, la jeune dévergondée donne naissance un an plus tard à un animal à mi-chemin du cheval et de l'âne. On l'appelle bardot s'il est de sexe masculin et bardote s'il est de sexe féminin. Le bardeau n'est pas un hybride très apprécié, et sa naissance procède plus des accidents de clôture de champ que de la volonté délibérée des éleveurs. Il ne possède ni la force du cheval ni le caractère placide de l'âne, et ne sait pas très bien quelle est sa place sur la Terre. Il hennit plus qu'il ne braie, et encore est-ce un cri pas très affirmé.
Se tenir là, en équilibre instable ; position inconfortable, jamais trop à l'aise avec qui l'on est, ou qui l'on prétend être. Ainsi chaque matin : je me lève (en retard), je m'habille (trop vite pour distinguer quel vêtement j'enfile), je me sers mon premier café (et déjà mes intestins protestent) et, selon si j'ai bu la veille ou non, j'avale l'un de ces chewing-gums qui écrasent les papilles sous une décharge de menthe (et cachent incidemment les remugles du pinard avalé au soir) ; les jours de brouillard, les rues de Dijon semblent un aperçu des limbes, grises demeures aux ventres bourgeois qui, entre deux lambeaux de vapeur, jettent sur le passant un regard méprisant, défilé d'employés au costume noir, sinistres majordomes aux pupilles éteintes qui se traînent sur le trottoir, à peine plus que des ballots emportés par un courant dont ils ne connaissent ni la provenance, ni la destination, auquel ils ne songeraient un instant à résister. Et chaque matin, ainsi : je descends dans ce sous-sol, lumières au néon, blanches, les machines tournent déjà, mon collègue arrive à l'heure lui, il faut pointer, j'allume la première clope, jette un œil pour voir si tout tourne correctement, et 12
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pose mon cul. Certains s'indignent de la monotonie du quotidien : bah ! Et devraisje m'affadir parce qu'on tire la gueule de toute part ? Trop conscients des liens du travail, et trop serviles pour ne pas mimer le jeu du domestique modèle. Et auraisje à désirer de tumultueuses aventures au sein des jungles profondes ou sur l'étendue mouvante des déserts ? Bouffé par les moustiques, meurtri, brûlé par le soleil ou le froid, percé sans cesse de douleur. Et pourtant, quel autre sens donner à ce fantasme d'une vie excitante, trépidante ? Croit-on que l'on trouvera cela maintenant, au sein de la société de consommation ? L'appétit aiguisé par des chimères, nous errons de produit en produit, et oh ! Captivés par ce vêtement en vitrine, dépêchons de l'essayer ; encore ! Il faudra bien tout goûter, tout ingérer, de la fiction cinématographique, littéraire, radiophonique, télévisuelle, de la fiction en packs de douze qui dégouline insolemment, qui nous enrobe de son nectar et nous promet des alizés que nous n'atteindrons jamais, du rêve éveillé, de la somnolence prédigérée ; ou des montagnes de bouffe qui se transformeront en fleuves de merde ; de l'information, inintelligible, inexacte, distrayante. Viendrons-nous à bout de notre ennui ? Oui, je chante, dans ce sous-sol, dans la cave, l'antre, parfois je chante en imitant la poule, et je danse ou je cours comme un débile. Non, nous ne connaissons pas le plaisir d'une activité génératrice d'un bel objet, d'un artisanat proche de l'art, qui se nourrit de temps et d'un labeur similaire à l'action de l'érosion ; pourtant, voici que nos mains nous servent, que nos corps œuvrent tout de même, et obligés d'improviser, lorsqu'une bécane nous lâche, bien amenés à réfléchir, impossible de 13
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nous
contenter
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de
nous
asseoir
derrière
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un
pupitre,
un
bureau,
et
sempiternellement servir les mêmes procédures, appliquer d'incompréhensibles règles, alors nous plaindrions-nous ? Confinés, paradoxalement plus indépendants que nos bureaucrates de collègues. Oui, j'accepte ce contrat qui m'attache à un employeur, par lâcheté, par conformisme, je m'y plie ; saurons-nous vraiment, dans un avenir riant, nous arracher à ce joug, clamer enfin l'inutilité de ces efforts consentis, jeter à bas le masque de fatalité dont nous nous affublons, simplement dire : regardez-nous, jamais plus ne nous courberons, jamais, le théâtre ferme ses portes, la comédie s'arrête, regardez-nous enfin ! Il ne sera plus question de cette fuite en avant, qui abandonne derrière nous ces tonnes de déchets, empoisonne nos terres et ne dresse comme monde humain qu'une fantasmagorie permanente, qu'un piètre bazar de gadgets inutiles, un amoncellement insensé du superflu et du dérisoire. Eh bien, toujours, je demeure, fidèle au poste, et les machines cliquètent, l'atmosphère est gorgée d'ozone ; une semaine se profile, je ne sais : sans doute, en rentrant, je picolerai, pour m'assommer, la brusque chaleur de l'alcool sur le visage, l'hébétude, souhaitée en même temps que redoutée, qui achève le naufrage de l'esprit, la souffrance qui fuit et la joie, béate, qui remplit un moment la vie.
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Eric Dejaeger | extraits de Prises de vies en noir et noir Une antho de plus Je lis énormément de poésie contemporaine. Tout à l'heure, à la librairie, j'ai feuilleté une antho : " Poésie française des années 90 ". 37 noms tous plus inconnus les uns que les autres. Encore un bouquin à compte d'hauteurs !
Illustrations de Pierre Tréfois
Au théâtre ce matin Une salle vide. Derrière le rideau fermé, des planches désertées. Dans le trou du souffleur, un souffleur oublié. Un souffleur mort. Mort d'ennui d'avoir soufflé trop de répliques classiques.
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Explication concernant une allergie Je n'aime pas aller chez le coiffeur : il y a toujours ces paquets de cheveux par terre. Chaque fois, ça me fait penser à ces récits historiques de batailles où les affrontements se terminent systématiquement par un sol jonché de cadavres. Je déteste aller chez le coiffeur !
Illustrations de Pierre Tréfois
Cet après-midi dans le 63 Parmi les passagers : un aveugle, un handicapé en chaise roulante & une jeune femme en jupe à fleurs sur fond noir. L'aveugle s'est pris les pieds dans la chaise roulante & a failli se planter. Quant à la jeune femme en jupe à fleurs sur fond noir, elle sous-portait une petite culotte rose bonbon !
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Jérémy Bérenger mixes, textes Bruno Toméra Corridor Crashtest Impromptu La rhapsodie des cafards Pièces rapportées Voltigeur
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mgversion2>datura – mgv2_51 Ol’Mates été 2004 issn : 1365 5418 – directeur de la publication : walter ruhlmann. © mauvaise graine et les auteurs, été 2004 e-mail : mgversion2@free.fr web : http//mgversion2.free.fr
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