MAUVAISEGRAINE #23 SPÉCIAL JÉRÉMY BÉRENGER JUNKET BLUES LA FAMILLEMARSALLA LE DÉCAPSULAGE RATÉ DE NORBERT UN RESTAU,UNE TOILE CANNES,FESTIVALOFF
L’ÉDITODU VIKING Tandis que nous approchons du second anniversaire de Mauvaise Graine - le mois prochain, numéro à ne pas manquer ! - nous vous donnons ce mois-ci en lecture 5 nouvelles de notre bien aimé Jérémy Bérenger qui doit être bien conscient d’une chose ; vous ne m’en voudrez nullement de passer ici un court message personnel ; Jérémy, Jérémy... si vous saviez comme j’en ai chié pour traduire vos textes, si vous saviez à quel point j’ai pu vous maudire de si bien écrire et de façon si littéraire, avec des phrases en ponts d’envol, des formules bien à vous et cette verve... mais je laisse à Laure Ménoreau le soin de présenter ce numéro, elle le fera certainement mieux que moi. Jérémy, nous autres de MG vous adorons et vénérons vos textes, ne le prenez que comme un simple compliment, mais nous ne sommes pas peu fiers de vous avoir à nouveau inscrit à notre catalogue. Autre message, mais pas perso cette fois, Bruno vous en reparle à la fin de ce numéro dans sa rubrique habituelle MG SUR[f] LE WEB, nous avons écouté pour vous, et sans aucun scrupule, ni même sans nous forcer, le dernier album de cette auteur compositeur interprète américaine du nom de Tori Amos que, vous le savez pour en avoir maintes fois entendu parler dans MG, nous adorons plus que tout. L’album s’appelle From the choirgirl hotel, il est toujours chez EastWest et c’est plus que jamais une merveille. Je vous le conseille si vous aimez les voix féminines, le piano, auxquels l’on ajoute des rythmes plus modernes ; voire techno, et les femmes qui jouent du piano et chantent et se font accompagner par des musiciens modernes ; voire techno... ! Enfin, je ne finirai pas ce 23 ème édito sans vous rappeler la nouvelle adresse de Mauvaise Graine qui se localise maintenant au 18 rue Auguste Lechesne - 14000 Caen - France. Ni sans vous avertir une seconde fois que nous sommes, Mrgane, Bruno et moi-même, enceints, nous allons effectivement donner naissance à une charmante petite fille un peu coquine du nom de... LA GRAINÉE, dont vous pourrez goûter la saveur dés le mois prochain avec un numéro test qui vous sera offert à tous. Alors pour en savoir plus, restez connectés ! Allez ! Bonne lecture à toutes et à tous et grosses bises de Caen ! À la prochaine fois, pour de nouvelles aventures ! (en l’occurrence, un best of de l’année MG passée, et non pas Beast Of que vous vous apprêtez à lire.)
Walter, dit le Viking While we’re about to celebrate the second birthday of Mauvaise Graine - next month, issue not to be missed ! - this month, we give you to read 5 short stories by Jérémy Bérenger who has to be conscious of one thing ; you won’t be upset if I pass on a personal message ; Jérémy, Jérémy... if only you knew how fucking hard it’s been to translate your texts, if you knew how I damned you to write so well and in such a literary way, with plane track long sentences and phrases so like you and this witty eloquence...but I shall let Laure Ménoreau introduce you and your stories in her portrait, she’ll do it probably better than I. Jérémy, we from MG adore you and worship your texts, just take it as a simple compliment, but we aren’t little proud of putting you in our catalogue again. Another message, but not personal this time, Bruno talks again of it at the end of this issue in his usual chronicle MG SUR[f] LE WEB, unscrupulously and without forcing ourselves, we listened to the last album of this American singer song writer named Tori Amos who you know well for reading a lot about her in MG so much we love her. This album’s called From the choirgirl hotel, it’s still at EastWest’s and a wonder more than ever. I advise it to you if you like feminine voices, the piano, to which modern and even techno instruments are added, and women that sing playing the piano and being accompanied by modern and even techno musicians... ! Finally, I wouldn’t end this 23 rd edito without reminding you the new address of Mauvaise Graine which is now situated : 18 rue Auguste Lechesne - 14000 Caen - France. Nor catch your attention a second time on the pregnancy of Mrgane, Bruno and myself, indeed we gonna give birth to a naughty pretty little girl named... LA GRAINÉE, of which you can have a taste as soon as next month with a testing issue that will be offered to you all. So, to learn a bit more about this, keep connected ! So, good reading ladies and gentlemen and kisses from Caen ! See you next time for brand new adventures ! (in this case, a best of the gone by MG year, and not Beast of that you’re about to read)
Walter, alias the Viking
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LE PORTRAIT LAURE MÉNOREAU Jérémy Bérenger : « un grand rêveur à la sincérité bohème. » C’est ainsi que le qualifie un journaliste cannois. À Sol’Air, nous qui le connaissons bien, nous le considérons avant tout comme un authentique poète et écrivain vivant uniquement pour son art, ceci sans aucune concession envers un système de faux-semblants qu’il exècre. Dans ces quelques nouvelles publiées par Mauvaise Graine, nous retrouvons son style époustouflant, décapant, si particulier, à mi-chemin entre tragédie et comédie, à l’image du spectacle de la vie dont il se délecte et sur lequel il promène un regard d’une extrême lucidité. Les œuvres de Jérémy ont été acceptées dans de nombreuses revues ainsi qu’à Sol’Air qui lui a également édité deux petits romans « Allyson la sibylline » et « La rousseur des bananes à l’été finissant », un troisième peut-être pour 1998. Pour clore cette présentation, je ne saurais trop vous conseiller de découvrir cet auteur ou de le relire si vous le connaissez déjà, en espérant que son véritable talent finira par être reconnu... enfin ! Ce dont nous ne doutons pas. Jérémy Bérenger : « a big dreamer with a bohemia sincerity. » this is the way a Cannois journalist qualifies him. At Sol’Air’s, we, who know him well, consider him as an authentic poet and writer living only for his art, this with no concessions towards a sham world he hates. In these few short stories published by Mauvaise Graine, we can find again his staggering, sharp, and so peculiar style, half way between tragedy and comedy, like the life show of which he takes delight, and on which he has an extremely clear-headed look. The works of Jérémy were accepted in many magazines, and so were they in Sol’Air that published two of his short novels « Allyson la sibillyne » and « La rousseur des bananes à l’été finissant », maybe a third in 1998. To end with this introduction , I could only advise you to discover this author or to read again his works if you knew him before ; hoping his true talent will be acknowledged... at last ! Something we do not doubt of.
www.mygale.org/~mgraine ATTENTION !
des
perturbations
sont
annoncées
en
juin
sur
www.mygale.org. Donc, si vous ne parvenez pas à nous rejoindre, prenez patience et revenez un peu plus tard... ou en juillet ! WARNING ! perturbations are announced in June on www.mygale.org. so, if you can’t come and join us, be patient and come back a bit more later... or in July !
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JUNKET BLUES Nauséeux, le dôme croûteux, jaunâtre, dont les bords épousent le pourtour de la casserole, et qui enfle, s’élève, crève. Nauséeuse, l’odeur du lait qui déborde, jaunit la flamme qui grésille, l’éteint. Le temps est gris et bas, humide, clos. De ses longs doigts, Nel trace des figures sur les vitres embuées. Le bruit du trafic, douloureux, ralenti, éteint, lui parvient comme d’un autre monde où il se vit des événements dilatés par l’affectif de ceux qui les vivent. Nel s’est rétractée, elle. Garrin a dit que Fredo était noir, à cette heure. Garrin ne sait pas ce qu’est le tact et comment on s’en sert, Fredo est en terre depuis ce matin. Une rupture d’anévrisme, a dit sa mère au téléphone dans un sanglot étouffé. Nel n’a rien répondu. Nel a passé son caban, pris le bus comme si de rien n’était, elles ont passé la nuit dans le salon, enveloppées dans une même stupeur. Nel est rentrée au matin, la tête pleine de terre. Celle dont elle a jeté une poignée sur le cercueil de Fredo après Bardette, le chef d’atelier, avant Garrin, coincé dans son costume trop juste aux revers démodés. La mère n’a pas pu. Le carré des indigents, pour Fredo, elle ne peut pas. Nel non plus qui croyait à Fredo, son talent, sa peinture, sa réussite. Effective à leurs yeux et à ceux de Garrin, qui pourtant n’est pas une lumière, pas plus que Bardette qui disait y’a quelque chose, il a un joli coup de pinceau le p’tit gars. Mais bon, Fredo était mécano, n’avait que des amis mécanos et Nel qui n’existe professionnellement que quand ça se présente, ce qui pose mal quand on veut exposer ses toiles et les vendre et se faire reconnaître. Des copains à queue de cheval, il n’en avait pas Fredo. Des copines à Passy non plus. Dans les ministères il ne connaissait personne et il était trop crevé le soir pour aller traîner là où il convient d’aller se montrer au bras d’une poule quand on veut faire artiste. Et Nel n’a rien d’une poule. Elle ne se maquille jamais. Ni belle ni moche ni quelconque, elle a, comme disait la mère de Fredo, quand elle avait encore la tête à ça, une finesse bien à elle qui doit venir de la petite coquetterie qu’elle a dans le regard. Il suffit de peu pour se distinguer des comme-si, la plupart, qui recourent à des artifices pour dépasser ce qui les retient d’être bien. Nel s’aide d’une cuillère pour empêcher la crème de tomber dans le bol où s’épand son lait chaud. Elle y cassera un œuf, mélangera, avalera d’un trait cette bouillie dégueulasse, cependant nutritive. On confectionne un junket avec du lait froid, en principe. Mais Nel a froid, alors ce sera un junket chaud. Au ras des cheminées, le ciel est d’un gris presque bleu. Cette clarté sourde fait ressortir les gris sales des façades, de l’autre côté de la rue, le blanc cassé des évacuateurs de fumées, poussés au gré des mises aux normes réglementaires. L’appart’ sent encore le citron moisi de la vieille dame d’avant. La famille a laissé le frigo à Nel, la télé, un poste TSF en Bakélite art-déco et des cartons, dans le débarras, remplis de vieilles revues. Des fois que vous pourriez en tirer quelque chose, a dit la belle-fille avec ce pauvre sourire des pauvres sur le retour qui s’adressent à plus jeune pauvre qu’eux, il y en a qui datent de la guerre, des L’Illustration je crois, ça peut être recherché. Ils ont laissé, aussi, deux robes-blouses dans la penderie, bizarrement déformées. Les vieilles riches ne connaissent pas cette continue supplique de la voussure. Les vieilles pauvres, trop. Combien de milliers de voussures dans cinquante ans ? Ce devait être leur appart’. Un mot à Nel, pas à Fredo. Appart’ est un diminutif estudiantin. Fredo parlait de piaule. Leur piaule à eux, avec leur pieu où ils passeraient leurs dimanches en jeune couple blottis tous les deux. Et la téloche, le magnétoscope pour se passer des films qu’ils loueraient. Ensuite, ils achèteraient une gazinière neuve. Pas de machine à laver, déjà trop chère la facture d’eau. Puis, comme Nel avait son permis, ils prendraient une caisse. Justement Bardette changerait la sienne au printemps prochain pour une plus grande, vu les facilités de crédits, même s’ils en chieraient six ans. Et il est parti Fredo, sans prévenir. Nel se retrouve seule avec ses affaires dans le sac de voyage. Tout ce qu’elle possède tient dans un boudin de nylon aux anses suffisamment grandes pour qu’elle puisse le porter comme un sac à dos. Son sac, elle, sa piaule qu’elle devra libérer faute de pouvoir assurer le loyer. Discuter avec la pouffe de l’agence immobilière est au-dessus de ses forces. La mère de Fredo a envoyé un chèque pour le mois. Après... Déjà que ça n’avait pas été facile de faire accepter le dossier. La propriétaire voulait un fonctionnaire, ils veulent tous des fonctionnaires en ces temps acculés de gré ou de force à un présent où tout ne va bien que dans les journaux télévisés, quand rien ne va plus dans une majorité de vécus bradés, castrés, niés, sous la menace d’un toujours pire sanctionné par le Droit, bras armé de la bourgeoisie qui, plus que jamais, le détient, le maîtrise et en sévit. Nel n’est pas fonctionnaire et ne veut pas le devenir. Fredo avait son salaire d’ouvrier mécano, un Smig « stable » donc, pour rassurer la propriétaire du placard de vingt mètres carrés en soupente qui serait leur nid sur Montparnasse. Bardette a avancé trois mille balles pour les frais d’agence. Part du lion incontournable et irrécupérable. La pouffe de l’agence a exigé un chèque certifié - une Beurette on ne peut mieux intégrée, maquillée comme un carré d’as, en tailleur presque Chanel, mais trop mini pour être Chanel. Bref, une fille à vieux. Elle a exigé un chèque certifié du bout de ses lèvres trop vermillon, trop lignées, trop pulpeuses pour ne pas être siliconées. Nel s’est dit qu’elle ne devait pas avoir de père ni de grands frères, comme les beurettes du lycée, de la fac, passibles de torgnoles si elles étaient vues au bras d’un cul-blanc, c’est-à-dire d’un Français. Trois milles balles, plus cinq milles de dépôt de garantie, plus deux mille cinq... Nel est payée deux mille sept pour le job d’agent de surface que l’ANPE lui a refilé contre sa maîtrise de socio. Le hall du bureau de poste du quinzième, c’est génial pour observer la société des pauvres gens, lui a fait remarquer Fayçal. Lui est un agent de surface bac plus cinq années d’économie gestion, mais délit d’origine aggravé du refus insolent de se départir de son keffieh. Nel a expédié une tonne de CV partout où se vend la socio, elle a fait des agences de pub, des télés, des radios, des hebdos, pas d’expérience lui a-t-on objecté. Alors, agent de surface. Et c’était limite. Un
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poil, et elle n’avait plus l’âge requis pour bénéficier des dernières mesurettes en date. Dans trois mois, vous pourrez faire valoir vos droits au Revenu Minimum d’Insertion, l’a avertie sans sourciller le prospecteur-placier de l’ANPE. Heureusement, Fredo et sa gouaille, ses toiles, son cambouis étaient là pour faire passer tout ça. À présent... Le junket est un bon plan, quand on n’a pas trop de quoi manger à sa faim. C’est courant, à Londres, les gens qui avalent un, deux junkets par jour en guise de repas, même s’il est plus facile là-bas de gagner sa dalle pour peu qu’on assure bien et qu’on sache fermer sa gueule quand les heures sup’ se succèdent et qu’il n’y a plus de week-ends, de soirées, de vie à soi possible. Bats, un ex de Nel, avec qui elle a vécu quelque temps à Soho, payait d’un régime junket les stigmates de son passé de punk. Quand Bats a repris la route, Nel est rentrée. Fredo, ç’a été tout de suite après, sur le pavé de Montmartre, consenti aux croûteurs à la petite semaine et aux peintres au talent authentique qui n’ont pas les moyens d’avoir les amis qu’il faut pour exposer dignement. La fille, sur la toile, ressemblait un peu à Nel. Par la coquetterie dans le regard et les jambes interminables. Nel a demandé combien elle coûtait. Il a répondu je m’appelle Fredo et je crois au hasard. Ça a commencé le soir même dans sa piaule de Villemomble, banlieue triste, au-dessus du garage où il travaillait. Les draps sentaient le gas-oil. La vaisselle s’entassait, entartrée, dans la bassine de celluloïd qui, avec le concours d’un brûleur à gaz, faisait de la salle d’eau, selon l’usage, un semblant de kitchenette. Pour le reste, des revues de cul, un vieux poste de télé repeint psychédélique, des disques de Sheller, de Manset et d’Aerosmith, un coin salon improvisé avec des banquettes de bagnoles, un téléphone à cadran, des affiches de films, série Inspecteur Harry. Il est noir, Fredo, à cette heure, disait Garrin. Plus de cambouis. Plus de peinture. Car Fredo n’utilisait jamais de noir ni de blanc. Il détestait le lait et a toujours refusé de goûter aux junkets que Nel se confectionnait autour du quinze du mois, en attendant l’obole suivante. Il fait vraiment noir, dehors aussi. Nel frissonne. Décroche son caban, l’enfile. L’escalier de service, alloué à ce qui était jadis les chambres de bonne. Les portes de service des appartements en étage ont été murées quand les temps ont changé. La cage est une spirale vertigineuse. Six étages. La rumeur grandissante de la rue, imbibée de la populace apprêtée du vendredi soir, quand il s’agit de sortir parce qu’il est de bon ton de sortir les soirs où on ne travaille pas le lendemain. Quand on en est. Nel, les poings dans les poches, fend la horde soucieuse d’en être vraiment, des costardspardessus-classiques, catogans, étudiants à lunettes, lookés rap, tendance, filles à l’avenant, en sombre, maquillées-pour-le-soir, cheveux propres, manteaux de bonne coupe, grungy clean, jupes longes, mini, micro, talons, platform-boots, et des mûrissants et des entre-deux et des quadras et des quinquas bien mis pas-decirconstance, et des qui traînent leurs mômes emmitouflés, et des Arabes en passe-montagne égarés là pourquoi comment, et des crieurs de journaux qu’on achète parce qu’on en a pris l’habitude, et qu’on ne lit pas tellement ils soulèvent des questions gênantes... Nel est seule dans cette foule qui va où ? Vers quoi ? Dans quel dessein ? Et qui bourdonne les temps au rythme de ses écrase-merde raclant le bitume en direction de la gare Montparnasse, énorme structure métal et verre, néons, taxis, McDo, la foule, Fredo, Fredo, Fredo, Fredo...
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JUNKET BLUES The sick like, crusty and yellowish top, which edges stick to the sides of the sauce pan, and that swells open, is nauseous. The smell of the overflowing milk, yellowing the flame, and putting it off, is nauseous. The weather’s sad and low, damp, closed. With her long fingers, Nel draws shapes on the stewed windows. The sore, slow, dead traffic noise comes to her like from another world where events dilated by the sensitiveness of those who live them are known. Nel has shrunk herself. Garrin said that Fredo was more than dead by now. Garrin doesn’t know what tact is, and how to use it. Fredo was buried this morning. An aneurysmal rupture, his mother said on the phone sobbing. Nel answered nothing. Nel put on her car coat, took the bus as if nothing had happened, they spent the night together in the living room, wrapped in the same amazement, Nel got home in the morning, her head maculated with soil. The one she threw a handful of on Fredo’s coffin, just after Bardette, the workshop head, and before Garrin, stuck in his too tight suit with obsolete turn-ups. The mother didn’t manage to face the pauper circle, thinking about Fredo ; neither did Nel, who believed in Fredo, his talent, his artwork, his success. True, from their and Garrin’s point of view, who’s not very clever yet, not more than Bardette, who used to say : there’s somethin’ ; that kiddie’s got a pretty stroke of his brush. But anyway, Fredo was a grease monkey, only had grease monkey friends, and Nel only exists professionally when jobs show off, which’s not the best when one wants to show and sell their works, and become popular. Fredo had neither pony-tailed friends nor lady mates from Passy. In the ministries, he didn’t know anyone and was too shagged to go out in the evening where one has to go show off on a bird’s arm when they want to be an artist. And Nel is but a bird. She never wears make-up. Neither pretty nor ugly, nor ordinary looking ; like Fredo’s mother used to say, when she still had all her head for that, she has a self sensibleness which must come from the little cast she has in her eyes. Little’s needed to distinguish oneself from the as-if’s, most-of’s, who use tricks to overtake what holds them back from being pretty. Nel uses a spoon to prevent the skin from falling in her bowl in which she pours the hot milk. She’ll break an egg in it, stir, swallow in once this puky mud ; yet, nutritious. A junket’s usually made with cold milk. But Nel’s cold, so she’ll have a hot junket Levelled with the chimneys, the sky looks bluish-grey. This heavy clearness makes the dirty grey walls on the other side of the street, the off-white smoke sluices that grew up according to conforming of standards, appear. The flat still smells rotten lemon from the lady before. The family left the fridge, the tv set, an art-deco wireless of Bakelite, and boxes full of old magazines in the junk room to Nel. In case you could gain something off it - the daughter-in-law said, with that grim known to the poor a bit past it, who talk to younger poor than them ; some of these magazines date of the war, some L’Illustration, I believe, it might be searched for. They also left two blouses strangely put out of shape in the wardrobe. The rich old women do not know this continuous petition of the arching. The poor old women do too much. How many thousands archings in fifty years ? This should have been their flat. One of Nel’s word, not Fredo’s. Flat is a student idiom. Fredo used to talk about pad. Their own pad, with their sack in which they would have spent Sundays like a young couple curled up altogether. And the tv, the video recorder to play on movies they would rent. Then, they would buy a new cooker. No washing machine, for the water bill was already far too dear. Then, as Nel had her driving licence, they would get a motor. Just for that, Bardette would change his next spring for a bigger one, given the credit facilities, even if he would be fucked for six years. Fredo is gone, without warning. Nel finds herself alone with his clothes in the travel bag. All she owns sticks into a nylon dog with handles large enough so she can hold it like a rock-sack. Her bag, she, and the pad she’ll have to leave for she can’t pay the rent. Have a chat with the estate agency slapper is above her strength. Fredo’s mother has sent her a cheque to pay this month’s. Then... As it is, it hadn’t been easy to have the case accepted. The landlady wanted a state employee, they all want state employees in these times willy-nilly driven backwards against a present in which everything’s all right only in the tv news, when nothing’s going right in the majority of lived-things sold off, castrated, denied under the threat of a worst always muffled by the Law, armed arm of the bourgeoisie who holds it, manages it, and lets loose with it more than ever. Nel isn’t a state employee, and never will be. Fredo had his car mechanic pay, a ‘steady’ guarantee minimum wage, so, to reassure the landlady of the twenty meter square closet that would be their nest in Montparnasse, Bardette paid three thousand French bucks in advance for the charges. The lion’s inescapable and unreclaimable share. The estate agency slapper asked for a certified cheque - a Beurette* just perfectly integrated, wearing make up like four aces and a nearly-Chanel suit but to short to be a Chanel. In brief, a girl with means called old man. She asked for a certified cheque from the top of her lips, too red, too lined, too full not to be siliconned. Nel thought she mustn’t have any father or elder brother like the Beurettes of the college, of the Uni, liable to swipes if seen on a white ass’s arm, it is to say a French man. Three thousand French bucks, plus five thousand for the deposit, plus two thousand and five hundred... Nel’s paid two thousand and seven hundred for working as a janitor after the job centre forbed it off on her when she had a sociology master. The post office hall in the 15 th is great to watch the poor people society, Fayçal made her notice. He is a janitor with a five year degree in economy and management ; but origin offence worsened by the arrogant refusal of taking off his keffieh. Nel sent tonnes of CV’s anywhere sociology’s found out, she tried the advert agencies, tv’s, radios, weekly papers, no experience she was objected ? So, janitor. And that was just. One bit more and she was too old to benefit from the last updated measurettes. In three months
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time, you can claim for income support, the job centre job-placement officer warned her not turning a hair. Thanks God for that, Fredo and his cheeky humour, works and grease were there to make it all right. Now... The junket is a good thing when there’s no more food in one’s plate. It’s just usual, in London, people who swallow one or two junkets down a day, instead of a meal, even if it’s easier over there to earn one’s crust as long as you work all right, and shut your face when over-time gets huge, and there’s no more week ends, evenings, private life at all. Bats, one of Nel’s ex, who she lived with some times in Soho, paid back with a junket diet the scars of his past as a punk. When Bats went back on the road, Nel got home. Fredo was just right after, on Monmartre’s paved streets offered to the small-time daubers, and painters with an authentic talent who haven’t got the means to know the friends one must to show off with pride. The girl on the canvas looked a bit like Nel. From the cast in the eyes and the endless legs. Nel asked how much it was. He answered I’m Fredo and believe in fortune. It started the same evening in his pad, in Villemomble, sad suburb, above the garage where he worked. The bed sheets smelled like gasoline. The scaled dishes were piling up in the celluloid bowl that made a mighty kitchenette of the bathroom with help from a gas heater. The rest was porn magazines, an old tv set painted again psychedelic, records by Sheller, Manset, Aerosmith, a living room corner made up off car seats, a framed phone, movie poster bills, Inspector Harry’s series. Fredo’s more than dead Garrin said. No more grease. No more paint. For Fredo never used black or white. He hated milk and always refused to taste a junket Nel was making around the fifteenth of each month, waiting for the following mite. It’s really dark outside as well. Nel shivers. She gets her car coat and the backstairs driving to what was the maids’ rooms before. The backdoors of the flat above were blocked up when times changed. The case is a vertiginous whirl. Six levels. The growing rumour of the street that is soaking with the Friday evenings’ readysteady people - when it’s time to go out for it’s good to, when you don’t work the following day, when you’re one of them. Nel holds her fists in her pockets, cleaves away through the heard concerned about their being really one of them, classical suit coats, small ponytails, on-glass students, rap like’s, tendency, welcoming girls, shadowed, wearing make-up-just-for-once, clean hair, good sized coats, grungy clean, long, mini, micro skirts, heels, platform boots, and some growing ups, and some middle aged, and forty-year-old ones, fifty some, well cut’s, no circumstances’, and some who drag their wrapped up kids, and Arabs wearing ski hats lost here why ? how ? and paper people who you buy them off to because you got used to it but don’t read them for they talk about embarrassing things... Nel’s alone in this crowd that goes to where ? What ? And what for ? And that buzzes at her temples on the rhythm of their crush-shit shoes racking the asphalt going towards Montparnasse station - huge, metal and glass made structure - neon’s, cabs, Mac Donald’s, the crowd, Fredo, Fredo, Fredo, Fredo...
* Beurette : young Maghrebin girl born in France.
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FAMILLEMARSALLA - BEAUFS Z’ORDINAIRESCe matin, ça sent l'eau de toilette en réclame, à la Sécu. La famille Marsalla est venue en charter de sa cité Brazillach, banlieue sombre, municipalité Fion National, ceci résultant de cela. Un ménage à trois, les Marsalla, avec intrigues allocatives, tourments bureaucratiques, persécutions huissières, petits sous ruminés, grandes frustrations recuites. Un ménage à trois avec belle-doche omniprésente, ménoche aigrie, ulcères à l'estomac, variqueux, dans sa tête. Il suffira d'une bibine, d'un match nul, d'un samedi soir de trop pour que résulte de cette équation à risques, un fait-divers pour cover de Qui ? Détective. Lui, l'Henri, est chômeur, passé pro il y a trois ans. Fils de sa mère fière de son rejeton, pas de la bordille qu'il a mariée. Heureusement qu'elle est là pour veiller au grain, la vieille. Le sang de son sang ? Il en reste un peu dans la Heineken qui coule dans ses veines à l'Henri, qu'elle trouve beau garçon dans son costard soldé qu'il met pour faire bonne impression. Son verbe bavochard, son nez qui coule tout le temps, lui viennent du côté de son père qui est mort il y a longtemps, ailleurs, c'est oublié et vaut mieux. Simone Marsalla, elle en a ras la mise en plis de son inquisition, à celle-là. Si elle ferme sa gueule c'est pour son Henri et pour les gosses. Des années qu'elle dure, qu'elle se mêle de tout, qu'elle commente tout, qu'elle sait tout, la belle-doche avariée, des années qu'elle conseille à l'Henri, en douce, de la divorcer pour une plus jeune, moins épaisse, avec une situation et des sous. Une femme digne de lui. Mais entre l'Henri et la Simone, c'est le grand amour. Ils se sont rencontrés à la Fête de la bière, brasserie itinérante où, sur fond d'accordéon, la Kro coule à flots avant, pendant et après la choucroute dégarnie. Henri l'a trouvée jolie, Simone, et pas farouche, elle dansait bien la lambada bavaroise une choppe dans le nez. Elle, a tout de suite vu que ce serait lui. La voyante d'RTL lui avait prédit qu'elle rencontrerait un homme bien sous tous rapports pendant ses vacances à Pithiviers. Viril, balaise et tout. C'est vrai qu'il avait un petit air de famille avec Sylvester Stallone, l'Henri, à l'époque. C'est pour ça qu'elle a dit oui le premier soir à l'arrière de la R16 Gti turbo. Ils aiment bien Sylvester, les deux. Schwarzie aussi, mais Sylvester est plus proche des gens, à en croire Entrevue. Paraît qu'il est pas si gogol qu'on le dit, qu'il a de la culture, du respect pour son public et qu'il fume la pipe. Alors Sylvester, pour lui arriver à la Ranger, faut s'accrocher. L'Henri et la Simone, ils ont essayé de l'approcher au Festival de Cannes, mais ils ont dû se contenter de serrer la louche à son sosie officiel. Ils ont encadré au-dessus de leur pieu la photo où ils posent avec lui devant le Carlton, prise au Polaroïd à retardateur que la belle-doche leur a offert en cadeau de mariage. Sans pelloche. Idéal pour les photos hard, le retardateur. Henri il aime ça. Simone pas trop, m'enfin, ils en ont toute une collec' qu'ils reluquent quand les gosses sont au Village Vacances Familles avec leur mamie. Le reste du temps, il les planquent dans une valise sur l'armoire. Aujourd'hui, il a plus grand chose de Sylvester, l'Henri, à part la voix éraillée, vu ses trois paquets de Benson par jour et toutes les bières qu'il s'enfile. La Simone, elle bosse pour lui et pour les gosses et pour belle-môman. Ménages au black le matin, crémière en cédédé l'aprême, heures-sup non payées mais c'est déjà bien d'avoir un boulot et puis y'a les crédits de la télé sattelite, du caméscope, du salon façon cuir, du living en simili pin naturel, et surtout de la caisse, qu'ils en ont pris pour quatre-vingts-seize mois. Mais bon, Simone elle ferme les yeux. La Béhème, c'est le rêve de gosse de son homme. Une série 7 options alarme, cibi 24 canaux, autoradio-laser surround six baffles, génial pour s'écouter Ophélie Vingt-Heures - Simone elle adore, même si l'Henri il préfère Johnny et sa vieille, Frédéric François. Les gosses, ce serait plutôt les Boys Band, mais l'Henri qui s'y connaît il dit que c'est pas du bon rock, et puis ils chantent presque en étranger, qu'au moins les Compagnons de la Chanson, comme Boys Bands, c'était chiant mais pur trichlolore. On savait ce qu'on écoutait. Alors, Kevin, Kimberley et Steve ils s'écrasent et y'a intérêt, sinon c'est les beignes et ils sont privés de clopes. Donc, Simone elle marne pour tout ce beau monde à l'Intermarché, rayon fromagestraiteur où on la trouve pas gracieuse, pas sympa, pas souriante pour un sou, mais vous savez c'que c'est ma pauv'dame, au jour d'aujourd'hui ils sont tellement mal payés, avec tout ce qu'on leur prélève, et si c'est pas malheureux, la pôvre, de devoir travailler dans son état. Car la Simone est en cloque. Encore. C'est vrai que l'Henri, sans être un obsédé, il a que ça dans la tête. A peine elle a passé la porte de leur F3, quinzième étage-gauche avec loggia, il l'entraîne dans leur chambre au lit jamais fait, où il la trousse rapide pendant que Mémée donne à
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manger aux gosses en regardant les z'infos de Pépédé, qu'est encore un bel homme, que c'est pas possible qu'il soit aussi salaud que le prétendent les mauvaises langues. Simone elle voudrait bien pouvoir souffler un peu de temps en temps, mais la moniche avariée lui répète à tout bout de champ, Faut vous laisser faire ma fille, c'est bon pour l'hygiène et c'est vot'devoir conjugal, et puis comme y disent dans Femme actuelle, un chômeur de longue durée a besoin de l'appui de son entourage pour croire en lui et rester positif. Alors, Simone elle laisse faire, en tachant d'éviter le ballon, mais ç'a a raté au dernier réveillon. Si au moins elle prenait ce qu'y faut, râle la vioque. Mais le docteur il est pas d'accord. Non plus pour la totale, paraît que c'est trop tôt. Et Tas d'Os d'ajouter qu'une femme vidée c'est comme qui dirait un panier percé, ça sent plus rien. Parce qu'on sent quelque chose ? Après, surtout.. Trois fois où elle a cru y passer, Simone. Avec Bobby, qui veut faire dealer plus tard, ou homme politique, n'importe quoi qui gagne un max moyennant le minimum de prise de tête. Avec Kimberley qui allume tout le quartier à douze ans, et qui fera chanteuse à seize ( elle s'entraîne avec un concombre en guise de micro ). Et Kevin qui fout rien au CE1 qu'il redouble pour la troisième année. Elle trouve la vie moche, Simone, à partir du 15 du mois, et pendant le Mondial de foot où l'Henri, sa vioque et les garçons décollent plus de la télé. C'est elle qui se tape le ménage, la vaisselle, la lessive, la cuisine, le repassage, les commissions, sortir le rotvéler qu'est si hargneux quand il a ses chaleurs, ramasser les bibines vides, monter les packs à s'en faire des tours de rein qu'heureusement, cette année, elle peut pas. Même si le Mondial se tient en France et qu'il faudra y'aller sur place. Kevin il veut absolument parler à Cantona pour lui dire qu'y veut faire du foot en pro et gagner plein de thunes et faire des pubes et du cinoche et des disques et publier des livres même s'il sait pas trop écrire. Canto non plus, mais quand t'as un nom, dit Rachid du bloc à côté qui veut percer dans le rap hardcore, quand t'as un nom, mec, le moindre louf que tu laches on te le paie au prix fort, y'a que ça pour s'arracher du quartier, y'a qu'ça pour qu'on te respecte, y'a qu'çà pour te taper des taspés, brother ! Ouais. Simone elle trouve la vie moche, pendant le Mondial, à partir du 15 du mois et le dimanche après le Papy Brossard. Le reste du temps faut pas se plaindre, y'a pire. Heureusement qu'elle a son Henri que s'il voulait bien faire un effort, y trouverait facilement à se faire engager dans la police municipale. Y'a que là qu'ils embauchent, c'est une place stable et y'a la sécurité de l'emploi, avec tous ces étrangers qui rôdent. Mais la harpie elle veut pas. Aucune envie de suivre le cercueil de son fiston. Et pour sûr que l'assurance jouerait pas. Il lui faudrait encore supporter les frais d'obsèques. Et la Simone qu'est pas foutue de gagner sa vie et les gosses qui bosseront jamais. Surtout que le prochain est prévu pour dans six mois et que ce sera une fille. On peut pas dire, y'a les allocs, mais comme dit Tata Ginette qu'en a fait huit et qu'elle sait de quoi elle parle, petits gosses, petits soucis, grands, tout à l'avenant. Encore des assistantes sociales en perspective, des problèmes, des psychologues disjonctés, des nuits blanches, des docteurs, et des queues à la Sécu. Deux heures qu'ils poireautent, tous les trois. La Simone voudrait faire valoir qu'elle est enceinte, mais faut être basané pour avoir la priorité, lui a glissé l'Henri, et elle a pas insisté. Elle se dit que si ça continue, elle va faire un caca nerveux, Simone. Elle sait pas ce qui lui arrive, mais tout à coup, ça la démange de se prendre par la main et puis, et puis... - Monsieur ou Madame Marsalla, bureau 4 au fond à gauche, siouplaît !
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THE MARSALLAFAMILY - ORDINARY COMMONZ This morning, it smells advertised eau de cologne at the B.A 1. The Marsalla family have come in a charter from their Brazillach city, a shadowy suburb, which town house is Fion National 2 - this being the consequence of that. A ménage à trois, the Marsalla, with allotment plots, bureaucratic tortures, usher persecutions, little rotten money, big frustrations, re-pissing-up. A ménage à trois with an omnipresent mom-inlaw, early menopause, stomach ulcer, varicose, as she thinks. It’ll only take a brew, a tie, a Saturday night too many to give off this risky equation, an event for the cover of Who ? Détective. 3 He, Henri, is on the dole, promoted three years ago. Son of his mother proud of her kid. Not of the messy one he married. Thanks for that, the old cow’s there to keep an eye open for trouble. The blood of his blood ? There’s still some left in the Heineken that runs in his veins, Henri, she finds good looking in his sold-out suit he wears to impress. His endless speech, his continuously running nose come from his father who died years ago, elsewhere, it’s forgotten, and better. Simone Marsalla has had up to above her hair set of the old cow’s inquisition. If she shuts her face it’s for her old Henri and the kids. Years the out of date mom-in-law lasts, takes part in all, comments, knows, sees, and regences everything. Years she advises Henri to lay her off on the quiet, to start again with a slimmer, younger, richer, and socially higher set girl. A woman worth him. But between old Henri and Simone, it’s great love. They met at the Fête de la bière, road pub, with accordion background tune, the Kro 4 flows down before, while and after the choucroute dégarnie Henri founds her pretty, and not farouche, she danced well German lambada, a bit gone. The voyant from RTL 5 had predicted her she would meet a well educated man during her holidays in Pithiviers. Virile, beefcake, and the rest. That’s true he looked a bit like Sylvester Stallone. That’s why she said yes the first night, at the rear of the turbo Gti R16. Both, they quite like Sly. Schwarzy too, but Sly’s more attentive to people, as Entrevue 6 wrote. It’s said he’s not such a jerk, got education, respect for his audience and smokes the pipe. So, to reach his Ranger heel, you’ve got to be ready-steady. Henri and Simone tried to approach him while Cannes Festival, but they had to content themselves with his official double. They framed the picture of them posing with him in front of the Carlton - they took it with their selftimer Polaroid the old cow offered them on their wedding anniversary - above their sack. With no film. A self timer Polaroid is ideal for porn photo. Henri enjoys that. She doesn’t much. But well. They’ve got a whole collection they watch when the kids are off at the Family Holiday Centre with their grand’. Otherwise, they hide it on the top of the wardrobe. Now, Henri doesn’t look much like Sly, apart from his rasping voice. The three packs of Benson he smokes a day aren’t not foreign of that, and all the beers he knocks back... Simone works for him, the kids and the old cow. Cash in hand housework in the morning, p.m. temporary contracted dairy woman, not paid overtime, but it’s already a good thing to have a job, and the credits are left to be paid : the stereo cablevision, the video camera, the leather-like living room, the pine-wood-like living room unit, and most of all the car for which they have to pay for seventy nine months, and the old cow who doesn’t even pay them one French buck back from her reversion pension. It’s a five-year-old-made option series BMW, her old man kid dream, fitted with an alarm, 24 channels CB radio, and a Dolby surround car cd-radio fitted with six baffles, just great to listen to Ophélie Twenty Hours - Simone adores it, even if Henri prefers Johnny, and the old cow Frédéric François. The kids have the Boys Bands, but Henri who knows a lot, says that it’s no good rock, and that they sing nearly in a foreign language, at least, Les Compagnons de la Chanson, as Boys Band, they were like a pain in the ass, but pure trichlolour. You knew what you were listening to. So, Kevin, Kimberley, and Steve shut up and that’s better, or then they get smashed and can’t have fags. So, Simone works for all these people at Intermarché delicatessen counter where she’s found not gracious, not nice, not smily at all, but you know what it’s like, Madam, nowadays they’re so craply paid, and with all those taxes, and the poor old one, isn’t that sad to have to work in her state. For Simone is pregnant. Again. It’s a fact that Henri, not being obsessed with sex, can’t help thinking about it. She hardly passes through the door of their flat, fifteenth ground on the left with a loggia, that he drags her in their bedroom, in the bed always undone, and he fucks her quickly while the old cow gives their meal to the kids watching the newz with PPD 7 who is still good out looking, who can’t be as fucking bad as the mauvaises langues pretend. Simone would like to get her breath back sometimes but the out dated old-mom always tells her You got to let yourself do, daughter, she endlessly repeats to her, it’s good for the hygiene, and it’s your conjugal duty, and as they say in Femme actuelle 8, a long term unemployed person needs his family circle’s support to believe in themselves and keep positive. So, Simone lets it do. She does what has to be done to avoid pregnancy, but it failed last New Year’s Eve. If only she was taking what has to be taken, the mom-in-low moans. But the doctor disagrees. Simone asked for the whole thing, it seemed to be too early, and the bone bag who adds that an emptied woman is like a spendthrift, it doesn’t smell anything more. Because you can smell something ? After, mostly. Three times she thought she was kicking the bucket, Simone. For Kevin who wants to be a drug dealer later, or a politician, or whatever that earns a lot with little worries. For Kimberley who already drags up the whole neighbourhood at twelve, and who’ll be a singer at sixteen (she trains up with a cucumber as a micro). For Steve, who doesn’t do a bloody thing in the tenth grade he triples this year.
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She sometimes feels like life’s crap, Simone, especially after the fifteenth of the month, and while the Football World Championship when her ol’ Henri, the old cow and the kids don’t get away from the tv. She’s the one who has to do the dishes, dusting off, the washing, the cooking, the ironing, the shopping, walk the rotvéler which is so nasty when it’s got its period, picking up the empty bottles of booze, taking up the packs to hurt her rear, thanks god, this year, she can’t. Even if the championship takes place in France and they’ll have to go there Kevin absolutely wants to have a chat with Cantona to tell him he wants to play soccer as a pro and earn lots of French bucks and play in advert, movies, and record plates, and publish books even if he can’t write that much. Canto can’t either, but when you got a name, Rachid, who lives in the next building and wants to manage in hard-core rap said, when you got a name, mate, the least crapy thing you let off is paid to you a lot, that’s the only thing to snick off the street, the only thing for you’re respected, the only thing to pull birdies, brother * ! Yeah. Simone, she finds life crap, while the Soccer World championship, from the 15 th of the month and on Sunday afternoons after the piece of Papy Brossard 9. The rest of the time, she doesn’t have to complain, there’s worse elsewhere. Thanks God, she’s got Henri who could do a bit of an effort if he wanted to, she’s certain that he could join the city police squad, it’s the only place where they employ, it’s a steady job and you’ve got employment security with all these aliens that wander around. The mom-in-law doesn’t want, as long as she doesn’t want to walk behind her kid’s coffin at all, for sure, and she would have to pay for the funeral charges, for the insurance wouldn’t pay for them. And Simone who can’t be assed to get a proper job, and the kids who’ll never have one. Especially that the next one is due to within six months, and will be a girl. Some more troubles despite the benefit. Small, small trouble, tall, foreseeing all, Auntie Ginette used to say. Mind you, she knew what she was talking about since she had eight kids. Some more social workers in sight, off-their-head psychologists, troubles, sleepless nights. Queuing at the B.A.. The three of them have been left cooling their heels for two hours. Simone would have liked to point out she’s pregnant, but you have to have dark skin to get priority, Henri whispered, so she doesn’t insist. She says to herself that if it keeps so, she’s gonna get jerky. She doesn’t know what’s happening to her, but all of a sudden, it starts in her, a wish of sticking up for herself, and then, then, then... - Mr or Mrs Marsalla ? Office number four, at the back on the left, pleaze !
Traducer’s notes : 1
B.A. : Benefit Agency. put for Front National : French « political party ». 3,6,8 French « magazines ». 4 put for Kronenbourg : lager. 5 RTL : Radio and Television of Luxembourg. 7 PPD, or PPDA : Patrick Poivre D’Arvor is the most popular tv news presenter. 9 just like Sara Lee’s crap. * in English in the French version. 2
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LE DÉCAPSULAGE RATÉ DE NORBERT Norbert il regarde pas les femmes et elles non plus. Norbert il est un grand garçon, il a de l'éducation, il va pas au bar, il regarde pas les femmes et il fume pas. Sauf le dimanche après le gâteau. M'man cache ensuite le paquet en haut dans le buffet de la cuisine. Papa a donné la permission quand il a eu vingt ans. Après, Papa il est parti et Norbert il l'a remplacé. Les pin's au revers du manteau gris, c'est un peu comme les médailles de Papa. Aux commissions, un manoeuvre l'appelle mon colonel et les autres le saluent au garde-àvous. Norbert il relève le front, il crispe la mâchoire. Depuis tout petit. Le mercredi il vient la cousine Canette et son demi-frère Guigui. Norbert il est pas comme eux, ah ça non. D'ailleurs il a honte qu'on le voie avec eux. Guigui il bave tout le temps, il a un oeil fermé, il crie des choses qu'on comprend pas et il sent mauvais et la Canette elle est grosse et elle met la jupe courte et elle a un défaut de langue et elle fait des choses avec les hommes. Papa il les aimait pas. Il avait bien raison. Il avait toujours raison, Papa. Et Norbert, il est pas comme eux, ah ben non. L'été, Canette elle le force à mettre un ticheurte, à Norbert. Il aime pas ça. Il préfère les costumes de Papa, ses chemises, ses cravates, son manteau gris, sa casquette. On garde les choses longtemps, dans la famille, on ne dépense pas à tort et à travers. A la caisse des commissions, Norbert il vérifie qu'on lui rend bien la monnaie. Il compte sur ses doigts, les gens derrière rouspètent, il y en a même qui se moquent, mais Norbert il compte quand même. Il doit ramener la monnaie à M'man. Elle compte aussi. Elle a que ça à faire, M'man. Elle sort plus. Norbert il fait la cuisine, un peu de ménage et la vaisselle pour se rendre utile. Après il demande la permission de faire ses coloriages, ou il lit son livre, le même depuis qu'il apprend. M'man lui explique, quand elle est d'humeur. Il a déjà lu douze pages. Il sait même se servir de la télécommande de la télévision, et comment on appelle le docteur. M'man elle est très malade. Norbert il lui donne ses gouttes tous les soirs, ça la fait bien dormir, elle tousse moins, elle crie pas la nuit. Des fois, la concierge demande comment elle va M'man, qu'on la voit plus, et Norbert il répond de sa voix restée petit garçon, une voix comme les mickeys on lui a dit au dispensaire, il lui dit à la concierge qu'elle va bien M'man, qu'elle sort pas parce qu'elle est fatiguée et qu'il fait froid et qu'elle tousse, alors elle dort beaucoup. Sinon Norbert il parle à personne, et il regarde pas les filles. C'est pas pour toi les filles, lui disait tout le temps Papa qu'il avait toujours raison. C'est vrai. Un jour, au dispensaire, il a touché une fille. Elle a crié. Ils l'ont grondé. On l'a jamais plus vue. La cousine Canette elle s'est laissé tripoter. Elle lui a même fait des choses à Norbert. Depuis, il y pense tout le temps. Mais ça sent mauvais et c'est pas bien. Le mois dernier, il a eu envie de faire des choses dans un coin sous son manteau gris. Deux agents l'ont pris, ils l'ont emmené, Norbert il a pleuré. M'man elle est venue le chercher au commissèriat, après elle l'a tapé sur les fesses avec la cravache de Papa, puis elle a appelé le docteur qui lui a fait la piqûre. Depuis, Norbert il sait pas pourquoi, mais il a comme une boule qui lui brûle en dedans, et alors M'man elle dort beaucoup. Les gouttes elles font plus d'effet quand on en met plus. Vaut mieux qu'elle dorme, M'man, parce que la cousine Canette elle doit viendre aujourd'hui pour le décapsuler, Norbert. Il sait pas trop ce que ça veut dire mais ce qu'il sait, c'est que Canette elle se laissera toucher et qu'elle le fera essayer comme dans les journaux que Guigui il lit le soir en grognant. Non, vraiment, il faut pas que M'man elle se réveille, ah ça non. Ca fait... Norbert il compte sur ses doigts, quatre jours que M'man elle dort. Il marche vite, Norbert. Il a rendez-vous quand la petite aiguille sera juste avant la grande, l'heure du journal parlé. Le manoeuvre des commissions le salue mon colonel. Norbert il relève le front, il crispe la mâchoire. Norbert il est un homme. Papa le lui disait souvent en le regardant de haut, comme quand il regardait ses hommes à lui quand c'était la guerre et qu'ils tuaient les arabes. Canette aussi, elle lui a dit qu'il est un homme, même qu'elle veut se marier avec lui pour avoir les sous. Mais elle aura pas les sous, personne aura les sous, le docteur il l'a dit. Canette elle est devant la porte de la maison avec la tante Marie-Josée qu'elle est un peu infèrmière. Elle a mis la petite jupe Canette, et son noeud dans les cheveux. La tante Marie-Josée elle parle à la concierge, il y a aussi le docteur et une voiture rouge et une autre blanche. Norbert il lève sa casquette comme Papa, il dit bonjour en hochant la tête avec sa voix comme les mickeys. Le docteur il lui dit de monter dans la voiture rouge, mais Norbert il répond qu'il doit d'abord poser les commissions, faire un peu la cuisine et aussi qu'il a rendez-vous avec Canette qu'elle doit le décapsuler. Mais le docteur il insiste et deux messieurs en bleu le prennent par les bras. Ils sont sympathiques ces messieurs, mais Norbert il veut pas monter dans la voiture rouge, ah ben non. Et pourquoi que Canette elle rigole comme ça ? Et pourquoi la tante Marie-Josée elle pleure ?
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HOW NORBERT’STOPPING OFF FAILED Norbet doesn’t look at women, and they neither. He’s used to it, Norbert. He’s a big boy now, and well-brought up. He doesn’t go to bars, he doesn’t look at women , he doesn’t smoke. But on Sundays, a cigarette after cake, Mom hides the pack right after, on the top of the kitchen cupboard. Dad allowed him to when he was twenty. Then, dad left, and Norbert replaced him. The badges on the pull-up of his coat are a bit like Dad’s medals. While shopping, a labourer calls him colonel, and the other ones salute him, standing to attention. Norbert ups his forehead, stretches his jaws. Since he was a kid. On Wednesday, cousin Canette and her half-brother, Guigui, come over. Norbert is not like them, ; no he isn’t ! Besides, he’s ashamed of being seen with them. Guigui drools all the time, has an eye closed, shouts things you can’t understand, and smells bad, and Canette is a fat lump and wears mini-skirts ; and has a slight speaking trouble, and does things with men. Dad didn’t like them. He was pretty right. Dad was always right. Norbet isn’t like them ; no he isn’t ! In the summer, Canette forces him to wear a teashurt. Norbert doesn’t like that. He prefers dad’s suit, his shirts, ties. Things are kept for a long time in the family, money’s not spent for nothing. At the shopping center checkouts, Norbert checks out if he’s given back the right change, he counts, people behind him, queuing moan, they whisper things, some of them even take the piss, but Norbert, he counts anyway, he has to bring the change back to mum, she checks it out as well. That’s the only things she’s gotta do, mom. She goes out no more. He cooks, does a bit of housework , and washes the dishes to be useful. Then, he asks if he may do his colouring, or reads his book, the same since he started, Mom explains him, when she’s in the mood, he’s already read twelve pages, he even knows how to use the tv remote control, and how to call the doctor. Norbert gives mum her drops. Every evening. It makes her sleep well, she coughs less, she doesn’t scream. Sometimes, the concierge asks him how does his mum hang out, for no one’s seen her for a while. He answers with his kiddy voice - a Mickey-like voice, he was told once at the dispensary -he says to the concierge that Mom’ s all right, she goes out not because she’s tired, and it’s cold outside, so she sleeps a lot. Otherwise, Norbert doesn’t talk to anyone and doesn’t look at girls. Dad who was always right also used to tell Norbert all the time : the girls ain’t for you. It’s true. One day, at the dispensary, he touched a girl. She screamed, he was told off, she was never seen again. Cousin Canette lets herself finger, she even did things to Norbert. Since then, he can’t help thinking of it. But it smells bad, and it’s not right. Last month, he wanted to do things on his own under his grey coat. Two policemen caught and took him away, Norbert cried out. Mom, came at the police station, then she hit him on his buttocks with dad’s whip, then she called the doctor who did him an injection. Since then, Norbert doesn’t know why he’s got like a ball burning inside him, and then Mom sleeps longer. The drops have more effect when you put more. It’s better that she sleeps, Mom, because cousin Canette is coming today to top off Norbert. He doesn’t really know what it stands for , but what he knows is that Canette will let herself touch and let himself do like in the magazines Guigui reads at night, groaning. No, really, Mom mustn’t wake up ; no she mustn’t ! She’s ... - Norbert counts on his fingers - been sleeping for four days by now, Mom. He walks fast, Norbert. He has a rendezvous when the hour hand will be just before the minute one, time when the spoken news start. The labourer salutes him colonel when shopping’s over. Norbert ups his forehead, stretches his jaws. Norbert’s a man. Dad told him looking scornfully at him with his little smile, like when he looked at his own men, when it was the war, and he was killing Arabs. Norbert is a man. Canette told him, she also told him she wanted to marry him to have the money, but nobody will have it, the doctor said. Canette’s in front of the house door with aunt Marie-José who’s a nurse. Canette put on her short skirt, and a bow in her hair. Aunt Marie-José chats with the concierge, the doctor’s here as well, and a red car, and a white one. Norbert takes his hat off like Dad did, he says hello with his Mickey-like voice. The doctor tells him to go into the white car, Norbert answers he has to take his shopping upstairs, cook a bit, and also that he has a rendezvous with Canette, that she has to top him off. But the doctor insists, and the blue man takes hold of Norbert’s arm. He’s nice this man, but Norbert wants not to go inside the white car ; no he doesn’t ! And why does Canette start laughing ? And why does aunt Marie-José cry ?
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UN RESTAU,UNE TOILE Ils se voient de temps en temps. En complices. Il a bien essayé d'aller plus loin, mais elle s'est refusée. Il n'essaie plus. Ils gardent leurs distances. Elle sent une pointe de mépris dans la façon qu'il a de l'estimer. Ils se disent leurs frasques, vécues ou fabulées, et en rient. L'humour sied aux nondits. Ils se voient de temps en temps pour un restau, une toile. Après quoi ils consultent leur montre et décident de rentrer chacun dans son placard, non sans s'agonir des banalités d'usage. Et accessoirement d'un baiser sur les joues. Une poignée de main suffirait. Elle a voulu qu'ils soient amis, ils sont amis. De temps en temps. Quand elle a besoin de lui, si son agenda est vierge, il est là. Sinon elle fait sans. Les dimanches et fêtes ils ne se voient pas. Ils ne sont pas dispo. En fait, ils sont seuls les dimanches et fêtes, mais ces choses-là on les garde pour soi, d'autant que comme chacun sait, c'est le dimanche et les jours de fête qu'éclatent les conflits et qu'on se balance des tas de ras-le-bol en travers de la gueule. Alors, il vaut mieux être seul ces jours-là, pour ne pas l'être davantage quand on l'est vachement. Ils ont l'air d'un jeune couple comme il faut. On les dirait faits l'un pour l'autre. A cela près qu'ils ne sont rien d'avouable l'un pour l'autre. Il n'a qu'elle. Les autres, il a donné. Elles ont tout pris. Elle n'a que lui. Les autres, ça n'a jamais traîné. Lui, elle y tient un peu, comme ça. Mais à la moindre velléité de culbute, la porte. Elle se dit qu'elle a réussi à le mater, ou qu'il affecte l'indifférence pour essayer encore, plus tard. Mais il n'essaiera plus. Elle n'existe pour lui que les jours où ils se voient pour un restau, une toile. Chacun paie sa part. L'amitié, entre un homme et une femme, c'est plus économique que l'amour. Même si c'est une idée à elles, et qu'elles sont les seules à y croire.
A SHORT NIGHT OUT They see each other so, so. Like mates. He tried to go farther, but she refused to. He doesn’t anymore. They keep their distance. She feels a bit of scorn from the way he deals with her. They tell their hi-jink’s to each other, whether their true or not, and laugh about it. Humour suits to unsaid things. They see each other so, so for a friendly short night out. Afterwards they look at their watches and decide it’s time to go home, each one in their closet, not forgetting the common banalities. And if needed, a kiss on the cheeks. A hand-shaking would be enough. She wanted them to be friends, they’re friends. So, so. When she needs him, if his agenda’s empty, he’s here. Otherwise, she cops without him. On Sundays and bank holidays, they don’t meet. They’re not free. In fact, they’re on their own, but these sort of things have to be kept for oneself, especially that as anyone knows, it’s on Sundays and bank holidays that fights burst out and up-to-here’s are thrown to each other faces. So, it’s better to be on his own on these days, not to be more when you’re really much. They look like a good thinking young couple. They seemed to be made the one for the other. Except that they’re nothing blameless to each other. She’s the only one he’s got. The other ones, he did it. They took everything. He’s the only one for her. The other ones have always been a quick shag. She doesn’t mind much about him. But the slightest vague desire for a screw, fuck off. She says to herself that she managed to curb him, or that he lets his indifference be to try again, later. But he never will. For him she only is when they see each other for a short night out. Each one pays their share. Friendship, between a man and a woman, is more economical than love. Even if it’s a women’s idea, and that they’re the only one to think it’s true.
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CANNES,FESTIVALOFF Le crooner blazer rougecanotier vomit du Sinatra dans son amplikaraoké, qui se venge par de stridents larsens. Son pseudonyme ronfle en lettres vermillon sur un panneau scotché de petites gloires découpées dans des journaux confidentiels, disparus, sabordés. Vacations minables, banquets d'hospices, arbres de Noël caritatifs, baloches de sous-préfectures indigentes, petites gloires obsolètes, jaunies, avortonnes, à l'image de son singe savant impossible groupie ? Egérie ? Progéniture ? - échappé d'une toile de Brueghel l'Ancien, manteau élimé griffé Secours Popu, qui promène une sébile parmi les passants goguenards. A quelques pas, un mime au crâne rasé ne remue que son oreille droite depuis dix Palmes d'or. Trois flics plus loin, un pauvre vieux ramassé en tas sur un pliant joue des rengaines préhistoriques sur un synthé calamiteux. « La musique m'a sauvé de la polio », affirme-t-il par l'intermédiaire d'un panonceau à la peinture écaillée. Belle lurette qu'il est branché sur pianotage automatique, et qu'il ne remarque plus le bétail qui ne le remarque pas, ou à peine. On le pose le matin sur son arpent de pavé taxé. Au soleil tombé, on vient le reprendre, on le couche et on va boire ses maigres oboles. Ce soir, au Bunker, sont attendus Deneuve, De Niro, Binoche, Bruce Willis. Délire grandiloquent dont je n'ai cure, n'en goûtant que le contrepoint dérisoire. Je ne sors, durant le Festival, que pour arpenter cette Croisette des miracles inaccomplis, et m'adonner à la contemplation jubilatoire des mêmes rogatons du Spectacle admis chaque année, sur le front de mer, à afficher leur sourire jaune, quand récolter des miettes les fait encore sourire. Miettes laissées par des mythes vivants, inaccessibles, accomplis, reconnus. Pas eux, qui gardent la foi qui soulève des montagnes bien pesantes, en vérité. Foi aveugle en un talent qui ne rencontrera jamais d'autre public que le chaland venu applaudir des divinités entr'aperçues derrière les glaces fumées d'interminables limousines. Eux, bateleurs felliniens sans Fellini possible, se revendiquent de leur monde. Le spectacle est une grande famille, dit-on. Y croire. Pas de famille sans ses ratés, dit-on aussi. Y croire quand même. Keep positive ! Vaut mieux. Dix jours pour cela. Dix jours de manche sans belle, de picaillons jaunes au fond d'un fond de bouteille d'eau minérale,
de casquettes piétinées. De quête, mais plus celle de la reconnaissance. Trop tard. Sontils autre chose que de pittoresques profondeurs de champ ? Là où, figurants sans cachet, ces bouffons déchus ne se dépètrent pas de leur bohème, les stars ont réussi, d'abord et surtout, une alchimie dont l'opération est rendue improbable à la vocation grévée par l'isolement et une tenace impécuniosité : transmutation d'un talent en contrats à tiroirs, en articles de presse à sensation et en sauf-conduits transmissibles par voie d'héritage, via les réseaux d'influences adéquats - les conjonctions s'opèrant lors de cocktails, de galas donnés en des salons et antichambres où s'entretiennent, se maintiennent et perdurent l'entre-soi, l'esprit de corps élitaire, électif, auto-exalté après s'être autoproclamé. La carrière s'ensuit, cloisonnée dans une image affinée au gré des tendances, parée de toilettes sur mesures fluctuantes au fil des grossesses, des anorexies, des overdoses, des passages à vide et des rumeurs sidéennes, le tout sanctionné par toujours plus de zéros se succédant derrière des monnaies fortes, insolents au regard des salaires symboliques consentis à ceux qui par millions, tiennent pour référence idéalisée leur étalon de dilection - ledit modèle fût-il entaché de parano camée, alcoolisée, suicidante pour atteindre au mythe - la mort violente permettant seule l'admission au Panthéon de la légende. La descendance, s'il y en a, prendra le relais, selon le principe éprouvé de reproduction des élites. Talent ou pas, il est des noms à qui tout est redevable et dû, qui sont autant de labels de pérennité rassurante, retors aux remises en cause, garants de parts de marché et par là, favoris des castings et des commissions d'avance sur recette, de la même façon qu'ailleurs, il est des noms qui échappent d'office au crible des sélections sur des critères de compétence, à ceux des comités de lecture, des entretiens d'embauche et autres abattoirs d'impétrances. On va se servir chez le même tripier parce qu'il est le fils d'un tripier renommé et qu'on sait où on va. Ainsi donc, en cinéma et plus largement en art, s'il est des noms qui signifient un destin, il en est d'autres qui ressemblent férocement à des fatalités. Tel Luis Bastiano, le crooner canotier veste-rouge, dont le show est interrompu par l'irruption intempestive de gardiens de la paix relative, provoquant les glapissements de son singe savant. Attroupement immédiat. Faisceaux, braqués
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sur l'échauffourée, d'objectifs en mal de bétisier. Le crooner est prié de regagner sa loge, faute de pouvoir produire le ticket de trottoir qui lui donne le droit de mettre en espace son échec. Je pense, sans une once de commisération, à la quantité industrielle de sardines en boîte que le malheureux a dû ingurgiter depuis le début de son anticarrière. Dure est la réalité. Précoces sont les fins de mois. Misérables sont les kleenex empesés des rêvasseurs qui n'ont jamais compris que hors la détention d'un nomlabel hérité de droit médiatique, le talent, s'il est authentique, se cultive, se façonne et ne s'accomplit qu'au prix d'une exaltation sans trève de son unicité. Résistant au réel avec pour seul arme sa spécificité, l'artiste viscéral crée son style et se crée le sien sans parodie ni concession, et à l'éventuel public et aux critères posés par les instances décisionnelles du moment. Hurler avec les loups signe la déchéance d'une vocation. Quand on ne sait pas faire sans, alors qu'il est impossible de faire avec, on se tait à jamais. Les flics embarquent Luis Bastiano et son singe savant. Les lazzi fusent, mais les uniformes n'en sont pas la cible. Le bétail pardonne ses pires errements aux stars qu'il encense. Aux ratés, il réserve ses ordalies, comme naguère aux idiots, aux bossus, aux bâtards.
Jérémy Bérenger
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CANNES,FESTIVALOFF The crooner with a blazer and a red straw-hat pukes some Sinatra in his amp-karaoke, which revenges itself with strident echo noises. His pseudonym lies written in vermilion red letters on a panel crowded over with little glories cut out of confidential, extinct, scuppered papers. Dim vacations, rest-house banquets, charity Christmas parties, indigent sub-headquarters bollocks, obsolete, faded, puny, little glories, just like his crafty monkey impossible fan ? Egeria ? Off spring ? escaped from a painting by Brueghel the old, worn out coat marked out salvation army, that walks a bowl amongst the mocking passers-by. At a few steps, a skin head mime has only been moving his right ear for ten Palmes d’or. Three cops further, a poor old block crouched on a lounge plays prehistorical old melodies on a calamitous synthesiser. « Music saved me from polio », he affirms onto a small panel with chipped paint. Donkey’s years ago it’s put on auto tinkling, and that he no more notices the herd that don’t notice him, or just a little. He’s left here in the morning on his acre of taxed pavement. When the sun has gone, he’s given a lift back straight to bed before his money pays drinks. This evening at the Bunker Deneuve, De Niro, Binoche, Bruce Willis are awaited. Bombastic frenzy which I can’t cope with, only tasting the pathetic counterpoint of it. During the Festival, I only go out to wander about this Croisette of the unfulfilled miracles, and give myself over the enjoyable contemplation of the same old things admitted each year at the same old show, before the sea, showing off their grin, when grabbing a few left-overs makes them grin again. Left-overs left by living, untouchable, established, popular myths. Not they who keep the faith that lifts real heavy mountains up, in many cases and truth. Blind faith in a talent which will never meet any other audience than the customer that has come to clap out divinities caught in a glimpse behind the smoked windows of endless limousines. They, Fellinian buffoons without any Fellini, claim themselves from their world. The show business is a big family, as they say. Believe it. No family without these wasted failures, as they also say. Believe it anyway. Keep positive ! * Better do. Ten days for that. Ten days of begging with no setting, of brass cash at the bottom of a mineral water bottle
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bottom, of stomped hats. Of searching, but not the popularity. Too late. Are they something else than picturesque depths of field ? There where, fee less extras fallen buffoons don’t free themselves from their bohemia, the stars have succeeded an alchemy which calculation is made unlikely at the striked vocation by the isolation and a sticky impecuniousness : transmutation of a talent into made up contracted, into gutter press news items, and into safe-conducts transmittable via inheritance, via fitting influent network - the conjunctions taking place while cocktail parties, galas organised in saloons and antechambers where ego’s and elitist, elective, self-ecstatic after autoproclaiming itself esprit de corps keep themselves fit and straight, and last. The career follows, closed down into a refined image as tendencies go, wearing outfits made to measures fluctuating according to pregnancies, anorexia’s, overdoses, nervous break down’s and aids rumours, the whole of it marked by always more zeros following each others behind strong currencies, arrogant towards symbolical salaries consented to the millions of those who take as idealised references their direction stallion - had the aforesaid model been stained with drug addiction, alcoholic, suicidal paranoia to reach the myth state only the violent death allows the admission to the legend Pantheon. The inheritors, if there’s any, will take over, according to the elite’s proven reproduction principle. Talent or not, there are names to which everything is owed and due, who are as many reassuring continuity labels, self questioning sly, share guarantor thus favourite in castings and advanced commissions on takings, in the same way than elsewhere, there are names that escape straight from selections on competence criteria, to the reading panels, job interviews and other shit
slaughter houses. You go buy tripes at the same butcher’s for he’s the son of a popular butcher so you know where you’re going to. Thus, in cinema, and more generally, in arts, if there are names that mean destiny, there are others that awfully look like fatalities. Like Luis Bastiano, the crooner wearing a red blazer and a straw hat, whose show is interrupted by the stormy irruption of police men, trying to keep a relative peace on, irruption that causes the yapping of Luis’s crafty monkey. Sudden gathering. Lights on the fight, lights of the objectives seeking for dumbness. The crooner is asked to go back to his lodge for he can’t show the pavement ticket allowing him to give room to his failure off. Without the slightest commiseration, I think of the industrial quantity of sardines in brine the poor guy must have eaten since the beginning of his ante career. Hard is the reality. Early are the month ends. Miserable are the starched tissues of the dreamers that have never understood that apart from the holding of a label-name inherited by media rights, the talent, if it’s authentic, must be cultivated, built and only takes place providing an endless exaltation of its uniqueness. Resisting to truth with his sole weapon : it’s specificity, the visceral artist creates its style and creates his own with no wit or concession, and to the possible audience and criteria set up by the decision instances of the time. To scream with wolves signs up the fall of a vocation. When you can’t do without, while it’s impossible to do with it, then you shut up for the rest of your life. The cops picked Luis Bastiano and his crafty monkey up. The onlookers gush out, but the uniforms aren’t their goal. The cattle forgive stars they worship when they don’t do the right things. To the wasted failures, they give their ordeal, like before they did to numb, hunchbacks, bastards.
* in English in the French version.
Jérémy Bérenger translated from French by Walter Ruhlmann
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NOTES LIBELLÉ n°77, mai 1998 7 rue Jules Dumien - 75020 Paris. France Malgré les hauts et les bas de la revue, qui reste cependant toujours aussi agréable à lire, d’autant plus lorsqu’on y figure, il est bon de se plonger dans des lignes de poésie ; surtout lorsqu’il s’agit de Roland Nadaus ou encore de Daniel Thüler. LE MENSUEL LITTÉRAIRE ET POÉTIQUE n°260, mai 1998 8 cité Fontainas - boîte 43 - 1060 Bruxelles. Belgique Des chroniques toujours denses, des articles plus que fouillés, ce mensuel là est un véritable magazine d’information littéraire, toujours à corps avec les spectacles du THÉÂTRE POÈME. Merci à eux de toujours penser à nous ; mais à quand deux ou trois lignes sur Mauvaise Graine, juste pour nous rendre la balle au moins une fois. TRACES n°129, printemps 1998 Michel-François Lavaur, Argos VIII - Petits éléments pour un bestiaire Sanguèze - 44330 Le Pallet. France MFL nous envoie cette fois le dernier des Traces : un petit recueil de ses poèmes dans lesquels l’animal est présent et c’est « attentivement » qu’il nous le dédie. Merci sincèrement à ce poète prolifique et puriste qui mérite toute notre attention. Ses illustrations n’en valent pas moins le détour ! Alors souscrivez pour seulement 60 FF ! DOCKERNET n°9, mai 1998. Harry R. Wilkens - 86 rue de Montbrillant - 1202 Genève. Suisse Encore toujours plus de textes d’auteurs de tous les pays - particulièrement français pour cette livraison, un délice de délire à lire ; nous avons promu Dockernet de nombreuses fois, et Harry sait s’occuper de notre cas à sa façon, nous l’en remercions, néanmoins, il serait bon que les lecteurs français soit un peu plus attentifs aux problèmes financiers qui se posent : aussi légère que cette lettre poétique soit, elle n’en pèse pas moins son pesant de timbres et c’est coûteux, nous en savons quelque chose. Alors aidez-le quoi ! Toujours disponibles : les anciens n° de Dockernet contre 1$ américain, ainsi que The Hit-Man, 5 $, à commander chez Dockernet, et Terre Promise pour 15 FF aux éditions Cahiers de Nuit - Serge Féray - 33 rue de la Haie Vigné - 14000 Caen. France AXOLOTL n°14, printemps 1998. Jean Grin - Miremont 8 - 1009 Pully. Suisse La revue semestrielle littéraire et indépendante nous fait parvenir son dernier numéro en date avec de nombreux auteurs suisses au sommaire, un interview de Julien avec Christine Zwingmann et une autre avec moi qui, accessoirement, aurait pu être mise à jour, mais je ne vais pas me plaindre tout de même! C’est toujours une bonne revue qu’il est agréable de recevoir et de lire ; merci Jean Grin... Le Calcre prépare son prochain ARLIT & Cie, si vous désirez que votre revue figure dans cet annuaire, que dis-je, cette mine d’or des revues littéraires et Cie, écrivez à l’adresse suivante pour recevoir un questionnaire, clé et condition sine qua non de votre entrée dans ARLIT 1999 : LE CALCRE / ARLIT 99 - BP 17 94404 - Vitry Cedex. France
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MG SUR[f] TORI Garé à l’angle de l’hôtel de la fille du chœur, le webchroniqueur de la graine vous chuchote ses salutations les plus subaquatiques. J’ai suivi jusqu’ici un gars du Nord, qui bougeait comme un coucher de soleil - Dieu qui a peint ça ! Mais chut, je suis ici en mission commandée... La mission, si je l’accepte, consiste à retranscrire dans un magazine de littérature les sensations et les troubles suscités en nous par l’écoute du nouvel album de Tori Amos, From the choirgirl hotel - et si je l’accepte pas cette de mission, je suis viré sans indemnités. Alors bon... Au début il y a une voix. Je ne comprends rien à ce qu’elle chante. Chante-t-elle ? Mais la voix est enivrante, envoûtante, comme la mélodie, liquide et aérienne, riche en courants et contre-courants, comme la voix, subaquatique, comme la mélodie. Il y a un piano aussi, le seul à s’exprimer de façon intelligible. Et puis de l’hôtel de cette fille de choeur s’échappent de nouveaux sons et de nouveaux choeurs, qui la portent sans l’envelopper. De la techno s’est infiltrée dans nos sens. Infiltration, courants, dérivation. Et la lecture de ses textes ne donne aucune clef, aucun indice. J’ai donc erré sur le web à le recherche d’une lueur. Le site officiel de Tori, www.tori.com, s’il est très beau, ne fait que reprendre les photos, les graphismes et les textes de l’album, ainsi que des extraits sonores de certaines chansons. Et puis autour de lui fleurissent quelques centaines d’autres sites de fans souvent très inspirés. Mais le plus étonnant reste le Tori Amos ring - www.geocities.com/SunsetStrip/Towers/8265/ - qui se propose d’expliciter les textes de l’artiste en organisant une sorte de concours aux internautes. Le plus intéressant et le plus basique y voisinent. Je zappe sur l’explication selon laquelle « Cornflake girl » - Under the pink, 1994 - a été écrite pour exprimer sa préférence du muesli aux cornflakes. Bien plus subtile est l’interprétation de « Blood roses » - Boys for pele, 1996 - dans laquelle une référence serait faite au livre de Alice Walker « Possessing the Secret of Joy » et aux femmes noires exciseuses qui donnent des morceaux de chair humaine féminine à manger aux poulets : « when chickens get a taste of your meet » (quand les poulets goûtent ta viande) ; ce texte évoquerait, contrairement à ses voisins sur l’album, la trahison entre femmes plutôt qu’entre homme et femme, celle-là s'avérant carrément impardonnable à ses yeux. Reste la Question avec un grand Q... À quoi sert de vouloir tout comprendre des textes de Tori ? Et de la poésie en général, s’enrichit-on de sa compréhension ou s’en appauvrit-on ? Se laisser porter par la musique des mots devrait suffire. Pourtant des sentiments amoureux naissent parfois d’un tel envoûtement, et d’amateur éclairé vous muent en fan, en fou, en dévot. Aimer, en dépendre, puis comprendre pour prendre. Alors se trouve justifiée cette quête du sens. D’autant qu’entre la poésie de Tori et celle de certain garçon du Nord il y a plus que quelques taches de rousseur en commun. Il n’en fallait pas plus au dévot que je suis. Parked at the angle of the choirgirl hotel, the seed web chronicler whispers his most underwater greetings to you. Until now, I followed a Northern lad who moved like the sunset - God who painted that ! But shush, I’m here for a recommended mission... The mission, if I accept it, consists in transcript in a literature magazine the sensations and inner turmoil caused on us by the listening to the last released album by Tori Amos, From the Choirgirl Hotel - and if I don’t accept this mission, I shall be sacked without any indemnities. So, well... In the beginning, there is a voice. I can’t understand the damned slightest thing of what she sings. Does she sing ? But the voice is dizzying, spellbinding, like the melody, liquid and aerial, full with currents and countercurrents, like the voice, underwater, like the melody. There’s a piano too, the only one to express itself intelligibly. And, from this choirgirl hotel new sounds and choirs, which take her away without wrapping her up, sprang up. Techno music entered our senses. Percolation, currents, derivation. And the reading of her texts doesn’t help out at all, gives no clue. Thus, I wandered about the web looking for a spark. The Tori Amos official site, www.tori.com ; even if it’s very nice, it only gives us the pictures and words from the album. And then, around it, a few hundred sites flower, created by much inspired numerous fans. But the most amazing thing lies in the Tori Amos ring www.geocities.com/SunsetStrip/Towers/8265/ which suggests fans to clarify the artist’s texts organising a kind of contest with the web surfers. The most interesting and the most basic lie in. I zap on the explanation according to which « Cornflake Girl » - Under The Pink, 1994 - would have been written to express her preference from muesli to cornflakes. Much more subtle is the clarification of « Blood Roses » - Boys For Pele, 1996 - in which there would be a reference to Alice Walker’s « Possessing the Secret of Joy » and to black excisers women who give human flesh bits to chickens : « when chickens get a taste of your meat » ; this text would evoke - unlike its brothers on the album - the betrayal between women, which is not overcoming to her, opposed to the betrayal between man and woman. But there’s still a question with a big Q... What’s the use of explaining Tori’s song words ? And poetry generally speaking, do you get more clever or poorer if you understand the whole ? To let oneself carry on by the music of the words should be enough. Yet, love feelings are sometimes born through such a spellbinding, and from the enlightened amateur you are, they can turn you into a fan, fool, devote. To like, to depend on it, then understand to take. Then , this quest of the sense gets justified. Since between Tori’s poetry and some Northern lad’s there’s more than a few freckles in common. The devote I am didn’t need more than that.
Bruno
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LA FICHE CUISINEDE MG
Le mois prochain, MAUVAISEGRAINEprend deux ans et LA GRAINÉE arrive... Ça se célèbre, non ? alors rendez-vous en juillet dans MG #24 avec WALTER RUHLMANN : LES CHANTS DU MALAISE (version intégrale), présenté par Bruno et... LA CRÈME 2 (MG)fouettée par Mrgane
MAUVAISE GRAINE - REVUE MENSUELLE ET BILINGUE DE LITTÉRATURE TENDANCE UNDERGROUND - N°23 JUIN 1998 - ISSN : 1365 5418 - DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION - IMPRIMERIE SPÉCIALE - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION:WALTER RUHLMANN - ASSISTÉDE MRGANE ET DE BRUNO BERNARD
© MAUVAISEGRAINE & LES AUTEURS,JUIN1998 ADRESSE
18,RUE AUGUSTE LECHESNE 14000 CAEN - FRANCE E-MAIL mgraine@mygale.org SUR LE WEB www.mygale.org/~mgraine
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(*PRIX AU 01/06/98)
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