Édito Notre petite graine fête ses 3 années d’existence et moi, je suis très fier d’en être arrivé là... Certains d’entre vous se souviennent sans doute du chemin parcouru depuis le numéro 1 : deux feuilles A4 pliées en deux, quatre rubriques dont celle des poèmes qui se comptaient alors sur les doigts d’une seule main, des illustrations d’un potentiel illustre illustrateur britannique avec lequel j’avais choisi de partager 18 mois de ma vie, photocopie artisanale... Aujourd’hui, nous travaillons sur PC pour la mise en page, le traitement de texte, les illustrations – aussi rares soient-elles. Le nombre de nos abonnés s’est accru, le nombre de nos auteurs aussi, même si nous privilégions souvent nos auteurs phares. Notre renommée au centre du microcosme de la smallpress, que nous essayons de défendre et de promouvoir à notre façon – dans les Notes ou sur le Net – grandit au fil des mois : je pourrais vous citer des chiffres : tant de revues contactées, tant d’auteurs publiés, tant de textes reçus, tant d’ouvrages commentés... et ce numéro deviendrait soporifique. Je le vois bien, déjà, vous baillez... Je me souviens, et vous aussi sans doute, que l’année dernière, pour la même occasion, nous vous avions proposé de répondre à un petit questionnaire concernant vos sentiments et vos attentes vis-à-vis de Mauvaise Graine. Nous espérons de tout cœur vous avoir comblés. Si cette année nous ne renouvelons pas ce petit sondage, c’est d’abord parce que malgré l’attention que vous nous portez, peu d’entre ceux que nous avions contactés nous retournèrent ce questionnaire, et puis de toutes façons, le Feedback est là, à présent, mensuellement, pour rendre compte à tous des réactions des lecteurs. Nous souhaiterions toujours en avoir plus et surtout que ces réactions ne viennent pas toujours des mêmes, mais il faut croire que nous n’intéressons toujours que les mêmes. No problem ! Dès l’instant que nous continuons à intéresser quelques-uns d’entre vous, nous continuerons à publier, et puis, deux ans de revuisme plus deux autres années à tenter de comprendre les arcanes du milieu, c’est quatre ans plongé dans le monde littéraire, et je commence à connaître les oiseaux qui virevoltent dans ces contrées. Ces trois ans, je les ai passés à tout entreprendre pour que MG devienne une revue dont je puisse être fier, je me suis entouré de collaborateurs qui sont le plus souvent des amis, parfois intimes, desquels je me sens proche, et en qui je peux avoir confiance. Pour ce 3 ème anniversaire, je souhaiterais tout autant que vous, je suppose, que Mrgane nous rejoigne et participe à sa façon à la célébration de cet anniversaire ; malheureusement, à l’heure qu’il est, je ne peux pas être sûr que son emploi du temps lui permette de se manifester dans nos pages, nous tenterons le tout pour le tout. Vous aurez également remarqué qu’un nouveau chroniqueur dont vous appréciez particulièrement la prose, en tout cas la majorité d’entre vous, et qui vous avait récemment remercié pour votre sollicitude à son égard, nous fait la joie de participer régulièrement à la revue depuis trois numéros consécutifs, celui-ci compris. Je veux bien évidemment parler de Jean-Pierre Baissac que nous connaissions sous le pseudo de Jérémy Bérenger. Mais son indépendance à laquelle je le sais tenir comme aux prunelles de ses deux yeux m’empêche de l’étiqueter collaborateur. Il faudra malgré tout vous y faire, son For Hum, jeu de mots que Bruno a cru bon – et n’a-t-il d’ailleurs pas eu raison ? – de nous suggérer, devrait venir tracasser nos petits esprits tranquilles régulièrement ; en tout cas tant qu’il le souhaitera. Celui à qui je dois tout particulièrement rendre hommage en ce mois anniversaire, c’est Bruno, celui par qui tout est arrivé là où nous en sommes, et je ne crois pas que j’aurais eu la force de continuer s’il n’avait pas pointé le bout de son nez dans mon environnement, dans ma vie, soyons franc comme nous l’avons toujours été, et s’il n’avait pas émis quelque intérêt pour cette “ entreprise ” folle dingue qui me fait malgré tout avancer. MG est donc bien devenue une réelle source d’énergie et de tracas aussi, avouons-le, mais quel plaisir de vous divertir et de vous informer, de vous donner à lire des textes d’auteurs contemporains fort éclectiques, mais qui tous sont unis par le même désir de contestation, de spiritualité, mais surtout d’indépendance face au mépris des grands littérateurs que nous méprisons, et qui nous le rendent bien. Que vive la small-press ! Et que Mauvaise Graine en soit l’un des catalyseurs aussi longtemps qu’il vous plaira ! Nous n’avons rien gagné et ne sommes pas à une remise de prix quelconque, mais il est tellement de personnes à qui je devrais dire merci et auxquelles je dois tant que toutes celles qui pourront se sentir concernées, de près ou de loin, par ces effusions d’amitié veulent bien les accepter comme elles viennent. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture, ne vous laissez pas entraîner dans les Chutes de notre ami Jan Bardeau, même si elles en valent plus que la peine, et je vous donne enfin rendez-vous le mois prochain, même revue, pour entamer la 4ème année de la Graine. Walter
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MAUVAISE GRAINE 36 JUILLET 1999
Portrait Jan Bardeau. Un jeune homme que l’on trouve un peu partout. “ Il déménage tous les 7 mois ”, dit-on de lui1. Nous l’avons croisé il y a deux ans déjà, alors qu’il nous faisait parvenir un ouvrage, recueil de textes courts, ou “ histoires bonsaïs ”, comme aime à les nommer la revue Salmigondis qui le publie fréquemment, intitulé Cahier d’épluches. Autoédité, ce recueil m’avait conquis à l’époque. Terrible sort, je l’ai égaré dans un déménagement. Cette année, Jan Bardeau nous faisait parvenir un autre ouvrage qu’il autoéditait à nouveau, comprenant sans doute que face au refus des maisons d’édition, c’était encore là la meilleure solution pour diffuser ses œuvres littéraires, à moins qu’il ne s’agisse pour lui aussi d’un pur besoin d’indépendance face aux tout-puissants. Je ne sais plus alors si c’est cet ouvrage, Les égarés, que nous commentions dans notre 31ème livraison datée de février 1999, qui m’a poussé à le recontacter pour qu’il nous fasse parvenir d’autres textes, inédits cette fois, ou bien si de lui-même il nous a envoyé sa prose magique. J’avais écrit à son sujet, souvenez-vous : “ les petites histoires que nous conte Jan vous entraînent à la porte de votre immeuble ou de votre maison et vous font plonger dans la quatrième dimension, à moins qu’elles ne soient le reflet d’un quotidien qui par
trop de communes mesures n’en devienne fou et affolant. ” Devrais-je revenir sur cette pensée pour vous présenter Chutes comme il se doit ? Peut-être que l’atmosphère de l’étrange, du bizarre n’est pas aussi lourde, aussi présente, mais il reste la poésie et la métaphysique simple et à hauteur d’homme, comme dans ses précédents recueils. En fait, dans ces Chutes, il y a surtout de l’émotion, on peut aussi sentir que quelque chose a grandi en l’auteur, ou bien qu’autre chose s’est cassé, comme la crédulité, ou la facilité... Il n’empêche que ces textes courts ont toujours autant de puissance que leurs prédécesseurs, on se demande où Jan va chercher tout ça. Une imagination débordante peut engendrer bien des merveilles ; ces Chutes en sont donc bien. Disserter encore des heures sur l’auteur et sur son œuvre n’apporterait rien de plus, mieux vaut encore pour tout le monde que je vous laisse enfin découvrir combien il peut être difficile de ne se nourrir que de réalisme, et qu’un brin de fantaisie n’a jamais fait de mal à qui que ce soit, et surtout pas à Jan Bardeau. À nouveau, bonne lecture ! Walter
1 In Sol’Air 18, 2nd semestre 1999. MAUVAISE GRAINE 36 JUILLET 1999
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Jan BARDEAU CHUTES
Comment peut-on rester ainsi, dans le vent, sous la pluie, si longtemps ? à ne rien faire que contempler je ne sais quoi, là-bas sur la droite. Je me le demandais, en regardant cette femme. Planté une bonne heure, dans le vent, sous la pluie, je ne trouvais de réponse à ma question.
Il n’aurait pu avoir une vie meilleure. Alors, comme ces joueurs qui se retirent tant qu’ils gagnent encore, il se suicida.
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Et arriva ce qui fut annoncé : le règne de Dieu sur Terre. Dieu est grand. Tellement grand qu’il occupa toute la place. On supprima donc l’humanité.
J’ai cloisonné ma fenêtre. J’ai découvert que le réchauffement de la planète provient de ce que l’air chauffé de nos logements s’échappe au dehors, remplacé par de l’air froid, qui à son tour est réchauffé. Il n’y a à force tout simplement plus d’air froid. Il faut colmater les fuites, isoler totalement son appartement. J’en parlerai demain à Andréa.
Mon amie Andréa est morte. Ils prétendent qu’elle a péri étouffée par un gaz, le monoxyde de carbone. C’est faux, fatalement. Comment un gaz pourrait-il obstruer le nez et la bouche ?
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“ Je ne comprends pas, moi, que me reproche-t-on ? Je n’ai fait que mon travail, est-ce mal ? – Et vous ignoreriez ce que vous transportiez ? – Oui. – Vraiment ? – Oui... Je ne sais pas, je fais mon boulot, c’est tout. – Vous ne vous en êtes jamais douté ? Vous n’avez rien vu, rien entendu ? – Non, non, peut-être, parfois... Je ne peux pas dire, je me contente de conduire, moi, je ne peux pas dire. – Réalisez-vous ce qui s’est passé ? – – Dans ces wagons, c’étaient des êtres humains que vous transportiez. – Peut-être, on ne nous informait pas. ”
J’ai un beau cerisier au milieu de mon jardin. J’y ai suspendu des pochons en plastique, on le croirait fleuri de méduses. Je veux attraper le vent, l’enfermer dans ces sacs, qu’il ne nous importune plus, qu’il ne se mêle plus de déloger les toitures, d’écourter des vies. Je l’enterrerai bien profond et... Adieu !
Les rues se croisent, s’entrecroisent, se tortillent. Elles percent, elles montent, elles descendent. Et partout, on s’active. On court, on se rue. On se double, on se heurte, on s’insulte, on se bat. Certains tombent, on les piétine. D’autres s’écrasent contre un mur, une vitre. On se presse, il faut se presser, souffle court, l’œil aux aguets, dans ce réseau qui couvre le monde. Ce monde qui tournoie dans l’espace, il tournoie, il tournoie et autour, il n’y a rien.
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La première phase consistait à mesurer la distance entre le sol et le ciel. On utilisa une toise. On construisit ensuite une plate-forme, positionnée deux mètres en dessous de la voûte céleste. On y accédait par un ascenseur. La cérémonie fut splendide. À son achèvement, le maître monta sur la plate-forme. Il présenta sa paire de ciseaux à la foule, puis les planta vivement dans l’étoffe azurée. Il fut immédiatement aspiré. Restait un accroc, d’un noir insondable. On se regarda, on s’écarta. Rien ne se produisit. Alors on partit. L’édifice est toujours là, et le trou. Des individus, esprits curieux et chagrins, parfois disparaissent. On ne les recherche pas.
“ J’ai trouvé les angles très aigus. C’est agressif, non ? ” “ Trop de surfaces planes si vous voulez mon avis. ” “ Quelle étrange idée tout de même, ces plans parallèles. ” “ Il y a là une harmonie secrète, la recherche d’un équilibre fondamental. ” “ Sincèrement, je me suis demandé dans quel sens on est supposé le regarder. ” “ Une réussite ! ” “ La conception est hardie, il y a de l’audace dans cet homme. ” “ Quelle était la marque de ce champagne déjà ? ” “ Quel dommage que l’artiste manquait. ” L’artiste ? Il les regarde quitter le vernissage. Lorsque la salle s’est vidée, il s’approche du cube qui en occupe le centre, posé sur un socle. À la base de ce socle il y a un interrupteur, qu’il enclenche. Le cube s’illumine de l’intérieur et projette sur les murs quatre tableaux. Douze ans de travail, un plomb avait sauté, le temps qu’il le change c’était fini. Mais là, dans cette pièce vide, l’artiste, l’artiste est fier de son œuvre.
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Je me souviens, c’était l’hiver, la neige brillait dans les vallons. Je regardais mes parents, ils discutaient avec le propriétaire du gîte. Maman riait parfois, d’un rire franc que je ne lui connaissais pas. Tous deux, les époux Taxi, mon père si assuré, ma mère si gaie, semblaient unis. Je descendis une pente escarpée, au milieu des pins. On n’entendait que la neige froissée par mes pas, les gouttes qui chutaient des branches des arbres et une voiture, au loin. J’arrivai à une clairière, m’assis sur un tronc. Ce ciel bleu, tellement pur, je rêvais d’être esprit voguant là-haut en liberté, je me voyais détachée du poids de la chair, Nomi de glace jamais souillée. J’avais dix ans et ce jour-là, connus mon premier orgasme, la tête face aux nuages, les mains bien sages, fillette atteinte par la grâce.
La compagnie des autres lui répugnait, il voulut s’élever audessus d’eux. Il demanda qu’on lui fabriquât une paire d’échasses bien épaisses et qu’on les fixât solidement, et il s’y percha. Un panier fut attaché à une ficelle, lui permettant de monter aliments et vêtements. Un serviteur fut affecté à la tâche de le remplir. Il devait également nettoyer les déjections du grand homme qui chiait de ses hauteurs, et éponger l’eau de sa toilettes, collecter son linge, et amuser le maître en jouant le gibier lorsque prenait à celui-ci la facétie de tirer à la carabine à plomb. Il devint son unique lien avec les hommes. Mais rien ne dure, immanquablement une échasse se brisa et on retrouva le cavalier écrasé, les os rompus. Le serviteur hérita. On dit de lui que la vue d’une scie lui arrachait toujours un sourire.
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Mon père m’a dit de toujours claquer un livre en le refermant. Le choc suffit à assommer les personnages qui vivent dedans. Autrement ils s’échappent, pour fuir la tyrannie de l’auteur, acquérir leur autonomie. J’ai toujours suivi les conseils de mon père, sauf ce soir. Ce soir, j’ai étendu des tapis bien moelleux dans ma chambre. Je suis assis au centre d’un cercle de livres pornographiques. J’attends, j’ai tout mon temps, j’attends mon accomplissement.
Voilà que ça recommence : les grincements et les chocs du tapecul, dehors, dans le parc. Ils remettent ça. Non seulement ils y restent de plus en plus longtemps, mais ils viennent également de plus en plus souvent. Leur couple doit vraiment battre de l’aile. Regardez ça, quel spectacle ! Deux adultes pourtant, ils montent et descendent à tour de rôle, un coup lui, un coup elle, chaque fois qu’un différent les oppose. C’est leur jeu : le premier qui tombe de fatigue est déclaré perdant. L’autre le ramène et ils se soignent mutuellement, jusqu’à ce qu’ils soient remis et se disputent à nouveau. Nous avons même dû appeler les secours lorsque l’un ou l’autre est tombé et s’est ouvert le crâne sur un caillou, le gagnant, ou la gagnante je ne me souviens plus, regardait le sang couler, sans réagir, hébété. Pourvu qu’ils ne tiennent pas deux jours, comme cela arrive. Quarante-huit heures à supporter le couinement de ce manège, c’est à rendre fou. Pauvres tarés, je t’enverrais ça à l’asile, gavés de neuroleptiques ils nous foutraient la paix ! Mais j’entends ma moitié qui rentre du travail, je me dépêche d’écrire ces dernières lignes, mes “ conneries ” comme elle dit, elle a bien raison. Allons lui servir son repas, écouter le récit du déroulement de sa journée, accueillir sa fatigue, apaiser sa mauvaise humeur. C’est comme ça, c’est normal.
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“ Et moi je maintiens que vous vous trompez. – Allons, tout le monde le sait, cela tombe sous le sens. – Cela tombe sous le sens ? Cela tombe sous le sens selon vous d’affirmer que la distance d’ici à l’église est la même que de la place à la caserne ? – Mais oui ! Regardez sur la carte. – Et bien moi j’affirme qu’il est bien différent de monter cette foutue côte jusqu’à l’église ou de cheminer paisiblement de la place à la caserne sur cette belle route plate. Une demie heure dans le premier cas, vingt minutes dans le second. – C’est parce qu’à l’absolue de la distance vous opposez la relative du temps. – Très bien, et donc il est égal que le terrain monte ou descende. – Bien entendu. – Et il est tout autant égal que les terrains diffèrent de nature. – Cela va de soi. – Donc, rouler sur une étendue de goudron ou sur un amalgame de corps est la même chose, non ? – Taisez-vous, vous racontez n’importe quoi. ”
Nous nous étions encore fâchés. Depuis cette promotion loupée, elle me méprisait. “ Je n’ai pas épousé un perdant, réagis ou je te quitte. ” La porte de la chambre s’ouvrit, monsieur Blosh, notre voisin, entra. À sa vue, ma femme se redressa, elle écarta les draps et remonta sa chemise de nuit à la taille. Un sourire enjôleur adoucissait le plomb de ses yeux. Blosh est directeur d’usine. Il se pencha, porta sa bouche au sexe de ma femme et la suça, comme un nourrisson, ses cheveux gris coincés entre deux cuisses. Ma femme grogna, ses yeux se révulsèrent, l’orgasme sembla une perte. Ces rencontres se poursuivirent, je n’y pris plus garde, un livre dans les mains, de mon côté du lit. Ma femme vieillit tandis que Blosh rajeunissait. Une nuit, ce fut la dernière séance, le bassin de ma femme cassa alors que Blosh l’aspirait. Du sang jaillit de sa bouche, elle expira. Je serai suspect pour cette mort, on m’enfermera peut-être. Je vais m’enfuir.
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Les publicitaires améliorent leurs méthodes. À tel point qu’ils parvenaient désormais à vendre seulement l’étiquette portant le prix. Et ils espéraient pouvoir bientôt s’en passer.
Comme on devait économiser le papier pour préserver les arbres, on choisit une autre technique. Les individus porteraient leur identité tatouée sur le front.
Ils arrivèrent un à un, en prenant leur temps, ils n’étaient plus pressés. C’était le printemps, la campagne bourdonnait, on avait envie de sourire. Ils discutèrent, se rappelèrent les souvenirs communs, rirent et mangèrent et burent, comme toujours depuis si longtemps. Ils posèrent un réveil au centre de la table ronde. Chacun sortit son arme et la colla contre la tempe de son voisin, les mains ne tremblaient plus seulement de vieillesse. Le réveil sonna.
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Je suis enceinte. Je ne devrais pas l’être. Que devient ma jeunesse ? Et mon avenir ? On ne voudra plus de moi. Il faut que j’avorte. De toutes manières, je n’ai pas les moyens d’avoir un enfant. Et puis, donner la vie, c’est déjà condamner à mort, n’est-ce pas ? Répondez-moi !
Que voulez-vous faire ? Vous entrez dans l’appartement, il y a cette odeur de pisse, de sueur rance, d’aliments pourris. Au fond du couloir, une chambre au murs dégarnis, quelques jouets abîmés, vous passez la porte. Il vous regarde, ses yeux, sa détresse. Le visage tuméfié, bleu, sans larme, il se terre dans le coin. Alors il faut s’emplir de confiance, de douceur, lui parler de tout, de rien, de la vie, pour qu’il y retrouve un peu de goût. Que voulez-vous faire ? Laissez-moi boire ce verre, le dernier, puis j’irai me coucher. Demain, demain je travaille.
Ne me regardez pas ! Je sais ce que vous faites, vous aspirez mon image et dans votre tête, vous la déformez. Vous me tordez, vous m’estropiez, jusqu’à ce qu’il ne vous reste de moi qu’un spectre qui se délite. Ne me regardez pas ou je vous tue !
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J’ai tout jeté : plus de boulot ni de voiture, plus d’appartement, rien de rien. Je la suis comme un ahuri et c’est bien, c’est tellement bien. Elle est celle que j’aime, ensemble nous courons les routes, nous baisons et nous buvons, nous cramons nos vies. Je suis amoureux, tout va bien, tellement bien.
Lika dansait, elle était belle et son teint foncé rehaussait la rose pâle de ses lèvres et l’incarnat de son sexe rasé. Lika dansait, chacune de ses postures était un mot et tous ces mots s’assemblaient en une formule d’ensorcellement. Lika dansait, et sa piste se hérissait de têtes d’hommes qui gémissaient et l’embrassaient tandis qu’elle les piétinait. Lika dansait, quand l’un de ces hommes soudainement la mordit, elle culbuta, et ces mâchoires avides, rendues furieuses, la déchiquetèrent, l’éparpillèrent. Lika ne danse plus, Méli la remplace.
Je discutais avec mon associé, puis il y eut le choc. Je me réveillai dans un lit d’hôpital. On m’expliqua avec beaucoup de précaution ma paralysie, et ce que nous pouvions espérer des progrès de la science. Il ne me reste que mes paupières pour communiquer. Je peux, grâce à un système électronique, écrire lettre par lettre sur un ordinateur. Mais je n’ai rien à dire. À part la stupéfaction qui ne me quitte plus : comme une vie s’écroule vite.
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Matthieu ne sort que la nuit. Il fait ses courses dans de petites épiceries. On le remarque à peine, la lumière le blesse. Il se fond dans l’ombre, tête basse, regard absent. On ne sait pas de quoi il vit. Avant le décès de Cynthia, Matthieu était ingénieur.
“ Très bien, asseyez-vous je vous prie. Donc, je vous le confirme : tout est en ordre. – Pourtant son cœur ne bat plus. – Les tests que nous avons effectués ne montrent aucun dysfonctionnement. Je pense qu’il simule. – Que dois-je faire alors ? – Ignorez-le quelques temps puis, si son état n’évolue pas malgré tout, recontactez-moi. Dans ce cas, nous considérerons ensemble l’opportunité d’un traitement psychiatrique. Mais nous n’en sommes pas là, rassurez-vous. Allons, ne craignez rien, nous le ramènerons parmi nous. ”
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Les télescopes s’améliorent chaque année. Pourtant, malgré une pratique menée jusqu’à la retraite dans tous les observatoires du monde, je ne suis jamais parvenu à distinguer les gens qui vivent derrière les fenêtres allumées si loin dans l’espace. Alors, du haut de ma tour, j’ai entrepris de cartographier les étoiles de la ville.
Elle est ligotée à la chaise, nue, jambes écartées. Je la regarde de derrière la glace sans teint, elle sanglote. Nous avons dépassé les phases de supplications et de menaces, elle se résigne à subir les sévices d’un pervers. La bête se réveille. Bientôt la fille la verra, elle se crispera d’horreur et elle hurlera. L’endroit est parfaitement insonorisé. La créature tournera un moment autour de sa proie, puis elle escaladera la chaise et poussera son corps hérissé dans le vagin de la fille, où elle pondra. Les œufs écloront, les larves grandiront en se nourrissant de leur hôte. À la mort de celle-ci les petits sont habituellement déjà bien formés. Lorsqu’il ne reste rien à manger, les adultes s’entre-dévorent. Ils n’en demeure qu’un, prêt à pondre. Je m’ennuie.
Ils disent que la neige c’est de l’eau. Cela n’a pas de sens : l’eau sort des robinets, pas la neige. J’ai réfléchi à cela. Cela m’a amené à revoir complètement ma conception du monde. Voici ce que j’ai découvert du monde : le monde est bâti sur le modèle d’un frigo. Nous vivons sur le deuxième rayonnage. Tout en haut, il y a le freezer, les sommets des montagnes atteignent ce niveau. Pour une raison que j’ignore, la neige et la glace du freezer nous tombent parfois dessus. Et lorsqu’il dégivre, il pleut, c’est évident. Le bac à légumes correspondrait à l’Éden des anciens. Je lancerai bientôt la première expédition destinée à le retrouver. Mais la terreur ne me quitte plus. Si quelqu’un débranchait notre frigo ? Et que se passerait-il en cas de panne de courant ?
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La terre est si sèche qu’elle craque, peut-être que le sol s’émiette dans le vide, peut-être que nous allons y sombrer aussi. J’ignore depuis combien de temps nous marchons, sans eau ni nourriture. Le soleil brûle le monde. Les bébés ne pleurent plus, tout le monde se tait. Certains tombent, souvent ils sont morts. Mon frère a éclaté de rire, puis s’est écroulé. Il n’a plus bougé. J’ai pensé à le manger. Personne ne sait où nous allons.
Le courrier vient d’arriver. Ils m’internent, vieux et sans ressources. Tout est prévu, depuis longtemps. Voilà pourquoi je n’ai jamais économisé, ni placé mon argent. Je ne veux pas pourrir. Il y a cet endroit isolé, on y accède assez facilement, j’y parviendrai malgré mon corps. Il y a le bidon d’essence que je vais remplir, ne manquera qu’une allumette. Que dire de plus ? À un moment, on se résigne à plier ses gaules. Il n’y aura de frais pour personne, seulement un disparu supplémentaire pour les statistiques. Je m’attends à la douleur, l’enfer véritablement. Et ce sera tout.
Léjean tourne toujours à droite plutôt qu’à gauche. Léjean préfère manger du sproulf, lorsque le flog est tellement bon. Léjean estime ceci et moi, je pense cela. Léjean travaille de trop, sans bien savoir pourquoi, tandis que moi, je ne travaille pas, mais j’ignore vraiment pourquoi. Léjean n’aime pas comme moi, pas plus qu’il ne déteste ce que moi, je déteste. En bon voisin, Léjean y gagnerait à m’imiter, pourtant Léjean me snobe et croit pouvoir m’en conter. Léjean m’énerve, c’est évident, Léjean me méprise, c’est réciproque. Mais je m’en moque, Léjean a tort.
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J’ai entassé les livres dans le jardin et je les ai brûlés. Les bibliothèques ont suivi dehors, je les ai couchées sur le dos. J’ai récupéré les cendres de mon autodafé, les ai mélangées à de la terre et j’en ai bourré les bibliothèques. J’y planterai des légumes et des fleurs. La maison paraît si grande. J’ai nettoyé, aéré. Par les vitres propres la lumière inonde les pièces. Comment dire ? Je me sens rajeuni.
Je suis rentré du travail, me suis changé et j’ai allumé la télé. J’ai zappé un moment. Je l’ai finalement éteinte. J’ai posé la télécommande, me suis saisi du poste et je l’ai jeté par la fenêtre. Du cinquième cela a fait un beau vacarme.
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Ils rampent jusqu’à la grotte par des boyaux souterrains. Puis ils s’assoient devant la bougie. Tous, ils fixent sa flamme. Je demeure dans l’ombre, seule crisse la pointe de mon stylo sur le papier, tandis qu’ils racontent leur vie. Je ne saurai jamais leurs oublis et leurs omissions. Ils s’enfoncent sitôt leur récit achevé dans le labyrinthe des tunnels. Ils s’arrêteront à leur moment, à leur place, pour mourir dans le noir, la solitude et le calme. L’heure des rêves et des regrets est passée.
Ses cheveux ont coagulé, ses habits sont rigides, on n’en devine plus la couleur d’origine. Des traînées maculent son visage, de la morve sèche au dessus de sa bouche édentée. Elle s’accroche à eux, les implore “ Baise-moi. Baise-moi. ” Ils accélèrent le pas, l’ignorent ou la repoussent. Elle pue. Elle salit.
Ma femme m’a quitté. En rentrant, l’appartement était vidé, les pièces résonnaient, étrange impression d’espace, d’abandon. Elle a même emmené la plupart de mes habits, par chance son amant doit porter une taille identique à la mienne. Jusqu’au bout, son amour pour moi l’aura guidée. La voici qui se charge du fardeau, ces meubles, ces tapis, ces rideaux, ces bibelots, ces ustensiles de cuisine, ces livres, ces disques, ces plantes, tout un passé qui écrase le présent. Elle l’assume sans demander contrepartie. Il ne reste que quelque affaires jetées en vrac, de quoi remplir mon sac à dos. Et pour la première fois depuis longtemps, je vais rêver, rêver mon avenir.
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“ Le club se trouve dans un quartier quasiment désert. On n’y entre pas sans sa carte. Sitôt le seuil franchi des hôtesses vous prennent en charge. Elles sont nues, maquillées de blanc. Elles doivent être de constitution fine, pas massive, surtout pas. Leur rôle est de préparer la personne. Elles l’entraînent, la déshabillent en quelques caresses. C’est le stade le plus délicat, il faut éviter le ridicule qui accompagne habituellement le déshabillage, pas de manche qui bloque au poignet, pas de jambe de pantalon qui fait trébucher et le plus dur : les chaussures. Cela nécessite des filles coordonnées, rompues à tous les systèmes d’attache. – Et ensuite ? – Ensuite, on arrive dans une salle obscure. On y entend que quelques gémissements, quelques bruits de frottement. Et il y a l’odeur, elle vous heurte lorsque vous pénétrez l’endroit. Certains fuient irrémédiablement. Mais si vous restez, elle vous happe. Vous avancez, et un grouillement de corps vous aspire. Vous glissez, aveugle, dans un enchevêtrement de chairs et de muscles. Et le plaisir monte, si lentement qu’il en devient douleur. – Ensuite ? – On tourne un moment, et puis on s’endort. Paisiblement, dans l’oubli. – Ensuite ? – Eh bien, les gens se réveillent et partent. – Comment se passe le réveil ? – Oui, il y a sans doute un problème mais, vous comprenez... – Ne tournez pas autour du pot. – Bien, bien. Voilà : la lumière s’allume, les clients se lèvent, ils se lavent, se vêtent, et c’est tout. – Ils se lavent... – Oui, le relâchement, vous savez... – Je lis dans ce témoignage : “ J’ai ouvert les yeux, j’ai vu tout ce monde, couvert de merde, de pisse, de bave, de cyprine et de sperme, la puanteur est terrible ! ” – D’accord ! Le choc est violent ! Et qu’est-ce qu’ils croient ? Qu’ils sont des anges ou des statues ? Ce sont des animaux, qui pensent, mais qui suent. Vous comprenez ? C’est cela la beauté du corps. Et si certains ne résistent pas, comme ceux-là, qui se suicident ou tombent en dépression, je n’y peux rien, je ne suis pas responsable ! – Ça suffit. ”
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FOR HUM… Européens de Naissance... ou quelques idées pour une autre Europe. Je confirme : le 13 juin dernier, nous étions bien appelés aux urnes pour élire nos représentants à Bruxelles, Belgique, Europe. Où étais-je, ce dimanche-là, entre huit heures du matin et huit heures du soir GMT ? À une quinzaine de yards, sorry ! une centaine de mètres de l’isoloir à me demander si le poulet belge en train de rôtir dans mon four de marque britannique avait été ou non nourri de déchets organiques wallons relevés de dioxyne slovaque. Je trouvais in goût bizarre au Coca - fabriqué au Luxembourg sous licence néerlandaise - que je sirotais en guise d’apéritif. Avaient-ils remplacé le trioxybenzoate de méthyle bulgare par du phénol ouzbek ? Pas étonnant que Cohn-Bendit préfère la bière bavaroise. Cela se voit. Une pub vivante pour Carlsbraü, l’électron plus si libre. Il paraît qu’il a été élu. Mais si ! Voynet aussi, et Hollande, et même Pasqua ! et Hue, et Dia, et Mamère et ta mère, mon frère ! Tous qui-perd-gagnants, comme aux précédentes élections, depuis qu’on fréquente si peu les isoloirs qu’ils ont institué, en haut lieu, ce qu’ils appellent le vote à la proportionnelle - subtilité autorisant l’élection “ démocratique ” d’un parti ou d’un individu par une minorité de votant. Dont je ne faisais pas partie, je l’avoue et plaide non coupable mais responsable, pour une fois. Je n’ai pas voté pour n’avoir pu encourager un représentant des Européens de naissance. Je m’explique. Je suis français, petit-fils d’immigrés italiens. Je partage la vie d’une française, petite-fille d’immigrés polonais. Nous sommes ce que j’appelle des européens de naissances - Européens par essence - nés en France comme nous aurions pu naître ailleurs en Europe, au gré des exodes, des exils, des déportations, des migrations qui firent depuis la plus haute Antiquité l’Europe des personnes. J’ai dit des personnes, pas des gens ni des individus. Il y a là une nuance à laquelle je tiens. Les gens, c’est comme le peuple, cela ne veut rien dire. Une matière malléable qui se sculpte à la carotte et au bâton. Les individus sont des cellules isolées, productrices de leur seul dessein d’individu. La personne est un être avec une histoire comportant un début, un milieu et une fin agis par un sens. Les “ sens commun ”, un idéal, un désir, un vouloir participant du Vivant. L’Amérique des origines étaient celles des personnes fédérées dans un esprit de conquête, agies par l’instinct de l’épique. Moribonde avant que d’âtre née, l’Europe des Quinze voit ses méfaits sanctionnés par la défiance des européens que nous sommes. Au vrai, que nous sentirions-nous positivement concernés par cette Europe impuissante à déterminer un système de diplomatie et de défense indépendants du pentagone - nous l’avons pu constater lors de la guerre du Kosovo ; incapable d’instaurer un système commun de législations dans des domaines aussi fondamentaux que l’éducation, la formation, l’Emploi, la recherche ; stérile dans les
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échanges existants - combien de journalistes italiens, anglais, bulgares, dans les rédactions de nos grands quotidiens ? Combien de chercheurs français, dans les laboratoires finnois, slovènes, écossais ? Combien de professeurs tchèques, irlandais, portugais dans nos collèges et lycées ? Europe des engrais frelatés, Europe des délocalisations, Europe de la légiférations galopantes, privilégiants les uns au détriments des autres, au seul véritable avantage du Cac 40 et du Dow Jones. Europe qui foule au pied la dignité des ouvriers de Vilvorde, qui planque Pinochet, qui traite avec Milosevic. Europe qui, cherry on the pie ! prétend nous imposer, en guise de monnaie commune, un dollar mal déguisé... Europe infréquentable ! Et l’Europe des personnes, comment ça marche ? Son avantage est de constituer un espace immense qui englobe les sphères ignorées de l’Europe dénoncée plus haut, à savoir l’art, la création, la culture, les échanges interpersonnels et les possibles qu’ils supposent, tout ce qui n’est pas du domaine du rentable et des corporatismes installés, en fait. Son inconvénient est qu’elle est malaisée, concrètement, à agencer. Dire que cela relève de l’initiative de tous et de chacun est une évidence qui n’apporte rien. Ajouter que tout est à faire dans ce sens, et qu’on ne peut que se féliciter d’avoir à investir un territoire vierge, ne permet pas plus d’avancer. Déjà, il serait peut-être intéressant d’envisager cette Europe des personnes à partir de ce qui nous réunit dans ces colonnes : la small-press. Combien dénombre-t-on à ce jour de coopérations actives, durables et fructueuses entre des supports français et allemands, britanniques, néerlandais, roumains... ? Combien, dites-vous ? C’est dire l’étendue de l’œuvre à accomplir. De quels moyens disposons-nous ? Le Net, promis à un certain avenir, reste inaccessible à beaucoup. Qu’importe ! Que ceux qui y ont accès travaillent à la mise en contact des non encore connectés. Ensuite ? Créer des supports, numériques et plus classiques, élargissant les possibilités d’expression et par là, de diffusion de la création alternative. Nous, artistes underground, devons pouvoir nous exprimer en tant qu’artistes underground, car telle est notre identité. Le tout est que quelqu’un donne le la... L’exemple de la small-press peut être étendu à d’autres domaines : la recherche scientifique hors institutions, autodidacte, voire empirique, le débat politique vu sous l’angle de la démocratie directe, l’échange de savoirs entre provinces à l’économie analogue mais aux traditions différentes, l’organisation de contre-pouvoirs à l’échelle de l’Union, tout ceci ne se limitant pas à l’échange numérique, épistolaire ou la communication par voie de presse, mais se concrétisant par des rencontres de terrain... Ainsi pourrait-on concevoir une Europe des Personnes. Et puis pourquoi laisser aux technocrates de Bruxelles le soin de décider de notre sort ? Et si nous cessions enfin d’attendre de ceux que nous fustigeons ? Des idées, des propositions. À chacun d’en dire ce qu’il pense. D’en faire ce que bon lui semble...
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Jean-Pierre Baissac
notes Lorsqu’il s’agit de diffuser des recueils de poésie, il est souvent bien difficile de s’imposer, en particulier si l’on veut faire un dépôt en librairie : au mieux on nous trouveras une place entre deux mastocs de la Pléiade (et ce pourrait être un honneur s’ils ne nous écrasaient et cachaient pas...) ou dans une boîte planquée sous les étagères, que personne ne remarque donc, puisque de toute façon, le rayon poésie a depuis longtemps perdu de son intérêt auprès des lecteurs, excepté lorsqu’il s’agit d’aller étudier Rimbaud ou Baudelaire en cours de français... Au pire, on vous envoie balader en vous faisant remarquer que vous êtes minables et que la poésie n’intéresse personne... merci je savais. Les plaquettes de poésie sont donc difficile à diffuser sous leur taille commune, et ça, ce n’est un secret pour personne. Évidemment, tout le monde ne fait pas comme tout le monde et c’est bien le cas du Ravachol dont nous avons déjà maintes fois parler dans ces pages et dont nous nous sentons proches. En effet, ces bons petits diables ont eu le “ culot ” de publier en juin dernier un recueil de Fabrice Fossé, Temps de chien, d’un format A3 (42x29,7 cm). Le challenge valait le coup d’être pris, car l’auteur est talentueux et ce recueil déborde d’illustrations (signées de l’auteur lui-même) et de mots bien explicites... genre à ne pas faire lire à tout le monde quoi ! Il y a de la vie qui grouille dans cet érotisme, personnage libertin, Fabrice Fossé vous invite au rêve, en particulier au travers de ses collages, déments, auxquels une place est réservée dans cette méga-plaquette. Fabrice Fossé, Un temps de chien Éditions Le Ravachol 18 rue Cadet 75009 Paris. France
Pour ce qui est des revues, le lot commun nous est parvenu. D’abord Dockernet qui continue dans son entreprise “ d’humanitarisation ” de la poésie. Dans nos échanges “ emailiques ”, j’ai parfois du mal à saisir le sens des propos un peu maladroit de nos amis suisses, mais Dockernet devient une valeur sûre en matière de littérature contestataire. De plus, ils oeuvrent vraiment pour la
reconnaissance de la small-press en diffusant des ouvrages qui, comme nous, se situent hors des sentiers battus de la littérature. À nous de les soutenir à notre façon, donc, en vous recommandant cette lettre poétique mensuelle qui cet été publié son numéro 22, mais n’attend plus de textes pour la fin de l’année ; son programme est bouclé “ till the next millenium. ” (jusqu’au prochain millénaire). Dockernet, Harry Wilkens 86 rue de Montbrillant 1202 Genève. Suisse
Autre revue, même combat, si ce n’est au niveau du format qui nous est plus parallèle : Alexandre, littérature polycontemporaine. Sous-titre toujours assez énigmatique. Mais André Murcie peut être fier de son bébé : poésie, prose, critiques, illustrations, réactions des lecteurs sur un sujet... (en mai : la guerre... !), cette revue est menée d’une main de maître et gagne à être connue. André Murcie nous annonce la parution prochaine d’un ouvrage signé d’un autre André, Coyne cette fois-ci, que j’ai réellement hâte de découvrir, ceux publiés en ouvertures de ce numéro 51 m’ont aussi ouvert l’appétit. Je ne veux pas m’avancer trop vite, mais j’ai le sentiment que MG et Alexandre ont du chemin à faire ensemble, même si Alexandre semble plus mûre, ce qui ne veut pas dire moins contestataire... commandez donc un exemplaire de cette revue et vous m’en direz des nouvelles. Alexandre, André Murcie 48 rue d’Esternay 77160 Provins. France
Dans les tons plus posés, nous recevons aussi Libellé que tout le monde connaît bien et respecte pour sa constance et son agréable saveur, la simplicité faite revue, et le talent des auteurs, l’éclectisme aussi. Mais rendons à César, ou à Walter plutôt, ce qui lui appartient, la traduction du poème de Teresinka Pereira, Amitié, est celle parue dans notre numéro Special America (mai 1999), donc, la
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mienne... À bon entendeur ! Libellé, Michel Prades 7 rue Jules Dumien 75020 Paris. France
Et la revue–livre Sol’Air, publication semestrielle de nouvelles et textes courts, nous parvient également pour le second semestre 1999. Un délice globalement, avec deux noms qui sortent malgré tout du lot : Matthieu Baumier et l’excellent Jan bardeau que vous avez pu (re)découvrir dans ces présentes pages. La maîtresse Sol’Air nous fait également savoir, et nous demande de vous le communiquer, le 7ème concours de nouvelles est en route jusqu’au 15 novembre prochain. Pour plus de renseignements le concernant, écrire à : Sol’Air, Laure Ménoreau 323 boulevard Robert Schuman 44300 Nantes. France (Pensez à l’enveloppe timbrée, libellée à votre adresse...)
D’autres annonces en vrac : C.G. Lugon que vous retrouverez le mois prochain dans ces pages, en compagnie d’autres poètes, vient de voir des extraits de son recueil Nufenen, publié en lettre poétique, présentée par Theudrie Monnet, aux éditions Clapàs – 12520 Aguessac. France. Il a lancé également sa propre lettre poétique : Script Bizarre. Pour lui proposer vos textes, le contacter : C.G.Lugon 32 rue des casernes 1950 Sion. Suisse e-mail : lugonclaude@hotmail.com
Gérard Lemaire, lui aussi présent le mois prochain dans nos pages, nous fait savoir que “ le collectif Albatroz &Mina d’Oiro lance une exposition d’art postal de large envergure qui à pour thème : sourire vertical ”. Ils demandent également à ce que vous envoyiez vos contributions à : Gérard Lemaire Apartado 218 2870 Montijo. Portugal Walter
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FEEDBACK Un nouveau Feedback ce mois-ci, peu de réactions au sujet de notre dernier numéro (le 35 ème) qui offrait son espace à, je vous le rappelle, David Taylor. Un Feedback plus “ généraliste ” qu’à l’accoutumée finalement, et peut-être encore trop sobre... ? À vous de juger. “ Tu publies mensuellement, formule que je trouve vraiment intéressante, valable si non censurée, ouverte à l’expression, à la poésie qui dit quelque chose, sur le quotidien, sur le vrai... (Il y a une large place, un très large trou pour ça...)... ” Gérard Lemaire, Concremiers (36). “ Mauvaise Graine est une publication tonique et courageuse. Ce que vous faites n’est pas facile et c’est pour cela que c’est plein de mérite. Continuez ! ” Philippe Boiry, Paris (75).
“ Après lecture de Zarathustra is dead, de David G. Taylor : le fait que ce texte difficile, tant par son argumentation que par le caractère expérimental de sa mise en scène, ait pu être proposé à un public qui, sans doute, l’a apprécié à sa juste valeur, nous donne une idée de ce que pourrait être le théâtre authentiquement actuel et vivant, tel qu’il nous est refusé par les instances de notre “ exception culturelle ”, retorse à la prise de risques au point de décourager toute incursion hors des espaces dûment balisés. ” Jean-Pierre Baissac, Saint-Vallier de Thiey (06).
surf RéZine est une association qui “ publie depuis septembre 1996, un "bulletin d'information sur le fanzinat", plus connu sous le titre RéZine. Ce bulletin présente les dernières parutions (que nous pouvons connaître) de la "petite presse" dans des domaines aussi divers que la musique, la bande-dessinée, le manga, le cinéma, la littérature et les jeux. Le contenu de chaque fanzine est détaillé, et sa couverture reproduite. Notre bulletin contient aussi un indispensable Carnet d'adresses, qui répertorie les titres publiés dans RéZine, et ce depuis sa création. ” Son site web présente, outre les derniers numéros parus, un panorama de la petite presse qui “ a pour objectif de poursuivre le travail réalisé par les rédacteurs du bulletin RéZine, et de permettre ainsi au nouveau venu de découvrir la petite presse par ses titres les plus représentatifs, notamment grâce à la sélection présentée conjointement par les membres de l'association et l'équipe de la Fanzinothèque de Poitiers dans le cadre du projet Kioskazine. Pour aider l'amateur dans ses recherches, nous proposons un volumineux répertoire, auquel vous aurez la liberté d'ajouter les titres que vous connaissez et appréciez. Enfin, comme de nombreux fanzines animent des sites internet, nous avons ouvert une page de liens... ” Association RéZine, Xavier Lardy 30 rue des Souterrains, 79370 Fressines, France e-mail : rezine@mellecom.fr www.mellecom.fr/rezine Bruno
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déjà parus ! MG 1 07-08/96 MG 2 09/96
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MG 12 07/97
Tori Amos, Walter Ruhlmann, Thierry Piet, Teresinka Pereira, Julien Burri
MG 13 08/97
Régis Gathier, Poèmes
MG 25 08/98
Vincent Laurent, Ainsi tout recommence. Poèmes inédits de Harry R. Wilkens
Jean-Luc Lamouillé, Walter Ruhlmann, Laurence Burri, Erich Von Neff, Gérard Lemaire. Supplément gratuit : Les Chants du malaise, Walter Ruhlmann (extraits) Thierry Piet, Gérard Lemaire, Marjan, Bruno LabatutCouairon, Bruno Tomera, Julien Burri Spécial Julien Burri Supplément gratuit : Mort d’une pelouse, Philippe Fournier Spécial Poésie brit : Adam Thorpe, Janet Walker, Shakespeare Sisters Supplément gratuit : Walter Ruhlmann, textes divers Erich Von Neff, Alain Guillard, Bruno Tomera, Raymond Quinot, Éric Lemoine, Hans Klein, Gérard Lemaire, Mélanie Lafonteyn, Roland Nadaus, Christophe Lacampagne Spécial Femmes : MMrgane, Karine Pezzani, Teresinka Pereira, Laurence Burri, Christine Zwingmann, Alice Walker Alain Lacouchie, Clovis Fauquembergue, MMrgane, Bruno Tomera, Frédéric Maire, Sylvain Crouzet, Erich Von Neff, Philippe Fournier, Donatien Moisdon, Jérémy Bérenger Spécial Moi (Walter Ruhlmann) + MMrgane, Bruno Tomera, Julien Burri, Aurore
MG 14 09/97
Julien Burri, L’aube d’été
MG 26 09/98
S(Laughty) M(Organe) is back : Divers auteurs
MG 15 10/97
Les Belges : Quinot et Laire
MG 27 10/98
Bruno Tomera, Poèmes
MG 16 11/97
Spécial Suissesses
MG 28 11/98
Bruno Bernard, Burning zone
MG 17 12/97
Erich Von Neff, L’ombre du chien (extraits)
MG 29 12/98
Erich Von Neff, Le pas de la porte et Le piano noir (avec Yanming Zhang)
MG 18 01/98
Divers : textes courts et nouvelles
MG 30 01/99
Alain Lacouchie, Under H. et Bombe
MG 19 02/98
David Gobeil Taylor, Homo erectus
MG 31 02/99
Samuel, Butagaz
MG 20 03/98
Frédéric Belin, La graine
MG 32 03/99
7 nouvelles têtes. Divers auteurs + Walter Ruhlmann, Impact
MG 21 04/98
MG 33 04/99
Jérémy Bérenger Résurgences, Le Cassos et Le dernier jour
Harry Wilkens, The Hit-Man (extraits) Suppléments gratuits : Two early summer bizarre songs et I was somewhere, de Walter Ruhlmann et Avec une chandelle dans ta main, Rhee Han Ho Extraits de À corps d’âme, de Claire Ménanteau + Patrick Marcadet, Max Laire, Régis Gathier, Ariane Kveld-Jaks, Kamel Rachedi, Dimitri Kotzamanidis Numéro anniversaire spécial : MMrgane rencontre Bruno Tomera Supplément gratuit : La Crème de Mauvaise Graine, Préface de MMrgane
MG 22 05/98
Matthieu Baumier, 22 rue de la Verrerie et Traditions brisées Supplément gratuit : Walter Ruhlmann, L’horizon des peupliers Georges Le Milan, Silice à la menthe
MG 34 05/99
Special America, Divers auteurs
MG 23 06/98
Jérémy Bérenger, Bérenger’s beast of
MG 35 06/99
David Gobeil Taylor, Zarathustra is dead
MG 24 07/98
Walter Ruhlmann, Les chants du malaise Supplément gratuit : La Crème 2 MG, Best of de l’année passée, Préface de MMrgane
MG 36 07/99
Jan Bardeau, Chutes Supplément gratuit : La Crème 3
F N’hésitez pas à commander les numéros qui vous intéressent !
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boys band MAUVAISE GRAINE REVUE MENSUELLE DE LITTÉRATURE N°36 - JUILLET 1999 ISSN : 1365 5418 DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION IMPRIMERIE SPÉCIALE DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : WALTER RUHLMANN ASSISTÉ DE MMRGANE ET DE BRUNO BERNARD, ET AVEC LA PARTICIPATION DE JEAN-PIERRE BAISSAC © MAUVAISE GRAINE & LES AUTEURS, JUILLET 1999 ADRESSE : FRANCE
EN AOUT, 3 MECS METTENT LE FEU A LA GRAINE : VINCENT LAURENT, GERARD LEMAIRE ET C.G. LUGON. . .
E-MAIL : mauvaisegraine@multimania.com WEB : www.multimania.com/mauvaisegraine ABONNEMENT POUR UN AN (12 NUMÉROS) FRANCE : 22.50 150 FF ÉTRANGER : 30 200 FF INDIVIDUELLEMENT, LE NUMÉRO FRANCE : 2.25 15 FF ÉTRANGER : 3 20 FF RÈGLEMENT PAR CHÈQUE OU MANDAT POUR LA FRANCE PAR MANDAT INTERNATIONAL POUR L’ÉTRANGER LIBELLÉ À L’ORDRE DE W. RUHLMANN
A SUIVRE !
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