Mauvaise graine # 41

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Édito


Jean-Pierre Baissac Fragments Gaéliques…

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I Cerné par le buis, le monolithe est une ode à l’automne. l’humus se ressent des noces de la terre et des eaux, elles furent passionnelles, le printemps en résultera. La lande Magicienne ondule du chaos des bruyères, l’air est salin, génésique, violent. Ivresse amoureuse. Un chèvre-pied béni de Priape s’en va gaiement retrouver sa belle au creux d’un lit de mousse. Nymphe mutine, elle l’attend en démêlant, de ses doigts graciles, l’écheveau des vertus et des vices, véniels toujours, dont se parent les nubiles. Leur charme est le malheur des aimés, le malheur étant le charme de l’ennui, et l’ennui un charme violenté. Grondements sourds au plus loin des glens. II Les lointains s’assagissent avec l’étirement des ombres. Heolig nous glissa, ouvrant la marche : Ne perdons rien de notre allant. Voyez l’air est tiède et la lune nous agrée. Soucieux de complaire aux étoiles, nous désirâmes l’aurore et y cinglâmes. Quand s’obscurcirent les cieux sous un violent orage, il fut dit que nous séjournerions en l’immense château dressé au faîte d’un sphinx de basalte, avant-poste, selon les Vieux Écrits, de l’Hyperborée des présomptions. Septentrion nous imposait depuis peu ses rigueurs. Nos balandrans de loutre suffisaient à peine à nous parer du froid. Bientôt approcherions-nous des glaces éternelles, et l’on devrait recourir aux chiens de traîneau. MacCalman en personne nous accueillit sur ses terres, drapé dans son kilt, orgueilleux du tartan des siens. Il a du peuple au delà des mers, cette tranquillité grave que rien ne vient jamais trahir. Le festin fut de grives et d’eigers, la domesticité s’entendait dans les arômes antiques, et à l’accommodement des élixirs et des parfaits nectars. Un très vieil enfant nous donna lecture d’antiennes solsticiales, Samonios approchait, Hécate on célébrerait, avant que de souscrire à la maîtrise des frimas. La spirale était là, inscrite en chacun des lintaux. La voie était la bonne, nous avions foi en notre guide. Sylumbra eut le songe d’un vallée magnifique percée de mille cavernes, refuge ultime de l’ancien peuple. O vrai, s’emporta-t-elle, leur chant, irrésigné à la barbarie, était de souverain espoir, il exaltait un retour prochain qui, Héolig m’en pardonne, ressemblait fort à notre queste. D’un battement de cils, le barde l’absout de toute forfanterie, rien n’est vrai de nous rêves, rien n’en est faux non plus. — L’épée arrachée au roc, au lendemain de l’Harmageddon, se révèle arroi du cherchant. J’ai voulu, l’embrassant, dire mon allégeance au nombre et ne rien condamner 1

Extraits.


de ses failles. Demi-dieux sont ceux-là qui de candeur savent faire montre, elle les pare des triviales plaisances et des pensées congrues. Nous reprîmes la marche, les neiges l’entravèrent, sept de ses loups fidèles Mac Calman nous légua… III Borée, attablée, virtuose, à l’orgue de basalte, psalmodie la très vieille complainte des amants de Géa. L’épée en fut façonnée, qu’elle reprit des mains de l’impétrant ébloui par les grâces surfaites d’une nymphe. Formidable, son attente est rigueur, bien des larmes verseront des yeux aveuglés, il faudra passer parle rien qui préfigure tout chaos. La harpe résonnera alors des confins giboyeux. Surgissant d’un terrier, un lépricaune amorcera la Gigue des Trèfles d’Or, et reviendront des limbes, en un cortège scintillant, les fées chaussées de cristal, la blondeur ceinte d’un diadème d’émeraudes. Gwynyth, Grande-Prêtresse des banshees, élèvera au vent son chant d’amour, et les feuilles reverdis battront le rappel des temps que l’on croira nouveaux tant qu’on mécomprendra le souverain précepte dans l’entour d’Urubus. IV À l’Éon annoncé, Gwynyth ordonnera que soient postés, au faîte du Ben Nevis, trois harpes façonnées dans le plus dorée des bois de cèdre. Se lèvera alors un aquilon qui entraînera les nuées dans la plus formidable des rondes. L’Axe en sera le cromlech où ce que tu sais t’es révélé. La tentation sera forte de hurler ta joie. Tu en auras fini avec l’incertitude des mots. V Trois harpes sonnant la gigue, c’est la fête au fond de la forêt, la tempête a lavé les récifs des goémons torpides, Eire sera accueillante au Revenir de l’Éon. Vois, Enfant, ces valeureux esquifs venir de l’Amérique. Point celle, vaine et fruste, des rutilances et du blasphème, non pas l’Amérique philistine des conquérants du Rien, mais celle, pourpre, que tannèrent de désertiques marches, avant que l’Espagne enchristée se vienne imposer par ses mensonges et ses massacres.

X Perclus de ses lambeaux, MacGregor attend son heure, abrité en la caverne. Magnifique, la vallée verdoie de toutes ses fétuqes. Ça et là, un pan de mur témoigne des batailles passées. Il en est de Culloden comme des altérités lumineuses. Convoitées, méprisantes de toute régence, elles ne se laissent vaincre que dans l’abord, pour décupler, au long du temps, les multiples brillances de la Pierre en leur front sertie.


Jan Bardeau Je l’ai ; le verdict sabre mon existence, dans ces locaux de préfabriqué : séropositive. Le virus barbelé s’apprête à déchirer mon système immunitaire. Et ces types qui m’ont baisée, le sourire à la lippe sur ce mot qu’il dégustent, salope. Belle encore, je conserve des armes, ils paieront. Ils cherchent des sexes offerts, ils en auront. Des bas, ils s’excitent, sous une jupe remontée au haut des cuisses, ils étouffent, et les tétons qui creusent l’étoffe, un regard entendu, ils s’étranglent, les porcs. La bite à la main, gland violacé et burnes fripées, cette bête sans grâce, boudin bancal dans un taillis de poils secs, puisqu’ils jouissent de posséder, je serai leur objet. Qu’ils trempent en mon vagin, en mon cul, qu’ils se saoulent de m’abreuver de leur jus, je leur confierai une parcelle de moi, mon ami crochu leur plantera les griffes dans la graisse. S’ils bandent pour la viande, je leur offre, avec mes compliments.

La chaleur écrasait le pays, on vivait au dire des spécialistes l’été le plus torride des deux dernières décennies. Les malaises se succédaient parmi la population, déshydratations, brûlures, et certains cas inédits ; elle en fut l’une des victimes. Elle partait acheter du pain à la boulangerie, distante de cinq cents mètres. Il lui fallait descendre la rue, désertée à cette heure de fort ensoleillement ; l’air miroitait, le bitume fondait. Franchi le seuil de sa maison, une chape s’abattit sur elle, son maillot la colla en quelques pas, son short la moulait, ses pieds inondaient les sandales. Elle marchait, sa sueur ruisselait des aisselles, perlait sur ses bras, gainait ses jambes, noyait son front et ses yeux piqués, ses seins absorbaient le tissu de son vêtement, elle gouttait. Sa progression devint difficile, des vertiges la saisissaient, elle respirait mal. Elle s’arrêta, s’appuya contre un pylône de béton, sa main glissait sur la surface rugueuse, un spasme lui remonta de l’estomac jusqu’à la bouche, elle suffoquait, elle crut s’évanouir, elle songea « Mieux vaut rentrer. » Mais cherchant à rebrousser chemin, sa plante de pied dérapa contre la semelle et elle s’affala sur le trottoir. Elle leva un bras suppliant, personne, personne pour la secourir. Elle mobilisa ses forces, tenta de se redresser, de crier au moins, elle s’effondra. Nul ne s’avisa de cette flaque d’eau saumâtre, à la base d’un pilier électrique, qui s’évaporait rapidement. Son époux déclara sa disparition, on ne la retrouva pas, alors il pensa qu’elle l’avait quitté, sans mot, sans au revoir, il en conçut un vif dépit.

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Extraits du recueil d’histoires courtes Les égarés, auto-édité en 1998.

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Michèle Caussat

Pour un rien, le silence Une graine de lumière d’argent, Quelque bête qui luit au loin, Mais creuse la pluie, dévale, Les chemins de brouillard, de cailloux ; Une porte éclaire l’ombre, Scintille, légère âme des pluies, Fenêtre sur une améthyste Flot de rayons pour l’oubliée ! Sous l’ondée la bague ruisselle Dans l’œil de quatre ou cinq plis d’eau. Les tambourins creusent Le rideau pâli de bruits d’eau ; Les branches, les brindilles S’enchevêtrent aux cheveux. La nacre des brumes Sur le pistil noir D’une jambe pliée vers le ciel : Une jambe qui prie comme une pie Dans son bas noir déchiré, Sur l’épaule un chant épelle L’alphabet en un rythme obscur. C’est ainsi qu’elle aimait vivre : Fenêtre sur cour. Lopin de piano. Elle n’était guère fréquentable. À pas de raisins Elle s’enfuit comme une caille. Plus d’une bête malade L’aura picorée dans la boue La femme aux cheveux bleus. Cependant quelque bête fuit Loin, à l’écart de la lune. Diligemment la rivière Plie à l’aube ses draps troués.


Bientôt cinq heures, Le café bu. D’un cygne noir rien ne passe La grâce D’un bourgeon de miel rien n’affronte L’espérance. D’un wasserfall folle Rien ne peut exciser Le sexe de cristal. Du sel bleu des nuages Rien ne peut essuyer le pleur, Hormis ce mouchoir, carré d’herbe, Cette paillette sur la corne, Ce sabot cherchant son chemin. Les yeux de la craie, Dolines au parfum de fenouil, S’ouvrent grand dans cette pierraille, Le corps du serpent, cette clé, Pour une porte dans l’oblique de l’ombre, Ondoie, courte vague grise, Le chemin s’en va, Au-delà, ce sera la chute, Tes lèvres chercheront la poussière, Si tu as un collier, une bague, Peut-être, alors, peut-être, On te reconnaîtra. Les ronces ont envié ta robe, Tu leur as offert des morceaux de soie, Un trait de ton sang. Elles t’ont laissé trois épines, quelques mûres, Une touffe de poils de lièvre, La promesse sorcière : Tu seras notre sœur en ta vivacité. Dans le fond du tunnel la lumière s’allume Exista-t-il un homme plus sensuel que le Christ ?


Éric Dejaeger Quand Éric Dejaeger nous parle de son appendice…3

Un bête problème de protocole dont sa majesté n’a rien à foutre En lisant le protocole d’analyse de mon appendice je tombe sur : longueur : 9 cm. J’en parle à mon médecin quand il me retire les fils qui ornent mon bas ventre « C’est une fameuse longueur » me dit-il « la moyenne est de 3-4 cm » Pas étonnant que je me sente + léger Mais… non mesdames, Messieurs, désolé : ce qu’il me reste d’appendices n’a rien de monstrueux allez plutôt voir chez Depardieu.

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NDLR


Il nous faudra bientôt des horloges au 1/1000 de seconde Retour de l’hosto Appendicite aiguë Arrivée aux urgences: mercredi 14h07’56’’ à peu de chose près Entrée en salle d’op : mercredi vers 16h32’12’’ (le même mercredi) Retour dans ma chambre : mercredi 19h16’37’’ plus ou moins Départ de l’hosto : vendredi 13h04’19’’ Ce qui nous fait 46h56’23’’ pour une appendicectomie J’ai contacté le Guinness Book On a déjà fait mieux Et moi qui aime prendre mon temps…


Stéphane Heude L’AUTOMATE – Nuit d’absinthe – Ne plus subir le jour Et ses rêves de nuit S’échapper de la nuit Au cauchemar du jour. Bruneval La nuit mauve… la nuit règne… la nuit sang… gibbeuse est la lune… son offrande elle attend. Diantre qu’on peut avoir de drôles de pensées en courant, marquantes et fugaces... je cours... halètements… j’entends… halètements, bruits de pas précipités, froissement de mes vêtements sur… je cours, pourquoi je cours… une jambe après l’autre, le poids en avant, comme si j’allais tomber, puis l’autre jambe... la lune lune lune… je sais… je sais que j’ai une putain de trouille au ventre… au milieu d’un champs… de maïs… frôlements… je cours la peur au ventre. Longtemps ? le temps… mémoire fuyante… présent triomphant… NON, peur triomphante… walpurgis… penser m’empêche de penser à pourquoi j’ai peur, à pourquoi je cours… amusant… sans cesse je cours… étrange… on dirait que je suis vêtu d’un pyjama… excusez-moi de ne pas m’arrêter pour vérifier… je cours… j’ai peur… l’adrénaline… Ouch ! Quel mal de crâne… vision trouble, lumière blessante, sens vacillant… je… Rêves la soirée est bien entamée, bar de marin, vert poison, ma verve glauque, rêves d’absinthes et verres d’absinthes... à la tienne Étienne ! rousseur irlandaise, corps de déesse, sensualité terrifiante, prédatrice en quête de mâle… La Femme, qu’elle est belle… ruelles obscures… lanterne rouge… faste de l’empire, lustres éclatants, musique enivrante, et toi ma belle, sauvage comme la vierge lascive de ce qu’elle ne connaît pas encore… l’escalier, la chambre… la réalité se pare d’une fine voile de gaze verte, onirique, érotique… quant à toi tu te dépares de la tienne pour me faire goûter à encore plus de mystères… peau de lait, crinière, pointe de tes seins désirants, toison offerte, brûlante, tout de braise, tout feu tout flamme… lèvres pulpeuses, quel port, quelle nuit ! rhâaa… – Réveille-toi ivrogne ! rude voix sèche du tenancier… j’émerge, dans le bar de la veille… que ?… non personne ne m’a vu partir, encore moins avec une beauté diabolique… dégage on ferme… mon portefeuille ? mon argent ! déambule perdu dans les rues, un inspecteur, cherche, cherche… la bâtisse, gothique, délabrée et scellée depuis plus d’un demi-siècle… pourtant c’est elle, je la reconnais j’en suis sûr… porte défoncée, la poussière intacte ne saurait mentir, personne n’est entré dans cette demeure… sauf que… l’escalier, au fond du couloir la chambre… la porte… Jésus Marie Joseph… Désenchantement… Un cadavre, ou plus exactement un squelette, étendu sur le lit, sur le lit de tous les désirs, de tous les fantasmes, de tous les plaisirs… et… sous l’oreiller… le portefeuille… malefecios non patietis vivere… Réminiscence Réminiscence, mais de qui… rêve, réalité, souvenir d’une lecture passée… gueule de bois digne des rêves passés en tout cas… une musique. Un automate… un


automate, d’où sort-il ? c’est un chat, chaussé de babouches d’or, vêtu comme un génie persan, entre les pattes un violon tout droit sorti du Mystères de Knut Hamsun… le violon, la musique, le chat ne bouge pas mais semble bien s’animer de sa vie propre… je me souviens… récente acquisition - sauf qu’il me semble bien que c’est lui qui m’a choisi… lors d’un vide grenier, de l’antique demeure de l’ancienne… la sorcière qu’ils l’appelaient les vieillards du village… mais je sais plus trop si je divague ou vous raconte le dernier roman lu et aussitôt oublié… la musique, il a tout de même l’air maléfique ce chat… et puis y joue sa musique tout seul, c’est donc pour cela que je sirotais tendrement ma versinthe, pour l’oublier, CQFD. (…) Morbleu ! quel mal de crâne… m’étonne pas, on dirait bien que la bouteille d’absinthe en a pris pour son grade, à moitié vide, ou pleine c’est selon… ah ! divine ambroisie des poètes… celle là même qui entraîna un fameux poète dans les bras d’une morte amoureuse… (…)

Fascinant tout de même cet automate, ma conscience s’unifie et tout à la fois se délite et mon rêve a l’air entrecoupé de réalité teintée d’absinthe, succession sans fin de délires à la limite du cauchemar éveillé, hallucinations bien réelles ne me sortant de ce cycle sans fin à seul but de me faire justement apprécier l’infini réalité de cette horreur issue de mes rêves, succession de faits, eux finis, de cette terne réalité à la lisière de ce gouffre obscur que je fuis… Temps… ( rire ) oui succession ininterrompue de délires orgiaques sans le moindre souvenir des jours écoulés, sinon ce fiel amer dans ma bouche, ( rire amer eusse-t-il fallu le préciser ), mon esprit se délite et mon âme accuse le sort de ma damnation… qu’importe ! maintenant ne sera plus dans mon esprit des secondes à venir, au moins je ne penserai plus, Poe n’avait-il pas ainsi commencé son Eurêka : à tous ceux qui sentent plus qu’ils ne pensent... (…) L’éloge de ma folie n’est assuré que par votre propre condition, car en effet, qu’est-ce que le temps pour moi, car cette lettre si courte, et bien je l’ai débutée il y a quelques jours ou plus déjà, récit entrecoupé par un non espace d’horreurs ineffables me laissant sans forces mais avec suffisamment d’intuition pour me délecter à l’avance de ce qui ne saurait tarder... comment auriez-vous pu deviner... réveil … rêve sans fin, en boucle entrelardé de quelques secondes de réalité… trop délicat de la part des sœurs filandières… oui, il y a ce rêve, mon unique souvenir de cette vie passée, comme quoi nous sommes peu de chose, ce rêve unique, ma prison, mon exutoire… il fait nuit… je conduis sous la lune pleine et ronde, perdu dans des obscurités devenues quasi impénétrables de par l’héritage de leurs noires lumières non troublées depuis une éternité, comme le cimetière absorbe sans un mot toute tentative de bruit insurgé à l’encontre de siècles de silence passés... l’inertie cela s’appelle je crois… je roule, roule sans fin, avec cet arrière goût dans la bouche, mon âme qui pleure sur son sort et la peur au ventre… la peur s’accroît indéfiniment comme la perception que je puis avoir de la route… c’est mon chemin de croix, mais selon quelle religion ? cette route est sans fin comme le gouffre qui me ronge et depuis une éternité déjà ma peur s’est muée en terreur grandissante... et puis le paroxysme, comme cela sans prévenir, je roule avec célérité sur la plus grande ligne droite jamais rêvée, perdu au milieu d’un champ de maïs, mes phares ne découpant que quelques mètres de ténèbres au devant de moi. Et elle, surgit de nulle part, femme enfant entr’aperçue une fraction de seconde, au milieu de la route, nue, belle, les yeux pleins de vie, rousse comme la lune, et belle… bouton de rose sur le point de s’épanouir… si belle… pourtant je ne tente rien pour l’éviter… je roule encore longtemps après… le pire est que justement il n’est pas encore arrivé… ma terreur s’est mue en un sens sans nom, et ma torpeur me laisse tout à loisir pressentir le vide qui suivra…


rêves et réalité, que me sont-ils ? même mes rêves me sont tronqués… Cauchemar ? J’aimerais que cela cesse s’il vous plaît… je vous implore… ne suffit-il pas que je me balance déjà depuis plus d’une semaine au bout de cette corde… au moins je ne vois plus le paysage désolé du lieu de mon suicide, un champs de maïs à perte de vue… même mon suicide m’est volé… au moins, les corbeaux m’ont privé de mon regard il y a quelques jours… sauf qu’il y a quelque chose qui cloche. Du genre que je suis pas sensé penser et moins encore ressentir… car chaque seconde accroît ma souffrance de ce corps pourrissant, de mon âme damnée – je le pressens – et pour le moins déliquescente, mais cela ne serait rien si je n’avais cette terreur au ventre et que je ne sache que le pire n’est pas encore arrivé. Tout ne fait que commencer... je cours, je cours… champs immenses… au restaurant, j’étais au restaurant… la musique, l’alcool ? je ne sais que cela : j’ai couru aux toilettes. Au fonds du couloir à gauche… sauf que je cours depuis des heures, en pyjama de surplus, dans un champ de… net… je me suis arrêté de courir net… une fraction de seconde… je pense à cent à l’heure il faut dire… l’adrénaline… hypnotisé par les phares de la voiture ( une voiture de mariage soit dit en passant ) qui déboule aussi à cent à l’heure sur moi… je pense toujours à cent à l’heure mais je ne bouge pas… en fait, je crois que je suis fasciné par le visage de la femme enfant rousse qui est au volant, belle comme la lune, éclatante comme le soleil, terrible et impitoyable comme une armée rangée en bataille… en cet instant, je compris... « Mourir… dormir… rêver peut-être ? » William Shakespeare


Mrgane Chairs blanches néonnisées Papillons étrangers capturés Viande à l’étalage Bouchers aux sourires dégoulinant De plaisirs avenants Chichkebab dans une cabine Mouchoirs pour les doigts Triste sexe À Saint-Denis la nuit.

Vent lancinant des insomnies murmurant Un chant d’amour passé Presque oublié Et les nuits qui feulent l’absence L’ombre de nos corps en transe Salamandres en farandole dans les souvenirs éthanols Pilules d’extase gracile pour des orgasmes faciles. Desir rompu Des amours en substitut Chavirer dans les limbes ambrées S’éloigner des séraphins shootés Diables et amoureux écornés Un pendu gravé Sur mes yeux fermés.


Funambule je déambule au bord de la falaise urbaine. En bas l’écume blanchâtre et carminée des étreintes amoureuses, lépreuses. Rails, lignes d’horizon. Dans l’orgasme final de mes entrailles qui ripaillent sur le métal, j’appelle sur mon cœur palpité, les déluges, pluie de feu et Harmagedon d’un Dieu d’amour qui m’a oublié sur le bas côté.


Erich von Neff Quand Erich von Neff nous parle de salive, de langue et de femmes au comportement étrange 4

Lexicon Utopia Ecstasy Kneeling Frieda read Hobbs’ Leviathan to me With verve with gusto Breaking off she giggled As she realized its essence She wet the Leviathan with spit She flicked it against The tip of her tongue She wet the Leviathan with spit The Leviathan tasted bitter The Leviathan tasted sweet She wet the Leviathan with spit She flicked it against The tip of her tongue.

Extase lexicale d’Utopia Frieda était à genoux et me lisait le Leviathan de Hobbs Avec verve et enthousiasme Elle s’arrêta pour rire Lorsqu’elle prit conscience de la signification Elle mouilla le Leviathan avec de la salive Elle le passa contre Le bout de sa langue Elle mouilla le Leviathan avec de la salive Le Leviathan avait un goût amer Le Leviathan était doux au goût Elle mouilla le Leviathan avec de la salive Elle le passa contre Le bout de sa langue

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Sweet & Bitter She wet my key with spit She flicked it against The tip of her tongue She wet my key with spit The key tasted bitter The key tasted sweet She wet my key with spit She flicked it against The tip of her tongue.

Doux et amer Elle mouilla ma clé avec de la salive Elle la passa contre Le bout de sa langue Elle mouilla ma clé avec de la salive Ma clé avait un goût amer Ma clé était douce au goût Elle mouilla ma clé avec de la salive Elle la passa contre Le bout de sa langue


Bruno Tomera

Faux pas de l’ivresse Le zinc s’envoie en l’air Dans les trous d’air Des cumulus de bière Une clope embrume tout cela. Caresse de l’ivresse Comme une ruade dans le dos Dans le clapotis de la Guiness Ma main erre entre deux eaux. L’ivresse et le froid Me réveillent de moi L’ivresse et l’effroi Parfois la joie De se reconnaître autre que soi. Ivresse du devenir Rester partir rester se mentir. Ivresse folle du devenir Tu es ma reine je suis ton nabot Je me cire le melon en Afro Et cours avec tes jambes d’ébène Vers ses soleils que les néons dégainent. Ivresse de vivre en vitesse Vrai ou faux Voici l’ultime dérision L’illusion Se défait par des faux.


Violaine au violon Violaine allongée sur un violon Rêve en soufflant dans son Chewing-gum des bulles d’évasion. En torsadant d’un doigt ses cheveux de laine Elle file et tire sa peine La tête transpercée de vibrations Envoûtant larsen qui suinte Des murs d’enceintes de sa prison. Zonzon. Zonzon. Zonzon. —Baissez le son ! hurle-t-elle Le tranxène lui répond —Ton monde est une prison ! Zonzon. Zonzon. Zonzon. Violaine se recroqueville sur son violon Coupable de vivre sans raison. Dans le ronronnement logique De l’ère informatique Elle sait « L’Unique Et sa Propriété » détenu par des matons Qui la condamne aux génuflexions. Zonzon. Zonzon. Zonzon. Violaine se désagrège sur son violon Ses cellules se barrent par les fissures De ce cube instable des lamentations Les quatre murs l’oppressent entre sol et plafond Et la bercent en sociale régression. Zonzon. Zonzon. Zonzon. Violaine écoute tressauter le petit violon Bleu délavé tatoué sur son sein gauche. Le cœur métronome incertain ébauche Les pulsations des fragiles quintes Qu’elle égraine névrotique aborigène D’une voix défunte — Ce monde est une prison… Zonzon. Zonzon.


Harry Wilkens Zombies5 Now and then, when the mood grips me or the curiosity, at home or in a strange town, I make a phone cal to the dead and raise them to life for a couple of minutes or even hours, till they drop dead again. Zombies6 De temps en temps, quand l’envie me prend ou la curiosité me pique, chez moi ou dans une ville inconnue, je passe un coup de fil aux morts et les fais revenir à la vie pendant deux ou trois minutes voire des heures, jusqu’à ce qu’ils s’éteignent à nouveau.

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Extrait du recueil Zombies, éditions Clapàs. Traduit de l’américain par Frédéric Maire.


Restore hope7 It is a men’s job to carry white rice bags for the hungry black man and delicious black girls for the horny white man dressed in a fashionable multi pocket khaki suit driving n all-wheel car to golf greens and beaches or stiff white pricks into firm black asses before getting relaxed in luxury hotels where female staff provides the rest of the warrior.

Restore hope8 C’est un boulot de mec d'apporter des sacs de riz blanc à l’homme noir affamé et de délicieuses filles noires à l’homme blanc excité dans son uniforme kaki un multi-poches dernier cri qui fonce dans sa quatre roues motrices vers les terrains de golf et les plages ou enfonce sa bite blanche bien raide dans des culs noirs bien fermes avant de se détendre dans des hôtels luxueux où le personnel féminin lui procure le repos du guerrier.

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Extrait du recueil Zombies, éditions Clapàs. Traduit de l’américain par Frédéric Maire.


Nathalie Y Aurora Borealis9 A body with a tired spirit Functions like a stretched time bomb. The last tic signals the beginning of the self-destruct mode Where the body turns against himself — Stops eating, begins bumping into things, seeks physical mutilations. It continues doing so until the withered flesh Can no longer sustain the soul And it spills out in rays of intense fluorescence through the eyes, And drifts slowly to the other side of the arctic snow Leaving no footprints.

Aurore boréale10 Un corps dont l’esprit est fatigué Fonctionne comme une bombe à retardement. Le dernier tic annonce l’enclenchement du mode d’autodestruction Lorsque le corps se retourne contre lui-même, Il arrête de manger, commence à percuter des objets, s’inflige des mutilations physiques Et il continue ainsi jusqu’à ce que la chair atrophiée Ne puisse plus nourrir l’esprit. Alors ils se répand par les yeux en rayons d’une intense fluorescence Et glisse doucement de l’autre côté de la neige arctique Ne laissant aucune empreinte.

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Extrait de Temple of the Quietus Children, © Nathalie Y., Benway Institute Studios, 1996 Traduction de Walter Ruhlmann.

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Notes Les revues et autres services de presse de ce début de troisième trimestre sont arrivés par paquets de douze. Nous en avons à foison et dans notre volonté de tous les citer dans la mesure du possible – comprenez : en fonction de l’intérêt qu’elles suscitent – cette rubrique risque d’être assez touffue et peutêtre vous ennuiera-t-elle ? J’essaierai donc d’être suffisamment clair et concis pour ne pas vous endormir 11. Ceci dit, il a beau foisonner dur, il n’en est pas moins très intéressant. Donc…

Beaucoup d’entre vous connaissent désormais le mouvement dit ‘docker’ initié, il me semble, par quelques américains tels Erich von Neff, Harry Wilkens, etc. Et c’est toujours avec une joie extrême que je lis le Dockernet de Harry qui nous offre, à chaque numéro, la possibilité de découvrir ou redécouvrir des auteurs impressionnants et qui se démarquent bien sûr de tout ce qui peut être trouvé ailleurs, surtout loin d’ici… C’est à dire dans les publications bon enfant dont les directeurs n’oseraient même pas mettre leurs doigts blancs sur ces feuilles subversives… Allez ! Dockernet nous démontre chaque mois que la poésie est toujours vivante et qu’elle se renouvelle, s’inspirant du plus profond de notre société, de ses arcanes les plus nauséabondes, pour en extraire un pur émerveillement. Dockernet numéros 24 et 25, octobre et novembre 1999, Harry Wilkens. 86 rue Montbrillant, 1202 Genève, Suisse. Pour rester dans le même style et dans le même ton, une toute nouvelle lettre poétique purement contemporaine : Démolition. Ce premier numéro est frais et laisse prévoir beaucoup d’autres petits tremblements de terre sur la planète fanzine. Né suite à la disparition de feu Ravachol, Démolition est animé par le truculent Fabrice Fossé (que nous retrouverons prochainement dans nos pages, d’ailleurs) et qui compare sa lettre à un « Parpaing à parution aléatoire ». Évidemment, nous aimons, d’ailleurs, on y retrouve quelques auteurs déjà parus dans Dockernet, ou chez nous. Un autre pavé dans

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Ça commence mal… [Bruno]

la mare de la poésie sainte-nitouche. Merci à eux d’étoffer le vrai mouvement alternatif. Démolition numéro 1, novembre 1999, Fabrice Fossé Hameau Sainte Gertrude, 76490 Maulévrier Sainte-Gertrude, France. Michel Debray aussi, à sa manière, part en guerre contre notre ubuesque société moderne et s’en donne visiblement à cœur joie dans ses deux lettres poétiques, à savoir Le poil dans la main et La plume dans le cul, dont j’ai déjà maintes fois parlé dans ces notes. En ce qui concerne la première et son numéro d’octobre, Michel nous livre sa vision intime de l’œuvre qu’il a créée avec ce soidisant « torchon périodique » comme il le sous-titre lui-même. Puis il nous relate l’étonnante histoire des derniers jours de Babu, chien de son état, dont il prit soin dès lors que ses voisins n’en voulurent plus. Hilarant ! Dans le numéro d’octobre de La plume dans le cul, Michel nous invite à lire le second chapitre de son roman érotique au titre tellement suggestif : Autorut du soleil. Merci à lui de nous montrer en face ce que parfois nous ne voyons pas ou n’osons pas voir et qu’il continue ainsi de nous apporter sa savoureuse perception de la vie et du monde. Le poil dans la main numéros 96 et 97, septembre et octobre 1999, La plume dans le cul numéro 42, octobre 1999. Michel Debray, 8 rue Degauchy, 80460 Ault, France. e-mail : m_debray@club-internet.fr La lettre poétique est donc à la mode. Oh joie ! Oh bonheur ! Jean-Luc Lamouillé se rappelle à notre bon souvenir. Il nous a envoyé la dernière livraison de L’arme de l’écriture qui s’est étoffée depuis le dernier numéro que nous avions reçu, il y a bien deux ans je crois. Lui aussi pourra constater, lorsqu’il recevra ce présent numéro en retour, que MG s’est étoffée. Au programme de ce numéro 22, de la poésie, rien que de la poésie, puisque telle est l’arme de l’écriture. Cielny, Neulas, Dugueperoux, Lamouillé luimême, pour ne citer qu’eux… Toujours riche en illustrations, L’arme de l’écriture est puissante et vaut d’être ouverte. Un seul petit désagrément cependant, qui ne doit empêcher personne de lire ces pages, la façon, originale, certes, mais peu pratique, dont cette lettre est présentée : 3 pages A3


pliées en 4, pour former comme un petit livret. À noter également que Jean-Luc Lamouillé diversifie son entreprise en lançant une autre lettre poétique, dépendante de L’arme, dans la collection L’arme postale. Le n°1 nous est parvenu et s’inscrit dans le style Lamouillé. L’arme de l’écriture numéro 22, 3ème trimestre 1999. Jean-Luc Lamouillé & Hubert Guillaud, 97 galerie de l’Arlequin, 38100 Grenoble, France. Oui, c’est certain, la lettre poétique est en vogue. Une petite nouvelle dans le monde de la presse alternative. Créée il y a peu, Script Bizarre, qu’anime Claude G. Lugon, en arrive à son troisième numéro, me semble-t-il. C’est encore de la poésie et de l’information littéraire, que je qualifierai de jeune. Les auteurs sont aussi variés que talentueux : Lemaire, Brûlé, Carpentier (que nous retrouverons lui aussi dans nos pages d’ici quelques mois). Un autre brin de fraîcheur alternatif dans nos courriers. Script Bizarre, numéro 3, automne 1999. Claude G. Lugon, 32 rue des Casernes, 1950 Sion, Suisse. Nous laisserons là les lettres poétiques. Nous poursuivrons notre inventaire des revues avec cette publication qui m’est devenue chère depuis que son animateur, Jean-François Pollet, s’est présenté à nous. Je parle de la revue trimestrielle, belge (et sans but lucratif) Ombrages, vous savez, celle des poètes de l’ombre. C’est frais, c’est à l’ombre, et pourtant les auteurs qui nous sont présentés ont tout pour ne plus l’être, à l’ombre… Dans ce 6ème numéro, Jean-François nous convie auprès du très publié Gérard Lemaire, de Éric Dejaeger, présent dans nos pages le mois dernier, de l’Amazone qui nous avait tapé dans l’œil le mois dernier déjà, de Jean-Luc Lamouillé dont nous parlions un peu plus haut, de Pascal Carpentier, Harry Wilkens, et de Philippe Boiry. Bref ! Une revue bourrée de talents qui me sied et que j’aime lire. Ombrages numéro 6, 3ème trimestre 1999. Jean-François Pollet, 45 Vert Coron, 7600 Péruwelz, Belgique. e-mail : ombrages@swing.be web : users.swing.be/ombrages Les éditions de l’Agly nous adressent leur revue Martobre, revue trimestrielle qui nous invite le plus simplement du monde à lire de

la poésie et surtout des nouvelles ma foi fort bien écrites et signées par des auteurs talentueux eux aussi. A noter également que ces éditions ont publié plusieurs ouvrages dont le dernier en date à notre connaissance : Les galets du torrent de Luce Fillol. Roman dont l’histoire se situe dans le Roussillon, en 1940… Martobre numéro 4, octobre 1999. Editions de l’Agly, 22 rue de la Carreyrade, 66220 Saint Paul de Fenouillet, France. e-mail : agly.editions@wanadoo.fr web : pro.wanadoo.fr/agly.editions Nous avons également bien reçu les deux derniers numéros de Libellé. Libellé numéros 94 et 95, octobre et novembre 1999. Michel Prades, 7 rue Henri Poincaré, 75020 Paris, France. Pour en finir (je vous avais bien dit que ce serait long et fastidieux) quelques brèves. D’abord pour vous parler de deux fanzines que semble vouloir promouvoir notre ami Stéphane Heude. New Eden Press, association éditrice d’art, qui désire, comme son titre l’indique, « diffuser les œuvres des jeunes créateurs qui la composent, (…) soutenir les artistes, (…)générer l’émulation collective nécessaire à toute entreprise créative… » New Eden Press, 13 rue de l’Annonciade, 69001 Lyon, France. Glux, aux éditions du Manoir (animé entre autres par ce même SH « nouveau zine d’illustrations, BD, textes courts, à paraître en janvier 2000. Glux, Cléo Emma, C222 RU A Jean Zay, 92160 Antony, France. Enfin, pour vous annoncer la parution de Quelque part ils ont tué le peuple de Gérard Lemaire, illustrations de Daniel Martinez, aux éditions Les Deux-Siciles, pour la modique somme de 40FF, à régler à Daniel Martinez, 8 avenue Hoche, 77330 Ozoir-La-Ferrière, France. Et enfin, Le canal chez Cheyne éditeurs de, Jean-Claude Dubois, à commander chez votre libraire ou, à défaut, directement chez l’éditeur, 43400 Le Chambon-sur-Lignon, France.


À suivre… Joyeux Noël 1999, passez de bonnes fêtes, tous autant que vous êtes, et à l’année prochaine. La rédaction.

revue mensuelle de littérature n°41 - décembre 1999 issn : 1365 5418 dépôt légal : à parution imprimerie spéciale directeur de la publication : Walter Ruhlmann assisté de Bruno Bernard

© mauvaise graine & les auteurs, décembre 1999

adresse : France E-MAIL : mauvaisegraine@multimania.com WEB : www.multimania.com/mauvaisegraine

Le mois prochain, nouvelle année, un nouveau visage, celui de Pascal Carpentier, dans un nouveau format…

abonnement pour un an (12 numéros) France : 22.50 150 FF étranger : 30 200 FF individuellement, le numéro France : 2.25 15 FF étranger : 3 20 FF règlement par chèque ou mandat pour la France par mandat international pour l’étranger libellé à l’ordre de w. ruhlmann


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