Mauvaise graine #44

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Fabrice FossĂŠ Musique



À faire ces incessants allers et retours sous l’échelle de Richter de la connerie, ça devait forcément nous porter la poisse… Eh bien c’est gagné, après avoir joué des années à se faire peur avec Le Pen en France et autres nazillons partout ailleurs, nous avons voulu pousser un peu plus loin le bouchon d’égout histoire de voir si les canalisations tiendraient le coup. Après Sarajevo mon amour et Nuits blanches à Grozny, est nominé pour l’Oscar du nationalisme une version trash de Sissi Impératrice mise en scène par Jörg Haider. Je dis nous parce que l’Autriche c’est un peu comme si c’était chez nous, c’est un pays plutôt riche (non pas qu’on le soit tous, car un pays riche peut très bien être constitué de gens très pauvres ! Je sais c’est un peu difficile à comprendre, moi-même j’ai du mal…), c’est en Europe, nous avons donc un large substrat culturel commun (un substrat c’est un terreau fait de sang, de larmes, de dentelles, de goupillons, bref : 2000 ans d’histoire). Mais la grande différence entre l’Autriche et la France par exemple, c’est que l’Autriche n’est plus qu’un petit pays de seconde zone privé de son empire pour cause d’avoir deux fois de suite choisi le mauvais camp, alors que la France s’imagine toujours être une référence aux yeux des autres, avoir un message pour le reste du monde, et en cela représenter l’alternative au modèle américain. Mais si allons, vous en avez déjà entendu parler du « rayonnement » de notre pays ? La première fois moi aussi j’ai cru qu’il s’agissait d’un nouveau phare qu’on aurait érigé à Ouessant pour guider des pétroliers cancérigènes qui seraient venus chez nous par hasard, mais pas du tout c’est un truc qui rayonne et que les étrangers seuls peuvent percevoir parce que nous on n’en a pas besoin. Alors pour nous autres Français, le fait d’être intimement convaincus que tout va tellement bien pour nous qu’à tous les coins de la planète on nous envie, ça nous fait occulter nos petites misères et on pense plutôt à suivre le Tour de France qu’à faire des ballades en char d’assaut chez les voisins. Ça s’appelle du nationalisme mou, ça resurgit de temps en temps bien sûr, à cause d’une odeur dans une cage d’escalier, ou devant un grand mec un peu basané qui prend toute la place dans le bus avec ses grandes jambes en jogging Riboque, mais globalement on fait avec : la bête est assoupie.

MINE DE RIEN, VOILÀ DÉJÀ LE N° 44 DE CETTE REVUE MENSUELLE DE LITTÉRATURE, DATÉ DE MARS 2000 ISSN : 1065-5410 - DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION - IMPRIMERIE TOUT À FAIT SPÉCIALE - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION À L’AVENANT, À SAVOIR MONSIEUR WALTER RUHLMANN, ASSISTÉ DE BRUNO BERNARD ET DE TEMPS EN TEMPS QUAND ÇA LUI CHANTE, MRGANE ILLUSTRATIONS DE F. BECQUET (SAUF ÉDITO : MONTAGE BRUNO) © MAUVAISE GRAINE ET LES AUTEURS, MARS 2000 ADRESSE : FRANCE E-MAIL : mauvaisegraine@multimania.com WEB : www.multimania.com/mauvaisegraine OK LE SITE WEB N’EST PAS À JOUR MAIS ON Y TRAVAILLE ÇA DEVRAIT PLUS TARDER PATIENCE NOM DE DIEU ON N’EST PAS DES BÊTES !

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LE

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Fabrice fossé Musique ! Je suis de retour Je reviens au pays avec une longue barbe grise et un avion de papier sur le sommet de mon crâne je reviens au pays pour y saluer les heures évanouies sur les quais entre deux baisers courts entre deux trains de nuit je reviens à Paris ma danseuse légère pour y voir ton spectacle de poupée acrobate dans un peep-show crasseux tu me reconnaîtras aux ailes de mon avion elles battront comme ton cœur mis à nu par mes vœux.

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Musique Mains calleuses bleu de travail machines en marche bruit qui ferraille tout au long de la sainte journée les vérins des presses roulent des mécaniques presses qui tempêtent sur des tambours en peau d’acier inoxydable je bats le rythme de mon pied droit le contremaître m’accompagne en sifflant un petit air d’opéra l’orchestration n’est pas fameuse et le public a tête basse d’applaudir n’est pas de mise toutes les mains sont prisonnières, la gaieté du chansonnier n’existe pas. J’ai de la musique plein la tête et des sanglots plein mes souliers dans l’atelier je suis le prince des ouvriers et quand la sirène nous libère je deviens le pire des musiciens.

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Les palmiers Elle mange des gâteaux secs en regardant la plage au mirabar del mar elle boit son cacao sous les palmiers truqués d’un été de béton derrière ses lunettes noires elle voit des hommes huileux en balade pour la drague aux muscles en bandaison, mais elle n’aime pas leurs poils trop timide elle en casse son biscuit dans la tasse en pensant à l’Espagne et à son torero aux grands airs d’opérette chanteur de disco. Ingredientes = harina de trigo grasas vegetales parcialmente hidrogenadas azùcar dextrosa extracto de malta de cebada sal gasifiantes colorantes. De consomir amargo preferenmente Antes del fin 31.12.00

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Cycliste Elle roule en vélo le dimanche sur départementale au rythme des crevaisons elle pédale dans sa combinaison moulante de nylon collée par l’effort d’arriver en tête pour la longue course du bonheur. Elle déraille, dorénavant elle partira à l’heure mais jamais aucune route ne la conduira sur la première marche du podium et ses jambes lui font mal elle tombe elle crève sur la piste de ses rêves sur la départementale des dimanches paisibles où personne ne s’arrête pour fêter les championnes d’un monde, sans couronne ni fleurs.

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L’inspecteur mène l’enquête Un inspecteur visite une classe après une courte hésitation il demande à un enfant pourquoi t’es-tu enfui tu aimais tellement faire le tapin je te promets mes faveurs et l’élève s’étonne heu… Mais… Un coq fait les cents pas dans le couloir c'est un client qui erre depuis cinq jours dans la solitude un individu à l’esprit fornicateur qui mercredi a rêvé de cornichons et de fesses juvéniles mais ne vous affolez pas les portes de l’école se ferment sur l’inspecteur et les cent un initiés.

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Europe perdue — Frontière amas de barbelé de ronces derrière les cris les écorchures le rire kaki des enfants vieux brille toujours étoile lointaine star again les chemins se perdent les routes se tordent hauts murs invisibles mes poings anecdotiques frappent la porte qui reste floue — ruines chaque pierre est sacrifice chaque pierre sans nom chaque pierre chaque pierre maman maman j’étais Europe mon chien est mort brille toujours étoile lointaine star again.

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Pop mélodie Une douce brise d’ouest souffle sur le piano une chanson pop titube dans ma tête l’homme aux mélodies décousues est venu sur le tard un CD coince dans la platine un petit homme chauve au taux élevé de testostérone un musicien amateur de revues X un croissant de lune brille sur son front reflet déshabillé de sa musique à poil sur le fil du rasoir à côté du piano les fleurs se sont noyées je pose nue pour les magazines tu me regarde d’un air idiot joue-moi ta dernière mélodie où sont les notes acidulées tatouées sur la couverture seins de papier que tu caches dans ta chair de cinquante ans lèvres boudeuses un baiser de délicatesse une douce brise d’ouest souffle dans le salon ce soir je t’invite ferme les yeux les chiens ne passent pas la nuit derrière ma porte.

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Les fleurs de demain Baise-moi baise-moi très fort enfonce tes doigts dans mes cheveux je ne veux pas voir ton visage ta langue remue entre mes lèvres d’écume rose de soie je mouille enveloppée dans ton jardin céleste griffe ma peau écarte ma chair avant que le sexe ne croupisse en attente d’une nouvelle aube pendant que l’été nous regarde jaillir hors de terre pour de bon baise-moi baise-moi encore avant que les chiens ne pissent sur les fleurs dans l’oubli de demain.

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Le silence Couché dans la fièvre dans un lit d’hôpital le ventre offert aux aiguillons des maux le silence est blanc uniformément blanc blanc ballon gonflé d’humeur que tu seras tenté de crever infirmière du néant tu m’ouvriras tes ailes d’ange tu me couvriras jusqu’au dernier sursaut dans la spirale de la souffrance pour une poignée de prières mes vœux seront exhaussés puis tu fermeras la porte sans même m’embrasser et tout deviendra noir uniformément noir et je pourrai hurler mes mains couvrant les plaies bourdonnantes de mort.

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Estivale Sur une plage de sable fin elle suce des esquimaux sous le regard effronté des touristes allemands elle bronze dans son soda plein soleil en rêvant de pluie d’or au goût des fruits de la passion et une pointe de piment elle plonge dans l’océan pur fraise de son soda d’août qu’elle avale d’un trait sur la plage au couchant, et le soleil se noie au fond de la bouteille oubliée par la belle sous le regard délavé des allemands qui repartent rouge vif dans leur bus blanc.

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Oiseau de nuit Quelle mouche m’a piqué dans quelle ville ai-je brisé mes ailes ceci ceci est une plume collée par la pluie indolente ceci ceci est ma peau reflet sur le bitume tu me rendras visite un de ces soirs étoilés par le sexe j’arpenterais tes désirs chaussé de talons hauts vêtu de paillettes d’or ceci ceci est ma chair froidement se dessinent les ombres ceci ceci est mon sang lentement s’insinue blanc poison sale mouche tu m’a piqué mes ailes sont mortes de n’avoir jamais su trouver le feu du ciel.

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Les belles de tes rêves Laisse tomber cette fille la belle de tes rêves les culottes de Marie sont toutes les mêmes de coton éparpillé en rouge synthétique la bouche que tu embrasses est des lèvres d’amour grouillantes contre ta peau elles te suceront jusqu’à la dernière couille vidée la tête échouée sur le lit les mouches bourdonneront dans ton sommeil lourd elle t’arrachera à ses nuits sous les secousses orageuses du temps dans tes yeux et tu deviendras mort viscéralement mort jusqu’à la prochaine fille à portée de ta main les culottes de Françoise sont toutes les mêmes de dentelle improbable en rose fatigué.

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Jardin japonais Un homme s’assoit en silence sur un siège plastique Il parcourt un journal les articles au présent médite Minute

minute

minute

Bouillonnement des cascades vers le fleuve de temps s’écoule en vacarme magique Allégé l’homme s’en va un soupir au bord des lèvres, du bonheur plein les doigts Et dans l’espace réduit plane les effluves d’un jardin japonais en suspens.

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D’hiver Pulsion verticale sur ton corps alléchant passion végétale au clair de ta peau je me penche en avant sur un large sourire qui en dit long mais qui n’a plus rien à dire tu tires les rideaux sur les Christmas de neige, au clair de l’impasse mon ventre crie au vide je sers mon écharpe je m’éloigne j’ai froid amidonné de givre les lèvres humectées d’un baiser c’était.

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Mon cinéma Ouvreuse la nuit j'avais seize ans lors d’une réception à Cannes j’ai attendu des heures mon pouls s’est arrêté de battre il a fait demi-tour un diable à ses trousses l’acteur de mes nuits était un petit vieux lors de l’inauguration de mon cinéma permanent.

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Fuites La pluie tombe sur le rebord de la fenêtre je partirai un de ces jours comme un quelconque liquide au goutte à goutte inutile de m’en rendre malade le robinet fuit dans la salle de bain sur le rideau de pluie je ferme le volet il fait froid le vin blanc réchauffe ma tête sur le rebord de ma fenêtre les gouttes m’aident à m’endormir le sommeil étrangle les fuites qui viendront visiter ma nuit.

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Consommateur 1000 balles dans le caddie la queue à la caisse je pousse au cul je suis pressé la carte bleue sur le cœur je tape du doigt pour payer. Ni acidité ni amertume seul le sucre seul le sel avec une goutte de sang et un nuage de carne je déguste ma cervelle à la petite cuillère sur ma tartine mon œil spécule brouillé.

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Certitude Dans sa parka trop grande élimée il réajuste sa cravate un beau nœud pour se pendre au cou de la vieille veuve à la sale tête de mort quelque part dans le vide une certitude se balance sous couvert du silence quelque part dans la ville le matin fait griller ses tartines de régime en écoutant d’une oreille distraite le bulletin météo sous un ciel sans nuage le soleil sera chaud.

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Dernier rappel Cigarette sur cigarette je fume électrique entre deux doigts carottes parfum noir atmosphérique brouillard se perdre fumée torpeur, je souris on attend acclame ils me mangeront tout cru les durs à cuire couteau chaleur couteau chaleur au fond des cœurs, je joue guitare chanson de fiel c’est un grand jour un très grand jour c’est le grand jour pour eux. Je racle le sol leurs âmes s’élèvent puis se consument ils me consomment. Tic tac tic tac dernier appel tic tac tic tac et puis c’est l’heure la débandade sueur néant serviette de glace la route se penche les réverbères la nuit enfin.

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Coma Dans le désert blanc les anges chuchotent une douce musique la route tue par accident tu dois guérir il est midi à l’hôpital il est midi sur la plage les filles ont les seins gonflés de soleil c’est un miracle cette douce musique la route tue par accident penses-tu à ces filles sur la plage quand tu sortiras du sommeil je t’y emmènerai demain dimanche sera une belle dimanche les anges chuchotent dans le désert blanc.

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Boîtes Il faut bien fermer le couvercle de la poubelle sinon les mouches pondent à l’intérieur, festin pour les larves mal au cœur pour toi et moi cette boîte rose devient obscène. Il faut bien fermer le couvercle de la boîte aux lettres sinon les mauvaises nouvelles gonflent à l’intérieur, festin pour les drames factures partagées pour toit et moi cette boîte verte devient la haine. Il faut bien fermer le couvercle du cercueil sinon les larmes tombent à l’intérieur, festin pour la mort fatalité pour toit et moi cette grande boîte devient la mienne.

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Notes Toujours de la poésie, rien que de la poésie pour L’arme de l’écriture que concoctent Hubert Guillaud et Jean-Luc Lamouillé, tous les trois mois. C’est un réel plaisir de recevoir et de lire cette lettre poétique qui s’épaissit chaque fois davantage me semble-t-il. Non seulement les poèmes de qualités ne peuvent vous laisser indifférents, mais vous pourrez tout autant vous laisser apaiser par les illustrations de Benjamin Gomez et les gravures de Pierre-Olivier Rivière. L’éditorial, si court soit-il, de Jean-Luc Lamouillé vous porte toujours à réfléchir et ça aussi ça fait du bien. Je ne saurais donc trop vous conseiller de commander quelques numéros de cette revue, appelons-là ainsi, elle le mérite bien plus que d’autres, et surtout de les lire, et les relire. L’arme de l’écriture n°23, janvier 2000 Jean-Luc Lamouillé 97 galerie de l’arlequin 38100 Grenoble, France Nous n’avions pas fait mention du numéro de janvier de la revue Libellé dans notre dernière livraison, nous allons rattraper notre retard en vous présentant celui de février dans lequel de nombreux poètes de talents se côtoient encore. Michel Prades tient la route avec son concept. Je regrette parfois qu’il ne se limite qu’à ces quelques pages, mais c’est déjà bon de les avoir. D’autant que Fabrice Fossé y figurait, ainsi que Claude G. Lugon, et Sylvain Crouzet, qui avait fait une brève apparition dans nos pages, il y a tout juste trois ans. Notre échange avec Libellé dure depuis quelques années aussi, je crois d’ailleurs que c’est la seule revue qui ne nous

ait jamais fait faux bond ; c’est louable, aussi louons-la et lisons-la autant que possible, elle en vaut, elle aussi, la peine… qui parle de peine d’ailleurs… ? Libellé n° 98, février 2000 Michel Prades 7 rue Henri Poincaré 75020 Paris, France Ô joie ! Ô bonheur ! Démolition est devenue mensuelle ! Je sais, ça fait trois numéros déjà que nous avons le plaisir de la retrouver si fréquemment et régulièrement dans nos boîtes aux lettres. Vous la recevez j’espère ? Ce serait dommage… Vous savez qui la confectionne avec amour cette lettre de poésie qui donne le torticolis, c’est Fabrice Fossé lui-même. Il y publie les copains littéraires un peu anars, un peu libertaires… Toméra, Lemaire, qui ne sont jamais les derniers pour parler amour et donner des coups de gueule, mais aussi Yanming Zhang. Avec des illustrations faites à main levée et des collages de textes plus qu’artisanaux, Démolition donne un coup de pied dans la fourmilière et ose ne pas se prendre la tête avec la mise en page et la reproduction. Soutenez-les, ça leur fera plaisir. Démolition n°4, février 2000 Fabrice Fossé et F. Becquet Hameau Sainte Gertrude 76490 Maulévrier Sainte Gertrude, France. La lettre poétique de C.G. Lugon, Script-Bizarre, est arrivée par le courrier de ce midi. Elle est un peu légère comme il le souligne lui-même, mais les quelques trois auteurs qui y sont présentés ne sont pas pour nous déplaire : Eric Dejaeger, Fabrice Fossé (décidément à l’honneur dans

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les revues ces temps-ci) et Erich von Neff. Script Bizarre, Hiver/printemps 2000 Claude Lugon 32 rue des Casernes 1950 Sion, Suisse  claudelugon@hotmail.com Deux nouveautés également ce mois-ci dans nos notes. À commencer par la Fanxinoteka du groupe basque Napartheid. C’est en fait un catalogue de fanzines présentés un peu en vrac, en provenance de tous les pays du monde, sur les cinq continents. C’est peu lisible pour le néophyte en langue basque que je suis, mais cette équipe semble aussi dynamique qu’elle est jeune et a fait un travail remarquable de pistage et de classement. À noter qu’ils ont aussi un site internet, un peu vide, mais qui a le mérite d’exister. Fanxinoteka, Napatheid 127 PK Trintxerpe-Pasaisa 20110 Gipuzkoa, Pays-Basque.  www.napartheid.org/fanxinoteka L’autre nouveauté m’a un peu laissé sur ma faim, et un peu agacé aussi. Le titre est fameux et original : Les hésitations d’une mouche. Derrière ce titre accrocheur, la revue, en tant que contenant, est d’une facture tout à fait honnête, elle est même plutôt soignée. Mais les textes… Faut-il rappeler qu’il ne sert à rien de ne publier que des copains si l’on veut arriver à publier du sens. Franchement, je n’ai accroché avec aucune des nouvelles ou chansons éditées dans ces pages. Ce qui m’a le plus choqué, c’est cet entretien avec l’avocat de Papon : Jean-Marc Varaut. C’est vrai qu’il a l’air plutôt intelligent, voire érudit. Ses clients, dit-il, il ne les choisit pas, ce sont eux qui le

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choisissent. Soit, n’empêche, je crois que si j’avais les capacités d’être avocat, je regarderais à deux fois avant de donner mon accord pour la défense de quelqu’un, surtout s’il était de la sale renommée de Papon.

Enfin bref ! Pour en revenir à la revue elle-même, je pense qu’ils ont dû grandir, je le leur souhaite, et qu’ils ne m’en veuillent pas si je suis un peu acerbe, mais je ne fais que mon boulot de lecteur.

Les hésitations d’une mouche numéro 4, mars 1998 21 le parc Saint André 33360 Cénac, France  lamouche@free.fr ou :  robert.serrano@free.fr

Suite et fin de l’édito… Pour les Autrichiens c’est différent. Lassés de jouer les ex, ils regrettaient le bon temps des réceptions de l’archiduc où le tout Europe prenait son ticket pour valser avec la Laididi de l’époque, et plus si affinités. Et la vie n’est pas facile… Que voulez-vous il y a des jours où on en a marre de ce mariage qui n’en finit pas de se barrer en eau de boudin, de ces gosses vautrés devant la télé à bouffer des casse-croûte à la langue de bœuf en gelée, de ce voisin qui s’est acheté une béhème qu’on se demande bien comment il fait pour la payer avec ce qu’il gagne, de toute cette chiennerie de vie que ni la droite ni la gauche ne sont capables de changer vu qu’ils en palpent tous quelques soient les circonstances. On en a marre de passer pour un con, et puisqu’on n’a plus rien à perdre il va bien falloir que les autres la mettent en sourdine parce que cette fois-ci c’est sûr on va voter pour du neuf, pour du solide, pour du ra-di-cal. Il suffit désormais qu’un chacal passe par là et bingo ! Facile de dire n’importe quoi et son contraire, de se dédire ensuite, de hurler avec les loups. Le nationaliste est forcément démago. Son message est d’une efficace simplicité : « On nous ment, on nous trahit, on nous sous-estime, on nous dépouille de notre culture. Nous avons des droits et nous allons le faire savoir. » Rien de plus dangereux que quelqu’un qui se trimballe des complexes d’infériorité. Il devient aigri, mauvais, vengeur. Il a davantage besoin de détruire que de conquérir. Il n’a pas forcément besoin d’une terre promise. Ce qui lui faut, c’est quelqu’un qui personnalise sa vindicte. Son ennemi a le profil idéal d’un bouc émissaire. Haro sur le bouc ! Ainsi, ne plaquez jamais qui que ce soit de façon à le rabaisser. Mettez les formes. Pour vous ça ne mange pas de pain, mais pour elle ou lui ça fait une énorme différence. C’était donc la minute moraliste du mois. Un peu confuse et maladroite sans doute. Mais que celui qui n’a jamais écrit au kilomètre, emporté par son exaspération, me jette la première pierre. Ce qui me rappelle une histoire d’ailleurs.* Enfin !… comme dirait l’autre, bonne lecture ! (Je sais, ce n’est pas très malin de vous souhaiter une bonne lecture sur la dernière page de la revue.) Bruno

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DANS MG EN AVRIL C’EST MICHÈLE CAUSSAT QUI S’Y COLLE ET C’EST ÇA QU’EST BIEN ! * Jésus se baladait en Palestine avec ses copains à qui il faisait la morale parce qu’il les trouvait quelquefois un peu beaufs. Ils arrivent sur une place de village où les gens s’apprêtaient à lapider une pétasse qui apparemment était un peu du genre marie-couchetoi-là et qui aurait manqué de respect à quelqu’un. Trouvant quand même qu’ils y allaient fort avec le dos de la cuillère Jésus s’interpose et essaie de parlementer en expliquant qu’on peut bien s’offrir une bonne partie de jambes en l’air de temps en temps sans mériter de se prendre des caillasses dans la tronche. Il conclut en leur disant qu’après tout, que celui qui n’avait jamais pêché (niqué en ancien hébreu) lui lance la première pierre. Et là, ça marche ! Tout le monde laisse retomber son bout de parpaing et les gens commencent à se disperser, quand tout-à-coup une petite vieille avec un voile noir s’approche et vlan ! Elle balance son pavé sur la fille. Estomaqué, Jésus va vers elle et soulève son voile : « Tu sais maman, il y a des jours où tu m’énerves !!!! »


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Musique Mains calleuses bleu de travail machines en marche bruit qui ferraille tout au long de la sainte journée les vérins des presses roulent des mécaniques presses qui tempêtent sur des tambours en peau d’acier inoxydable je bats le rythme de mon pied droit le contremaître m’accompagne en sifflant un petit air d’opéra l’orchestration n’est pas fameuse et le public a tête basse d’applaudir n’est pas de mise toutes les mains sont prisonnières, la gaieté du chansonnier n’existe pas. J’ai de la musique plein la tête et des sanglots plein mes souliers dans l’atelier je suis le prince des ouvriers et quand la sirène nous libère je deviens le pire des musiciens.

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