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MINCE ALORS

Tailles de guêpe et corps galbés : tels sont les termes qu’évoque le corset. À la fois convoité et controversé, ce vêtement est loin de faire l’unanimité. Pour comprendre son héritage et les raisons de son succès comme de son déclin, nous devons avant tout savoir d’où il vient. Remontons le temps, à la recherche de ses origines et de son histoire...

Par Emilie Di Vincenzo

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Instrument de torture pour les unes, accessoire de mode pour les autres, le corset défie le temps et s’impose encore aujourd’hui chez les grands couturiers. Légataire d’une période où les vêtements façonnaient et sculptaient les corps, le corsage, à l’origine, n’était pourtant pas destiné aux femmes, mais bel et bien aux hommes. Dès le XIVe siècle, il venait bomber la poitrine des corps masculins et se portait, lors de combats, sous l’armure en métal. Il faut alors attendre le XVIe siècle avant que son équivalent féminin ne voie le jour. La silhouette est étroite, les courbes sont redessinées. Comment a-t-il évolué au cours des siècles? Dans quelles circonstances l’utilise-t-on aujourd’hui? Retraçons l’histoire d’un vêtement qui a su traverser les âges.

XVIe siècle : Lorsque la mode définit les corps

Durant la Renaissance, c’est le corset qui, grâce à ses armatures invisibles, donne forme aux corps des femmes. Les différentes pièces qui composent jusqu’alors les robes se séparent : le corsage et la jupe deviennent indépendants. Il est alors possible d’adapter ces accessoires selon les évolutions de la mode, cette dernière sculptant la morphologie féminine en fonction des canons esthétiques en vigueur. Au début du XVIe siècle, c’est la basquine qui fait d’abord son apparition. Aussi appelée buste, ou vasquine, celle-ci nous vient tout droit d’Espagne. Ce corset en toile est bombé sur le devant à l’aide d’une armature en bois ou en métal, rappelant la manière dont les corsets masculins étaient fabriqués au Moyen Âge.

Du XVIIe au XIXe siècle : Le corset s’équipe d’une armature à baleines

Mais, rapidement, cette forme évolue, et ce qui n’était qu’une toile serrée en vue d’amincir doucement le buste et la taille devient, au XVIIe siècle, le corsage à baleines que l’on connaît si bien. Son rôle? Affiner la taille et redresser la poitrine. Ainsi, ce qui fut un simple habit proche du corps devient rapidement un sous-vêtement rigide. Son armature, appelée «à baleines» parce qu’elle était à l’origine constituée d’os de baleines, comprime les côtes et la taille. Des lacets, présents dans le dos, aident à aplatir encore plus le corps sous cette ossature. Étonnamment, le corset disparaît sous la Révolution. Malgré tout, il réapparaît rapidement sous le régime de la Restauration, établi en 1814 jusqu’en 1830. Ainsi, jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’existe qu’un seul idéal féminin, ou presque : la silhouette des femmes doit se montrer sous la forme d’un buste très étroit. Cet idéal, qui s’est propagé jusqu’à l’ère moderne, est à l’origine de l’usage si étendu du corset.

XIXe siècle : L’apogée du corset, le début des interrogations

Si, au XIXe siècle, le corset est porté par quasiment toutes les femmes, de plus en plus d’interrogations à son propos surviennent : son port ne serait-il pas néfaste pour la santé? Ne contribuerait-il pas à déformer les côtes ou à entraîner des fausses couches? N’entraînerait-il pas des évanouissements dus à un blocage de la respiration? Certains médecins, en tout cas, en sont persuadés : les corsets baleinés, tels qu’ils existent alors, auraient des conséquences sur le bienêtre des femmes.

XXe siècle : De nouvelles techniques pour de nouveaux usages

Ce qui n’était que les prémices de sa disparition au XIXe siècle est devenu parfaitement concret dès le début du XXe siècle. La recherche de l’émancipation féminine est au cœur de la mode. Ce sont deux couturiers français, Madeleine Vionnet et Paul Poiret, qui contribuent au renversement du corset. Ce dernier disparaît de leurs créations : des robes, dont la taille est remontée et la poitrine retenue par un large ruban baleiné, voient le jour. Pourtant, ce n’est pas à eux que l’on doit l’invention du soutiengorge, mais bien à Herminie Cadolle, une ouvrière corsetière. Elle présente son «corselet gorge» à l’Exposition universelle de Paris en 1889. Ce nouvel accessoire de mode est alors considéré comme une véritable innovation pour le confort et le bien-être des femmes, comparativement à ce qu’est le corset. Malgré tout, il faut encore attendre les années 1920 pour introduire des matières élastiques dans les corsets et soutiens-gorge : ces derniers deviennent alors plus souples. La poitrine n’étant plus compressée par cette bande de tissu, les femmes peuvent dès lors pratiquer des activités de plein air. Peu à peu, l’usage du corset est abandonné, mais non l’idéal féminin dont il se voulait l’apanage.

XXIe siècle : Le corset à l’heure moderne

Aujourd’hui, pourtant, le corset n’a pas entièrement disparu des tiroirs. Mais il se fait rare : utilisé exclusivement au sein de cercles très restreints, on le retrouve également pour des applications médicales, pour réduire les douleurs lombaires, ou dans les créations des plus grands couturiers. Ainsi, il n’est pas possible d’évoquer le corset sans mentionner Vivienne Westwood qui, dès les années 1970, s’est mise à concevoir des corsages hauts en couleur. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à avoir remis le corsage au cœur de la mode, puisque Jean-Paul Gaultier a, lui aussi, intégré cet accessoire de mode dans ses créations, à peu près au même moment. Que deviendra le corset dans le futur? Restera-t-il dans les défilés de mode, ou sera-t-il peu à peu supprimé de nos mémoires? À l’heure actuelle, ce qui est certain, c’est que nous n’avons pas fini d’en entendre parler...

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