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Vous allez voir ce que vous allez voir Une fille nue nage dans la mer Un homme barbu marche sur l’eau Où est la merveille des merveilles Le miracle annoncé plus haut ?
Alicante Une orange sur la table Ta robe sur le tapis Et toi dans mon lit Doux présent du présent Fraîcheur de la nuit Chaleur de ma vie.
Sables mouvants Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s’est retirée Et toi Comme une algue doucement caressée par le vent Dans les sables du lit tu remues en rêvant Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s’est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées Démons et merveilles Vents et marées Deux petites vagues pour me noyer.
Jacques Prévert photographie de Marie-Paule Nègre, à découvrir à la Maison Européenne de la Photographie du 4 juin au 31 août 2014.
Agenda culturel des beaux jours Se balader dans un festival de street art Tout le monde connaît les escapades à la campagne... Mais pourquoi ne pas, pour une fois, aller prendre l’air en proche banlieue ? Au-delà de la grisaille, le festival In Situ vous invite à découvrir des streets artists du monde entier, venus s’installer pour quelques semaines au Fort d’Aubervilliers. Plus exactement, ils ont investi une ancienne casse automobile de deux hectares... On y découvre avec joie mille formes d’expressions : mobilier urbain repeint, murs taggués, collages, installations, fresques monumentales, et surtout, tout un tas de voitures cassées repeintes par les artistes ! Le visiteur en prend plein les yeux, et plein les oreilles : surveillez la programmation, des concerts et des live-paintings sont prévus tout au long du festival. Festival In Situ au Fort d’Aubervilliers du 17 mai au 14 juillet 2014 www.insituartfestival.fr
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textes et photographie de Maïlys Celeux-Lanval
Faire la sieste en écoutant un joli chant Bastien Lallemant est un chanteur modeste. Quand il chante, d’une voix douce comme une plume, il propose aux auditeurs de s’endormir petit à petit... pour une sieste acoustique. C’est l’histoire d’une idée brillante : faire la sieste le dimanche, mais au théâtre, allongé sur la scène, en écoutant des chansons et des textes. Accompagné d’autres artistes et écrivains qui jouent leur musique et lisent leurs textes tour à tour, il explique que les applaudissements sont interdits pour ne pas réveiller ceux qui dorment. Nous avons assisté à la sieste acoustique du dimanche 11 mai 2014, à la Maison de la Poésie, où Bastien Lallemant était accompagné entre autres du musicien Albin de la Simone et de l’écrivain Santiago Amigorena. Leur paroles délicates et abstraites nous berçaient comme les bras d’une maman... Une expérience rare, un rêve. La prochaine sieste acoustique : dimanche 15 juin 2014 à la Loge, 77 rue de Charonne, Paris 11ème.
Lire dans un centre commercial
Se rappeler la fraîcheur des années 80
Regarde les lumières mon amour, Annie Ernaux (Seuil, 2014).
We are the best ! de Lukas Moodysson En salles depuis le 4 juin 2014.
Annie Ernaux a tenu pendant un an un journal un peu spécial... Uniquement consacré à ses expériences du supermarché, quand elle va y faire les courses. Elle y observe la vie des caissières, des employés, des clients, mais aussi la violence du capitalisme qui s’y joue. Elle regarde le rayon livres, les légumes, les fruits, les bons produits, les chers et les pas chers. Un charme étrange opère... C’est un peu plus qu’une simple observation sociologoqique. Elle explique qu’aller au supermarché est une expérience apaisante, et il est vrai que son livre lui-même est particulièrement calme. Elle nous fait zigzaguer avec elle entre les rayons, lentement puisqu’elle prend le rythme de l’observation... C’est très réussi et évocateur. Une belle invitation à la contemplation du quotidien.
Et si on allait voir un film suédois ? We are the best ! de Lukas Moodysson raconte l’histoire de deux jeunes filles de 13 ans qui, alors que le disco fait danser tout Stockholm en 1982, décident sur un coup de tête de fonder un groupe de punk. Problème, elles n’ont aucune formation musicale... Elles se font une nouvelle amie guitariste, s’amusent, se rasent la tête, flirtent, protestent contre le système ; Lukas Moodysson les filme avec un plaisir communicatif. On ressent une fraîcheur et une liberté folles ; leurs visages androgynes rappellent Tomboy de Céline Sciamma, mais transcendent le thème du genre parce qu’elles s’en fichent tout simplement, et leurs parents aussi... On resort heureux, un peu nostalgiques et punks !
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Promenade gustative à Chamarande Texte et photographies de Valentine Bonneau Exposition Vivre(s) du 24 mai au 26 octobre 2014, au domaine de Chamarande (91)
Connaissez-vous le domaine de Chamarande ? Ce château du XVIIème siècle, méconnu du grand public, réserve bien des surprises… Aujourd’hui propriété du département de l’Essonne, le château de Chamarande et son parc de 98 hectares agrémenté de bassins et de fontaines accueillent pendant la saison estivale les travaux de divers artistes venus de toute l’Europe. Nature et art se côtoient à Charmarande : jardiniers et artistes œuvrent à lier esthétique et écologie pour offrir un spectacle multiple aux visiteurs.
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En famille, entre amis ou en amoureux, c’est sous un beau soleil que l’on se promène, errant de la cour du château à l’orangerie, du marais à la ferme ou encore dans la forêt. Des spectacles et des promenades dits du « Jardin des délices » nous invitent à traverser une mini-planète où l’on passe par l’Espagne, qui offre ses tapas dans une cuisine ouverte, puis dans des installations éphémères burlesques – avec par exemple la Vespaqua italienne, une Vespa tirant un train de baignoires dans lesquels des volontaires peuvent se rafraîchir en jouant avec des canards en plastique. Des bains de pieds sont mis à votre disposition dans une harmonie de tons bleu ciel. Pour poursuivre ce thème plus loin, une installation composée de 25 baignoires encastrées dans un platelage en bois vous permet carrément de prendre un bain, ou simplement d’y bronzer. Danser sur un air de jazz, longer l’étang au cours d’une promenade musicale et photographique, assister à des interventions d’artistes sur une musique de Philip Glass ou tirer des pommes de terre sont autant d’activités proposées par le calendrier. L’exposition du moment s’intitule Vivre(s) et dure jusqu’au 26 octobre 2014. Elle aborde le thème de l’alimentation, de sa production, de sa consommation. Facteur incontournable de la destruction de notre environnement (décuplant la pollution chimique, érodant les sols, accélérant le réchauffement climatique…), des artistes, principalement venus des Pays-Bas, explorent les frontières de l’avant-garde en
vue d’une alimentation du futur qui ne nuit pas à notre planète et au patrimoine qu’elle nous a légué. C’est dans une atmosphère qui prend des allures de Biergarten que l’on retombe en enfance avec l’installation mobile « le vélo-glacier ». Dans le cadre de l’exposition Vivre(s), le collectif SAFI (du Sens, de l’Audace, de la Fantaisie et de l’Imagination, collectif d’artistes créé en 2001) nous invite à croquer le paysage. Ce vélo-glacier déambule dans le parc pour vendre des glaces et des sorbets autour des saveurs inspirées des végétaux du domaine ; miel de lavande, menthe, cerises, oranges, groseilles, pommes, noisettes, forment des alliances gustatives délicates pour nos papilles.
Installations originales occupant des pièces entières, œuvres monumentales contemporaines, vidéos, stages et ateliers tenus par des artisans transforment le domaine de Chamarande en un laboratoire d’expérimentations gustatives. Cette exposition permet non seulement d’alerter les esprits, d’informer des dernières avancées dans l’art culinaire, mais surtout permet au domaine de renouer avec sa tradition de terre nourricière (le domaine abritait jadis un potager historique). L’artiste suédois Eric Sjödin nous propose une installation de culture d’azolla, The Azolla cooking and cultivation project. La plante aquatique azolla peut être utilisée dans plusieurs domaines, pour remplacer les fertilisants chimiques, prévenir la malaria ou bien sûr servir de nourriture. Depuis 2010, Eric Sjödin travaille avec des agriculteurs, des chefs cuisiniers et des scientifiques afin d’incorporer l’azolla dans notre cuisine quotidienne ; le dimanche 1er juin par exemple, jour de notre visite, les crêpes étaient à l’honneur ! Parmi les œuvres marquantes, une installation aux allures de table séquentielle occupe le salon du château : toute de vert et blanc, elle surprend par son originalité et sa beauté teintée de rigueur scientifique. Des bocaux, des tubes et des plantations de choux revitalisés intriguent le spectateur. Dans cette pièce baignée de lumière qui jaillit sur les murs
blancs ornés de moulures dorées, Andrea Caretto et Rafaella Spagna montrent toutes les phases du cycle vital, de la consommation de légume à la floraison et à la production de graines. On peut observer sur plusieurs mois la morphologie des légumes, la disparition des formes induites par la domestication et la manifestation d’une nouvelle nature proche de l’état sauvage. À la fin de l’exposition, tous les légumes seront replantés dans le parc de Chamarande et constitueront un jardin semi-sauvage de choux !
Dans la salle suivante, Tchif, artiste autodidacte, crée dans le château l’atmosphère d’un café du Bénin, révélant les inégalités Nord-Sud : en Occident, chacun peut consommer un café à n’importe quel moment de la journée, tandis que dans certaines régions d’Afrique, il constitue un plat de résistance. La vidéo incorporée à l’installation (Café Power) retrace l’itinéraire du café. Prises de positions politiques, interrogations, cartes, installations, vidéos, certains artistes critiquent amèrement la politique de consommation capitaliste et essaient de nous sensibiliser avec des témoignages, des images surprenantes, des cartes couleurs grand format visant à prévenir l’Europe de certains phénomènes auxquels elle devra faire face (la montée des eaux, la trajectoire de la sécheresse). D’autres préfèrent une approche plus légère, ludique, qui vise à informer tout en s’amusant. Le jeu, l’effet de surprise proposent au spectateur une approche futuriste de certaines denrées alimentaires : choux, azolla, riz, pains plats et haricots rouges. Ces derniers apparaissent d’ailleurs dans une installation originale aux couleurs chaudes. Le spectateur pénètre dans une tente avec de petits feux de camps installés des deux côtés de la salle, avec de grosses marmites, des ampoules de couleurs pendant de manière rectiligne du plafond ; empilés au fond, des récipients en bois et des sacs remplis de haricots rouges. On peut voir que la mission du domaine de Chamarande est d’enrichir et de faire connaître la collection du Fonds départemental d’art contemporain
(FDAC) de l’Essonne abritée sur le site au sein de « La Fabrique », un bâtiment de pierre et de bois conçus par l’architecte Hervé Levasseux et inauguré en 2012. La collection abrite 300 œuvres représentatives de l’art contemporain national et international. Lieu de création, de remise en question, il abrite certaines installations pérennes, poétiques et fonctionnelles qui s’inscrivent dans les différents espaces du domaine. Faire valoir l’art tout en préservant l’authenticité du site, le valorisant, associant créations artistiques contemporaines, pratiques culturelles et environnement, est ce qui interpelle le plus. Quatre promenades thématiques (« Parcours croisés ») ponctuées de stations commentées permettent de concevoir le domaine comme un véritable lieu d’expérimentation. Après la culture, les loisirs et la conservation du patrimoine, c’est la nature qui triomphe. Les milieux humides du domaine sont classés zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique depuis 1984 (ZNIEFF). En quelques années, la protection de zones précises s’est étendue au domaine entier puis à l’ensemble de la vallée de la Juine. L’éco-pâturage est exploré par les jardiniers avec les chèvres et moutons du domaine ; la fabrique du vivant est un nouveau volet du plan de gestion du domaine. Afin de rendre au parc historique son rôle nourricier, une expérience pilote est menée sur 1500m2 par les équipes du domaine et l’artiste Astrid Verspieren. Il s’agit d’une forêt comestible de fruits et de légumes, d’herbes et de champignons.
À Chamarande, on ne retiendra pas uniquement les installations, les vidéos ou les sculptures excentriques, mais cette osmose, ce respect non seulement de la nature mais aussi du lieu d’exposition, de son patrimoine, de sa flore. L’art s’adapte ici à l’environnement et offre des réponses à cette thématique du XXIème siècle qu’est l’écologie. Le domaine de Chamarande nous propose un hymne qui conjugue art et nature et qui touche la sensibilité du spectateur autour de questions actuelles.
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La Coulée verte, pique-nique en bord de ville par Bénédicte Gattère, illustration de Bozena Janska Paris, la Petite Ceinture, 15ème arrondissement
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Des graffiti le long d’un mur, une voie ferrée entretenue d’herbes sauvages, des immeubles suédois : Paris telle que vous la connaissez a disparu. Puis vous la verrez un peu en surplomb, comme si les immeubles venaient du sud de la France, ou d’une contrée indéfinie. Votre esprit, habitué au bitume et au souffle gris du métro, sera dépaysé. Les maisons que vous pouvez apercevoir aux colombages de bois bleu ne sont pas non plus d’ici. Vous êtes dans un endroit qui ne vous évoque plus aucun paysage habituel. Votre imagination divague alors gentiment. Vous tombez nez à nez avec un vieux wagon ou avec une petite guérite d’aiguilleur, aux rideaux encore pimpants mais seulement habitée par le vent. Si les images de l’artiste Carl Larsson, exposées ces derniers temps au Petit Palais, sont dans votre mémoire, vous imaginerez, derrière les murs des immeubles, des intérieurs aussi gais et engageants que les siens. Un parcours vous est proposé par la Ville entre les deux sites majeurs que les trains de marchandises desservaient jusque dans les années 70, les usines Citroën et les abattoirs de Vaugirard (actuel parc Georges Brassens). Les pupitres posés çà et là au milieu des plantes vous informent sur la faune et la flore locales. Vous aviez les souvenirs d’entre-deux mondes de la nuit, lorsque jadis vous promeniez des images aux contours ébréchés, dans l’illusion des solitudes rejointes en de muettes cérémonies, et dont les éclats, vivifiants, rallumaient les lumières de
la ville. Voilà que la Petite Ceinture a pris un autre visage, celui des jours calmes. La musique n’est plus à écouter dans le lointain des échos mais résonne, claire, depuis votre baladeur. Peut-être êtes-vous en jogging, l’œil vif, le petit-déjeuner pris de bon matin, prêts à vous dégourdir les jambes. Peut-être que c’est une silhouette sportive qui est désormais la vôtre et qu’elle n’a plus rien à voir avec celle de votre jeunesse, aussi avachie que les ballasts... Ainsi la métamorphose de la Petite Ceinture accompagne la vôtre, qui sait ? Vous êtes devenus de respectables personnes. Laissée en friche jusqu’en 2013, toujours est-il que la belle abandonnée des nuits sans fin risquait de disparaître, faute d’entretien. Sa revalorisation par la Ville permet
sa sauvegarde et vous autorise une belle évasion. Vous viendrez réciter vos répliques pour votre cours de théâtre, à l’abri des soliloques de votre colocataire, en amoureux contempler un horizon dégagé, ou bien lire votre roman, le nez en l’air, distraits par les passants. Par les beaux jours, vous apporterez votre panier pour casser la croûte. C’est dit, la Petite Ceinture sera votre nouvelle promenade dominicale. Par beau temps, vous verrez que la belle de nuit s’est transformée en sympathique bourgeoise de Manet, celle des escapades de banlieues, pour laquelle les robes sont rayées et les paniers remplis de victuailles. Il suffit donc, si on l’accepte, d’être ailleurs, de ne plus prendre des rues qui vous mènent quelque
part. L’échappée d’un peu plus d’un kilomètre vous invite au loisir en joyeuse compagnie. En bout de course ou en début de promenade, si la prise des escaliers vous semble trop risquée ou trop pénible, des ascenseurs vous attendent. Petites cages d’oiseaux modernes, parmi les feuillages, ils vous élèveront tout en douceur ou vous ramèneront vers le contrebas des gens affairés. Deux minutes plus tôt, ils vous paraissaient minuscules et vous étiez Gulliver échoué, un peu sonné de votre coup de foudre pour une beauté urbaine, graffeuse et mal coiffée. Tout comme ses grandes consœurs, la capitale française se devait d’offrir des lignes vertes qui strieraient toutes celles, grises, de ses vues aériennes. Ainsi pourquoi ne pas saluer cette initiative ? Quelques espaces nous sont accordés, domestiqués mais courtois, prêts à nous apporter un terrain de rêve… Un peu de verdure à Paris, nous sommes si apathiquement pris dans la grisaille et voilà que cela nous suffit à croire que tant de choses sont possibles ! Voyager même, le long d’une voie ferrée qui ne transporte plus rien ni personne. Mais c’est après tout ce qu’il nous faut, des espaces où l’imagination libérée des publicités omniprésentes et des rues encombrées peut prendre un peu le frais. En rentrant, vous aurez l’impression d’être enfin sortis de Paris, sauf que c’est à côté. Il suffit donc, si on l’accepte, d’être ‘‘ailleurs’’, de ne plus prendre des rues qui vous mènent quelque part. Le long de cette promenade, il n’y aura que le plaisir, inutile mais bienfaisant, de flâner.
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poème de Thibault Olivieiri illustrÊ par Laura Olivieiri
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Le panache du casque des Daft Punk par Astrid Campion
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Daft Punk, ou punk débile : un choix de nom illustrant le panache précoce de ce duo de djs aujourd’hui acclamé, récemment grammifié... Ce panache, reconnu par la planète entière, est constitutif de son identité. C’est une composante essentielle de l’imaginaire qu’il a su modéliser autour de sa musique, et plus largement de son activité, de ce qu’il est. Observons les couvertures de leurs différents albums. Les trois premières présentent, avec simplicité et/ou superbe, le logo-nom Daft Punk. Celui-ci se détache, par sa signature nerveuse au graphisme éclaté, d’un fond généralement noir, neutre. Cette signature est absente de la couverture du quatrième album, présentant, toujours avec simplicité et/ou superbe, deux moitiés de casques unies pour former une même tête. Cette synecdoque visuelle, dont l’évidence autorise l’absence de texte, rompt avec la stratégie précédemment adoptée, révélant une évolution significative de l’identité du duo : de leur simple nom, leur panache s’est transféré vers leurs casques. L’aura des Daft Punk a investi leur attribut : le casque, c’est eux. Le casque, coiffure antique, armure de tête, objet par excellence associé au guerrier, au motard, au cosmonaute, au DJ : les Daft Punk se le sont appropriés, ont fait leur ce cluster de mythes anciens et actuels. Consciemment on non, lorsqu’ils décidèrent en 2001 de s’en parer (et s’en emparer), les deux DJs s’inscrivaient dans cette lignée mythique, choisissant le meilleur point d’ancrage de leur panache. La définition officielle du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales est celle-ci : Panache : A - « Grande plume ou bouquet de plumes, souvent de couleurs diverses, liées à la base et s’épanouissant librement, utilisé(e) comme ornement (…) dans les coiffures masculines à certaines époques, en partic. dans la tenue milit. au XVIes. comme ornement du casque » C - 1. « Ce qui dénote l’élégance virile et la fière allure du guerrier, la vaillance chevaleresque, la bravoure spectaculaire ou héroïque (…) 2. Ce qui a de l’allure, de l’élégance, du brio ou de l’éclat. »
Ainsi ces pontes de la French Touch, à l’ère périlleuse de la surmédiatisation, de la saturation des images, de leurs production et circulation ultrarapides, ont su non pas se placer sous une égide, mais sous un casque. La déesse Athéna fit notamment usage de ces deux instruments : égide, bouclier merveilleux que lui confia Zeus ; kunée, ou casque d’Hadès, ayant le pouvoir de rendre son porteur invisible, qu’elle porta lors de la guerre de Troie. En investissant cette seconde protection, les Daft Punk choisirent une invisibilité paradoxale. Que recherchait donc ce duo en s’appropriant cet attribut divin, guerrier ? En premier lieu, la paix : l’espoir utopique d’atteindre une reconnaissance planétaire tout en ayant la possibilité de se promener tel des individus quelconques sur la place publique sans être dérangés. Le casque, en effet, protège : c’est sa fonction première. Il protège des accidents, des ennemis, du feu… aujourd’hui, du public. Porter un casque démontre le caractère, nouveau, profondément dangereux, du public. Le choix de porter ce type de coiffure rigide, participe du désir de protéger leur identité ambivalente : d’une part, il tend à restreindre la visibilité de leur identité privée, de leurs visages pourtant déjà plusieurs fois capturés par les images de la presse ; d’une autre, il contribue à renforcer l’identité du duo, permettant au public de les identifier immédiatement, ainsi que de conférer à leur univers musical et visuel toute la dimension mythique précédemment évoquée, de le charger d’une aura. Cette aura, qui embaumait le nom-logo Daft Punk, est si fortement présente dans le motif du casque que celui-ci suffit désormais à évoquer le duo. Au cœur de son identité, il est devenu plus prégnant que son nom même. D’une certaine manière, le casque est une tentative de la part des deux membres de se décharger de l’aura, indissociable du succès, pesant sur leurs identités de superstars. Le casque est un bouc émissaire, plus, un accessoire relai de toute la pression de la célébrité, protégeant ses porteurs de la célébrité tout en protégeant cette célébrité même. Lisses, brillants, solides, leurs casques ont « de l’allure, de l’élégance, du brio ou de l’éclat », ils contribuent à conserver et renforcer « l’élégance virile et la fière allure du guerrier, la vaillance chevaleresque, la bravoure spectaculaire ou héroïque » propres à l’image que ces deux messieurs DJs souhaitent renvoyer à la face du monde. Voici l’identité de ces casques, leurs rôle et fonction : être garants du panache de ce duo mythique.
« À très vite ! », formule bouclière par Astrid Campion
Il est vrai, cette dernière décennie fût remarquablement riche en matière d’innovations : technologies, économie digitale, stratégies, écologie, design… Tous les secteurs sont concernés. L’idiome français ne déroge pas à la règle, et l’on se voit adopter de nouvelles formules avec une fluidité que l’on n’aurait pas soupçonnée. Parmi les récentes innovations d’une langue aujourd’hui affectée par, et par conséquent de plus en plus au service de l’accélération dont parle Hartmut Rosa, figure cette formule de fin équivoque : « À très vite ! » (accompagnée très souvent, précisonsle, d’un ou plusieurs points d’exclamation). Formule courte, brève dans sa prononciation (trois syllabes), rapide à taper (il est d’ailleurs fortement probable que les deux accents qu’elle comporte soient régulièrement omis/négligés), « À très vite ! » est désormais extrêmement courante, et particulièrement employée dans les multiples systèmes de discussion instantanée écrits (chats de réseaux sociaux tels que Facebook, Gmail, Twitter, Skype, Whatsapp… et tout ce qui relève du sms). Composée d’une préposition « à », d’un adverbe d’intensité « très » et d’un adjectif qualificatif « vite », la structure de cette locution est rigoureusement similaire à celle de son aînée délaissée « à bientôt ». Le glissement sémantique est clair : l’intensité moyenne du désir exprimé, celui de revoir la personne à qui s’adresse la formule, devient forte, tandis que l’état de ce désir, passe de l’apparente sérénité (mais un désir peut-il seulement être serein ?) à l’urgence. Le complément circonstanciel de temps dont la préposition « à » vise le terme est en soi un complément flottant, « très vite » n’ayant aucun ancrage dans le réel, si ce n’est dans la frénésie qui caractérise nos temps qui courent. L’équation linguistique de cette formule aurait pour résultat celui-ci : l’expression d’un désir musclé, nerveux, dont on repousse la satisfaction tout en la désirant la plus proche possible ; l’expression d’une incohérence du désir fondue dans la vitesse, sorte de catharsis contemporaine déployée face à la pléthore des stimulations, et précisément ici face à la pléthore des interlocuteurs avec qui l’on traite à la fois au
quotidien. Que veut concrètement dire celui qui fait usage de cette formule lorsqu’il la place en fin de conversation ? « À très vite ! » constitue en premier lieu une marque d’affection que l’on veut renforcée : cela signifie, dans le cadre d’une relation sincère, j’apprécie ta compagnie et je souligne le caractère pressant, impératif de mon désir te revoir, désir réclamant une satisfaction quasi immédiate. En cela, je frôle le performatif, je rapproche mon futur, le modélise. D’une certaine manière, j’aspire à éduquer mon désir, à l’entre - tenir : pour qu’il s’installe, je veux contrôler ses extrémités ; d’où cette impulsion élastique, qui survole un présent en fuite, du passé proche vers le futur proche. Concrètement, « à très vite ! » révèle plus qu’un désir consciemment ou non repoussé : c’est également la marque du raisonnable, d’un sens de la responsabilité doublé d’une forte conscience du temps et du désir lui-même : responsabilité par rapport à ma vie et mes devoirs, responsabilité par rapport au respect que je veux/dois témoigner à mon interlocuteur. « À très vite ! » signifie alors : je veux te revoir mais je n’ai pas de temps à te consacrer pour l’instant. Pour combler ce manque à durée indéterminée et apaiser la potentielle incommodité ressentie par mon interlocuteur, je fais montre de politesse et adopte le code contemporain, le consensus d’une vitesse à valeur positive. Je facilite, j’automatise même mes rapports sociaux par l’emploi d’une formule efficace, et néglige finalement son impact réel en privilégiant mon propre sentiment d’avoir fait mon devoir. « À très vite ! », preuve abrégée et pratique d’affect, se transforme en bouclier bouclant avec courtoisie un échange dont la suspension soulage à la fois mon désir et ma raison. Parure séduisante par les signaux positifs qu’elle envoie, cette formule (magique ?!) « À très vite ! » me protège de mes fauves interlocuteurs en les caressant dans le sens du poil ; elle me protège tout autant de moi-même, de mes désirs et de mon sentiment de culpabilité féroce. Cette formule bouclière protège un égoïsme proche de l’instinct de survie : elle dissimule subtilement mon besoin de me préserver dans la jungle d’un espace de communication contemporain despotique, territoire dangereux dans lequel toutes les cages sont ouvertes, où se côtoient félins schizophrènes et dompteurs dépassés.
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Jean de La Fontaine illustré par Laura Olivieiri
Le coq et le renard Sur la branche d’un arbre était en sentinelle Un vieux Coq adroit et matois. Frère, dit un Renard adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle : Paix générale cette fois. Je viens te l’annoncer ; descends que je t’embrasse ; Ne me retarde point, de grâce : Je dois faire aujourd’hui vingt postes sans manquer. Les tiens et toi pouvez vaquer, Sans nulle crainte à vos affaires : Nous vous y servirons en frères. Faites-en les feux dès ce soir. Et cependant, viens recevoir Le baiser d’amour fraternelle. Ami, reprit le Coq, je ne pouvais jamais Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle Que celle De cette paix. Et ce m’est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux Lévriers, Qui, je m’assure, sont courriers Que pour ce sujet on envoie. Ils vont vite, et seront dans un moment à nous. Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous. Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire, Nous nous réjouirons du succès de l’affaire Une autre fois. Le galand aussitôt Tire ses grègues, gagne au haut, Mal content de son stratagème ; Et notre vieux Coq en soi-même Se mit à rire de sa peur Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.
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Le cerf se voyant dans l’eau
Dans le cristal d’une fontaine Un Cerf se mirant autrefois Louait la beauté de son bois, Et ne pouvait qu’avecque peine Souffrir ses jambes de fuseaux, Dont il voyait l’objet se perdre dans les eaux. Quelle proportion de mes pieds à ma tête ! Disait-il en voyant leur ombre avec douleur : Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte ; Mes pieds ne me font point d’honneur. Tout en parlant de la sorte, Un Limier le fait partir ; Il tâche à se garantir ; Dans les forêts il s’emporte. Son bois, dommageable ornement, L’arrêtant à chaque moment, Nuit à l’office que lui rendent Ses pieds, de qui ses jours dépendent. Il se dédit alors, et maudit les présents Que le Ciel lui fait tous les ans. Nous faisons cas du beau, nous méprisons l’utile ; Et le beau souvent nous détruit. Ce Cerf blâme ses pieds qui le rendent agile ; Il estime un bois qui lui nuit.
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sans titre par Alice Pirotte
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par Aitor Alfonso illustration de Bozena Janska
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G. aimait se curer le nez jusqu’à des profondeurs abyssales. Son appendice, pourtant court et légèrement relevé, lui faisait l’effet d’une corne d’abondance, recelant des trésors minéraux, des vestiges muqueux, une faune inconnue. Il laissait souvent passer quelques jours entre deux inspections afin que la nature se reconstituât, sauf en cas de rhume : son nez était alors une effusion de vie. La cérémonie de pénétration se déroulait toujours de la même manière. Pour commencer, il y introduisait religieusement le bout de son auriculaire, par de petits gestes en spirale qui tentaient de dilater les ailes encore serrées de sa narine gauche ; la droite venait après. Il se trouvait à la surface de la grotte et, déjà, il lui semblait effleurer des feuillages tièdes et hospitaliers. Ce premier contact renouvelé avec l’intérieur de son nez provoquait en lui une forme de curiosité haletante comparable uniquement à la découverte de l’entrée d’un tombeau par un égyptologue fatigué. Il s’enfonçait sous les premières altitudes, développait le geste. Son doigt était une petite sonde qui effrayait les bancs de sardines piloïdes et les troupeaux de zébus adhésifs ; les anémones de nez crachaient leur suc stornudéen sur son passage. Du haut d’un cyprèsrave les vautours le contemplaient indifférents. Une baleine à gidouille passait. Il reconnaissait un peu plus loin des miettes visqueuses. Plus loin encore, ce sont les larges parois de morves éternelles qu’il déblayait avec joie. Son ongle tenait fermement la matière. Il ramena une première fois son butin. Un long pan de gomme brune et sèche sous deux boisseaux de fleur de nez ; le paludier était satisfait. Il inspecta la cargaison sans y toucher, en fit le tour du regard, la scruta sous tous ses angles. Deux mottes d’un vert piqué de bistre et de poils tremblotaient sur le bout de sa phalange. En s’approchant, il put y découvrir des merveilles astrales : ces lunes avaient leurs monts et leurs vaux, leurs déserts et leur lacs, leurs forêts enchantées. Il se mit à rêver aux elfes moucheurs, à la Cornouaille et aux Guenièvre intérieures. Explorant la face sud de ce tas il put voir l’Asie aux reflets carotte, la pédique
Italie : son nez contenait un monde. Soudain, il se saisit de ses planètes jumelles et, comme un démiurge aux mains sales, les roula en cataclysme, les malaxa, les arrondit à nouveau jusqu’à obtenir une boule parfaite. Leur couleur avait changé, tirant désormais sur le noir, et les vastes forêts vierges autrefois visibles du dessus, avaient disparu, comme avalées par le centre de leur terre. Le copeau vint ensuite. Sa texture évoquait une petite mer de cuir, un parchemin millénaire ; il lui semblait y voir gravés des signes secrets qu’il comprenait étrangement et qui parlaient de proues de galères, d’un cadran au soleil, de pyramides du Nil, d’un nez superlatif. Il voulut en éprouver la dureté sur le bord de ses lèvres puis, sans savoir pourquoi, se ravisa. Il le plia doucement entre deux phalanges comme un grimoire qu’on referme ; sous le poids de son pouce, le livre devint rouleau, puis se mêla à la planète morte qui gisait un peu plus loin. Les trois tas initiaux ne formaient plus qu’un caillot unique. Il le garda précieusement sous la pliure de sa petite phalange et reparti à l’assaut. C’est son index qu’il mit cette fois dans ses narines. L’excavation était en marche. Il ratissait les fonds à la recherche de quelque reste de vie épargné, de monstres horizontaux. Il tâtonnait de tous les côtés, grattait des volcans, reconnaissait les plaines du grand large. Rien pourtant ne s’accrocha à son doigt sauf une pellicule fraîche de plancton invisible. Le nez avait rendu tout ce qu’il abritait. Il ajouta le menu fretin de sa seconde percée au joyau de la première, pour ne rien perdre. C’était tout pour aujourd’hui. G. posa la boulette sur la pointe d’un doigt levé. Il observa une dernière fois son œuvre, la ramena devant ses yeux. Louchant son matériau comme un myope sa petite monnaie, il en approcha la main libre avec précaution, arrêta de respirer une seconde ; il lui donna une pichenette avec son index. Il vit la boule voler à grande vitesse à travers les airs ; elle retomba ; il la perdit de vue. « Ainsi naissent et meurent les mondes, peut-être » se dit-il.
par Cen Zhang illustration de Bozena Janska
1.
2.
Il s’est posé sur ma poitrine, Dans le creux où bat le cœur, Comme un gamin devant une vitrine, Ses yeux poussins, le corps tremblant de peur.
Un souffle par-dessus le toit Sur la crête des alouettes chanteurs
Je le sens, l’animal aux poils trempés, Le soleil qui perce ses lunules, Se cambrer pour attraper l’éternité La tête lovée dans un lit de clavicules. C’est dans cette gorge qu’il s’abreuve, Le doigt arpentant le ruisseau d’Adam ; Une falaise hérissée lui barre le menton, Le voici perdu ; le petit fauve. Alors, rebroussant chemin, il dérive ; Calmement, vers le berceau de mes reins.
Le baiser du soleil mou Roule sur la chair mûre et tendre et glisse bas La terre noire Où tombent les fruits Où partent les vignes une carte du cosmos Et de mon amour Ces racines qui se déploient sous nos pieds souterrain de signes Les veines qui vibrent dans nos bras elles vivent tranquille Un essaim de feuilles bourdonne s’écarte— laisse des trous dans le ciel Bleu-nuage
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Il m’a semblé voir Un sourire Azur Il m’a semblé sentir Un signe Dans ces dunes Dunes vierges Mes îles flottantes Rêves sauvages Vois Comme la vie est mouvante. Un souffle : Baiser, chair, terre, Racines, feuilles, Bras ; Bleus ;
Tant de secrets Qu’il nous faut dé
chiffrer
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Notes du 15 avril 2013 par Gilles Celeux illustré par Cécilia Pepper
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Quatuor
J’ai rencontré dans le parc Güell à Barcelone un groupe de quatre retraités qui ont égayé ma promenade. Ils bavardaient tout en déambulant dans les allées. Ces quatre-là savent ce que parler veut dire ! Ils avaient des voix de stentors et un débit de mitraillette. Ils menaient avec aisance plusieurs conversations simultanées. J’aurais donné cher pour les comprendre ; malheureusement, je ne parle pas le catalan. Mais j’étais fasciné par leur polyphonie qui m’évoquait un quatuor à cordes et je me mis à les suivre. Ils étaient très mobiles, l’ordonnancement du groupe changeait sans cesse et le ton de leur discours variait pareillement. Parfois, ils parlaient ensemble à la cantonade et alors, l’un essayait de prendre le dessus sur les autres. Puis des duos se formaient, toujours renouvelés. L’un parlait sans arrêt et un peu plus fort que les autres. (C’était le premier violon.) Mais parmi ceux-ci, deux n’étaient pas en reste (le deuxième violon et le violoncelle). Le quatrième (l’alto…) était très en retrait ; il ne disait rien la plupart du temps, et souvent il s’écartait légèrement du groupe. De manière comique, l’un des trois autres se décalait brusquement vers lui et se mettait à lui parler avec une virulence redoublée. L’alto se contentait de ponctuer l’avalanche qui lui tombait dessus par deux ou trois mots. Mais cette simple ponctuation avait pour effet d’entretenir voire de raviver la verve de son interlocuteur. Le quatuor, manifestement bien connu des marchands de souvenirs qui pullulent dans ce parc touristique à la gloire de Gaudí, était salué régulièrement et bruyamment (« Hola senyors ! Com estàs ? »), et les quatre retraités répondaient à l’unisson avec la même vigueur, introduisant une rupture rythmique dans leur flot de paroles qui renforçait leur bonne humeur communicative. Et ils allaient virevoltants, tantôt de front, tantôt à la queue leu-leu, tantôt par deux, tantôt en groupe informe, tantôt occupés à ramener l’alto qui s’isolait, mais toujours pétaradants.
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Mirages n°7 Beaux jours 2014 ISSN 2268-1760
Imprimé à Paris sur papier recyclé Deux euros Soirée de lancement le mercredi 11 juin 2014 à la librairie Le Monte-en-l’air, 2 rue de la Mare, Paris 20ème Lisez Mirages en couleurs sur issuu.com/miragesfanzine Aimez Mirages sur facebook.com/miragesfanzineartistique Suivez Mirages sur miragesfanzine.tumblr.com Écrivez-nous à miragescontact@gmail.com Illustrations de la couverture et ci-contre de Bozena Janska Logo de Sylvain Azzi Directrice de la publication : Maïlys Celeux-Lanval Artistes : Bozena Janska, Laura Olivieiri, Alice Pirotte Rédacteurs, auteurs : Aitor Alfonso, Valentine Bonneau, Astrid Campion, Gilles Celeux, Bénédicte Gattère, Thibault Olivieiri, Cen Zhang