Suara 51: Messagers de l’espérance

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Suara 51 Afgiftekantoor: Antwerpen x P 508033

La voix des peuples

Missio Belgique, Bd du Souverain 199, 1160 Bruxelles

Publication trimestrielle de Missio

mars – avril – mai 2013

Messagers de l’espérance Editorial L’année 2013 s’annonce grosse de difficultés socio-économiques. Certains gouvernements européens se sentent obligés de revoir leurs prévisions de croissance à la baisse. Les médias officiels et les réseaux sociaux en font un large écho. Bien souvent, l’heure est à l’inespoir. A ce moment-là, des messagers de l’espérance font leur apparition sur la place publique. A la suite de Bernanos, ils invitent à ne pas commettre «le péché contre l’espérance - le plus mortel de tous, et peut-être le mieux accueilli, le plus caressé». Car, «ce n’est pas quand tout va bien, mais quand le découragement menace, que cette dernière doit émerger du fond de nous-mêmes afin de nous tenir debout».(J.C. Guillebaud) La présente livraison de Suara privilégie, à son tour, cette voie de l’espérance. On ne peut rien faire sans espoir, en se cantonnant dans la mélancolie, l’indifférence ou la résignation. Sylvain Kalamba Nsapo

Photo: Jedidiah Clothing

Des Brésiliens sur la route de Rio Cet été, des jeunes de partout dans le monde iront à Rio pour y célébrer ensemble leur foi lors des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Mais qu’en est-il de la jeunesse brésilienne? Ces jeunes veulent aussi y participer, mais ils manquent souvent de ressources. Pour bon nombre d’entre eux, un billet de bus est impayable si l’on part de l’autre bout du pays pour se rendre à Rio.

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«Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. Mais que ce soit avec douceur et respect, en ayant une bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous calomnie, ceux qui décrient votre bonne conduite en Christ soient confondus.» (1Pi2, 3)

Entretien avec Jeanne Devos La soeur Jeanne Devos s’est consacrée à la protection et aux droits du personnel de maison. Elle a fait comprendre que le travail domestique non-payé est une forme d’esclavage. Elle n’a cessé de lutter contre la misère humaine en Inde: «Entrez chez une mère de trois enfants, dans une maison sans eau ni électricité, et passez une petite heure avec cette famille. Alors vous comprendrez ...»

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© Wereldmediatheek, Johan Denis

Dans ce numéro • • • •

Messagers de l’espérance JMJ au Brésil Action de l’Eglise au Mali Témoins de l’espérance à Goma (RDCongo)? • In memoriam: Jules Baghdassarian (Missio Syrie)

• Charles Winbomont était un modèle de vie missionnaire • Lu pour vous • Pater Lievens en Inde • Partir aux JMJ? • Vatican II au travers des lunettes asiatiques

• Chanteurs à l’étoile à “Don Bosco Muhazi (Rwanda)” • Column | Michel Coppin • Entretien avec Jeanne Devos


Rencontre

Suara 2

Solidarité

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La voix des peuples

Messagers de l’espérance Photo: Christine Laureys

Tristesse et désespérance Espérance chrétienne Messagers de l’espérance Réparer les femmes violées

Photo: Olivier Douliery (Belga)

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5 Jacob Drabo

5 Il ya un mois, le président américain Barack Obama a inauguré une statue à l’effigie de l’activiste Rosa Parks au Capitole.

Tristesse et désespérance

De sérieux problèmes grèvent l’économie mondiale. On déplore la crise prolongée de l’emploi et l’affaiblissement des perspectives de croissance économique, en particulier dans les pays développés. C’est ce qui explique l’inespoir, la désespérance, la résignation ou la mélancolie dans un monde où de nombreuses générations ne voient rien de positif poindre à l’horizon. Alors retentit la mise en garde d’Egard Morin: «Nous avons besoin de redresseurs d’espérance». S’agit-il de l’espérance d’un monde ‘sans soucis’ dans un certain au-delà? La réponse est négative, si du moins on revisite la conception judéo-chrétienne.

Espérance chrétienne

Le chrétien croit qu’en Jésus-Christ, Dieu a vaincu toutes les forces du mal et délivré «tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort» (He 2,15). Pour inaugurer le Royaume, le Christ n’a pas fui la dureté de l’existence humaine. C’est même à travers la souffrance et la mort qu’il a ouvert la voie d’un avenir insoupçonné pour l’humanité. En Christ ressuscité, nous espérons un avenir définitif. L’espérance n’est pas synonyme de l’immobilisme, de l’abandon à la tristesse et à la résignation. C’est une force qui nous tire vers la nouveauté, le changement et l’inédit. L’espérance chrétienne n’est donc pas une fuite en dehors de notre histoire.

Gandhi, Luther King ou Jésus-Christ

Les petits chanteurs d’Ile de France nous ont habitués à une chanson dont le refrain fait frémir les familiers de l’espérance: Ils ne mettaient jamais la main sur un fusil Gandhi, Luther King ou Jésus-Christ Dites-moi donc pourquoi on leur a pris la vie Gandhi, Luther King ou Jésus-Christ. La chanson évoque le nom glorieux de Jésus-Christ. Elle renvoie aussi à la grève de la faim observée par Mahatma Gandhi. Nous avons affaire à un apôtre de la lutte contre l’injustice. Un pionnier de la vérité dont l’espérance dominait toute l’action: «Quand je me désespère, affirmait-il, je me souviens que tout au long de l’histoire, la voix de la Vérité et de l’Amour a toujours triomphé. Il y a eu dans ce monde des tyrans et des assassins, et pendant un temps, ils peuvent nous sembler invincibles. Mais à la fin, ils tombent toujours. Pense à cela... toujours!»

L’action pacifique et silencieuse de Rosa Parks

Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, une dame originaire de l’Alabama, un Etat du Sud, avait refusé de céder sa place à un passager blanc dans un bus. Ce fut

une action pacifique et silencieuse au retentissement considérable. Elle dût déboucher sur le boycott des bus sous l’égide de Martin Luther King. La communauté afro-américaine obtint finalement ses droits. C’était la réalisation d’un rêve (I have a dream).

“Nous avons besoin de

redresseurs d’espérance.” Réparer les femmes violées

«Vivre, c’est relatif… Vaut-il la peine de vivre jusque 80 ans en voyant ce que je vois chaque jour…». Cette phrase désabusée a été prononcée en Belgique par celui qu’on commence à considérer comme le réparateur des femmes violées à l’Est de la R.D. Congo. Il s’agit du Dr Mukwege. Ce médecin tient à rendre l’espoir à chaque femme violée ou re-violée. En quoi il nous apparaît indéniablement être un messager de l’espérance. Telles sont, à grands traits, les facettes de quelques messagers de l’espérance ou des apôtres modernes qui font bouger l’histoire. Soyons aussi déterminés qu’ils l’étaient ou le sont eux-mêmes!

Chanteurs à l’étoile! Dans le cadre de l’action Chanteurs à l’étoile, Missio a organisé un concours. L’heureux gagnant est le groupe de l’Unité Pastorale Welkenraedt à Baelen. Merci à ce groupe et à tous les autres chanteurs à l’étoile pour leur contribution financière. Le groupe de Welkenraedt à Baelen était composé de 17 enfants qui ont parcouru les rues du village de Baelen. La journée s’est achevée par un délicieux goûter et une vraie galette des rois. La somme de 524,81 Eur a été récoltée. Madame Véronique Franssen-Straet a souhaité, au nom de la paroisse de Baelen, que celle-ci soit informée, à l’avenir, de différents projets de Missio. Ce qui lui permettra de bien organiser les activités des Chanteurs à l’étoile. (skn)

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La voix des peuples

De jeunes Flamands mettent leurs amis Brésiliens sur la route de Rio

Des générations entières vivent mal la crise de notre société. Le pessimisme touche maintenant toutes les classes d’âge. Cette désespérance participe d’une manière de lâcheté. Nous avons besoin des messagers de l’espérance pour l’enseigner. Kalamba Nsapo

Suara 3

Mali | La place de l’Eglise dans la société Envoyé au Mali comme prêtre fidei donum, de 2000 à 2007, l’abbé Drabo Jacob du Burkina Faso a travaillé comme vicaire et curé de la paroisse cathédrale de Segou. Il s’est occupé de la chorale des jeunes et des médias.

Sylvain Kalamba Nsapo

Missio: La situation est très difficile au Mali. L’Eglise peut-elle faire quelque chose? Drabo: «Le Mali est un pays à majorité musulmane (90% de musulmans). Les catholiques sont vraiment minoritaires (seulement 2% de chrétiens). L’Islam au Mali est connu comme très modéré, mélangeant culture et convictions religieuses. Il comporte cependant des divisions. Ces dernières années, on constate une montée du Wahhabisme prônant un Islam radical. L’Eglise a une grande place bien que minoritaire. Depuis la fondation de l’Eglise en 1888, les chrétiens n’ont jamais été persécutés. Les populations ont toujours bien apprécié ce qu’elle fait au niveau social. Beaucoup de cadres ont étudié dans les écoles de l’Eglise dont on apprécie la qualité de l’enseignement. A cause de la crise, on a eu peur d’assister à la persécution des chrétiens. En arrivant au Nord du Mali, les Islamistes ont imposé la charia et profané les lieux de culte appartenant aux chrétiens. Beaucoup de chrétiens ont dû alors fuir le Nord. S’il en reste, ils doivent certainement se cacher. Par contre, au Sud, il n’y a pas eu de problème. L’Eglise intervient là où il y a des difficultés, elle fait beaucoup dans l’humanitaire. Les évêques ont eu une rencontre extraordinaire pour parler de la crise. Tout en décidant d’intensifier l’intervention de l’Eglise sur le plan alimentaire et sanitaire, ils ont invité les chrétiens à pratiquer la solidarité et le partage. L’exemple concret de cette intervention de l’Eglise au secours des populations en difficulté est l’ouverture d’un centre humanitaire à Bamako d’une capacité d’accueil de 200 familles. L’Eglise du Mali est soutenue par des organismes d’Occident. Dans la zone servant de frontière entre le Nord et le Sud, les prêtres étrangers ont été priés d’aller à Bamako pour plus de sécurité et pour ne pas risquer d’être pris

en otage. Par contre, les prêtres autochtones sont restés sur place. Ils ont voulu rester avec les chrétiens.» Missio:En témoignant de leur solidarité avec les chrétiens du Nord du Mali, en refusant de les abandonner à leur sort, le personnel ecclésiastique n’est pas prudent. N’est-ce pas? Drabo: «C’est une question de conviction. Le personnel d’Eglise s’investit dans tout ce qui est humain. Il y a par exemple des religieuses infirmières qui n’ont pas envie d’abandonner les blessés et les populations dans la misère.» Missio:Un mot de la fin? Drabo: «L’Islam est pratiqué par la majorité des Maliens. Ce n’est pas un fait nouveau. La religion islamique a été accueillie par toutes les ethnies, mais beaucoup de gens sont attachés à leurs traditions. Toutes les religions ont de la place au Mali. L’Etat laïc leur accorde la liberté d’expression, notamment sur la chaîne nationale de télévision. Les chrétiens sont bien appréciés et reconnus comme des gens honnêtes. On a par exemple du mal à se représenter un chrétien qui vole. La ville de Kita où les Pères blancs sont arrivés pour la première fois au Mali, est devenue un lieu de pèlerinage à la Vierge Marie. Chaque année y est organisé le pèlerinage national. Et beaucoup de musulmans y participent par conviction ou par solidarité avec leurs famille qui peuvent être composées de chrétiens, de musulmans, ou d’adeptes des religions traditionnelles africaines. C’est pour dire qu’avant l’arrivée des Islamistes, le Mali vivait dans un esprit de tolérance et d’harmonie. L’Islam a commencé à se radicaliser avec le financement de nombreux projets par certains pays arabes qui ont leur mot à dire à ceux qui reçoivent leur aide.»

Cet été, des jeunes de partout dans le monde iront à Rio pour y célébrer ensemble leur foi lors des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Mais qu’en est-il de la jeunesse brésilienne? Ces jeunes veulent aussi y participer, mais ils manquent souvent de ressources. Pour bon nombre d’entre eux, un billet de bus est impayable si l’on part de l’autre bout du pays pour se rendre à Rio. Herlinde Hiele

Pour donner aux jeunes Brésiliens la chance d’aller eux aussi célébrer cette journée à Rio, Missio et la Pastorale des Jeunes de Flandre (IJD) ont uni leurs forces. Tous les jeunes qui, de Flandre, se rendront à Rio, verseront vingt euros dans un fonds de solidarité. A la fin, le montant des versements recueillis sera doublé par Missio. Avec cet argent, la jeunesse brésilienne du diocèse de Ruy Barbosa pourra se rendre à Rio et participer aux JMJ. André Dewitte, évêque flamand dans le diocèse de Ruy Barbosa, explique pourquoi cette action est si importante: «À l’occasion des JMJ, nous voulons, dans toutes nos communautés, encourager le travail fait par et avec la jeunesse. Ce travail au niveau de la base est primordial et est aussi le plus important. Chaque paroisse du diocèse, nous l’espérons, pourra envoyer deux ou trois jeunes gens à Rio qui le représenteront. C’est là une chance incroyable pour les participants et pour tous ceux qu’ils représentent. Et ceci est possible grâce à l’appui d’autres jeunes à travers le monde, ce qui est très motivant. Cette solidarité des autres communautés ecclésiales, constitue un grand témoignage évangélique.» «Je suis très heureuse que les JMJ aient lieu cette année au Brésil», déclare Sirlandia de Oliveira Santos (29 ans) qui vit dans le diocèse. «Je suis très curieuse de savoir comment les choses se passeront avec des millions de jeunes de toutes races et cultures, se retrouvant ensemble. J’espère pouvoir échanger nos expériences tant avec des jeunes engagés appartenant à l’IJD, qu’avec

d’autres groupes. Au cours de ces JMJ, je veux, en toute simplicité et respect, représenter ma paroisse et faire de mon mieux pour que, à mon retour, je rapporte à celle-ci l’expérience vécue ainsi que tout ce que nous allons partager ensemble.» Une délégation de jeunes Flamands qui se rendront au Brésil par l’intermédiaire des JMJ, seront accueillis dans les paroisses de Ruy Barbosa. Ils s’associeront aux jeunes de la communauté locale pour célébrer la semaine de la Mission Universelle. Les jeunes Flamands se rendront par la suite, en avion, à Rio. Quant aux jeunes Brésiliens, ils devront faire 30 heures de bus pour arriver à Rio. Que les jeunes de cette région ne soient pas en mesure de financer leur propre participation aux JMJ est, selon Dewitte, la preuve des inégalités sociales et économiques entretenues à travers les siècles : «Il y a de fortes inégalités sociales dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi. Beaucoup de gens vivent dans la pauvreté malgré l’essor économique du Brésil.» Cet été, le Père Dewitte ne se rendra pas à Rio. Il déclare : «Je laisse ma place aux jeunes. Dans Ruy Barbosa et en Flandre, je serai dans l’attente du récit de leur expérience des JMJ.»

Aimeriez-vous savoir comment les jeunes se préparent aux JMJ de Rio? Il suffit de lire leurs témoignages à la page 5.

5 Ces paroissiens à Ruy Barbosa se préparent pour JMJ de Rio.

Photo: Missio


Dialogue

Suara 4

Rencontre

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La voix des peuples

Christian Lomasa travaille à Goma dans le cadre d’un service humanitaire des Nations Unies. Il a bien voulu nous livrer un témoignage sur la situation qui se vit à l’Est du Congo, l’enjeu de l’espérance dans un tel contexte et la conviction de ceux qui en sont les témoins. Sylvain Kalamba Nsapo

Missio: Quel est le sens de votre travail sur place? En quoi êtes-vous des messagers de l’espérance pour une population fatiguée par l’insécurité? Lomasa: «Nous assurons la protection des populations civiles contre les effets de la guerre par l’action contre les restes explosifs de guerres (session au danger, dépollution des zones contaminées...). Nous faisons de notre mieux pour apporter une assistance morale et physique. Nous prêchons la paix aussi bien dans la vie quotidienne (sur le plan social) que dans des communautés.»

• Situation des réfugiés à Goma. • Messagers de l’espérance en temps de guerre. • Témoignage de l’espérance chrétienne à Goma Missio: Pourriez-vous parler de la situation de guerre à Goma et de la manière dont la population vit cette épreuve? Lomasa: «De par son essence, la guerre n’a jamais été une bonne chose. La population paie un lourd tribut sur le plan sécuritaire, social, économique et psychologique tant à l’échelle individuelle qu’à l’échelle communautaire. Tout le monde - réfugiés ou non - vit un stress horrible provoqué par la guerre. Pour ma part, les mots me semblent difficiles à trouver pour décrire au mieux la souffrance quotidienne de la population de Goma compte tenu de ce que j’ai moi-même vécu sur place.»

Missio: Croyez-vous avoir formé à votre tour de nouveaux messagers de l’espérance dans la région de Goma ou à l’Est de la R.D. Congo? Lomasa: «Oui, du moins dans les zones accessibles et sous contrôle.»

Constant Lievens, un nom qui ne vous suggère peut-être rien. Pourtant, il est sur la route de la béatification. Ce jésuite flamand fut, pendant sept ans, actif à Ranchi, en Inde. Cent vingt ans après sa mort, il y est toujours ‘vivant’.

Missio: Connaissez-vous d’autres témoins de l’espérance chrétienne qui travaillent à Goma? Lomasa: «Il y a sans doute l’Eglise catholique à la tête de laquelle se trouve un évêque. D’autres Eglises chrétiennes sont aussi présentes. Souvent, on les entend dire à leurs fidèles: «Il y a une vision d’avenir qui ne doit pas nous voiler la réalité dans ses aspects les plus durs, avec son cortège de difficultés et d’illusions. L’espérance chrétienne nous appelle à collaborer à la construction du Royaume, c’est-à-dire à édifier un monde plus juste, plus vrai, plus fraternel». A Goma, il se développe aussi un enseignement supérieur destiné à former les futurs cadres de la société aux valeurs humaines.»

Constant Lievens avait 24 ans quand il est parti en Inde. Sept ans plus tard, il revenait en Belgique, malade. Pendant ce laps de temps, la mission de Ranchi a énormément changé. En sept années, Lievens a baptisé 25.000 personnes et la mission est passée de 2.000 à 100.000 catholiques. Quel don devait posséder ce jésuite du Petit Séminaire de Roulers, pour fonder, en si peu de temps, une jeune Eglise, pleine de vie, qui continue d’exister aujourd’hui encore?

Photo: Neil Palmer (CIAT)

In Memoriam La violence en Syrie domine encore, après un an, l’actualité. Les forces gouvernementales et les rebelles s’affrontent toujours avec intensité. Au début de cette année, il était déjà question de 60.000 morts et de milliers de réfugiés. De plus, la guerre a aussi ses victimes indirectes, comme Jules Baghdassarian, le directeur de Missio en Syrie. Il n’est pas mort sur la ligne de feu, mais la situation dans son pays, lui était devenue trop pesante. Jules Baghdassarian, un prêtre grec-catholique, était directeur de Missio depuis 2003. Le 14 novembre dernier, juste après la publication de Suara 50, nous apprenions qu’il était mort à l’âge de 55 ans.

Herlinde Hiele

Joindre le geste à la parole

«C’était un casse-cou», comme le disait Bart Geryl, professeur de religion au Petit Séminaire. «Le Père Lievens a appris aux personnes de son diocèse à connaître la catéchèse et leur a montré comment ils pouvaient se défendre contre l’injustice. Parce qu’ils ont vu qu’il ajoutait l’action à la parole, il y eut un mouvement massif de conversion.» Aujourd’hui, sept jésuites flamands travaillent à Ranchi et 90 novices sont prêts à prendre la relève. Après que le Père Lievens ait travaillé quelques temps à Calcutta, il a gagné Chotangpur. Là vivaient les Adibasi, une population qui a été exploitée par les propriétaires terriens, les prêteurs et les fonctionnaires. Grâce aux efforts de Lievens, une loi fut votée conférant aux Adibasi

le droit d’accès à la propriété foncière et précisant que ce droit puisse rester acquis pour l’avenir. Que ses actions inspirent encore aujourd’hui les fidèles à Ranchi, les étudiants du Petit Séminaire peuvent euxmêmes en faire l’expérience. Tous les deux ans, l’école organise un voyage de familiarisation en Inde. Vingtcinq jeunes ont la chance de visiter la mission Lievens à Ranchi. Nicolas Geerardyn qui en a été, l’été dernier, l’un des élèves, a déclaré: «Les élèves ont, en Inde, fait connaissance avec une Eglise jeune et florissante. Le Père Lievens y est encore vraiment vivant. Toute la population a, elle-même, repris le flambeau, mais il y demeure une grande reconnaissance envers lui.»

Béatification

Mais qu’en est-il de sa béatification? En 2001, une procédure a été lancée. Le professeur de religion Bart Gereyl en est le postulateur (le promoteur de l’affaire), et en suit les étapes pas à pas. «Il s’agit d’une enquête juridique fondée sur des documents et des témoignages», a déclaré Bart Gereyl. Et de poursuivre: «Sur base de mes recherches, un tribunal diocésain examinera s’il y a quelque chose à relever sur sa foi ou sur la morale. Ensuite, le dossier sera transmis à Rome, où différentes instances se pencheront

5 Les croyants de Ranchi présentent un tableau de Lievens au Petit Séminaire de Roeselare.

sur le sujet avant de l’adresser au Pape. Cela peut donc prendre encore quelques temps, mais j’ai bon espoir que tout se passera bien.»

Journées Mondiales de la Jeunesse à Rio | Partir aux JMJ?

Missio: Que pouvons-nous savoir au sujet de nombreux déplacés ou réfugiés? Lomasa: «La guerre n’étant pas encore déclarée finie, les déplacés ne sont pas au bout de leur cycle de souffrance physique, socio-économique, psychologique. Nombreux sont ceux qui vivent dans des camps, des familles d’accueil ou dans des sites de concentration (Eglises, écoles...). La prétendue aide/assistance aux déplacés/refugiés n’a de sens que si la guerre finit; autrement, la vie des déplacés/ refugiés est horrible et inhumaine.» 5 Ces jeunes réfugiés ont de l’espoir. C’est une leçon pour tout le monde.

Jules Baghdassarian

L’Eglise avec les deux pieds sur terre | Pater Lievens Solidarité

Missio: L’espérance chrétienne soutient-elle votre engagement auprès des réfugiés? Lomasa: «Oui. D’ailleurs, nous croyons qu’il faut être témoin de l’espérance chrétienne que nous avons à transmettre auprès des réfugiés. Ce qui les aidera à surmonter une dure épreuve qui leur est imposée.»

“La prétendue aide/assistance aux déplacés/refugiés n’a de sens que si la guerre finit; autrement, la vie des déplacés/refugiés est horrible et inhumaine.”

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La voix des peuples

Photo: constantlievens.be

Des témoins de l’espérance à Goma | R.D. Congo

Suara 5

Charles Winbomont Une insuffisance cardiaque lui aura été fatale. Une cause qui, pour beaucoup de gens, est associée à la persistance du conflit syrien. Il a vécu et travaillé à Alep, un des principaux théâtres du conflit. Baghdassarian a pris lui-même soin des réfugiés et a tenté de venir en aide aux familles touchées. Un tel engagement, outre ses autres fonctions, associé à la peur et au stress dans une situation de guerre, furent de trop pour son coeur. Après sa mort, le patriarche Grec-catholique Grégoire III a dit que Baghdassarian resterait mentionné dans les souvenirs chrétiens syriaques comme «l’ami des pauvres, un engagement sans précédent dans la charité pratiquée quotidiennement. Dans son dictionnaire, les maîtres-mots étaient les verbes ‘aimer’ et ‘servir’. Plus loin il disait encore espérer que sa mort contribuerait à un processus de réconciliation en Syrie, pour l’avenir de ce pays, et celui de l’ensemble du Moyen-Orient et de la communauté chrétienne.»

Le 26 janvier 2013, le Seigneur a rappelé à Lui un des nôtres, l’Abbé Charles Winbomont. Fidèle parmi les fidèles de Missio, il a toute sa vie durant, jusqu’au dernier souffle, travaillé pour l’Annonce de la Bonne Nouvelle à travers le monde. Et ce n’est pas un hasard si son dernier vœu, repris sur la carte annonçant son décès, appelle à soutenir Missio pour la formation des prêtres…

En août 2013, Rio de Janeiro accueillera les Journées Mondiales de la Jeunesse. Une fois de plus, nous accordons la parole aux jeunes qui se préparent à célébrer cet événement important dans leur vie de foi. • Simon Naveau Partir aux JMJ? C’est peut-être répondre à cette exhortation du prophète Isaïe (Is 60,3-4) «Lève les yeux et regarde au loin, que ton cœur tressaille d’allégresse», car «toutes les nations marcheront vers ta lumière (…) voici tes fils qui reviennent vers Toi, et tes filles portées sur la hanche»! C’est vraiment de toutes les nations que sont accourus les jeunes à Madrid, il y a deux ans, dont les «troupeaux» d’Italie et de Pologne, mais aussi de toute l’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie… Cette foule immense, bigarrée et joyeuse s’est rassemblée pour célébrer ensemble Celui qui nous donne la Vie, la vraie, Celui qui nous donne la lumière. Tels les mages venus d’Orient, tous ces jeunes en quête de sens y ont trouvé l’étoile qui les guidera sur les routes d’une vie d’adulte qui s’amorce.

L’Abbé Winbomont nous manquera beaucoup, non seulement parce qu’il était un pilier de Missio, mais aussi parce qu’il était un modèle d’abnégation et de dévouement pour la mission que le Seigneur lui avait confiée, «Annoncer la Bonne nouvelle!!!». Puisse l’Abbé Winbomont demeurer un modèle de vie et d’engagement missionnaires pour chacun de nous. (cdr, hh) 5 À l’extrême droite: Arnaud

Dans un monde où tout le monde court, un monde superficiel et souvent hostile, aller aux JMJ était pour moi une occasion de retrouver la base, le roc sur lequel bâtir ma maison. Et comprendre que ce roc n’est pas réservé à quelques-uns, mais qu’il est infiniment large et solide pour que chacun y trouve sa place. Tous fils et filles de Dieu… De multiples rencontres, célébrations, chants, danses, jeux, prières, enseignements, partages de vie… et faire un bout de chemin, à son rythme… Alors, aujourd’hui, je fredonne volontiers ce célèbre chant «Debout resplendis» (réf. K-230)… «Jérusalem, quitte ta robe de tristesse, Chante et danse pour ton Dieu» (Ba 5,1)

• Arnaud «Je m’appelle Arnaud Stevens, 21 ans, je suis un étudiant ouvert aux autres. Je n’hésite pas à affirmer ma foi. Cette foi qui se construit depuis plusieurs années, notamment grâce à l’expérience des JMJ que j’ai vécue en 2008 à Sydney, et en 2011 à Madrid. Les JMJ représentent pour moi un ressourcement, qui m’a permis de retrouver certaines valeurs, par les rencontres, les échanges et les moments de partages vécus avec de nombreuses personnes. C’est aussi les JMJ qui m’ont permis de comprendre que je vivais ma foi grâce aux autres chrétiens que j’ai la chance de connaître, et à tous ces jeunes chrétiens qui se rencontrent une fois tous les 3 ans. C’est grâce à toutes ces personnes que j’ai pu progresser spirituellement jusqu’à ce jour.» • Sara «Bonjour, je m’appelle Sara, j’ai 19 ans. J’ai eu la chance de partir en dernière minute aux JMJ de Madrid en 2011. J’aimerais vous partager mon expérience. Au départ, la préparation aux JMJ a commencé avec un petit groupe de 9 jeunes. Lors des préJMJ, on s’est retrouvé dans un car de 40 belges… 40 personnes différentes avec lesquelles on a échangé nos expériences de vie et de foi. Puis, le groupe s’est élargi. D’abord avec plus de belges, puis d’autres nationalités avec leurs cultures toutes plus différentes et intéressantes les unes que les autres. Pour finir à 1 million de jeunes, tous en train de célébrer la même chose!

5 Au milieu: Sara Pour moi, c’est ça les JmJ. C’est partir de sa vie intérieure à soi pour la partager avec des millions de personnes. Se rendre compte que l’on n’est pas seul à vivre une expérience avec Dieu.»


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La voix des peuples

La voix des peuples

Missio-CIM | Le Concile Vatican II vu au travers de lunettes asiatiques Du 31 janvier au 3 février, plus de 700 participants se sont réunis dans la ville indienne de Bangalore, pour y débattre sur le Concile Vatican II, dans le cadre de la conférence internationale ayant pour thème «Revisiter le Concile Vatican II: 50 ans de renouveau». Michel Coppin, directeur de Missio, y était également présent. En outre, Missio soutenait l’organisation pratique de cette conférence. Caroline Medats

• Congrès à l’occasion des 50 ans du Concile Vatican II • La part de l’Eglise d’Asie • Congrès financé par le fonds Missio-CIM Pendant le Concile Vatican II (1962-1965), les Pères conciliaires traitèrent de la relation entre l’Eglise et le monde moderne. Maintenant, cinquante ans plus tard, au niveau du programme de Bangalore, il y a eu une réflexion profonde et critique sur l’impact de ce Concile sur l’Eglise Universelle. Une attention particulière a été accordée à l’identité et l’unicité de l’Eglise en Asie. Pour commencer, les participants se sont penchés sur le contexte historique, culturel, philosophique, théologique et pastoral dans lequel le Concile s’est déroulé. Ensuite, ils ont analysé les différents documents

du Concile. Dans quelle mesure ces documents sont-ils pertinents pour la poursuite du renouvellement de l’Eglise et de la société d’aujourd’hui et de demain? Dans quelle mesure le Concile a-t-il contribué jusqu’à maintenant au renouveau de l’Eglise? Quel est l’impact du Concile pour le renouvellement continu de toute l’Eglise et pour les Eglises d’Asie? En quoi l’Eglise asiatique a-t-elle contribué au Concile? Dharmaram Vidya Kshetram (DVK), un Athénée Pontifical de philosophie, de théologie et de droit canonique à Bangalore, a pris l’initiative de cette conférence. Plusieurs organisations nationales et internationales ont apporté leur contribution, tout comme Missio. D’éminents théologiens et des érudits de différents continents ont pris la parole. Quelque 700 participants du monde entier aux talents divers (comme les théologiens, les professeurs, les pasteurs, prêtres, religieux, laïcs responsables, séminaristes et étudiants de la DVK), ont échangé des idées sur le thème de la conférence. Vous voulez en savoir plus sur la conférence? Alors surfez sur: www.vatican2conference.dvk.in.

Depuis 2011, le CIM, Comité des Instituts Missionnaires, a trouvé gite à Missio. Avec le Fonds de Missio-CIM, nous soutenons de micro-projets pastoraux en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Grâce à ce fonds, Missio a payé les frais de voyage des conférenciers des séances plénières de la conférence.

Chanteurs à l’étoile à Don Bosco Muhazi (Rwanda)

Column Michel Coppin

Pour la seconde année, nos «Petits chanteurs à l’étoile» ont annoncé la Bonne Nouvelle dans les collines de Gikomero. Quatre-vingts enfants et jeunes ont suivi régulièrement les répétitions de chants. Une ambiance fébrile préparait à la fête… Quel enthousiasme communicatif!

ou le soleil accablant. De colline en colline, se répercutaient les martèlements des tambours et les mélodies des «Noheli» traditionnels. L’accueil reçu était chaleureux. Passé l’urugo (la cour intérieure), les cœurs devenaient solidaires pour chanter et accueillir la Bonne Nouvelle.

Aimantée par les chants «Nimwishime munezerwe» (Réjouissez-vous et soyez dans la joie), «Aravutse Umwana Yezu» (Un Petit Enfant est né) et bien d’autres encore, je suis allée les rejoindre. De beaux habits cousus dans notre atelier de couture, des chapeaux en écorce de bananier confectionnés par les bergers, et les étoiles sorties de leur léthargie… Ils étaient prêts!

Une diversité de confessions religieuses s’étaient rassemblées autour des chanteurs à l’étoile. Protestants, adventistes, pentecôtistes, anglicans étaient là. Les barrières des religions avaient cédé devant la spontanéité et le courage des enfants. Ceux-ci n’étaient pas repartis les mains vides. Les résultats sont éloquents: 52 kg de haricots, 47 kg de pommes de terre, 1kg d’oignons, 3 kg de manioc et … dans la tirelire, 5.200 Francs rwandais - soit environ 6, 50 Euros. Mieux que les mots, cela donne le reflet de la situation dans ces collines où les pauvres sont prêts à partager. Ces cadeaux - ô combien précieux - ont permis d’apprêter un repas de Noël pour les pauvres.

Le coup d’envoi a été donné au cours de la messe de Noël par Père Danko Litri qui s’est adressé avec émotion aux «Petits chanteurs à l’étoile» et leur a confié l’importance de cette évangélisation. Une mission bien perçue des enfants, grâce à Sœur Rosalie qui n’a ménagé ni son temps, ni son énergie pour entraîner les jeunes dans cette nouvelle aventure.

Thérèse Watripont, Salésienne coopératrice

Accompagnés des aînés issus des Communautés de base, les enfants répartis dans quatre groupes, se sont mis en route dès le matin, sans se laisser décourager par la pluie

5 Une eucharistie au début du congrès

Sylvain Kalamba Nsapo

J.-C. Guillebaud s’en prend à la culture de l’inespoir. Il voudrait trouver les mots pour parler de la petite fille espérance que célébrait Charles Péguy. Ce n’est pas quand tout va bien, mais quand le découragement menace, que celle-ci doit émerger du fond de nous-mêmes afin de nous tenir debout. Par ailleurs, ce qui frappe l’attention du lecteur, c’est que l’auteur est doté d’une vaste culture historique. Ce qui lui permet de dégager, à partir d’une lecture des événements survenus au fil des siècles, autant de raisons d’espérer que de désespérer. Mais, ‘la désespérance n’est pas mieux fondée que l’espérance. Elle n’est ni plus sagace ni plus stoïquement lucide’. Elle participe plutôt d’un mode de vivre lâche. En nous souvenant des grands ‘optimistes’ de jadis qui ont été capables de faire bouger l’histoire de l’humanité, ‘il nous incombe aujourd’hui d’être aussi joyeux et aussi déterminés qu’ils l’étaient eux-mêmes’ (p. 214) J’apprécie la manière dont l’essayiste français légitime l’espérance à l’heure où la crise semble amener tant de personnes à laisser tomber les bras. Je me reconnais dans une conception de l’espérance comme une force qui nous tire vers la nouveauté, le changement et l’inédit.

La lecture de ce livre laissera en moi une trace: c’est que «La crise mine et pervertit notre société. Mais ‘un autre monde respire déjà’. En témoigne, à titre d’exemple, la révolution numérique ou informatique. Gillebaud note qu’’une métaphore permet de s’en faire une idée plus juste: celle du sixième continent’. Celui-ci est en expansion permanente car ‘chaque jour voit s’ajouter sur le web des millions de sites nouveaux qui sont autant de provinces.

“La désespérance n’est pas mieux fondée que l’espérance. Elle n’est ni plus sagace ni plus stoïquement lucide.” Il abrite, bien sûr, le meilleur et le pire. Qui peut cependant oublier que depuis un bon nombre d’années, ‘la plupart de nos activités – informations, finances, commerce, échanges, etc. – quittent la terre ferme pour émigrer vers le virtuel’? En tout cas, cette révolution comme beaucoup d’autres est porteuse d’autant de menaces que de promesses. Son devenir dépend de notre discernement, de notre détermination, de notre coresponsabilité et de notre perception du caractère mobilisateur et innovant de l’espérance. Nous en sommes capables.» (p. 130-132). Il y a, dans cet ouvrage, «des mots pour dire une espérance qui n’est ni aveuglement ni naïveté». C’est le moins que l’on puisse dire. J.-C. Guillebaud, Une autre vie est possible. Comment retrouver l’espérance, Paris, l’Iconoclaste, 2012.

Chers donateurs de Missio Belgique, Que la paix du Seigneur soit avec vous! Je m’appelle Christian Atangana, séminariste de l’archidiocèse de Douala, au Cameroun. Je suis Camerounais, originaire de la province du Sud. Après mes études primaires et secondaires à Douala, la capitale économique de mon pays, j’ai répondu à l’appel du Seigneur en intégrant le Philosophat du Grand séminaire Paul VI de Douala. Au terme des trois années de philosophie, je suis allé en stage pastoral pour une année, d’où je suis revenu pour commencer cette année le cycle de Théologie. Je vous remercie pour votre soutien matériel et spirituel qui m’accompagne depuis le début de ma formation. Merci de m’accompagner ainsi jusqu’au bout de ma formation, afin que je puisse dans quelques années devenir prêtre selon la volonté de notre Seigneur Jésus-Christ. En vous souhaitant un bon temps de carême, je vous assure de nos humbles prières au Grand Séminaire de Douala. En union de prière, Christian Atangana

Photo: Missio Photo: Missio

En regardant la réalité de la crise en face, J.-G. Guillebaud, essayiste français, en appelle à l’espérance, celle-là même qui vise l’ici-bas, «ses injustices à combattre, ses souffrances à apaiser, ses dominations à contenir». Il convient de partager quelques notes de lecture.

Un bonjour du Grand séminaire Paul VI de Douala (Cameroun)

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Lu pour vous | Comment rétrouver l’espérance?

Photo: Missio

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Dans les communautés ecclésiales, tout le monde a entendu parler de l’année de la Foi. A ce sujet, on a beaucoup réfléchi et écrit. Parfois, vous entendez dire que la Belgique elle-même est devenue une terre de mission. Il me semble que cette qualification est quelque peu facile et pourrait, de plus, conduire à une certaine confusion. Par conséquent, je voudrais plaider en faveur d’une dynamique de l’évangélisation. Nous devons apprendre à découvrir le message de la vie du Christ, comme rapporté par les Évangiles, et lui donner une place dans nos vies. Mais avant de prendre ce message à cœur, nous devons d’abord mettre en place d’autres mesures. Un travail de proclamation directe de l’Evangile dans la culture occidentale n’est pas réalisable. Si nous ne voulons pas en même temps nous heurter à un mur, nous devons considérer très sérieusement la culture dans laquelle nous vivons. C’est une culture sans relation avec le divin. L’homme veut être libre de toute autorité coercitive. L’individuel est sa norme. Il veut pouvoir réfléchir sur la vie de façon autonome. Seul ce qu’il peut percevoir, existe. Une nouvelle évangélisation doit considérer avec sérieux ces besoins fondamentaux de l’homme contemporain. Ces aspirations ne naissent pas de rien. Elles sont le résultat d’un processus d’émancipation. Bien que nous puissions nous demander si cette émancipation est authentique, nous devons toutefois en accepter la réalité. Une évangélisation doit commencer par une réflexion sur ce que signifie penser de façon autonome et quel sens nous donnons à la liberté. Pouvons-nous appréhender l’individu comme une mesure de notre façon de penser et d’agir ou y a-til plus encore? Et une vision positiviste de la vie est-elle la seule valable? Avons-nous le courage de chercher à nous comprendre nous-mêmes, à comprendre notre histoire et nos agissements dans toutes leurs dimensions? Nous nourrissons l’espoir d’une soif d’approfondissement de la pensée à ce niveau. En conscience, je ne veux pas parler au sujet de Dieu, du Christ ou son message. La modernité a choisi la pensée. Honnêtement, laissons-la donc s’exécuter sans brûler les étapes. Ce n’est certainement pas une recherche avec un agenda réduit qui devrait conduire à la foi. Il s’agit d’un processus de réflexion, en toute honnêteté, sur notre culture, sur nos propres vies et nos aspirations. Une telle manière de penser est nécessaire à notre culture occidentale, mais elle est aussi pleine de sens. Indépendamment du fait de savoir si cela conduit ou non à une vie de croyant. Un éditorial ne laisse pas assez d’espace pour envisager tous les aspects du sujet, mais je vous promets que la prochaine fois je poursuivrai, avec vous, le cheminement de ma pensée. Aujourd’hui, je n’en ai seulement donné qu’un premier aperçu, mais oh combien important.

OURS 12ième année Suara est un mot indonésien qui signifie voix. Suara veut être la voix des sans-voix et de tous les peuples qui crient dans le désert. Au-delà d’être la voix des “sans-voix”, il nous revient de faire en sorte que les “sans-voix” en arrivent à avoir leur propre voix. Rédacteur en chef: Kenny Frederickx Rédaction finale: Kalamba Nsapo Ont collaboré: Michel Coppin, Kalamba Nsapo, Caroline Medats, Herlinde, Emmanuel Babissagana, Jeanne Devos,Drabo Jacob, Christian Lomasa,Thérèse Watripont, Constant

Lievens, Simon Naveau, Sara, Arnaud. Photos: Olivier Douliery (Belga), Christine Laureys, Jedidiah Clothing, Missio, Neil Palmer (CIAT) et Xavier Vankeirsbulck Mise en page et impression: Halewijn Printing & Publishing Directeur National: Michel Coppin Editeur responsable: Michel Coppin, Boulevard du Souverain 199, 1160 Bruxelles Missio est une organisation internationale de solidarité et d’échange entre communautés chrétiennes et

de promotion des rencontres interculturelles et interreligieuses. Près de 130 pays sont reliés à Missio qui soutient plus de 1000 communautés chrétiennes locales. Secrétariat National de Missio Boulevard du Souverain 199, 1160 Bruxelles Missio Brabant-Wallon Ch. de Bruxelles, 67 1300 Wavre Tél.: 010 23 52 62 brabant.wallon@missio.be

Missio Bruxelles Rue de la Linière, 14 1060 Bruxelles Tél.: 02 533 29 80 bruxelles@missio.be Missio Eupen Bergkapellestrasse 46 4700 Eupen Tél.: 087 55 25 03 eupen@missio.be

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Suara 8 51

La voix des peuples

Dialogue

Jeanne Devos | Exode en Inde Rencontre

Missio: Vous vous êtes élevée pour défendre les droits des filles et des femmes soumises à l’esclavage ménager. Comment en êtes-vous arrivée là? Jeanne Devos: «Comme missionnaires, nous sommes parties pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. En Inde, j’ai d’abord enseigné à des enfants sourds. Ensuite, j’ai commencé avec un mouvement étudiant. J’ai chaque fois constaté que les femmes étaient souvent considérées comme des personnes inférieures. Dans la société indienne et dans d’autres sociétés, la femme a toujours une fonction de second rang. Dans l’Eglise, la femme n’a pas non plus grand chose à dire. Soyons francs, les femmes sont utilisées mais n’ont absolument pas la parole.»

Solidarité

de viol. Hélas nous en avons perdu des centaines d’autres.» Missio: Où puisez-vous la force de persévérer dans votre apostolat? Devos: «Parfois, le doute me passe dans la tête, mais j’ai appris à faire confiance à une force qui dit: ‘Va, je serai là, tous les jours’. Je ressens clairement qu’une telle force existe. C’est ce que j’appelle le libéralisme. Angelie, un hindou brahmane, appelle cela les lignes de force de l’énergie, qui travaillent de façon simultanée. Maya, qui est bouddhiste, lui, considère cela comme un cercle. Et, dans le mouvement, le Parsi le voit comme un feu. Chaque religion a sa propre interprétation et c’est très enrichissant.»

Point de contact

Travail à domicile

Je tire beaucoup d’inspiration de l’Evangile. Dans l’Exode, il est dit «Libère mon

En particulier, les femmes qui travaillent comme domestiques sont très vulnérables. Elles sont une sorte d’esclaves modernes: elles sont totalement dépendantes de ce travail, car elles ont souvent un prêt à rembourser. Elles sont aussi souvent victimes d’abus sexuels et de menaces. Lorsque nous avons commencé notre mouvement, ces femmes n’avaient aucun droit et de ce fait n’avaient donc pas le sentiment de leur valeur personnelle.

Je viens d’entendre à la radio que 28% des habitants de Bruxelles vivent au- dessous du seuil de pauvreté. Ceci est bien sûr rapidement dit. Mais, sommes-nous bien conscients de ce que cela signifie? «Entrez chez une mère de trois enfants, dans une maison sans eau ni électricité, et passez une petite heure avec cette famille. Alors vous comprendrez ...» En Inde, 700 millions de personnes vivent dans la pauvreté. Cela aussi est rapidement dit, n’est-ce pas?»

Missio: Vous voyez beaucoup de misère. N’est-il pas difficile de la regarder en restant positif? Devos: «Parfois, c’est dur, oui. Parfois, nous avons travaillé pendant des semaines pour un procès que nous devions évidemment gagner. Si l’accusé est acquitté parce qu’il a offert au juge une grosse somme d’argent, vous êtes découragée. Parfois, vous prenez de mauvaises décisions. Nous avons dit, il y a quelques années, que nous ne voulions plus rien faire avec la justice. Vous pouvez soudoyer les juges, mais cela ne nous convient pas. Nous serions alors blâmées et couvertes de honte. Si cinq cents femmes siègent à votre porte avec des banderoles indiquant en quoi vous avez mal agi, c’est certes une action efficace.»

Une meule à grains

«Certains disent que cette méthode n’est pas très chrétienne. Mais Jésus a aussi dit: ’Malheureux celui par qui la chute arrive. Mieux vaut pour lui qu’on lui attache au cou une meule de moulin et qu’on le jette à la mer.’ (Lc17, 1-2) Ce n’est pas exactement la méthode douce, mais ça fonctionne.» Missio: Avec votre travail, entrezvous en opposition avec des tendances définies de l’Eglise? Devos: «Ma foi… Je n’aime pas m’occuper des grandes théories. Je garde trop les pieds dans la réalité. La vie détermine ce que je fais. Si je suis face à un problème, mon intuition féminine me dicte ce que je peux et ce que je dois faire. Pour moi, ce n’est pas une attitude rebelle, c’est juste une façon d’être dans la vie.»

“Jésus a dit: ‘Attachez lui une meule au cou et jetez le au milieu de la mer ». Ce n’est peutêtre pas ma méthode la plus douce, mais ca fonctionne.”

Missio: Quand s’est achevé votre travail en Inde? Devos: «Ce point est déjà derrière moi. J’ai transmis mon travail. Cela me donne satisfaction. Mais cela ne veut pas dire que je suis en vacances. Les gens viennent sans cesse me poser des questions de toutes sortes.»

Nous avons donc commencé à concentrer notre travail sur la dignité des personnes, sur leurs droits et leurs capacités personnelles. Et peu à peu, cela porta ses fruits. On a alors vu la tête de ces femmes se redresser à mesure qu’elles prenaient conscience de leurs propres talents. En 1999, les Nations Unies ont, grâce à nous, reconnu cette forme de travail à domicile comme étant de l’esclavage. Entretemps, nous avons également entamé des actions contre le travail des enfants et la traite des personnes. Mais les cartels effectuant la traite des personnes sont souvent liés à des trafics d’armes et de drogue. C’est pourquoi les gouvernements n’osent pas souvent sévir contre eux.

“28 % des Bruxellois vivent sous le seuil de pauvreté. Cela est évidemment vite dit. Mais sommes-nous bien conscients de ce que cela signifie?”

Photo: Xavier Vankeirsbulck

Missio: Avec le battage médiatique entourant les récents viols en Inde, votre travail a tout à coup reçu beaucoup d’échos. Devos: «Cette affaire a provoqué de fortes réactions. Le viol a finalement reçu un nom. Nous avons sauté dans le train et dénoncé aussi le viol derrière des portes closes, parmi des enfants qui travaillent comme domestiques. Cela n’engendrera pas encore de bouleversement, mais il met en lumière de tels abus. Jusqu’à présent, nous avons seulement gagné une affaire

peuple». Il ne dit pas que vous devez lui fournir de beaux vêtements ou de la nourriture, mais bien que vous devez leur donner leur liberté. La Bible dit aussi: «Marie-Madeleine ne reconnaît Jésus que lorsqu’elle le touche.» Je pense que c’est très bien dit. Vous reconnaissez la pauvreté également lorsque vous la touchez.

Missio: En Belgique, circule l’idée que le travail de la mission s’arrête après le départ d’un missionnaire. Devos: «Je trouve cela tellement dommage. Annemie Struyf l’a aussi également proposé dans son programme. Elle a interviewé les sœurs en Haïti, qui ont annoncé qu’elles vont y arrêter leur action. Alors que des successeurs Indiens, Philippins et Latinoaméricains sont prêts à prendre le relais. Ce n’est pas parce la Flandre arrête que la mission se termine. Les provinciales au Brésil, au Cameroun et au Guatemala sont Indiennes. Ce sont des sœurs indiennes de notre Congrégation. Et j’en suis assez fière, parce que j’ai eu pendant un certain temps la responsabilité de les former. Et elles agissent sacrément bien.»


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