Suara 56 Afgiftekantoor: Antwerpen x P 508033
La voix des peuples
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Missio Belgique, Bd du Souverain 199, 1160 Bruxelles
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Publication trimestrielle de Missio
JUIN – JUILLET – AOÛT
Au cours des derniers mois, nous avons découvert ensemble une façon particulière de penser l’Église et son insertion dans la société comme dans le projet de Dieu. Nos frères du Burkina Faso nous ont montré comment, en considérant leurs communautés comme les membres de la famille de Dieu élargie à l’humanité entière, ils peuvent avancer dans la construction d’une société plus juste et soucieuse de ceux que la vie malmène. C’est avec l’enthousiasme de ces chrétiens d’ailleurs que se bâtit l’ensemble de l’Église. Ils ne sont ni pires ni meilleurs que nous mais ils ont foi en l’avenir. A votre tour, vous avez été touchés par notre invitation à miser sur cet avenir de la famille de Dieu au Burkina, qui est aussi la nôtre. Vous avez été généreux (voir en page 5) et Missio vous en remercie de tout cœur, au nom de toute l’Église et au nom des enfants vulnérables du diocèse burkinabè de Kaya. Gardons en nous cette vision optimiste et dynamique de la grande famille des enfants de Dieu et de nos familles particulières. Car elles sont, comme le disait récemment à Liège Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil Pontifical pour la Famille, «le lieu où les hommes apprennent à devenir frères et sœurs ». Nous nous sentirons ainsi plus proches des catholiques du Myanmar que nous apprendrons à mieux connaître dès le mois d’octobre prochain (voir en page 6). A la lumière de leur expérience de croyants appartenant à une communauté minoritaire, nous pourrons réfléchir à notre mission de baptisés dans un monde où la foi est devenue une option parmi d’autres. D’ici là, toute l’équipe de Missio-Belgique vous souhaite un temps de vacances ressourçant et reposant.
Tous frères et sœurs
Photo: Gilles Paire
L’Eglise-Famille de Dieu, choix d’avenir
Suara fait peau neuve!
Une famille universelle Famille nucléaire ou famille élargie? Deux cultures, deux conceptions qui peuvent parfois s’inspirer l’une de l’autre. D’un côté le respect de la liberté individuelle et de la personne. De l’autre le sens de l’appartenance à une lignée et le respect des aînés.
Lire en page 3... le témoignage de deux prêtres burkinabé
Afin de mieux vous informer sur Missio et de nous faire l’écho de la voix de l’Église universelle, nous allons renouveler votre Suara. Dès septembre prochain vous découvrirez le premier numéro « new-look » . Laissez-vous surprendre!
Entretien avec Karel Arnaut Au cours de cette année, nous avons montré que l’Afrique s’emploie à construire la communauté. L’Église tient une place particulière dans ce processus. Mais les rites sociaux ont aussi manifestement un rôle important. Karel Arnaut, membre de l’unité de recherche sur l’inter-culturalité, les migrations et les minorités de la KU Leuven, nous a entraînés dans un voyage virtuel en Côte d’Ivoire.
Armelle Griffon
Lire en page 8
dans ce numéro © Wereldmediatheek, Johan Denis
2014
• L’Église-Famille de Dieu, choix d’avenir
• Campagne 2014 | C’est bientôt!
• L’Église–Famille de Dieu. Une famille en mission
• Un salut du séminaire Saint Pierre Claver de Koumi ,
• Hommage à Jan Van Cauwelaert
Burkina Faso
• Tous frères et sœurs | Une famille universelle
• Missio cherche des bénévoles
• Une année bien remplie | Coup d’œil sur les activités 2013-14
• Le billet de Michel Coppin
• La promesse d’une nouvelle vie | Missio Belgique en visite
• Entretien avec Karel Arnaut
au Burkina
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La voix des peuples
L’Eglise-Famille de Dieu | Une famille en mission Depuis octobre 2013, nous avons envisagé avec les chrétiens du Burkina Faso une façon particulière d’être en Église. Par leur option pastorale d’une Église-Famille de Dieu, les évêques du Burkina-Niger ont opéré un retour aux sources du christianisme. Armelle Griffon
Les Actes des apôtres nous rappellent que dans la première communauté de chrétiens, « Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun. » (Ac 2, 44). Ce qui se faisait il y a 2000 ans, dans une petite communauté, n’a certes pas à être reproduit à l’identique. Mais il importe que nous continuions à faire vivre dans nos communautés l’esprit des premiers disciples du Christ. L’exemple des chrétiens du Burkina peut nous y aider.
communauté chrétienne comme des autres. Voilà pourquoi la communauté chrétienne de Kaya, au Nord de Ouagadougou, vient en aide à tous les enfants dont les parents sont touchés par le SIDA. Voilà pourquoi les catholiques du Burkina contribuent aussi au soutien de l’Église universelle, dans la mesure de leurs moyens et sans marchandage. Rappelons en effet que, proportionnellement au revenu moyen par habitant, leur participation est supérieure à la nôtre.
Revitaliser la mission
L’exemple des communautés chrétiennes du Burkina nous fait réfléchir sur le sens de notre mission de chrétien. Dans ce pays considéré comme l’un des plus pauvres de la planète, les chrétiens s’engagent pour annoncer l’Évangile de diverses manières. Ils ont
“Au Burkina, un des pays les plus pauvres du monde, les chrétiens s’engagent pour annoncer l’Evangile ”
compris que les frères et sœurs de Jésus sont « ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » Lc 8, 21. Se reconnaissant enfants d’un même Père, ils ne peuvent exclure de leur famille ceux qui ne partagent pas leur foi. Et lorsqu’ils pratiquent la charité fraternelle à l’égard de tous, ils rendent le meilleur témoignage possible. Il ne s’agit pas ici de mettre l’Église et les catholiques du Burkina sur un piédestal. Mais nous pouvons trouver chez eux des sources d’inspiration. L’important n’est-il pas pour chacun d’entre nous de se demander : Qui sont ma mère, mes frères, mes sœurs ?
Famille élargie...
La conception de la famille telle qu’elle est vécue en Afrique élargit déjà nos horizons d’occidentaux habitués aux familles nucléaires – quoique souvent recomposées. Elle implique une fraternité et une solidarité qui ne s’arrêtent pas aux liens parentaux directs, fussent-ils le fruit d’unions successives. Elle englobe toute une communauté dont les attaches remontent parfois à la nuit des temps. Mais l’Église-Famille nous entraîne plus loin encore, dans un univers où la fraternité naît de l’humanité.
“L’Eglise famille nous entraîne dans un univers où la fraternité naît de l’humanité.” ...aux dimensions du monde
Dans la famille burkinabè se mêlent chrétiens, musulmans et animistes. Il est donc naturel de considérer que l’Église-Famille doit être ouverte à tous et que ses membres ont à se soucier de ceux qui sont extérieurs à la
Photo: Eric Montfort
Jan Van Cauwelaert | Cent printemps le 12 avril! Si nous avons décidé de mettre à l’honneur Mgr Jan Van Cauwelaert, ce n’est pas seulement parce qu’il a eu cent ans le 12 avril dernier. Ni parce qu’il est un homme de réflexion et de raison ou encore le fils d’un responsable politique flamand qui a marqué l’histoire. Mais, « simplement », parce que Mgr Jan Van Cauwelaert est une personnalité prophétique. Nous lui rendons hommage avant tout parce qu’il a su donner un nouveau souffle à l’engagement missionnaire. Nous ne l’admirons pas parce qu’il a su monter au créneau pour rétablir la justice mais parce que ses actions ont toujours été ancrées dans une vie profonde de prière. Michel Coppin
Mgr Van Cauwelaert est une personnalité riche, vigilante et réconfortante. Aujourd’hui encore, il ne cesse de méditer à propos de l’existence du Christ pour que Sa lumière rejaillisse sur nos vies quotidiennes. Il est en outre l’un des derniers témoins belges vivants de Vatican II.
mages. Jan nous attendait en haut de l’allée menant à sa communauté. Il voulait saluer ses invités personnellement, l’un après l’autre. Cette occasion qui lui était donnée de rencontrer à nouveau tant d’amis lui a procuré une joie intense.
Amis
L’écriture et la composition du livre d’hommages « Missie Vandaag » [La mission aujourd’hui] par Benoit Lannoo, Henri Deroitte et Eric Manhaeghe, et sa publication chez
Quelques jours avant son anniversaire, des amis de Jan se sont réunis avec lui à Schilde afin de lui offrir un livre d’hom-
La mission dans la pensée contemporaine
Halewijn ont été une ‘performance’. Rédigé et publié dans un délai très court, son contenu est fort et invite à la réflexion. La « mission » ne relève-t-elle plus que d’un passé glorieux ou peut-elle encore trouver sa place dans la pensée contemporaine ? Quelles sont les relations entre mission et instauration de la paix, ou inculturation.
Au service de la mission de Dieu
L’ouvrage pointe l’avènement d’un nouvel âge de la mission. Comment répondre à l’appel à redevenir missionnaire, lancé à l’Église par le pape François? Parmi les autres thèmes abordés on trouvera : une contribution exégétique au Livre de Jonas, une réflexion théologique sur le Royaume de Dieu sur terre et dans l’au-delà, la relation entre le christianisme et d’autres religions. L’autofinancement des églises locales, la formation des prêtres et la spiritualité parmi les frères seront étudiés avec soin jusqu’en Afrique. Enfin, la place des laïcs, la dimension prophétique et les relations avec l’aide au développement confèrent à l’ouvrage une dimension supplémentaire. P. Michel Coppin sds a été ordonné par Mgr Van Cauwelaert
Dialogue
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Tous frères et sœurs | Une famille universelle Rencontre Y a-t-il plus de ressemblances ou de différences entre la famille belge et la famille burkinabè? Les mieux placés pour en parler sont certainement les burkinabè vivant en Belgique. Nous avons demandé à deux prêtres du Burkina vivant chez nous d’y répondre. Innocent Ouedraogo est prêtre depuis trois dans l’unité pastorale de Lummen, dans le Limbourg. Dans sa paroisse, il rencontre de nombreuses familles, le dimanche ou lors des moments importants de la vie : baptêmes, mariages, etc. Le Père Bruno Ouedraogo, étudiant en catéchèse et théologie pratique à l’institut Lumen Vitae de Bruxelles, est également vicaire dominical dans une paroisse de la ville. Tous deux ont une expérience de terrain et ont pu comparer la vie familiale et communautaire en Belgique et au Burkina. Caroline Medats
Missio : Que représente la famille pour vous ? Innocent Ouedraogo : « La famille est une institution sociale qui existe partout dans le monde sous plusieurs formes. Pour nous chrétiens, elle est le signe visible de l’amour du Dieu trinitaire. Que ce soit en Belgique ou au Burkina la famille est ce que chacun a de plus cher, le bien le plus précieux, la vie. C’est là que nous avons grandi et reçu l’éducation. C’est là qu’avec les parents, frères et sœurs on forme une réelle communauté d’amour où se vit la diversité des dons dans l’unité. » Bruno Ouedraogo : « Pour moi, le modèle de famille est celui de la Sainte Famille de Nazareth où toute les familles humaines peuvent trouver leur source d’inspiration. » Missio: Comment définiriez-vous la famille en Belgique? Innocent : « En Belgique, la famille c’est essentiellement “papa, maman et un ou deux enfants. »
Solidarité
Innocent Ouedraogo avec les Chanteurs à l’étoile de la fédération de Lummen.
Bruno : « Il y a une grande diversité de nationalités et de cultures en Belgique. Difficile de définir la famille belge typique ! Mais comme Innocent, il me semble que le modèle qui émerge est celui qui regroupe Papa, Maman et les enfants. Je n’ignore pas l’existence d’autres compositions de ménage qui émanent d’une sensibilité personnelle. Mais ma vision s’oriente plus vers cette complémentarité de l’homme et de la femme de qui naissent des enfants. Il est très beau de voir les couples âgés (homme et femme) marcher main dans la main, se promenant à travers un jardin. Ils donnent ainsi, un exemple d’un « oui » pour toujours. Au niveau des jeunes couples, c’est toujours intéressant d’être avec eux et de découvrir leur programme de vie : un bon travail, un appartement, un ou deux enfants. » Missio: Et la famillle au Burkina Faso? Bruno : « La famille telle que je la vis au Burkina a certes des ressemblances avec celle de la Belgique, mais des différences sont remarquables. La famille est plus large qu’on ne le pense. Elle porte la marque du système patriarcal ou matriarcal. Et selon le modèle de lignage dans la famille, l’accent est mis sur la hiérarchie et son respect. Il y a un proverbe qui dit que : « Lorsqu’on te dit de respecter les aînés, c’est parce qu’un jour ou l’autre tu deviendras aîné. » Voilà pourquoi, la famille nucléaire (Papa, Maman et enfants) est intégrée dans ce grand groupe hiérarchiquement organisé. En rigueur de
Photo: Missio
terme, l’épouse n’intervient pas dans les affaires de la famille (parce qu’elle vient d’une autre famille). Ce sont les fils et filles de la même famille qui peuvent donner leur avis pour une question donnée. Issu d’un système patriarcal, j’ai des grands frères et des grandes sœurs dans la famille à qui je dois le respect. La solidarité vécue est tellement poussée que le grand frère prend toujours la défense d’un petit frère dans des situations belliqueuses, sans pour autant savoir si celui-ci a raison ou pas. Cette solidarité fait que, malgré la pauvreté ressentie, tout le monde a un toit et demeure soudé à une famille, hormis les cas de folie et les enfants de la rue. Ces enfants de la rue sont souvent les victimes de l’exode rural et aussi des enfants qui suivent des maîtres coraniques. Les personnes âgées ont toujours leur place dans la famille ; parce que c’est un signe de reconnaissance : « La personne qui t’a mis au monde et s’est occupée de toi à regarder tes dents pousser, dit un autre proverbe moaaga*, toi à ton tour, tu dois t’occuper d’elle jusqu’à ce qu’elle perde ses dents. » Innocent : « En Afrique, nous parlons volontiers de la grande famille, la famille élargie, englobant les oncles, tantes, neveux et nièces, vivant souvent sous le même toit. Dans ma propre famille, nous sommes 11 enfants, un vraie une équipe de football ! La famille pour nous se compose aussi bien des vivants que de ceux qui sont déjà morts. Cela lui donne une double dimension, visible et invisible, qui lui confère un caractère hautement sacré. Elle a souvent un sens large si bien qu’appeler une personne : mon frère ou ma sœur, ne signifie pas toujours le lien de consanguinité. » Missio: Quelles différences voyez-vous entre la famille en Belgique et au Burkina Faso? Innocent: « En Belgique le climat a un impact sur la vie communautaire. Les gens vivent beaucoup plus dedans et le contact n’est pas toujours direct dans un tel contexte. Plutôt que de parler de vie communautaire je crois que de plus en plus il s’agit d’une vie de réseau ou les relations se passent à la virtuelle avec internet et les nouveaux moyens de communication sociale. »
Le prêtre Bruno Ouedraogo Photo: Missio
Bruno : « La vie communautaire en général souffre d’une maladie que je nommerai volontiers l’individualisme et l’appât du gain. Cette maladie gagne du terrain dans les relations humaines. Il n’est pas rare qu’il n’y ait personne pour accompagner les défunts à l’Eglise pour les obsèques. Le temps manque pour les relations humaines naturelles, il faut courir pour ne pas se retrouver à la rue. Pourtant, tous ceux qui courent savent bien que leurs pas s’arrêteront dans les résidences pour personnes âgées. Je souffre en voyant des personnes âgées verser des larmes parce que leurs enfants les abandonnent et ne s’intéressent qu’à l’héritage. Ces résidences ne devraient pas être un lieu d’attente de l’heure décisive mais des lieux d’espérance. »
“Nous devons développer une mentalité d’ouverture ; apprendre à se dire bonjour en le pensant ; aller à la rencontre de l’autre” Missio: quel avenir voyez-vous pour la famille? Bruno : « Partout dans les familles (belges ou burkinabè), la solidarité, la communion et la fraternité existent bien. Mais des efforts de part et d’autre restent à faire, surtout dans le domaine de l’éducation des enfants, le respect des aînés, la solidarité humaine et la reconnaissance de l’autre comme soi-même. » Innocent: « Il est important de garder le cap et de chercher à évangéliser la vie communautaire toujours plus humaine, enracinée en Dieu. Voilà pourquoi nous devons veiller à donner à Dieu sa juste place dans la société ; promouvoir la vie à toutes les étapes de son évolution ; développer une mentalité d’ouverture où on peut se dire bonjour en y pensant vraiment, en allant à la rencontre de l’autre. Mais le plus important est peut-être d’apprendre à être heureux avec ce qu’on est et ce qu’on a. »
*Moaaga : ethnie majoritaire au Burkina Faso. Au pluriel on dit les « Moose » et la langue est le « moore ».
Dialogue
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Rencontre
Une année bien remplie | Coup Solidarité
Ensemble, misons sur l’avenir Cette année plus que jamais, nous avons misé sur l’avenir des chrétiens du monde entier et du Burkina Faso en particulier, avec une attention spéciale pour la famille et la communauté. Les Burkinabès savent combien l’entraide est nécessaire pour réaliser des projets au bénéfice de tous. Et ils savent aussi qu’en général, ils ne doivent pas trop compter sur des aides publiques. Le dimanche de la mission universelle, célébré le 20 octobre 2013, a bien sûr été le point d’orgue de cette campagne missionnaire. Nous avons eu la joie d’accueillir en Belgique l’abbé Oscar Zoungrana, directeur de Missio au Burkina Faso-Niger. Avec enthousiasme, il nous a fait découvrir la vie des communautés chrétiennes de son pays, et l’importance de leur option pastorale : l’Eglise-Famille de Dieu. Ainsi les chrétiens de la région se sentent-ils tous frères et sœurs dans la foi et dans la solidarité avec tous ceux qu’ils côtoient. Oscar Zougrana a donné plusieurs conférences dans les différents diocèses et accordé une interview à RCF, la Radio Chrétienne Francophone.
Le dimanche de la Mission à Hoegaarden
Pour réfléchir au sens de la Mission : Omnis Terra - Mission de l’Église
Oscar Zoungrana à la RCF
« Il est important que nous soutenions la famille en tant que lieu où les hommes apprennent à devenir frères et sœurs. Sans quoi, c’est à une globalisation de l’individualisme que nous allons assister, et non à une globalisation de la solidarité. »
La revue Mission de l’Eglise donnait régulièrement aux francophones catholiques du monde entier des outils de réflexion pour appréhender les différents aspects de la mission universelle de l’Église. Malgré l’arrêt de la publication, l’aventure continue grâce à un collaboration avec Omnis Terra, mensuel de l’Union Pontificale Missionnaire. Disponible sur abonnement auprès du secrétariat national de Missio-Belgique, info@missio.be
Mgr V. Paglia, pdt du Conseil Pontifical pour la Famille
Merci pour votre générosité! Votre élan de solidarité à l’égard des chrétiens du Burkina Faso ne nous a pas déçus! Grâce à vous, nous avons pu envoyer au fonds de Missio à Rome la somme de 2 954 800 euros. C’est plus qu’en 2012 où nous avions déjà récolté 2 219 208 euros ! L’utilisation de ces montants se répartit comme suit : • 1 276 959 euros pour les projets d’évangélisation : construction et rénovation d’églises, formation des catéchistes et animateurs pastoraux, hôpitaux gérés par l’Église… • 784 104 euros pour la formation des séminaristes, prêtres, religieux(ses) et agents pastoraux. • 893 737 euros pour des projets en faveur des enfants et des familles pauvres ainsi que pour les enfants des rues Du fond du cœur, nous vous disons un immense merci! Le schéma ci-contre représente les montants versés par Missio Belgique à Missio Rome pour l’Église universelle.
Dialogue Rencontre
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Solidarité
d’œil sur les activités 2013-14 Journée de l’Afrique & Chanteurs à l’étoile Le mois de janvier est un autre temps fort pour Missio. Comme chaque année à l’Épiphanie, journée de prière et de soutien à l’Église d’Afrique, le produit des collectes était destiné aux communautés ecclésiales de la R.D. Congo, du Rwanda et d Burundi. L’Épiphanie est aussi la période des Chanteurs à l’Etoile : ces groupes d’enfants qui vont, de porte en porte, proclamer la joie de la naissance de Jésus. Ils ont contribué, grâce à leur engagement, à financer le projet d’aide aux Enfants Orphelins et Vulnérables (OEV) Journée de l’Afrique à Anvers
Chanteuses à l’étoile à Tervuren
Transmettre l’esprit missionnaire En Belgique francophone les jeunes prennent le relai de la Mission. Des journées missionnaires et interculturelles – ont eu lieu dans divers endroits : Journée Transmission à Rixensart, dans le Brabant wallon, et dans le diocèse de Namur pour les enfants inscrits en catéchèse, Journée missionnaire à Tournai. La journée Missio de toutes les couleurs est désormais une tradition bien établie dans le Brabant Flamand ! Des centaines d’enfants joyeux et enthousiastes y ont participé. Par le biais d’ateliers sur la Bible et la foi, la multi-culturalité, les enfants de Belgique découvrent ainsi l’engagement pour un monde meilleur.
‘Missio de toutes les couleurs’ à Hasselt
Echange de voeux À l’occasion de cette campagne, les catholiques belges ont été invités à formuler, sur des cartes postales, leurs vœux pour les chrétiens du Burkina. Ces cartes ont été remises sur place par l’abbé Oscar, jetant ainsi un pont à travers les frontières. Par ces mots de sympathie, vous avez apporté vos encouragements aux enfants orphelins de Kaya bénéficiaires du projet soutenu en 2013. A notre tour, nous avons eu l’heureuse surprise de recevoir tout un lot de cartes postales des chrétiens de Kaya avec leurs vœux et leurs remerciements à leurs frères de Belgique.
‘Missio de toutes les couleures’ à Malines
Rencontre
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Solidarité
La promesse d’une nouvelle vie | Missio Belgique en visite au Burkina Cette année, nous mettons à l’honneur un projet destiné aux enfants de l’évêché de Kaya (Burkina Faso). Un projet que nombre d’entre vous ont soutenu, ce dont nous vous remercions chaleureusement. Mon confrère de Missio-Burkina, Oscar Zoungrana, m’a invité à venir voir sur place. C’est ainsi que je me suis rendu au Burkina Faso fin décembre. Michel Coppin
doivent trouver leur place dans la nouvelle famille. Dans toutes les communautés chrétiennes, quelques personnes sont formées pour accompagner bénévolement les familles et les enfants concernés. Bien entendu, cette formation n’est pas gratuite, elle non plus.
Aide financière En règle générale, le prêtre est le premier à savoir que les parents sont porteurs du VIH ou souffrent du sida. Les bénévoles formés se présentent alors auprès des familles concernées. Ils veillent à ce que les enfants bénéficient de nourriture et de soins et continuent à fréquenter l’école. Les familles reçoivent
à ce que tout se passe bien. Car s’il est naturel d’élever ses propres enfants, en recueillir quelques-uns en plus exige une belle dose d’énergie et de résistance. L’accompagnement et l’accueil s’avèrent donc essentiels.
La foi dans l’avenir
Les bénévoles soutiennent moralement et financièrement la famille d’accueil. Ils veillent
Les bénévoles consacrent énormément de temps à leur travail. Il leur faut une motivation et une foi solide pour s’impliquer pleinement au quotidien. À l’image de cette femme que j’ai rencontrée : veuve depuis quatre ans et élevant seule ses quatre enfants, elle trouve le temps de participer au projet.
“Il faut une motivation et une foi solide pour s’impliquer pleinement au quotidien.”
Aucun mot ne pourrait traduire sa joie intense. Je n’oublierai jamais son histoire. J’ignore qui étaient les enfants concernés. Seuls les bénévoles et les familles d’accueil le savent. Pour tout le monde, ce sont des enfants comme les autres, heureux d’avoir la possibilité d’étudier et de jouer, comme les autres.
également une aide financière. Ensuite, parents et bénévoles examinent ensemble chez qui les enfants pourraient être recueillis en cas de décès des parents.
Inutile d’avoir un bâtiment pour faire fonctionner le projet des orphelins de Kaya, ce qui en rend la découverte et le partage d’autant plus intéressants. Il s’agit ici d’enfants qui ont perdu leurs parents, victimes du sida. La plupart du temps, les deux parents sont décédés faute d’avoir eu accès à des soins abordables. Quelques-uns des orphelins sont eux-mêmes porteurs du VIH, voire malades. Le directeur diocésain de Missio à Kaya m’a présenté au prêtre qui coordonne le projet. Lui-même avait donné rendez-vous à quelques personnes qui y apportent leur contribution quotidienne, suivant de près les enfants.
En famille
Photo: Missio
Dans l’organisation sociale et familiale burkinabé, il est impensable que des orphelins soient hébergés dans un orphelinat. Généralement, c’est une sœur ou une belle sœur de la famille qui prend en charge les enfants qui ont perdu leurs parents. Une noble tâche certes, mais elle est tout sauf facile! La première difficulté est qu’il y a plus de bouches à nourrir. Les frais de scolarité aussi sont coûteux. En outre, les orphelins
Campagne 2014| C’est bientôt L’année écoulée, nos regards se tournent déjà vers la prochaine échéance, notre campagne d’octobre : Choisir le Christ au Myanmar. Cette année, nous mettrons l’accent sur l’envoi en mission confié à chaque chrétien lors son baptême. Catherine De Ryck
Le sens de notre baptême ne peut être sous-estimé. L’invitation fréquente du pape François à célébrer l’anniversaire de notre baptême n’est pas innocente. Nos évêques belges soulignent eux aussi la dimension missionnaire des sacrements de l’initiation. C’est dans le même esprit que Missio invite chacun à redécouvrir le trésor de son baptême.
Devenir chrétien
Photo: szefei
Le baptême marque l’entrée dans notre nouvelle vie et notre nouvelle famille, celle des chrétiens. Il tisse
entre nous et le Christ vivant un lien indissoluble. Libre à nous de l’accepter, en étant bien conscient qu’aujourd’hui, on ne naît plus chrétien, on le devient.
font leurs premiers pas vers la démocratie et la liberté. Notamment en matière religieuse. Cependant des tensions ethniques et religieuses se dessinent.
Le baptême est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu. Il nous fait expérimenter Son amour dont nous avons à rendre compte dans notre vie quotidienne. C’est pourquoi Dieu a besoin de nos pieds et de nos mains
La fin de l’isolement
La jeune démocratie du Myanmar
C’est au Myanmar (ex-Birmanie) que nous vous invitons cette année. Depuis 2010, les Birmans s’affranchissent progressivement de la dictature militaire et
Jusqu’à récemment, coupée du reste de l’Église, l’Eglise de Birmanie était assez figée. De nombreux chantiers s’ouvrent devant elle, tel celui de la mise en oeuvredes réformes du Concile de Vatican. Les baptisés découvrent que leur mission est aussi de collaborer à la construction de la société. Et il est important de les y aider.
Pour plus d’infos sur le calendrier de nos activités surfez sur www.missio.be
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La voix des peuples
de Koumi, Un salut du séminaire Saint Pierre Claver Burkina Faso Chers donateurs de Missio Belgique, du Burkina Faso, Veuillez recevoir les salutations en soleillées en ce Temps pascal riche en grâces. roise-Marie, du diocèse de Diébougou. Je pourJe me nomme Some Nissalkpéonbégnine Amb désir naire Saint Pierre Claver de Koumi. Mon suis mes études de Théologie au Grand Sémi j’ai tant ce, plusieurs années, voire à mon enfan de suivre toute ma vie le Christ remonte à es tout de blancs vêtus. Aujourd’hui, ce qui homm toujours été fasciné par le ministère de ces sses du mystère qu’est le prêtre, dispensateur des riche m’attire davantage, c’est la grandeur de ce et l’annonce de l’Evangile. Christ, notamment à travers les sacrements s ienne, et un bon pasteur pour toutes les brebi chrét Mon souhait est d’être un exemple de vie à ibuer contr , re également, à travers l’Evangile que le Seigneur me donnera d’encadrer. J’espè mon l’amour entre les hommes, aussi bien dans de n la pacification des cœurs, à la propagatio intépaix de n le monde. Car nous avons besoi pays que dans le vôtre et partout ailleurs dans davantage notre monde. er ianis rieure et d’amour, pour pacifier et christ parvienne au terme de ma formation de je que Je vous remercie infiniment de prier pour mes tous ces vœux. Merci également de soutenir prêtre, afin de pouvoir réaliser pleinement cier bénéfi naire, afin que tous nous puissions autres camarades séminaristes, et notre Sémi d’une bonne formation. roise-Marie
Column Vorstlaan 199 1160 Brussel België
En union de prière, Some N. Amb
Missio cherche un(e) téléphoniste bénévole Description du travail : Le bénévole devra : • contacter les paroisses francophones de Bruxelles et de Wallonie pour la vente de pralines Missio • planifier les livraisons avec le responsable logistique • contacter les nouveaux clients potentiels pour cette action
Missio cherche des bénévoles pour
le traitement et l’expédition des commandes
Le bénévole sera chargé : • en collaboration avec le service chargé des commandes du matériel de campagne • du classement et emballage du matériel commandé • de la gestion du stock de matériel
Disponibilité: • 1 jour par semaine durant la période 15/08/2014-15/11/2014 (flexibilité en accord avec les responsables ou possibilité de prester des demi-journées supplémentaires) • le traitement des commandes se fera au Secrétariat de Missio à Auderghem
Disponibilité: • 1 jour par semaine durant la période 15/08/2014-15/11/2014 (flexibilité en accord avec les responsables ou possibilité de prester des demi-journées supplémentaires) • traitement et exécution des commandes se fera au Secrétariat de Missio à Auderghem
Profil • personnalité chaleureuse et patiente, à l’aise avec le milieu ecclésial • facilité de contacts • capacité à travailler en équipe et en autonomie
Profil • capacité à traiter les commandes avec précision et efficacité • capacité à travailler en équipe et en autonomie
NOUS OFFRONS • l’indemnisation des frais de déplacement domicile-Auderghem et assurance • un bon encadrement et un bon environnement • un travail intéressant dans une équipe internationale et multiculturelle • thé et café à disposition
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Intéressé(e)? Plus d’informations? Contacter asbl Missio—Boulevard du Souverain 199—1160 Auderghem Kenny Frederickx, directeur-adjoint E-mail: adjdir@missio.be Tel: 02/679 06 48 Candidatures souhaitées avant le 10/07/2014
Il y a quelques semaines, je revenais de l’Assemblée Générale des Œuvres Pontificales Missionnaires à Rome, qui réunit chaque année pendant une semaine 130 directeurs nationaux, représentant plus de 150 pays. Y participer est un privilège. Nous ne faisons pas que nous réunir : chaque jour, nous prions et célébrons l’eucharistie ensemble. Pour moi, cette rencontre est une grande fête chrétienne qui m’apporte beaucoup. Cette année, le Laos et le Cambodge y étaient représentés pour la première fois. En Syrie, depuis le décès en 2012 de Jules Baghdassarian, il n’y a toujours pas de nouveau directeur. Le Nigeria ploie sous la terreur que fait régner l’islam fondamentaliste mais, parallèlement, de nombreux séminaires sont combles – l’un d’entre eux compte même plus d’un millier de séminaristes. Je voudrais évoquer ici les séminaires en Afrique. Après l’Asie, c’est l’Afrique qui compte le nombre le plus élevé de séminaristes. Il m’arrive d’entendre ici et là que c’est la faim qui appelle les vocations. Imperceptiblement, on sent croître un nouveau préjugé : les jeunes choisiraient le sacerdoce pour échapper à la pauvreté. Mes dix ans d’expérience de formation de séminaristes m’ont appris que les candidats animés de cette seule motivation abandonnent très rapidement le parcours menant à la prêtrise. Les séminaristes africains sont séminaristes parce qu’ils veulent œuvrer au jour le jour sur le terrain. C’est la seule manière d’accomplir le séminaire avec fruit. Travailler, prier et étudier forment, avec les stages pastoraux, l’épine dorsale de la vie de séminariste. Chaque année, les évêchés envoient leurs meilleurs prêtres dans les meilleures universités pour qu’ils s’y spécialisent dans un domaine donné. Mais sitôt le séminaire entamé vient le désenchantement. Les séminaires africains n’ont pas suffisamment de ressources pour offrir à leurs professeurs des moyens de subsistance corrects. Le Secrétariat général à la formation des prêtres (dirigé jusqu’il y a peu par Jan Dumon) a calculé qu’un professeur de séminaire touche à peine trente euros par mois. Grâce à notre action « ordinateurs », qui a permis d’équiper les séminaires africains de matériel informatique convenable, nous avons déjà réalisé de beaux progrès mais il reste difficile pour les professeurs de tenir à jour la bibliothèque du séminaire. Pour que la formation des prêtres des pays pauvres soit suffisante, il faut de l’argent. Il est de mon devoir de plaider en faveur du soutien des séminaires – surtout des séminaires africains. Notre pays a une longue tradition dans ce domaine. N’oublions pas non plus que ces mêmes professeurs de séminaire assurent une formation solide à de nombreux laïques engagés. Michel Coppin sds
OURS 12ième année Suara est un mot indonésien qui signifie voix. Suara veut être la voix des sans-voix et de tous les peuples qui crient dans le désert. Bien plus, il nous revient leur donner la parole. Rédacteur en chef: Kenny Frederickx Rédaction finale: Armelle Griffon Ont collaboré: Emmanuel Babissagana, Michel Coppin, Catherine De Ryck, Kenny Frederickx, Armelle Griffon, Caroline Medats. Photos: Gilles Paire, Eric Montfort, Missio en szefei Directeur National: Michel Coppin Editeur responsable: Michel Coppin, Boulevard du Souverain 199, 1160 Bruxelles Missio est une organisation internationale de solidarité et d’échange entre communautés chrétiennes et de promotion des rencontres interculturelles et interreligieuses. Près de 130 pays sont reliés à Missio qui soutient plus
de 1000 communautés chrétiennes locales. Secrétariat National de Missio Boulevard du Souverain 199, 1160 Bruxelles E-mail: reception@missio.be Site web: www.missio.be Missio Brabant-Wallon Ch. de Bruxelles, 67 1300 Wavre Tél.: 010 23 52 62 brabant.wallon@missio.be IBAN: BE19 0000 0421 1012 BIC: BPOTBEB1 Il ne nous est pas permis de délivrer une attestation fiscale pour les versements effectués.
Suara 8 56
La voix des peuples
Karel Arnaut | Les rites sociaux dans la construction des communautés A nos yeux, la communauté et l’Afrique sont liés, tout comme le sont l’Afrique et ses rites traditionnels. Mais y a-til aussi un lien entre ces deux aspects ? Quel est le rôle des rites dans une communauté ? Nous l’avons demandé à Karel Arnaut, membre de l’unité de recherche sur l’interculturalité, les migrations et les minorités de la KU Leuven. Caroline Medats & Catherine De Ryck Missio: Quels sont les thèmes de votre recherche? Karel Arnaut: «Une grande partie de ma recherche se concentre sur la Côte d’Ivoire. Comme c’est une région frontalière, c’est un pays idéal pour une étude de la diversité ethnique et religieuse. Dans un premier temps, j’ai observé les rites et la façon dont une communauté se construit autour de rituels. Pour cela, le contexte rural et celui de la ville de Bondoukou, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire était idéal. Au cours de la période de troubles sociaux des années 1990 et du début des années 2000, je suis allé dans la capitale Abidjan. Là je me suis intéressé à des groupes de jeunes et à leur participation à la construction d’une nouvelle société. Les deux domaines de recherche se concentrent sur la formation du groupe, dans lequel les jeunes gens reçoivent un rôle de premier plan.»
C’est la minorité non musulmane – en particulier la jeune génération – qui l’organise. Ils font une sorte d’épreuve sportive. Un jeune, non-musulman, parcourt la rue principale de la ville avec le grand masque. Il est hué par des jeunes musulmans massés sur les bas-côtés. À un certain moment il choisit un de ces challengers et essaye de le toucher. Si le
“La coopération entre les groupes du village détermine la réussite du rite. ”
Masque Bedu
Missio: Pouvez-vous nous décrire les rites en milieu rural? Arnaut: «Dans les villages il y a beaucoup de rites. Au cours de l’élaboration et de l’exécution de ces rites, vous remarquerez très vite qu’il y a différents groupes au sein d’un village. Un village de Côte d’Ivoire n’est pas toujours la communauté homogène que nous imaginons souvent. Mais elle peut se regrouper autour de rites. Tous les rituels ou les objets rituels ne sont pas propres à un groupe. Il y a par exemple les rites annuels autour du masque Bedu. Tout le village se groupe autour ce masque d’environ cinq pieds de haut dans une sorte de rituel de purification collective. Il réalise la construction de la communauté.»
Missio: Ce rituel ne provoque-t-il pas des tensions religieuses? Arnaut: «Absolument pas, il ne s’agit pas d’un rituel religieux. Le rituel est simplement le reflet des différences existant au sein de la ville. Les premiers habitants sont pour la plupart des non-musulmans. Les Dioulas, groupes musulmans du Ghana, ne sont venus que plus tard. À Bondoukou on est conscient de cette diversité. On peut remarquer qu’une communauté qui exprime clairement ses différences dans les rituels résiste mieux
Guerriers dansants
Missio: À Bondoukou, les jeunes jouentils un rôle important dans ces rites ? Arnaut: «C’est effectivement le cas lors des cérémonies rituelles annuelles, vers la fin du ramadan. Les jeunes font une parade, où ils ont souvent habillés en guerriers. Musulmans et non-musulmans passent dans les différents quartiers de la ville. Ce sont alors eux qui fixent l’espace urbain. Parfois il y a des discussions pour savoir si le trajet doit ou non passer dans un nouveau quartier.» Qu’est-ce qui attire les jeunes dans ces manifestations? Arnaut: «Au début j’ai pensé qu’ils y participaient par conviction religieuse ou parce qu’ils attachaient une grande importance à la tradition. Mais ce n’est qu’une explication partielle. Le rite est surtout une source de créativité et une soupape de sécurité. Au-delà de l’activité musicale principale se profile un mode d’expression chaotique, qui n’est pas sans rappeler notre carnaval. Ils peuvent également exercer leur créativité dans toutes sortes de micro-spectacles. Ils font des parodies de prières ou racontent des petites histoires sur les autres. Les jeunes peuvent se défouler. Garçons et filles se livrent aussi à des taquineries mutuelles, parfois teintées d’érotisme. Ça les attire parce que ça correspond à leur âge.»
“Nous nous concentrons trop sur la préservation, des traditions, alors que tradition et créativité ont besoin l’une de l’autre ” Missio: Et les adultes, qu’est-ce qu’ils en pensent ? Arnaut: «Les adultes regardent de haut cet aspect un peu irrévérencieux, bien qu’ils l’aient sûrement pratiqué dans leur jeunesse. Mais ils savent qu’ils doivent donner cet espace aux jeunes. Les adultes se rendent compte que ces rites sont un facteur d’unité et qu’ils doivent être perpétués. Et cela leur confère également un statut. »
Missio: Comment ces rites rassemblent-ils la communauté? Arnaut: «Différents groupes au sein du village sont obligés de travailler ensemble. Il y a une feuille de route transmise oralement pour l’organisation du rituel Bedu. Chaque groupe reçoit une tâche spécifique : l’un s’occupe du millet spécial pour la bière rituelle, l’autre brasse la bière, un autre par exemple, doit garder le masque. La coopération entre ces groupes détermine la réussite du rituel. Hommes et femmes ont également chacun leurs tâches.Les hommes prennent par exemple la sculpture en charge, tandis que les femmes peignent les masques. Cette division des tâches est en quelque sorte une façon de surmonter les différences. Le rituel Bedu est une représentation théâtrale de la formation du groupe.»
Missio: Que pouvons-nous apprendre de cette expérience ivoirienne? Arnaut: «Je pense qu’il y a deux choses que nous pouvons en retirer. Du rite Bedu rural nous pouvons apprendre l’importance sociale du rituel pour la construction de la communauté. Ces rites ne reflètent pas seulement une situation donnée. Ils aident une communauté à se créer et à se perpétuer, en permettant à tout le monde de travailler ensemble à une représentation collective d’elle-même par et pour tous. Le rituel annuel de Bondoukou peut ainsi nous apprendre que tradition et créativité ont besoin l’une de l’autre. Nous nous concentrons beaucoup trop sur la préservation des traditions : nous voulons les reproduire et les conserver au lieu de les réinventer pour les faire vivre. «
Touche-touche
Missio: Y a-t-il aussi des rites semblables en ville? Arnaut: «Il y a en effet également à Bondoukou un rite du masque Bedu.
garçon tombe avec le masque, c’est la honte. Si un autre jeune est touché, c’est un peu dommage pour lui.»
aux forces qui veulent la faire éclater. Dans les moments de crise, l’existence de cette communauté aboutit à unité et à une position commune.»
Photo: Karel Arnaut