N°2 juin 2011
Les cahiers de l’Observatoire social territorial les précarités dans la fonction publique territoriale : quelles réponses managériales ?
En partenariat avec :
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ÉDITORIAL
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a précarité dans la Fonction Publique Territoriale au même titre que dans toute la Société Française est d’une actualité importante.
C’est pourquoi, l’Observatoire social territorial de la MNT en partenariat avec l’AATF et plus particulièrement les élèves de l’INET (promotion Robert SCHUMAN) a diligenté cette étude qui a comme particularité une approche managériale complétant ainsi le travail effectué par le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale. Il est utile de rappeler que cette contribution permettra de faire prendre conscience de la réalité forte de la précarité dans la Fonction publique territoriale. En effet, les deux tiers des deux millions environ de fonctionnaires et agents territoriaux ne bénéficient d’aucune garantie maintien de salaire. Ce document, riche d’informations et d’enseignements devrait sensibiliser les acteurs de la Fonction publique territoriale afin d’adhérer à des dispositifs de mutualisation pour des garanties prévoyance du fait d’une sécurité financière minimale et en dégradation en cas d’absence pour raison de santé. Un risque fort de précarité menace les agents dans cette situation. A cette précarité dans la santé, se conjugue également celle d’ordre financier qui engendre une grande fragilité sociale. Cette étude qui se veut être aussi un guide pratique du management pour gérer ces difficultés propose une stratégie structurante et une nouvelle organisation du travail qui doit avoir pour effet de prévenir, d’accompagner les personnes dans les accidents de la vie afin de les associer davantage à la culture de leur collectivité pour leur donner un sentiment d’appartenance. Nous pouvons espérer qu’à la lecture de cette étude, les employeurs publics saisissent cette opportunité d’affirmer leur responsabilité sociale en luttant contre le risque de précarisation des agents publics. C’est leur intérêt, celui du service public local et du bien commun. Jean-René MOREAU Président de l’Observatoire social territorial de la MNT
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Étude Les précarités dans la fonction publique territoriale : Quelles réponses managériales ?
Etude des élèves administrateurs territoriaux de la promotion Robert Schuman Aurélie Audoux, Audrey Chanu, Jean-Marie Cochet, Vincent Fabre, Simon Favreau, Dora Nguyen Van Yen, Alice Rosado
En partenariat avec l’Observatoire Social Territorial (OST) de la Mutuelle Nationale Territoriale (MNT) et l’Association des Administrateurs Territoriaux de France (AATF).
Avril 2011
SOMMAIRE Éditorial.............................................................................................. 3 Remerciements.................................................................................... 7 I. La précarité dans la fonction publique territoriale : une réalité multidimensionnelle difficile à appréhender pour les employeurs locaux.................................................................. 11 A. La précarité dans la fonction publique territoriale : une réalité multidimensionnelle.................................................................. 11 B. En réponse à une précarité multiforme et multifactorielle, les collectivités adoptent des approches hétérogènes.................................... 24
II. Les actions de lutte contre la précarité, mises en œuvre par les collectivités locales de façon pragmatique, rencontrent des limites........................................................................ 35 A. De nombreuses collectivités mènent des actions volontaristes contre les précarités qu’elles induisent........................................................ 35 B. Certaines collectivités mènent des actions de lutte contre les situations de précarité importée............................................................. 40
III. Préconisations pour une action locale de lutte contre les précarités............................................................................ 45 Volet 1 : élaborer une strategie structurante................................................. 45 Volet 2 : agir sur la précarite et être attentif à son halo.................................. 56 IV. Annexe : Tableau récapitulatif des entretiens réalisés......................... 64 V. Atelier de l’Observatoire social territorial........................................... 65 A. Réunion du mardi 26 avril 2011............................................................ 65 B. Ordre du jour........................................................................................ 66 VI. Lu dans la presse........................................................................... 90
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Remerciements
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ous tenons à remercier l’ensemble des élus et des agents territoriaux qui ont accepté de nous rencontrer dans le cadre de cette étude. Leur expérience a enrichi et imprégné le présent rapport.
Nous souhaitons également remercier l’équipe pédagogique de l’Institut National des Etudes Territoriales (INET) qui a assuré le suivi méthodologique de nos travaux. Nous remercions tout particulièrement Messieurs Jean DUMONTEIL, directeur des Editions du Secteur Public, et Jean-Marc JOUSSEN, directeur-adjoint chargé des relations publiques institutionnelles de la Mutuelle Nationale Territoriale (MNT), pour leur soutien et leurs conseils. Enfin, nous témoignons notre reconnaissance à Jean-Christophe BAUDOUIN, président de l’Association des Administrateurs Territoriaux de France (AATF), qui a été à l’initiative de la présente étude.
Remerciements 7
Introduction
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es réflexions sur le thème de la précarité irriguent la société française, autour de questions telles que les travailleurs pauvres, la mise en place du Revenu de Solidarité Active ou encore la précarisation des situations individuelles et collectives liée à la crise économique et financière. Si les conséquences pour le secteur privé sont abondamment mises en exergue, ces questionnements sont tout aussi légitimes dans un secteur public que l’on considère souvent comme épargné en raison des garanties, réelles ou supposées, offertes par le statut de la fonction publique. La précarité dans la fonction publique en général, et dans la fonction publique territoriale en particulier, bénéficie d’une actualité importante en ce début d’année 2011. Après 3 mois de négociations sur la situation des non titulaires, 6 fédérations de fonctionnaires (CGT, CFDT, CFTC, CGC, FO et UNSA) sur 8 ont récemment signé avec le gouvernement un accord sur la résorption de la précarité dans la fonction publique, notamment au moyen d’un plan de titularisation. Cet accord doit être transformé en projet de loi, dont l’examen par le Parlement est prévu à l’automne 2011. En ce qui concerne les collectivités territoriales, le projet de décret relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents, attendu depuis la loi du 2 février 2007, est actuellement en cours de finalisation. Surtout, le groupe de travail paritaire mis en place par le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT) sur la question de la précarité dans la fonction publique territoriale a récemment rendu son rapport1, après une année de travail. Cette étude présente la particularité d’aborder la question de manière globale et transversale, dépassant une approche strictement statutaire, et formule 16 préconisations pour agir contre les situations de précarité. C’est dans ce contexte que s’inscrit la commande de l’Observatoire Social Territorial (OST) de la Mutuelle Nationale des Territoriaux (MNT), en partenariat avec l’Association des Administrateurs Territoriaux de France (AATF). Un groupe de 7 élèves administrateurs territoriaux a été constitué afin d’y répondre. Initiée en décembre 2010, cette étude a vocation à alimenter le débat à la fois devant l’OST en avril 2011 et devant les administrateurs territoriaux lors du congrès annuel de l’AATF qui se déroulera en juin 2011 à Saint- Etienne. Il nous a semblé pertinent de proposer aux commanditaires une approche de la précarité sous un angle managérial, en accord avec nos futures fonctions au sein 1) Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, « La précarité dans la fonction publique territoriale », mars 2011.
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des collectivités territoriales. Nous souhaitions au terme de notre étude pouvoir proposer des outils opérationnels mobilisables par les cadres territoriaux confrontés à des situations de précarité. Il s’agit dès lors de soulever des questions qui président directement au développement d’une action locale efficace : Quelle responsabilité des employeurs publics ? Quel périmètre d’intervention ? Quels axes prioritaires d’action ? Nos préconisations visent ainsi à se rapprocher de ce que pourrait être un guide pratique à l’usage des acteurs territoriaux. Cette étude a de fait été réalisée dans une optique qualitative et non quantitative. Elle doit donc être appréhendée avec les précautions nécessaires. Il ne s’agit pas d’une étude statistique permettant de tirer des conclusions générales et définitives sur la façon dont les agents territoriaux sont touchés par la précarité ou la façon dont il est nécessaire d’y répondre. Il est ici plutôt question d’une approche empirique, ayant vocation à faire émerger des éléments saillants dans la façon dont la précarité est aujourd’hui appréhendée et traitée par les collectivités territoriales dans leur rôle d’employeur. Cette étude a été réalisée entre décembre 2010 et avril 2011. La méthode mise en œuvre avait pour objectifs de mettre en lumière la manière dont les dirigeants territoriaux appréhendent aujourd’hui la précarité et les questionnements qu’elle pose, d’identifier des leviers d’action, les principales difficultés et des bonnes pratiques. Nous avons donc constitué un panel de 20 collectivités selon les principes suivants : exhaustivité des échelons, diversité des strates2, variété et complémentarité des territoires étudiés. Ainsi, 4 conseils régionaux, 5 conseils généraux, 2 communautés urbaines, 7 villes, dont 3 de plus de 80 000 habitants et 4 de 20 000 à 50 000 habitants, 1 centre de gestion, 1 collectivité d’outre-mer ont participé à cette étude. Afin de favoriser la diversité des points de vue et de couvrir la totalité de la chaîne d’acteurs concernés par cette question, nous avons à chaque fois sollicité des entretiens avec la direction des ressources humaines et la direction générale, les personnels de terrain et les élus. Malheureusement, il n’a pas systématiquement été possible de rencontrer chacun de ces acteurs. En particulier, réaliser des entretiens avec des élus en charge des ressources humaines s’est avéré difficile. Sur les 20 collectivités, seules 3 entretiens avec des élus ont été réalisés. Ceci peut résulter de difficultés d’emploi du temps, mais pourrait également témoigner d’une faible appropriation du sujet par les élus. La démarche adoptée nous a permis d’obtenir une photographie de l’état de la question : les entretiens réalisés font ressortir des points saillants, des éléments spécifiques à certaines collectivités et des éléments d’interprétation générale significatifs. Ils permettent donc d’interroger les potentialités d’action des dirigeants territoriaux en la matière. Le constat général est celui d’un engagement très disparate des collectivités en matière de lutte contre la précarité de leurs agents. Ceci semble résulter de difficultés 2) De 20 000 à plusieurs millions d’habitants.
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de positionnement par rapport à la notion. Confrontées à une définition complexe et à la question des limites de leur responsabilité en tant qu’employeur public, elles peinent à inscrire leurs actions dans une stratégie globale et structurée de lutte contre la précarité. Celle-ci est en effet une notion relativement floue. Proposée en 1987 par Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, la définition la plus communément admise – citée récemment par le CSFPT dans son rapport sur la précarité dans la fonction publique territoriale- souligne le fait qu’il s’agit non pas d’un état, mais d’un processus lié à une situation d’insécurité multifactorielle : « La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible ». Cependant, afin d’analyser la façon dont cette notion est aujourd’hui appréhendée dans les collectivités, nous avons pris le parti de ne pas nous imposer une définition pour décrire et analyser la diversité des situations rencontrées dans les collectivités. Adopter en premier lieu une approche la plus large possible nous a en effet semblé nécessaire afin d’englober toutes les interprétations possibles de cette notion par les collectivités. Tout comme le CSFPT dans son récent rapport, nous avons par ailleurs préféré nous extraire d’une approche par public – souvent privilégiée concernant la précarité des agents publics à travers la dichotomie contractuels / titulaires – pour favoriser une approche situationnelle, recouvrant aussi bien la précarité de l’emploi que la précarité financière, les problèmes de santé ou encore le mal-être au travail. Dans une perspective opérationnelle, nous proposons toutefois en fin d’étude une définition structurante de la précarité comme catégorie d’action pour les dirigeants territoriaux. Ce rapport est ainsi organisé en trois parties. Il livre d’abord le constat d’une difficulté de positionnement sur le sujet malgré des enjeux importants dans les collectivités : la précarité y est rarement identifiée en tant que telle comme un axe structurant d’action dans le domaine des ressources humaines. Sont ensuite détaillées les actions entreprises par les collectivités rencontrées ; nombreuses et diverses, ces actions sont sous-tendues par une approche singulière et non consensuelle des situations de précarité. A partir de ces observations du terrain, des préconisations opérationnelles visent à fournir aux cadres territoriaux à la fois des clés de lecture et des outils pour mettre en œuvre une action locale de lutte contre la précarité des agents publics.
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I. La précarité dans la fonction publique territoriale : une réalité multidimensionnelle difficile à appréhender pour les employeurs locaux A. La précarité dans la fonction publique territoriale : une réalité multidimensionnelle Les entretiens réalisés ont mis en évidence la multiplicité des facettes de la précarité vécue par les agents territoriaux. La conduite de l’action publique peut générer des formes de précarité liées essentiellement à l’emploi. Mais les employeurs locaux peuvent également être confrontés à des situations de précarité importées de la sphère privée, mettant leurs agents en difficulté alors même que les causalités leur échappent.
1. La conduite de l’action publique par les collectivités territoriales est génératrice de précarité pour les agents La demande sociale des usagers a tendance à évoluer rapidement. Le service public local reposant avant tout sur le contact direct entre les usagers et les agents territoriaux, ces derniers doivent faire preuve de beaucoup de souplesse pour répondre aux besoins de la population. Les « lois de Rolland » - continuité, mutabilité et égalité – qui régissent le service public, sont potentiellement génératrices de précarité pour les agents. En effet, des principes de continuité et de mutabilité du service public découlent très logiquement une gestion des ressources humaines sujette à de nombreux changements. Les agents publics, dont on envie communément les avantages liés au statut de la fonction publique, doivent donc faire preuve d’une réelle flexibilité. En effet, et contrairement aux idées reçues, le statut de la fonction publique territoriale laisse une grande liberté aux employeurs locaux pour organiser le travail de leurs agents, puisque ceux-ci ne sont pas titulaires de leur emploi, et encore moins des conditions de travail afférentes à l’emploi qu’ils occupent, mais seulement de leur grade. Un employeur local a donc de réelles marges de manœuvre pour déterminer et modifier les conditions de travail quotidiennes de ses agents. De plus, il peut proposer des conditions statutaires très variées, en fonction du besoin de service public auquel il faut répondre (besoin permanent ou occasionnel, poste à temps complet ou non…). Les entretiens menés ont ainsi mis en évidence l’idée que cette souplesse nécessaire à la gestion des services publics locaux peut induire des situations de précarité. a. Le recours aux contrats à durée déterminée Dans de très nombreuses situations, la collectivité aura besoin de recourir à des agents en contrat à durée déterminée qui ne bénéficient pas d’une situation professionnelle stable.
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Ainsi, lorsqu’un agent titulaire est absent, la collectivité aura souvent besoin de le remplacer pour assurer la continuité du service offert aux usagers. Il n’est par exemple pas envisageable de fermer une cantine scolaire ou de ne pas délivrer des actes d’état civil parce qu’un agent est absent, quelle qu’en soit la raison. De la même manière, l’activité des services publics locaux n’est pas nécessairement linéaire toute l’année. Certaines activités sont saisonnières et seront notamment rythmées par les vacances scolaires (ex : écoles, centres de loisirs), le climat (ex : déneigement, espaces verts), le tourisme (ex : camping, surveillance des plages). Par ailleurs, certains projets peuvent nécessiter des compétences spécifiques de manière uniquement temporaire (ex : construction d’un tramway) ou à titre d’expérimentation. Enfin, la collectivité aura besoin de recruter un contractuel lorsqu’elle ne parvient pas à recruter un agent titulaire, soit parce qu’aucun fonctionnaire titulaire correspondant au profil ne s’est porté candidat, soit parce que le statut ne prévoit pas de cadre d’emplois correspondant au poste recherché. Ce dernier cas a quasiment disparu, au fur et à mesure que le statut de la fonction publique territoriale s’enrichissait de nouvelles filières. Pour tous les cas précédemment mentionnés, le statut de la fonction publique territoriale prévoit que les collectivités peuvent recruter des agents non titulaires. L’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 fixe en effet la liste exhaustive des situations dans lesquelles une collectivité pourra faire appel à des contractuels. Ce même article fixe également les limites de durée, adaptées à chaque situation. Le statut laisse ainsi aux employeurs publics des marges proportionnées afin de faire face aux besoins de recours aux non titulaires. De plus, au-delà des obligations auxquelles ils sont soumis, souvent extrêmement proches de celles qui incombent aux agents titulaires, les agents non titulaires bénéficient, grâce au décret du 15 février 1988, d’un ensemble de droits qui les protègent (rémunération, congés, fin de contrat…). Ainsi, le statut, s’il permet de recourir aux non-titulaires, fixe un corpus de règles, qui sans avoir toujours été clair, offre néanmoins des garanties. Une collectivité doit en effet pouvoir remplacer un agent titulaire malade le temps de son congé maladie, mais elle ne peut en revanche pas recruter un agent non titulaire sur un poste permanent parce que cela lui agréerait, à moins bien sûr qu’elle n’ait pu trouver d’agent titulaire. Si le statut était appliqué avec rigueur, les collectivités continueraient à recruter des agents non titulaires, mais dans des situations bien identifiées et encadrées. Or, la réalité est parfois différente. Ainsi, certaines collectivités recourent massivement au recrutement d’agents contractuels. Le rapport du CSFPT précité donne ainsi l’exemple d’une collectivité d’outre-mer, où 25 % seulement des agents des collectivités sont titulaires. De la même manière, les bilans sociaux de certaines collectivités métropolitaines font apparaître un nombre particulièrement élevé d’agents non titulaires (parfois bien au-delà de 25 %).
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Le contrat, une facilité de gestion dont certaines collectivités abusent
Certains Directeurs Généraux des Services et Directeurs des Ressources Humaines ont exprimé leur souhait de garder une certaine souplesse dans la gestion des ressources humaines. En effet, le statut de la fonction publique est souvent perçu comme rigide, très protecteur des agents, et finalement inadapté pour les missions de service public à remplir. Un Directeur des Ressources Humaines a indiqué que sa collectivité recrutait l’essentiel des agents de catégorie C d’abord en CDD, y compris pour occuper des postes permanents. L’idée est de pouvoir « tester » un agent avant de le stagiairiser. Pourtant, le statut de la fonction publique prévoit justement que la période de stage, en général d’une durée d’un an, doit servir à vérifier l’adéquation entre le candidat et le poste sur lequel il a été recruté. De la même manière, des situations extrêmes, où des agents ont enchaîné un nombre très important de CDD, sont parfois dénoncées. Certains services, comme l’animation ou les cantines, donnent particulièrement lieu au recrutement de non titulaires (à temps non complet le plus souvent) sur des fonctions qui sont pourtant permanentes. Les notions d’emploi permanent et de besoin non permanent (saisonnier ou temporaire) semblent alors être poreuses.
Dans un souci de simplification administrative, le contrôle de légalité a progressivement été allégé sur les actes de ressources humaines. Aujourd’hui, les actes concernant les non titulaires transmis sont les contrats ou arrêtés de recrutement sur emplois permanents et les arrêtés de licenciement. Les recrutements sur des emplois occasionnels et saisonniers ne sont donc plus soumis au contrôle des services de l’Etat. Dans tous les cas, les consignes données aux services du contrôle de légalité mettent l’accent sur d’autres domaines (commande publique, urbanisme…) mais pas sur les ressources humaines. Certaines collectivités utilisent ainsi aujourd’hui ces failles pour recourir à des agents non titulaires dans des cas qui ne correspondent pas à l’esprit, sinon à la lettre, du statut. Le résultat est une précarité forte pour ces agents qui vont enchaîner des contrats à durée déterminée sans visibilité sur leur avenir professionnel. De plus, ces situations touchent très majoritairement des agents qui occupent des fonctions de catégorie C, avec les salaires les plus faibles.
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Des situations à la frontière de la précarité Les agents recrutés en CDI de droit public : Les collectivités interrogées pour réaliser cette étude ne considèrent pas que les agents en CDI puissent être considérés comme précaires. En effet, ces agents bénéficient par définition d’un emploi stable et sont le plus souvent des cadres bien rémunérés. Il est néanmoins possible de considérer que ces agents en CDI subissent une fragilité en raison de leur impossibilité à retrouver un CDI en collectivité territoriale en cas de rupture de leur contrat, quelle qu’en soit la raison. Pourtant, cette impossibilité de se faire à nouveau recruter en CDI est logique, puisqu’il s’agit d’un mode de recrutement dérogatoire, qui n’a donc pas vocation à donner lieu à un déroulement de carrière, au sien de la même collectivité ou entre collectivités. Se pose alors la question de la pertinence d’offrir des CDI à des agents à qui il est aujourd’hui impossible de proposer des déroulements de carrière. Les emplois fonctionnels et les collaborateurs de cabinet : Les emplois de direction générale sont généralement occupés par des agents titulaires de la fonction publique. Néanmoins, les collectivités de plus de 80 000 habitants peuvent librement pourvoir ces postes par des agents contractuels. Pour leur part, les emplois de cabinet sont le plus souvent occupés par des contractuels, mais ils peuvent également être pourvus par des agents titulaires. Il est possible pour l’employeur de mettre fin assez rapidement aux fonctions de ces agents, ce qui pourrait être envisagé comme une certaine précarité. Néanmoins, aucune des personnes interrogées (certaines d’entre elles occupant pourtant un emploi fonctionnel…) n’a spontanément cité les emplois fonctionnels et les emplois de cabinet comme des emplois précaires. En effet, les collectivités estiment globalement que cette situation est proportionnée aux responsabilités assumées, et trouve une contrepartie tant dans les conditions de travail (conditions salariales notamment) que dans les perspectives professionnelles en cas de fin de fonction. Elle n’est donc pas perçue comme injuste et comme devant être corrigée.
b. Le recours aux temps non complets Les collectivités peuvent avoir besoin de recruter des agents à temps non complet dans des situations assez diversifiées. Au-delà des très petites communes, les collectivités de taille moyenne et grande font également appel aux agents à temps non complet dans des situations diverses. Quelques exemples peuvent être soulignés : • Les assistants, assistants spécialisés et professeurs d’enseignement artistique sont souvent recrutés à temps non complet, au moins dans les collectivités de taille moyenne, car les besoins dans certains domaines (disciplines musicales peu demandées…) ne permettent pas de proposer un emploi à plein temps. • Les agents d’animation des centres de loisirs communaux peuvent également être recrutés à temps non complet si les structures d’accueil des enfants ne fonctionnent que le mercredi, le samedi et durant les vacances scolaires. • Même les Conseils généraux, qui emploient souvent plusieurs milliers d’agents publics, peuvent recruter à temps non complet sur certains métiers (médecins, psychologues…), notamment lorsque les services sont territorialisés. La loi du 26 janvier 1984 prévoit, dans ses articles 104 à 108, la possibilité du recours aux agents à temps non complet. Le décret 91-298 du 20 mars 1991 vient
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compléter cette loi. Il indique de façon précise dans quels cas les collectivités peuvent avoir recours aux temps non complet. L’article 4 prévoit ainsi que des emplois permanents à temps non complet sont susceptibles d’être créés dans les collectivités et établissements publics suivants : • Communes dont la population n’excède pas 5 000 habitants et leurs établissements publics ; • Centres communaux et intercommunaux d’action sociale, syndicats intercommunaux, districts, syndicats et communautés d’agglomérations nouvelles regroupant des communes dont la population cumulée n’excède pas 5 000 habitants ; • Offices publics d’habitations à loyer modéré dont le nombre de logements n’excède pas 800 ; • Centres de gestion départementaux. L’article 5 fixe les cadres d’emplois concernés : professeurs d’enseignement artistique, secrétaires de mairie, assistants spécialisés d’enseignement artistique, assistants d’enseignement artistique, adjoints administratifs territoriaux, agents qualifiés du patrimoine, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, agents sociaux territoriaux, auxiliaires de puériculture et auxiliaires de soins territoriaux, agents administratifs territoriaux, agents techniques territoriaux, conducteurs territoriaux, agents d’entretien territoriaux, agents de salubrité territoriaux, agents du patrimoine. Le nombre d’emplois à temps non complet créés dans un grade pour l’exercice des fonctions relevant d’un cadre d’emplois ne peut être supérieur à cinq. Enfin, l’article 5-1 prévoit que les communes, départements, syndicats intercommunaux, districts, syndicats et communautés d’agglomération nouvelles, communautés de communes et communautés de villes peuvent, nonobstant les dispositions de l’article 4 du décret, créer des emplois à temps non complet pour l’exercice des fonctions relevant des cadres d’emplois suivants : professeurs d’enseignement artistique, assistants spécialisés d’enseignement artistique, assistants d’enseignement artistique, agents qualifiés du patrimoine et agents du patrimoine. Ces mêmes collectivités et établissements ainsi que les centres communaux et intercommunaux d’action sociale et offices publics d’habitations à loyer modéré peuvent créer des emplois à temps non complet pour l’exercice des fonctions relevant du cadre d’emplois des agents d’entretien, des agents spécialisés des écoles maternelles, des agents sociaux et des auxiliaires de soins. Le nombre d’emplois à temps non complet créés pour l’exercice des fonctions relevant d’un cadre d’emplois ne peut être supérieur à l’effectif budgétaire des emplois à temps complet si cet effectif est supérieur ou égal à cinq. Si cet effectif est inférieur à cinq, le nombre des emplois à temps non complet créés pour l’exercice des fonctions de ce cadre d’emplois ne peut excéder cinq. Ces dispositions laissent donc une grande souplesse aux collectivités, y compris aux plus grandes, pour créer à des emplois à temps non complet afin de répondre aux contraintes du service public. Si cette liberté laissée aux employeurs territoriaux peut
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sembler logique, elle entraîne néanmoins une précarité importante pour les agents concernés. En effet, s’ils sont fonctionnaires et à ce titre bénéficient donc d’une certaine stabilité de l’emploi, ils perçoivent par contre une rémunération faible, souvent inférieure au SMIC, qui les rend plus fragiles. Ces emplois à temps non complet sont très rarement choisis. Au contraire du temps partiel, qui dans le cadre du statut de la fonction publique est nécessairement à la demande de l’agent, le travail à temps non complet est imposé par l’employeur. Il est utilement prévu la possibilité de compléter son emploi à temps non complet par d’autres activités. Les psychologues et surtout les médecins y parviennent facilement, et c’est en fait souvent l’activité en collectivité qui est un complément d’une activité libérale. Au contraire, il est plus difficile pour les agents des catégories B et C de compléter leur activité, et donc leur salaire. Enfin, des employeurs interrogés ont soulevé une difficulté supplémentaire pour certains agents. Ils peuvent en effet cumuler deux sources de précarité : le fait de travailler en contrat à durée déterminée et à temps non complet. Cette situation se retrouve souvent en cas de remplacement (par exemple dans les écoles ou sur les postes d’agents d’entretien) ou sur des fonctions comme l’animation. Le plus souvent, il s’agit alors d’agents de catégorie C, avec des salaires faibles. c. Le recours aux emplois aidés Les emplois aidés sont un cas spécifique, mais qui correspond bien à ce phénomène de double précarité : il s’agit par définition d’emplois à durée déterminée, et le plus souvent à temps non complet. Dans le cadre fixé par le gouvernement, cadre qui peut être très variable d’une année à l’autre en fonction de la situation de l’emploi et des options politiques prises, les collectivités peuvent décider de créer des emplois aidés, c’est-à-dire financés par l’Etat qui rembourse une partie substantielle du coût aux collectivités (parfois plus de 80 %). Dans le cadre d’une politique de traitement social du chômage, l’Etat encourage les collectivités à profiter de cette opportunité, et certaines collectivités peuvent décider, notamment dans un souci d’économie, de recourir massivement à ces emplois pour répondre à des besoins permanents. Il peut sembler paradoxal que des emplois à vocation « sociale » engendrent de la précarité. C’est en fait peut-être parce que l’objectif initial de ces emplois, qui n’était ni de proposer des « occupations » aux chômeurs, ni d’apporter une aide financière indirecte aux collectivités territoriales, a été progressivement oublié. Ces emplois devraient en effet avoir une vocation d’insertion avant tout : proposer une expérience professionnelle à des personnes éloignées de l’emploi. Cette expérience professionnelle doit être complétée par des formations adaptées, et c’est ce principe de la formation
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obligatoire, souvent sous la responsabilité de Pôle Emploi, qui a toujours justifié le fait que les emplois aidés soient proposés à temps non complet. Il est en effet nécessaire de libérer du temps pour que ces personnes puissent se former, en parallèle de l’expérience professionnelle qu’elles acquièrent. d. Les bas salaires Au-delà de ces situations statutaires particulières (contrat à durée déterminée, temps non complet), certains agents qui sont pourtant fonctionnaires titulaires et à temps complet peuvent se retrouver dans des situations de précarité directement liées au niveau de leur salaire. En effet, et contrairement à la fonction publique d’Etat et à la fonction publique hospitalière, la fonction publique territoriale se caractérise par une très forte proportion d’agents de catégorie C. Cela a toujours été vrai dans les communes, où ils représentent souvent plus de 80 % des effectifs, mais c’est également de plus en plus vrai dans les conseils généraux et régionaux, avec les transferts de personnel de l’Etat après 2004. Ces agents percevant un traitement modeste paraissent particulièrement vulnérables aux accidents de la vie, qui peuvent rapidement les faire basculer dans des situations de précarité. Les travailleurs pauvres dans la fonction publique territoriale
Les Directeurs des Ressources Humaines et les travailleurs sociaux rencontrés ont clairement indiqué que même si elle reste faible, la part des agents rencontrant des problèmes financiers progresse, avec des situations individuelles qui peuvent être extrêmement dégradées. En effet, un agent de catégorie C qui débute sa carrière va percevoir un traitement indiciaire égal au SMIC, et ce durant plusieurs années, compte-tenu du « tassement » des grilles indiciaires des premières échelles de rémunération dû à des hausses du SMIC plus rapides que celles de la valeur du point d’indice. Pour le DGA Ressources d’un Conseil régional, « on n’a plus le sentiment aujourd’hui lorsqu’on parle de la catégorie C de parler d’une catégorie privilégiée. Ils connaissent l’envolée du prix des loyers et la stagnation de leur pouvoir d’achat ». Le ralentissement de la progression de la valeur du point d’indice conjugué à un manque de perspectives de carrières, positionne clairement les agents de catégorie C en situation de fragilité financière.
e. Les conditions de travail génératrices de précarité Au-delà même de la précarité liée au statut, certains agents peuvent se retrouver dans une situation difficile suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Le management quotidien au sein des collectivités peut également entraîner certaines formes de précarités, personnelles et psychologiques. Si le statut de la fonction publique apporte une protection statutaire et financière très convenable en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, il n’est par contre pas un outil d’accompagnement de l’agent, lorsque celui-ci devra, le cas échéant, envisager un changement de poste, voire une réorientation professionnelle complète. Or, ces situations sont finalement assez fréquentes, et notamment encore
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une fois dans le cas d’agents de catégorie C qui exercent des métiers avec une usure physique particulière (exemples : troubles musculo-squelettiques des professionnels de la petite enfance, de l’entretien ou de certains métiers du bâtiment) ou qui présentent des risques d’accident grave plus importants. Cette question du reclassement des agents à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est souvent citée par les professionnels rencontrés juste après la précarité des CDD et des temps non complet. En effet, certains agents ne parviennent pas à rebondir professionnellement, soit par manque d’accompagnement de leur collectivité soit parce que le cheminement psychologique à parcourir est trop difficile. Ils peuvent alors se retrouver dans des situations de détresse psychologique forte. Cette situation peut aboutir à une précarité statutaire et financière. Le corps médical peut ainsi considérer que l’agent est apte à retravailler, mais sur d’autres fonctions : il faut alors que la collectivité lui propose un autre poste, et que l’agent l’accepte. Dans le cas contraire, il ne sera plus nécessairement considéré en accident du travail, et s’exposera donc à des pertes de salaires importantes (demi-traitement, perte du régime indemnitaire…). Par ailleurs, les employeurs publics font le constat, dans les entretiens conduits, de la mise sur agenda de plus en plus fréquente des questions de stress, de malêtre et de souffrance psychologique. Les agents, par l’intermédiaire des représentants syndicaux, mais aussi les professionnels comme les médecins de prévention ou les travailleurs sociaux du personnel, font en effet remonter depuis peu, mais de façon exponentielle, ces inquiétudes. Les raisons sont multiples, et les manifestations protéiformes, ce qui ne facilite pas l’objectivation de tels phénomènes. Néanmoins, les personnes interrogées partagent l’essentiel du diagnostic, à savoir le fait que l’évolution rapide des organisations ne s’accompagne pas suffisamment d’un management en capacité d’accompagner ces changements. De plus, il est souvent relevé que les agents, déjà fragilisés sur le plan personnel, ont tendance à être moins prêts à accepter les contraintes issues de ces évolutions du service public. Par exemple, l’extension des horaires d’ouverture de certains services (bibliothèques, structures d’accueil petite enfance…) demande une forte capacité d’adaptation (travail les soirs voire le dimanche) ce qui peut fragiliser certains agents. De telles situations, permises par le fait que les agents publics ne sont pas titulaires de leur emploi mais seulement de leur grade, peuvent créer de la précarité psychologique.
2. Les collectivités sont également confrontées à des situations de précarité importées de la sphère privée Certes, de nouvelles formes d’emploi sont apparues dans la fonction publique territoriale, notamment pour répondre aux besoins nouveaux de la société, et ont rendu précaire l’intégration dans l’emploi de certains agents. Cependant, la précarité des agents publics territoriaux ne s’arrête pas aux frontières de la précarité induite par la conduite de l’action publique.
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Les entretiens réalisés montrent que les collectivités territoriales ne sont pas imperméables aux évolutions de la société et chacune d’entre elles fait face à des phénomènes de précarité identifiables dans la société française en général. Les agents publics territoriaux, qui œuvrent pour assurer un service public de proximité et de qualité, sont autant de personnes différentes, avec leur histoire et leurs fragilités. Les situations de précarité qu’ils peuvent connaître du fait d’événements extérieurs à la collectivité tendent, dans ce cas, à se rapprocher de celles rencontrées dans le secteur privé. Nous proposons ici de revenir sur les situations ayant été énoncées au cours des entretiens menées avec les 20 collectivités interrogées. Les types de situations relatées n’ont pas vocation à refléter de manière exhaustive l’ensemble des situations de précarité pouvant exister. A ce stade, nous ne jugeons pas non plus de la pertinence de considérer une situation donnée comme une situation de précarité. Nous proposons de présenter les cas évoqués en trois temps : la précarité financière, la précarité sociale, et la précarité sanitaire3. a. Les situations de précarité financière Identifiée par le CSFPT comme l’une des trois grandes catégories de précarité (avec la précarité statutaire et la précarité des droits), la précarité financière est l’une des plus évidentes. Elle n’en est pas moins complexe à appréhender parce que multiforme et surtout multifactorielle : bas salaires, mauvaise gestion, trop grande confiance des banques, accident de vie… >>Une mauvaise gestion du budget source de précarité financière Même en bénéficiant d’une rémunération décente, certains agents publics territoriaux se retrouvent avec un reste à vivre insuffisant du fait d’une mauvaise gestion de leur budget. C’est le constat fait par quatre des collectivités rencontrées. A l’image de la société française, les assistants sociaux constatent le caractère excessif de certains postes de dépenses rapportés aux revenus des agents concernés. Certains besoins secondaires revêtent aujourd’hui une importance sociale telle qu’ils peuvent passer avant la satisfaction de certains besoins primaires, ou engager les ménages dans une multiplicité de prêts à la consommation. Un assistant social s’est dit « effrayé par les factures téléphoniques de certains agents », en citant l’exemple d’une famille de 3 personnes dépensant tous les mois 150 E en télécommunications. Par ailleurs, les difficultés de gestion du budget amenant à une situation de précarité financière peuvent également être dues à la variabilité de la rémunération des agents : il en est ainsi d’agents de catégorie C bénéficiant lors de périodes exceptionnelles, de primes ou d’heures supplémentaires pouvant doubler leur rémunération mensuelle (exemple : viabilité hivernale). Les agents anticipent alors, d’une année ou d’un mois sur l’autre, ce bonus financier et leur logique de consommation s’aligne 3) Cette dichotomie n’est proposée qu’à des fins de pédagogie : elle ne reflète que de manière très imparfaite la complexité de la précarité dont le propre est de se développer à partir d’une conjonction de facteurs.
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sur ces hausses ponctuelles de revenus. Or ce revenu complémentaire peut baisser, être supprimé (sur décision de la collectivité ou en cas de changement de poste) ou ne pas leur être versé du fait d’un problème de santé. De plus, peu ou pas informés, les agents n’ont pas le réflexe systématique de prendre en compte cette hausse de revenus dans le calcul de leur imposition. >>Le surendettement Marque de la porosité de la fonction publique territoriale aux maux de la société française, le surendettement a été largement cité tout au cours de nos entretiens. Eclairage : le surendettement dans la société française
Le nombre de dossiers soumis aux commissions de surendettement de la Banque de France connaît une forte augmentation : d’une moyenne de 70 000 dossiers déposés annuellement entre 1991 et 1995 à une moyenne de 185 000 entre 2004 et 2008. En 2009, le cap des 200 000 dossiers a été franchi et 218 102 dossiers ont été traités en 2010. 30 % des surendettés ont des ressources supérieures à 1500 E par mois. Certains dossiers de surendettement comprennent jusqu’à 40 crédits. Si jusqu’à présent, le surendettement des particuliers touchait en majorité les 35-54 ans, il s’étend de plus en plus aux jeunes de 20 ans et plus et aux personnes âgées. Sources : Cour des comptes, rapport public annuel 2010 et statistiques mensuelles de la Banque de France.
On considère qu’il y a surendettement lorsque la dette d’un agent atteint 30 % des revenus annuels disponibles et le rend incapablede faire face à l’ensemble de ses charges. Comme le souligne l’INSEE, le surendettement « est à la fois cause et conséquence de situations sociales difficiles comme l’exclusion ou les ruptures du lien familial [et] d’autres difficultés sont directement ou indirectement liés au surendettement : la santé, le logement ou la scolarité des enfants ». Du fait de leur qualité de fonctionnaire, les agents titulaires peuvent être victimes d’un certain laxisme des banques et autres organismes de crédit à leur égard qui n’hésitent pas à leur accorder des prêts élevés leur laissant un très faible reste à vivre. Ces organismes associent en effet la qualité de fonctionnaire à l’existence d’un salaire stable et à la sécurité de l’emploi. Les mêmes phénomènes se retrouvent également pour les contrats d’assurance. Georges Gloukoviezoff, doctorant en économie à l’université Lyon 2
« Le développement du surendettement est lié à celui de la précarité professionnelle et familiale », mais également à « la monétarisation des rapports sociaux (la garde payante des enfants, etc.) et la bancarisation de la population (99 % des foyers ont un compte) avec leur corollaire, la banalisation du crédit. Le problème, c’est que la relation commerciale n’est pas équilibrée, la plupart des clients n’ayant pas les compétences pour évaluer une offre de crédit complexe à décrypter. Surtout que le conseil est réduit à sa plus simple expression, [...] »
>>Un niveau de vie déstabilisé par la survenue d’imprévus financiers Trois des collectivités rencontrées ont souligné que même à temps complet, les agents publics territoriaux pouvaient appartenir à la catégorie des « travailleurs pauvres. La précarité des travailleurs du privé est alors identique à celle de ces agents.
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Ces agents publics territoriaux n’arrivent pas à supporter à moyen terme une situation financière à flux tendu du fait de l’envolée du prix des loyers, de l’électricité et du chauffage et la stagnation de leur pouvoir d’achat. Ces agents peuvent alors se retrouver dans une situation problématique au moindre imprévu financier (panne de machine à laver, réparation de voiture, lunettes de vue cassées…). Dans une ville interrogée dans le cadre de cette étude, sur l’année 2009, les difficultés de gestion et frais imprévus (double loyer, caution, réparation de voiture) ont représenté plus de la moitié des motifs des interventions du service social. >>Un défaut d’assurance Les collectivités rencontrées ont également insisté sur les situations de précarité financière provoquées par un défaut d’assurance : absence de couverture prévoyance, absence ou défaillance de la complémentaire santé (en cas de complémentaire « low cost »). En effet, en cas de congé maladie de plus de 90 jours et en l’absence de couverture prévoyance (garantie maintien de salaire), l’agent ne perçoit plus qu’un demi-traitement. En cas de maladie grave, un défaut de complémentaire santé peut également s’avérer problématique, de même si la complémentaire santé choisie pour son faible coût n’offre qu’une protection très basique. Or, les directions des ressources humaines de plusieurs collectivités interrogées ont constaté (par une analyse des fiches de paie notamment) qu’une proportion grandissante de leurs agents avait cessé de s’affilier à des mutuelles pour une complémentaire santé. Un Conseil général a mené une enquête sur la protection sociale de ses agents avec un taux de réponse de 46 %. 80 % des personnes ayant répondu ont déclaré avoir une complémentaire santé. Seuls 35 % étaient dotés d’un contrat de prévoyance.
>>Des foyers fragilisés par la situation économique du conjoint Un agent public territorial bénéficiant d’une rémunération correcte pourra également se retrouver en précarité du fait de la situation économique du conjoint. Par exemple, quelques collectivités ont pu sentir après coup les effets de la crise économique sur les agents publics territoriaux par ricochet avec l’entrée au chômage de leur conjoint travaillant dans le privé. Le départ en retraite du conjoint peut également être un facteur de précarisation si cette retraite est peu élevée.
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La précarité importée dans les collectivités territoriales : quelle évolution ?
La comparaison des 20 collectivités du panel n’a pas permis de dégager une évolution marquée et générale de la précarité des agents publics territoriaux, malgré la survenue de la crise économique de 2008-2009. L’absence de statistiques formelles sur le sujet peut expliquer les doutes des collectivités dans leur réponse sur cette question. Interrogé sur l’évolution de la précarité importée des agents (dans ses bénéficiaires, dans son ampleur) au sein de sa collectivité, un assistant social nous a confié ne pas avoir remarqué d’évolutions quantitatives notables. Inversement, le département social d’une communauté urbaine constate une hausse du nombre d’entretiens réalisés par les assistants sociaux de 16 % entre 2007 et 2009, ainsi qu’une augmentation des demandes de logements de 30 % sur la même période. Cependant, le nombre de logements attribués est stable. La DRH a interprété ces statistiques comme le signe d’un renforcement de la précarité financière et sociale, ce qui l’a conduite à proposer de nouveaux outils de lutte contre la précarité en 2011.
b. Les situations de précarité sociale >>Une situation familiale précaire constitue une des principales causes de précarité importée Les agents peuvent entrer en situation de précarité à la suite d’un événement de rupture familiale (séparation, divorce mais aussi décès). Ce lien de causalité est mis en évidence dans des études récentes portant sur l’ensemble de la société, y compris en dehors du territoire français4. Ces événements de rupture peuvent engendrer en premier lieu une situation de précarité financière du fait d’une perte significative de revenus. L’équilibre du budget de l’agent public est en effet modifié : il doit parfois payer une pension alimentaire importante, ou il est contrait d’assumer seul des charges élevées (enfants à charge, remboursement d’emprunts…). En outre, une rupture crée également une situation de précarité sociale et affective. L’agent public peut être confronté à l’appauvrissement du lien avec son/ses enfants, une déstabilisation psychologique, une perte d’identité, une difficile reconstruction sociale et affective, l’affaiblissement de ses réseaux de solidarité. L’isolement et la présence d’enfants à charge sont également identifiés comme source d’une certaine précarité. Les familles monoparentales – qui sont 2,5 fois plus nombreuses qu’en 1968 et représentent désormais 20 % des familles françaises5 – ont quasiment systématiquement été citées lors de nos entretiens comme les principaux sujets de précarité financière chez les agents publics territoriaux. >>Le « mal-logement », une composante de la précarité sociale de certains agents publics territoriaux Le « mal-logement » ou l’absence de logement reviennent souvent comme cas de précarité sociale (ou financière) au cours des entretiens menés. 4) Notamment Collectif, Divorce et précarités, Editions Labor, Belgique, 2006 5) Source : Insee Première N° 1195, juin 2008
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Il existe aujourd’hui, même pour les agents publics territoriaux, une vraie difficulté à accéder ou garder un logement. De manière générale, dans l’ensemble de la société française, les tensions sur le parc de logements privés ou publics à vocation sociale sont patentes. Leur statut de fonctionnaire ne facilite pas nécessairement l’accès au logement et les agents sont ainsi parfois contraints de recourir à des formes d’habitat non ordinaires (logement insalubre, exigus, recours à l’hébergement chez des tiers, chez la famille…). C’est bien sûr la précarité économique qui joue sur cette question : les ménages pauvres peinent du fait de leurs ressources limitées à trouver à se loger. De plus, le problème du logement peut toucher à la capacité de survie même de l’individu. Il s’agit alors de cas extrêmes et heureusement rares tels des agents n’ayant plus de logement. Le directeur des ressources humaines d’un Conseil général souligne que « l’arrivée des TOS dans notre collectivité nous a fait découvrir des situations auxquelles nous n’étions pas habitués, en particulier des agents dormant dans leurs voitures ». Ces cas extrêmes montrent qu’il existe encore une gêne, pour certains agents confrontés à des situations de précarités extrêmes, à demander de l’aide à leur collectivité employeur. >>L’illettrisme, source de précarité L’illettrisme – situation où, malgré un passage par l’institution scolaire, l’agent est en difficulté pour lire, écrire ou compter de manière élémentaire – a été considéré lors de quelques entretiens comme une situation de précarité. L’INSEE déclare que 10 % de la population adulte sont en situation difficile par rapport à la lecture et l’écriture. En effet, l’illettrisme handicape les agents qui le vivent dans tous les actes de leur vie quotidienne : déplacements extérieurs, achat des courses, gestion de l’argent… C’est également une source d’handicap professionnel : l’illettrisme exclut souvent les agents territoriaux de la possibilité de promotion et peut poser des problèmes de sécurité au travail. Les acteurs interrogés ont fait part de leurs difficultés à déceler cet illettrisme chez les agents de leur collectivité du fait d’existence de stratégies de dissimulation. L’illettrisme reste un mal secret que les agents redoutent d’avoir à révéler. c. Les situations de précarité sanitaire >>La maladie ou la fragilité psychologique, vecteurs de fragilité Quelques collectivités ont spontanément cité les états de santé physique ou mentale des individus comme des sources de précarité. Elles visaient notamment les états psychologiques fragiles (états dépressifs, sensibilité accrue au stress). La précarité qui touche les agents victimes d’usure professionnelle, exposée plus haut, se pose avec plus d’acuité encore pour les agents dont le handicap ou la maladie ne sont pas dû à leur travail.
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D’une part, ils risquent alors de perdre leur emploi, faute de reclassement possible dans la collectivité. Par ailleurs, ces agents se mettent en difficulté financièrement du fait de leurs nombreux arrêts de travail. Enfin, la maladie peut aggraver la précarité financière des agents (demi-traitement). Inversement, la pauvreté peut être une source de fragilité pour la santé des individus. En effet, les personnes pauvres peuvent renoncer à la souscription d’une protection sociale complémentaire. Une collectivité a souligné que « la maladie est mal tolérée dans une organisation où la performance est érigée en culture ». >>Les addictions Les addictions peuvent être une source de précarité sanitaire. Une collectivité a souligné le lien fort entre alcoolisme et précarité financière. L’alcoolisme peut naître d’une précarité financière ou sociale mais peut également provoquer l’émergence d’une situation de précarité. Sans prétendre à l’exhaustivité, ces exemples de situations de fragilité, voire de précarité, qu’elles soient causées par la collectivité elle-même ou que cette dernière en soit un réceptacle, témoignent de la nécessité pour les collectivités de s’intéresser à ces problématiques. Elles soulignent également leur légitimité à se poser la question de leur responsabilité et à entreprendre des actions spécifiques en matière de lutte contre les précarités qu’elles identifient.
B. En réponse à une précarité multiforme et multifactorielle, les collectivités adoptent des approches hétérogènes Le caractère multiforme et complexe des phénomènes de précarité qui touchent les collectivités explique aujourd’hui une appréhension difficile de ce concept par celles-ci. Les entretiens réalisés mettent en évidence une difficulté largement partagée des collectivités à se positionner quant à la notion de précarité, ce qui implique un engagement très disparate de leur part.
1. Les employeurs locaux éprouvent parfois des difficultés à appréhender une notion large La difficulté à cerner précisément la notion de précarité a été soulignée dès l’introduction, et nous avons fait le choix dans un premier temps d’une approche la plus large possible. Cette difficulté, partagée par les employeurs locaux, ressort comme l’un des traits saillants de nos entretiens.
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Approcher le phénomène de précarité de manière précise est complexe et emporte plusieurs conséquences. Tout d’abord, la difficulté à cerner la notion de précarité explique sans doute la focalisation sur la précarité statutaire. Certes, la précarité de l’emploi constitue l’une des dimensions de la précarité des agents publics. Dans la fonction publique territoriale, au 1er janvier 2010 les non-titulaires représentent 22,3 % de l’effectif total – des collaborateurs de cabinet aux assistants maternels – dont 13,2 % de permanents et 9,1 % de non permanents6, et les emplois aidés 3 % de l’effectif. Mais le prisme de la précarité statutaire demeure difficilement surmontable par les employeurs publics.
Dépasser le prisme de la précarité statutaire
Dans le dernier quart du XXe siècle, la précarité a clairement émergé sous l’angle de l’emploi, avec l’apparition de nouvelles formes de travail salarié (contrats à durée déterminée et temps partiel subi). Robert Castel notamment, a mis en évidence la rupture que constitue l’émergence de ces nouvelles formes de contrat dans la société post-30 glorieuses1. Plusieurs textes réglementaires et législatifs adoptés ces dernières années traitent du devenir des agents recrutés par voie contractuelle. C’est le cas de la loi 3 du janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique, qui organise des voies de titularisation pour les contractuels. La loi « Dutreil » du 26 juillet 2005, qui transpose la directive communautaire du 28 juin 1999, consolide également le régime juridique protégeant les non-titulaires via la création d’un contrat à durée indéterminée de droit public. Dans le même ordre d’idées, les négociations entamées en 2010 entre les syndicats et le Secrétaire d’Etat chargé de la Fonction Publique sur la résorption de la précarité dans la fonction publique ont vocation à aboutir à un plan de titularisation, sur la base du protocole d’accord transmis le 9 mars 20112. En outre, l’engagement syndical semble porter avant tout sur la défense du statut. L’emploi contractuel correspondant à un besoin spécifique et en principe non permanent de la collectivité, les syndicats concentrent leur action sur la défense des statutaires plutôt que sur celle des contractuels, qui n’ont pas nécessairement vocation à intégrer la collectivité. Le DRH d’une ville moyenne témoigne ainsi que s’il existe actuellement un travail avec les organisations syndicales pour identifier les formes de précarité statutaire, les syndicats tendent à défendre d’abord « ceux qui sont dans le système, les insiders, avant ceux qui sont au dehors, à savoir les contractuels ». Cette approche statutaire de la précarité doit aujourd’hui être dépassée, comme l’y invite l’étude du CSFPT : « on ne peut plus s’en tenir à l’image d’un fonctionnaire protégé ». Les rapporteurs ont ainsi pris le parti de dépasser le prisme « titulaires/ non-titulaires » pour proposer une nouvelle typologie, reposant non pas sur une catégorisation des publics, mais sur une catégorisation des formes de précarité auxquelles les agents publics – titulaires comme non-titulaires – peuvent être confrontés : la précarité de l’emploi, la précarité financière et la précarité des droits. 1) L’insécurité sociale. Qu’est qu’être protégé ? R. Castel, 2003. 2)Protocole d’accord du 31 mars 2011 6) Observatoire de la fonction publique, Tendances de l’emploi territorial, Note de conjoncture, n° 15, mars 2011
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Par ailleurs, la difficulté de nos interlocuteurs à fournir une approche globale de la précarité explique une certaine confusion entre lutte contre la précarité et action sociale. L’action sociale en faveur des agents constitue un point d’ancrage évident pour le développement d’une politique de lutte contre la précarité. Son cadre juridique offre la souplesse nécessaire à l’engagement d’initiatives innovantes de lutte contre la précarité. Sur la base de l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983 et des articles 24 et 25 de la loi du 24 février 1984, les employeurs publics – et les centres de gestion – peuvent développer une politique d’action sociale en faveur de leurs agents : « l’action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, ainsi qu’à les aider à faire face à des situations difficiles. Les collectivités territoriales ne sont pas tenues au principe de parité avec l’Etat en cette matière (…) ». Néanmoins, cette définition souligne que l’action sociale ne correspond pas directement à une action de lutte contre la précarité. Les collectivités ont donc exploité ces dispositions pour mettre en place des actions qui ne sont pas forcément liées à la lutte contre la précarité : • Prestations enfants (colonies de vacances, séjours éducatifs, séjours linguistiques, etc) • Bons événementiels (naissance ou adoption, mariage ou Pacs, médailles, etc) • Chèques vacances • Prêts (pour le logement, le véhicule, l’habitat, etc) • La participation aux frais de transports L’action sociale, si elle offre l’assise juridique nécessaire à l’engagement d’une politique de lutte contre la précarité, n’est pas, dans la grande majorité des cas, utilisée à cet effet au niveau local. Au final, on constate une grande hétérogénéité des définitions données par les élus, les cadres et les acteurs de la gestion des ressources humaines. Parmi les 20 collectivités interrogées, seules 2 ont élaboré clairement une définition de la précarité dans leur collectivité en amont du développement d’un dispositif de traitement du problème.
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INITIATIVE Une ville engage un travail de définition en amont de la réflexion sur les actions Une ville moyenne a engagé en 2008 une démarche de définition de la précarité en amont du développement d’actions. Elle a choisi de cibler prioritairement son action sur la précarité de l’emploi. Elle a ainsi distingué 4 sous-groupes de travailleurs précaires, puis elle a fait le choix de s’attaquer en priorité au 1er groupe, la précarité étant graduée de la plus grave à la moins aiguë : Les agents sous statut horaire avec une reconduction plus ou moins régulière et une incertitude de leurs revenus : emplois d’agents périscolaires, d’agents des cantines, des musées… Les remplaçants bénéficiant de temps plein. Ils effectuent des remplacements de 1 à 3 mois pour des agents malades mais constituent parfois des renforts permanents. Ces agents bénéficient néanmoins d’une garantie de la rémunération. Les emplois aidés, les dernières personnes en dispositif PACTE, les apprentis, les stagiaires. Ils rencontrent une précarité statutaire évidente et surtout une précarité de gestion. Les agents titulaires à temps non complet sur des métiers qui ne l’exigent pas (sports, éducation, musée, culture). Ces situations sont dues à une très mauvaise adaptation du planning et de l’organisation.
Au regard des entretiens réalisés, il est possible de distinguer trois types de définitions de la précarité, qui, sans s’exclure l’une l’autre, ont plus ou moins été mises en avant par nos interlocuteurs : • Une définition par les publics touchés : la précarité est perçue au travers des caractéristiques des agents qu’elle touche – les titulaires, les non-titulaires, les remplaçants, les agents à temps non complet. Cinq collectivités mettent en avant une telle approche dans les définitions qu’elles donnent de la précarité ; • Une définition par les causes de précarité : la précarité est analysée à travers les éléments propres à la vie personnelle et professionnelle de chaque agent qui sont à l’origine de précarité. Une communauté urbaine propose ainsi l’analyse suivante : précarité issue de la vie professionnelle, précarité issue de la vie familiale et conjugale et précarité issue de la vie quotidienne ; • Une définition par les formes de précarité : elle est appréhendée via ses conséquences sur la situation de l’agent avec des distinctions entre la précarité financière, la précarité sociale, la précarité de l’emploi, la précarité sanitaire, etc. Cette dernière définition permet de prendre conscience de l’imbrication des formes de précarité. Neuf collectivités adoptent plutôt une telle définition dans les entretiens menés. Quel que soit le type de définition proposé, les collectivités interrogées adoptent une conception plus ou moins extensive de la précarité : • Dix d’entre elles adoptent une approche que l’on pourrait qualifier de « restreinte ». Elles considèrent la précarité comme une situation d’instabilité financière, socio-économique, et/ou statutaire. Dans ce cas, d’autres facteurs de fragilisation des agents, liés à la vie privée (solitude, illettrisme…) ou professionnelle (maladie, handicap…), ne sont pas directement analysés comme étant de la précarité. • Les dix autres adoptent une approche « large », avec des périmètres variables cependant. Elles peuvent alors considérer comme étant de la précarité des situations
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d’illettrisme, d’alcoolisme, de dépendance, de malaise au travail, et incluent parfois les risques psycho-sociaux en général dans leur définition de la précarité. La précarité est donc une notion à géométrie variable. Les différences d’approche ne semblent pas liées à la taille ou à l’échelon de collectivité concerné mais font davantage état de la culture administrative et politique locale. Par ailleurs, malgré la prudence qu’impose l’analyse d’un échantillon restreint, les différences d’approche ne paraissent pas non plus s’expliquer par l’inégalité des moyens consacrés au traitement à la question. La précarité : une notion à géométrie variable
Cette représentation graphique, sous la forme d’un halo, permet de mettre en exergue plusieurs points : • Il existe un consensus, parmi les interlocuteurs rencontrés, autour de l’idée que la précarité renvoie avant tout à des situations d’incertitude financière, liées ou non à une instabilité statutaire (contrats à durée déterminée, emplois aidés…) et de l’emploi (temps non complets…). • La précarité relève davantage d’un problème financier que d’un problème statutaire, comme le souligne le DGA ressources d’un Conseil régional : « On n’a plus le sentiment aujourd’hui, lorsqu’on parle de la catégorie C, c’est-à-dire des agents titulaires, d’évoquer une catégorie privilégiée. Ces agents connaissent eux aussi l’envolée du prix des loyers et la stagnation de leur pouvoir d’achat. La précarité rencontrée dans les collectivités ne diverge pas fondamentalement de celle de la sphère privée. La fonction publique territoriale génère elle aussi des travailleurs pauvres ». • Les approches de la précarité sont multiples et plus ou moins larges : « Représentée ainsi, la précarité pose la question « jusqu’où l’on va ? » », s’interroge le DGA ressources d’un Conseil général. Les problèmes de santé (maladie, handicap, alcoolisme…), les difficultés sociales (solitude, illettrisme…), ainsi que l’usure et le malaise au travail (reclassement professionnel non adapté aux capacités et besoins de l’agent…), s’ils ne sont pas systématiquement appréhendés comme étant de la précarité, constituent néanmoins toujours son environnement.
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•L a précarité est un phénomène multifactoriel et dynamique. Selon le Vice-président en charge des ressources humaines d’un Conseil régional, « la question posée est celle de la précarisation, plus que la précarité des agents ». Le choix d’une représentation sous la forme de cercles imbriqués permet de mettre en exergue les chevauchements et les interconnexions entre les multiples sources de fragilité qui conduisent à la précarisation des agents. Cependant, cette représentation : • ne permet pas de prendre la mesure de l’entière diversité des situations individuelles rencontrées, et de la totalité des facteurs de précarité possibles. • Par ailleurs, ce schéma ne tranche pas la question de la définition, qui reste, à ce stade de notre étude, volontairement large.
2. Les collectivités font preuve d’un engagement inégal dans l’observation de la précarité et dans les actions de lutte contre son développement a. L’implication des collectivités dans la lutte contre la précarité est variable L’action des collectivités en matière de lutte contre la précarité demeure variable et généralement faible. Tout semble reposer sur la nécessité d’un engagement politique, entendu au sens noble. En effet, le cadre législatif et règlementaire relatif à la précarité fait reposer l’ensemble des actions sur l’initiative politique des assemblées locales. Ainsi, l’article 88-1 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 confie à l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale le soin de déterminer « le type des actions et le montant des dépenses qu’elle entend engager pour la réalisation des prestations prévues à l’article 9 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ainsi que les modalités de leur mise en œuvre ». De plus, la question de la lutte contre la précarité impose à la collectivité de marquer une rupture avec les politiques d’action sociale à vocation universelle. Le DGA ressources d’un Conseil général considère que les politiques d’actions sociale mises en œuvre dans sa collectivité ont jusqu’à présent été fondées sur « des actions unes et indivisibles. Or, la population du Conseil général est fragmentée dans sa composition sociale, et les besoins qu’elle ressent ». Enfin, dans les zones à fort « turn over » des équipes dirigeantes (comme en Ile-de-France), les changements fréquents de cadres dirigeants rendent difficile le développement de politiques cohérentes de lutte contre la précarité. Malgré ces freins, certaines collectivités considèrent la précarité comme un vrai sujet stratégique. Cet engagement ne dépend pas, encore une fois, de l’échelon de collectivité considéré mais de l’impulsion insufflée par les élus et l’équipe de direction générale.
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INITIATIVE Des collectivités affichent leur engagement en matière de lutte contre la précarité Plusieurs collectivités, que ce soit des communes, intercommunalités (CA et CU), départements ou régions, ont fait le choix de faire de la lutte contre la précarité une des grandes priorités du plan de charges de la Direction des ressources humaines. Ces projets reposent majoritairement sur la résorption de l’emploi précaire, et indirectement sur la lutte contre la précarité économique. Une ville et une communauté d’agglomération ont fait de la lutte contre la précarité la priorité du mandat en matière de ressources humaines. Au printemps 2010, les collectivités mutualisées ont voté un protocole de résorption de la précarité. La demande était venue des syndicats, et portait sur la précarité statutaire, avec la question des remplacements et du temps non complet. Dans une autre ville, la municipalité a décidé de se concentrer prioritairement sur le travail précaire aboutissant à la pauvreté des agents. Ailleurs, une ville a établi la lutte contre la précarité comme un axe stratégique dans le projet de direction de la DRH, validé par les élus. Elle vise essentiellement à réduire le nombre de contractuels, le nombre de postes à temps non complet subi et le nombre de remplaçants permanents. Un groupe de travail sur la souffrance au travail va également être mise en place avec les syndicats. Si les villes portent une attention particulière aux précarités engendrées par l’emploi, nous pouvons supposer que c’est du fait du grand nombre de catégories C présents. Plus rarement, l’approche adoptée est plus large que la précarité statutaire. Dans une Communauté urbaine, le sujet de la précarité constitue un axe de travail de la Direction des ressources humaines en 2011. Cet objectif a été inscrit à la demande conjointe du DGS et du DGA ressources, qui ont été particulièrement marqués par plusieurs cas d’agents dormant dans leur voiture ou dans des caravanes. L’angle choisi n’est donc pas strictement statutaire, mais bien économique et social.
b. Pourtant, des acteurs spécialisés dans le traitement des situations de fragilité et des outils d’observation de la précarité existent et peuvent être mobilisés >>Les acteurs sont multiples En interne, on peut souligner l’action conjuguée des psychologues et des assistants sociaux.
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Les assistants sociaux du personnel
Les assistants sociaux de personnel sont des acteurs clés de tout dispositif de lutte contre les précarités. Ils se trouvent très majoritairement rattachés à la direction des ressources humaines : • au sein d’un département de l’aide sociale ; • au sein d’un Pôle Prévention avec la médecine professionnelle. Cette hypothèse semble intéressante dans le sens où cela peut permettre un meilleur échange entre professionnels. Dans un des conseils généraux interrogés, le service santé et vie au travail regroupe ainsi autour d’un chef de service ingénieur sécurité, une assistante sociale, un médecin du travail et un Chargé de mission politique de reclassement et maintien dans l’emploi ; • il arrive rarement que la collectivité ait fait appel à des assistants sociaux libéraux via un marché public d’assistance sociale. Un des conseils régionaux interrogés utilise ce moyen à titre temporaire, afin d’évaluer les besoins réels de son personnel dans ce domaine. Fort d’une vision transversale des problématiques, l’assistant social joue un rôle primordial en matière de prévention. Il doit ainsi être clairement identifié au sein de la collectivité et connaître les environnements professionnels des agents. La grande majorité des collectivités territoriales interrogées, tous échelons confondus, souligne que les assistants sociaux sont globalement connus ; les agents savent vers qui se tourner en cas de problème. Le bouche-àoreille conjugué à des actions de communication (newsletter, intranet, feuillet avec bulletin de paie, forums RH où les assistants sociaux sont présents, etc.) a contribué à accroître leur visibilité. Dans la même optique, la présence en interne des mêmes assistants sociaux depuis plusieurs années constitue un élément important dans la relation de confiance que ces derniers bâtissent avec les agents. Le soutien entier de la direction des ressources humaines apparaît essentiel au bon fonctionnement des assistants sociaux. En effet, certains d’entre eux ont fait part de leur sentiment de manque de reconnaissance et ont déploré le fait que l’action sociale soit souvent pensée « de manière parcellaire et dans l’urgence ».
De plus, les managers jouent un rôle primordial dans la détection des difficultés. Ils possèdent un réel rôle de sensibilisation, de détection des problèmes et d’alerte. La mise en place de référents RH dans des directions où il existe de nombreux agents précaires peut permettre de faciliter le traitement de difficultés en les anticipant. Les managers sont cependant souvent peu formés aux problématiques liées aux précarités et ne disposent pas obligatoirement des moyens adaptés. L’élu au personnel, souvent point d’entrée des agents dans les petites collectivités, peut également être mobilisé pour porter une démarche globale de lutte contre la précarité. De plus en plus de collectivités se dotent par ailleurs de compétences plus ciblées : • des psychologues du travail : les collectivités de taille intermédiaire peuvent passer par des marchés de prestations de service pour assurer la permanence d’un psychologue pour leurs agents. • des conseillers en économie sociale et familiale. En interne, les réponses apportées aux situations de précarité n’apparaissent pas liées aux moyens dont dispose la collectivité (équipe pluridisciplinaire, médecins, psy-
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chologues, etc). Le degré d’implication de tous les acteurs est quant à lui un élément déterminant dans le succès des politiques de lutte contre la précarité. Des acteurs externes peuvent pallier l’absence de services structurés en interne. Certaines villes renvoient ainsi leurs agents vers les assistants sociaux du CCAS ou vers les assistants sociaux de secteur pour les conseils généraux. Par ailleurs, les collectivités organisent la prestation de leurs actions sociales de diverse manière : • Une association (amicale du personnel, comité des œuvres sociales…) peut être constituée. Elle est alors chargée de la gestion de la politique d’action sociale de la collectivité. Certaines collectivités ont institutionnalisé leur fonctionnement, avec des commissions mensuelles, composées à parité d’élus et de représentants syndicaux – la présence de représentants de l’administration n’est pas toujours admise. • Il est également possible d’adhérer à un organisme national, en substitution et en complément de l’action sociale menée en interne. Au vu des entretiens menés avec des représentants de tous les niveaux de collectivités territoriales, il apparaît que l’échelon de collectivité n’explique en rien l’organisation plus ou moins structurée des réponses aux agents précaires. Ainsi, deux Conseils régionaux peuvent avoir mis en place des organisations très différentes : présence d’assistants sociaux en interne dans un, externalisation de ce « service » dans un autre ; adhésion au CNAS dans un et gestion en régie de l’aide sociale dans un autre. Il existe cependant une différence certaine entre collectivités moyennes et collectivités de grande taille : les agents vont plus facilement voir directement le DGS et le DRH dans les petites collectivités. Ces dernières s’organisent également en mutualisant l’appel à certains professionnels, comme les médecins du travail (exemple de création d’un pool de médecins entre une Ville, une Communauté d’Agglomération et un CDG de l’Ouest). >>Des outils d’observation existent L’implication hétérogène des collectivités dans le traitement de la précarité se traduit par ailleurs dans les outils d’observation qu’elles mettent en place. Seules certaines collectivités se dotent d’outils d’observation de la précarité. Ceux-ci se justifient d’autant plus que les collectivités décident d’adopter une définition large de la précarité. Comme le souligne le DGA ressources d’un Conseil général, « la contrepartie de l’adoption d’une définition large de la précarité repose sur la nécessité de se doter d’outils de mesure permettant d’objectiver les situations rencontrées ». Sur les 20 collectivités interviewées pour cette étude, aucun n’a un observatoire dédié au suivi de la précarité, mais différents outils existent tout de même pour observer une partie du phénomène. Les bilans sociaux abordent de façon indirecte certains aspects de la précarité (reclassement, absentéisme). Plus rarement, ils consacrent une partie spécifique sur l’aide sociale accordée aux agents. C’est le cas notamment d’un Conseil général qui
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présente dans une partie spécifique de son bilan social, l’ensemble de l’action sociale apportée aux agents. L’action des assistants sociaux est également mise en avant dans le bilan social de certaines collectivités. Le bilan social d’une communauté urbaine, outil de suivi des situations de précarité
Le bilan social consacre une partie à l’activité du département social de l’établissement. Cette partie met en lumière tout d’abord les problématiques traitées avant de tirer une analyse succincte des faits marquants de l’année écoulée. 6 problématiques ont été identifiées : • Problématiques familiales • Problématiques financières • Problématiques de santé • Problématiques liées au travail • Problématiques de logement nécessitant une intervention sociale • Problématiques liées à des démarches administratives. Cette partie fait également ressortir le profil des publics suivis. Parmi les personnes suivies, figurent non seulement les veufs/veuves d’agents mais également les personnes retraitées de la communauté urbaine. Cet outil permet de légitimer une approche large de la notion de précarité, en objectivant des situations de fragilité dans l’ensemble des problématiques traitées. Ils permettent aussi d’appréhender l’évolution d’une année sur l’autre.
Les rapports des assistants sociaux sont un autre type d’outils qui permet souvent d’alimenter la partie « Action sociale » du bilan social, mais surtout d’appréhender la précarité dans ses multiples dimensions. Les indicateurs d’activité qu’ils mettent en avant permettent d’observer les besoins des agents et de pouvoir objectiver les difficultés rencontrées. Même si les indicateurs ainsi élaborés pour suivre les agents rencontrés répondent parfois plus à une logique de pilotage que de détection des fragilités, ils peuvent inciter à la mise en œuvre d’actions, tels des fonds spécifiques, comme cela a été constaté dans un Conseil général. Ces outils trouvent cependant parfois leurs limites dans le secret professionnel. Certains assistants sociaux l’invoquent en effet pour refuser de communiquer sur certains cas. Les schémas directeurs des ressources humaines peuvent constituer un autre levier de développement d’un observatoire de la précarité. Quand le SDRH intègre des outils de suivi de la précarité statutaire
Illustrant son engagement pour la déprécarisation de ses agents et pour l’insertion au sens large, une ville et une communauté d’agglomération mutualisées ont fait le choix d’intégrer un axe « solidarité » au sein du Schéma Directeur des Ressources Humaines (SDRH). La DRH s’est ainsi dotée d’outils de suivi de la précarité statutaire et de l’emploi.
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Enfin, les directions des ressources humaines peuvent lancer des enquêtes thématiques. Il peut s’agir tout d’abord d’ « enquêtes flash » sur des thématiques précises. Un Conseil régional vient d’analyser récemment les fiches de paie de ses agents afin de connaître le nombre d’agents affilié à une mutuelle. Cette enquête a mis en mettre en exergue une baisse de l’affiliation aux mutuelles des agents. Plus largement et de façon plus ambitieuse, des enquêtes sociales peuvent être sollicitées. Il s’agit d’aborder une multitude de questions. INITIATIVE Un Conseil général souhaite lancer prochainement une enquête sur le climat social de la collectivité Le baromètre social devrait permettre, tous les deux ans, par l’envoi d’un questionnaire aux agents, de dresser un état des lieux sur nombre de sujets, dont certains traitent indirectement de la précarité : conditions de vie au travail, rémunération et pouvoir d’achat, évolution de carrières. Le Conseil général se demande s’il pourra tout aborder, et notamment certaines questions encore jugées taboues, liées à la précarité (illettrisme, handicap…).
Il est à noter que le rapport annuel des comités des œuvres sociales (COS) – ou autres associations du personnel en charge de l’action sociale – et les statistiques sur leur activité fournissent également des éléments d’observation intéressants. L’ensemble de ces outils de mesure souffre cependant de limites. Basés sur les déclarations individuelles des agents, ils ne permettent pas forcément d’évaluer les difficultés rencontrées par les plus précaires. Pour des raisons de fierté ou pour d’autres motifs, tous les agents ne font pas état de leurs problèmes. Cela implique une vigilance particulière des cadres à tous les niveaux, notamment les cadres de proximité, pour détecter des situations difficiles et pouvoir orienter au mieux les agents. Un Conseil général évoque des tabous encore prégnants. Ainsi, les approches développées au sein des collectivités semblent d’emblée se heurter à l‘imprécision terminologique qui entourent la notion de précarité. En conséquence, les dirigeants territoriaux développent des approches pragmatiques qu’il convient maintenant de présenter.
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II. Les actions de lutte contre la précarité, mises en œuvre par les collectivités locales de façon pragmatique, rencontrent des limites A. De nombreuses collectivités mènent des actions volontaristes contre les précarités qu’elles induisent • Face aux situations de précarité induites par la conduite de l’action publique, de nombreuses collectivités tentent de concilier les exigences du service public avec une politique des ressources humaines qui ne génère pas une précarité inacceptable. Elles ont ainsi largement fait évoluer leur politique de ressources humaines depuis plusieurs années.
1. Certaines collectivités ont acquis une expertise réelle dans la résorption de la précarité statutaire et de l’emploi • Les conditions d’emplois étant facteurs de précarité, des collectivités proposent des plans de résorption de l’emploi précaire. a. Les plans de titularisation visent à enrayer la précarité statutaire mais ne constituent que des solutions partielles face à la précarité de l’emploi De nombreuses collectivités choisissent aujourd’hui de mener une action déterminée contre la multiplication des emplois à durée déterminée en leur sein. Pour cela, elles mettent en œuvre plusieurs actions complémentaires. Elles peuvent notamment renforcer l’accompagnement à la préparation des concours qui sont dans certains cas un passage obligé pour être stagiarisé. Cela concerne tous les agents de catégorie A et B, mais aussi des agents de catégorie C. Par exemple, les ATSEM, ne peuvent être intégrés sans concours, puisqu’il n’existe pas de grade correspondant à l’échelle 3 dans leur cadre d’emplois. Des modalités d’organisation internes peuvent également être imaginées pour faire face aux remplacements. A titre d’exemple, deux Conseils généraux interrogés ont mis en place, depuis plusieurs années, des pools composés d’agents titulaires de la fonction publique assurant les remplacements des agents absents : les expériences de plusieurs collectivités interrogées montrent que ce dispositif convient bien aux agents, qui peuvent ainsi accéder à une certaine stabilité. Malgré quelques réticences initiales dues à la crainte d’une perte de souplesse, les services sont capables de s’adapter à ce nouveau mode de gestion des remplacements. La gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences peut également être mobilisée pour enrayer la précarité statutaire. Ainsi, une mairie réalise
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actuellement un travail spécifique sur les emplois permanents peu qualifiés qui se libèrent, notamment du fait de départs en retraite, pour offrir ces postes aux agents non titulaires. L’objectif est de pouvoir ensuite les titulariser sur ces postes. Pour réussir ces intégrations, la collectivité fait appel à un conseiller en orientation professionnelle, qui leur fait passer un bilan de compétences. Des formations, y compris l’accompagnement à l’apprentissage de la lecture, sont proposées lorsque c’est pertinent, et plus de 100 agents non titulaires ont ainsi pu être intégrés en peu de temps. Ces plans de titularisations concentrent beaucoup d’attention, mais ils ne constituent qu’une réponse partielle aux situations de précarité. Ils n’envisagent pas les autres dimensions de la précarité, notamment celle financière ou sociale. b. La résorption des temps non complets passe dans certaines collectivités par une réorganisation du travail. Plusieurs collectivités ont décidé de retravailler en profondeur l’organisation des services qui jusque-là fonctionnaient grâce à de nombreux temps non complets (et notamment les services liés à l’enfance ou à l’entretien). Cette refonte des organisations, qui souvent dépasse le cadre d’un seul service ou d’une seule direction, a permis de réduire considérablement le nombre de ces emplois précaires. Ainsi, une ville et une communauté d’agglomération mutualisées sont parvenues réduire fortement les temps non complets dans tous les services. INITIATIVE Une ville s’engage pour la réduction des temps non complets La prise en compte du thème de la précarité est récente, et liée à un projet de mandat fortement porté par l’élu. Après avoir identifié 3 types de précarité (précarité dans l’emploi/ précarité salariale /précarité dans le travail), cette collectivité a décidé de faire de la réduction de la précarité dans l’emploi, liée au temps non complet de ses agents, un axe de travail structurant. Cette problématique touche prioritairement les agents d’entretien et de la restauration scolaire, où se trouvent la quasi-totalité des temps non complets de la collectivité. L’assistante sociale, au sein du service RH, a été chargée du pilotage de cette politique. Celle-ci s’appuie sur un outil déclaratif, l’enquête sociale, qui préexistait dans la collectivité depuis quelques années mais qui a été reformatée sous l’angle de la lutte contre la pauvreté. L’enquête sociale est renouvelée chaque année pour tenir compte des aléas familiaux et financiers. La déclaration est obligatoire pour tout agent voulant passer à un temps de travail supérieur. Au vu des informations obtenues dans le cadre de cette enquête sociale, l’assistante sociale prend rendez-vous avec tout agent se déclarant sous le seuil de pauvreté pour vérifier les informations données, et elle établit annuellement un tableau de recensement des agents concernés. La collectivité s’efforce alors d’augmenter leurs heures de travail. Les leviers utilisés sont multiples : lors de départs en retraite ou de réorganisation des services, les postes peuvent être recalibrés ou requalifiés. La collectivité ne pouvant répondre immédiatement à l’ensemble de la demande, des critères ont été instaurés pour toute demande d’augmentation d’heures de travail : Critère prioritaire : la situation de pauvreté
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Critères secondaires : critères sociaux, critères d’ancienneté de la demande, critères liés à la manière de servir (absentéisme…). Les résultats sont concluants : de 24 agents situés sous le seuil de pauvreté en 2008, la collectivité n’en compte plus que 4 aujourd’hui (mais pour ces 4 agents, des problématiques d’absentéisme lié à la maladie se surajoutent à ces situations de pauvreté). Pour déboucher sur ces résultats, la démarche doit s’inscrire dans la durée. Ainsi, la collectivité s’est engagée à ne plus recruter que pour des postes correspondants à au moins 28 heures hebdomadaires. Cette démarche de résorption de l’emploi non complet rencontre des limites. Ciblée sur les plus précaires, elle crée un effet de seuil qui laisse de côté les agents dont le niveau de revenu dépasse le seuil de pauvreté mais qui peuvent aussi se trouver en situation de précarité.
Concernant les temps non complets résiduels, une action complémentaire peut consister à transformer les emplois de renfort, précaires, en jobs étudiants. Consciente qu’il n’est pas possible de supprimer totalement les emplois précaires dans une collectivité, compte-tenu des contraintes du service public, une ville a décidé de transformer ces postes souvent à temps très incomplet et en CDD (surveillance des études et des cantines ou gardiennage des gymnases) en jobs étudiants. Cette opération a été conduite en lien avec les universités pour permettre aux étudiants de payer leurs études, sachant que cette précarité de l’emploi convient à leurs besoins. c. Certaines collectivités sont attentives à ne pas faire des contrats aidés une nouvelle source de précarité Une ville de taille moyenne s’est engagée dans l’accompagnement des emplois aidés. Ce type de démarche nécessite, selon la DRH, « de refuser la politique du nombre et préférer la qualité de l’accompagnement ». Ensuite, comme elle le rappelle, « la philosophie qui a prévalu pendant des années, c’est l‘insertion. On faisait des jurys et on cherchait à savoir quel était le projet professionnel des personnes avant de les recruter en emplois aidés ». Une association travaille aujourd’hui avec la ville et est chargée de suivi social de ces agents. Les contrats aidés ne sont pas signés pour une durée d’un an, mais sont construits sur la base d’un contrat de six mois, renouvelable une fois. L’objectif n’est clairement pas de renouveler ces contrats, mais d’aider les personnes à se réinsérer. La formalisation d’un temps de bilan à mi-parcours, avant la reconduction du contrat, s’inscrit dans une logique de motivation et mobilisation de l’agent suivi. Cette politique trouve néanmoins ses limites. Les objectifs assignés sont souvent difficiles à atteindre compte tenu du fait que les personnes suivies sont loin du monde du travail. « Certaines d’entre elles ne ressentent pas l’envie ni le besoin de se réinsérer ». De plus, les moyens d’action de la collectivité restent limités car l’association fait pression pour conserver l’ensemble des agents à l’issu des six mois d’essai. Enfin, la procédure de recrutement souffre d’exceptions. A l’occasion de la campagne de prévention contre la grippe H1N1, la ville a recruté sur contrats aidés plusieurs personnes qui ont été embauchées par le maire, une fois la crise passée, sur des postes permanents. Or, les compétences de ces agents ne correspondaient pas forcément à des
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besoins pérennes de la ville. Si la collectivité décide d’éventuellement conserver des agents recrutés sur contrats aidés, il importe de les sélectionner comme des agents sur des postes permanents, et de se donner les moyens de les former et de les intégrer. d. Des collectivités se mobilisent pour augmenter les bas salaires Une première piste consiste à étendre le bénéficie du régime indemnitaire à l’ensemble des agents. Les agents non titulaires ne bénéficient pas nécessairement du régime indemnitaire mis en place dans la collectivité. Il faut pour cela qu’une délibération de l’assemblée délibérante le prévoit expressément. Ainsi, dans certaines collectivités, les agents remplaçants perçoivent le SMIC. C’est dans ce cadre qu’une ville moyenne a récemment fait le choix budgétaire d’attribuer le régime indemnitaire à ces agents non titulaires, afin que ceux-ci, déjà précarisés par le fait qu’ils sont en CDD, ne le soient pas doublement par un niveau de salaire plus modeste. Ensuite, compte-tenu du tassement autour du SMIC des rémunérations des agents de catégorie C, en raison d’un point d’indice dont la valeur évolue très peu, certaines collectivités ont fait le choix de fonder une politique salariale sur la revalorisation prioritaire du régime indemnitaire des agents de catégorie C. Une ville de plus de 100 000 habitants s’est ainsi récemment engagée dans une démarche de valorisation et d’harmonisation des échelles 3 et 4 de rémunération. Cette politique a permis une augmentation réelle des salaires, pour un coût global de 700 000 euros. La limite essentielle d’une telle politique est donc son coût pour la collectivité. Par ailleurs, des collectivités pensent de nouveaux parcours professionnels pour offrir une perspective de progression aux agents ayant les plus bas salaires. Il s’agit de construire une politique de ressources humaines qui facilite des mobilités verticales mais aussi horizontales. Ainsi, selon le DGA ressources d’un Conseil régional, « la solution ne réside pas sur le volet aide sociale mais dans une nouvelle politique des ressources humaines. Il faut créer des parcours et reconnaître les métiers pour motiver les agents et les sortir d’une éventuelle précarité ».
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2. Des collectivités portent une attention particulière aux conditions de travail génératrices de précarité a. Les maladies du travail liées à l’usure professionnelle. INITIATIVE Anticiper l’usure professionnelle Une communauté urbaine a mis en place un dispositif spécifique de gestion de la carrière des métiers exerçant des métiers à forte pénibilité. En premier lieu, un service « Maintien à l’emploi, prévention et handicap » a été créé. Ce service a pour rôle d’élaborer la politique de prévention, d’accompagner le secrétariat du comité d’hygiène et sécurité (CHS), d’initier et de contrôler des actions de prévention afin de préserver la sécurité et la santé des agents au travail et d’accompagner les agents dans leur repositionnement professionnel et dans les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Ensuite, une démarche spécifique de recrutement a été mise en place. Le recruteur explique systématiquement aux agents concernés les contraintes physiques du poste, les risques liés au métier et les moyens de prévention et de surveillance médicale mis en œuvre. L’agent recruté est informé qu’il ne pourra effectuer le métier pendant toute sa carrière mais qu’il sera accompagné par la collectivité afin d’éviter un reclassement douloureux. La communauté urbaine s’engage notamment dans des actions de formation afin de faciliter cette reconversion professionnelle.
b. Des collectivités mettent en place un accompagnement individualisé des agents en détresse psychologique Qu’elles considèrent qu’il s’agisse de précarité ou non, et qu’elles s’en sentent complètement ou seulement partiellement responsables, la plupart des collectivités commencent aujourd’hui à penser des actions contre les manifestations de la souffrance psychologique, car elles ont des conséquences sur la façon dont les agents remplissent leurs missions. De plus en plus de collectivités mettent en place un suivi social individualisé, grâce au recrutement d’un ou plusieurs travailleurs sociaux, qui accompagnent les agents qui en ont besoin pour faire face à leurs difficultés financières et sociales. En parallèle, certaines collectivités, moins nombreuses, mettent à disposition des agents un psychologue. Certaines collectivités interrogées ont par exemple passé un marché de prestation de services avec un psychologue qui reçoit sur rendez-vous dans des plages horaires prédéfinies. Les agents apprécient son extériorité à la collectivité. Certaines collectivités choisissent en outre d’accompagner les cadres intermédiaires sur ces problématiques. Souvent, ils jouent un rôle de détection des difficultés. Dans tous les cas, ils devront savoir orienter l’agent en difficulté vers les professionnels adéquats. Pour les aider dans ce rôle difficile, une ville de moins 40 000 habitants a ainsi mis en place des formations de sensibilisation pour ses cadres. *** Si les collectivités interrogées ont toutes fait état d’actions plus ou moins poussées et structurées concernant les précarités induites par la conduite de l’action publique, les
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actions mises en œuvre face aux situations de précarité importées de la sphère privée sont manifestement plus sujettes à débat. Elles sont présentées ici sans préjuger de la classification des situations identifiées par les collectivités comme relevant de la précarité. ***
B. Certaines collectivités mènent des actions de lutte contre les situations de précarité importée Les collectivités que nous avons interrogées n’apprécient pas de la même manière leur rôle dans la lutte contre la précarité quand celle-ci vient de l’extérieur. Il pourrait sembler intéressant de proposer une dichotomie de l’action menée par les collectivités sur les situations de précarité importées en deux thématiques : la lutte contre la précarisation (actions préventives) et la lutte contre la précarité au sens curatif. Dans les faits et au vu des échanges réalisés avec les collectivités, la distinction la plus opérante nous semble celle qui juxtapose d’un côté les actions individuelles ponctuelles et de l’autre les actions collectives et structurelles, au long cours, des collectivités.
1. Face aux précarités importées de la sphère privée, les collectivités conduisent le plus souvent des actions ponctuelles a. Les prestations d’action sociale peuvent permettre d’agir sur la précarité importée Selon le CNAS, avant 2007, entre 350 000 et 500 000 agents territoriaux – appartenant principalement à de petites communes – ne bénéficiaient pas de prestations d’action sociale. Cette situation devrait changer grâce à la loi du 19 février 2007, qui les a rendues obligatoires. L’action sociale participe de la lutte contre la précarisation des personnels territoriaux. Cependant, il n’existe aucune définition ni de liste précise des prestations d’action sociale pouvant être proposées par les collectivités à destination de leurs agents. A titre d’exemple, la plupart des collectivités propose des aides à l’installation dans un nouveau logement, des bons pour les naissances ou adoptions, des aides pour les enfants handicapés, des primes de départ, ou encore des titres de restauration. Il faut également noter que l’existence d’un restaurant administratif proposant des tarifs largement subventionnés peut constituer, en soi, une prestation sociale importante pour lutter contre la précarité des agents. Néanmoins, ces aides ne sont pas nécessairement attribuées selon des critères de ressources. b. Les aides financières d’urgence La plupart des collectivités interrogées se sont dotées d’outils financiers pour répondre à des demandes d’aides financières d’urgence de la part de leurs agents. Cependant, le choix des outils diffère. Les aides se concentrent sur trois modalités. En premier lieu, sont accordés des secours, aides financières non remboursables.
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Ensuite, des prêts à taux zéro peuvent être demandés et sont remboursables sur plusieurs années. Enfin, des bons alimentaires, sous forme de chèques service à utiliser en supermarché sont également possibles. Ces aides peuvent être attribuées soit directement, soit par le comité des œuvres sociales ou l’association du personnel, soit par un prestataire extérieur (CNAS, FNASS ou centre de gestion). Quelles que soit les modalités de gestion mises en place, ce type d’aide permet de faire face aux besoins financiers occasionnels, mais ne permet pas de traiter toutes les situations. Plusieurs limites peuvent être soulevées. Il s’agit notamment des règles d’adhésion aux associations du personnel (il n’est parfois possible de s’inscrire que lors du premier mois de l’année), des principes d’intervention (certaines structures refusent d’apporter un secours financier occasionnel lorsque le type de dépense est jugé permanent, comme les dépenses de loyer) et des critères d’éligibilité jugés parfois restrictifs. INITIATIVE Un Conseil général met en place un fonds de solidarité Afin d’aider ses agents en difficulté financière, un conseil général rencontré a depuis quelques mois mis en place un fonds de solidarité, présidé par l’élu en charge du personnel et piloté par la DRH. Après examen social par l’assistante sociale, l’institution choisit de faire ou non un don financier ainsi que son montant. Il n’y a pas pour le moment de critères d’attribution stricts car le dispositif doit être adaptable. Jusqu’à présent, 15 dossiers ont été soumis à la collectivité et l’enveloppe financière attribuée au fonds est de 30 000 euros. A terme, des commissions mensuelles devraient être mises en place. De plus, afin de faire connaitre le dispositif, des brochures d’information ont été mises à disposition des assistants sociaux et une communication a été faite dans l’intranet de la collectivité. Les agents ont également reçu une lettre d’information accompagnant leur fiche de paye et les cadres intermédiaires ont été sensibilisés à ce sujet par le biais d’une newsletter.
2. Certaines collectivités développent des plans d’actions structurels a. Les participations aux mutuelles santé et contrats de prévoyance Attendu depuis 2007, le projet de décret organisant la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents a été approuvé par le CSFPT en décembre 2010. Au titre de ce régime, les collectivités territoriales et leurs établissements publics pourront verser des participations au bénéfice des agents et retraités, soit au titre de contrats et règlements d’assurance souscrits par leurs agents et auxquels un agrément (label) aura été accordé soit au titre d’une convention de participation conclue avec un organisme d’assurance suite à une procédure de mise en concurrence. Le décret
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doit encore recevoir l’avis du Conseil d’Etat pour une publication qui devrait intervenir avant l’été 2011. Les entretiens menés montrent l’intérêt des collectivités territoriales pour cet outil. En effet, certaines collectivités participaient déjà au paiement de la mutuelle santé et prévoyance de leurs agents. Les autres attendent la parution du décret pour s’engager sur cette voie. b. Les actions sur le logement Alors que le logement a été cité comme une cause récurrente de précarité des agents publics territoriaux, l’action des collectivités sur cette thématique est beaucoup moins évidente que leur action sur la santé ou la prévoyance. Certains acteurs interrogés déplorent la méconnaissance du parc immobilier de leur collectivité (notamment concernant les logements réservés) ou la sous-exploitation de certains logements (logements de fonction ou destinés à une opération d’aménagement future). INITIATIVE Le service logement d’une Communauté urbaine Ce service, intégré à la DRH dans les années 2000, est aujourd’hui rattaché au département social. Le service est sollicité directement par les agents. Deux types de réponse sont alors possibles : • La Communauté urbaine a recours au quota de logements réservés dans les offices pour lesquels elle offre des garanties d’emprunt. Les critères pour l’étude des dossiers et la soumission à la commission d’attribution des offices sont à la fois les critères propres aux organismes publics de l’habitat (taille de la famille/taille de l’appartement), mais aussi les critères posés en interne liés à l’urgence de la demande (santé, délinquance.), l’ancienneté de l’agent et l’ancienneté de la demande. • De manière annexe, l’établissement public a recours aux logements qu’elle achète dans l’optique d’une démolition pour cause d’opération d’aménagement.
c. L’accompagnement des agents surendettés Outre les aides financières directes, il appartient souvent aux assistants sociaux d’aider les agents à préparer leurs dossiers de surendettement devant les commissions de surendettement de la Banque de France. En amont, ils essaient également de maintenir des contacts avec les organismes bancaires et de crédit pour négocier des remises sur des frais d’agios facturés, diminuer les frais bancaires mensuels. Par ailleurs, trois collectivités ont mis en place une formation sur la gestion du budget familial ou la prévention du surendettement. Les agents sont inscrits sur la base du volontariat, après une orientation par les assistants sociaux. Enfin, une collectivité a mené une campagne de communication dédiée à la prévention des risques liés au surendettement.
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Le surendettement demeure un sujet délicat à aborder
Un assistant social a confié la difficulté de mettre en place des actions dans ce domaine sans stigmatiser les agents bénéficiaires. Il réfléchit notamment à la mise en place d’un forum sur le surendettement et les crédits. Cependant, il reste conscient du caractère stigmatisant pour les agents de cette démarche, il préfère pour l’instant des actions plus curatives. A ce titre, il se rapproche notamment de l’association Que Choisir, pour trouver des solutions face aux ventes forcées, aux crédits excessifs.
d. La lutte contre l’illettrisme La prise en charge de l’illettrisme s’est davantage inscrite, au sein des collectivités interrogées, dans un objectif de sécurité au travail ou de reclassement professionnel plutôt que dans un objectif de résorption de la précarité individuelle. Pour répondre à l’objectif de reclassement ou simplement offrir de nouvelles perspectives de carrière, certaines collectivités ont institué une politique de formation spécifique en direction de ces agents, pour faciliter leur accès à des savoirs de base et à des préparations aux concours. Cette politique peut être menée en partenariat avec le CNFPT, qui propose des tests de positionnement et un parcours d’acquisition des savoir-faire. INITIATIVE Lutter contre l’illettrisme en évitant la stigmatisation Une ville de plus de 80 000 habitants a récemment décidé de mener une action en trois volets qui concerne non seulement la lutte contre l’illettrisme mais aussi des formations Français Langue Etrangère (FLE), ainsi que des modules de révision des bases grammaticales. L’objectif de cette action globale est de toucher toutes les catégories d’agents de la collectivité, quelle que soit la catégorie.
e. La lutte contre les addictions Les actions menées par les collectivités en matière de lutte contre les addictions sont souvent très liées aux questions de sécurité au travail et à la prévention santé. Ainsi, un Conseil régional a pris en compte cette thématique en élaborant son règlement intérieur sur l’hygiène et la sécurité pour mener des actions de sensibilisation des risques liés à l’alcool et des formations auprès de l’encadrement. Dépassant le seul angle d’approche sécurité au travail, une ville de moins de 100 000 habitants a proposé un questionnaire à ses agents pour mieux connaitre le risque. A la suite de cette enquête, des formations de sensibilisation ont été mises en place et un groupe de soutien composé de la médecine préventive, du service social et du CIPAT (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie - Spécialisé Alcoologie) a été créé pour aider les équipes à trouver des solutions.
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*** Les actions menées par les collectivités ont des résultats concrets sur la précarité des agents, que celle-ci soit issue de la collectivité ou importée de la sphère privée. Cependant, elles présentent des limites réelles et ne s’inscrivent pas nécessairement dans une vision globale du sujet. Il importe donc de construire, à partir d’un travail de cadrage de la notion, un programme d’actions mettant en cohérence l’ensemble des leviers de la lutte contre la précarité. ***
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III. Préconisations pour une action locale de lutte contre les précarités Dans son récent rapport, le CSFPT a avancé plusieurs axes de propositions afin de renforcer les actions de lutte contre la précarité dans les collectivités au niveau national (aménagement des concours d’entrée, obligation d’un régime indemnitaire…). La présente étude cherche à compléter cette approche avec une ambition différente. Elle entend donner des clés d’analyse et des pistes d’action aux dirigeants territoriaux afin qu’ils répondent à cette question : en tant que manager et en tant que cadre territorial, comment puis-je agir à l’échelle de ma collectivité ? Nous proposons ici aux dirigeants territoriaux d’inscrire leurs démarches de lutte contre la précarité dans un système plus cohérent d’actions. Faisant le constat de la nécessité d’une définition plus claire, en amont de l’intervention des managers, nous proposons ici une grille de lecture des situations de fragilité, dans laquelle peuvent s’inscrire les actions à mener. Ce cadre d’analyse distingue des situations relevant clairement de la précarité, et d’autres qui, sans appartenir directement à notre définition de la précarité, posent aux collectivités des enjeux RH et managériaux importants. Nous faisons le choix de distinguer ces deux catégories de situations afin de clarifier l’action possible en matière de lutte contre la précarité. Nos préconisations sont ainsi organisées en deux volets : • Elaborer une stratégie structurante • Agir sur la précarité et être attentif à son halo
VOLET 1 : ELABORER UNE STRATEGIE STRUCTURANTE Axe 1 : Cadrer la notion et objectiver les situations Préconisation 1 : Réaliser en interne un travail de définition au moyen d’une grille d’analyse opérante Objectifs :
-> Sortir d’une vision générale et trop complexe -> Etablir une grille de lecture de la précarité permettant d’en faire une catégorie d’actions pour les cadres territoriaux
• Devant la difficulté qu’ont les collectivités territoriales à appréhender « la précarité », l’approche adoptée par l’une des institutions rencontrées a retenu notre attention. Le DRH de cette collectivité fondait son action sur la pyramide de Maslow,
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théorie de la motivation qui hiérarchise les besoins de l’individu. Avec cette approche, la collectivité a fait le choix de sérier la manière d’appréhender la précarité. • Sans prétendre appliquer systématiquement une grille unique d’analyse, notre proposition de définition peut fournir aux collectivités un cadre intellectuel sur lequel s’appuyer. >>L’ambition de Maslow : établir, de façon dynamique, une hiérarchie des besoins humains Abraham Maslow, dans A theory of human motivation (1943), s’appuie sur une définition et une hiérarchisation des besoins humains pour comprendre les motivations des individus. Il distingue ainsi cinq grandes catégories de besoins et bâtit cette approche sur une vision dynamique : il considère que l’individu passe à un besoin d’ordre supérieur quand le besoin de niveau immédiatement inférieur est satisfait. Les 5 besoins humains selon Maslow
•L es besoins physiologiques, directement liés à la survie des individus ou de l’espèce. Ce sont typiquement des besoins impérieux et concrets (manger, boire, dormir, respirer…). • Le besoin de sécurité, besoin de conservation de l’existant et de projection dans l’avenir, s’inscrit ainsi dans une dimension temporelle. Ils recouvrent le besoin d’un logement, la sécurité des revenus et des ressources, la sécurité physique contre la violence, la sécurité psychologique, la stabilité familiale ou, du moins, une certaine sécurité affective et la sécurité sociale (santé). • Le besoin d’appartenance, besoin d’intégration et de reconnaissance. Il relève de la dimension sociale de l’individu qui a besoin de se sentir accepté par les groupes dans lesquels il vit (famille, travail, association, ...).
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•L e besoin d’estime, estime de soi et valorisation aux yeux des autres. Il prolonge le besoin d’appartenance. L’individu cherche à être reconnu grâce à une activité valorisante (travail, loisir). • Le besoin de s’accomplir, sommet des aspirations humaines. Il a trait à l’épanouissement personnel.
>>La transférabilité de ces besoins à la fonction publique territoriale. Quelles situations, spécifiques ou non à la fonction publique territoriale, empêchent la satisfaction des besoins identifiés par Maslow ?
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Incapacité à se nourrir correctement (bons alimentaires) Incapacité à se loger : cas d’agents dormant dans leur voiture
Conséquences:
Emploi insuffisamment rémunérateur : temps non complets, vacations Petites retraites Maladie de longue durée (problématique du demi-traitement) Insolvabilité Difficultés de vie : frais imprévus, enfants à charge, pension alimentaire, divorce
Causes :
Non-satisfaction des besoins physiologiques
Conséquences : Absence de visibilité à moyen terme sur son emploi Difficulté à se loger correctement Difficulté à se payer une mutuelle (sécurité sociale et santé)
Emploi non-titulaire Vacations CDD de très courte durée Reclassement Surendettement Difficultés de vie : pension alimentaire, enfants à charge, frais imprévus
Causes :
Non-satisfaction du besoin de sécurité
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Stress et mal être au travail
Conséquences :
Défaillances managériales Perte de sens du travail dans le domaine public
Causes :
Non-satisfaction du besoin d’appartenance
Malaise au travail
Conséquences :
de
Absence de motivation
Conséquences :
Absence de plan de formations Non-possibilité de progression dans son travail Situation de reclassement
Causes :
Causes : Inadéquation emploi/ compétences Défaillances managériales Situations reclassement Addictions Illettrisme
Non-satisfaction du besoin d’accomplissement
Non-satisfaction du besoin d’estime de soi
Situations de non-satisfaction des besoins de la pyramide de Maslow, rencontrées dans la fonction publique territoriale :
Quelles situations, spécifiques ou non à la fonction publique territoriale, empêchent la satisfaction des besoins identifiés par Maslow ?
2. La transférabilité de ces besoins à la fonction publique territoriale.
>>Compréhension des situations de précarité L’analyse de la précarité à travers la pyramide de Maslow nous permet de développer une approche non plus générale mais sérielle et situationnelle de ce que pourrait être la précarité. Nous pouvons en effet lire en négatif dans cette pyramide les situations de précarité. Elles découlent de la non satisfaction des besoins identifiés. A partir de cette analyse, il nous a semblé que, pour les 2 premiers niveaux de la pyramide, les situations de non satisfaction des besoins (besoins physiologique et besoin de sécurité) relevaient bien du champ de la précarité. En revanche, au-delà de ces 2 premiers cercles, l’appréciation des situations est plus floue et varie fortement d’une collectivité à l’autre, surtout en ce qui concerne le 3e niveau de besoin. 8 collectivités de notre panel incluent les risques psycho-sociaux et les questions de stress au travail, voire même d’addiction (relevant du 4e niveau de besoin) dans leur vision des situations précaires. Pour les autres, bien que ces difficultés soient interprétées comme des fragilités et/ou des enjeux RH et managériaux (lutte contre la dépendance, lutte contre le stress au travail, reclassements et évolutions des compétences des agents…), il ne s’agit pas de précarité en tant que telle et ces collectivités ne les traitent pas ainsi. Pour ces raisons, nous parlons pour les 3e, 4e et 5e niveaux de besoins de « halo de précarité ». Préconisation 2 : Clarifier le périmètre d’intervention de la collectivité Objectifs :
-> Définir la responsabilité que la collectivité souhaite assumer vis-à-vis de la précarité de ses agents -> Mobiliser les dirigeants de la collectivité sur les objectifs à atteindre
• Pour agir efficacement, une collectivité doit être au clair sur son périmètre d’intervention : jusqu’où se considère-t-elle en devoir de répondre à une situation de précarité chez ses agents ? Cette question est celle de la responsabilité qu’une collectivité considère être la sienne. • Nous avons identifié quatre niveaux de responsabilité justifiant une action de lutte contre les précarités. >>La responsabilité de l’employeur Comme tout employeur, une collectivité est responsable de la précarité qu’elle génère pour ses agents. Il s’agit du type de responsabilité le plus couramment reconnu par les collectivités interrogées. >>La responsabilité de l’employeur public En tant qu’employeur public, une collectivité peut décider d’adopter une politique exemplaire à destination de ses agents dans le champ de la lutte contre la précarité. Au nom de cette exemplarité de l’employeur public, la collectivité supporte une responsabilité plus large que celle d’un employeur privé.
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>>La responsabilité du gestionnaire de service public En tant que gestionnaire de service public, une collectivité est astreinte au principe de continuité du service public. Elle ne peut pas par conséquent se désintéresser totalement de la situation difficile d’un agent, même si elle n’est pas de son fait, si cette situation a pour effet de dégrader la qualité du service rendu. >>La responsabilité sociale de la collectivité Ce type de responsabilité n’est pas traditionnellement endossé par les collectivités interrogées. Bien plus englobante que les trois autres, elle conduit à agir contre une précarité dont la collectivité n’est absolument pas l’origine, ni le déclencheur et qui n’a pas a priori d’impact sur son activité. Elle agit alors en tant qu’acteur de la société dans laquelle elle s’insère. L’action de certaines collectivités pour l’accès au logement de leurs agents s’inscrit notamment dans cette démarche. Ces grands types de responsabilité doivent servir de base à une discussion entre la direction générale et les élus. Cela passe notamment par l’identification de la précarité comme un champ d’action spécifique, au-delà de l’aide sociale classique. Cette clarification est indispensable : elle permet à la direction des ressources humaines de s’appuyer sur une feuille de route servant de fondement à ses actions et aux outils qu’elle peut mettre en place. Préconisation 3 : Doter la collectivité d’un observatoire sur les questions de précarité. Objectifs :
-> Objectiver les situations de précarité en vue d’actions calibrées -> Favoriser l’émergence d’un diagnostic partagé par tous les acteurs
• Consolider les données existantes. Les collectivités disposent toutes de données qui permettent d’offrir une visibilité minimale sur la précarité en leur sein : nombre de contrats de remplacement, nombre de contrats aidés, durée des congés longue maladie, niveaux de rémunération des agents… Certaines ont développé un système d’information des ressources humaines (SIRH) suffisamment performant pour leur permettre de consolider ces données et de constituer des tableaux de bord sur la précarité. Ce n’est cependant pas toujours le cas : la connaissance qu’a une collectivité de la précarité qu’elle génère (et a fortiori de celle qu’elle ne génère pas) reste à géométrie variable. Avant d’envisager de créer de nouveaux indicateurs, une direction des ressources humaines doit être en capacité d’analyser les chiffres de son bilan social, de consolider l’ensemble des données dont elle dispose, notamment en faisant remonter des informations en provenance des directions, et d’évaluer, à l’aide de ces premiers éléments, l’étendue de la précarité au sein de la collectivité. • Construire de nouveaux indicateurs. Dans un second temps, la collectivité peut construire de nouveaux indicateurs pour identifier les publics les plus fragiles et dépasser l’approche par la précarité dans l’emploi.
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Il est alors nécessaire de cultiver la communication entre la DRH et les directions opérationnelles et de mobiliser d’autres outils (questionnaires par exemple), afin d’obtenir une observation plus fine des situations de précarité : agents vivant sous le seuil de pauvreté, familles monoparentales, situations de surendettement, etc. Toutefois l’employeur public ne peut pas aller trop loin dans cette démarche. Le risque serait pour la collectivité d’avoir une connaissance trop intrusive de la vie de ses agents. Les données récoltées doivent selon nous concerner avant tout les situations de précarité correspondant aux deux premiers étages de la pyramide de Maslow.
Axe 2 : Organiser l’intervention des acteurs Préconisation 4 : Construire un cadre d’action politiquement et administrativement opérant Objectifs :
-> Appréhender la précarité dans sa dimension transversale en garantissant la cohérence de l’action menée -> Clarifier le cadre d’action des principaux acteurs de la lutte contre la précarité, du politique au personnel de terrain
Nos entretiens ont révélé une approche segmentée des actions de lutte contre la précarité. Alors que la question de la précarité des agents est éminemment transversale, puisqu’elle touche à la politique salariale, à la politique de recrutement, à la politique de formation, à la politique d’action sociale, il importe de structurer le cadre d’action si l’on veut faire de la lutte contre la précarité un axe d’intervention global. Cette structuration d’un cadre d’action est d’autant plus nécessaire que les acteurs dédiés sont multiples (élu au personnel, assistants sociaux de personnel, psychologues, CESF) mais aussi le rôle essentiel des cadres intermédiaires, premier relais de la lutte contre la précarité des agents qui sont sous leur responsabilité directe. • Identifier des objectifs de lutte contre la précarité et établir une priorisation politique, sur la base de l’observation menée La définition d’objectifs et l’inscription de la question à l’agenda politique et administratif paraissent être un préalable au déploiement d’actions en matière de lutte contre les précarités. Cela permet de mobiliser l’administration et d’organiser un suivi annuel des actions mises en œuvre. Les objectifs assignés ont vocation à évoluer en fonction de la remontée d’information issue des outils d’observation. La définition d’objectifs globaux ne doit pas empêcher un nécessaire dépassement d’une action sociale à visée universaliste, et la définition de leviers d’action différents pour chaque public touchés par la précarité. • Structurer administrativement l’action menée, en faisant de la lutte contre la précarité des agents un axe du Schéma Directeur des Ressources Humaines (SDRH) mais aussi des projets de service les plus concernés
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Il s’agit de faire de la lutte contre la précarité un axe d’action identifié par les acteurs, de la direction des ressources humaines aux cadres de terrain, permettant d’identifier les priorités, les acteurs ressources, les dispositifs mis en œuvre et de clarifier les rôles et responsabilités de chacun. La lutte contre la précarité étant une problématique transversale à de multiples sujets de ressources humaines, paraît nécessaire d’en faire un axe du Schéma Directeur des Ressources Humaines. Cela permet de poser les principes généraux et les modalités d’intervention de la collectivité, mais également de décliner les objectifs définis au sein de chaque volet d’action de la DRH : rémunérations, parcours professionnels, recrutements, formation, action sociale, etc. Afin de ne pas faire de la DRH le seul porteur du sujet, il paraît également pertinent d’inscrire la lutte contre la précarité des agents dans les projets de service des unités les plus susceptibles d’être concernés par les situations de précarité. Préconisation 5 : Structurer la DRH dans une perspective de lutte contre la précarité en créant des modes de travail pluridisciplinaires Objectifs : -> Adapter les compétences des agents ressources -> Créer des modes de travail permettant une appréhension globale de la situation de l’agent
Une approche globale de la situation professionnelle et personnelle de l’agent ne peut fonctionner que si l’ensemble des acteurs communiquent entre eux et travaillent en commun. • Se doter de compétences spécifiques pour l’accompagnement des agents en situation de précarité Toutes les collectivités ne disposent pas de moyens suffisants pour recruter des agents spécifiquement dédiés à l’accompagnement des agents précaires : assistants sociaux de personnel, conseillers en économie sociale et familiale (CESF), ou psychologues du travail. Cependant, ces acteurs sont essentiels à un accompagnement efficace des agents précaires et leurs profils sont complémentaires : connaissance des problématiques spécifiques aux agents publics, capacité à mobiliser les ressources de la collectivité au-delà des dispositifs de droit commun. A défaut de recruter directement ces profils, les collectivités peuvent se poser la question de la mutualisation de ces fonctions entre plusieurs entités ou de la mobilisation des centres de gestion. Au-delà, les agents de la DRH peuvent être sensibilisés à la problématique de la précarité des agents publics et un agent administratif de la DRH doit être désigné référent sur les actions de lutte contre la précarité (suivi du SDRH) et formé spécifiquement aux enjeux de la précarité. • Organiser le travail en transversalité des principaux acteurs de la lutte contre la précarité La DRH doit être pilote dans l’articulation des différents intervenants. Certes, les agents administratifs de la DRH, les assistants sociaux, les CESF, les médecins du
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travail ont des cultures professionnelles différentes et obéissent à l’impératif du secret professionnel, ce qui peut complexifier le partage d’informations. Mais il est pourtant nécessaire de construire un réseau d’acteurs, permettant de faciliter le repérage des situations de précarité et l’accompagnement global des agents. Pour cela, il convient par exemple, de créer des groupes de travail entre assistants sociaux/ CESF, psychologues du travail et cadres intermédiaires et de susciter des réunions récurrentes entre les acteurs principaux de l’accompagnement des agents. Préconisation 6 : Mobiliser les managers de proximité et consolider leurs compétences pour mieux lutter contre les précarités Objectifs :
-> Faciliter la détection et l’orientation des agents en précarité. -> Identifier les managers comme des relais d’information.
• Faire des cadres intermédiaires les relais de la politique de lutte contre la précarité Une action de lutte contre la précarité dans une collectivité, aussi volontariste soit-elle, ne peut être efficace qu’en s’appuyant sur les cadres de proximité. En effet la direction des ressources humaines, et a fortiori la direction générale, ne sont généralement informées que des situations les plus graves, et de plus, lorsqu’elles se sont dégradées fortement. Les marges de manœuvre sont alors limitées. Seuls les chefs d’équipe et autres cadres de terrain qui sont au contact direct des agents peuvent : • prévenir la dégradation de la situation d’un agent en ayant connaissance de ses difficultés. • réagir suffisamment en amont pour enrayer le processus de précarisation une fois qu’il est lancé. • faire remonter l’information aux personnes compétentes lorsqu’ils ne disposent pas des outils managériaux pour répondre aux demandes de leurs agents. Il s’agit donc de s’appuyer sur les acteurs de terrain les plus proches des agents pour favoriser un accompagnement efficace. Les managers de proximité doivent pouvoir, en amont de toute situation de précarité, être identifié comme relais d’information par leurs agents. Ils doivent également devenir des personnes ressources pour pouvoir les accompagner, en ayant les bons mots, en connaissant les bons réflexes et en utilisant les procédures adaptées. • Consolider les compétences des managers de proximité en matière de lutte contre les précarités Pour que ce positionnement de proximité soit efficace, il est nécessaire de sensibiliser les cadres intermédiaires aux enjeux de la précarité de leurs agents, et de les former à son identification. Des réunions ponctuelles avec les assistants sociaux, notamment lors des prises de postes mais aussi, de manière plus structurelle, chaque année, permettraient de sensibiliser les cadres intermédiaires aux actions entreprises dans la collectivité et dont ils seront le relais dans leur service. Des formations spécifiques peuvent
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être envisagées. En particulier, lors d’une prise de poste avec des responsabilités managériales, les encadrants doivent être formés à la détection de difficultés chez les agents et aux solutions managériales qui peuvent constituer une première réponse. Par ailleurs, un guide méthodologique pourrait être rédigé par la direction des ressources humaines et diffusé aux managers (format papier ou sur intranet) pour répondre de manière pragmatique et concrète aux questions que peuvent soulever les situations de précarité rencontrées : que dois-je faire lorsqu’un de mes agents semble avoir des difficultés financières ? lorsqu’un de mes agents est régulièrement en arrêt maladie ? Une attention particulière doit être portée aux services techniques ; ils se caractérisent en effet par une plus grande proportion d’agents en situation d’encadrement du fait d’un fonctionnement par petites équipes. • Structurer un dispositif d’orientation des agents en situation de précarité Par ailleurs, il est nécessaire de structurer un dispositif d’orientation par les cadres de leurs agents en situation de précarité, a minima via la communication auprès des cadres sur les dispositifs existants de lutte contre la précarité et les personnes ressources à la DRH. Dans les grandes structures, il serait souhaitable que chaque manager connaisse son référent unique sur la question : le principe du single point of contact (point d’entrée unique) garantit le traitement adéquat aux situations soulevées et la bonne information postérieure de tous les acteurs concernés. Préconisation 7 : Questionner les modes d’intervention financière de la collectivité pour lutter contre les précarités Objectif :
-> Adapter les modalités d’action aux besoins identifiés au sein de la collectivité
Pour lutter contre la précarité, une collectivité doit se doter d’outils d’intervention financière au bénéfice de ses agents. Il lui appartient donc de réfléchir aux modalités de cette intervention : souhaite-t-elle l’assumer en régie directe, par le biais d’une association du personnel ou en ayant recours à un organisme national d’action sociale (CNAS ou FNASS) ? La gestion en régie permet à la collectivité d’assurer la cohérence entre ses objectifs, son diagnostic interne et les modalités d’intervention financière utilisées. Le recours à un organisme national permet de bénéficier d’économies d’échelle et d’une gamme de prestations plus variée. Dans tous les cas, la collectivité doit questionner et évaluer l’utilité du mode d’intervention retenu : l’offre de service est-elle adaptée aux besoins de la collectivité en termes de lutte contre les précarités ? Bénéficie-t-elle d’un taux de retour sur cotisation convenable ? Les critères d’éligibilité des aides sont-ils adaptés ? Enfin, si elle choisit de s’appuyer sur un COS ou une association du personnel en charge de l’action sociale dans le cadre de la lutte contre les précarités, la collectivité doit être attentive au développement d’outils de partage d’informations. L’association du personnel constitue certes une entité autonome dans son fonctionnement, mais elle doit s’intégrer dans les orientations de la collectivité en matière de lutte contre
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la précarité. Elle pourra le faire d’autant mieux qu’une stratégie claire a été définie ; cette stratégie peut servir de base à une modification des statuts de l’association et à un conventionnement plus serré avec l’exécutif. Préconisation 8 : Inscrire l’action de la collectivité en partenariat avec les acteurs institutionnels ou associatifs de l’action sociale Objectifs :
-> Coordonner l’action des services de DRH avec les services sociaux des villes (CCAS) et des conseils généraux. -> Mobiliser les associations intervenant dans le champ de la précarité.
L’action des collectivités peut utilement s’appuyer sur le tissu d’intervenants locaux, qu’ils soient institutionnels ou associatifs, afin d’optimiser l’accompagnement des agents. Le lien entre le service social de la collectivité et les dispositifs de droit commun d’accompagnement social prévu par les villes et départements ne semble pas toujours aller de soi. Or deux constats s’imposent à l’issu des entretiens menés. D’une part, même lorsque les assistants sociaux (AS) de la collectivité sont bien identifiés, les agents choisissent parfois d’aller voir leur assistant social de secteur qui peut leur signaler les outils mis à leur disposition par la collectivité (fonds de secours, formations…). Inversement, les services sociaux internes à la collectivité ont parfois besoin d’échanger avec l’AS de secteur qui peut suivre l’agent à d’autres titres. D’autre part, selon sa taille et ses moyens financiers, une collectivité n’a pas forcément les moyens d’avoir en interne tout l’éventail des professionnels pouvant intervenir sur des situations de précarité (un psychologue, un conseiller en économie sociale et familiale par exemple) et peut donc avoir à s’appuyer sur le réseau de droit commun existant. Dès lors, le travail en commun des institutions s’impose comme une évidence et pourrait faire l’objet d’une réflexion sur ses possibilités de renforcement, pouvant aller jusqu’à un conventionnement. Il s’agit de construire un véritable partenariat permettant à l’agent de bénéficier d’une orientation vers les institutions et partenaires adaptés et de points d’entrée privilégiés au sein de ces organismes. Les partenariats avec le monde associatif répondent à la même logique : des associations sur certains territoires ont développé une expertise qui doit être connue des collectivités et pouvoir être mobilisée par celles-ci.
Axe 3 : Faire connaitre les dispositifs Préconisation 9 : Communiquer sur les droits des agents et les services à leur disposition Objectifs :
-> Fournir une information fiable et adaptée aux besoins des agents -> Mobiliser les agents et les personnes ressources de la collectivité
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• Communiquer sur les dispositifs mis en place dans la collectivité. Cette information peut être individuelle et/ou collective. Dans le premier cas, l’assistant social, ainsi que tout personnel médical présent dans la collectivité, sont des relais fondamentaux des politiques de la collectivité, au travers de leurs rencontres individuelles avec les agents. De manière plus générale et systématique, une lettre informative accompagnant la feuille de paye est également un moyen efficace pour mobiliser les agents sur leurs droits et les services à leur disposition. Des dispositifs d’information collectifs peuvent également être mis en œuvre : l’édition de plaquettes de communication permet de diffuser une information fiable et générale, tandis que l’instauration de réunions ponctuelles, par direction notamment, permet de mobiliser les agents et de répondre à leurs interrogations. L’intranet, s’il existe, doit également être mobilisé à cet effet. • Communiquer sur les services et les personnes ressources de la collectivité Lorsque des assistants sociaux sont présents, ils doivent être bien identifiés par les agents, tant en ce qui concerne leur rôle que leurs actions au sein de la collectivité. Afin de surmonter le risque de stigmatisation, il peut être pertinent de communiquer sur le service social autrement que comme pourvoyeur d’aides financières d’urgence et de le présenter comme un relais d’information de tous ordres. De manière générale, il est souhaitable de lancer une campagne régulière de communication sur l’existence de tous les acteurs internes et externes de la lutte contre les précarités (y compris le médecin du travail ou encore, s’ils sont présents, les psychologues du travail).
VOLET 2 : AGIR SUR LA PRECARITE ET ETRE ATTENTIF A SON HALO Axe 1 : Agir directement sur le cœur des situations de précarité Préconisation 10 : Favoriser le recrutement statutaire en ayant à l’esprit la souplesse de gestion offerte par le statut Objectif :
-> Diminuer la part des non titulaires dans le personnel de la collectivité
Il est finalement relativement facile pour une collectivité, les statistiques en attestent, de recruter des agents non titulaires, y compris dans des situations où elle devrait recruter des agents stagiaires et titulaires. Les conditions de recours aux non titulaires fixées par l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent en effet laisser la place à des interprétations larges. Par ailleurs, le contrôle exercé par les services préfectoraux s’est considérablement affaibli depuis plusieurs années. Les collectivi-
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tés, souvent effrayées par un statut jugé – à tort- surprotecteur, préfèrent parfois faire appel à des non-titulaires là où des recrutements pérennes s’imposeraient. Pourtant, le statut laisse de réelles marges de manœuvre aux collectivités. Ainsi, la période qui suit la nomination d’un agent, et durant laquelle il est stagiaire, est une période d’essai d’une durée d’un an, soit bien plus que dans le secteur privé, durant laquelle la collectivité a la possibilité de s’assurer que l’agent recruté est bien apte à remplir ses fonctions. Si ce n’est pas le cas, la collectivité peut prolonger la période de stage pour une année supplémentaire, et elle a surtout la possibilité de ne pas titulariser l’agent. Le juge administratif a toujours réaffirmé qu’il n’y avait pas de droit à la titularisation pour l’agent. La collectivité dispose donc d’une grande marge de manœuvre dans ce domaine, et elle doit pleinement l’utiliser. De la même manière, l’employeur peut sanctionner un agent lorsque celui-ci commet une faute. Le juge administratif a, dans ce domaine également, toujours confirmé que les collectivités disposaient de larges possibilités de sanctions, du simple avertissement à la révocation. Enfin, un fonctionnaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle. Cette possibilité est méconnue des collectivités, y compris souvent des directions des ressources humaines. Il ne s’agit pas d’encourager les collectivités à sanctionner ou à licencier, mais bien simplement de rappeler ce que prévoit le statut de la fonction publique territoriale. Les collectivités ne doivent donc pas prétexter de la rigidité du statut pour recruter des non-titulaires pour occuper des emplois permanents. Préconisation 11 : Travailler sur une nouvelle organisation du travail permettant de réduire l’emploi précaire Objectifs :
-> Réduire le recours aux temps non complets -> Réduire le recours aux contractuels
Il s’agit principalement pour les collectivités de trouver une organisation du travail qui permette de réduire les temps non complets. Les managers doivent construire des organisations qui répondent aux besoins des usagers mais qui n’obligent pas des agents à travailler à temps non complet. Ce travail est complexe puisqu’il remet en cause des manières de travailler souvent anciennes et qu’il nécessite parfois de repenser l’organisation de plusieurs services, alors qu’un seul est concerné par la problématique des temps non complets. Plusieurs pistes peuvent être étudiées : • Constituer des pools d’agents titulaires remplaçants afin d’éviter le recours aux contractuels pour des remplacements ponctuels ; • Développer le travail sur plusieurs sites pour constituer des temps complets ; • Ne pas remplacer des postes vacants pour offrir des temps complets ou des temps partiels choisis.
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• Concernant l’emploi à temps non complet résiduel, il peut être pertinent de les transformer en jobs d’été, ce qui permet aux étudiants de financer une partie de leurs études. Préconisation 12 : Mieux accompagner les transitions professionnelles des agents Objectifs :
-> Eviter le basculement des agents dans des situations de fragilité, vectrices de précarité -> Anticiper les besoins de reclassement professionnel
La vie professionnelle est jalonnée de périodes de transition : lors de la prise de poste ; lors de la rupture d’un contrat ; lors d’un reclassement à la suite d’une usure professionnelle ; enfin, lors d’un départ à la retraite. En premier lieu, l’accompagnement des nouveaux agents constitue un élément clef de leur bonne intégration. Ils doivent être informés dès leur prise de poste de l’existence du service social le cas échéant et des divers aides dont ils peuvent bénéficier. Leur éligibilité à l’action sociale ne doit pouvoir faire l’objet d’un délai de carence qui peut empêcher de traiter certaines situations de fragilité. En second lieu, il convient d’anticiper la fin de contrat des agents contractuels, car celle-ci peut conduire à des fragilités financières en raison du délai de versement de l’allocation chômage. Par ailleurs, la collectivité doit travailler sur les métiers sujets au reclassement pour inaptitude. En effet, les métiers les plus pénibles de la fonction publique territoriale – notamment ceux de ripper, agent d’entretien, égoutier, jardinier ou agent territorial spécialisé des écoles maternelles – entraînent une usure professionnelle très rapide. Tout d’abord, l’élaboration du document unique d’évaluation des risques doit permettre de créer des programmes de prévention. Ceux-ci comprennent souvent des formations gestes et postures, des modifications de l’ergonomie des postes ou la mécanisation de certaines tâches. Toutefois, il importe aussi d’anticiper l’inaptitude physique en envisageant dès le début de carrière, la mobilité vers des postes plus protégés. Cela suppose au niveau de la collectivité, une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et une préparation des agents au changement. En effet, pour accepter une mobilité, les agents doivent avoir conscience que leur métier sera amené à évoluer pour préserver leur santé. Avant même que ne surviennent les premiers signes d’inaptitude, la collectivité doit leur proposer des formations permettant de développer de nouvelles aptitudes, en accord avec leur projet professionnel au sein de la collectivité. Enfin, il est également de la responsabilité de la collectivité d’anticiper les départs en retraite et d’accompagner les jeunes retraités (par exemple, pendant les 18 premiers mois). En particulier, la collectivité peut les aider à monter des dossiers de demande d’aides auprès des caisses de retraite.
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Préconisation 13 : Accompagner les agents dans les événements et accidents de la vie Objectif :
-> Eviter le basculement des agents dans des situations de fragilité, vectrices de précarité
• Il semble essentiel que les collectivités soient attentives aux « accidents de la vie » qui peuvent fragiliser les agents et entraîner leur précarisation. Dans nombre de collectivités territoriales, ce suivi est déjà effectué, mais il importe qu’elles développent un panel d’outils aisément mobilisables, permettant d’aider les agents traversant des difficultés passagères, afin d’éviter que celles-ci ne découchent sur une véritable précarité. • Ainsi, en matière de lutte contre la précarité financière, les collectivités peuvent par exemple créer des fonds de solidarité accessibles aux agents traversant une situation financière difficile. En outre, les collectivités peuvent aider rapidement des agents ayant des difficultés pour se loger, en développant des conventionnements avec des associations spécialisées, en recourant au dispositif de cautionnement des loyers par l’employeur, ou en mobilisant temporairement des logements du parc immobilier de la collectivité. • Enfin, les cas de décès, de divorces ou de ruptures familiales et affectives doivent appeler une attention particulière de la part des managers, qui sont les mieux à même d’orienter leurs agents vers les interlocuteurs appropriés. Préconisation 14 : Utiliser le levier des formations pour lutter contre la précarisation des agents Objectifs :
-> Informer les agents sur leurs droits sociaux -> Les outiller face aux problématiques de la consommation
La formation peut intervenir comme un levier pour prévenir les situations de précarité, mieux gérer leur apparition ou empêcher l’enclenchement d’une dynamique de précarisation. Les agents sont souvent démunis face à la multitude des acteurs, à la diversité des dispositifs d’aide sociale et à la complexité des procédures. Il est nécessaire d’organiser l’information de tous les agents de la collectivité sur leurs droits sociaux par des moyens adaptés aux différents niveaux de qualification. Il peut s’agir de formations diffuses (notamment au travers d’expositions, de forums.) ou plus ponctuelles, notamment lors de la journée d’accueil des nouveaux agents. A titre d’exemple, la collectivité doit veiller à sensibiliser ses agents concernant la garantie maintien de salaire, la couverture santé (y compris la CMU et CMU-C), le revenu de solidarité active (RSA),… Par ailleurs, des formations spécifiques peuvent être organisées afin d’éviter les cas de surendettement et surmonter les difficultés de certains agents à gérer le budget familial. Elles peuvent être effectuées soit en interne par la direction des ressources humaines grâce au recrutement d’un conseiller en économie sociale et familiale, soit en externe, via le CNFPT notamment. Ces formations sont l’occasion de sensibiliser
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les agents aux risques des crédits à la consommation, aux conditions générales d’emprunt mais aussi aux principes d’une gestion équilibrée de leur budget. Le lieu, les horaires et le calendrier de ces différents types de formations doivent faire l’objet d’une réflexion particulière. En effet, ces formations ne doivent pas stigmatiser les agents qui y participent. Elles pourraient ainsi être couplées à d’autres formations ou être organisées en dehors du temps de travail.
Axe 2 : Etre attentif au halo de précarité Préconisation 15 : Accompagner les agents vers plus d’autonomie Objectifs : -> Diminuer la part des agents en situation d’illettrisme -> Prévenir les situations d’addiction et accompagner les agents vers un suivi thérapeutique
Des difficultés d’ordre personnel, telles que l’illettrisme ou les pratiques addictives, peuvent être sources d’exclusion et de perte d’autonomie pour des agents territoriaux. Or les collectivités territoriales n’appréhendent souvent ces situations que sous le seul angle de la sécurité au travail. Il est important de sortir de cette unique approche par les risques : lutter contre l’illettrisme et les addictions permet également de mieux traiter les problèmes de reclassement, de mobilité, d’adaptation au poste mais aussi et surtout de favoriser le développement personnel de l’agent. • Prévenir les pratiques addictives et accompagner les agents vers un suivi thérapeutique Il s’agit de mener des campagnes de prévention en interne (prévention de l’alcoolisme, plans de lutte contre les drogues et les toxicomanies.). Les personnels médicaux présents au sein des collectivités doivent sensibiliser et communiquer individuellement, comme collectivement, sur les risques, personnels et professionnels, de telles pratiques. Les managers doivent être sensibilisés au problème des addictions et accompagnés par des personnels spécialisés lorsqu’ils sont confrontés à de telles situations. A titre d’exemple, il peut être créé au sein de la collectivité un groupe « Addictions » composé des acteurs internes concernés, voire de ressources externes spécialisées dans la lutte contre ces phénomènes. Ce groupe aurait un rôle à la fois d’information collective sur mais également d’orientation des personnes en situation d’addiction vers un suivi thérapeutique. • Identifier, orienter et accompagner les agents en situation d’illettrisme La difficulté majeure consiste à identifier les personnes en situation d’illettrisme. Une fois encore, le personnel médical, les assistants sociaux mais également les cadres intermédiaires doivent devenir des personnes ressources. Pour ce faire, ils doivent notamment bénéficier de formations adéquates leur permettant d’identifier de telles fragilités.
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Pour lutter contre l’illettrisme, il est nécessaire de bien communiquer sur les formations ouvertes aux agents. De plus, la mise en place d’une formation à plusieurs strates, à destination des agents illettrés, mais également des agents ne maîtrisant pas la langue française et des agents rencontrant des difficultés orthographiques, permet d’ouvrir le spectre des bénéficiaires et de réduire ainsi le risque de stigmatisation. Un travail de pédagogie autour de l’élaboration des projets de formation individuels est par ailleurs primordial : les perspectives d’évolution professionnelle rendues possibles peuvent par exemple être une source de motivation importante, alors que l’effort demandé est conséquent. Préconisation 16 : Favoriser l’épanouissement professionnel de tous les agents Objectifs :
-> Favoriser la motivation des agents publics -> Lutter contre les risques psychosociaux
La place du travail dans la vie des agents publics territoriaux, à l’image de la société française dans son ensemble, évolue. L’épanouissement des agents au travail et l’équilibre entre leur vie privée et professionnelle sont essentiels afin d’éviter la survenance de risques psychosociaux. Il est dès lors de la responsabilité des collectivités de répondre aux besoins et demandes de leurs agents en termes de parcours et d’évolution de carrière et de veiller à la reconnaissance du travail accompli. • Favoriser le bien-être au travail Le baromètre d’ENDENRED réalisé avec Ipsos sur le « Bien-être et l’implication des agents et des salariés en France » montre que globalement, les agents de la fonction publique ont plus de fierté et de plaisir au travail que les salariés du privé. Selon ce même baromètre, quatre principaux moteurs de la motivation peuvent être identifiés : la qualité de vie au travail ; l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle – plus de 50 % des agents de la fonction publique estiment qu’ils travaillent trop – ; les perspectives d’évolution, l’adéquation entre les compétences de l’agent et son poste – plus de 40 % des agents considèrent que leurs compétences ne sont pas assez bien exploitées – ; enfin, la reconnaissance du manager et la rémunération. Il est important que les agents en situation de stress ou de malaise au travail sachent qu’il existe des interlocuteurs à la DRH à même de les aider et qu’un accompagnement individuel peut être envisagé. Pour favoriser l’accomplissement des agents et lutter contre les risques psychosociaux, il nous semble que la collectivité doit être particulièrement attentive au levier du management. Il appartient en effet au manager direct de donner du sens à l’action menée et de favoriser la reconnaissance du travail de ses agents. Il s’agit de veiller à sensibiliser les cadres intermédiaires à l’enjeu d’estime de soi de leurs collaborateurs, ainsi qu’à leur rôle quant à la gestion du stress et au soutien qu’ils peuvent apporter aux agents qui font état d’une volonté d’évoluer dans leur carrière.
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• Offrir de véritable parcours professionnels D’autre part, il s’agit d’offrir à tous les agents, y compris les moins qualifiés, des perspectives d’évolution de carrière. Le statut de la fonction publique offre de nombreux atouts pour favoriser un déroulement de carrière attractif aux agents. Cependant, ceux-ci ne sont pas toujours exploités et la mise en œuvre des différentes possibilités offertes peut paraître complexe. En effet, en prévoyant la séparation du grade et de l’emploi, le statut ouvre aux agents la possibilité de changer plusieurs fois de métiers dans leur carrière, en interne ou vers l’extérieur – vers les 50 000 employeurs de la fonction publique territoriale, vers d’autres fonctions publiques ou vers le privé. Par ailleurs, le dispositif de formation des agents publics est riche. Ces formations sont des leviers importants de développement personnel et d’évolution professionnelle. L’engagement d’une collectivité en matière de formation peut se matérialiser à travers des outils simples tels un passeport-formation (livret personnel de l’agent, recensant les formations effectuées, l’évolution de sa carrière, les préparations de concours…) et un guide des formations (présentant les différentes formations proposées par la collectivité et les droits et obligations des agents en formation). De plus, le statut offre des possibilités d’avancement et de promotion interne par concours, examen ou au choix, qui jouent un rôle de motivation. Le remplacement du système des quotas d’avancement par celui du ratio promus/promouvables librement défini par la collectivité permet désormais de proposer de véritables opportunités de carrière aux agents et de donner des marges de manœuvre dans une logique de gestion par les compétences. Préconisation 17 : Porter une attention particulière aux projets de réorganisation de services Objectifs :
-> Anticiper les difficultés pouvant être déclenchées par les projets de réorganisation -> Impliquer en amont tous les acteurs concernés.
Ces projets, quand ils touchent aux missions, aux horaires ou au lieu de travail de l’agent ou à l’équipe avec laquelle il travaille, sont souvent vecteurs de stress et/ou révélateurs de situations de précarité. Il convient d’associer au plus tôt dans la conception du projet de réorganisation la médecine préventive y compris en l’incluant dans l’équipe projet qui devra mener à bien cette réorganisation. Le médecin du travail, voire le psychologue du travail s’il en existe un dans la collectivité, apportent en effet un éclairage particulier sur les choix à réaliser dans le cadre de ce changement, notamment par l’expérience qu’ils ont des conséquences sur la santé des individus de tels changements. Par ailleurs, il est souhaitable que la mise en œuvre d’une réorganisation s’appuie dès le début sur la médecine préventive en actant la mise en place d’une cellule
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d’écoute et en communiquant sur l’existence de celle-ci. La cellule d’écoute permet d’apporter une réponse au stress et aux interrogations des agents mais également de faire remonter des informations anonymisées pour l’équipe projet sur la manière dont les agents vivent le changement. La majeure partie du stress vécu par les agents impliqués dans un projet de réorganisation est dû à l’incertitude de leur situation personnelle. Il est donc souhaitable de réussir à objectiver les pertes individuelles le plus tôt possible. La création, pour l’occasion, d’un baromètre de climat social, sollicitant à intervalles réguliers l’avis des agents touchés par le changement, leur degré de compréhension et d’appréhension, peut permettre de mieux saisir les principales interrogations et d’adapter en conséquence la communication sur le changement, voire le contenu du projet. La communication sur le changement doit être particulièrement soignée : elle doit, de manière régulière, véhiculer le sens du projet, ses finalités, son avancement, être adaptée à la situation de ses destinataires et utiliser toute la diversité des canaux de transmission (réunion d’équipe, réunion plénière, cérémonie des vœux, intranet, newsletter, courrier accompagnant la fiche de paie, journal interne, vidéo,…). Il est important de ne pas surestimer la diffusion d’une information. Enfin, un équilibre est à trouver quant à la durée du projet de réorganisation : elle doit être annoncée à l’avance avec la mention d’une date butoir sur laquelle on ne reviendra pas (deadline), elle doit être rapide pour profiter d’une dynamique de changement mais elle doit aussi être réaliste en donnant aux agents le temps nécessaire pour accepter le changement.
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IV. Annexe : Tableau récapitulatif des entretiens réalisés Collectivité
Personnes rencontrées DGS ou DGA ressources
Elu en charge des RH
Conseil régional Conseil régional Conseil régional Conseil régional Conseil général Conseil général Conseil général Conseil général Conseil général Communauté urbaine Communauté urbaine Ville et communauté d’agglomération Ville et communauté d’agglomération Ville Ville Ville Ville Ville Centre de gestion Collectivité d’outre mer
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Directeur ou directeur adjoint des RH
Assistant social
Chef de service à la DRH
V. Atelier de l’Observatoire social territorial A. Réunion du mardi 26 avril 2011 Participaient à la réunion : Alain ANANOS, Ufict-CGT Françoise ANNE-BRAUN, INET Aurélie AUDOUX, Elève-administrateur Jean-Christophe BAUDOUIN, AATF Pierre BERNARD, MNT Jacques BRIDE, CGT-FO Christian BRIEL, MNT Audrey CHANU, Elève-administrateur Françoise DESCAMPS-CROSNIER, CSFPT Patrick DOS, MNT Martine DORIAC, la Gazette des communes, des départements et des régions Karim DOUEDAR, Ville d’Aulnay Jean DUMONTEIL, La Lettre du Secteur Public Vincent FABRE, Elève-administrateur Simon FAVREAU, Elève-administrateur François FIGUERAS, MNT Serge GIACOMETTI, MNT Monique GRESSET, CSFPT Jean-Marc JOUSSEN, MNT Agnès LERAT, CFE-CGC Marie MAUREL, DGCL Isabelle MASSIMI, CSFPT Jean-René MOREAU, MNT Dora NGUYEN VAN YEN, Elève-administrateur Michel PASTOR, CNFPT Françoise PERRIN, DGCL Jean-Manuel PETTIT, MNT Aline ROSADO, Elève-administrateur Jérôme SADDIER, MNT
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B. Ordre du jour 1. Présentation de l’étude : « Les précarités dans la fonction publique territoriale : quelles réponses managériales ? »
Jean DUMONTEIL Bonjour à tous. Nous vous présentons aujourd’hui la deuxième étude de l’Observatoire social territorial, menée par sept élèves-administrateurs territoriaux de l’INET, qui vous exposeront leur méthode de travail. Nous vous expliquerons également ce qu’est l’Observatoire et la manière dont il fonctionne. Avant d’entrer plus avant dans cet atelier, je vous précise que le travail de l’Observatoire se déroule en trois temps. Un Conseil scientifique choisit d’abord des thèmes, sur lesquels un travail d’enquête est réalisé, qui est ensuite présenté et confronté aux réactions d’un certain nombre d’acteurs territoriaux, comme nous allons le faire cet après-midi. Enfin, l’étude et les réactions que celle-ci a suscitées donnent lieu à une communication, qui prend la forme d’une publication de l’Observatoire. Le document final sera présenté et débattu fin juin, dans le cadre du congrès de l’Association des administrateurs territoriaux qui aura lieu à Saint-Etienne. Je cède sans tarder la parole à Jean-René Moreau, qui dirige l’Observatoire social territorial de la MNT et nous accueille ce soir avec ses collègues.
Jean-René MOREAU Bonjour. Le travail qui va vous être présenté a été réalisé en collaboration avec les élèves administrateurs de la promotion Robert Schuman, sous la responsabilité de Françoise Anne-Braun, ainsi qu’avec Jean-Christophe Baudouin, président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), également membre du Conseil scientifique de l’Observatoire. Il est donc tout à fait logique que nous travaillions ensemble. Nous avons déjà mené une précédente étude avec l’AATF. Ce document sera donc le deuxième à vous être présenté puis diffusé. Je remercie également Françoise Descamps-Crosnier, membre du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale, ici présente. Le CSFPT a déjà mené une étude sur la précarité. Le travail qui va vous être soumis ne se veut nullement concurrent de cette enquête mais plutôt complémentaire. Il se caractérise par une approche managériale, qui sera très utile pour élargir le champ d’investigation à la fois de la MNT et de l’Observatoire. Pour l’avoir à nouveau parcouru sur le trajet qui me menait d’Aix-en-Provence à Paris, je constate qu’il s’en dégage des axes et des enjeux importants. L’objectif est que nous puissions en discuter par la suite.
Jean DUMONTEIL Merci pour ce mot d’accueil. Ce sujet d’enquête a été proposé par l’AATF, par l’intermédiaire de son président Jean-Christophe Baudouin, qui y a vu l’occasion, pour
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les élèves-administrateurs de l’INET, de se frotter au problème du management et de l’action sociale.
Jean-Christophe BAUDOUIN En effet. Cette deuxième étude, qui me paraît tout aussi importante que la première, montre à quel point nous manquons, dans la fonction publique territoriale, de statistiques et d’éléments d’observation. La dimension managériale que revêt cette deuxième enquête est importante à plusieurs titres. Premièrement, elle montre comment les élèves-administrateurs peuvent passer de préoccupations sociétales à des propositions et des choix proches des responsabilités qu’ils seront amenés à exercer. Deuxièmement, et par voie de conséquence, cette étude se place sur le registre de l’acte et non seulement de l’observation, même si celle-ci est nécessaire. Enfin, elle prendra une résonance toute particulière dans le cadre du congrès de Saint-Etienne, notamment au regard du rapport que nous avons remis il y a quelques semaines.
Jean DUMONTEIL Merci. Ce travail, mené par une équipe de sept élèves-administrateurs, a été « chapeauté » par Françoise Anne-Braun et a donné lieu à des réunions régulières à Strasbourg avec Jean-Marc Joussen. Françoise Anne-Braun, pouvez-vous nous dire comment travaillent les élèves de l’INET et comment ces projets s’inscrivent dans le cadre de leur scolarité ? L’appel que nous avions lancé pour cette étude avait apparemment suscité de nombreuses réponses.
Françoise ANNE-BRAUN Oui, tout à fait. Il faut savoir que ces projets ne sont pas obligatoires. L’Association des administrateurs propose régulièrement des études, dont nous examinons la faisabilité dans le cadre de la scolarité ou de la formation initiale des élèves administrateurs. Outre que le nombre de personnes réunies pour la présente étude (7) représente une force de frappe non négligeable, ce type de travail permet aux élèves de mener des entretiens dans des conditions optimales et de rencontrer des agents des collectivités territoriales dans lesquelles ils effectuent eux-mêmes leur stage en alternance. Nous sommes donc parfaitement prêts à accueillir ce type de proposition d’étude, qui constitue simultanément une opportunité pour les élèves. Je tiens d’ailleurs à vivement les remercier pour le travail qu’ils ont fourni, en dehors même de leur temps de formation, n’hésitant pas à y consacrer une partie de leurs vacances.
Jean DUMONTEIL Merci pour l’accueil qui nous a été réservé à l’INET et les conditions excellentes dans lesquelles cette collaboration s’est déroulée. Le résultat auquel nous allons assister cet après-midi en attestera sans aucun doute. Je laisse sans plus tarder la parole aux élèves administrateurs pour la présentation de l’étude, étant entendu que vous n’êtes plus que six au lieu de sept, l’un d’entre vous ayant dû s’absenter.
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*** Bonjour à tous. Le sujet de notre étude fait l’objet d’une actualité importante. Nous souhaitons remercier Monsieur le président de l’Observatoire social territorial et Monsieur le président de l’AATF pour nous avoir confié cette étude et nous permettre de la présenter aujourd’hui. Cette présentation s’articule autour de quatre points : • la méthodologie de l’étude ; • les précarités constatées dans les collectivités ; • les réponses apportées par ces collectivités ; • nos préconisations. Méthodologie de l’étude Cette étude a été initiée il y a environ cinq mois, en décembre 2010. Face au délai assez court dont nous disposions, nous avons fait le choix d’une étude qualitative, et non quantitative, avec l’objectif de faire émerger les éléments saillants de la précarité et de la façon dont elle est aujourd’hui appréhendée par les collectivités territoriales. Nous avons retenu trois lignes directrices. Nous avons d’abord élaboré un panel de 20 collectivités territoriales, selon trois principes : l’exhaustivité des échelons, la diversité des strates de populations, la variété et la complémentarité des territoires étudiés. Au final, nous avons rencontré les 20 collectivités territoriales retenues, dont 4 conseils régionaux, 5 conseils généraux, 2 communautés urbaines, 7 villes, dont 3 de plus de 80 000 habitants et 4 comprenant de 20 000 à 50 000 habitants, 1 centre de gestion et 1 collectivité d’outre-mer. Nous étions soucieux, par ailleurs, d’approcher un grand nombre d’acteurs de la lutte contre la précarité dans les collectivités. Nous avons ainsi sollicité des entretiens avec les directions des ressources humaines, les Directions Générales, les personnels de terrain, tels que les assistantes sociales, mais également les élus. Il a toutefois été difficile dans les faits de rencontrer les élus, avec lesquels nous n’avons pu obtenir que trois entretiens sur les vingt collectivités interrogées. Notre troisième préoccupation était de ne pas poser a priori de définition stricte de la précarité. Nous avons privilégié l’approche la plus large possible, afin de ne pas plaquer de définition sur la diversité des interprétations faites par les collectivités territoriales de la précarité. Il nous a finalement semblé pertinent de proposer au commanditaire une approche de la précarité sous l’angle managérial, en lien avec nos futures fonctions au sein des collectivités. Nous souhaitions, au terme de notre étude, être en mesure de proposer des outils opérationnels mobilisables par les cadres
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territoriaux confrontés à des situations de précarité. Il s’agit de fournir à ces cadres des clés d’analyse et des pistes d’action afin qu’ils puissent répondre à la question suivante : comment, en tant que manager territorial, puis-je agir à l’échelle de ma collectivité ? Les précarités rencontrées dans les collectivités Je précise, en guise d’introduction, que cette présentation ne fournit qu’un aperçu des précarités que nous avons pu observer dans les collectivités, qui sont développées beaucoup plus longuement dans le rapport. Les collectivités territoriales sont confrontées à des situations de précarité. Nous avons choisi, à partir des éléments qui nous ont été remontés dans le cadre des entretiens que nous avons conduits, de distinguer les précarités induites par l’action des collectivités territoriales, de celles importées de la sphère privée des agents. Les précarités créées par les collectivités Au premier rang figurent les précarités statutaires et de l’emploi : recours aux contrats à durée déterminée, recours aux emplois aidés et bas salaires. Parmi ces types de précarités qui ont été citées par les collectivités, ni les contrats à durée indéterminée ni les emplois de type DGA/DGS n’ont été mentionnés. Enfin, les emplois de collaborateurs de cabinet, pourtant précaires, ne sont pas apparus comme tels dans les entretiens. Les collectivités ont par ailleurs considéré que les conditions de travail qu’elles offrent à leurs agents sont également des facteurs de précarité, notamment dans le cadre des projets de changement ou de l’accompagnement managérial. Les précarités subies par les collectivités Nous avons sérié un certain nombre de situations de précarité qui s’imposent aux collectivités, sans que celles-ci les aient générées. Les fragilités personnelles de leurs agents et, plus généralement, les évolutions de la société française, peuvent participer d’un processus de précarisation. Nous présentons dans notre étude plusieurs cas de précarité importée de la sphère privée, et qui nous ont été cités à plusieurs reprises dans le cadre de nos entretiens. A des fins pédagogiques, nous les avons regroupés en trois types : les situations de précarité financière, sociale, et sanitaire, étant entendu que cette distinction ne reflète que de manière très imparfaite la complexité du phénomène de précarité, qui se développe à partir d’une conjonction de facteurs. Les précarités financières Nous ont été citées à ce titre des situations de mauvaise gestion du budget, pouvant être dues au caractère excessif de certains postes de dépenses, mais également
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au fait que les agents percevant des primes ou effectuant des heures supplémentaires s’habituent à un train de vie confortable et tombent dans une logique de consommation excessive. Les personnes interrogées ont également mentionné les situations de surendettement, les déséquilibres causés par l’impossibilité d’amortir le moindre imprévu financier, ou encore le défaut d’assurance. Le cas échéant, il peut prendre la forme d’une absence totale de couverture santé, ou d’une couverture dite « low cost », défaillante, protégeant peu ou mal les agents. Il peut aussi se traduire par une absence de contrat de prévoyance. Enfin, la situation économique du conjoint a également été citée comme source potentielle de précarité financière, qui peut peser sur la situation économique du foyer (conjoint au chômage, ou percevant une faible retraite). La précarité sociale Les agents peuvent se trouver en situation de rupture familiale (divorce, décès) ou de parent isolé ayant des enfants à charge. Le mal logement ou l’absence de logement a également été cité de façon récurrente. Des situations extrêmes d’agents territoriaux dormant dans leur véhicule personnel nous ont été décrites. Enfin, les cas d’illettrisme peuvent conduire les agents à rencontrer des difficultés au travail ou à se voir refuser des possibilités de promotion. La précarité sanitaire Elle regroupe les maladies, la fragilité psychologique et les addictions. Au vu des différents cas qui nous ont été remontés, la notion de précarité reste difficile à appréhender. Elle apparaît comme une notion complexe, aux contours flous et aux causes très diverses, mais surtout évolutive. Une situation précaire à un moment donné ou d’un certain type peut engendrer une précarité d’une autre nature, l’accumulation de plusieurs facteurs pouvant entraîner la précarisation générale des agents. Une définition problématique Partant de ce constat, il existe une distinction même entre les collectivités territoriales qui adoptent une approche restreinte de la précarité, limitée à une fragilité statutaire et financière, et celles qui mettent en avant une conception extensive de la précarité, englobant les problèmes de santé, les difficultés sociales et professionnelles rencontrées par les agents. Parallèlement, nous avons constaté un manque d’observation du phénomène, pouvant s’expliquer en partie par ces difficultés de définition. Aucun observatoire dédié n’a été relevé dans les collectivités du panel. En revanche nous avons noté l’existence de plusieurs outils, contribuant à une appréhension partielle de la précarité et
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fournissant un certain nombre d’informations intéressantes. Les bilans sociaux notamment, faisant état du nombre d’agents non titulaires, des reclassements, de l’absentéisme, abordent ce sujet de manière indirecte. Les rapports d’activité des assistants sociaux comprennent des indicateurs d’activité mais ne décrivent pas toujours les situations rencontrées. Les schémas directeurs des ressources humaines comprennent parfois un axe dédié à la précarité. Certaines collectivités ont également mené des enquêtes thématiques sur des points précis (analyse des fiches de paie afin d’étudier la filiation des agents aux mutuelles santé). Enfin, les rapports des comités d’œuvre sociale permettent aussi d’appréhender le phénomène. Les actions engagées par les collectivités Ces actions ont été réparties selon la dichotomie initialement retenue. La lutte contre les précarités générées en interne S’agissant des réponses apportées aux précarités induites par l’action même des collectivités, il apparaît que les collectivités s’engagent aujourd’hui de manière très variable dans les plans d’action. Face à la précarité statutaire et de l’emploi, certains employeurs locaux ont largement fait évoluer leurs pratiques de ressources humaines et ont acquis une expertise réelle en la matière. Si la titularisation demeure le principal outil de lutte contre la précarité, c’est la politique RH dans son ensemble qui doit être revue afin d’avoir un impact sur la précarité de l’emploi. Face aux conditions de travail porteuses de précarité, nous avons souhaité mettre en avant différentes actions innovantes que nous avons pu répertorier, notamment pour anticiper une éventuelle rupture professionnelle des agents. Ces actions ont aujourd’hui des résultats concrets. Le plus souvent néanmoins, la lutte contre la précarité ne constitue pas un axe de projet des DRH ni l’objectif premier des actions menées. La lutte contre les situations de précarité importées Les aides sont de deux types. Les actions ponctuelles permettent aux collectivités de se montrer réactives face à des besoins concrets (aide financière, aide au logement). Sur ce plan, les collectivités possèdent une réelle marge de manœuvre, à travers un parc immobilier souvent vacant qu’elles peuvent mettre à disposition des agents. Ces actions ponctuelles sont parfois complétées par des actions plus structurelles : participation aux mutuelles santé et aux contrats de prévoyance, actions de lutte contre l’illettrisme, qui permettent d’élargir les parcours et les carrières des agents. Néanmoins, les réponses apportées à la précarité importée rencontrent certaines limites. Elles se heurtent aux risques : • d’une immixtion excessive dans la vie privée des agents,
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• de stigmatisation d’une catégorie d’agents au sein de la collectivité ; • de méconnaissance des situations de précarité et des réels besoins des agents, faute d’une observation suffisante ; • de cloisonnement des actions, qui ne sont pas pensées dans leur globalité. Préconisations L’objectif, après cet état des lieux et ce tour d’horizon des pratiques mises en œuvre, est de pouvoir répondre à la question suivante : « Comment, en tant que cadre territorial, puis-je agir à l’échelle de ma collectivité ? » Ces préconisations formulées dans le rapport n’ont pas vocation à être exhaustives et pourront être complétées. Elles visent à jeter les bases d’un guide pratique à destination des acteurs territoriaux et s’articulent autour d’un double volet : d’une part l’élaboration d’une stratégie, à partir d’un travail de cadrage de la notion de précarité, et d’autre part, la détermination des actions concrètes pouvant être menées. Nous avons choisi, à cet égard, de distinguer les actions relevant directement de la lutte contre la précarité de celles qui portent davantage sur ce que nous avons appelé l’environnement ou le « halo » de la précarité. Premier volet : fixer un cadre et mobiliser les acteurs A travers le premier volet, nous avons voulu insister sur la nécessité, en amont du développement d’actions concrètes, de structurer cette action et de positionner la collectivité sur la question de la précarité, afin de fixer un cadre à une notion extrêmement complexe, qui comporte le risque pour les collectivités d’engager des actions erratiques. C’est pourquoi nous proposons dans un premier temps d’effectuer un travail de cadrage de la notion de précarité, permettant par ailleurs de mobiliser le politique sur cette question, élément essentiel au développement d’une action efficace. Réaliser en interne un travail de définition Ce pré-requis fait souvent défaut aux collectivités territoriales aujourd’hui. Au cours de nos entretiens, une définition nous est apparue particulièrement intéressante, permettant d’avoir une approche globale de la notion de précarité tout en sériant les problèmes de façon graduelle. Cette définition est adaptée de la pyramide de Maslow, qui avait été composée en 1943, mettant en évidence les différentes strates de besoins de l’individu : besoins physiologiques, besoin de sécurité, besoin d’appartenance, besoin d’estime de soi et d’accomplissement. Nous proposons d’appliquer cette pyramide aux agents territoriaux afin de pouvoir distinguer les situations qui, pour la collectivité, relèvent de la précarité, de celles qui relèvent d’autres phénomènes. Nous suggérons, pour définir la précarité, de retenir les deux premières strates de la pyramide de Maslow, à savoir la non satisfaction des besoins physiologiques et la non satisfaction du besoin de sécurité. Les autres strates, qui nous
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semblent avantage relever de la souffrance au travail, du stress et de problèmes d’estime de soi, ne peuvent être considérées comme de la précarité en tant que telle. Sur cette base, il nous paraît nécessaire d’engager les débats entre les dirigeants territoriaux, les employeurs et les élus sur la responsabilité que la collectivité souhaite assumer en matière de lutte contre la précarité de ses agents. En qualité d’employeur public et de gestionnaire des services publics, elle exerce une responsabilité sociale et doit être exemplaire en la matière. L’objectif n’est pas tant de dicter quelle doit être la responsabilité des collectivités dans ce domaine que de susciter le débat entre les dirigeants afin de les mobiliser sur cette question Organiser l’intervention des acteurs Face à la notion complexe de la précarité, il est nécessaire que les bonnes personnes interviennent au bon moment, afin que l’action de la collectivité puisse être rendue visible sur cette question. L’organisation et la mobilisation des acteurs supposent de construire un cadre d’action à la fois politique, répondant à des objectifs définis par la collectivité et évalués annuellement, et administratif, afin de faire de la précarité un axe du schéma directeur des ressources humaines et de désigner un référent rattaché à la DRH. Par ailleurs, il est nécessaire de structurer la DRH dans une perspective de lutte contre la précarité, afin de développer les compétences adéquates et des modes de travail particuliers entre la DRH et les directions opérationnelles, l’objectif étant de promouvoir le dialogue entre les référents RH, les psychologues et les dirigeants territoriaux, relais privilégiés de la politique de lutte contre la précarité. Mobiliser les managers de proximité Les managers de proximité, en tant que responsables de leurs services, constituent les premiers témoins des situations de précarité mais aussi les premiers relais de leurs agents, pour les orienter vers les aides, les conseils et les appuis adéquats. Faire connaître les dispositifs Cet axe lié à la communication est essentiel, afin que les agents puissent savoir à qui s’adresser en cas de problème et sur quel dispositif ils peuvent s’appuyer, au-delà de ceux proposés par le droit commun. Deuxième volet - Agir concrètement sur la précarité et son halo Ce volet ne peut venir qu’à la suite du premier, l’action ne pouvant intervenir qu’après l’élaboration d’une stratégie et la fixation de priorités par la collectivité. D’autre part, ces actions contre la précarité peuvent être certes impulsées par la DRH, mais ne peuvent en aucun cas être uniquement portées par elle. Des actions curatives visant le cœur de la précarité
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La préconisation 10 insiste plus particulièrement sur le recours au statut pour réduire le nombre des agents non titulaires dans la collectivité La préconisation 11 insiste davantage sur la résorption du nombre d’agents travaillant à temps partiel et le développement du travail multisites. Les trois préconisations suivantes s’inscrivent davantage dans une logique d’anticipation : • anticipation des difficultés professionnelles des agents (fin de contrat, reclassements) ; • anticipation des problèmes résultant des accidents de vie des agents (difficultés financières) ; • formation et information des agents (sur les droits sociaux dont ils disposent, formation à la gestion des budgets). Agir sur l’environnement et le halo de la précarité Trois types d’actions nous sont apparus importants à cet égard : • accompagner les agents vers plus d’autonomie, à travers la lutte contre toutes les formes de dépendance (alcool, drogue, illettrisme), souvent ramenée à la sécurité au travail et qui pourrait être appréhendée de façon beaucoup plus complète sous l’angle de l’autonomie ; • favoriser l’épanouissement de tous les agents, en soulignant d’une part le rôle du manager de proximité sur le bien-être au travail et les conditions de travail de ses agents, en favorisant d’autre part les mobilités et la construction de parcours professionnels, grâce aux outils de formation ; • porter une attention particulière aux réorganisations de services et aux restructurations, qui ne doivent pas être appréhendés uniquement sous l’angle administratif, mais aussi humain (associer la médecine du travail en amont dans une logique préventive, évaluer très rapidement les impacts de la réorganisation pour les agents afin d’en diminuer le caractère anxiogène). Conclusion Quatre points sont à retenir au terme de cette étude. Tout d’abord, si la précarité a une réalité qui n’est pas discutée dans les collectivités, en revanche nous avons pu constater combien elle était mal observée. Nous manquons d’éléments dans ce domaine, qui expliquent l’absence de réponse face à certaines situations. La précarité ne nous apparaît pas comme une fatalité dans les collectivités territoriales. Nous pensons qu’il est possible non seulement de pallier les situations actuelles mais également d’empêcher qu’elles se reproduisent. Le protocole d’accord qui a été signé par les organisations syndicales avec le Gouvernement apporte certes des réponses aux situations actuelles mais ne modifie pas les pratiques pour l’avenir.
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Les collectivités territoriales sont responsables des politiques qu’elles conduisent et de la précarité qu’elles peuvent engendrer à travers les outils qu’elles développent. Enfin, nous devons impérativement apporter des réponses globales à la précarité. A cet égard, les managers ont un rôle fondamental à jouer, tant que détecteurs, conseillers, mais aussi en qualité d’organisateur de leurs services. Quant aux suites qui seront données à cette étude, elle fera d’abord l’objet d’une publication et d’une large diffusion. Elle sera ensuite présentée au congrès des administrateurs territoriaux de Saint-Etienne en juin. Enfin, nous souhaitons proposer à l’INET que cette dimension de la précarité soit intégrée dans la formation initiale des administrateurs territoriaux, dans les modules RH et management, mais aussi dans les modules de formation continue. Dès lors que ce sujet n’est pas, à l’heure actuelle, pensé en tant que tel, il n’existe aucune offre de formation destinée aux dirigeants territoriaux pour appréhender cette problématique. ***
2. Débats avec la salle
Jean DUMONTEIL Nous pouvons remercier l’ensemble de l’équipe qui a travaillé sur ce thème. Cette étude est d’autant plus intéressante qu’en début d’année, un site de négociations avec un ministre de la fonction publique utilisait ce terme de précarité, mais au sens de précarité statutaire et afin de parvenir à l’établissement d’un protocole. Le CSFPT a également conduit des travaux sur cette question, mettant en exergue le rôle des acteurs sociaux pour impulser le changement et formuler des propositions réglementaires. Enfin, ce thème, proposé par l’Observatoire social territorial, a été repris par les élèves administrateurs, qui ont mis en évidence la dimension managériale de cette question, proposant notamment l’élaboration d’un guide pratique. Il a également été question de « boîte à outils ». Le rapport complet de cette enquête, fût-il provisoire, est à votre disposition. Je propose maintenant de recueillir vos réactions, à commencer par celle de Françoise Descamps-Crosnier.
Madame DESCAMPS-CROSNIER Le CSFPT a en effet mené un travail sur la précarité dans la fonction publique territoriale, qui nous paraissait un sujet important, connaissant une réalité dans la FPT. Non qu’il n’en ait pas dans les autres fonctions publiques, mais la fonction publique territoriale, de par sa structuration, comporte une proportion d’agents de catégorie C plus importante. Or c’est dans cette catégorie que l’on retrouve les plus bas salaires et les plus grands états de précarité. Sans vouloir établir de comparaison avec le rapport que nous avons réalisé, je dirai que ces deux études sont très complémentaires, dans la mesure où nous avons retenu une approche situationnelle et non par type de public. Contrairement à vous, nous avons préféré fournir d’emblée une définition de la précarité, dès lors que notre travail s’inscrivait dans une logique de dialogue social,
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impliquant d’une part les employeurs, d’autre part les représentants des agents. Nous avons ainsi conduit un travail consensuel, qui visait à exprimer les points de vue différents et respectifs des employeurs et des salariés. Pour autant vous concluez, au terme de votre rapport, à la nécessité d’élaborer des définitions, puisque la volonté d’agir suppose, au-delà du diagnostic que vous posez et de l’analyse que vous faites, de s’inscrire dans le champ de l’opérationnel. Cette démarche s’accompagne nécessairement d’une stratégie et d’un cadrage, qui vous conduisent quand même à formuler une définition des précarités. Nous avons, pour notre part, basé notre travail sur la précarité de l’emploi, la précarité financière et celle des droits, mais les précarités telles que vous les définissez croisent l’ensemble de ces volets, fussent-ils analysés un peu différemment, du fait de l’angle managérial que vous avez adopté. Vous avez également parlé de précarité évolutive. Les différentes formes de la précarité sont effectivement très inhérentes les unes aux autres. Dès lors qu’un agent se trouve dans une situation précaire, il peut être ensuite entraîné dans d’autres formes de précarité, consécutives à la première. Il existe en quelque sorte un parcours de la précarité, qu’il faut tenter de stopper. Bien que votre analyse diffère quelque peu de la nôtre, elle parcourt des champs identiques. Dans la situation managériale qui est la vôtre, vous vous positionnez surtout sur les collectivités, dont la plus petite retenue pour votre étude compte 20 000 habitants, alors que la grande majorité d’entre elles ont une taille plus réduite. Or c’est dans ces petites collectivités que les situations de précarité sont les plus courantes et les temps partiels non choisis les plus nombreux.
Jean DUMONTEIL Le fait de parler des précarités et de les placer dans un contexte évolutif peut peutêtre éclairer et nourrir le débat. Françoise Descamps-Crosnier a parlé de « parcours de la précarité ». Autrement dit, on peut être en situation de précarité mais l’on peut aussi en sortir. Comme l’indiquait Vincent Fabre en conclusion, la précarité n’est pas une fatalité pourvu que les acteurs s’organisent et se mobilisent.
Jean-Christophe BAUDOUIN Je tiens à saluer la qualité de l’étude qui nous a été présentée. L’analyse qui nous est soumise fait ressortir très nettement un cumul des précarités, qui n’existait pas de cette manière il y a quinze ans. Force est de constater qu’une partie de nos agents « décroche » complètement. Les indicateurs et les données dont nous disposons, dont celles de l’Observatoire social territorial, le démontrent. Le diagnostic qui a été posé montre, quel que soit le cadre que l’on se fixe, que la responsabilité sociale des employeurs est devenue incontournable et que nous n’avons plus le choix. Est-ce bien le rôle de l’employeur que de mener des actions de lutte contre l’illettrisme ? Nous sommes en train de rattraper toute une phase de décrochage de la formation initiale. Il en va de même en ce qui concerne les problématiques rencontrées sur le logement. Est-il normal que nous nous préoccupions de ce périmètre et jusqu’où devons-nous aller dans le traitement de ce cumul de précarités ?
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Par ailleurs, en matière de responsabilité sociale, les élus ne font sans doute pas de différence – du moins ne sont-ils pas incités à le faire – entre leur responsabilité d’employeur et leur responsabilité sociale. Or aujourd’hui nous avons affaire à un ensemble dans lequel la sphère des collectivités productrices de politiques publiques tend à se rapprocher de celle des collectivités employeurs. Nous nous efforçons désormais d’associer les deux. Enfin, et ne voyez aucune perfidie dans mon propos, j’ajoute que nous sommes en 2011. Le fait que les associations d’élus ne se soient pas préoccupés du sujet avant mérite un questionnement de notre part. Cela fait aussi partie de la responsabilité sociale des collectivités.
Jean DUMONTEIL Nous pouvons également dire que cette dimension sociale fait partie intégrante de l’histoire de l’emploi territorial. C’est sans doute l’autre versant à explorer.
Serge GIACOMETTI Bonjour. Je voudrais repartir de cette notion de précarité et pointer un paradoxe. Généralement, la précarité et la solidarité semblent ne pas aller de pair. Les entreprises recourent à des emplois précaires pour réaliser des gains et éviter des solidarités salariales qui les conduisent à pérenniser des coûts qu’elles ne souhaitent pas soutenir. Or ce constat ne s’applique pas à la fonction publique territoriale. Pour celleci au contraire, la précarité a été associée à la solidarité, et l’on a traité par ce biais des problématiques qui relevaient en réalité de la précarité. La précarité se traduisant par la non permanence, la question est de savoir comment assurer une continuité, en évitant d’accroître excessivement ces coûts au regard des ressources limitées des collectivités. Certes nous ne devons pas oublier la précarité qui peut être observée dans les collectivités. Rappelons cependant que ce phénomène est particulièrement criant dans les départements d’outre-mer. Le nombre d’emplois journaliers déployés en Réunion visait à donner de l’employabilité à des personnes qui, sans cela, se seraient retrouvées sans travail et auraient contribué à l’explosion sociale de l’île. Le rôle social joué par l’emploi précaire au sein de la collectivité ne doit donc pas être oublié. La continuité se définit par la permanence de l’emploi et des revenus, revenus dans l’emploi mais aussi lorsque l’emploi cesse, en cas d’arrêt de travail. Dans la fonction publique territoriale, nous sommes confrontés à un réel problème d’insuffisance du statut par rapport à ces arrêts de travail, à la multitude des emplois précaires et cette proportion importante d’agents de catégorie C. Peu d’agents territoriaux sont, de ce fait, couverts pour pouvoir continuer à percevoir leurs revenus en cas d’arrêt de travail. Ce problème, qui est véritablement spécifique à la fonction publique territoriale, ne se pose pas en ces termes dans la fonction publique d’Etat, qui compte moins d’agents de catégorie C et parce que les mutuelles l’ont traité de façon globale, ni dans les entreprises privées, où le maintien de salaire est rendu obligatoire au travers
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des accords de branche. Nous avons donc à traiter ce problème de continuité du financement et des salaires, les agents percevant souvent une rémunération trop faible pour souscrire une couverture.
Jean DUMONTEIL Attention donc à ne pas ajouter de la précarité aux situations déjà fragiles.
Jean-René MOREAU Nous avons un observatoire très général qui traite en partie des problèmes de précarité et de souffrance au travail.
Jean DUMONTEIL Je rappelle que Jean-René Moreau appartient au SAN Ouest Provence, une grosse intercommunalité située à l’ouest de Marseille, qui emploie 2 000 agents.
Jean-René MOREAU Je souhaiterais revenir sur la notion de précarité. Il existe tout d’abord une précarité du statut, notamment pour les agents de catégorie C, qui représentent près de 75 % des agents territoriaux. Ils sont souvent relativement mal payés et ont du reste des perspectives assez réduites. Les retraites des agents territoriaux de catégorie C sont catastrophiques. Ils sont donc confrontés à une véritable précarité financière, qui tient à leur statut et leur rémunération. Certaines collectivités ont développé des politiques sociales et des politiques d’accompagnement, mais de façon très inégale, en raison des disparités de richesses pouvant exister entre elles. Certaines acceptent de s’investir pour accompagner leurs agents au-delà du régime indemnitaire qui leur est proposé et mettre en place un certain nombre de dispositifs complémentaires en matière d’action sociale, qui ne sont pas négligeables. Toutes ne le font pas cependant. Au-delà de ces inégalités, nombre d’agents territoriaux souffrent d’un manque de perspective et d’horizon. Auparavant, il existait des profils et des parcours de carrière. Il est de plus en plus question aujourd’hui de politique de l’emploi. L’employabilité est associée avant tout à l’emploi, que les agents n’ont pas l’assurance de garder. Les discours actuellement tenus sur le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ou sur la transformation de la taxe professionnelle alimentent ces craintes et risquent d’accentuer la crise. Quant à la fragilité psychologique des agents territoriaux, l’approche managériale retenue par l’étude est d’autant plus intéressante que les managers ont parfois du mal à s’investir, à cause d’un sentiment de pudeur qui les empêche de se mêler de la vie des agents. Il n’est pas évident de mettre en place des dispositifs dans ce domaine et d’aller au-devant des personnes. Il est difficile de trouver la juste articulation entre la sphère privée, d’ordre personnel, avec la sphère publique et professionnelle de la collectivité, pour agir correctement dans ce domaine. Même les collectivités qui disposent d’un médecin du travail n’accompagnent généralement pas plus d’une trentaine de personnes, car cet investissement n’est pas facile, et la mise en place de dispositifs plus généraux l’est encore moins. Même si une approche au
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cas par cas n’est pas suffisante, il est nécessaire d’en passer par là avant de prendre des mesures plus générales. Vous avez démontré un certain nombre d’éléments intéressants. Vous auriez pu également évoquer le fait que les précarités peuvent être très différentes selon la taille des collectivités.
Jean DUMONTEIL La présentation qui a été faite est le fruit d’un important effort, qui a permis un focus sur certaines préconisations. Pour ceux d’entre vous qui auront la chance de lire le rapport dans son intégralité, vous verrez qu’il s’agit d’un travail très fouillé, qui mérite que l’on entre dans ce niveau de détails. Derrière la stratégie structurante qu’il prône comme la première des préconisations, il énumère une vraie liste d’actions et se veut un véritable guide pratique. Si l’on entre dans le détail des réponses managériales qui peuvent être apportées à la précarité, jusqu’où va-t-on observer ce phénomène avant même de le traiter et de prendre en compte sa dimension évolutive pour les agents concernés ? Comment peuton organiser un observatoire ? Enfin, cette démarche est-elle réservée à de grandes collectivités ? Cette approche structurante semble devoir guider la gestion même des ressources humaines désormais. Qui souhaite intervenir sur cet aspect de l’observation ?
Karim DOUEDAR En tant que DRH à Aulnay, je gère 2 700 agents et 1 300 payes. Je souhaiterais revenir sur les propos liminaires de Jean-Christophe Baudouin. Nous comptons, au sein de notre collectivité, 80 % d’agents de catégorie C, dont au moins la moitié habite la commune. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas dissocier les fonctionnaires des autres habitants. C’est en cela que résident les limites des droits que l’on pourrait accorder aux agents territoriaux. Par ailleurs, bien qu’étant un ardent défenseur du statut, je pense qu’il porte en lui les germes de la précarité. Le remplacement d’un fonctionnaire momentanément indisponible prévu à l’article 3 du statut implique nécessairement une forme de précarité importée, en dépit des quatre ou cinq lois qui ont été successivement adoptées pour résorber l’emploi précaire. Je vous invite à relire le document qui a été signé par les organisations syndicales le 31 mars dernier. Il y a fort à parier que d’ici 5 à 10 ans, nous soyons à nouveau confrontés aux mêmes problématiques, dès lors qu’il est impossible de remplacer un fonctionnaire par un autre, sauf à créer une réserve d’agents intérimaires, qui tomberont eux-mêmes malades. Le cas s’est déjà produit, si bien qu’on a dû faire appel à des non titulaires pour remplacer les remplaçants. Je crains par conséquent que la précarité fasse partie intégrante du statut. Cependant, vous savez que le recrutement des agents de catégorie C ne se fait pas sur concours en ce qui concerne le premier grade. C’est donc un moyen d’intégrer dans la fonction publique. Ce qui est anormal en revanche, c’est que des agents enchaînent
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les contrats. Lorsque je suis arrivé à Aulnay, j’ai pu constater que certains agents avaient cumulé une vingtaine de contrats successifs. Le cas échéant, ils doivent pouvoir, dès qu’un poste est vacant, occuper un emploi correspondant à leur qualification. Il n’en demeure pas moins que l’emploi très précaire et la vacation demeurent structurellement la voie d’entrée dans la fonction publique de catégorie C. Même si le stage est considéré comme une période d’essai, rares sont ceux qui se terminent par un licenciement. C’est donc une voie d’entrée importante, qu’il faut considérer comme telle. En revanche, la mise en mobilité de poste vacant peut faire l’objet d’une exception pour les personnes qui nécessitent un reclassement ou qui ont plusieurs contrats successifs. Le blocage du poste peut être une manière d’obliger le manager à recruter. Les dispositifs peuvent être contraignants si cela s’avère nécessaire. Il faut effectivement tenir compte des aspects sociaux qui ont été évoqués. Néanmoins, là encore, le phénomène de « vitrine » par rapport aux habitants et aux usagers constitue la principale limite. Le fonctionnement n’est pas le même qu’en entreprise. En tant que collectivité, nous sommes au service de la population, et malheureusement nous ne pouvons pas mieux traiter les agents que les habitants, en tout cas à l’échelle de la commune. Enfin, par rapport aux agents de l’Etat, je pense que la catégorie des « TOS », qui avaient une situation particulièrement précaire, ont été bien contents d’avoir pu rejoindre les collectivités territoriales, régions ou départements.
Jean DUMONTEIL J’ajoute que la MNT a réalisé un important travail sur ce point.
Vincent FABRE Je souhaiterais apporter une réponse à la question du statut. Un emploi en CDD est généralement synonyme de précarité. Dans le cadre d’un remplacement d’une personne en congé maladie, le recours au CDD apparaît logique et justifié. En revanche, lorsque le besoin est permanent, nous estimons que le statut est relativement bien conçu. Pourvu que l’on en respecte la lettre et l’esprit, il permet de recruter des fonctionnaires sur des emplois permanents non précaires. Même si la période de stage a un caractère probatoire, il n’y aucune raison qu’elle débouche systématiquement sur un CDD. Comme vous l’avez évoqué, la véritable question aujourd’hui est celle du courage managérial, des outils et de la légitimité que l’on confère aux managers. Le statut est suffisamment souple pour que nous n’ayons pas besoin d’en sortir. Cependant, il doit être appliqué à la lettre, ce qui implique de ne pas recruter des agents en CDD pour occuper des emplois permanents.
Jean DUMONTEIL Karim Douedar faisait allusion à la charte mise en place à Aulnay, mais votre rapport fait état de nombreux autres dispositifs et d’une multitude de bonnes idées, que vous avez pu relever au cours de vos entretiens. Le problème est que toutes ces actions sont trop dispersées voire peu connues, et mériteraient sans doute de gagner en visibilité. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs reprises dans vos préconisations.
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Nous avons évoqué la grand-messe de la négociation entre l’Etat, les organisations syndicales, les employeurs territoriaux, mais aussi le milieu hospitalier. Ces négociations peuvent aboutir parfois à des résultats étranges, compte tenu des préoccupations et des réalités sociales différentes d’un partenaire à l’autre. Peut-être pourrionsnous entendre maintenant le point de vue des organisations syndicales, qui ne se sont pas encore exprimées.
Agnès LERAT Je n’ai pas encore lu l’étude dans son intégralité. J’en ai parcouru la synthèse et ce que j’en ai découvert au travers de vos différentes interventions m’a beaucoup intéressée. Il me tarde de découvrir le guide des préconisations, afin de voir si mon employeur territorial sera en mesure de les appliquer. Cela étant, j’ai été interpellée par le fait que vous placez les risques psychosociaux dans un contexte de « halo ». Que faut-il entendre exactement par ce terme ? S’agit-il du halo qui illumine tout le reste, ou d’une simple lumière diffuse ? Le cas échéant, cela signifierait que ce n’est pas une priorité et je serais ennuyée qu’un tel bémol soit mis sur les risques psychosociaux, qui constituent le problème majeur sur lequel les employeurs publics se doivent d’intervenir. Je me réjouis en revanche que vous ayez eu l’idée d’inscrire dans votre formation la nécessité de sensibiliser les futurs managers à la précarité de manière globale. Il serait tellement bien que nos élus locaux le fassent aussi.
Dora NGUYEN VAN YEN Cette question du halo est effectivement très importante. Il nous paraissait nécessaire, pour parvenir à des préconisations et élaborer un guide pratique, de poser une définition et, pour ce faire, de cibler des situations. Il ne s’agit pas pour autant de prioriser ni d’écarter certaines situations. Nombre de collectivités ont pointé, dans les entretiens que nous avons menés, les risques psychosociaux comme facteurs de précarité. Nous avons fait le choix de distinguer les situations de précarité sociale et financière, liées à la satisfaction des besoins physiologiques et des besoins de sécurité, des risques psychosociaux, qui nous semblent être un enjeu essentiel pour les DRH aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons tenu à les inscrire dans nos préconisations. Néanmoins, ils doivent être distingués des actions spécifiques de lutte contre la précarité des agents.
Jacques BRIDE Cette étude s’inscrit dans le suivi des préoccupations dont la précarité est l’objet, et qui ont d’ailleurs donné lieu à la saisine du Conseil supérieur de la fonction publique. Toutes les organisations syndicales se sont félicitées de la chose et de la qualité des discussions qui ont eu lieu, ainsi que du rapport qui a été établi. Il est grand temps que cette notion de précarité soit considérée à sa juste mesure dans les collectivités territoriales, et non plus, comme jusqu’alors, à titre optionnel.
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Cette question était généralement saisie et traitée par quelques organismes de l’action sociale et faisait l’objet d’initiatives isolées. Aujourd’hui, ce domaine a et doit prendre toute sa place. Un certain nombre d’actions ont été citées, en lien avec l’actualité et la conjoncture économique. En tant que syndicaliste, je ne peux qu’être interpellé par la proposition de favoriser l’emploi statutaire. En matière d’emploi, nous nous sommes félicités que dans le protocole d’accord qui vient d’être signé, le point du statut que Vincent Fabre a bien voulu rappeler concernant les emplois à temps complet ait été reprécisé. Nous travaillons désormais à la constitution de cette loi, dont une partie concernera la fonction publique territoriale. La précarité touche aussi tous les aspects ayant trait à la santé. Nous attendons toujours, à cet égard, la publication du décret sur la protection sociale complémentaire, qui doit permettre la participation de l’employeur. Là encore il est regrettable, au vu du temps qui fut nécessaire pour rendre la protection sociale obligatoire pour les agents territoriaux, que cette protection complémentaire ne soit qu’aléatoire. Elle ne constitue encore qu’une possibilité mais ne fonde aucun droit. Elle doit prendre aujourd’hui toute sa mesure et montre la nécessité de pouvoir apporter une solution aux agents territoriaux dans le domaine de la santé. Comme vous l’avez relevé dans votre rapport, un certain nombre de bonnes initiatives sont prises, dans le domaine de la santé au travail ou des formations. J’espère que les élus, en lien avec les partenaires sociaux au sein des instances telles le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, pourront travailler à l’élaboration de dispositifs susceptibles d’apporter des réponses à l’avenir, et qu’au sein des collectivités territoriales, une structure soit dédiée à ces actions, dotée des moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour résoudre ces problèmes.
Jean DUMONTEIL Mme Descamps-Crosnier, cette prise de conscience est-elle en train de s’opérer auprès des maires et des élus locaux ?
Françoise DESCAMPS-CROSNIER Dès lors que le statut est correctement appliqué, il permet effectivement de réduire la précarisation qui existe actuellement. Néanmoins, comme cela a également été souligné, le statut est nécessairement source de précarité dans la mesure où il organise aussi les remplacements, qui sont assimilables à de l’intérim. Outre qu’il s’agit d’un temps de travail précaire, il consiste souvent en un remplacement de remplaçants. Il est du reste à noter que dans la fonction publique territoriale telle qu’elle est structurée, les agents travaillant dans les services publics de proximité (entretien, ménage, services techniques, espaces verts) accomplissent des travaux d’exécution porteurs d’une forme d’usure. Dans ces conditions, nos personnels peuvent se retrouver dans des situations précaires, quand bien même ils sont titularisés dans leur emploi.
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S’agissant des agents de catégorie C qui ne sont pas automatiquement recrutés comme le statut le permettrait (stage suivi d’une titularisation), le projet gouvernemental d’accord sur les non titulaires s’était formé autour de l’idée de « CDIsation » massive de quasiment tous les agents. Il s’est certes transformé progressivement. Néanmoins, une partie des agents peuvent, quoi qu’il en soit, suivre un stage et être titularisés dès la fin de ce stage. Il faut donc sensibiliser les élus aux bonnes pratiques à observer en la matière. Je souhaiterais également revenir sur la question des stagiaires. Lorsque l’on emploie un CDD dans le cadre d’un stage et que l’on ne souhaite pas, à terme, titulariser cet agent, cela a forcément un coût pour la collectivité, qui, même si elle est assurée, ne l’est pas pour les stagiaires. Pour ma part, à deux reprises, je n’ai pas effectué cette titularisation car j’estimais qu’elle était trop risquée. Or nous payons pour cela, même si nous sommes assurés pour les contractuels. Cet argument financier et comptable doit être pris en considération même s’il ne constitue pas forcément un bon argument. J’ajoute que la loi améliore progressivement les parcours professionnels. La loi de 2007, conformément à la volonté affirmée des employeurs territoriaux, a rendu la formation obligatoire pour les agents de catégorie C. Les collectivités territoriales et les employeurs en ont compris la nécessité dans le parcours de l’agent, tant par rapport à la mission qu’il a à accomplir qu’à la richesse qu’elle peut lui apporter. Ces formations prennent une importance croissante, y compris dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité, malgré le retard pris dans la rédaction des documents uniques au sein des collectivités. Il faut également préciser que tous les agents de catégorie C ne sont pas en situation précaire, y compris sur le plan de la rémunération. Dans les petites et moyennes collectivités, ces agents occupent parfois des responsabilités et bénéficient de régimes indemnitaires en conséquence. Ces responsabilités devraient certes être mieux intégrées dans leur rémunération, j’en conviens. Pour autant, tous les agents de catégorie C ne sont pas en situation précaire. Le sont ceux qui travaillent à temps incomplet, ceux qui occupent le dernier échelon de la catégorie C, et ceux dont les emplois entraînent une usure physique et psychologique. Enfin, je dirais que votre proposition selon laquelle certains emplois résiduels, à temps non complet, peuvent constituer des jobs d’étudiants n’est valable que pour les plus grandes collectivités. Dans les collectivités plus petites ou même de taille moyenne, les administrés qui se présentent à la permanence des élus et qui sont en quête d’un emploi préfèrent travailler quelques dizaines d’heures et bénéficier d’un temps non complet plutôt que de ne rien avoir du tout. Il revient ensuite aux employeurs de mener les actions de mutualisation nécessaires, par le biais des centres de gestion et des intercommunalités. Les exemples de mutualisation de postes au niveau des communes sont de plus en plus nombreux et ces préconisations doivent être davantage développées. En outre, dans les communes de la Grande Couronne, les étudiants ont déjà des temps de transport importants pour se rendre dans leur école et leur université. Ils ne peuvent donc pas toujours être disponibles au moment où
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nous avons besoin d’eux dans les services à temps non complet, sauf le mercredi ou pendant les vacances scolaires. Nous avons besoin de fournir ces emplois à des agents qui se trouvent en grande difficulté.
Jean DUMONTEIL La responsabilité sociale de la collectivité est donc quelque chose qui demeure.
Martine DORIAC Votre étude n’aborde pas la question de la précarité du point de vue du genre. Pourtant, le rapport présenté au CSFPT indique que 68 % des agents non titulaires sont des femmes. Les temps non complets touchent surtout les femmes et peuvent avoir d’importantes répercussions sur leur retraite. Cet aspect fait-il partie de votre réflexion et y a-t-il un moyen d’aborder cette question de manière innovante ?
Aurélie AUDOUX Comme nous l’avons indiqué en introduction, nous avons fait le choix, pour des questions de délai notamment, d’un rapport qualitatif. C’est pourquoi les données statistiques issues d’autres études sont peu nombreuses. Par ailleurs, nous avons choisi de parler des précarités en général, et non de cibler notre analyse sur les publics qui sont touchés par la précarité. Nous n’avons pas fait de cas particulier de la filière technique ou administrative par exemple. Néanmoins, la question des femmes a été évoquée à plusieurs reprises dans les entretiens qualitatifs que nous avons eus, notamment dans le cadre des familles monoparentales. Les agents de sexe féminin sont davantage touchés par ce type de précarité. Pour autant, nous ne sommes pas en mesure, à ce stade de l’étude, de fournir des éléments plus tangibles, car tel n’était pas l’objectif principal.
Jean DUMONTEIL Votre étude en revanche fait apparaître très clairement le caractère cumulatif du processus de précarisation, plus que la précarité. Pour certain, ce cumul est particulièrement lourd à porter.
Jean-René MOREAU Le travail que vous avez fourni est excellent. Un point sur la loi relative à la mobilité, la contractualisation et les parcours professionnels, qui peut créer de la précarité dans certaines collectivités, aurait pu toutefois apporter un éclairage intéressant. Si elle peut rendre certains services sur le plan managérial, elle ne doit pas pour autant être une fin en soi. Je vous informe par ailleurs que la MNT, en lien avec l’ensemble des organisations syndicales, a édité il y a quelques temps un document sur les agents territoriaux en situation de précarité. Vous y trouverez de nombreux éléments complémentaires, qui
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nécessiteront peut-être d’être actualisés, mais qui restent très intéressants dans le cadre de la réflexion que nous menons aujourd’hui.
Alain ANANOS Je tiens tout d’abord à souligner la qualité du travail qui nous a été remis et souhaiterais revenir sur la notion de courage managérial comme élément important de réduction de la précarité. Il faut effectivement relayer un discours différent auprès des élus et montrer que la résorption de la précarité constitue également un élément de l’efficacité sociale. Être en capacité de porter ce discours est déjà à lui seul un élément important, qui oblige les élus à faire face à la précarité autrement, en portant une histoire commune, qui redonne du sens à la fonction publique. Nos métiers supposent, à un moment, d’incarner ce courage managérial. Par ailleurs, nous devons être capables de sortir des conservatismes, y compris ceux portés par les organisations syndicales. Travailler sur la résorption de la précarité nécessite d’interroger l’organisation du travail ainsi que les « viviers » sur lesquels peuvent s’appuyer les collectivités pour agir ou contrecarrer tel ou tel projet d’organisation visant à réduire la précarité. Les projets de ce type sont toujours extrêmement complexes à mener et nécessitent, là aussi, de faire preuve de courage managérial. En outre, il est important d’utiliser la loi de 2007 pour développer de la bientraitance à l’intérieur des collectivités. Il est effectivement nécessaire de traiter correctement l’ensemble des personnels, sachant que ce souci nous ramène, là encore, aux questions d’organisation du travail et d’efficacité sociale. C’est l’un des axes sur lequel nous avons travaillé avec le CNFPT et l’ensemble des organisations syndicales. Nous devons chercher à reconstruire une histoire qui nous rassemble et nous aide à redonner un sens commun au service public territorial.
Jean DUMONTEIL Merci pour ce message, qui nous ramène effectivement au cœur de l’action publique. L’étude préconise, dans ses conclusions, d’inscrire dans la formation initiale des managers cet aspect de la gestion de la précarité. Je me tourne vers l’Inspection Générale des services du CNFPT : comment former les managers à la précarité ?
Michel PASTOR Cette question implique de repenser la manière dont nous allons gérer et manager le personnel dans nos collectivités. Nous avons parlé de bien-traitance. Nous devons également montrer comment la prise en compte de ces questions est devenue aujourd’hui un élément de dynamisation de nos organisations. Je reprendrai, à titre d’illustration, l’exemple du CNFPT. Lorsque le nouveau président est arrivé, nous comptions 61 contrats de centres de gestion sur des emplois permanents. Nous devions donc réexaminer l’ensemble des postes, pour voir à quoi ils correspondaient, tout en sortant de cette précarité. Nous nous sommes efforcés d’utiliser le statut et
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avons ainsi titularisé 60 postes. Nous avons pu faire voter à l’unanimité, toutes tendances politiques confondues, la déprécarisation, en en montrant à la fois les enjeux en termes de justice sociale et en en faisant un élément de dynamisation de notre organisation. La formation fait effectivement partie des questions récurrentes, que nous devons reprendre en permanence. Nous ne pouvons plus gérer les organisations aujourd’hui comme nous les gérions il y a 20 ans. Le management et la gestion des ressources humaines doivent être revus, mais je laisse cela à la jeune génération.
Jean-René MOREAU Nous sommes tous d’accord sur le courage managérial et sur le discours à relayer pour qu’une véritable volonté politique puisse s’exercer. A défaut, le remède sera pire que le mal. Je dirais, en résumé, que le management est un art dans lequel ceux qui n’ont pas encore réussi sont dirigés par ceux qui n’ont pas encore échoué.
Jean DUMONTEIL Justement, le rapport préconise de faire une plus grande place à l’observation et de développer des stratégies qui permettront de mieux mesurer le phénomène de précarité. Selon quels indicateurs est-il possible de mesurer les précarités psychosociales ou qui revêtent une dimension qualitative importante, beaucoup plus difficile à évaluer que la précarité inhérente à l’emploi ou au statut ? Avez-vous recueilli des réponses intéressantes à cet égard dans le cadre des entretiens que vous avez conduits ?
Vincent FABRE Il est vrai que l’observation constitue le principal point faible pointée par notre étude. Les collectivités apportent de nombreuses réponses partielles à la précarité, dont la synthèse serait absolument formidable. En revanche, l’observation, à l’exception des bilans sociaux, qui n’ont pas vocation à cela, reste largement insuffisante. Même l’approche de la précarité statutaire n’est pas simple. La distinction à opérer par exemple entre des agents non titulaires occupant des postes de remplaçants et les autres reste difficile à faire, hormis dans les grandes collectivités. Le phénomène est complexe et il n’est pas toujours facile non plus de rencontrer les élus. Il est important que les collectivités travaillent sur cet aspect. Certaines commencent, par le biais de leurs services sociaux, à privilégier ces questions, sous un angle plus social cependant, qui peut omettre certains aspects de la précarité.
Monique GRESSET Il est à noter que certains éléments échappent aussi à l’observation, faute de chiffres ou de données disponibles. Mais le bilan social permet souvent de croiser les données et de mettre en évidence d’autres problèmes. Par exemple, sur l’égalité professionnelle hommes-femmes, nous avons énormément de données mais le phénomène est parfois perçu comme une fatalité. Il en va de même en ce qui concerne la précarité. Il nous faut distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas.
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Jean DUMONTEIL C’est tout l’intérêt d’avoir une vision dynamique et de mesurer les évolutions d’un bilan à l’autre. La distinction que vous faites dans l’étude entre les précarités importées et les précarités générées par les collectivités territoriales m’a paru intéressante. Vous avez mentionné l’émergence d’une nouvelle forme de précarisation, dans laquelle le manager a une certaine responsabilité : la fragilisation de certains agents face à des changements de service qu’ils peinent à comprendre ou à accepter, faute d’explication suffisante. Les managers semblent avoir une responsabilité directe dans ce domaine, dont ils ne sont pas toujours très conscients. Pouvez-vous nous parler de cet aspect et de la façon dont il a été remonté dans les entretiens ?
Dora NGUYEN VAN YEN En effet, les risques psychosociaux liés à la perte de sens et les réorganisations de service parfois difficilement vécues nous ont été remontés dans les entretiens. Les collectivités sont relativement démunies face à ces situations. Cependant, certaines ont mis en place des outils. L’une d’entre elles a notamment mobilisé les psychologues du travail pour suivre le déroulement de ces projets et être attentive aux agents qui pourraient souffrir de ces réorganisations. Il nous a paru intéressant d’inclure cet élément d’ordre pratique dans le rapport même si nous ne l’avons pas considéré comme de la précarité en tant que tel.
Jean DUMONTEIL Nous avons pu voir également que les mouvements intervenant dans le cadre des délégations de service étaient perçus difficilement par les agents. Cette dimension, plus récente, n’en est pas moins prégnante et doit être identifiée comme vous le faites dans votre étude.
3. Conclusion des débats
Jean DUMONTEIL Je rappelle que nous reprendrons tous ces échanges ainsi que le travail que nous avons fait avec les élèves administrateurs, même si dès demain ces derniers reprennent le cours de leur stage en collectivité pour plusieurs semaines. Nous nous retrouverons ensuite avec l’Association des administrateurs territoriaux en juin à Saint-Etienne. J’ajoute que l’Observatoire conduit parallèlement d’autres travaux et a lancé notamment une vague de projets sur les risques sanitaires qui touchent certaines « communautés professionnelles » de la fonction publique territoriale. Avec le Docteur Errieau de la MNT, nous avons notamment entrepris de suivre des cohortes d’agents territoriaux dans des métiers précis : les ATSEM, qui travaillent dans les écoles maternelles et passent leur temps à porter des enfants, étant ainsi exposées à des risques
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spécifiques, ou encore les agents des espaces verts, qui souffrent de pathologies particulières. Ce travail consiste dans un premier temps à dresser un bilan de l’existant, à mesurer les évolutions de ces cohortes d’agents, pour pouvoir déterminer dans quelle mesure nous pouvons nous montrer volontaristes dans ce domaine. Comme votre étude l’a montré, nous pouvons agir. Nous vous proposons de mettre en place des stratégies. Tel est aussi le rôle de l’Observatoire.
Jean-René MOREAU Merci encore pour le travail que vous avez accompli, qui nous ouvre des pistes et nous conforte dans la démarche que nous avons entreprise. Nos travaux sont en fait très complémentaires. Comme vous l’avez montré, la précarité, lorsqu’elle va trop loin, crée des problèmes de santé. Nous travaillerons aussi, à l’Observatoire, sur la souffrance au travail. L’Observatoire que nous avons créé n’est pas la panacée. Or la première des tâches d’une collectivité consiste à se doter d’outils d’observation et d’expérimentation. Une fois passé ce stade de l’expérimentation, il est possible d’envisager de monter un dispositif ou de conduire une action à plus ou moins grande échelle. Les questions que vous avez soulevées recoupent des sujets que nous avons déjà entendus et qui sont intimement liés à la réorganisation du travail. Sans une information et une communication efficaces, ces réorganisations ne peuvent être une réussite. Parallèlement, il est essentiel de parvenir à générer un sentiment d’appartenance à une culture commune de patrimoine public, semblable à une culture d’entreprise. Plus l’organisation est complexe, plus le travail sur les métiers, les filières, les fonctions et les tâches exercées doit être précis car ces différentes strates peuvent être sources de précarité. Ce travail sur les métiers et les fiches de postes est indispensable. Certains agents de catégorie C, comme cela a été dit, exerce des responsabilités importantes et, de par leur potentiel et leur personnalité, arrivent à occuper des fonctions intéressantes. La subsidiarité constitue une sorte de verrou dans les collectivités et ces aspects sont insuffisamment pris en compte pour faire évoluer les personnes dans leur carrière. Les règles prennent trop de place et sont appliquées de manière trop rigide. Il est nécessaire, en France, de mettre en place des règles différentes, afin de développer une véritable politique de l’évaluation des organisations et des personnels territoriaux. Les sujets que nous avons déjà traités et que nous traiterons devront être appréhendés avec cette cohérence, car ils feront probablement émerger de nouveaux métiers. Nous devons avoir en tête que tout ce que nous élaborons et préparons vise à prévenir un certain nombre de problèmes, dont les problèmes de santé des agents. Nous ne sommes pas des marchands. Notre rôle est d’accompagner les individus et de poursuivre ce travail de solidarité.
Jean DUMONTEIL Merci à tous. Avant de nous séparer, je suggère que nous fassions un bref point d’actualité sur les projets de décret, qui sont importants pour lutter contre la précarité dans la fonction publique territoriale.
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Patrick DOS Le décret relatif au projet qui a été présenté au CSFPT doit être publié avant le début de l’été. Les organisations syndicales ont été amenées à formuler un certain nombre de remarques et d’amendements. Nous ne sommes pas pleinement satisfaits pour notre part quant au contenu du décret. A tout le moins a-t-il été pris. Nous attendons de voir quelle application en sera faite. Hormis l’insuffisance de critères de solidarité, les deux procédures qu’il prévoit – labellisation et convention de participation – nous paraissent concomitantes. Il sera nécessaire, selon nous, de prendre un certain nombre d’arrêtés, sans lesquels la convention de participation sera la seule procédure applicable dans le cadre du décret, si celui-ci est pris en l’état. Ce point est très important. Pour le reste, nous devons attendre que le Conseil d’Etat se soit prononcé.
Françoise PERRIN Je fais partie du bureau chargé de la rédaction de ce projet de décret très attendu par les collectivités locales et les mutuelles. Ce projet qui, comme vous l’avez indiqué, a été examiné par le CSFPT, doit désormais être soumis au Conseil d’Etat. Nous avons bien conscience de la concomitance des deux procédures. Nous avons voulu privilégier la réalité du terrain en faisant le choix à la fois de la procédure de labellisation et de la convention de participation. Néanmoins, comme Monsieur Éric Jalon, DGCL l’a rappelé, il est clair que ces deux procédures doivent débuter en même temps, afin d’éviter toute forme de distorsion. Or si la convention de participation est relativement facile à mettre en place, la labellisation requiert effectivement la prise d’un arrêté ainsi qu’une procédure d’habilitation des prestataires. Nous avons travaillé sur ce sujet et nous attendons les conclusions de l’analyse du Conseil d’Etat.
Jean DUMONTEIL Merci pour ces précisions. Merci à tous pour votre participation et merci encore à nos élèves administrateurs pour le travail d’étude qu’ils ont réalisé. Conseil scientifique de l’Observatoire Social Territorial Membres du Groupe de travail « relations institutionnelles professionnelles » de la MNT : Jean-Pierre BERNARD, Christian BRIEL, Patrick DOS, François FIGUERAS, Jean-René MOREAU (Président du Groupe), Laurent REGNE. Membres extérieurs : Alain ANANOS, Ufict-CGT des services publics, Jean-Christophe BAUDOUIN, Président de l’Association des administrateurs territoriaux de France, Michel BORGETTO, professeur à l’Université Paris II, directeur de la revue de Droit sanitaire et social, Karim DOUEDAR, DGA territorial, auteur de nombreux articles et ouvrages sur la fonction publique territoriale, Jean DUMONTEIL, Directeur de la Lettre du Secteur Public, Claire EDEY GAMASSOU, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Didier JEAN-PIERRE, Professeur agrégé de droit public, directeur scientifique de la Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, Nathalie MARTIN-PAPINEAU, Maître de conférences et directrice de l’Institut de droit social et sanitaire de l’Université de Poitiers, Jean-Robert MASSIMI, ancien directeur général du CNFPT, enseignant à l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication (Celsa) de l’Université Paris-IV Sorbonne et à l’École nationale d’administration (ÉNA), Michel PASTOR, Conseiller spécial du Président du CNFPT, Chef de l’inspection générale, Michel YAHIEL, IGAS, Délégué général de l’ARF.
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VI. Lu dans la presse Localtis.info, 29 avril 2011
«
L’ambition de fournir aux dirigeants locaux des outils opérationnels est, en revanche, plus originale. Dans ce sens (l’étude) offre des conseils pour que les collectivités inscrivent leurs actions dans une « stratégie globale et standardisée » de lutte contre la précarité
»
Weka.fr, 2 mai 2011
«
Mieux vaut prévenir que guérir, les dernières recommandations (de l’étude) portent donc sur les choix permettant de limiter la précarisation des agents, tels la priorité au recrutement statutaire, l’accompagnement professionnel et, en cas d’accident de la vie, la formation, ou encore la lutte contre l’illettrisme ou les addictions
»
La Gazette, 2 mai 2011, Martine DORIAC
«Constatant un engagement disparate des collectivités et notant que de nouvelles formes d’emploi et un défaut de couverture sociale génèrent entre autres cette 17 RUE D'UZES 75108 PARIS CEDEX 2 - 01 40 13 30 30
précarité, les étudiants formulent dix-sept préconisations d’ordre managérial, dont la mobilisation des managers de proximité et la communication sur le droit des agents et les services à leur disposition
»
PRÉCARITÉ Les préco des élèves
Des solutions managériales à la précar
AFIM, 16 mai 2011, Milène LEROY
«
M
enée auprès de vingt collectivités par sept élèves administrateurs de la promotion Robert-Schuman de l'Institut agence fédérale d’information mutualiste national des études territoriales (Inet), avec l'Association des administrateurs territoriaux de France et l'observatoire social territorial de la Mutuelle nationale territoriale, l'enquête sur « Les précarités dans la fonction publique territoriale» a été présentée le 26 avril. Constatant un engagement disparate des collectivités et notant que de nouvelles formes d'emploi et un défaut de couverture sociale génèrent
Le cadre que (les élèves-administrateurs) proposent permet de sérier différents niveaux de besoins qu’ils soient physiologiques, ou relatifs à la sécurité, au sentiment d’appartenance à un groupe, à l’estime de soi ou encore à la sensation d’accomplissement
»
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entre autres c étudiants form nisations d'ord mobilisation d mité et la co droits des agen disposition. L taire, une nou travail, un m ment des tra nelles et la f aussi améliore
Sensibiliser l
débat qui a sui dente des terri
© MNT - mai/juin 2011
Mentions légales : Mutuelle régie par le livre II du Code de la Mutualité – RNM 775 678 584 – Document non contractuel – Références : juin 2010 - Mise en page : MRGS PARIS
Avec plus de 1,1 million de personnes protégées, la MNT est la 1re mutuelle de la Fonction publique territoriale, en santé comme en prévoyance, et la 6ème mutuelle santé française. Pôle protection sociale de la Fonction Publique Territoriale, elle agît avec les différents acteurs du secteur pour mettre en place des solutions améliorant la protection sociale des agents territoriaux. C’est pourquoi elle a créé avec certains d’entre eux l’Observatoire Social Territorial. La MNT est également LE partenaire Protection sociale de 16 000 collectivités territoriales qu’elle accompagne avec des solutions durables pour la protection sociale complémentaire et la santé au travail des agents territoriaux. La MNT fait partie du groupe ISTYA, Union mutualiste de groupe qu’elle a créée avec quatre autres mutuelles de la fonction publique*. 1er groupe mutualiste de protection complémentaire en France, ISTYA protège plus de 6 millions d’adhérents. *Mutuelle nationale territoriale, Mutuelle générale de l’Education nationale, Mutuelle nationale des hospitaliers et des personnels de santé, Mutuelle générale Environnement & Territoires, Mutuelle des Affaires étrangères et européennes.
www.mnt.fr
0 820 201 202 (0,089 7
7 rue Bergère - 75009 Paris
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