Ammar bouras - 24°3'55''n 5°3'23''e

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24°3'55''N 5°3'23''E est un travail dans lequel je reviens sur les essais nucléaires français effectués dans le désert algérien. C’est le point zéro de l’accident Béryl (du nom de code de l’essai), survenu dans la matinée du 1er mai 1962, à In Ekker, à environ 1800 km au sud d’Alger – c’est le deuxième test, sur les treize tirs nucléaires souterrains opérés au mont Taourirt Tan-Afella, selon l’appellation targuie. En effet, l’essai de l’AN-11, première bombe stratégique française au plutonium, provoque une profonde fissure dans la montagne. Le traumatisme géologique et environnemental qui s’ensuit, instantané et durable, s’accompagne de celui, moins mesurable, de la souffrance humaine qui perdure jusqu’à aujourd’hui. La violence de l’acte lui-même laissera des traces indélébiles dans les mémoires individuelles et collectives, dans les corps et dans les mémoires, et dans le plus fragile des écosystèmes. Elle témoigne aussi de la logique des secrets d’États sacrifiant homme, faune et flore, et sur des générations. Une violence qui polluera également les rapports de force postcoloniaux autour de la nécessaire construction d’une mémoire commune. Une mémoire otage, encore une fois, de la raison d’État entre Paris et Alger. J’ai entamé la réflexion autour de ce cataclysme silencieux alors que je participais à une résidence d’artiste dans le nord de la France (Le Favril), un espace agricole verdoyant, tourné vers la culture bio et l’engagement écologique, terre d’accueil et de mixité, et si riche en eau. J’ai été saisi par l’absolue contradiction symbolisée par ces deux territoires antagonistes : Le Favril d’un coté, In Ekker de l’autre. Des haies vertes/de fantomatiques grillages ensablés ; la générosité de la graine/ l’arrogance meurtrière de l’atome ; l’eau qui donne la vie/l’eau contaminée depuis plus de soixante ans rampant comme un serpent sous la rocaille saharienne. Deux faces de l’humanité séparées par une frontière invisible que je voulais rendre tangible en m’immergeant dans cette plaie inguérissable, alors que les hommes continuent à en payer le prix et continueront à le faire pendant des siècles : là, dans ce lieu du désastre, ils ont puisé les matériaux pour construire leurs maisons ou alimenter leur petit trafic de ferrailles, éparpillant les radiations aux quatre coins du Sahara et au-delà… Je voulais également souligner la responsabilité des États, algérien et français, précise et diffuse, tout comme la vanité des hommes qui dénaturent l’espace et violent ses lois naturelles. Je voulais fixer en quelques regards cet espace éternellement agonisant, comme le remake de nos trop nombreuses erreurs à répétition. Ammar Bouras

Du 24 mars au 15 avril 2017 Espaco Gallery

Ammar Bouras


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Retracer l'invisible Nadira Laggoune-Aklouche

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a médiatisation des événements tragiques montre souvent les traces tangibles des dégâts causés par les catastrophes : cadavres, bâtiments effondrés, routes défoncées, véhicules endommagés, animaux errants… Aujourd’hui, inondés d’images, nous pouvons voir et vivre en direct les conflits mondiaux et les drames, comme tout peut nous être montré par le biais des médias, notamment la photographie, pour susciter nos perceptions. Nous avons toujours le sentiment que la photographie est le reflet plus ou moins exact de la chose réelle qu’elle a pris en objet et que, de ce fait, elle ne peut montrer que ce qui est visible — l’existant. Ainsi, lorsqu’il s’agit de grands malheurs, elle semble le meilleur outil pour rendre compte de leur ampleur. Mais comment faire une photographie de ce que nul ne peut voir ? Montrer ce qui est au-delà de nos perceptions ? Vieille

question qui a longtemps accompagné la photographie considérée comme la représentation du réel par excellence. Photographier et témoigner d’un drame invisible par le biais d’un medium appréhendé comme « un fragment du réel »1, c’est le challenge auquel Ammar Bouras se confronte dans son travail sur les essais nucléaires effectués par les autorités militaires françaises en Algérie à In Ekker de novembre 1961 à février 1966. Il s’agit là d’un double défi car il travaille ici la photographie dans son aspect de médium pur (ce qui est inédit dans son parcours d’artiste) et du même coup, il s’engage dans un travail qui pose la question complexe de la mise en récit d’un phénomène invisible et indicible. Il est difficile de transcrire la dématérialisation d’un événement. L’artiste se place alors dans la position de l’avant et de l’après. L’après est là, dans les restes du

« crime », câbles, morceaux de fer, débris, tranchées, etc., éléments-traces de la civilisation humaine qui peuplent la désolation de ces paysages aux allures de fin du monde. Mais l’avant est plus difficile à montrer : les images de la montagne irradiée, le sol pierreux, l’absence de vie ne parlent pas assez, de fait, du drame. Paradoxalement, c’est là que la part de l’imaginaire agit en devenant plus forte que l’image qui la suscite. L’image n’est qu’une proposition de narration, une sorte de résumé d’une histoire et c’est au-delà, dans l’esprit, que naissent les sensations de la tragédie, de l’inimaginable. À ce moment précis, l’artiste est plus qu’un témoin, c’est un passeur. Il est vrai que c’est un désert parsemé de traces, non de choses vécues mais d’objets, que la photographie nous montre, des choses bien réelles donc. Cependant, elle permet aussi de dépasser l’impossibilité de voir et de

parler de ce qui reste aujourd’hui : l’ennemi invisible, la mort qui flotte dans l’air. Les images évoquent ce qui s’est passé à travers les stigmates, l’énergie, l’émotion produite par les lieux. En suscitant en nous l’idée de ce qui s’est passé, l’artiste propose une exploration de la photographie en creux, la détournant ainsi de sa fonction spéculaire pour construire du sens et en même temps, révéler quelque chose qui n’est pas directement capté par l’objectif. La tentation de représenter l’invisible a toujours traversé la création artistique et le numérique lui a ouvert un champ immense où la photographie évolue entre l’appropriation du réel et l’ouverture aux sensations. Mais comment faire d’un fait historique, de société, une œuvre artistique ? En puisant dans la mémoire collective pour ranimer ceux qui ont fait l’histoire de cette époque, les rendre vivants et mettre en lumière les traces de la blessure. Les photographies de Ammar Bouras poussent à vivre des parcours sensoriels qui nous mettent à la place laissée vide par ceux qui ont vécu le désastre. L’artiste évoque l’idée de la mort et de la disparition par des images qui révèlent autant qu’elles effacent. Elles suggèrent l’effet du temps, du passage et de la disparition à travers l’empreinte ou la trace laissées par l’homme dans la nature (fils de fer, barbelés, bidons…). L’homme est absent de l’image et cette absence de vie, à travers les rares indices de son passage, laisse la place à l’illusion. Dans ces paysages d’une beauté douloureuse, l’esthétique côtoie le tragique. Indifférents, la nature, le ciel, la montagne, le soleil et la nuit bleutée jurent avec le silence assourdissant de la tragédie. Quelle paradoxale incitation à deviner ce qui se dérobe, car,

de cette dévastation silencieuse et sournoise les dégâts ne se devinent que dans l’esprit saisi par cette étendue offerte à tous les vents. Le travail photographique tente de mettre en scène l’absence par un cadrage et une composition qui théâtralisent l’espace. Parfois, il empêche toute perspective en mettant en avant l’aspect oppressant et massif de la montagne que les ombres et lumières structurent comme une architecture isolée, perdue dans un espace ouvert sur l’infini. Les tons gris, bleus assombris des lignes horizontales et verticales ajoutent à l’ambiance étrange, voire inquiétante de l’image, renforçant le malaise et la sensation de vide. L’artiste a créé un dispositif de représentations (photos, installation, volumes…) ayant différentes dimensions pour mettre en évidence la notion d’absence et suggérer celles de mémoire et de souvenir. Imaginons la lumière apocalyptique, les corps qui deviennent transparents, les membres translucides sous l’effet des irradiations : difficile à visualiser… Ammar Bouras les restitue dans des volumes en verre coloré tout en transparence qui se réfèrent aux plus belles pierres précieuses (émeraude, rubis, turquoise…) dont les noms ont été attribués avec cynisme aux différents essais nucléaires par leurs auteurs — inspirés qu’ils étaient par la richesse de cette terre blessée désormais contaminée. Il est important que l’art aborde des chapitres occultés ou des sujets à polémique. On préfère souvent oublier les moments peu glorieux de l’histoire mais l’oubli est indissociable de la mémoire, tout ce que l’on enfouit quelque part au fond de notre mémoire ressort à un moment donné, tout comme les déchets nucléaires. Ramenées à la sphère publique, ces photographies

joueraient certainement un rôle authentificateur en témoignant de l’existence de l’événement. Elles pourraient devenir le support d’une lutte pour la justice, la mémoire et la vérité car l’image artistique freine le processus de disparition et peut effacer l’effacement des faits et des hommes. Mises en abyme, dédoublées, fragmentées, ces photographies perdent de leur caractère documentaire pour proposer une approche sur la représentabilité de l’horreur, en réponse à l’impératif de susciter une meilleure compréhension du passé par un travail actif autour de la mémoire. N.L.-A. 1. Roland Barthes, « La Chambre claire, note sur la photographie », Éd. Cahiers du cinéma, Gallimard Seuil, 1980.

Depuis quelques années, plus de trace des militaires qui gardaient le site et tenaient un barrage routier sur la Route nationale 1 (RN1). La zone irradiée reste dangereusement accessible aux pilleurs de câbles et autres matériaux, dernières traces des installations techniques du centre d’essais nucléaires français. Profil sud de la montagne fissurée. Sur 27 kilomètres court une clôture, avec un muret toutes les centaines de mètres. Grillages et barbelés qui isolaient cette zone irradiée ont été récupérés à des fins de construction ou de commerce.


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L'accident de Béryl

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’est en 1960 que l’armée française entame ses essais nucléaires dans le sud de l’Algérie. D’abord quatre essais aériens dans la région de Reggane. Puis, en 1961, elle procède à une nouvelle série de tests dans la région de In Ecker, située à 150 km au nord-nord-ouest de Tamanrasset. Les nouveaux essais, aux nombre de 13, étaient cette fois souterrains. Les bombes étaient enfouies dans des galeries creusées dans les montagnes du Hoggar et fermées par une dalle de bêton, afin d’être confinées. Le risque de radioactivité devait ainsi être réduit. Mais sur les 13 tirs, quatre n’ont pas été totalement contenus.

L’accident de Béryl

Béryl est le nom de code du deuxième essai souterrain, qui a eu lieu le 1er mai 1961. La roche fragilisée par le premier tir souterrain (7 novembre 1960), cède par endroits et un nuage radioactif s’échappe et se déplace parmi la foule et audelà. L’essai de Béryl étant un événement, le public y était convié et c’est, au total, 1000 personnes qui ont assisté au lancement et donc à l’accident. Parmi elles, des officiels français, notamment Pierre Messmer, alors ministre des Armées, et Gaston Palewski, ministre de la Recherche scientifique, mais aussi des civils et des travailleurs du CEMO, le Centre d’expérimentations militaires des oasis chargé des essais. Après Béryl, il y a donc eu 11 autres essais, trois dont le confinement n’était pas total non plus. Ce n’est qu’en 1966, soit quatre ans après la signature des accords d’Évian (le 08 mars 1962), que la France met fin définitivement aux essais nucléaires sur le sol algérien. Mais les victimes évoquent encore aujourd’hui l’accident de Béryl et ses conséquences. Parmi eux, on

trouve des scientifiques français tels que Louis Bulidon et Raymond Sené, témoins de l’essai du 1er mai 1962 ; ils ont rédigé un article intitulé “Une catastrophe nucléaire nommée Béryl” publié dans le quotidien Libération le 26 juin 2013, où ils précisent l’ampleur de la contamination qu’ils ont eux-mêmes constatée : “Nous qui avions à peine plus de 20 ans à cette époque savions, avant même d’y être envoyés, quelle était la beauté extraordinaire et incomparable de ces horizons sahariens célébrés par l’ermite de l’Assekrem. Mais c’est bien au-delà du Hoggar que le sol algérien a été contaminé par les fuites radioactives de Béryl car nous pouvons témoigner de nos missions à Djanet près de la frontière libyenne, voire pour certains d’entre nous jusqu’au Niger, afin d’en expertiser la radioactivité après Béryl.” Dans des termes moins précis mais tout aussi saisissants, les nomades, voisins de l’endroit où ont eu lieu ces essais, interrogés en 1992 par Solange Fernex1, évoquent également ces années. Nous restituons ici une partie de ces entretiens.

Témoignage de Moustapha d’Im Amguel :

« - Il a travaillé plusieurs années comme infirmier dans la région d’Im Amguel, qui se trouve dans le Hoggar, à 150 km de Tamanrasset. C’est sous la montagne (Mont Tourirt) qu’ont été faits les essais ; à Im Amguel, les Français avaient des bases très importantes. - J’ai un ami français (I) qui travaillait comme médecin et que je revois. Maintenant il est en France. Comme j’ai une maison à Ekar, je lui ai dit que je voulais y aller après ma retraite. Il m’a dit que surtout je n’aille pas là. Cet ami non plus n’a jamais eu d’enfants. - À In Amguel, les militaires français appelaient la

population qui travaillait dans leurs chantiers les PLO (Populations Laborieuses des Oasis). La base militaire de Takormiasse s’appelait CEMO (Centre d’Expérimentation Militaire des Oasis). - J’ai constaté que dans le Hoggar, les gens ont très peu d’enfants. Je ne sais pas si c’est dû à cela. Mais je l’ai constaté. »

Interview de B.

« Mohamed a travaillé deux ans, jusqu’à la fin du chantier. Il a travaillé dans « E4 ». C’est un long tunnel. On a beaucoup travaillé dans le tunnel. Ils ont installé l’électricité. Ils creusaient en faisant exploser des mines. Après les mines, ils enlevaient les cailloux qui étaient entassés sur des chariots qu’ils poussaient à la main sur les rails. Ils ramassaient les petits cailloux avec une pelle et les grands à la main. Il a commencé en 1965. Il travaillait dans la montagne Taourirt. On ne nous faisait pas porter de badge. C’est seulement

les « Ikoufar » (infidèles, terme utilisé par les Touaregs pour désigner les Français) qui portaient des badges. Les temporaires (c’est à dire, nous) n’avaient pas de badge. Les permanents en avaient. Je gagnais 400 à 500 DA par mois quand je travaillais dans la montagne. Avec les heures supplémentaires, j’étais mieux payé. On n’a jamais passé de visite médicale, ni avant, ni après. On n’a jamais vu un médecin, sauf un infirmier, si quelqu’un était blessé. Il y avait beaucoup de blessés, même des morts. Il y avait beaucoup d’accidents de travail. Il y avait beaucoup de médecins français, mais on ne les voyait jamais. »

Interview de C. « Le jour de l’explosion de la bombe, à 15 heures, tout le grand caillou de la montagne, à côté de nous, on l’a vu descendre. Les Français disaient de s’éloigner de la bombe, sinon nous serons malades. Tous les gens qui

étaient dans la montagne, ils sont morts ou malades. Il y avait des gens dans toute la montagne. […] Ce que j’ai vu, tous les gens qui tombaient malades en ce temps, ils quittaient le travail et allaient dans le Ténéré. Ils croyaient que les médecins faisaient seulement de la chirurgie pour les blessés et qu’ils ne connaissaient pas les maladies d’intérieur. C’est pour cela qu’ils n’ont pas été chez les médecins. Nous étions nomades et nous ne savions pas même pas ce qui se passait en ville. Dans ce temps, nous avions tellement confiance dans les Français. La France ne nous a rien laissé, même pas la santé. Toute notre santé, toute notre vie c’est le bétail, le troupeau… et on a tout perdu… Dans l’oued Adenek et l’oued Abezou et dans d’autres petits oueds dont je ne me rappelle pas le nom, on a évacué les tribus pour les amener dans la gorge de Mertouteh au Nord-Est de l’explosion. On les a évacués en hélicoptère avec leurs animaux et plusieurs véhicules. Cela a duré deux ou trois jours. Je me rappelle aussi une fille qui s’était cachée dans la montagne avec ses animaux. Il a fallu toute une journée pour les récupérer. En 1965, l’évacuation a duré 7 jours. Ils ont évacué toute la population qui travaillait jusqu’à l’Assekrem et les autres jusqu’à Mertoutek. Je pense que c’était en janvier, car il faisait très froid. Je me rappelle de cela, car on m’a volé toutes mes photos pendant cette évacuation… Il y avait un gros camion, comme une espèce de maison. C’était une chambre pleine de douches avec

des jets d’eau à très forte pression. On faisait passer les gens plusieurs fois sous la douche. C’était pour les gens qui travaillaient dans la montagne où l’on faisait les explosions, qui devaient passer à la douche. Mais seulement après certaines explosions, pas après toutes. Je me souviens en particulier de deux explosions de bombes : - La première en octobre 1963. Je sais qu’il y a eu des fissures, car tous les généraux se sont barrés. Seuls les appelés sont restés. - La seconde en janvier 1964. L’eau est certainement contaminée là-bas. Normalement il devrait y avoir des contrôles réguliers. Il faudrait vérifier. Les militaires buvaient de l’eau en bouteilles. Mais nous, les Touaregs, nous buvions de l’eau du puits de Bachy, dans l’oued d’Im Amguel, à 15 Km de la base du CEMO. » 1. Présidente de « Femmes pour la Paix », membre co-fondatrice des « Verts », députée européenne de 1989 à 1992, décédée en 2006.

Ces deux panneaux aux injonctions surréalistes ont vraisemblablement été placés juste après l’accident nucléaire. Ils n’existent plus aujourd’hui. Photographie d’archive puisée dans Internet, sans droits réservés.


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Ammar Bouras Entretien avec Nadira Laggoune-Aklouche J’ai, en tout, fait cinq voyages, dont trois après avoir réalisé la première ébauche de la vidéo. Ma dernière expérience fut fin juillet 2016 ; j’étais motivé par l’idée de faire d’autres photos pour participer au concours Pictet, pour lequel Mme Laggoune, c’est-à-dire toi (rires), m’avait nominé, puis, sur sa suggestion, l’idée d’en faire une exposition est née… Et c’est toi, aussi, qui m’as encouragé et aider à construire ce projet car depuis un moment j’étais si pris par mon quotidien que ma vie artistique était un peu en berne. Est-ce que ce sujet te semble complètement différent de ce que tu as fait auparavant ? Dans quelle mesure l’est-il ? Et en quoi ?

Je crois que je suis toujours dans la même logique et dans les mêmes questionnements esthétiques, politique et existentiels… Seule différence, cette fois : j’utilise la photo pure c’est-à-dire la photo comme un medium à part entière.

N.L : Les essais nucléaires français en Algérie sont un sujet dont on a souvent parlé ces dernières années (documentaires, articles…) mais dans les arts plastiques (en Algérie) personne n’a traité ce sujet. Pourquoi t’es-tu intéressé à cet événement ou plutôt, pourquoi ce sujet, à ce moment donné ?

A.B. : J’ai vu cet endroit pour la première fois au début des années 90 en allant à Tamanrasset en voyage touristique ; au pied de la montagne il y avait un barrage de militaires et l’un des soldats nous a fait signe de garer à droite pour un contrôle. Il était plutôt sympathique : d’où venez-vous ? Où allez-vous ?, etc. Cet arrêt m’a permis d’observer la clôture qui entourait la montagne et les plaques qui décrivaient la nature du lieu, interdisaient de photographier et d’y accéder. Il y avait une espèce de base de vie avec épicerie, gargote… Tu as déjà réalisé autour de ce sujet une première œuvre en support vidéo en 2012. Pourquoi une image animée et non pas de la photographie pour aborder ce sujet la première fois ?

J’ai commencé ce travail fin 2011 début 2012 dans le cadre d’une résidence d’artiste vidéaste à « La Chambre d’eau » (Le Favril, France) et cette première œuvre autour des essais nucléaires en était le résultat. À ce moment-là, lors de mon premier voyage, j’avais peur : peur du lieu, peur des autorités, de filmer ou de prendre des photos sans autorisation (bien que j’aie essayé en vain d’en avoir une) car il y avait sur place une présence militaire visible. La vidéo fut réalisée à partir d’une voiture roulant sur la Route Nationale (RN1). Dès ce moment, habité par ce sujet, j’ai fait plusieurs voyages sur les lieux et au fur et à mesure, j’osais un peu plus me rapprocher de la montagne afin de constater l’état des lieux. Du coup, j’ai abandonné la vidéo, pour ne faire que des photos.

Effectivement, la photographie comme support de base, a toujours été présente dans ton travail mais tu n’as, jusqu’ici, jamais fait d’exposition consacrée uniquement à la photographie, pourquoi ?

La photo a toujours été le médium de base de mon travail, avec/sur lequel j’intervenais ; je pensais que la photo telle quelle me limitait à un monde visible. Un monde extérieur que je ne pouvais qu’enregistrer et cela me donnait l’impression d’être impuissant, sans pouvoir agir et créer mon monde. Ce n’est plus le cas, du moins pour ce qui concerne ce sujet.

J'ai éprouvé de la tristesse parce qu'elle est seule, abandonnée et emprisonnée

J'ai développé une certaine relation avec cette montagne. J'ai fait des recherches pour m'en rapprocher et mieux la connaître. Je lui rends visite comme à une personne que j'affectionne, que je regarde à l'œil nu et à travers un objectif en imaginant tous les drames qu'elle a connus, ainsi que ceux vécus par l'Homme. Qu’as-tu ressenti devant le lieu de la catastrophe ? Et comment as-tu réagi ?

Face à tout cela, des questions me venaient à l’esprit, par exemple : si l’endroit est radioactif, qui a décrété que le champ radioactif s’arrêtait à cette clôture ? J’étais étudiant et je travaillais comme photographe de presse, l’envie de prendre des photos était très présente, mais les plaques étaient bien explicites, impossible de passer outre. J’ai gardé en moi l’image de cette montagne en plein désert entourée de murets et de barbelés. Ce n’est qu’à la fin de 2011 que cette image a, paradoxalement, resurgi pendant cette résidence d’artiste dans le nord de la France (Le Favril), un village agricole presque à 100% bio. De l’eau à profusion et des terres clôturées avec des haies vertes. Ça peut paraître étrange mais ces clôtures m’ont inspiré des images de frontières entre le visible et l’invisible. J’en ai parlé à l’association hôte (La Chambre d’eau) et ils ont accepté de me payer le voyage pour revoir cette montagne perdue dans le désert algérien.

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Depuis, j’ai refait le voyage plusieurs fois, d’abord pour un travail vidéo, puis photographique, et, à chaque fois, je quittais ce lieu avec le sentiment que quelque chose me quittait…. Pendant mes voyages dans le désert, en groupe (en tant que touriste), les Targuis nous racontaient des légendes de montagnes… ils parlaient d’elles comme on parle d’un être humain. Devant cette montagne (Taourirt Tan-Afella), j’ai éprouvé de la tristesse, d’abord parce que je ne connaissais pas son histoire et aussi parce qu’elle est seule, abandonnée et emprisonnée, après ce qu’elle a subi. Triste et révolté par le drame de la radioactivité, par cette méchanceté et les capacités de l’Homme à causer autant de mal aux autres et à la nature. Quelle part a pris le dessus face au lieu, celle de l’artiste ou celle de l’homme ?

Au début, je dirais celle de l’homme (comme je l’ai expliqué plus haut) mais après il est difficile de séparer l’homme de l’artiste, impossible pour moi, en tout cas, d’avoir une attitude purement

professionnelle, détachée, car j’ai développé une certaine relation avec cette montagne. J’ai fait des recherches pour m’en rapprocher et mieux la connaître. Je lui rends visite comme à une personne que j’affectionne, que je regarde à l’œil nu et à travers un objectif en imaginant tous les drames qu’elle a connus, ainsi que ceux vécus par l’Homme. Comment as-tu choisi tes prises de vue ? À l’instinct ou consciemment, en faisant attention à l’aspect esthétique … ?

Dans mon travail je réfléchis d’abord. Pour moi, un travail artistique est une idée (dans le cœur ou dans la tête) avant tout ; ensuite pour la réalisation, je laisse une part à l’instinct, la spontanéité, l’humain. Pour ce travail en particulier, les deux aspects agissent en même temps ; ce fut le cas pour mon premier travail (la vidéo) autour de ce sujet. Par nécessité technique, je roulais en voiture le long de la montagne sur la RN1. Évidemment il s’agit de prises de vue en mouvement et j’avais mon cadre, mais je ne pouvais contrôler l’évolution de l’image dans l’objectif : c’était des images de quelqu’un qui passe et qui regarde sans trop regarder. Par la suite, à chaque voyage, j’avais un peu plus de courage et je m’arrêtais pour cadrer. Pour le dernier voyage, j’ai investi dans le matériel de prise de vue et là, je regardais bien dans le viseur, je composais et j’exploitais au maximum les capacités techniques pour jouer sur des effets de mélange entre le jour et la nuit. Certaines photos donnent l’impression qu’elles sont prises de nuit, alors que qu’elles l’ont été en plein jour. L’émotion était-elle présente au moment de photographier ? Comment l’as-tu gérée par rapport à la contrainte du travail bien fait, de la bonne photo professionnelle ?

Le travail artistique fait parfois appel à la raison, mais aussi, souvent, à d’autres parties de nous qu’on ne peut expliquer. Je pense qu’on ne peut pas rester objectif dans un travail de création et celui-là, pour moi, est très chargé d’histoire et de drames encore d’actualité. Dans ma tête je voyais les « indigènes » qui ont creusé les tunnels sous la montagne et plus récemment, mes contemporains qui sont passés par là pour récupérer ces déchets et les utiliser pour construire ou les vendre. Dans mon viseur je voyais les images que je voulais faire de manière à ce qu’elles reflètent ce drame invisible, mais présent, là, devant moi : je compose, je règle, j’imagine le résultat. Dans ce moment précis, l’émotion et le travail bien fait se complètent. Pour cette exposition, tu as réalisé des sculptures : tu es passé au volume pour la première fois, pourquoi ?

Un plasticien peut exploiter tout medium qui peut porter une idée. Au début, l’idée de ce travail avait pris forme avec une vidéo (2012). Après, j’ai senti le besoin de photographier comme pour donner quelque chose de plus à mon œuvre.

À In Ekker les treize essais nucléaires avaient pour nom de code des pierres précieuses, « Émeraude », « Rubis », « Saphir », « Béryl »… des appellations qui font rêver. J’étais à la fois choqué et étonné par cette contradiction  : un nom poétique, évocateur de bijoux qui se transmettent dans la famille en héritage, et l’horreur de l’acte destructeur que cette montagne a subi dans ses entrailles. Héritage terrible qui continuera à faire des ravages dans les corps et dans l’espace. Ce non-sens m’a poussé à donner un autre aspect à cette œuvre, compléter mon travail avec des volumes en verre, pour évoquer l’histoire par la transparence et protéger la fragilité des pierres précieuses qui resteront en héritage pour restituer la mémoire. Avais-tu une idée, au préalable, de l’importance de ce travail ou l’as-tu découvert après ? Je veux dire qu’est-ce qui t’a poussé, la sensibilité, l’engagement par rapport à ce drame ou juste le côté inédit, original du sujet ?

Il se trouve que le sujet des essais nucléaires est devenu d’actualité, mais comme je l’ai dit, l’image de cette montagne et sa clôture étaient en moi depuis les années 90, jusqu’au déclic produit par les haies de Le Favril. Bien sûr, après j’ai mené tout un travail de réflexion, de recherche et de documentation sur les essais nucléaires dans le monde et à In Ekker, sur les accords d’Évian, la RN1 d’aujourd’hui pour mieux connaître mon sujet. C’est le cas pour tous mes travaux. J’y mets mon quotidien, les choses qui me touchent d’une manière ou d’une autre, existentielles, sentimentales, politiques ou idéologiques. On les retrouve dans « L’Être d’amour », « Tag’Out » en passant par « Aller simple » ou « Le Roi est mort, vive le roi »… (Entretien réalisé en mars 2017).

Depuis quelques années, plus de trace des militaires qui gardaient le site et tenaient un barrage routier sur la Route nationale 1 (RN1). La zone irradiée reste dangereusement accessible aux pilleurs de câbles et autres matériaux, dernières traces des installations techniques du centre d’essais nucléaires français.

Nadira Laggoune-Aklouche Commissaire d’exposition et critique d’art, Nadira Laggoune-Aklouche est directrice du Musée national public des Arts moderne et contemporain d’Alger. Diplômée en Droit et titulaire d’un master en critique audiovisuelle et théorie de l’art, chercheur/doctorante en art, elle est maître-assistant à l’École supérieure des Beaux-arts d’Alger depuis 1986. Elle y enseigne l’histoire de l’image contemporaine et dirige un séminaire autour de l’art contemporain. Elle a par ailleurs enseigné la maîtrise de la critique et l’esthétique à l’Institut supérieur d’Art dramatique et à l’Institut supérieur de musique d’Alger de 1995 à 2000. Elle est membre de nombreux jurys d’arts visuels en Algérie et à l’étranger et auteur de nombreux écrits sur l’art contemporain algérien et sur la femme dans l’art algérien. Parmi les nombreuses expositions internationales et locales qu’elle a organisée figurent le Festival international d’Art contemporain d’Alger (FIAC) 2009 et 2011 ; Dak’Art, la 10e Biennale de l’Art africain contemporain de Dakar (mai 2012) et la BJCEM, 16e Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de la Méditerranée), Italie (juin 2013).


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J'ai constaté que dans le Hoggar, les gens ont très peu d'enfants. Je ne sais pas si c'est dû à cela. Mais je l'ai constaté.

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reize essais nucléaires, treize inséminations précieusement dénommées Topaze, Saphir, Turquoise…, et tous ces noms vulgaires qu’on attache aux cous des belles femmes (attends, ne t’emballe pas, on se rassure comme on peut, on ne se débarrasse pas facilement des superstitions de masse). On annonce dans les haut-parleurs la découverte d’un colis piégé à la station prochaine. Il faut fuir. Le troupeau court dans l’autre sens, avec les enfants et les sacs pleins de produits qui les, nous ?, empoisonneront lentement. Tu regardes tout ça toi aussi, tu regardes. Les enfants, seuls, t’ont remarqué. Car toi, tu ne bouges pas. Tu restes figé. Tu es trop vieux. Tu viens d’un continent qui a cessé de courir car rien ne l’affecte plus. (Hajar Bali, extrait du livre de l’exposition, éditions barzakh).

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u sais, moi aussi j’aurais préféré, mais tu penses vraiment que j’ai le choix ? J’peux pas passer sans te regarder pour la simple raison, espèce de garce, que tu me l’arraches, mon regard. Tu me l’arraches littéralement. Pas que le regard. Le regard, les yeux, tout. Tu m’arraches tout, les tripes la peau les os les ongles la rate. Tout. Tu m’arraches tout quand je passe près de toi. Quand je dépasse tout lentement, le vide laissé par le barrage inexistant des fantômes de militaires qui étaient là. Tous évaporés et dont les organes ont tenté de tenir bien des années après l’inutile exposition à ton soleil de mort. (Adlène Meddi, extrait du livre de l’exposition, éditions barzakh).

Les Francais disaient de s'éloigner de la bombe, sinon nous serons malades. Tous les gens qui étaient dans la montagne, ils sont morts ou malades. Il y avait des gens dans toute la montagne.

La RN1 passe à proximité de la montagne Taourirt Tan-Afella (ici en arrière-plan). Depuis quelques années, plus de trace des militaires qui gardaient le site et tenaient un barrage routier sur la Route nationale 1 (RN1). La zone irradiée reste dangereusement accessible aux pilleurs de câbles et autres matériaux, dernières traces des installations techniques du centre d’essais nucléaires français. Sur les 270 murets entourant le site, les mentions en arabe et en français décrivant la zone (mantiqqa) comme dangereuse, ont été systématiquement effacées par une main anonyme.


24°3'55''N

10

5°3'23''E

On n'a jamais passé de visite médicale, ni avant, ni après. On n'a jamais vu un médecin, sauf un infirmier, si quelqu'un était blessé. Il y avait beaucoup de blessés, même des morts. Il y avait beaucoup d'accidents de travail. Il y avait beaucoup de médecins francais, mais on ne les voyait jamais.

Après Béryl, il y a donc eu 11 autres essais, trois dont le confinement n'était pas total non plus. Ce n'est qu'en 1966, soit quatre ans après la signature des accords d'Évian (le 08 mars 1962), que la France met fin définitivement aux essais nucléaires sur le sol algérien. Mais les victimes évoquent encore aujourd'hui l'accident de Béryl et ses conséquences.

U

n jour, a-t-elle dit, la terre a tremblé. La terre ferme est devenue mouvante, c’était horrible ! Et par la puissance de l’ébranlement, le jour s’est rapproché de la nuit, et la nuit s’est mêlée à la nuit et s’est faite silence, s’est faite recueillement. Longue fut notre nuit et douloureuse notre souffrance. Nous avons longtemps erré au milieu des plateaux de roche, puis des dunes au sable brûlant, poursuivis par des odeurs de soufre et des cauchemars hallucinants. Les chemins se perdaient dans des terres mouvantes qui avalaient ceux d’entre nous qui avaient attrapé une terrible et étrange maladie. Le temps de couvrir leurs corps de sable et de cailloux, de dire une courte prière et nous reprenions notre errance. (Mohamed Sari, extrait du livre de l’exposition, éditions barzakh).

Depuis quelques années, plus de trace des militaires qui gardaient le site et tenaient un barrage routier sur la Route nationale 1 (RN1). La zone irradiée reste dangereusement accessible aux pilleurs de câbles et autres matériaux, dernières traces des installations techniques du centre d’essais nucléaires français. Cette barrière, érigée côté Est et à quelques centaines de mètres du point zéro de l’accident de Béryl, a été défoncée par endroits par les pilleurs pour faire passer leurs véhicules. Depuis quelques années, plus de trace des militaires qui gardaient le site et tenaient un barrage routier sur la Route nationale 1 (RN1). La zone irradiée reste dangereusement accessible aux pilleurs de câbles et autres matériaux, dernières traces des installations techniques du centre d’essais nucléaires français.

11

Les Dieux ne sont pas en cause Les ancêtres, eux, n’ont pas maudit cette terre Ce jour-là sombre et éblouissant Les poussières du désert sont restées suspendues pour l’éternité Gardant en elles des poisons mortels Les entrailles de la terre ont gémi Désarroi destruction et agonie En lambeaux ils étaient Mais ils se relèveront de parmi les morts Ils reviendront maintes fois leur dire Que la terre a assez bu de mensonges et de crimes J’avais la conviction non la certitude d’un désert. (Habiba Djahnine, extrait du livre de l’exposition, éditions barzakh).

Les bombes étaient enfouies dans des galeries creusées dans les montagnes du Hoggar et fermées par une dalle de béton, afin d'être confinées. Le risque de radioactivité devait ainsi être réduit. Mais sur les 13 tirs, quatre n'ont pas été totalement contenus.


Ammar Bouras souhaite remercier personnellement les personnes et institutions sans lesquelles ce travail n’aurait pu exister : Nadira Laggoune-Aklouche pour sa rigueur et ses conseils avisés ; MFG pour avoir mis à sa disposition, et sans limite, leur précieux matériau (verre) pour les sculptures ; le groupe NCA-Rouiba pour son soutien logistique (peinture, transfert d’images…) ; Mohamed Larbi Merhoum pour son assistance ; le quotidien El Watan pour la médiatisation de l’événement (édition d’un cahier spécial de 12 pages-couleur, 2000 exemplaires) ; les auteurs Hajar Bali, Habiba Djahnine, Adlène

Meddi et Mohamed Sari pour lui avoir fait l’amitié d’écrire un texte chacun ; Mourad Krinah pour avoir réalisé gracieusement la maquette de ce catalogue ; les éditions barzakh pour en avoir assumé la relecture et l’impression ; la galerie d’art contemporain ESPACO Gallery pour avoir accueillé l’exposition ; H’sissen (12S), l’assistant infatigable et efficace ; Sylabs pour lui avoir donné un accès total à son matériel et à ses locaux ; et enfin, son épouse Amira ainsi que ses enfants Chahrazad, Yasmine et Walid pour leur soutien moral et leur infinie patience.

Photographies, vidéo, volumes

Du 24 mars au 15 avril 2017 Espaco Gallery


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