PICTURIE GENERALE II - REVUE DE PRESSE

Page 1



REVUE DE PRESSE



vinyculture.com Art - 14 mars 2014

Avant-goût de la Picturie Générale II C’est dans une ambiance arty friendly que l’on retrouve les artistes de « Picturie Générale II » à la Baignoire, et c’est un grand moment que l’on vous relate à J-1 du vernissage. L’installation de l’exposition s’est faite avec un Mourad Krinah, commissaire de l’exposition, présent partout et veillant sur la scénographie de l’événement, qui s’annonce très intéressante. Avant de commencer à découvrir de salle en salle les différentes œuvres exposées, nous sommes face à la fameuse Baignoire d’époque qui donne toute l’identité du lieu. Nous avons également pris quelques minutes du temps précieux de Mourad, en cette veille de vernissage, pour papoter un peu. Nous sommes tout d’abord revenus sur le concept de Picturie Générale en lui-même. Mourad explique qu’il venait d’un jeu de mots, vouloir représenter la proximité, une certaine ouverture et c’est l’idée même de cette manifestation artistique. Le concept derrière est également de démontrer le travail qui est fait par notre scène émergente. Dire, au final, que ces artistes travaillent ici et ailleurs, qu’il s’agit d’une action dans la continuité et que ces rendezvous picturaux permettent de restituer au public des réflexions menées par chacun. Notre prochaine interrogation concerne le artistes sélectionnés pour chaque édition. Il nous explique qu’il faut d’abord avoir un certain état d’esprit : cet esprit d’équipe, accepter d’être à fond dans la préparation de l’exposition en donnant de son temps, et de ses moyens aussi, puisque toutes les œuvres présentées sont auto financés. Nous voyons effectivement de nouvelles têtes et œuvres sur le catalogue, dans l’objectif d’être le plus représentatif de ce qui se fait aujourd’hui par la scène émergente à travers différents supports : Peinture, Sculpture, Vidéo, Photographie, Installation, etc. Le concept de Picturie Générale gagne en crédibilité puisque des artistes volontaristes souhaitent adhérer à l’idée et faire partie de cette aventure. La deuxième édition ne consacre pas de thèmes. Chaque artiste vient présenter son monde en utilisant divers moyens d’expressions. Pour les prochaines éditions, il sera possible selon Mourad que des problématiques soient posées. Il s’agit aussi d’aller à la rencontre de son public, l’événement est donc à chaque fois organisé dans des lieux qui n’ont pas pour vocation première d’accueillir des expositions. Cette année, le monde de l’entreprise et de l’art vont se côtoyer et cohabiter, le temps d’une exposition.


Mourad nous échappe pour une mission plus urgente, et nous continuons à voir les belles choses exposées. Nous vous donnons un avant-gout des bribes d’œuvres pour vous laisser découvrir le travail dans toute sa splendeur à la Baignoire dès demain, 16 heures. Sachez que l’exposition se déroule jusqu’ au 12 avril et qu’il sera possible de la visiter tous les jours de la semaine de 13h à 17h. Yasmine Zidane


AlgérieNews

Culture - 9 mars 2014

Picturie générale 2 L’aventure continue ! En janvier 2013, l’école d’art « Artissimo » avait accueilli une exposition pas comme les autres. « Picturie générale », un florilège de propositions artistiques aussi inédites les unes que les autres, révélait une génération de créateurs qui ont toutes les chances de transformer la perception des arts plastiques en Algérie. Le 15 mars prochain, ce sera le tome 2 de cette aventure artistique qui va regrouper dix-sept jeunes créateurs, soit quatre de plus que l’année dernière. « Picturie générale 2 » s’inscrit dans la même démarche de sa précédente (lire notre article sur le site d’Algérie News, daté du 16 janvier 2013) : Une transgression manifeste des configurations actuelles de l’art contemporain, des œuvres centrées sur un questionnement et un regard acéré sur la société sans que le propos ne verse dans le discours direct. Mehdi Djellil sera de la partie, avec son univers grotesque, ses monstres et ses formes phalliques. Walid Bouchouchi ne manquera pas de nous surprendre avec de nouvelles photos décalées. Mourad Krinah va sans doute réinventer le wharolisme tandis que Fatima Chafaa nous réjouira certainement avec sa vision gracieuse de l’art. L’exposition, dont le vernissage est prévu pour le 15 mars à 16h, se tiendra, cette fois-ci, au lieudit « La baignoire », un espace urbain offert par l’écrivain et néanmoins chef d’entreprise Samir Toumi. Ce dernier explique ainsi la démarche : « Un espace à détourner, pour la cohabitation de deux mondes : l’art et l’entreprise. La baignoire n’est ni une galerie d’art, ni un espace culturel. C’est un concept d’espace partagé qui, régulièrement, proposera au monde de l’entreprise de coexister avec la sphère culturelle dans ses formes les plus diverses (expositions, installations, ateliers, lectures, etc.). Les collaborateurs du Cabinet Team Consulting International, dont le Siège Social est dans un appartement restauré datant de 1871, situé dans le cœur historique et populaire d’Alger, ont souhaité ouvrir leur espace de vie en accueillant des expériences culturelles inédites qui permettront aux artistes de présenter des happenings, rencontres et travaux s’adaptant aux contraintes du lieu et de son utilisation au quotidien. Les artistes pourront également bénéficier d’espaces d’échange et de travail, en cohabitant au quotidien avec les collaborateurs de la Société, qui eux, poursuivront leurs activités en les côtoyant et en évoluant dans le même lieu. Expérience innovante et inédite, La Baignoire se veut un laboratoire de réflexion autour de l’impact des actions culturelles sur l’individu au travail, son épanouissement au quotidien ».


Quant à la critique d’art Nadira Laggoune, elle présente ainsi ce deuxième tome : « S’exposer et investir un lieu alternatif signifie pour ces artistes, bénéficier d’une flexibilité et liberté essentielles par rapport aux modes de représentation et démarches conventionnelles en proposant une imagerie qui dénote face aux modèles dominants. Picturie générale 2, deuxième du nom, même label mais différente, avec plus d’artistes (au nombre de 16) et un plus grand espace, est à la fois un événement artistique et un lieu mobile alternatif qui n’est fidèle ni à un lieu ni à une date précis. Picturie générale dont la traduction en arabe serait « mawad fanniya 3amma » est une combinaison de « picturie » et « épicerie ». Une façon de se moquer de l’action même de l’exposition artistique collective tout en désignant un ensemble de formes et d’expressions qui s’exhibent en groupe. Traversant de manière plus ou moins implicite l’exposition, la dérision est une position volontiers confirmée par Mourad Krinah qui déclare avec conviction : « J’estime personnellement que l’humour est une arme assez redoutable surtout dans un univers connu pour son sérieux et son esprit élitiste comme celui de l’art. La Picturie Générale aussi, parce que nous avons imaginé l’exposition comme une supérette où le public, pas forcément connaisseur, se balade nonchalamment et tombe sur des « produits » divers et différentes choses ». S.H.


ubumag.com 16 mars 2014

Dans la baignoire de Samir Toumi J’ignorais où se trouvait le lieu de l’événement appelé « Picturie générale » lorsque le bus me déposa au pied du théâtre nationale d’Alger situé au cœur du quartier « Square Port Said ». Muni d’une simple adresse, incomplète de surcroît, j’ai interrogé quelques gens de passage pour savoir s’ils pouvaient m’orienter vers la « Baignoire ». Je vous laisse imaginer leurs réactions. Samir toumi tentai-je ? Non, pas le chanteur fis-je, de guerre lasse. Au bout d’un quart d’heure d’errance, brinquebalant mon saxophone d’une main et tenant ma cigarette de l’autre, je lève la tête et constate au troisième ou quatrième étage d’un bâtiment des têtes penchées sur un balcon, en masse. Convaincu qu’il s’agissait là de gens venus assister à cette exposition, je décide de monter. J’ouvre la porte d’un bâtiment au style colonial et me laisse guider par un homme qui m’introduit dans un ascenseur. Il était 16 heures, et Alger frissonnait. Un monde fou se pressait dans les couloirs d’un grand appartement dont les chambres servent d’espace d’exposition pour ces artistes toutes catégories qui viennent montrer leurs œuvres. Au bout d’un couloir, à la droite de l’entrée, une télévision diffuse la scène tragique de Adél Bentounsi, l’artiste peintre qui brûla l’intégral de son œuvre picturale sur une colline à Batna. « Mes œuvres et moi avons décidé de nous séparer, le feu était l’un des moyens purificateurs afin qu’elles gardent ainsi leur intégrité, leur sensibilité et leur dignité ». Adél, vêtu sobrement, pose devant son film, et répond avec humilité aux curieux. Il ne parle pas beaucoup, il a déjà tout dit en peignant, il en a marre. Je suis le couloir pour retomber dans une autre chambre, assez vaste dont la fenêtre donne sur la façade d’un bâtiment vétuste. Une chaise constituée d’un bois étrange trône parmi des brindilles semblables à ces feuilles mortes qui jonchent les sentiers de leurs nuances lorsque l’hiver laisse place au printemps. Une télécommande posée en biais sur la chaise est tourné vers un tableau évoquant un écran de télé. Œuvre de Rafik Khacheba intitulé « Qui ment à qui ? » me semble-être une tentative de l’artiste de dépeindre à sa manière l’insidieuse façon avec laquelle les médias réussissent à détourner les vérités pour instaurer la pensée unique. Rafik laisse place à ses objets, dont chaque élément rappelle avec poésie ce « printemps arabe » de 2011, où des nations entières ont obtenu cette liberté à laquelle elles aspiraient. Mais, semble interroger l’artiste, cette liberté est-elle réelle ou n’appartient-elle pas à un autre système, aussi pervers et gangréné de l’intérieur que l’ancien ? A côté, une porte à double battant débouche sur une vaste salle, sorte de salon où les convives et les artistes bavardent en buvant du Hamoud Boualem et grignotant des Griwech. Sofiane Hadjaj regrette l’absence du thé. Moi aussi. Sur la table, une œuvre


étrange trône, que j’observe longuement, intrigué. Sur une plette en bois de marchandise, des statues en argile s’enfilent les unes à côté des autres, dans un carré symétrique, combinées en masse. Au bout, des têtes identiques se posent sur des épaules accablées. Sur un côté en bas, un code barre est collé à chacun de ces individus. L’impression que me fît la création de Djamel Agagnia, noyé dans la foule des invités, résonna en moi douloureusement. Parmi les œuvres exposées, c’est elle qui me fît le plus grand effet. Je voyais dans la tentative de l’artiste une douleur indicible, un cri provenant du tréfonds de son être pour restituer aussi fidèlement que possible une réalité à laquelle nulle ne pourrait échapper. Ces hommes, étiqueté avec un code barre, m’apparaissent comme un produit de consommation, une marchandise étalée sur un rayon de supermarché, qu’un rouage alimentant la grosse machine d’une vie dont ils ne contrôlent plus rien, mais qu’on contrôle pour eux, sans qu’ils ne le sachent. Djamel me confiera le lendemain lorsque je réussis à l’approcher, que l’élément déclencheur de sa création provient du printemps Arabe 2011, séries de révolutions qu’il considère, à l’instar de son camarade Rafik Khacheba comme instrumentalisé à travers les médias, le maniement de l’information, et la diffusion massive d’images par les lobbies politiques afin de maitriser la masse et d’obtenir d’elle plus d’argent et de pouvoir en marchandant son temps et son effort. « Coup de barre » est un coup de maître d’un artiste sensible dont on aperçoit au fond des yeux une tristesse infinie, en dépit de son sourire rayonnant. Retrouvez-le en exposition individuelle à partir du 25 Avril prochain à l’école Artissimo à Didouche Mourad. J’y serais. Après avoir mangé un Griwech délicieux que j’ai fait passer comme tout Algérien qui se respecte avec n’importe quoi, d’autant plus que j’avais faim n’ayant pas déjeuné, je franchis le seuil du salon et débouche dans une autre salle. Je tombe nez à nez avec l’œuvre emblématique de la « Picturie » dont j’ai vu l’image défiler le long de la semaine sur les réseaux sociaux et les articles de journaux. « Astrolabe » de Sofiane Zouggar. Cette œuvre, intemporel, me toucha par la façon dont elle resplendissait en dépit de sa simplicité. L’Astrolabe est un outil inventé par les perses afin de prendre la hauteur des astres et calculer les heures, dans le but de s’orienter en mer. Posés sur l’astrolabe dessiné en rouge, ces deux pieds, l’un à côté de l’autre, possèdent le même sens dans deux époques différentes. Celles des « Harraga » qui partent en mer puis suivent le sentier de leur destinée à pied. « L’idée de créer « L’Astrolabe » me vint en tête lorsque j’ai vu une série de photos représentant Martin Luther King quelques jours avant son assassinant à côté de laquelle, l’artiste photographe avait posé l’image de Batman » me confie Sofiane Zouggar. Deux époques, une même idée, celle de l’héros. L’un mort et l’autre fictif, mais qui continueront d’alimenter l’imaginaire collectif éternellement. Il me remercie timidement et regagne le coin d’une chambre où il enchainera cigarette sur cigarette. Fumer nuit aux poumons mais pas à l’inspiration. Je lève les yeux et constate sur le mur trois cadres, l’un à côté de l’autre représentant les fameuses Graffitis de rues de « Cli ». Ce jeune graphiste Algérien dont on connait ni le visage ni l’âge en dépit de sa popularité, s’inspirait de son homologue français éponyme, et à l’instar de ce dernier exploite les murs des quartiers populaires d’Alger pour répandre sa présence, aussi fortuite soit-elle. Sous un Graffiti « CLI » un message écrit en rouge attire l’attention « Marseille, tu me manques ». Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il a traversé la méditerranée pour tenter sa chance de l’autre


côté. Il vivra quelque temps en clandestin à Marseille avant d’être expulsé. Depuis, il semblerait qu’il erre dans les rues d’Alger pendant que cette dernière sommeil et gémit son malheur à travers le « Cli », que j’aurais intitulé « Le cri ! ». Touché par l’histoire du « Cli » qui me rappelle toutes les anecdotes que j’ai lues et qu’on me raconta au sujet de ces jeunes brûleurs de mer qui aspirent à une vie meilleure, je quitte la chambre. Entre deux Griwech, un pain au thon, un autre au fromage, trois verres de jus de citron, et après avoir fait un bisou à Wassyla Tamzali, j’entre dans une autre chambre dont la vue donne sur une baie d’Alger voilé de brume. Sur le mur, je regarde un étrange tableau, le plus grand de l’exposition dont le volume occupe tout le mur, de l’artiste peintre Maya Ben Chikh El Fegoun. Le premier détail qui attira mon attention fût la nudité de la femme présente au premier plan. « Au bout de beaux seins bien lourds », le vers de Rimbaud me vint en tête. Perversité poétique. Le tableau, je n’en doutais pas un instant, se voulait abstrait et ne véhiculait de sens que par son manque de sens. Cette femme nue à la culotte noire tendait un bras distordu au dessus d’une créature rose, cependant qu’en bas, une autre femme au teint blanchâtre, sans culotte s’agrippait à une autre créature, de couleur orange cette fois. Sur le mur en faïence bleu-gris, un soutien-gorge pendait à côté d’un sac tandis que sur le côté droit du tableau, une autre créature semblable à un cochon profilait le bout de son nez. Maya propose une peinture silencieuse, combinant autant d’éléments disparates que possible, sans se baser sur des idées prédéfinies. Elle fait jaillir sous son pinceau les idées qui lui viennent en tête pour montrer que l’Art est aussi un instant de spontanéité sublimé. Gavé par les Grewich, je continue à regretter l’absence du thé sans me priver d’un autre verre de jus, orange cette fois. Je franchis de nouveau la salle, traverse le couloir, me faufile parmi la foule, et entre dans une chambre, l’une des plus petites de l’appartement. Sur la table blanche, trois éléments sont disposés. Trois tonneaux de pétrole au dessus desquels sont assis trois hommes, appartenant à trois époques différentes. « Le penseur, papa et moi » de Hicham Belhamiti se veut la transposition, une sorte de remix à la dubstep, du « Penseur » de Rodin. Ces trois hommes, posés en position de réflexion profonde, la tête lourde maintenue par la main, se tiennent face et s’interrogent. « Le penseur », restitué, symbolise la réflexion et la contemplation de l’Art à travers l’histoire, tandis que le Père et le Fils qui ne sont autre que l’artiste et le père de ce dernier, évoquent le discours qu’une génération tient à une autre, et les problèmes inhérents à cet espacement temporel. Une œuvre qui me fit beaucoup d’effet et que je contemplais longuement en observant du coin de l’œil une belle brune aux yeux verts. Contempler l’Art n’empêche pas de garder un œil bien rivé sur l’essentiel. Sur ces entrefaites, je me faufile de nouveau dans le couloir, prend mon saxophone, met mon sac, ma capuche, et m’engage dans une Alger frissonnante. Sofiane Hadjaj se joindra à moi surement pour adresser un dernier mot à Samir Toumi : « S’il te plaît, les griwech sans thé, ce n’est juste pas possible. On t’aime quandmême. Bisous. » Islem M.



Le Soir d’Algérie

Culture - 20 mars 2014

« Picturie Générale 2 » L’art dans tous ses états Que l’on soit amateur, ou complètement ignare de ce que peut être l’art, «Picturie générale» s’en moque éperdument. Ce qui l’intéresse, c’est de faire découvrir au plus grand nombre, mais surtout à un large public, sa vision de l’art, de l’Algérie, de la vie et des émotions. Pensé et organisé par des artistes algériens, anciens étudiants des Beaux-Arts d’Alger, c’est la deuxième fois que cet événement a lieu dans la capitale. En arrivant devant ce grand immeuble au style haussmannien de l’époque coloniale, au square Port-Saïd, on ne peut deviner que dans l’un des appartements se déroule un évènement artistique hors norme, où des artistes et des codeurs passionnés en ébullition ont investi les lieux. 16 artistes algériens réunis par leur amour de l’art, leur goût pour la liberté et leur indépendance y exposent leurs œuvres : peintures, sculptures, vidéos, photos se côtoient, se contredisent, se complètent avec harmonie. Le vernissage a eu lieu samedi dernier à la «Baignoire», un espace détourné dans le but de faire «cohabiter l’art et l’entreprise». Le principe de cette entreprise de consulting est simple et innovant : ouvrir leur espace de travail aux expériences culturelles «inédites qui permettront aux artistes d’exposer, de se rencontrer» tout en s’adaptant aux contraintes du lieu et de son utilisation quotidienne par les salariés. En errant dans cet espace, on découvre au milieu une table de réunion, entourée de chaises, Coup de barre, une œuvre brute et saisissante de Djamel Agagnia. Sur une palette de marchandises en bois sont placées des figurines couleur terre. Des personnages asexués, tristes, éreintés, tous semblables, sortis d’un même moule, d’une même usine quelconque d’un travail à la chaîne. Ces personnages «de l’esclavage moderne» sont alignés à l’image de soldats, une armée de corps besogneux tatoués d’un code- barre, tels des produits commercialisés, «de l’esclavage moderne, très efficace aux mains de lobbies et de politiques qui veulent manipuler l’homme en marchandisant son effort, son temps afin que lui-même devienne marchandise». Dans une autre pièce est accrochée la peinture imposante et émouvante de Maya Ben Chikh El-Fegoun, une peinture tout en couleurs qui représente l’union et la fin de deux périodes de la vie artistique de Maya. «J’ai uni mes deux premières obsessions, les corps blancs nus et cet animal qu’est le porc, pour enfin passer à autre chose.» Le tableau est divisé en trois parties, on y croise tantôt une femme nue debout donnant son bras sans fin à un porc, une autre le serre très fort et l’autre tendant les bras vers «cet autre chose», cet avenir incertain. Adel Bentounsi a lui aussi tourné une page, celle de la peinture. Dans le couloir, il y projette Brûlure au cœur, un autodafé de ses tableaux. L’artiste s’est filmé en train de brûler ses peintures qu’il avait présentées lors de la première édition de la «Picturie générale». Adel explique qu’après s’être épanoui avec ses œuvres, «elles m’ont


accompagné dans mes peines, mes tristesses et mes joies. Elles ont adhéré à mes engagements contre le dysfonctionnement politico-social», il a souhaité s’en séparer par le feu «afin qu’elles gardent leur sensibilité et leur dignité». La marchandisation de ses tableaux, la négociation financière de son art l’ont convaincu de tout détruire, détruire ce à quoi ses œuvres étaient réduites, à de simples objets fétichisés par le capital. La recherche de soi, de son identité, de son épanouissement personnel réunissent, à mon sens, les artistes dans ce lieu. Nous nous sommes tous, à une période ou bien toute notre vie, à poser ces questions existentielles : «Qui suis-je ? Où vais-je ?» La sculpture astrolabe de Sofiane Zouggar ne prétend pas y répondre, mais plutôt les symboliser par une installation composée de deux objets : l’un est un astrolabe nautique qui fut le principal instrument de navigation du XVIe au XVIIIe siècle, l’autre, des pieds de harraga du XXIe siècle posés sur cet instrument de navigation, de repère en mer. Des pieds sans corps et sans tête qui cherchent leur direction, leur chemin. Cette présentation partielle et partiale de « Picturie générale 2 » ne reflète qu’une infime partie de l’exposition, des artistes et des interprétations possibles. Car c’est là précisément que réside la force de leurs œuvres, laisser libre cours à notre imagination et à nos émotions. La «Picturie générale 2» est ouverte à tous et sans contrepartie du 15 mars au 12 avril de 14h à 17h, au 3, rue des FrèresOukid, square Port-Saïd, 4e étage. Saâdia Gacem


AlgérieNews

Culture - 17 mars 2014

« Picturie Générale 2 » les artistes redoublent de férocité Le premier volet de cette exposition collective a été inauguré comme une nouvelle ère dans l’art pictural algérien. Mais il s’avère que les jeunes artistes de «Picturie générale» ont plus d’un tour dans leur sac. Le vernissage de «Picturie générale II» avant-hier au siège de l’entreprise « Team Consulting », rebaptisé « La Baignoire ». Comme dans le premier tome, l’exposition n’est pas régie par une thématique générale mais il en ressort un regard acerbe sur ce que Guy Debord appelait « La société du spectacle ». Les œuvres exposées sont d’une grande diversité aussi bien technique qu’esthétique. Les seize artistes, dont la plupart avaient déjà participé à la première « picturie », ont réussi le pari difficile de ne rien réchauffer, mais surtout de continuer à surprendre. Ce qui fait la force et la beauté de cette expo, ce sont ces multiples énergies qui, aussi différentes qu’elles puissent être, convergent dans une démarche globale où l’art devient un espace d’expression foncièrement subjective, parfois décalée et souvent virtuose. C’est le cas de Mehdi Djellil qui vient de troquer ses joyeux monstres et ses formes phalliques au profit d’un dyptique dont on aura du mal à détacher le regard. « Ammer rassek » est en effet un objet indéfinissable glaçant de beauté et d’horreur ! L’artiste sait y faire quand il s’agit justement de réconcilier ces deux antagonismes. Mehdi sculpte deux têtes effarantes ; l’une surplombée d’une coiffe en cire et l’autre décapitée avec la langue pendue. L’exploit de cette installation est sans doute la minutie avec laquelle les expressions de ces deux visages ont été figées tout en donnant l’impression d’être constamment mouvantes. L’œuvre attire irrésistiblement le regard dans une espèce de fascination morbide et suscite une panoplie d’interrogations dont la plus insistante est de savoir comment l’artiste a pu glisser dans cette figure torsadée et laide une charge esthétique aussi puissante que mystérieuse. Rivalisant dans la prouesse, Walid Aïdoud va également jouer sur la perception du visiteur avec ses deux tableaux « graphiquement correct », une technique mixte sur aluminium où l’on voit deux visages patibulaires littéralement gravés sur la plaque métallique, renvoyant une image spectrale, habitée et tout à fait saisissante. D’autres fantômes surgiront de l’œuvre de Mourad Krinah, warholien invétéré, qui justement va taquiner la gloire de son idole, Andy Wharol, en transformant ce dernier en zombie ! Intitulée « Dust » (Poussière), cette sérigraphie sur toile s’inscrit dans la tradition picturale du « Memento mori » (Souviens-toi que tu mourras), mais l’accent mystique de cette locution est curieusement transfiguré et


renvoie plutôt à une sublimation du macabre, même si on regrette que l’artiste verse dans l’explication assez moralisatrice en écrivant « Une mise en scène des grands de ce monde dans tout l’apparat de leur puissance qui restera pourtant éphémère et passagère ». Plus loin, une explosion de couleurs et de formes suggestives chez Maya Ben Chikh El Fegoun. Son acrylique représente une femme nue en trois postures très équivoques, entourée de porcs et de lingerie sur un fond chromatique bleuté. Malgré l’agressivité charnelle de cette fresque, elle ne renferme aucune charge érotique, mais plutôt une froideur captivante et un refus obstiné de délivrer des réponses au regard perdu du spectateur. C’est un « sans titre » silencieux et étrange au nihilisme pleinement assumé. On transhume vers un univers canin avec Fella Tamzali qui met en scène « des archétypes sociaux opposés » : un homme, une femme, un enfant et des chiens. La composition des deux tableaux crée entre les différents personnages une dualité angoissante. L’artiste souligne d’ailleurs que « par sa forme, le décor met en tension l’espace de la toile pour en faire celui de la scène. Lumière et ombre dramatisent l’ensemble. La couleur, qu’en général je veux «sourde», participe à l’atmosphère tendue de la scène ». « Picturie générale II », c’est aussi le pop’art avec Walid Bouchouchi, toujours aussi espiègle dans ses détournements d’images cultes; la photographie avec Meriem Touimer, lyrique et touchante ; la vidéo avec l’émouvante autodafé de Adel Bentounsi ; la sculpture avec le formidable tryptique « Le Penseur, papa et moi » de Hicham Belhamiti et le cortège des chimériques des codes barres de Djamel Agagnia, etc.. L’exposition se poursuit jusqu’au 12 avril dans un magnifique appart. restauré datant de 1871 où siège l’entreprise de Samir Toumi, le fameux auteur de « Alger le cri », qui a élaboré un concept inédit dans lequel cohabiteront l’art et les affaires. En effet, l’écrivain nous explique que les réunions continueront à se tenir au milieu des œuvres et des visiteurs qui pourront s’y rendre chaque jour entre 14 et 17h. Sarah H.


L’Expression

Culture - 15 mars 2014

EXPOSITION PICTURIE GÉNÉRALE II AUJOURD’HUI « Une tuerie mon général ! » Le vernissage c’est aujourd’hui au 3 rue des Frères Oukid au square Port Saïd et l’expo s’étalera jusqu’au 12 avril. A voir absolument. Voilà un beau «soulèvement» artistique qui ne se prend pas trop au sérieux, mais qui se veut tout aussi rigoureux de par sa démarche réflexive et innovatrice des plus intéressantes. Un détournement en deux en un. D’une part, dans le nom qui, du marché de l’art, tend à s’incliner vers une dénomination amplement «humoristique» en prenant une connotation «commerciale» délibérée pour suggérer une épicerie où l’on peut s’achalander et trouver son bonheur. D’autre part, le lieu même de sa représentation est une proposition scénique, une prouesse doublement significative d’autant que cela se tient dans une entreprise le Team consulting international où travaille entre autres un homme génial, écrivain iconoclaste et amoureux inconditionnel de la ville d’Alger. Samir Toumi him self. Picturie générale II est le nom de cette expo qui évoluera dans un cadre des plus agréables, car donnant sur la mer se place donc comme un endroit stratégique au coeur d’Alger. Il fera certainement bon vivre ce soir du côté de cette fenêtres (sise au 3 rue des Frères Oukid square Port Saïd Ndlr), flanqué de cette baignoire posée là symboliquement comme «insigne» de cette hybride expérience artistique. La baignoire est son nom donc, un espace de partage qui permettra à l’avenir de faire cohabiter et coexister le monde de l’entreprise avec la sphères culturelle dans ses expressions les plus diverse (expo, installation, happenig, ateliers, lectures, etc) Un espace alternatif qui ouvre ses bras à l’art et de la plus belle façon qui soit. Une forme de mécénat qui ne dit pas son nom, mais qui épouse bel et bien les contours de ses nombreuses possibilités créatrices. Voilà le mot est lâché et c’est là où réside la singularité de La Picturie générale II, qui se voit agrandie cette année de son nombre d’artistes (16). On citera notamment Walid Bouchouchi, inventeur du concept déjanté et coloré de Akarir qui fait bousculer les images «lisses» que l’on croise souvent dans notre quotidien pour leur insuffler une dynamique inattendue tout en y apposant une certain recul qui en dit long, paradoxalement sur la vérité tant désirée et recherchée par le fait de sa forme décalée. Rafik Kachba fait dans la provoc politique en faisant la «guerre» à cette notion, ô combien redondante et consommée par les médias du «printemps arabe» en nous dévoilant uns installation basée sur la rêverie métamorphosant ainsi ce fameux printemps en un automne qui s’effeuille. Mehdi Djellil, connu pour ses monstres grotesques, à la fois ridicules, mais touchants, revient cette fois avec deux sculptures, deux têtes posées sur des plateaux l’un, en argent et l’autre en cuivre,


comme pour illustrer la vanité de l’homme et son intelligence qui s’évapore ou se dilue dans la connerie. Un état d’esprit illustré par cette cire d’abeille qui orne la tête de ces monstres cloownesques. Pour sa part, Mourad Krinah, artiste graphiste et néanmoins commissaire de l’expo, s’intéresse à un genre artistique des plus sombres, à savoir le Mémento Mori, locution latine qui signifie «souviens-toi que tu mourras». partant de ce postulat, Mourad Krinah rappelle à notre regard de façon philosophique teinté d’une pointe de cynisme que quel que soit le type de pouvoir des hommes (politique comme le président Obama, ou esthétique à l’image du mannequin Kate Moss par exemple) il se fanera tôt ou tard, un jour ou l’autre. Dissolution de l’individu dans un monde fait d’apparence mais aussi de globalisation est, le propos de l’artiste Djamel Agagnia dans «Coup de barre». Dans un style différent, ce dernier expose des statuettes uniformisées représentant des hommes sur une palette de marchandise, afin de dénoncer la manipulation de l’homme comme produit marchand. Même soulevée par l’artiste bônois, Adel Bentounsi qu’on voit dans son installation vidéo brûler ses oeuvres picturales comme réaction anti-capitaliste et geste radical mettant l’individu devant ses responsabilités en se confrontant au monde qui l’entoure. De la décrépitude des sentiments, générée parfois par la lassitude du quotidien est suggérée par l’artiste Walid Aïdoud qui tend à exprimer «ce flou artistique» humain par l’image brouillée créée par son graphisme sur aluminium.Il est de même pour Hicham Belhamiti qui dans sa peinture «Le penseur, papa et moi» suggère ce malheur du XXIe siècle qui vient de la mal-vie sociale et ce, en montrant ces trois personnages assis sur un baril de pétrole. Même réflexion posée avec acuité par Sofiane Zouggar qui explore à sa façon le pouvoir de l’image et son accumulation dans notre inconscient. Le thème choisi? Les harraga, illustré sur un support artistique évoquant l’astrolabe fait de résine sur lequel sont posés deux pieds. la violence sous-jacente de la société de consommation, mais aussi de l’homme qui vend aussi son âme au diable pour exister, quitte à faire du mal aux autres sont autant de questionnement soulevé par Fella Tamzali dans ses vaporeuses peintures montrant une femme assise entourée de chiens et ce regard halluciné ou effrayé d’un enfant qui fait face à nous (regard caméra dit-on au cinéma) et qui en dit long sur ce que l’homme posé à côté va entreprendre. Cette intimité exacerbée, on l’a retrouve dans un style différent dans la grande installation picturale de Maya Benchikh El Fegoun de par son atmosphère sensuelle, mais moins lourd qui se dégage et ses représentations de femmes nues vues de dos, assises ou debout face à nous, flanquées de par et d’autre de cochons roses. Un décor un peu surréaliste qui réfléchit en plus des couleurs sur la perspective, l’aplat et la distanciation. L’oeuvre de Maya qui fait 3m 20 sur 2m 20 ne manquera pas d’attiser la curiosité tant par son ambiguïté sémiotique que son travail esthétique qui se distingue un peu des autres. Pareil pour Gouri Mounir dont le tableau No woman no cry, étrange et sombre qui décline la tristesse de la femme de façon bien harmonieuse, mais presque, macabre... fortement sensible. Hind O.


APS

Culture - 16 mars 2014

« Picturie générale 2  », une cohabitation inédite entre l’art et le monde de l’entreprise ALGER. Dans une rue populaire du centre d’Alger, entre le Théâtre National et la rue Bab Azoun, le monde de l’entreprise croise celui de la culture: seize plasticiens algériens investissent les locaux d’une société dans «Picturie générale 2», une exposition collective inaugurée samedi. Baptisé «La Baignoire» cet espace aménagé dans un appartement restauré de 1871, réuni jusqu’au 12 avril peintres, photographes, sculpteurs, vidéastes et graphistes dont les oeuvres vont cohabiter avec les employés et les clients de cette entreprise spécialisée dans les ressources humaines. Dans une ambiance conviviale, artistes, écrivains, cinéastes ou simples curieux, venus en nombre important au vernissage, ont pu ainsi découvrir des tableaux, des installations et des sculptures qui mêlent pour la plupart dérision, opinions politiques et dénonciation de réalités sociales contemporaines. Ces jeunes plasticiens à la créativité débordante usent également de techniques modernes, comme l’impression numérique ou utilisent des matériaux inhabituels comme l’aluminium et la résine à travers des oeuvres exposées dans les différentes pièces, habituellement réservées aux réunions. A l’exemple de Walid Bouchouchi qui détourne avec dérision des éléments iconographiques populaires dans «In Ball We Trust», une série de trois tableaux pour dénoncer «la sacralisation» du football en Algérie, explique-t-il. Le peintre Adel Betounsi propose, pour sa part, une installation vidéo intitulée «Brûlure au coeur» dans laquelle l’artiste, aidé d’un ami, met le feu à ses tableaux sur les hauteurs de la ville d’Annaba, en signe de protestation «contre la perte des valeurs humaines» qu’il constate dans sa société. Plus allégorique dans sa démarche, Sofiane Zouggar expose une sculpture titrée «Astrolabe» où deux pieds humains sont posés sur un socle censé représenter cet instrument utilisé par les navigateurs jusqu’au 16e siècle. Avec cette sculpture en résine, Sofiane Zouggar aborde le thème de l’immigration clandestine, à travers le contraste entre les deux partie de son oeuvre, la première


représentant la capacité de s’orienter en mer, tandis que la seconde évoque la désorientation des immigrants. Un patron engagé et des artistes responsables Habitués des lieux alternatifs, la majorité des exposants fait partie du collectif «Box 24» qui propose depuis quelques années des expositions dans un appartement du centre d’Alger, réaménagé en lieu de création et de rencontres artistiques. Devant «la quasi absence d’espaces» dédiés aux arts, ces plasticiens ont décidé de «se prendre en charge» en «dépassant le stade du simple constat», explique Walid Aïdoud, un des fondateurs du collectif. Pour le patron de l’entreprise hôte et initiateur du concept, Samir Toumi, cette démarche inédite de «cohabitation» entre artistes, employés et clients de son entreprise, n’est pas «une tentative de se substituer aux galeries d’art» mais une manière d’affirmer une démarche «solidaire» et un engagement social dont doit faire preuve, selon lui, le monde de l’entreprise en Algérie. Cette démarche qui n’exige ‘»aucune contrepartie financière» ou «publicité» des artistes se veut également une forme de «sensibilisation» au monde de la culture pour les acteurs de l’entreprise, poursuit ce jeune patron qui est par ailleurs écrivain. «La Baignoire» accueillera également des ateliers de créations graphiques et des performances musicales, organisés et visibles durant les horaires de travail de cette société.


Les Débats

Culture - 13 mars 2014

Picturie Générale II Seconde édition de l’alternative underground La date de l’exposition Picturie Générale II approche à grands pas. Samedi prochain, le vernissage aura lieu à 16h au 3 rue des frères Oukid, Square Port Saïd. Le lieu nommé la baignoire est assez étonnant. Ce n’est ni une galerie d’art, ni un espace culturel. Il s’agit de locaux d’un cabinet de professionnels Team Consulting International, dont un des collaborateurs n’est autre que Samir Toumi, l’homme d’affaires, mais néanmoins écrivain, auteur de « Alger, le cri ». Le concept tourne autour du mariage entre art et monde de l’entreprise. Le mécénat semble faire surface en Algérie. Dans ce nouveau tumulte qui succède à un calme plat qui traduisait jusqu’à la paralysie de l’expression culturelle, au vue de ce qu’a traversé l’Algérie, l’exposition en question réunit 16 artistes plasticiens venus de différentes parties du pays. Cette initiative qui n’en est pas à sa première, s’inscrit dans cette nouvelle dynamique artistique dite « underground » qui émerge en Algérie. Zinnedine Bessaï, artiste participant, joue sur les mots autant dans son exposition (danger : Khatar/Qatar) que dans la proposition d’un titre ironique pour l’exposition. Traduit en arabe par « Mawad fenniya 3amma », mêlant critique et humour et qui fait référence aux épiceries que l’on trouve partout dans le pays utilisant l’enseigne « Alimentation générale ». Loin des convenances folkloriques, nationalistes, artisanales auxquelles nous sommes habitués, ce groupe de jeunes artistes fait dans le bousculement des codes. Le pop art, la photographie, la peinture et d›autres curiosités seront à explorer. à l’image d’Adel Bentounsi qui projettera une vidéo dans laquelle il est filmé en train de brûler ses toiles aux personnages étranges et presque déshumanisés, et aux animaux personnifiés ! Djamel Agagnia proposera une installation « Coup de barre » qui met en scène des hommes quasi identiques affublés de codes barres. Il fait là un clin d’œil à la manipulation et la marchandisation de l’homme et de son travail. Walid Aïdoud oriente volontairement ses images vers un figuratif flouté, gribouillé, en représentant des visages troubles sur plaques d’aluminium. Deux jeunes femmes exposeront des peintures exploitant à leur manière le corps de la femme. Maya Ben Chikh El Fegoun et son atmosphère légère distordue et silencieuse où une femme d’une grâce déformée bien peu vêtue, côtoie un drôle de


monstre et un porc. Fella Tamzali explorera un corps féminin en posture de proie, guettée par des loups ou des chiens enragés. Mehdi Djelil tentera de « remplir la tête » des spectateurs avec des sculptures torturées, qui nous parlent de bouffon du roi à la tête vide et triste. Quant à Mourad Krinah, co-comissaire de l’exposition, il prend comme outil, le symbole pour nous exposer sa vision ou sa dérision de la célébrité, la richesse et le pouvoir. Une reine anglaise ou encore un Andy Warhol au visage de squelette. Il détourne ainsi les répétitions stériles du pop art contre un de ses grands noms. D’autres phénomènes artistiques seront de la partie, pour le plus grand plaisir des amateurs d’art contemporain. L’astrolabe de Soufiane Zouggar tournera la tête des harraga d’aujourd’hui et d’hier : poésie du concept alliant science, espace chronologique, esthétique du ciel, et douleur du réel. Nedjma Merabet


Les Débats

Culture - 18 mars 2014

Entretien avec Mourad Krinah, commissaire de l’exposition Picturie Générale II Le commissaire de l’exposition collective Picturie Générale II, Mourad Krinah, artiste plasticien… nous parle d’art contemporain, des initiatives indépendantes et de sa vision quant à l’avenir de l’art en Algérie. Que pouvez-vous nous dire à propos de Picturie Générale, quel est le concept exact et à qui revient le mérite de l’initiative ? à la fin 2012, avec deux amis artistes, Djamal Agagnia et Sofiane Zouggar, nous avions pensé à faire une exposition collective. Il fallait donc trouver un espace à investir. Nous avons appris plus tard, par le biais de Sarah El Hamed, qui deviendra ensuite coordinatrice de l’exposition, que la directrice de l’école Artissimo réfléchissait à faire de son école un lieu où ce genre de manifestation peut se tenir. Nous avions trouvé l’idée très séduisante, vu la vivacité de l’espace : il y a des cours de danse, de musique, de peinture, de graphisme, de dessin... En plus d’un public différent de celui que l’on trouve dans les musées ou les expositions régulières, l’idée fut doublement plus séduisante par cette opportunité à toucher une audience différente. Après quelques réunions, le projet est lancé, et Picturie I eut lieu, qui réunissait 13 artistes. Suite au succès de la première exposition, on s’est dit qu’il fallait travailler à en faire une deuxième. Le problème de l’espace s’est posé à nouveau, jusqu’à ce que le propriétaire de ce qui deviendra la Baignoire, qui fréquente souvent les expositions du Box 24 notamment, nous a proposé les locaux de son entreprise. Avec toutefois une contrainte qui voulait que les travaux de l’entreprise continuent, telles des réunions ou autres qui se tiendraient en plein milieu des œuvres. Le principe de Picturie est de montrer ce qui se fait ici et maintenant : La nouvelle génération qui soulève certaines question sur l’art, la société, la politique. Le concept se veut le plus fidèle possible, pas exhaustif, mais varié et représentatif de ce qui se fait. Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées en tant que commissaire de l’événement, et comment s’est faite la sélection des artistes ? Pour commencer, il y avait des conditions auxquelles nous devions nous soumettre. On ne peut plus parler de règles du jeu. Par on, je désigne les artistes participants, mais également le propriétaire des lieux.


Il fallait pour les artistes, respecter au mieux l’espace qui devait rester d’abord un espace de travail. De l’autre, les employés de l’entreprise doivent s’accommoder de la présence des artistes, de leurs œuvres et du public. Ceci pour la principale difficulté. Ensuite, nous avons réalisé que 16 artistes représentent une « quantité » importante, ce dont nous n’avions pas eu vraiment conscience au début. C’est Walid Aïdoud qui s’est occupé de la scénographie, disposition des œuvres, la meilleure combinaison des artistes rassemblés dans une même pièce… Il y a eu beaucoup de concertation entre nous (ndlr les artistes participants), des changements au fur et à mesure de l’avancée de l’installation. Pour ce qui est de l’entente générale, cela faisait partie des conditions de sélection des artistes. Mis à part le « noyau dur » des instigateurs, il fallait faire appel à d’autres artistes, dont de jeunes fraîchement diplômés dont on suit le travail et dont on sait qu’ils continueront sur cette voie. Le critère principal étant la pertinence de l’œuvre, les artistes devaient aussi se soumettre à la règle du jeu qui veut que le projet de chacun soit auto-financé, la présence de l’artiste lors des installations du vernissage et de la clôture. Par ailleurs, il y a une certaine continuité quand on a fait l’école des Beaux-arts, nous restons toujours en contact étroit avec ce qui s’y passe. Il n’y a qu’à voir toutes les générations présentes à l’hommage aux Asselah. Cela permet de savoir quels sont les jeunes talents prometteurs… Ajouté à cela, le travail de monstration que l’on fait au Box 24, et qui nous permet de recevoir de nombreuses personnes, à travers les ateliers que l’on anime et les expositions. Concernant la comparaison du contenu des œuvres de Picturie I et II, où l’on voit une présence du politique beaucoup plus accentuée l’année dernière que cette année. Quelle est votre hypothèse ou théorie à ce propos ? Je pense que le contexte socio-politique joue un grand rôle. L’année dernière, nous étions encore dans la phase des printemps arabes. De nombreuses manifestations ont eu lieu en Algérie, ce qui est encore le cas cette année, mais l’an dernier, cela s’inscrivait dans un tout international se mettant en lien direct avec ce qui se passe en Libye, en Syrie, en égypte… Il y avait une sorte de situation d’urgence et beaucoup de tension. C’était « le sujet », ce qui empêchait un artiste de rester sourd, on ne pouvait pas ne pas en parler. Personnellement, je mets l’accent sur la façon dont les médias perçoivent l’actualité politique, ou encore sur la façon dont les gens interprètent l’actualité politique telle que présentée par les médias. Aujourd’hui, nous avons pris de la distance par rapport à ce contexte politique, et le résultat est un travail beaucoup plus introspectif. Propos recueillis par Nedjma Merabet


El Watan - Arts & Lettres 22 mars 2014

Picturie Générale II Belle récidive Un aperçu du foisonnement créatif de la nouvelle scène artistique algérienne. 1516 : Salim Toumi, roi d’Alger, était assassiné dans son bain. 2014 : Samir Toumi, auteur d’Alger le cri, met de la vie dans sa baignoire. Le premier Toumi avait signé l’alliance avec les Ottomans venus en sauveurs avant de lui ravir le pouvoir et la vie. Le deuxième Toumi signe l’alliance entre l’entreprise et l’art en transformant les locaux de sa société en espace d’exposition (baptisé La Baignoire). Mais la comparaison s’arrête là, car l’art n’est pas près de ravir le pouvoir à l’entreprise. D’aucuns craindraient même que, pour cette union, l’art offre son âme en guise de dot. Mais le mieux est d’aller voir par soi-même. Le siège, situé au 3, rue des Frères Oukid (Port-Saïd) est investi par seize jeunes artistes pour l’expo Picturie générale 2. Après une première édition, l’an passé, à l’école Artissimo, le collectif de plasticiens, pour la plupart issus de l’école des Beaux-arts d’Alger, récidive avec autant de fraîcheur et d’anticonformisme. Entre installation, peinture, photo et vidéo, les exposants nous offrent un aperçu du foisonnement créatif de la nouvelle scène artistique algérienne. S’ils ne s’enferment pas dans une thématique déterminée, les plasticiens proposent pour la plupart des œuvres branchées sur les préoccupations de la société où ils vivent. à peine entré dans l’appartement, le visiteur est interpellé par le triptyque haut en couleur de Walid Bouchouchi. Intitulé « In Ball We Trust » (détournement de la devise américaine « In God We Trust » qu’on peut traduire par « En Dieu, nous croyons »), l’artiste représente le dieu-ballon entouré de deux reproductions de l’image de l’enfant en prière, icône kitsch connue de par ses nombreuses reproductions en posters et autres calendriers. Le ton est donné ! S’ils font du figuratif, nos jeunes artistes ne sont pas là pour faire de la figuration. Il ne s’agit pas de faire joli mais bel et bien d’interpeller le spectateur et de susciter la réflexion sur son vécu. Au centre de la salle on retrouve une intrigante sculpture en terre cuite de Mehdi Djelil intitulée « Amer rassek ». Une tête à l’expression souffrante surmontée d’une couronne en cire à demi fondue : est-ce le bouffon du roi, comme le laisse entendre l’explication de l’auteur, ou est-ce le roi des bouffons comme le laisse supposer son trône ? Quoi qu’il en soit, nous sommes du côté sombre de la bouffonnerie. On retrouve en effet cette représentation dans une deuxième sculpture où le personnage a la tête tranchée avec la langue pendante. Dans une autre salle, nous découvrons une grande installation signée Rafik Khacheba. Face à un tableau idyllique de paysage printanier en 16/9, une télécommande dorée posée sur un fauteuil en bois


sec entouré d’un amas de feuilles mortes. Les fleurs épanouies semblent se faner en sortant de l’écran. Mensonge cathodique ? L’auteur pose la question « Qui ment à qui ? » en guise de titre et explique que le printemps en question est celui du monde arabe. Djamel Agagnia pose plus généralement la question de la manipulation des masses avec son installation représentant un groupe de figurines, affublés de code-barres, affichant des visages fatigués aux traits usés. D’où le titre « Coup de barre ». Du politique au métaphysique, il n’y a qu’un pas que nous franchissons grâce aux sérigraphies de Mourad Krinah. Intitulée « Dust » (Poussière), cette série représente des personnalités célèbres et influentes (Andy Warhol, La Reine d’Angleterre…) redevenues poussière avec des têtes de mort en lieu et place de leurs figures. On citera également l’installation « Astrolabe » de Sofiane Zouggar, les collages de Mounir Gouri et les tableaux de Fela Tamzali à base d’éléments impersonnels : la Femme, l’Enfant, le Chien… Toujours dans la peinture, Maya Ben Chikh El Fegoun ose le nu avec des personnages féminins entourés de gras cochons. Côté photo, on retrouve Meriem Touimer et Fatima Chafaâ ainsi qu’un montage vidéo d’Assila Cherfi. Sortant de l’exposition, nous avons la réponse à la question initiale. Non, ces artistes n’ont pas vendu leur âme à l’entreprise. Bien au contraire, les œuvres exposées tranchent délibérément avec l’art « vendable » et politiquement correct. Nadira Laggoune-Aklouche, qui signe le texte de présentation du catalogue, gracieusement édité par Barzakh, parle d’une « réappropriation du champ du pouvoir symbolique » de la part de ces artistes qui tentent de se repositionner sur le plan esthétique, mais aussi politique et social, après la parenthèse tragique de la décennie noire. à l’image de l’épicerie, la Picturie propose des « produits » hautement hétéroclites mais, dans le lot, il ressort surtout une farouche volonté d’expression. W. B.


La Tribune

16 mars 2014

Picturie générale 2, un univers déjanté de la création contemporaine L’exposition collective qui se tient jusqu’au 12 avril prochain, est très intéressante tant par la pluralité des styles que par la multiplicité des lectures et des thèmes qu’elle propose, d’autant plus que le lieu de l’exposition est en lui même une curiosité. C’est au cœur d’Alger, dans un immeuble situé à quelques pas de lieux symboliques, le square Port Saïd et le Théâtre national algérien, que les amateurs d’art ont été conviée au vernissage, samedi dernier, de l’exposition «Picturie générale 2», dans l’espace baptisé «La Baignoire», afin de découvrir l’exposition collective d’une quinzaine d’artistes dans différents styles, supports et démarches esthétiques. C’est dans une ambiance conviviale et chaleureuse que s’est déroulé le vernissage de l’exposition, marqué par la présence de nombreux artistes confirmés, à l’instar de Zoubir Hellal, mais également des personnalités du cinéma et de l’univers littéraire à l’instar de Samira Negrouche, ainsi que de nombreux anonymes. Les présents ont pu ainsi découvrir de nombreuses œuvres dans des styles aussi différents que la sculpture, la peinture, le photomontage, des installations ainsi que du art-vidéo s’inscrivant de plein-pied dans une démarche contemporaine, tant par la forme que par le fond. Ainsi la plupart des œuvres empruntent aux nouvelles technologies les outils de créations esthétiques afin de poser de véritables problématiques et questionnements sur l’existence de l’individu et du monde qui l’entoure. C’est dans cette démarche de réflexion, où l’art va au-delà d’une simple approche esthétique, une démarche subversive pour dénoncer le mal-être de toute une génération face au temps qui passe, l’image de la femme, le foot instauré comme religion, la Harga et l’amer constat de l’artiste éternellement maudit dans une société matérialiste où l’essence de l’être est réduite à un tas de chair mercantiliste. Parmi les nombreux exposants aux talents prometteurs, Rafik Kachba, dont l’exposition intitulée «Qui ment à qui ?», où, avec des matériaux de récupération naturels tels que des feuilles mortes étalées par terre, des bouts de troncs d’arbres, il a fabriqué une sorte de chaise intemporelle, faisant face à un tableau accroché au mur illustrant un cerisier en fleur aux couleurs tendre et pastel des promesses d’un printemps lointain, telle une illusion dans le constat amer des espoirs qui s’envolent et décrépissent tels les feuilles mortes et un bois dénué de toute sève régénératrice. Une installation qui laisse ouvertes toute les lectures, tant sur le plan politique, philosophique que poétique.


Dans le même registre des désillusions, mais avec des matériaux plus froids et métalliques, Walid Aïdoud, à travers ses trois tableaux au graphisme sur aluminium, illustre la détresse de l’être en entremêlant le métal, la couleur des expressions torturées et quelques lignes d’écriture qui traverse ce monde sombre et obscur. Dans un autre registre et dans un impressionnant grand format de trois mètres sur trois mètres et demie, Maya Benchikh El Fegoun offre au regard une image surréaliste et détournée des odalisques dans des couleurs flashy, où des femmes au formes sensuelles a demi-nues, dans des postures parfois grotesques accentuées par la proximité de truies roses, interpelle le regard tant par la complexité des signifiants qui s’en dégagent que par le talent de l’artiste qui joue avec les canons esthétiques ainsi que le concept de la femme objet ou le désir ambigu est souvent conjugué avec répulsion. Deux thèmes marquants de la jeunesse algérienne, à l’instar du foot, ironiquement détourné, ainsi que la terrible thématique de l’émigration clandestine «les Harraga», dans l’œuvre de Sofiane Dougga, qui sculpte des pieds en résine sur un astrolabe illustrant tout le gouffre des siècles qui séparent l’âge d’or des sciences arabes et celui où partir est devenu la seule obsession des jeunes. Au final, l’exposition collective est très intéressante tant par la pluralité des styles que par la multiplicité des lectures et des thèmes qu’elle propose, d’autant plus que le lieu de l’exposition est en lui même une curiosité. «La baignoire» est en fait le siège de Team consulting international, situé à l’entrée de Bab Azzoun, et qui n’est «ni une galerie d’art ni un espace culturel. C’est un concept d’espace partagé qui, régulièrement, propose au monde de l’entreprise de coexister avec la sphère culturelle dans ses formes les plus diverses». Ainsi, ce lieu se veut un espace de partage qui permettra à l’avenir de faire cohabiter et coexister le monde de l’entreprise avec la sphère culturelle dans ses expressions les plus diverses : expos, installations, happenings, ateliers, lectures… Sihem Bounabi




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.