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Tiers-lieux ruraux, sortir des cases et déployer une approche multifonctionnelle
Vingt-trois projets visant à soutenir la relocalisation des services en zone rurale ont été validés dans le cadre de l’appel à projets « Tiers-lieux ruraux » lancé par le Gouvernement wallon en juillet dernier. Quatre de ceux-ci sont situés en Brabant wallon.
: Caroline Dunski – Photo : Quatre Quarts
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Dans un contexte tendu par les crises sanitaire, économique et climatique, les territoires ruraux font face à des défis de plus en plus pressants d’accessibilité, de cohésion sociale et de solidarité. Un peu partout sur le territoire wallon, habitants et associations s’emparent de ces questions et agissent à leur échelle en créant de nouveaux espaces, qui ne correspondent ni au domicile ni au lieu de travail habituel. Ils constituent des espaces où le travail se mélange à d’autres aspects de la vie en collectif : bibliothèque, maison des associations, café citoyen, maison médicale, atelier partagé, point poste, espace de test agricole, commerce…. Ils y rassemblent des énergies diverses pour décloisonner, tisser des liens et expérimenter d’autres façons de faire ensemble.
Devenir co-créateur de ce qui se passe Fin novembre dernier, 150 personnes venues de toute la Wallonie se sont déplacées à Genappe, pour prendre part à une journée de rencontres et de débats organisée au Monty, tiers-lieu artistique, culturel et citoyen. Les participants et participantes ont longuement évoqué ces fabriques de liens où se construisent de nouveaux modes de vivre ensemble. Leur maître-mot : « sortir des cases ». Il s’agit de sortir du statut de consommateur, client ou paroissien pour devenir co-créateur de ce qui se passe. Toutefois, se placer dans cette posture nécessite de relever divers défis, comme celui de trouver un équilibre entre ce qu’on peut donner de son temps et de son énergie et ce que l’on espère recevoir en retour. Pour Olivier Servais, coordinateur du GAL du Pays des Quatre Bras, si ces lieux visent à décloisonner les publics et les activités, ils demandent aussi beaucoup d’efforts pour faire du transversal, alors que tout l’environnement fait barrage. Bruno Bianchet, chercheur à l'ULiège pour la Conférence permanente du développement territorial (CPDT), propose de travailler sur les complémentarités plutôt que sur les différences. « Décloisonner, c’est aussi bousculer des conceptions et des pratiques pour ne plus les considérer comme exclusivement économiques, sociales ou culturelles. » Josué Dusoulier, coordinateur des formations du Réseau Transition, souligne que de nombreux verrous sociotechniques ralentissent les nouvelles pratiques et qu’il faut déverrouiller notre imagination pour trouver du soutien, auprès des autres porteurs du projet quand il a des dimensions multiples, mais aussi avec les voisins, les pouvoirs publics…
Faire vivre les territoires
À ce titre, l’appel à projets « Tiers-lieux ruraux », lancé en juillet dernier par le Gouvernement wallon et doté d’une enveloppe de 12 millions d’euros, est la preuve de l’intérêt des autorités wallonnes pour des lieux susceptibles de fournir des services de proximité aux habitants des villages : services administratifs et bancaires, mobilité, soins de santé, crèches, espaces de coworking, formation, culture… Les résultats des précédentes opérations de développement rural menées par la Wallonie, et notamment l’évolution des projets soutenus par l’appel à projets « coworking rural » de 2018, ont servi à affiner les attentes pour arriver à une approche multifonctionnelle et multiservices, gage, en zones rurales, d’une plus grande viabilité des projets. De plus, grâce au mélange des fonctions et au croisement des publics qui le fréquente, le tiers-lieu wallon recrée du lien social dans les territoires. Pour Olivier Servais, « une ruralité qui va bien est une ruralité qui coopère, dans laquelle il y a des échanges. L’enjeu, pour les tiers-lieux, est de faire vivre le territoire en favorisant la coopération de tous les acteurs. »
Une ruralité qui va bien est une ruralité qui coopère, dans laquelle il y a des échanges. L’enjeu, pour les tiers-lieux, est de faire vivre le territoire en favorisant la coopération de tous les acteurs.
Olivier Servais
Focus Sur Les Projets Braban Ons
L’appel à projets « Tiers-lieux ruraux », lancé par Céline Tellier, ministre de la Ruralité, a suscité un grand intérêt, tant chez les pouvoirs publics que chez les opérateurs du monde associatif et de l’économie sociale. 102 dossiers de candidatures ont été déposés, démontrant le besoin et le souhait des communes et des acteurs privés de soutenir et renforcer la présence de services en zone rurale. Parmi les 23 projets retenus, quatre sont brabançons. Enfin… outre Genappe et Villers-la-Ville, le GAL du Pays des Quatre Bras couvre aussi Les Bons Villers, commune du Hainaut.
Les montants obtenus pour ces quatre projets vont de 440 000 euros à près de 500 000 euros. Avec ce soutien financier, le Domaine de Chastre, dont 600 m² de bureaux étaient occupés par l’Intercommunale sociale du Brabant wallon (ISBW) désormais installée à Genval, veut s’ouvrir à un public local plus large et étendre sa vocation sociale aux enjeux du vivre ensemble. Concrètement, le projet consiste à rendre les espaces existants plus modulables et plus attractifs pour les petites structures du tissu économique local. La cafétéria sera déplacée et agrandie pour devenir un restaurant ouvert au public à midi et un café citoyen en après-midi et en début de soirée. Véritable centre névralgique du tiers-lieu, elle permettra à différents publics de s’y croiser. L’offre culturelle se verra décuplée grâce à une programmation proactive en partenariat avec La Tchatche, asbl de promotion de créations artistiques en milieu rural. À Genappe, le Monty qui fonctionne avec un seul salarié pourra engager une personne pour assurer la gestion administrative du lieu. Il a aussi pour projet, en partenariat avec le CPAS et le GAL du Pays des Quatre Bras, de développer l’axe alimentation durable, saine, éthique, à des prix raisonnables, tout en valorisant la production alimentaire locale. À CourtSaint-Étienne, l’asbl Quatre Quarts installée dans la gare désaffectée souhaite notamment développer un restaurant social sous forme d’une cuisine collective basée sur la préparation de produits invendus et un service réalisé par de jeunes adultes porteurs de handicaps. Elle veut aussi diversifier son offre culturelle à destination des familles et du jeune public, en partenariat avec le Centre culturel du Brabant wallon.