Information visiteurs 'L’art du droit'

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GROENINGEMUSEUM I BRUGES 28 / 10 / 2016 - 05 / 02 / 2017




Couverture Adapté de: Atelier de Jacob de Gheyn II , La Justice, ± 1591-1595 © Anvers, Museum Plantin-Moretus / Photo: Peter Maes Philips Galle d’après Pieter Bruegel I, Justitia (La Justice), ± 1559 © Anvers, Museum Mayer van den Bergh


INTRODUCTION

L’ART DU DROIT Trois siècles de justice en images Quelle est l’origine de l’image de Dame Justice avec sa balance, son épée et son bandeau sur les yeux ? Comment s’administrait la justice sous l’Ancien Régime? Que signifiait une justice équitable pour l’homme du bas Moyen-Age ? Cette exposition entend apporter une réponse à ces questions et bien d’autres encore. Sur base de quelque cent vingt pièces les plus diverses - tableaux, vitraux, dessins, gravures et livres - nous vous guidons à travers trois siècles d’histoire de la justice. Ces illustrations offrent un riche panorama des œuvres que la justice et l’équité inspiraient à des artistes entre 1450 et 1750. Une vingtaine d’œuvres proviennent de collections brugeoises, le reste de prêts belges et étrangers. Quantité de ces œuvres étaient destinées à orner des tribunaux et salles du conseil et à inspirer aux magistrats des jugements équitables. Mais les œuvres sur le thème de la justice et l’équité n’étaient pas uniquement conçues pour les lieux où on rendait


la justice. Car elles montrent l’importance du droit dans tous les aspects de la vie. L’administration de la justice ne laisse personne indifférent, certainement à une époque où les condamnations à mort ou à la torture étaient monnaie courante et la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’était pas encore à l’ordre du jour.


SALLE A

JUGEMENT DIVIN, JUSTICE LAÏQUE À partir du bas Moyen-Age, les villes flamandes et brabançonnes rivalisent de moyens pour avoir la plus belle maison communale. La salle des échevins, notamment utilisée pour les décisions judiciaires, est décorée de scènes de justice par les plus grands artistes. Ces œuvres d’art moralisatrices illustrent les vertus - ou les excès - de la justice. Les échevins - qui sont à l’époque aussi magistrats de leur commune - sont ainsi incités à remplir au mieux leur importante tâche et rendre leurs jugements en leur âme et conscience. Le sujet le plus fréquemment traité est celui du Jugement Dernier, le moment ultime de la justice divine pour chaque être humain. Car la justice laïque doit refléter le jugement de Dieu. À chaque instant, le Jugement Dernier rappelle leur responsabilité en matière de justice à toutes les personnes présentes dans la salle des échevins : juges, procureurs, accusés, témoins.


L’iconographie du Jugement Dernier est bien plus ancienne que la décoration des maisons communales. La justice se rendait autrefois en plein air, sous un arbre, mais surtout sous le porche des églises. Le Jugement Dernier y est fréquemment représenté. Le lien entre justice divine et justice des hommes est clair sur les panneaux provenant de Graz, Maastricht et Wesel, où le Jugement Dernier va de pair avec une scène de procès laïc.


A1 Le juge Niclas Strobel et la justice divine / 1478 Anonyme

huile sur panneau / Graz, Musée de la Ville

Niclas Strobel, le commanditaire de ce tableau, est assis sur sa chaise de Juge sous le Christ au Jugement Dernier. Dans ce procès laïc, une femme prête serment. Contrairement au panneau de Baegert (A6), la prestation de serment est ici plutôt secondaire. L’accent porte sur la relation directe entre justice des hommes et justice divine.

A2 Le Jugement Dernier / 1525

Adriaan Moreels et Pieter van Boven

huile sur panneau / Grammont, Ville de Grammont

Le Jugement Dernier est représenté plus ou moins de la même manière pendant des siècles. Dans un style primitif qui rappelle un peu celui de Bosch, ce tableau contient les éléments classiques : les morts se relèvent de leur tombe et sont ‘pesés’ devant les yeux du Christ, qui décide de leur rédemption ou de leur damnation. Arborant la toge rouge des magistrats, Il est assis sur un arc-en-ciel entre Marie et Jean-Baptiste. Ils sont entourés de saints, de martyrs et d’anges jouant de la trompette. Le lys à côté de la tête du Christ symbolise la clémence du jugement quand c’est possible, l’épée la sévérité du jugement quand nécessaire.


Avec une singularité ici : la représentation des sept péchés capitaux et de leur châtiment dans le chaos de l’Enfer.

A3 Le Jugement Dernier / 1525 Jan Provoost

huile sur panneau / Bruges, Groeningemuseum

Ce Jugement Dernier ornait la salle échevinale de l’Hôtel de Ville de Bruges. Jésus montre ostensiblement sa blessure. Provoost souligne ici le rôle de sauveur du Christ. Mais il le présente aussi en juge : comme l’archange Michel dans d’autres représentations du Jugement Dernier, il utilise l’épée. Parmi les bienheureux à la porte du Paradis à gauche, on reconnaît des membres du clergé à leur tonsure. Mais Provoost peint aussi des religieuses et des prêtres aux bouches de l’Enfer. Ces figures sont repeintes en 1550 par Pieter Pourbus suite à un décret de Charles Quint qui interdit les critiques du clergé. La peinture qui les recouvre est retirée en 1956.

A4 Le Jugement Dernier / 1551 Pieter Pourbus

huile sur panneau / Bruges, Groeningemuseum

Pourbus peint ce Jugement Dernier pour le tribunal du Franc de Bruges. Le panneau était accroché sur le mur gauche du tribunal, comme le montre un tableau de Gillis van


Tilborgh de 1659 (D2/2). Entre les saints et les martyrs, on reconnaît deux saints en lien avec la justice : Moïse et les Tables de la Loi et Laurent, saint patron des magistrats brugeois, avec la grille sur laquelle il fut torturé après son jugement. Pourbus est clairement influencé par le Jugement Dernier de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine, qu’il connaît à travers des gravures. Comme chez le grand maître italien, l’accent est mis non pas sur des détails anecdotiques, mais sur des nus dans le style de la Renaissance.

A5 Double justice / 1477 ou 1499 Jan van Brussel

huile sur panneau / Maastricht, Commune de Maastricht

Un artiste de l’entourage de Rogier van der Weyden peint ce panneau en 1477 ou 1499, la date sur le cadre n’étant pas claire. Au centre, la corruptibilité ou l’intégrité des échevins et ses conséquences au jour du Jugement Dernier. Le registre supérieur présente un Jugement Dernier traditionnel. Une ville, probablement la plus ancienne vue de Maastricht, le sépare du registre inférieur. On voit à gauche un tribunal, où un diable tente de corrompre les échevins-juges dans un procès entre un pauvre et un riche. À droite, un ange, probablement Michel, montre le ciel d’un geste prophétique. Le mauvais et le bon conseil sont inscrits sur les banderoles au-dessus du diable et de l’ange.


A6 La prestation de serment / 1493-1494 Derick Baegert

huile sur panneau Wesel, Städtisches Museum-Galerie im Centrum

Baegert peint un procès au moment de la prestation de serment. Le président de la Cour montre du doigt le tableau du Jugement Dernier accroché au mur. Son autre main est tendue vers l’accusé qui doit prêter serment, tandis qu’un ange et un diable lui murmurent des conseils à l’oreille. Le geste du juge - qui imite celui du Christ au Jugement Dernier - et l’inscription sur la banderole établissent un lien clair entre le faux témoignage et la condamnation des parjures au jour du Jugement Dernier.


SALLE B

EXEMPLA IUSTITIAE Des représentations à valeur d’exemple À partir du quinzième siècle, les salles des institutions judiciaires sont également décorées d’autres scènes de justice que le Jugement Dernier. Des sources bibliques et profanes fournissent des sujets à ces “exempla iustitiae”, des représentations moralisatrices de procès et de justice. Parmi les thèmes populaires, le Jugement de Salomon et l’allégorie de la chaste Suzanne, ainsi que les jugements de Zaleucus, Trajan et Archambaud. Ils montrent tous les devoirs essentiels du magistrat, comme le respect de la loi, l’impartialité et surtout l’intégrité. Entre le quinzième et le dix-huitième siècle - avant la séparation des pouvoirs - quantité d’exemples et d’allégories ne traitent pas de justice au sens strict mais couvrent aussi l’amour de la patrie et la bonne gouvernance. Car une bonne gouvernance doit respecter une des vertus principales : une justice équitable.


B1 LE JUGEMENT DE SALOMON Le Jugement de Salomon est après le Jugement Dernier l’exemple le plus populaire de justice. Deux femmes demandent au roi juif de régler un sérieux conflit. Elles habitent dans la même maison et ont un enfant du même âge. Une femme étouffe accidentellement son enfant en dormant et échange son bébé mort avec le bébé vivant de l’autre. Devant Salomon, les deux femmes jurent être la mère de l’enfant. Le roi ordonne alors de couper l’enfant en deux. Une femme accepte, tandis que l’autre supplie de ne pas tuer l’enfant mais de le donner à l’autre. C’est pour le sage Salomon la preuve qu’elle est la mère de l’enfant.

B2 Le jugement de Salomon / 1547 Frans Floris I

huile sur panneau / Anvers, Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers

Anvers est mise à mal par les troupes espagnoles mutinées pendant la Furie Espagnole de 1576. Les autorités communales font appel à la générosité des habitants pour restaurer l’intérieur de l’Hôtel de Ville, qui a été pillé. Jan van Asseliers, haut fonctionnaire communal, fait don en 1584 de ce panneau, qui est resté accroché à l’Hôtel de Ville jusqu’en 1842. Frans Floris I s’inspire clairement de l’art italien, de Raphaël notamment, qu’il a pu juste avant admirer à Rome. L’influence italienne est apparente dans la composition des


personnages, leurs poses majestueuses, leurs vêtements et l’architecture de style antique.

B3 Guillaume d’Orange en Capitaine de la Sagesse / ± 1577-1578

Theodor de Bry

gravure / Bruges, Groeningemuseum

Cette gravure se place dans le contexte de la Guerre de Quatre-Vingts Ans et doit être vue comme un outil de propagande pour la Maison d’Orange. De Bry présente Guillaume d’Orange, chef des insurgés néerlandais à la domination espagnole, en ‘Capitaine de la Sagesse’. La bordure de grotesques contient trois scènes de justice vantant l’équité de son gouvernement: le jugement de Salomon, un épisode de l’histoire de Cambyse et une scène de l’histoire moins connue du ‘frère du Roi menacé de mort’, qui montre comment le pieux souverain résiste aux tentations et offres vénales que le diable lui souffle à l’oreille.


B4 Thronus Iustitiae / 1606

Willem Isaacsz. van Swanenburg d’après Joachim Wtewael gravures Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Cabinet des Estampes

Cette collection de treize gravures numérotées et d’une page de titre contient des exemples connus et moins connus de la justice. Elle s’adresse à un plus large public que la magistrature. Les gravures font l’éloge de la citoyenneté et illustrent les vertus qu’il faut pratiquer pour mériter la vie éternelle. Les multiples illustrations de rois soulignent leur rôle d’interprète du droit divin. Quelques exemples de patriotisme, comme celui du comte hollandais Guillaume le Bon, ont un sens spécifique dans le contexte de la révolte contre Philippe II et la naissance de la République des Provinces-Unies. Il manque à cette série la plaque 4 du Christ portant la Croix. La signification symbolique des plaques 11 et 12 n’est pas précise.

Page de titre avec en partant du centre supérieur dans

le sens des aiguilles d’une montre : Justitia, Le Christ,

Salomon, Zaleucus, [Prudentia], Otanès, David et Moïse

01 Rencontre de Moïse et Jéthro 02 Le jugement de Salomon


03 Suzanne devant Daniel 05 La décapitation du jurisconsulte romain Papinien 06 Cambyse ordonne l’écorchement du juge Sisamnès 07 Le Comte Guillaume III de Hollande fait décapiter

son huissier

08 Les juges de l’Aréopage d’Athènes 09 Le juge Bias verse des larmes 10 Alexandre le Grand en juge 11 [Allégorie de la Justice] 12 [Allégorie de la Justice] 13 Le Jugement Dernier

B5 LA VENGEANCE DE TOMYRIS L’auteur grec Hérodote d’Halicarnasse raconte dans ses Histoires le récit guerrier de la vengeresse Tomyris, reine des Massagètes. Le roi perse Cyrus ayant essuyé un refus à sa demande, il envahit le pays de la reine Tomyris. Le fils de Tomyris, commandant de son armée, est fait prisonnier et se suicide pour échapper à l’infamie. La vengeance de sa mère est douce : les Perses perdent l’ultime bataille et Cyrus est tué. Tomyris réclame qu’on lui apporte la dépouille du roi perse et ordonne que sa tête soit jetée dans une outre remplie de sang humain, pour tarir sa soif de sang dit-elle. Cette scène de justice est peut-être un exemple en creux : l’attitude d’une femme déraisonnable, purement motivée par la vengeance, n’est pas un exemple à suivre pour les juges.


B6 La vengeance de Tomyris / 1610 Pieter Pieters

huile sur toile / Bruges, Musée du Franc de Bruges

Pieters peint cette toile monumentale pour le tribunal du Franc de Bruges. C’est un exemple de scène de justice à ne pas suivre. Le ‘jugement’ est ici prononcé par une femme. C’est très rare, compte tenu du fait que l’Ancien Régime considère les femmes comme des êtres faibles et déraisonnables, peu aptes donc à prononcer une sentence de justice. Le singe dans la niche à gauche symbolise la fourberie et le péché, qui peut ici aussi bien désigner Tomyris que Cyrus. Le petit chien incarne la soif de sang. Les chiens sont d’ailleurs souvent représentés dans les scènes d’exécution et de jugement, comme sur le Jugement de Salomon de Frans Floris (B2) et le Jugement de Cambyse de Gerard David (C1).

B7 La vengeance de Tomyris / 1630

Paulus Pontius d’après Peter Paul Rubens gravure / Anvers, Musée Plantin-Moretus

Dans un palais aux riches tentures et colonnes baroques torsadées, se tient Tomyris, entourée de ses servantes. Elle ordonne de tremper la tête de Cyrus dans du sang. Sous le regard de soldats, un homme agenouillé pose la tête dans


un plat rempli de sang humain, avec ces mots : ‘Gorgezvous après la mort du sang dont vous avez été assoiffé toute votre vie et vous ne vous êtes jamais rassasié ‘.

B8 LA JUSTICE DE TRAJAN Rogier van der Weyden peint en 1450 pour l’Hôtel de Ville de Bruxelles quatre panneaux représentant la justice de Trajan et celui d’Archambaud. Les panneaux sont malheureusement détruits pendant les bombardements de Bruxelles en 1695. Des tapisseries murales, quelques gravures et dessins nous permettent de reconstituer les panneaux. L’histoire de Trajan, qui fait la réputation de rigueur de la justice de l’empereur romain, est en grande partie une légende. Un de ses cavaliers, son propre fils dans une adaptation médiévale du récit, piétine par accident un enfant pendant une campagne militaire. Trajan cède aux supplications de la mère et fait décapiter le soldat. Lorsque le pape Grégoire fait déterrer la dépouille de Trajan quelques siècles plus tard, il trouve une langue absolument intacte. C’est pour le pape Grégoire un signe du bien-fondé du jugement passé par l’empereur.


B9 LE JUGEMENT D’ARCHAMBAUD Selon la légende, le roi médiéval Archambaud de Bourbon gisant sur son lit de mort rassemble ses dernières forces pour saisir son neveu et héritier et lui trancher la gorge. L’homme ayant agressé une dame de la Cour, il n’est plus digne de succéder à Archambaud. En raison de ce meurtre, l’évêque refuse de donner l’extrême-onction à Archambaud. Mais l’hostie s’envole d’elle-même du ciboire pour tomber dans la bouche ouverte du mourant. Un signe divin qu’Archambaud n’a pas commis un crime mais a exécuté une sentence sévère mais juste.

B10 LE JUGEMENT DE ZALEUCUS Zaleucus est au septième siècle avant Jésus-Christ roi de la cité grecque de Locres en Italie. Selon l’écrivain romain Valère Maxime, il décide de réprimer sévèrement les atteintes aux bonnes mœurs, condamnant les personnes reconnues coupables d’adultère à avoir les deux yeux crevés. Lorsque son fils est le premier à commettre l’adultère, Zaleucus veut faire l’exemple de son impartialité en lui crevant les yeux. Ses conseillers et sa famille le supplient de ne pas rendre aveugle son seul héritier, sur quoi Zaleucus se fait crever l’œil droit et fait crever l’œil gauche de son fils, justifiant pour lui-même sa décision « parce que les yeux de mon fils sont aussi mes yeux ». L’exemple de Zaleucus montre le lien du juge à la loi et le principe de l’impartialité,


qui doit interdire d’être plus clément avec sa propre famille. Mais il est plus souvent utilisé pour illustrer la possibilité d’interpréter la loi de diverses manières.

B11 LA CHASTE SUZANNE Une autre scène de justice très populaire est celle du sage jugement du prophète Daniel dans l’affaire de la chaste Suzanne. L’épisode biblique de la chaste Suzanne raconte comment deux vieillards juges libidineux lorgnent la très belle épouse du riche Joachim pendant qu’elle prend son bain dans son jardin. Lorsqu’elle repousse leurs avances, ils l’accusent d’adultère et la font condamner à mort par lapidation. Avant l’exécution du jugement, Daniel exige d’entendre les deux hommes séparément sur un certain nombre de détails et les deux vieillards donnent des réponses contradictoires. La confrontation de leurs déclarations met au jour leur mensonge et leur abus de pouvoir et ils sont mis à mort. Les artistes au fil des siècles ont surtout peint la dimension érotique de cet épisode, les vieillards lorgnant Suzanne. Sur des scènes à valeur judiciaire, l’accent est plutôt mis sur l’accusation et sur l’intervention de Daniel, qui rétablit la justice.


SALLE C

LA PEAU DU JUGE Le jugement de Cambyse En 1498, au pic de sa carrière, Gerard David achève pour les échevins de Bruges une œuvre destinée à la salle du conseil de l’Hôtel de Ville. Ses commanditaires n’ont pas choisi un Jugement Dernier mais la légendaire histoire du roi perse Cambyse du sixième siècle avant Jésus-Christ. Elle est rapportée par l’historien grec Hérodote et connue en Flandre via les ouvrages en latin de Valère Maxime. Sisamnès, un des juges suprêmes du roi, se laisse corrompre et passe un jugement inique. Le roi le démet de ses fonctions, le condamne au terrible supplice d’être dépecé vivant et ordonne que sa peau soit tendue sur le siège de juge de son successeur, son fils Otanès. Cette histoire est fréquemment reproduite aux seizième et dix-septième siècles sur des tableaux et des gravures dans le contexte de la justice. La scène avec Otanès - en haut à droite sur le tableau de Gerard David - est particulièrement populaire.


Chez certains peintres et graveurs, l’histoire est réduite à une représentation du siège avec la peau du juge. Une image terrible qui doit suffire à rappeler constamment les conséquences d’un tribunal corrompu.


C1 Le jugement de Cambyse / 1498 Gerard David

huile sur panneau / Bruges, Groeningemuseum

Par analogie au Jugement de l’empereur Otto III que peint Dieric Bouts vers 1475 pour l’Hôtel de Ville de Louvain, David illustre l’histoire en quatre scènes sur deux grands panneaux : l’acceptation du pot-de-vin, l’arrestation du juge, l’horrible exécution de la sentence et Otanès sur le siège de juge couvert de la peau de son père. Bien que l’épisode se déroule au sixième siècle avant Jésus-Christ, David le place dans un cadre contemporain, avec des habits du quinzième siècle et à l’arrière-plan la “Poortersloge” (Loge des Bourgeois) de Bruges (panneau de gauche) et l’Hôtel de Ville (panneau de droite). Les spectateurs peuvent ainsi mieux s’identifier à la scène. Les visages impassibles sont sans doute inspirés des échevins de Bruges.

C2 Le jugement de Cambyse miniature extraite de La Sale d’Antoine de la Sale / 1461

Loyset Liédet

Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Manuscrits

Gerard David s’est probablement inspiré de cette miniature de Liédet qui travaille à Bruges pour la Cour bourguignonne.


Liédet enlumine ce manuscrit de 37 miniatures de scènes historiques et bibliques, la plupart en grisaille, une technique qu’il applique toutefois rarement. Ce n’est pas la plus ancienne représentation connue de l’histoire de Cambyse, mais certainement la première montrant l’écorchement, et jusque dans les plus sinistres détails. David reprend même certains détails littéralement : le bourreau coince son couteau entre les dents, un personnage debout compte les arguments sur ses doigts et la foule se rassemble autour de l’évènement. La scène d’arrestation est elle aussi probablement inspirée d’une miniature de ce livre, avec une représentation de l’assassinat de Jules César.

C3 L’arrestation de Sisamnès / ± 1576-1600 Antonius Claeissens

huile sur panneau / Bruges, Musée Groeninge

C’est l’unique représentation connue de l’histoire de Cambyse mettant autant l’accent sur l’arrestation de Sisamnès. Claeissens se base sur le panneau droit de David, peint un siècle plus tôt. Lui aussi peint la décapitation au dos de l’arrestation. Le panneau a probablement été commandé par le magistrat du Franc de Bruges. Les traits individualisés et les vêtements contemporains des personnages indiquent qu’il s’agit d’un portrait de groupe. Certains des personnages ressemblent d’ailleurs


à ceux du tableau allégorique Festin que Claeissens a peint pour l’Hôtel de Ville (D2/3).

C4 Le jugement de Cambyse / 1597

Jean de Saive

huile sur panneau / Namur, Collections Ville de Namur

Jean de Saive peint pour l’Hôtel de Ville de Namur un triptyque dont seuls les panneaux latéraux ont été conservés. Le panneau central qui a disparu représentait sans doute le Jugement Dernier. On voit sur l’extérieur des panneaux - lorsque le triptyque est fermé - deux épisodes de l’histoire de Cambyse : à gauche l’écorchement et à droite Otanès sur la chaise de juge, avec la peau de son père accrochée au mur à côté de lui. Sisamnès n’est pas écorché couché, mais debout, attaché à une colonne. Les scènes sont peintes en grisaille, une technique souvent utilisée pour les volets extérieurs de triptyques. Sur l’intérieur des panneaux figurent les portraits des échevins de Namur, identifiés par leurs armoiries et une inscription.


C5 Le jugement de Cambyse / ± 1628-1680

Remoldus Eynhoudt d’après Peter Paul Rubens eau-forte / Bruges, Groeningemuseum

Rubens peint en 1623 deux scènes de justice pour l’Hôtel de Ville de Bruxelles : un Jugement de Salomon et un Jugement de Cambyse. Les deux œuvres sont détruites pendant les bombardements de 1695, mais sont connues à travers diverses copies et des gravures. Sur cette eau-forte d’Eynhoudt, Otanès s’incline respectueusement devant Cambyse, qui le nomme juge. Pendant que le roi lui tend le bâton de juge cérémonial, la peau de son père est suspendue au-dessus de lui comme un baldaquin. La concentration sur une seule scène dramatique est typique du baroque, alors que sur des versions plus anciennes, l’épisode est narré en plusieurs tableaux.


CABINETS D

LA PRATIQUE DE LA JUSTICE Nous nous intéressons ici à la pratique de la justice au bas Moyen-Age et au début des Temps Modernes. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs sous l’Ancien Régime; il n’y a donc pas d’autorité judiciaire indépendante. On applique essentiellement le droit coutumier, avec des règles et des procédures développées au gré de l’usage et initialement transmises par voie orale. Les écrits jouent toutefois un rôle de plus en plus important à partir du bas Moyen-Age. Les universités enseignent le droit romain et le droit canonique, dont commence à s’inspirer la pratique de la justice. Les tribunaux se professionnalisent, avec de nouveaux métiers comme celui d’avocat, de procureur et d’huissier de justice. Il faut maintenant un diplôme universitaire pour exercer les plus hautes fonctions juridiques. Le droit coutumier est rédigé et enregistré à partir de 1530 sur ordre du roi.


Ce n’est qu’à la Révolution Française qu’apparaît un nouveau système juridique, un enfant des Lumières, qui est du reste encore appliqué à ce jour. Les cabinets D2 et D3 portent sur la jurisprudence à Bruges et sur le juriste brugeois Joos de Damhouder, une autorité en matière de droit pénal. L’avant-dernier cabinet montre un aspect fascinant de la justice ‘exemplaire’ sous l’Ancien Régime : la torture et les exécutions sanglantes. Le cabinet D1 traite de plus près un thème qui a déjà été évoqué : le rôle important des juges intègres.


CABINET D1 LES JUGES INTÈGRES Les multiples représentations de l’épisode de Cambyse dans la salle précédente illustrent l’importance de l’intégrité et l’incorruptibilité des juges. Tout représentant de la justice des hommes doit comprendre qu’il assume une charge exceptionnelle dont il devra rendre compte au jour du jugement dernier. N’ayant à répondre que devant Dieu, le tribunal a droit de vie ou de mort sur les accusés. Le magistrat doit juger sur Terre comme Dieu au Jugement Dernier. Il doit être intègre et impartial et ses émotions ne doivent pas avoir prise sur son jugement. Comme dans chaque forme d’exercice du pouvoir, la justice peut être entachée par des abus. Les juges corrompus sont très présents dans la littérature et dans l’art, comme sur le Jugement Dernier de Maastricht et le Jugement de Cambyse. Ou ici sur les vitraux, dessins et gravures montrant des juges se laissant corrompre.


D1/1 Litis Abusus (Les abus judiciaires) / ± 1597 Philips Galle

gravures Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Cabinet des Estampes

Cette série de huit gravures dénonce les abus de procédure, en particulier le comportement chicanier des avocats et les longs et coûteux procès. Le juriste Joos de Damhouder - largement évoqué au cabinet D3 - s’irrite du fait qu’il y a très peu d’avocats intègres. Au lieu de conseiller à leurs clients de privilégier les compromis, ils les poussent par pur appât du gain à engager sans cesse de nouvelles procédures. 01 L’égoïsme chasse les vertus 02 L’abus du droit du commerce 03 L’avidité et autres mauvais conseillers d’un procès 04 Trois sacs (papier, patience et argent) du procès 05 Quiconque se pourvoit en justice néglige son sommeil 06 Les nuits blanches du plaideur 07 Les dangers du procès 08 La mort du plaideur


D1/2 Justice, Vérité et Intelligence enchaînées / ± 1521-1528

Attribué à Albrecht Dürer

gravure sur bois / Amsterdam, Rijksmuseum

Cette gravure sur bois satirique montre un juge fourbe, identifiable à son bâton de juge, assis sur un trône. Au-dessus de lui, l’inscription : ‘Ich bin die Betrugnus’ (‘je suis la fourberie’). Le berceau avec l’enfant endormi à ses pieds représente la sérénité. A gauche, sont assises les incarnations de la justice (aux poignets liés par un bâton), la vérité (aux lèvres scellées par un verrou) et l’intelligence (aux doigts pris dans un étau). Le message est clair : la justice, la vérité et l’intelligence sont impuissantes face à un juge fourbe.

D1/3 Le juge incorruptible dessin préparatoire d’un vitrail / ± 1565-1574

Dirck Pietersz. Crabeth

dessin / Amsterdam, Rijksmuseum

Crabeth est un des rares artistes qui non seulement dessine des vitraux, mais les peint aussi lui-même. Il a une prédilection pour les vitraux rectangulaires comme le montre ce dessin. Le juge est approché par un pauvre et par un riche. Pendant que le pauvre homme s’agenouille humblement,


l’homme riche pose une pile de pièces devant le juge. Le dessin ne dit pas si le juge se laisse corrompre ou non.

D1/4 Allégorie de la justice équitable / ± 1525-1550 Pieter Coecke van Aelst I vitrail / Gand, STAM

Ce vitrail n’est pas signé, mais peut être attribué à Pieter Coecke van Aelst I sur base du style, notamment des grotesques et autres motifs renaissance. Le magistrat, bâton de justice à la main, doit prononcer une sentence dans un litige entre un pauvre paysan et un riche artisan qui tente d’acheter le juge. Une inscription moralisatrice dans le cartouche exhorte le juge à un jugement équitable.

D1/5 Scène non identifiée / ± 1525-1540 Anonyme

vitrail / Allemagne du Sud, collection privée

Au premier plan, quatre hommes discutent en montrant une bourse. Deux hommes ôtent leur chapeau avec respect devant le personnage avec le bâton de justice. Viennent-ils plaider une affaire ? Par une ouverture de porte, nous sommes témoins d’une scène à l’arrière-plan. Y trône l’homme au bâton de justice, avec devant lui les deux mêmes hommes. Le juge, s’appuyant sur sa main


droite, semble endormi. L’iniquité a champ libre lorsque la justice dort. Ou le juge tient-il sa main contre son oreille droite en signe du droit à la contradiction, signifiant ainsi que chaque partie a un droit égal à la défense ?

D1/6 Le juge corruptible / 1525 Anonyme

vitrail / Allemagne du Sud, Collection privée

Le juge sur ce petit vitrail n’est pas insensible à l’or. La balance dans sa main droite est déséquilibrée par les pièces d’un homme riche. Le juge regarde d’un air étonné la pointe de son glaive qui fond comme de la cire.

D1/7 La vénalité de la magistrature / 1510 Anonyme

vitrail / Allemagne du Sud, collection privée

Les dames nues sur ce petit vitrail incarnent Justitia (avec le glaive) et Veritas (avec le livre). L’homme derrière Justitia répand sur elle des pièces d’or, tandis que Veritas est mise dans l’incapacité de s’exprimer en raison d’un verrou sur sa bouche : en cas de corruption, la justice est impuissante (son glaive gît sur le sol) et la vérité est étouffée. Ce petit vitrail ornait sans doute une maison particulière, où il était plus facile d’exprimer des critiques


de la magistrature que dans des bâtiments officiels.

D1/8 Allégorie de la justice équitable /± 1525-1550 Pieter Coecke van Aelst I vitrail / Gand, STAM

Ce vitrail illustre le dicton ‘le fou trône sur le siège de la dignité, les sages sont assis sur la plus basse marche’. Autrement dit, tout va de travers quand le fou est au pouvoir et que les sages n’ont pas la parole. Le fou, la figure sous le baldaquin tenant un acte roulé dans la main (un document juridique ?), ressemble à un juge. Le vitrail faisait sans doute partie avec le n°D1/4 d’une série destinée peut-être à orner un bâtiment public comme une maison communale ou un tribunal, comme la plupart des vitraux dans cette salle. Ces éléments ornementaux avaient aussi une fonction didactique.

D1/9 Allégorie de la justice de Gand / 1697 Jan van Cleef

huile sur toile / Gand, STAM

Ce dessus de cheminée a été réalisé pour le greffe du tribunal échevinal des Parchons à Gand, une institution notamment chargée de la tutelle des mineurs. Il montre deux vertus cardinales : Fortitudo, la Force à gauche, avec


colonne, épée et un brasero, et Justitia, la Justice à droite, avec glaive et balance, écrasant un serpent, symbole du mal. La femme tenant une lettre entre les deux vertus, la personnification de la magistrature, porte à ses lèvres un anneau sigillaire, incarnant ainsi le devoir de confidentialité des juges-échevins. Deux personnages ornent encore la toile : en bas un putto nu s’appuie contre les armes de la ville de Gand et en haut une figure angélique tient une couronne de lauriers.


CABINET D2 L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE À BRUGES Il y a aux Pays-Bas historiques une myriade de juridictions avant la Révolution Française. Plusieurs tribunaux sont ainsi actifs à Bruges. Les Brugeois peuvent être traduits devant des tribunaux différents en fonction de la nature et du lieu des faits. Le tribunal échevinal intra-muros est le plus important. Le tribunal du Franc de Bruges est compétent pour la chancellerie, une circonscription administrative qui s’étend autour de Bruges, limitée par la Mer du Nord, l’Escaut occidental et l’Yser.La Prévôté est l’administration de la double seigneurie cléricale du Prévôt et des chanoines attachée à l’église Saint-Donatien. Les doyens du chapitre de Saint-Donatien administrent la justice dans certains quartiers et dans des dizaines de villages autour de Bruges. Toutes ces institutions siègent au Bourg, le cœur de la ville. La vue de la ville par Van Meuninckxhove montre l’Hôtel de Ville, la châtellenie du Franc de Bruges et la Prévôté de style baroque. On y voit aussi l’église Saint-Donatien, démolie après la Révolution Française. Le Conseil de Flandre, qui siège au Gravensteen (château des comtes) de Gand, contrôle sous l’Ancien Régime les


institutions judiciaires et juge des cas les plus graves, comme les crimes de lèse-majesté et les procès en appel. Etabli à partir de 1473 à Malines, le Parlement (cour suprême) des Pays-Bas, devient à partir de 1504 le Grand Conseil.

D2/1 L’Hôtel de Ville de Bruges extraite de : Over de grootdadigheit der breedvermaarde regeringhe van de stad Brugghe de Joos de Damhouder / 1684

Anonyme

gravure / Bruges, Bibliothèque Publique

Cette illustration de l’Hôtel de Ville de Bruges paraît dans le Over de grootdadigheit der breedvermaarde regeringhe van de stad Brugghe de Damhouder, un panégyrique à sa ville et ses institutions. Il l’ajoute à son traité juridique Patrocinium pupillorum, paru à Bruges en 1544 et revu en 1564. Il y traite de la tutelle des orphelins et des faibles d’esprit et de l’organisation de la charité à Bruges. Il y a à l’époque un violent débat sur qui doit organiser la charité : l’église locale ou la ville. Damhouder, à ce moment membre du conseil de la ville, est résolument en faveur de la deuxième solution.


D2/2 Séance à la chambre des Echevins du Franc de Bruges / 1659 Gillis van Tilborgh

huile sur toile / Bruges, Musée du Franc de Bruges

Ce tableau a été commandé par les échevins du Franc de Bruges au peintre bruxellois Gillis van Tilborgh. Les commanditaires y sont représentés pendant une séance à la chambre échevinale, fidèlement reproduite avec sa cheminée monumentale de style Renaissance conçue par Lancelot Blondeel. Sur le mur de gauche, on reconnaît une pièce maîtresse du Musée Groeninge : le Jugement Dernier de Pieter Pourbus (A4). Ce tableau resta à sa place originale à la châtellenie du Franc de Bruges jusqu’au dix-neuvième siècle. Il fut remplacé par une copie du peintre romantique Henri Dobbelaere à la suite de travaux de restauration du bâtiment.

D2/3 Le Banquet / 1574

Antonius Claeissens

huile sur panneau / Bruges, Musée Groeninge

Dans cette scène biblique, le roi perse Assuérus en état d’ébriété fait quérir la reine Wasti pour qu’elle assiste au banquet. La reine ayant refusé, elle est répudiée par le roi. Cette œuvre a probablement été commandée par le


collègue échevinal de Bruges (ou l’un de ses membres) pour la maison communale. Les timbales arborent en effet les armes de la ville de Bruges et les personnages sont des portraits. Des légendes en identifient deux, le pensionnairetrésorier Filips van Belle et le magistrat communal Jan de Schietere. Le geste de certains hommes sur le tableau peut être interprété comme une prestation de serment. Ces administrateurs locaux juraient peut-être fidélité à leur souverain, le roi d’Espagne Philippe II, ici le personnage d’Assuérus.


CABINET D3 JOOS DE DAMHOUDER : UN JURISTE BRUGEOIS À L’INFLUENCE INTERNATIONALE Joos de Damhouder naît à Bruges en 1507 et se forge une réputation mondiale de juriste. Après des études à Louvain et Orléans, il retourne en 1532 dans sa ville natale, où il exerce plusieurs fonctions importantes: avocat, ‘pensionnaire’ du Conseil de la Ville de Bruges (l’équivalent du secrétaire communal) et greffier criminel (l’homme qui tient les registres du tribunal et prend note des décisions de justice). En cherchant des traités juridiques de qualité, il tombe sur un manuscrit du juriste gantois Filips Wielant (1441-1520) et se l’approprie sans le moindre scrupule. Il le traduit littéralement en latin, y ajoute ses expériences et recherches personnelles et le fait paraître en 1554 sous son propre nom sous le titre Praxis rerum criminalium. Cet ouvrage connaît un grand succès de son vivant : plusieurs éditions abrégées paraissent en français, en néerlandais et en allemand, et il est réimprimé plusieurs fois jusqu’au dix-septième siècle. La nouveauté de ce traité juridique est la quantité d’illustrations, choisies par l’auteur lui-même.


Son Praxis rerum civilium ou Practycke in civile saecken, publié en 1567, sur la procédure en matière civile connaît également un succès international. Damhouder décède à Anvers le 22 janvier 1581.

D3/1 Page de titre de Practyke Civile de Philips Wielant / 1642

Anonyme

gravure / Bruges, Bibliothèque Publique

Damhouder publie en 1567 un nouvel ouvrage dans lequel il traite de la procédure des affaires civiles. C’est à nouveau une reprise d’un ouvrage de Wielant, le Practyke Civile. Sur le frontispice de cette édition de Rotterdam de l’ouvrage de Wielant, on voit à gauche l’empereur avec le glaive et l’orbe et à droite le juriste avec le livre. Au-dessus siège une Justice aux yeux bandés avec glaive et balance en parfait équilibre.


D3/2 Consultation dans le cabinet d’un avocat extraite de : Practijcke in civile saecken de Joos de Damhouder / 1649

Anonyme gravure / Bruges, Bibliothèque Publique

Cette illustration dans un chapitre du Practijcke in civile saecken de Damhouder, souligne l’importance de la bonne concertation et du conseil avant de se lancer dans un procès. On voit un avocat dans son bureau : le magistrat écrit, entouré de livres. Des clients bien habillés et l’argent sur la table indiquent qu’il s’agit d’une justice coûteuse. Au mur et dans les mains d’un des personnages, des sacs contenant des documents judiciaires. Du fait que le sac était suspendu à un clou pendant toute la durée d’un procès est venue l’expression d’une ‘affaire pendante’. La cage d’oiseau signifie-t-elle que l’avocat a ‘eu’ la partie adverse ?

D3/3 Scène de torture de : Praxis rerum criminalium van Joos de Damhouder / 1562

Anonyme

gravure / collection privée

Le Praxis rerum criminalium de Damhouder est un manuel pratique pour juristes. Il y décrit les divers crimes - assassinat, crimes sexuels, formes d’extorsion, vol et


escroquerie… - et les peines adéquates en fonction du droit coutumier. Il y illustre aussi les principales phases de la procédure pénale, notamment la torture. Le caractère exceptionnel de cet exemplaire réside dans le fait que des gravures sur cuivre ont été collées à des emplacements réservés à des gravures sur bois.

D3/4 Page de titre de De practyke van civile en criminele saken de Joos de Damhouder / 1656 Anonyme

gravure Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, œuvres précieuses

Les Praxis rerum criminalium et Praxis rerum civilium de Damhouder sont pendant des siècles des best-sellers en matière juridique. Diverses éditions des deux traités paraissent en plusieurs langues. Il existe également des éditions combinées des deux traités. A gauche et à droite du titre, on voit l’empereur (romain) et Dame Justice. La partie supérieure montre un procès civil, la partie inférieure les pratiques de torture et d’exécution du doit pénal.


CABINET D4 UN DROIT PÉNAL EXEMPLAIRE Les magistrats du bas Moyen-Age et du début des Temps Modernes tentent de maintenir l’ordre en prononçant des jugements sévères et en ordonnant des exécutions sanglantes. Des séances de torture longues et cruelles sont censées arracher des aveux au prévenu. Dans certains cas, la sentence de mort est prononcée. Celui qui y échappe risque une peine de torture corporelle et morale. Les pèlerinages de pénitence et les bannissements sont aussi très fréquents. Les cruelles sentences ont valeur d’exemple et sont de nature à dissuader les citoyens de sortir du droit chemin. Les exécutions sont donc publiques, généralement sur un gibet et de préférence devant une grande foule. Un aspect fascinant du droit pénal est ce qu’on appelle les ‘pièces d’amende’ : des poings et têtes de justice. Les placards qui les accompagnent mentionnent la raison de la peine, la date et le nom du contrevenant. Accrochés dans la salle du tribunal ou à proximité, elles servent d’exemples, au même titre que les scènes de justice. Ces pièces sont surtout apposées dans les cas d’injure ou de rébellion contre les pouvoirs établis. Elles ne sont qu’un élément de la peine. Le condamné doit aussi souvent demander le pardon en


public, subir une peine infamante, ou payer une somme d’argent, parfois il est aussi banni.

D4/1 Tête de justice de Jan Reingoot? / 1558 Anonyme

laiton / Veurne, Administration communale de Veurne

Le magistrat communal de Veurne condamne en 1558 Jan Reingoot pour injures et menaces à une triple peine, dont le paiement de cette tête de justice et sa plaque. L’anneau ou le verrou dans les lèvres évoque le langage ordurier de Reingoot, porte-parole d’un groupe d’agriculteurs. En pleine guerre entre l’Espagne et la France, ils se sont fait voler leurs chevaux par des soldats français et ils ne pouvaient plus travailler la terre. Armés de bâtons, les paysans ont exprimé leur mécontentement contre l’administration communale de Veurne-Ambacht sur la Grand-Place.

D4/2 Exécution de Joseph Mesure devant le bâtiment du Franc de Bruges / 1767 Attribué à Jan Anton Garemijn

huile sur toile / Bruges, Musée du Franc de Bruges

Ce tableau est attribué à Jan Anton Garemijn, le plus important peintre brugeois du dix-huitième siècle. Il montre


l’exécution de Joseph Mesure, un agriculteur condamné à mort par les échevins du Franc de Bruges pour fraude et parjure, comme l’indique le placard autour de son cou. Il gravit l’échelle du gibet le matin du 14 mars 1767. Une foule curieuse s’entasse sur le Burg et des notables observent la scène du haut de la châtellenie du Franc de Bruges. Un prêtre accompagne le condamné dans ses derniers moments.

D4/3 Poing de justice / ± 1405-1417 Anonyme

argent repoussé / Bruges, Musée Gruuthuse

Ce poing fermé de justice est modelé grandeur nature. On ignore quel crime a été commis, mais il s’agit sans doute d’un cas d’agression physique contre un représentant de la loi. Un poing de justice est parfois muni de l’arme avec laquelle le condamné a attaqué le représentant de la loi, comme une dague ou une hache. La matière précieuse de cet objet laisse à penser que le criminel n’était pas sans moyen. Le poing était exposé à titre d’avertissement dans la salle du conseil du Franc de Bruges.


D4/4 Tête de justice de Pieter van der Gote / 1464 Jan van der Toolne

argent repoussé / Bruges, Musée Gruuthuse

C’est la seule tête de justice en argent connue. Elle a été réalisée par Jan van der Toolne, un orfèvre brugeois qui travaillait aussi pour le duc de Bourgogne Philippe le Bon. Des recherches d’archives permettent d’identifier sur ce buste Pieter van der Gote de Dudzele. Nous ne savons pas exactement quel crime il a commis, mais la peine que lui impose le tribunal du Franc de Bruges laisse à penser qu’il a grandement offensé les autorités, car outre le coût de cette tête de justice, il est banni de Flandre. Son buste, avec une grille en fer autour du cou, est exposé dans la salle du tribunal du Franc de Bruges.

D4/5 Justitia (La Justice) / ± 1559

Philips Galle d’après Pieter Bruegel I

gravure / Anvers, Musée Mayer van den Bergh

Bruegel montre dans la série Les sept vertus les trois vertus théologiques (Foi, Espoir et Amour) et les quatre vertus cardinales (Justice, Prudence, Tempérance et Force). Sur la gravure de la Justice, il présente des scènes d’un procès pénal de son époque. Justitia est au centre sur un piédestal. Au premier plan à droite, un prévenu est présenté devant les


juges. A gauche et à l’arrière-plan, on voit des supplices cruels, en particulier la torture de l’eau, et des mises à mort (décapitation, pendaison aux gallots, bûcher...). Bruegel dénonce peut-être à sa manière caractéristique ces pratiques, mais c’est malheureusement une illustration réaliste de la justice dissuasive de son époque.

D4/6 Scène d’exécution de Praxis rerum criminalium de Joos de Damhouder / 1565

Anonyme

gravure sur bois Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, œuvres précieuses

Cette gravure tirée d’une édition allemande de Praxis rerum criminalium montre à titre dissuasif des supplices et des mises à mort spectaculaires. Au premier plan un homme aux yeux bandés, un crucifix à la main, est décapité. Un peu plus haut, un homme est brûlé sur le bûcher. A côté, un condamné sur une échelle est hissé pour être pendu. Un peu plus haut encore, sur un gibet, un homme est fouetté. Le magistrat observe avec attention, sous la direction du bailli (le représentant local du roi) qui tient à la main un bâton de justice.


D4/7 Page de titre de Practycke in criminele saecken, de Joos de Damhouder / 1618 Anonyme

gravure / Bruges, Bibliothèque Publique

Sur cette page de titre du traité de Damhouder, Justitia trône au centre en haut et l’exemple de justice du comte Guillaume le Bon de Hollande est illustré dans la partie inférieure : le comte sur son lit de mort transperce d’une épée un de ses baillis qui a abusé de sa fonction. On y voit aussi les pratiques du droit pénal, du haut à gauche dans le sens des aiguilles d’une montre : la mise au bûcher des condamnés à mort, la décapitation, le supplice de l’estrapade (le condamné suspendu à une poulie par les mains et parfois les pieds) et le supplice de la croix de Saint André, la torture de la roue, l’empalement et enfin la pendaison.


SALLE E

JUSTITIA de la vertu cardinale à l’idéal politique L’image incarnée que nous avons aujourd’hui de la Justice est celle d’une femme aux yeux bandés tenant dans les mains une balance et une épée. Mais d’où vient cette représentation ? Le nom latin laisse à penser qu’il s’agit d’une déesse antique. Or ce n’est pas le cas. Justitia date de la fin de la période antique. Elle était une des quatre vertus cardinales. Elle représentait avec Prudentia (Sagesse/ Prudence), Temperantia (Tempérance) et Fortitudo (Fortitude) les bornes essentielles d’un chemin de vie vertueux. Les vertus sont incarnées par des femmes, chacune avec ses attributs. La balance de Justitia représente l’équité et le discernement, l’épée la sévérité et la sentence. Les deux attributs ont des origines théologiques. Dans le Jugement Dernier, l’archange Michel pèse les âmes des morts dans une balance et sépare les bons des mauvais par une crosse. Le Christ utilise aussi souvent une épée dans le Jugement Dernier. Le bandeau sur les yeux de Justitia


apparaît vers 1500. L’attribut est controversé : il a d’abord une connotation clairement négative, mais évolue vers un symbole d’impartialité. Justitia se détache à la même période des autres vertus cardinales. Considérée comme la ‘reine des vertus’, elle fait l’objet d’une récupération politique et va à partir de là représenter la justice des hommes, apparaissant dans et sur les édifices où se tiennent les procès.


E1 L’archange Michel et sainte Agnès / ± 1490 Colijn de Coter

huile sur panneau Greenville (South Carolina), Bob Jones Museum and Art Gallery

Colijn de Coter représente l’archange Michel pesant les âmes, à côté de sainte Agnès avec son agneau. Michel s’apprête à transpercer avec sa crosse un diable velu qui veut saisir une âme féminine nue et suppliante dans sa balance. Dans le plateau inférieur se trouve un sceau en cire rouge utilisé par les rois et les hauts dignitaires religieux pour attester de l’authenticité de documents.

E2 L’archange Michel terrasse Satan et pèse une âme / 1506

Lucas Cranach I

gravure sur bois / Amsterdam, Rijksmuseum

L’archange ailé Michel lève sa crosse pour tuer Satan, assis sous les traits d’un dragon sur un des plateaux de sa balance. Dans l’autre plateau, l’âme d’un défunt. En haut à gauche et à droite, les armoiries du princeélecteur et du duc de Saxe.


E3 Justitia devant le jugement de Zaleucus et le jugement de Cambyse / ± 1590-1638 Willem Jacobsz. Delff

gravure / Amsterdam, Rijksmuseum

Cette gravure montre Justitia devant deux exemples. L’un est le cas de Cambyse avec la mise à mort du magistrat corrompu Sisamnès. À gauche sur une bordure, on peut voir Zaleucus qui fait crever un œil à son fils. Sur les deux banderoles, les sentences sont expliquées en français et en néerlandais, tandis que dans la partie inférieure, un vers évoque notamment ses yeux bandés.

E4 Justitia devant le jugement de Salomon et la justice de Trajan miniature d’un manuscrit enluminé d’après Margarita Philosophica de Gregorius Reisch / 1505

Anonyme

Gand, Bibliothèque de l’Université de Gand

Cette miniature illustre un manuscrit rédigé pour Raphael de Mercatellis, abbé, bibliophile et fils illégitime de Philippe le Bon. La source d’inspiration est un manuel imprimé, Margarita Philosophica, du moine chartreux allemand Gregorius Reisch. Ce précis encyclopédique de la science de l’époque en douze chapitres a la forme de dialogue entre un maître et son élève. Les miniatures montrent les vertus


cardinales et leurs attributs avec des exemples à l’avantplan ou l’arrière-plan. Sur cette miniature de la justice, on voit derrière Justitia portant le livre de la loi et l’épée des scènes de justice connues : à gauche le Jugement de Salomon, à droite le jugement de Trajan.

E5 Allégorie de la Justice / 1e moitié du 16e siècle Attribué à Domenico Beccafumi

huile sur toile / Lille, Palais des Beaux-Arts

Cette allégorie montre Dame Justice en reine des vertus. Dans un halo de lumière, avec épée et branche de palmier dans les mains et une couronne et une croix sur la tête, elle surplombe les vertus et les vices. La position inhabituelle de la balance sur sa tête suggère qu’une bonne décision de justice est sous-tendue par la raison. Un homme lui tend une image de Veritas, une référence au rôle de la Vérité dans un jugement équitable. Sur le socle de Justitia, les péchés capitaux enchaînés implorent son pardon. La veuve et l’orphelin au premier plan représentent les indigents, qui méritent un traitement spécial en matière de justice.


E6 Mundus Delirans, non sapit, quae dei sunt extraite de : Veridicus Christianus de Joannes David / 1601

Theodoor Galle

gravure Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Œuvres précieuses

Voici l’une de la centaine d’illustrations que contient le Veridicus Christianus ou Christelijke waerseggher du Jésuite Johannes David, un livre d’emblèmes moralisateur prônant une vie chrétienne vertueuse. Comme sur La Nef des Fous de Sebastian Brant (E14), un fou fait obstruction à la justice ; dans la balance qu’il tient par-dessus ‘Mundus Delirans’ - le monde devenu fou - la foi est pesée contre les biens matériels. “Mundus Delirans” fait prévaloir l’opulence sur la piété, mais dans sa folie élève le sacré vers le haut, en direction de la Sainte Vierge. L’emblème illustre la faillibilité du bas-monde et de sa justice.

E7 Soleil de la Justice (Sol Justitiae) / ± 1497-1501 Albrecht Dürer

gravure / Amsterdam, Rijksmuseum

Dürer associe ici Justitia et le Christ en un “Sol Justitiae” (Soleil de la Justice). Cette double divinité est assise jambes croisées sur un lion. C’est souvent dans cette pose que sont


représentés les magistrats qui avaient le pouvoir de ‘faire une croix sur quelqu’un’, en prononçant la peine capitale. Le lion symbolise la force de Justitia, comme chez Ripa avec sa Forza alla Giustitia. Animée de lumière, jusqu’aux yeux flamboyants, et sans bandeau sur les yeux, le “Sol Iustitiae” de Dürer voit tout.

E8 Beschriivinghe vande Wereltsche Iustitie (Description de la Justice terrestre)

extraite de : Practycke in civile saecken de Joos de Damhouder, 1626

Anonyme

gravure / Gand, Bibliothèque de l’Université

Le Praxis rerum criminalium de Damhouder contient à partir de 1562 une gravure ambiguë de la justice laïque, celle d’une Justice cuirassée à double visage sur un trône. Son visage aux yeux bandés est tourné vers les innocents orphelins, pauvres et veuves -, son visage découvert est exposé à la corruption et est tourné vers les riches à gauche. Elle incarne le juge laïc qui doit traiter les deux parties avec équité, le juge qui doit prendre une décision en toute impartialité, écouter avec attention ce que lui disent les riches et fermer les yeux avec indulgence devant les faibles. Ce juge laïc, selon Damhouder, est quoi qu’il en soit faillible : seul Dieu peut rendre une justice parfaite.


E9 Le Christ sur la Croix entre la Vierge et saint Jean / ± 1525

Bernard van Orley

huile sur panneau / Rotterdam, Musée Boijmans Van Beuningen

Ce panneau central d’un triptyque - les volets latéraux n’existent plus - montre le Christ crucifié avec Marie et Jean. Au-dessus, Dieu le Père et le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe. Sur un champ de nuages à côté de la Croix, deux personnages. À gauche, une femme avec quatre enfants nus, avec l’inscription en latin, ‘je distribuerai ce précieux sang aux indigents’. Il s’agit de Caritas (la Charité) sous les traits du commanditaire d’Orley, Marguerite d’Autriche. La femme à droite, Justitia, est probablement un portrait d’Isabelle d’Autriche, épouse de Christian II du Danemark. De telles personnifications étaient rares sur des scènes de la Crucifixion.

E10 Iustitia et Iniustitia / 1594-1595 Hans Vredeman de Vries

huile sur toile / Gdańsk, Muzeum Historyczne Miasta Gdańska

Cette toile fait partie d’une série de sept tableaux allégoriques que réalise Vredeman de Vries pendant son séjour à Danzig pour la salle du conseil du nouvel Hôtel de Ville. La série illustre les propriétés d’une bonne


administration et s’achève par le Jugement Dernier. La présence de Dame Justice sur chacune des toiles souligne le lien étroit entre justice et bonne gérance. On voit ici le contraste entre la bonne justice instruite par des magistrats incorruptibles (à gauche) et la mauvaise justice de magistrats vénaux qui se laissent acheter (à droite). Au premier plan, les plaignants pauvres, écoutés par les premiers, ignorés par les seconds.

E11 Le tribunal de la Monnaie du Brabant à Anvers croquis préparatoire d’un tableau / 1594

Maerten de Vos

dessin / Anvers, Maison Rockox

Ceci est le dessin préparatoire d’une scène de justice que Maerten de Vos peignit en 1594 pour le tribunal de la Monnaie du Brabant (la Monnaie du duché du Brabant dont le siège était à Anvers). Au centre, Dame Justice triomphe de la tricherie et de la violence. Elle est entourée de personnages historiques : Moïse à gauche avec les Tables de la Loi et l’empereur Justinien qui codifia le droit romain; à droite, Numa Pompilius, le deuxième roi de Rome qui promulgua des lois sacrales avec derrière lui son épouse, la nymphe Égérie. Tout à droite, on voit l’érudit romain Caius Plinius Secundus, Pline l’Ancien, et à l’arrière-plan les magistrats de la Monnaie du Brabant en toge noire et col à fraise.


E12 Glaive de Justice / début du 16e siècle Anonyme

acier et cuir / Bruges, Musée Gruuthuse

Ce type de sabre est utilisé dans la pratique de la justice au bas Moyen-Age et aux Temps Modernes. Les trois principales méthodes d’exécution au seizième siècle sont la pendaison, le bûcher et la décapitation. Les sabres d’exécution ont une pointe ronde ou plate et une lame tranchante. Ils ne servent pas à transpercer, mais à couper la tête d’un mouvement horizontal. L’exécution rapide au sabre est d’ailleurs une mise à mort relativement rapide et est à ce titre l’apanage de la noblesse.

E13 Balance monétaire et boîte de poids / ± 1750-1755 Gérard de Corduanier

bois et cuivre / Gand, Université de Gand

De petites balances de ce type étaient utilisées par les orfèvres pour évaluer la teneur en or des pièces de monnaies. Le peseur d’or se servait aussi des petits poids en cuivre dans la boîte. L’étiquette de cet exemplaire est ornée d’une représentation de Justitia assise sur un lion. Elle rappelle la nécessité d’une justice équitable. Comme dans la Bible : ‘Tu ne commettras pas d’iniquité dans tes jugements (…). Vous aurez des balances justes, des poids


justes (…)’. La pureté de cette balance est garantie par Gérard de Corduanier, un jaugeur assermenté actif à Bruges vers 1750.

E14 Le fou qui bande les yeux de la Justice extraite de : La Nef des Fous de Sebastian Brant / 1494

Attibué à Albrecht Dürer gravure / collection privée

Une Justitia aux yeux bandés apparaît pour la première fois dans l’iconographie juridique en 1494, sur cette illustration attribuée à Dürer dans La Nef des Fous de Sebastian Brant. Le juriste allemand appelle dans cet ouvrage moralisateur tous les hommes, et particulièrement ceux qui assument une responsabilité dans la société, à mener une vie vertueuse en les confrontant à des exemples à ne pas suivre. Sur cette gravure sur bois, un fou bande les yeux de la Justice, illustrant un chapitre sur les procès inutiles, épuisants et coûteux. Les yeux bandés constituent un avertissement pour les plaignants et les gardiens du droit sous la forme d’une obstruction de justice.


E15 Sancta Iusticia extraite de : la troisième édition officielle des lois urbaines de Nuremberg / 1521

Albrecht Dürer

gravure sur bois colorée et dorée / collection privée

Cette gravure colorée à la main est imprimée au dos de la page de titre de la troisième édition officielle des lois urbaines de Nuremberg, une collection de lois de droit civil et pénal. La ‘Sainte Justice’ est ici un ange ailé sacré ‘reine des vertus’, avec une épée dans la main droite et une balance en parfait équilibre dans la main gauche. A ses côtés est assise Abundantia versant des pièces de monnaie sur la ville. En bas, des anges soutiennent les armes de la ville et le blason du Saint Empire Romain. Le message est clair : une bonne justice se traduit par un commerce florissant et génère des richesses.

E16 Page de titre de Derden Placcaet-Boeck van Vlaenderen / 1685 Anonyme

gravure / Gand, Bibliothèque de l’Université de Gand

Justice et Paix (Pax) flanquent le titre de ce recueil de lois. A partir de 1500, ces deux vertus apparaissent souvent ensemble dans des œuvres d’art, parfois intimement enlacées comme sur le dessin de Maerten de Vos, mais


aussi sur les frontispices de traités juridiques. La justice est propice à la paix et à l’ordre, l’idéal vers lequel doit tendre l’autorité de l’Etat, qui s’assimile alors à la vertu Justitia.

E17 Justitia (la Justice) terrasse Violentia (la Violence) / 1579

Johann Sadeler I d’après Maerten de Vos gravure / Amsterdam, Rijksmuseum

La vertu cardinale Justice, avec balance et épée dans les mains, est assise sur un trône, le pied posé sur l’incarnation de la Violence, une femme à demi-nue à chevelure entrelacée de serpents gisant parmi toutes sortes de richesses. Ni la richesse, ni le pouvoir, ni les armes ne peuvent prévaloir là où règne la justice.

E18 Prudentia (la Prudence) et Justitia (la Justice) / 1537 Cornelis Bos d’après Maarten van Heemskerck

gravure Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Cabinet des Estampes

Justitia est souvent représentée en association avec Prudentia. Elles incarnent ensemble la sage justice, la jurisprudence. Les deux vertus sont assises côte à côte sur un bloc de pierre. La Justice aveugle tient l’épée et la


balance dans ses mains. La Prudence a ses propres attributs : le miroir de la connaissance de soi-même et un serpent autour du bras pour la prudence.

E19 La Justice surmonte les sept péchés capitaux / ± 1570-1613

Antonius Claeissens

huile sur panneau / fondation privée

Justitia apparaît dans une aura de brume avec une balance et une épée flamboyante. Les sept péchés sont enchaînés à sa ceinture : l’orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, la luxure, la gourmandise et la paresse. La couronne sur sa tête et l’inscription biblique sur la banderole dans la main de Dieu (‘brise-les avec une verge de fer’) montrent qu’elle est la seule à pouvoir terrasser les péchés capitaux. Claeissens se base ici sur une eau-forte de Luca Penni, elle-même inspirée d’un tableau de Giorgio Vasari pour le Palazzo della Cancelleria à Rome. Vasari est le premier artiste à combiner la Justice et les sept péchés capitaux.


E20 La Justice / ± 1591-1595

Atelier de Jacob de Gheyn II

gravure / Anvers, Musée Plantin-Moretus

Cette gravure fait partie d’une série présentant les sept vertus sous forme de tondo. Une Justice triomphante, en position centrale au quatrième rang, est représentée avec une couronne de lauriers et un bandeau semi-transparent qui a glissé. Son étrange regard vaguement absent et ses lèvres pleines sont typiques du style maniériste de De Gheyn. Ses seins et ses mamelons sont accentués et sont dirigés vers un public masculin qui doit être convaincu d’appliquer cette vertu ainsi que toutes les autres.


COLOPHON

L’ART DU DROIT Trois siècles de justice en images Musée Groeninge / 28 octobre 2016 > 5 février 2017

Textes Tine Van Poucke, en collaboration avec Georges Martyn, Stefan Huygebaert et Vanessa Paumen Traduction Elisabeth Cluzel Mise en page PK Projects Impression Media Luna Catalogue Un catalogue détaillé de l’exposition paraît en néerlandais et en anglais. Publié par Lannoo. Nombre de pages : 208 / Prix : 29,99 euros En vente à la boutique du musée et en librairie La durabilité est un sujet qui nous tient à cœur. Si vous ne souhaitez pas emporter ce guide de visite, merci de le déposer dans le bac à la salle E. Plus d’informations sur les activités annexes (visites guidées, promenade dans la ville, conférences, congrès) sur le site www.museabrugge.be


MUSEA

BRUGGE

KENNISCENTRUM VZW.


D5 D4 D3 E

D2 D1

C

A

B

A Jugement divin, justice laïque B Exempla iustitiae: des représentations à valeur d’exemple C La peau du juge: le jugement de Cambyse D La pratique de la justice D1 Les juges intègres D2 L’administration de la justice à Bruges D3 Joos de Damhouder: un juriste brugeois à l’influence internationale D4 Un droit pénal exemplaire D5 Catalogue à consulter E Justitia, de la vertu cardinale à l’idéal politique


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