catalogue Maurice Genevoix " un hymne à la vie"

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C H ÂT E AU N E U F - S U R - LO I R E

Maurice Genevoix

1890 1980

« Un hymne à la vie »

C ATA LO G U E

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INTRODUCTION Témoin de la grande guerre, poète de la Loire, chantre de la nature, académicien, voyageur, critique d’art, auteur pour enfants… Maurice Genevoix fut d’abord un homme libre, profondément épris de la vie. Il s’employa, au fil de son œuvre, à faire partager ses joies et, principalement, celle d’être au monde, malgré les blessures, la violence et la mort. Mort qu’il côtoya à maintes reprises lorsqu’en 1914, à 23 ans, il fut mobilisé dans le 106e régiment d’infanterie. La guerre, inhumaine, effroyable, bouleversa son existence, le laissant gravement blessé et infirme. L’expérience de la guerre fut décisive pour Maurice Genevoix, modifiant radicalement le cours de son existence. Et c’est d’abord pour témoigner de l’horreur vécue, en mémoire de ses camarades morts au combat, que Maurice Genevoix écrivit. Célébré comme « écrivain de guerre », Maurice Genevoix devint par la suite le peintre du Val de Loire. Il exalta alors dans ses ouvrages la beauté de la nature, de la vie animale et sauvage. Là encore, la guerre agit pour Maurice Genevoix comme un révélateur. De retour à la vie, il eut en effet le sentiment que « vivre, lorsqu’on a survécu, c’est constamment survivre… ». Son œuvre est un hymne à la vie et il mit à son service, sa prodigieuse mémoire, ses dons d’observation, sa sensibilité vive et sa langue raffinée, « la plus pure, la plus française ». L’exposition Maurice Genevoix (1890-1980), un hymne à la vie et la publication qui l’accompagne sont l’occasion de redécouvrir la personnalité et l’œuvre de cet auteur, enfant de Châteauneuf et figure majeure de la littérature française du XXe siècle.


REMERCIEMENTS Ce catalogue est édité à l’occasion de la présentation de l’exposition Maurice Genevoix (1890-1980), un hymne à la vie, au musée de la marine de Loire de Châteauneuf-sur-Loire, du 19 octobre 2018 au 28 janvier 2019. Cette exposition et ce catalogue n’auraient pu voir le jour sans l’engagement et le soutien indéfectible de Julien et Charlotte Larere-Genevoix, petits-enfants de Maurice Genevoix. Nous leur témoignons, ainsi qu’à leurs familles, toute notre gratitude. Nos remerciements s’adressent également aux membres de l’Association des Amis du Musée de la Marine de Loire et du Vieux Châteauneuf dont l’aide et la disponibilité furent essentielles pour la réussite de cette exposition. Nous tenons aussi à saluer les collectionneurs privés qui nous ont accordé leur confiance : Pierre-Jean Darras, Didier Nicolas, Baptiste Pierre et Gaston Pouillot. De même, nous exprimons notre reconnaissance à la ville de Châteauneuf-sur-Loire, à ses services techniques et administratifs qui ont participé à la mise en œuvre de ce projet et plus particulièrement à l’ensemble de l’équipe du musée, Audrey Madec et Anthony Chatton, commissaires de l’exposition, Lucie Lejeune, Caroline Millet-Ferrari, Sophie Richard et Alexia Stroinski-Marechal. Pareillement, nous remercions pour leur appui Florence Galzin, Maire de Châteauneufsur-Loire, et Marielle Pierre, en charge de la vie culturelle et du musée de la marine de Loire. De plus, nous savons gré aux auteurs qui ont prêté leur concours à la réalisation de ce catalogue : Michel Bernard, écrivain ; Charlotte Larere-Genevoix, membre de l’association Je me souviens de Ceux de 14 et petite-fille de Maurice Genevoix ; Julien Larere-Genevoix, président de l’association Je me souviens de Ceux de 14 et petit-fils de Maurice Genevoix ; Gaston Pouillot, membre de l’Association des Amis du Musée de la Marine de Loire et du Vieux Châteauneuf ; Anne-Marie Royer-Pantin, écrivain ; Jacques Tassin, écologue et écrivain. Enfin, cette exposition et ce catalogue ont été rendus possibles grâce à la Direction régionale des affaires culturelles du Centre-Val de Loire, au Département du Loiret, à l’Etablissement public Loire, à la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, à l’Association des Amis du Musée de la Marine de Loire et du Vieux Châteauneuf et à l’association Je me souviens de Ceux de 14. Audrey Madec Directrice du musée de la marine de Loire

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AVANT-PROPOS « Il serait difficile de faire le bilan de ce que je dois, de ce que mon œuvre doit à Châteauneuf… », tels étaient les propos de Maurice Genevoix dans un article du journaliste - et pas encore homme politique - Roger Secrétain, en 1938. L’inverse est également vrai. Maurice Genevoix, dans ses récits, ses romans, a rendu hommage à la ville de son enfance, à notre ville. Il a pérennisé, pour des générations de lecteurs, les rues et quartiers de notre cité ligérienne, le parc de son château, la promenade du Chastaing et l’Herbe verte au bord de la Loire. Témoins de l’importance qu’il revêt pour nous, une promenade, une rue et une école, portent aujourd’hui son nom. La maison de ses parents, celle de ses grands-parents et le magasin familial sont toujours là. Les rues et sentiers qu’il empruntait pour se rendre à l’école ou pour descendre pêcher sur les rives de la Loire sont pour beaucoup conservés. Et bon nombre de Castelneuviens se souviennent encore de l’homme, certes âgé mais toujours plein d’entrain, qu’ils ont pu croiser. Malgré le temps passé, il demeure une figure tutélaire de la ville. L’année 2018 qui s’achève et, avec elle, les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, nous offrent maintenant l’occasion de l’honorer, de rappeler aux plus jeunes sa place incontournable dans les lettres françaises et dans l’histoire de notre ville. Porteuse de ce projet, soucieuse de le célébrer pleinement, la municipalité a souhaité que le musée de la marine de Loire et du Vieux Châteauneuf prépare, conçoive et réalise cette exposition. Lorsque le musée a été fondé en 1961, le maire d’alors, Claude Lemaître, avait voulu placer celui-ci sous la protection d’un comité de parrainage. Maurice Genevoix fut bien évidemment sollicité pour la présidence du comité. Qui d’autre que le secrétaire perpétuel de l’Académie française, le romancier et poète reconnu, l’hôte des Vernelles, le promeneur infatigable de la forêt d’Orléans, indéfectiblement attaché à sa petite patrie, pouvait y prétendre ? Parrain de l’ancien musée, un espace lui est, naturellement, consacré dans le nouvel établissement dont nous fêtons cette année les vingt ans. Et pour l’avenir, que rêver de mieux que d’enrichir les collections du musée, de son musée, par des œuvres de l’enfant du pays ? Florence Galzin Maire de Châteauneuf-sur-Loire Vice-Présidente du Conseil départemental du Loiret

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PRÉFACE Je ne peux que me réjouir de voir célébrer la figure de mon grand-père, ici, dans cette petite ville qui lui tenait tant au cœur, et dans ce musée qui lui doit beaucoup. A travers lui, c’est à toute cette génération du feu que nous rendons hommage. Au-delà de cette commémoration, c’est une œuvre particulièrement riche et bienfaisante que nous louons et fêtons aujourd’hui. Plus qu’une leçon de vie, une manière de voir le monde, marquée par une très grande sensibilité à toute chose. Une infinie humilité aussi par rapport à ce qui nous entoure, et la certitude de la fragilité des équilibres. A qui sait la lire, l’œuvre de Maurice Genevoix, née dans la boue et l’horreur des tranchées, ode à la vie et à la Loire, offre un réconfort puissant et la vision d’une harmonie, ténue, fragile, mais ô combien essentielle en ces temps toujours incertains. Cette exposition et ce catalogue viennent lui rendre un légitime et très bel hommage. Julien Larere-Genevoix Président de l’association Je me souviens de Ceux de 14

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Remerciements Avant-propos Florence Galzin Préface Julien Larere-Genevoix SOMMAIRE Châteauneuf-sur-Loire, source d’inspiration pour Maurice Genevoix Gaston Pouillot L’enfance au coeur Anne-Marie Royer-Pantin Maurice Genevoix, un écrivain né de la guerre pour célébrer la vie Michel Bernard La ferveur du souvenir Julien Larere-Genevoix La vie sensible comme fil rouge Jacques Tassin La plume et le pinceau, Maurice Genevoix dans l’amitié des peintres Anne-Marie Royer-Pantin L’héritage de Maurice Genevoix, la figure du grand-père Charlotte Larere-Genevoix Repères biographiques et bibliographiques Orientations bibliographiques

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1a Le Magasin vers 1895, photographie La société « F. Balichon et G. Genevoix », établie entre Fernand Balichon et Gabriel Genevoix, créée le 29 avril 1894, est dissoute à partir du 20 mai 1899 (voir Le Progrès du Loiret du 20 mai 1899)


Châteauneuf-sur-Loire, source d’inspiration pour Maurice Genevoix

© Archives famille Genevoix

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l n’est certes pas original de dire de tout homme en général et d’un écrivain en particulier que ses années d’enfance ont forgé sa personnalité. Mais lorsque Maurice Genevoix affirme comme une évidence que ses « deux villes natales », Decize pour l’état-civil, Châteauneuf-sur-Loire pour l’éveil à la vie sociale et culturelle, ont joué un rôle déterminant pour lui, comment en douter, tant la démonstration qu’il en fait dans ses œuvres autobiographiques emporte l’adhésion ? « Je tiens, et plus que jamais, pour un grand privilège d’avoir, futur écrivain, passé toute mon enfance dans une petite ville française d’avant 1914… accrochée à son coteau, parmi ses vignes, avec ses rues, ses quartiers, ses boutiques, ses ateliers et ses marchés. » (Jeux de glaces, Wesmaël-Charlier, 1961 p. 36). Tout ce petit monde allait se retrouver dans mes livres, tel que l‘avait vu mon enfance... (Trente mille jours, Seuil, 1980, p. 32) « Ainsi livré à plein corps, à plein cœur, de toutes parts atteint, marqué d’empreintes si vives qu’elles allaient être indélébiles, je suis resté l’enfant qui s’émerveillait autrefois et sans se lasser jamais de voir un tonnelier rogner à l’asse les douelles d’un fût, un valet de chiens et son limier faire le pied au pourtour d’une enceinte forestière, et pour qui l’image d’un pêcheur qui lève ses nasses à la tombée du jour évoquera aussitôt et toujours , le murmure vif et frais de la nasse qui sort du fleuve,

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la claque éblouissante de sa remise à l’eau, et au-delà de sa plongée, après que le courant a effacé l’ombre de sa forme, sa reposée sur le sable du fond, le nuage et trouble du chènevis qui s’effrite et, vagues silhouettes enfantées par l’eau, poissons fantômes, ronde silencieuse déjà captive, l’étincellement soudain d’une écaille, la fleur d’une nageoire qui bouge. » (Trente mille jours, Seuil, 1980, p.63-64). Magie du souvenir et magie du verbe !

Le « Magasin »

« Ligérien quand même, je suis né quarante lieues en amont, à Decize, « petite ville en Loire assise », où mes parents, jeunes époux, avaient sûrement été heureux. J’étais leur premier enfant, ma mère avait vingt ans lorsque j’ai ouvert les yeux. C’est dans ses bras que j’ai « valé », un an plus tard, jusqu’à Châteauneuf. « Valer, cela veut dire, dans le langage de nos vieux mariniers, suivre le fil de l’eau, se confier au courant, et symboliquement au destin. Un accident cardiaque venait de faire chanceler la santé de mon grand-père. Son fils, frère cadet de ma mère, allait être requis par la conscription de sa classe. Mon père, dans la force de l’âge, avait valé pour assurer, jusqu’à la libération de son beau-frère, la conduite d’une affaire familiale qui réclamait une présence attentive, quotidienne, et quelque autorité. » (Trente mille jours, Seuil, 1980, p. 18).


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1 Le Magasin, croquis annoté de Maurice Genevoix

2 Les ouvriers tonneliers du Magasin, plaque photographique René Avezard, vers 1905

3 Le dépôt de vins et spiritueux, vers 1930, photo-carte Au premier plan, à l’entrée de l’entrepôt, devant le camion maintenant motorisé, les ouvriers de l’entreprise J. Picanon et P. Fontenoy.

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Le « Magasin » est un lieu magique où tous les sens de l’enfant sont mobilisés à la découverte d’images, de senteurs, de sons : « Un peu plus tard, mon oncle parti pour la caserne, mes parents s’installèrent dans la maison toute neuve que mon grand-père avait fait bâtir à côté de ses entrepôts. L’ensemble, pour nous, c’était le « Magasin ». Il y avait un magasin en effet, carrelé de briques, avec une cage vitrée intérieure où travaillaient le chef comptable et ses aides. On y groupait les marchandises avant de les charger, d’un quai voisin, sur des camions attelés de puissants percherons… Ces enfilades, ces alvéoles, ces planches, ces murailles de sacs et de caisses…c’était le royaume des odeurs : farine de lin, farine de moutarde, poires tapées, abricots secs, rinçures de fûts, eau de javel…Nous y aurions trotté les yeux fermés, nous fiant à notre seul nez, sauf les jours où régnait partout, chaude, 10

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capiteuse, souveraine, l’odeur du café vert qui grillait dans le coin d’une cour, sous un auvent, aux entrailles d’une boule close dont le « père Pascal », plus grave qu’un lama tournant son moulin à prières, manœuvrait la manivelle dans les fumées et les lueurs à éclipses d’un feu de sarments crépitant. » (Jeux de glaces, Wesmaël-Charlier, 1961, p. 33) « Au-delà, c’était encore un autre monde, celui des fûts, des muids, des foudres et des bouteilles. Il a peut-être moins compté dans le déroulement de mes jours, peut-être davantage dans ma mythologie parallèle. Sans qu’il me fût besoin d’y hasarder mes pas, il était là, sous l’autorité de Davron, le maître tonnelier qu’assistaient Gustave, puis Edouard… Monde sonore, presque musical, chaque tonneau ayant sa voix propre pour répondre au frappement des battes. Nos tonneliers en jouaient en


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Fernand Balichon a vendu en 1929 à Jules Picanon, associé à son gendre Paul Fontenoy, la partie vins-spiritueux-eaux-de-vie, ne conservant que l’épicerie en gros, en haut de la rue Saint-Nicolas, à l’angle de la GrandeRue.

La maison de Grand-mère et le jardin dans l’île

« Rien, au premier regard, ne distinguait la maison de grand-mère, la troisième, des deux maisons qui la suivaient. Elles avaient toutes la même porte vitrée surélevée de quelques degrés, flanquée de hautes fenêtres aux rideaux de guipure à festons. Le même toit les couvrait toutes les trois, un toit à quatre pans avec deux girouettes au faîte. Du côté de la rue, presque toutes les maisons se ressemblent. Elles se guindent entre leurs voisines ; mais c’est un faux visage qu’elles montrent, un masque inexpressif qu’elles ont mis une fois pour toutes. Les maisons n’aiment pas la rue : ce n’est pas de leur gré qu’on les a bâties tout au bord. Alors elles vivent de l’autre côté, vers les cours. » (Le Jardin dans l’île, Presses de la Cité, 1959, p. 20-21)

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virtuoses…La trogne de Davron, sa « mouche » de mousquetaire sous la lèvre, ses crins frisés en auréole, la mâchoire carnassière de Gustave, bleue le lundi en dépit du rasoir, noircissante du mardi au samedi, il me suffit de les revoir en moi pour que s’effacent quatre-vingts années de ma vie, pour que je tende encore l’oreille au chant rebondissant des futailles… » (Trente mille jours, Seuil, 1980, p. 24-25)

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4a Les cinq maisons, photographie

4b La lucarne du défi, photographie


On connaît le traitement de choc proposé par la médecine de l’époque pour hâter la consolidation de la fracture : événement subi par Maurice Genevoix lui-même, ici appliqué au héros du roman : « L’échaudoir, ce bœuf que le boucher abattait presque sous ses yeux, tout

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C’est au-delà de la cour de la maison de Grand-mère, aux confins du réel et de l’imaginaire, que se situe le cadre enchanté qui inspira à Maurice Genevoix le titre de son roman : Le Jardin dans l’Île. Fan, le héros du roman, découvre les joies et les tourments du passage de l’enfance à l’adolescence. Et c’est dans la cour que se trouve la remise surmontée d’un grenier ouvrant sur la lucarne du défi. « Fan se pencha encore un peu plus. - Je te dis une fois : me crois-tu ? - Non, dit Buteau. - Deux fois…Trois fois… Les autres échappèrent trop tard à l’angoisse qui les paralysait. Un cri jaillit de leurs poitrines, auquel sembla répondre un autre cri, venu du parc de Claire Delayance : Fan s’était jeté dans le vide. » […] (Le Jardin dans l’île, Presses de la Cité, 1959, p. 165) « Boudard hochait pensivement la tête. Il murmurait : - Tu es tombé dans les aveliniers. De la lucarne au pied du mur, il y a plus de quatre mètres. Pourquoi as-tu sauté, mon vieux ? C’était fou, tu pouvais te tuer. - Oh ! dit Fan, si tu crois que j’y ai pensé… Il songea ; le reflet du brasier allumait des points d’or dans ses yeux. - J’ai eu bien mal, ça oui. Et pourtant, je n’ai pas regretté. J’ai obligé Buteau à me croire, en même temps que Jean et Franquin. Buteau, lui, n’aurait jamais sauté. Il aurait calculé la hauteur, et il serait resté sur le bord de la lucarne. » (Le Jardin dans l’île, Presses de la Cité, 1959, p. 172-173)

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ce sang mousseux et fumant qu’on versait dans un seau et où il plongeait sa jambe… » (Le Jardin dans l’île, Presses de la Cité, 1959, p. 180)

La nouvelle maison des Genevoix

La famille Genevoix est d’abord logée dans la maison attenante au Magasin, appartenant à Florimond Balichon, qui donne sur la GrandeRue. Gabriel Genevoix achète le 27 février 1896 le terrain sur lequel sera construite la « nouvelle maison », rue Saint-Nicolas. « Nous avions changé de maison. Encore une maison neuve, banale mais sans laideur, avec un jardinet clos, un cèdre bleu, un marronnier rose. Ma chambre, au premier étage, donnait sur les Petits sentiers. Le vent des équinoxes venait se déchirer contre l’angle du pignon. La lumière, le vol des nuages répétaient dans les plaines du ciel le glissement du grand 12

fleuve invisible. Mais si proche ! Trente ans plus tard, au moment où mourut mon père, cette chambre était restée ma chambre. J’y dormais, j’y travaillais. » (Jeux de glaces, Wesmaël-Charlier, 1961, p. 35) « Dès le printemps, j’ouvrais toute grande l’une des fenêtres, celle qui s’orientait vers la Loire. .. L’été venait. La nuit d’août avivait ses étoiles. A de longs intervalles, des éclairs muets tremblaient sous l’horizon du sud. Un calme immense régnait sur l’étendue. Pas d’autre bruit que le grattement menu de ma plume sur le papier ; Ou peut-être…D’où venu ? Soupir fluide, lent friselis de source ou de surgeon qui s’attarde sous le ciel. Ma plume reste en suspens, j’écoute, et mon cœur s’émeut : c’est la Loire, le courant de la Loire qui atteint l’étrave d’une pile, se soulève au musoir de pierre, s’entrouvre en éventail, et passe… Et toute la nuit vivante est là, dans la chambre. Et je sais,


5 La nouvelle maison des Genevoix, photographie

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Les bambins de l’Asile (l’école maternelle) en 1893, photographie Maurice Genevoix est assis derrière l’enfant au panier ; à sa droite, Gustave Serenne

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je saurai tout à l’heure, à l’instant de céder au glissement du premier sommeil, que le saut d’une ablette à la lune, le long cri d’un courlis sur le Val, ou l’orage silencieux d’une éclosion d’éphémères vont traverser mes rêves et revivre avec mon réveil. » (Trente mille jours, Seuil, 1980, p. 8-9)

L’ « Asile » et la « grande école »

« J’ai remis la main, tout à l’heure, sur une photographie jaunie, miraculeusement échappée à la guerre et à ses pillages. Gustave y figure près de moi. Nous sommes en robe courte l’un et l’autre, les mains sur nos genoux et les petons rangés bien sages. Derrière nous et la quarantaine de bambins, garçons et filles, étagés sur les gradins d’une classe, trois dames mûres en corsage de faille noire : les maîtresses de l’école maternelle. » (Routes de l’aventure, Presses de la Cité, 1959, p. 146).

« Tous « élèves », tous en tablier noir, tous solidaires, tous égaux devant la loi et les prophètes de la laïcité ; et néanmoins aussi divers que leurs parents citoyens. » (Trente mille jours, Seuil, p. 61) Le terrible père Puy faisait régner une discipline de fer : « Une fois pourtant, une mémorable fois, la classe put voir le terrible père Puy déconcerté, presque interdit. Non par le triste Paulin Musard, mais par un autre « recommandé ». Celui-là s’appelait Roubine ; madré, malin, de ceux dont on dit en Sologne : « Il est plus roué, ce drôle, que les fesses d’un postillon. » La citation est de circonstance : Roubine avait blindé sa culotte. De fer-blanc. Au premier coup qui s’abattit, une stupeur en même temps tomba. Quelle sonorité monstrueuse ! Nul de nous n’en crut ses oreilles.

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Ni le père Puy : la badine lui sauta des mains. » (Au cadran de mon clocher, Presses de la Cité, 1960, p. 42-44)

Une petite ville française d’avant 1914

« Dès l’Asile, tout Châteauneuf m’était donné, apporté par ses marmots ; tous ses quartiers, la Bonne-Dame et le Coteau, la Croix-de-Pierre et le Petit-Hameau, le Port et la Pissason ; avec ses trois ou quatre mille « âmes », ses vignerons, ses pêcheurs, ses artisans et ses notables, ses marchands et ses gendarmes, ses pauvresses, ses instituteurs, son cuirassier de Reichshoffen, son sénateur-maire et son curé. Quelle admirable diversité ! Quelle galerie de types humains ! dans ma jeunesse… j’avais au moins songé à centrer autour d’un clocher tout un cycle de romans, chacun d’eux autonome, libre dans le choix des personnages,


7 L’église, carte postale

8 La colonne des mariniers, carte postale

9 La chapelle de la Bonne-Dame, carte postale

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Rémi des Rauches, Maurice Genevoix, illustrations de Louis-Joseph Soulas, Rouam 1948 Le tonnelier Rémi


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11 Le marché Grande-Rue, carte postale

12 La gare, carte postale

des milieux, des époques, mais tous ancrés à cette tour carrée, à son clocher dardé au-dessus des abat-son, que j’ai vus toute ma vie pointer au bout de la Grand’rue, en plein ciel, sur la houle des toits. D’aucuns penseront : au fond, c’est bien ce qu’il a fait. Et j’en conviens, malgré tant de fugues à travers les années et le monde, dans la mesure où j’ai été requis, ensemencé (rappelez-vous), peuplé dans mon enfance à Châteauneuf. (Trente mille jours, Seuil, 1980, p. 30-31) Le clocher, un « merveilleux observatoire » « Mon clocher, fin campanile au toit d’ardoise sur une tour à contreforts, porte une horloge à son flanc ouest. Cette horloge a sonné mes jeunes heures et, avec elles, les heures d’une petite ville entre les petites villes de France. » (Au cadran de mon clocher, Presses de la Cité, 1960, p. 20) La Place du Port et la colonne des mariniers : « …dans l’ombre des marronniers, presque à la pointe de la placette triangulaire, une petite colonne votive, en marbre noir, se dressait sur

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un socle où s’effaçaient… les noms des mariniers-sauveteurs, aventurés au péril de Loire pour délivrer les gens du val que cernaient les flots furieux. » (Routes de l’aventure, Presses de la Cité, 1959, p. 135) Les vignerons de la Bonne-Dame « Jalousement traditionalistes, organisés en confrérie autour de leur chapelle et de leur Vierge - leur « Bonne-Dame » - glabres, tannés, cassés en deux dès la cinquantaine à force d’avoir « marré » leurs vignes… » (Orléanais : présentation, p. 8) « Je plains de tout mon cœur les enfants qui n’ont pas eu la bonne fortune de voir un maître-artisan travailler. C’est merveilleux. Grâce à l’Asile, puis à la Communale, mon frère et moi avions nos entrées partout. Nous savions ce que c’était que forger un soc de charrue, cercler une roue, cuire une fournée, jabler un fût, assembler en queue d’aronde. Je voyais là une sorte de magie ; c’était pour moi autant de spectacles dont je ne me rassasiais 16

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14 Rencontre en 1979 avec les bambins de l’école maternelle

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13 Au cadran de mon clocher, Maurice Genevoix, Illustration de Daniel Rouvière, éd. Diderot, 1970, Le 14 juillet à Châteauneuf-sur-Loire

jamais. » (Au cadran de mon clocher, Presses de la Cité, 1960, p. 96) Le marché du vendredi « Je m’étais proposé de dépeindre… ce déferlement des blouses, cette bruyante invasion terrienne qu’était naguère, pour ma petite ville, le marché du vendredi… Les trottoirs de toute la Grand’Rue, du château à la Croix-de-Pierre, débordaient sur la chaussée. Deux trottoirs sur un kilomètre, sans parler de la halle aux grains, aux porcelets, du champ de foire… Des flaques, des mares, des étangs de légumes, de volailles, de lapins, de beurre, de fromages, d’œufs croulants, de chevreaux à la saison.» (Au cadran de mon clocher, Presses de la Cité, 1960, p. 129, 137) La Gare Nous n’étions qu’une ligne secondaire, mais nous avions nos dix trains quotidiens, cinq montant, cinq descendant. Et des voyageurs pour chacun ! » (Bestiaire enchanté, L’anguille, Plon, 1969, p. 34)


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« Que de fêtes ! Quartiers, corporations, confréries, qui n’avait sa bannière et sa fête ? » (Au cadran de mon clocher, Presses de la Cité, 1960, p. 56) Le 14 juillet à Châteauneuf-sur-Loire « En tête… J’allais dire : les gendarmes. Mais non ! En tête c’était la « tonne », autrement dit l’arroseuse municipale. Les routes, alors, n’étaient pas goudronnées. Il s’agissait d’abattre la poussière, la bonne poussière épaisse, veloutée…En tête donc, crachant en éventail, la tonne. Et aussitôt après, donnant tout de suite le ton, l’éclat, la fougue et la magnificence, les gendarmes […] Quant aux gendarmes eux-mêmes… Ah ! qu’en dire ? Du bicorne aux éperons, sublimes. Et d’abord ce bicorne : noir, passementé de blanc et d’argent, cocardé de tricolore, coiffé de front, la façade offerte et les pointes latéralement, à la Napoléon… » (Au cadran de mon clocher, Presses de la Cité, 1960, p. 77-78) 13

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Les bambins de la maternelle Maurice Genevoix a posé en juin 1979 la première pierre de la nouvelle école maternelle et primaire qui lui est dédiée par la ville de Châteauneuf et qui ouvrira en septembre 1980, au moment de son décès. Cette rencontre marque l’un des derniers parmi les jours d’une existence si intensément vécue racontée dans la dernière œuvre autobiographique de l’écrivain : Trente mille jours. Gaston Pouillot

Membre de l’Association des Amis du Musée de la Marine de Loire et du Vieux Châteauneuf


1 Routes de l’aventure, Maurice Genevoix, illustrations de Pierre-Eugène Clairin, La Belle Edition, 1958

© Coll. particulière

La rencontre avec l’écureuil : « J’avais deux ans, trois ans peut-être, quand mon père a commencé de me faire découvrir le monde, l’histoire, les secrets de la Loire et de la forêt : la sagesse des vieux dictons de Sologne, les rencontres avec l’écureuil ou le hérisson, la beauté du cèdre bleu (…) les perce-neige des hivers froids, les violettes des premiers soleils, les pervenches bleues et les magnolias jaunes. » (Sylvie Genevoix, Introduction aux Romans, récits et contes, Omnibus/Plon)

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L’enfance au cœur

Pour Charlotte et Julien G.

2 2 Les Deux Lutins, Maurice Genevoix, illustrations d’Elisabeth Ivanovsky, Casterman, 1961 « Il y avait une fois, dans un petit bois du monde, un royaume enchanté où régnaient deux très gentils rois (…) Ils y régnaient à tour de rôle, l’un le jour, l’autre la nuit… »

© MML

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ne vie, une œuvre, où l’enfance va, tout uniment, son chemin d’eau vive, nouant et dénouant sans fin son fil d’or, affleurant à peine et pourtant irriguant d’un bout à l’autre tout le réel et tout l’imaginaire. Et cette patiente ardeur à exalter, jusqu’à ses derniers jours, les forces de l’enfance, à se réclamer encore et toujours d’une enfance inoubliable et inoubliée, pour réenchanter le monde… L’enfance est l’un des axes cardinaux de l’univers de Maurice Genevoix, l’enfance et son élan, son foisonnement merveilleux de découvertes et d’impressions reçues, au plus proche de l’instinct, de la terre, de la vie et de la vérité des choses, un âge vierge encore de toute habitude, de tout dogmatisme et de toute interprétation, un âge hors des âges, sous le sceau du mythe et de la poésie. Qui mieux que lui a dit l’aventure fabuleuse de l’enfance et le trésor inaltérable des premiers regards sur le monde ? Il y fallait une sensibilité singulière, une intuition des plus fines, à la fois lucide et rêveuse, aigüe et délicate, exacte et poétique, nourrie par une réserve inépuisable de souvenirs prêts à affluer au moindre signe, préservés dans leur fraîcheur jaillissante de source et leur intensité poignante : « Il suffit que j’y songe encore pour retrouver une très lointaine ivresse : de joie de vivre, d’augmentation de l’être, de capiteux et éternel printemps. Et comment me tromper à ce délicieux vertige ? C’est l’enfance ! » (Jeux de glaces). Et cela a été l’un des dons les plus clairs de l’écrivain que de savoir ainsi replonger aux sources de sa prime jeunesse – précieux talisman contre 19

l’usure du cœur et de l’esprit, source intarissable d’inspiration et de poésie. « Ainsi livré, à plein corps, à plein cœur, de toutes parts atteint, marqué d’empreintes si vives qu’elles allaient être indélébiles, je suis resté l’enfant qui s’émerveillait autrefois… » (Trente mille jours). A chacun d’entre nous de faire bon usage de cette belle leçon de jouvence.

Le génie de l’enfance

« Un monde éternellement vierge, merveilleux, inépuisablement fleurissant – autrement dit le monde de l’enfance, où l’on sait admirer, comprendre et aimer. » (Jeux de glaces). A l’enfance sont réservés les plus rares privilèges, car c’est à l’enfant que sont données, lorsqu’il s’éveille au monde, les clés du royaume. Ce charme magique, quasi incantatoire, des premiers regards qui mettent l’enfant en communion profonde avec l’univers en l’engageant spontanément et totalement dans la vie de la Nature, Maurice Genevoix a, tout au long de sa vie et au fil de ses plus belles pages, voulu le conserver et le reconquérir. Ces premiers enchantements se sont, pour lui, joués à Châteauneuf-sur-Loire, à l’orée du XXe siècle, entre Sologne, Loire et forêt, en un temps où les hommes vivaient encore en harmonie avec la terre assignée par leur destin. Et c’est là, dans cette bourgade où le quotidien sans cesse frôlait le merveilleux sous ses yeux d’enfant ébloui, qu’il a vécu ces instants radieux de plénitude et d’une gratuité pure où se donne la beauté du monde ; c’est là que se sont formés sa sensibilité, sa disponibilité,


3 Maurice Genevoix jeune écolier en 1896, photographie « La vie allait, pour moi au rythme de l’enfance qui fait de chaque journée comme une petite éternité » (M. Genevoix, Jeux de glaces)

son sens rare de l’observation, de l’écoute et de l’affût patient jusqu’aux limites du possible, jusqu’à cet oubli de soi qui permet la fusion avec la nature dans sa vérité et son unité. C’est bien cela, ce don d’enfance si souvent évoqué par Genevoix, ce consentement, cet accord au monde, par la grâce duquel on perçoit fugitivement, au-delà des apparences, toutes les harmonies naturelles – le don infiniment précieux de saisir « la réalité seconde », « la réalité originelle », et dont on perd le secret à l’âge adulte. D’où l’importance de ces expériences enfantines pour toute future destinée créatrice : c’est le regard de « voyant » de l’enfant que l’artiste doit retrouver pour transfigurer le monde à travers sa propre création. Genevoix a parlé à maintes reprises du rôle fondamental des douze premières années dans le devenir d’un artiste, qui se définit avant tout par la fidélité à l’enfance : « Nul ne devien-

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© Coll. particulière

© Archives famille Genevoix

4 La Boîte à pêche, Maurice Genevoix, illustrations d’André Collot, La Belle Edition, 1958 Najard initie Bailleul à la pêche au brochet : « Un matin, au Chastaing, il avait croisé Najard. Avait-ce été, chez l’homme la préscience de l’admiration que lui avait vouée Bailleul ? Avait-il deviné, entre l’adolescent et lui, une parenté d’instincts profonds, une communauté de race ? (…) Bailleul avait suivi Najard sous les platanes. » (M. Genevoix, La Boîte à pêche)

dra ou plutôt ne restera poète, créateur, s’il n’a su préserver en lui, en même temps qu’il enrichissait sa culture et mûrissait son expérience d’homme, certains dons de l’enfance. » (Routes de l’aventure). Et il en appelle à Delacroix, notant dans son Journal : « A douze ans, tout est joué. », à Proust, Alain-Fournier, Péguy ou son ami le peintre Vlaminck, qui ne disaient pas autre chose. Ce « don d’enfance » appartient aussi à quelques êtres originaux, en marge de la société, vivant au rythme de la terre et des saisons, en symbiose avec la nature. Ces hommes qui ont conservé leur âme d’enfant et, par là, connaissent le secret des choses, Genevoix les désigne comme des « intercesseurs ». Il les a rencontrés dans le monde des pêcheurs, des braconniers, des piqueux, des charbonniers, des vagabonds des bois : des 20

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êtres frustes, libres, de plain-pied avec la nature, manières de poètes ingénus et sauvages mystérieusement ouverts aux choses inconnues, parce qu’ils n’ont pas tout à fait quitté le Paradis perdu que constitue l’enfance. Cette figure singulière de médiateur un peu magicien hante la mémoire de l’écrivain et traverse nombre de ses œuvres : c’est, par exemple, Brout dans les Bestiaires, dans Forêt voisine, Waudru dans La Forêt perdue, La Feuillée dans Marcheloup, Perdriot dans L’Aventure est en nous, l’Alouette dans Les Compagnons de l’Aubépin, Robin l’homme des abeilles dans Images pour un jardin sans murs, Najard dans La Boîte à pêche… Il sait devoir beaucoup à ces humbles qui ont été d’une manière ou d’une autre ses initiateurs, le révélant à lui-même. Puis, au fil du chemin de sa longue existence, riche de ces trésors d’enfance sans cesse


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