Spécial 32 pages
L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 566 / Novembre 2011
Le Nobel de la paix Le prix de l'engagement des femmes (P.23)
Film
Le Larzac vit toujours (P.21)
REGARD SUR... Angers 50ème anniversaire du 17 octobre 1961 au Pont de la Confluence
Pour une Méditerranée de paix, Toulon le 15 octobre 2011 dans le cadre de la semaine du désarmement de l'Onu
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N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
Sommaire
l’Édito
Planète Paix n° 566 - Novembre 2011
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Campagne P.6
villes de paix
Gonfreville drague Peace Boat
P.7
Ventes d’armes
Rendre la paix électoralement rentable
Les armes dites ‘‘légères’’
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A
Congrès
Être pacifiste n'est pas être passif Pour s’emparer de la question sociale Altermondialisme et lutte pour la paix Pourquoi pas un désarmement unilatéral ?
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près les écologistes, les communistes, les centristes, … les socialistes ont choisi leur candidat à l’élection présidentielle du printemps 2012, qui sera suivie par les élections législatives. A ces milliers de candidats qui aspirent aux responsabilités publiques, nous avons envie de demander « pour quoi faire ? ». Car au-delà de la sympathie pour untel ou unetelle, l’enjeu n’est-il pas celui du chemin que nous voulons emprunter ensemble ?
P.8 P.9 P.10 P.11
dossier
Les Larzac ici et ailleurs Caylus
P.16-17
La grande Muette fait du bruit Le ras-le-bol des riverains P.18
Avord
Une base qui voit loin Larzac dans le monde
P.19
Pierre Villard Co-président du Mouvement de la Paix
Les Sud-coréens contre Jeju P.21
Film
Le Larzac vit toujours
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portrait
à nous de nous P.21
Le Nobel de la paix
Le prix de l'engagement des femmes
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rendre visibles et lisibles jusqu’à
mondialiser la paix
Le Sahara occidental
P.24-25
Une tragédie oubliée P.26-27 La Conférence du Désarmement en sursis
Diplomatie atomique
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‘‘(…) n’est-ce pas
devenir incontournables ?
’’
culture P.28-29
Livre
Le dico qui tue Plein feux sur l'océan indien La paix en pointillés Jeux vidéo Des consoles à pacifier
Mensuel édité par le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org
P.30-31
Directeur de publication : Pierre Villard Rédacteur en chef : Ben Cramer Secrétaire de rédaction : Nadia Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Rédactrice - graphiste - maquettiste : Laurence Leclert. Comité de rédaction : Raoul Alonso, Roger Billé, Nadia Bennad, Nicole Bouexel, Jacques Le Dauphin, Annie Frison, Roland Nivet, Claude Ruelland, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Onu Ont participé à ce numéro : Pierre Villard, Jean-Paul Vienne, Jean-Marie Muller, Louis Aminot, Daniel Hofnung, Aurélie Royon, Annie Frison, Ben Cramer, Camille Saïsset, Evelyne Aymard, Mireille Brun, Aaron Tovish, Christophe Cunniet Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0709G85601. Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
Dans notre contexte contemporain inédit, où se mêlent à la fois de graves dangers et de formidables espoirs, les propositions et engagements des politiques nous intéressent. Non pas pour soutenir l’un(e) ou l’autre, mais pour exercer une vraie citoyenneté revendicative mettant les pacifistes au cœur du débat. Car avec 1/5ème du budget de l'État consacré à la Défense nationale, et 21% des dépenses d’équipements militaires engloutie dans les armes nucléaires, est-il plus longtemps encore tolérable que ces sujets soient exclus de la controverse publique ? Cela dépend aussi de nous. Les pacifistes peuvent se lamenter longtemps du manque de reconnaissance, mais n’est-ce pas à nous de nous rendre visibles et lisibles jusqu’à devenir incontournables ? C’est le défi que doit se lancer aujourd’hui le Mouvement de la Paix dont le Congrès affirme « Osons la paix ». Il est ainsi fait appel à la construction d’une vraie civilisation de paix, loin de tout attentisme électoral partisan. Pour nourrir ce débat, Planète Paix lance un appel à ses lecteurs afin que, telles des sentinelles de la paix, ils alimentent les colonnes du mensuel de critiques des programmes, des engagements à venir, et des urgences et exigences citoyennes pour la culture de la paix du quartier à la planète. Le 2ème Forum de la paix, qui accueillera de nombreuses personnalités les 10 et 11 novembre en Ile-de-France et à Paris, y contribuera.. Il est temps de rendre la culture de la paix électoralement rentable.
Bon d’abonnement à Planète Paix page 13 N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Courrier des lecteurs
A Chambéry, une déclaration de paix "La Paix est déclarée", tel est le slogan qu’ont inventé les élèves de la classe des CM1/ CM2 de l’école du Chat Perché au Bourget du Lac. Le slogan a été transmis avec un poème à toutes les écoles de Savoie par la Ligue de l’Enseignement, Ainsi a démarré le programme d’Éducation à la Paix mené à l’occasion de la Journée internationale de la Paix, le 21 septembre.
Plusieurs classes du bassin Chambérien ont été sensibilisées à la Paix par la présentation des albums Jeunesse "La guerre" d’Anaïs Vaugelade et "Le gâteau de Paix" de Didier Lévy et Tiziana Romanin. Cette présentation était introduite par une discussion autour des conflits dans la vie quotidienne, de leur caractère incontournable et surtout de leur résolution par la discussion et le refus de la violence. Le 21 septembre, les enfants de la Maison de l’Enfance du Biollay à Chambéry et les résidents de la maison de retraite voisine ont fait vivre la notion de Paix dans un échange autour d’un atelier de pâtisserie (sablés en forme de colombe) et d’un atelier de jardinage (massif en forme de colombe) avant de se retrouver pour un goûter commun ponctué de chants, de poèmes et de lectures. GP 4
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Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.
Dépenses militaires La modernisation de l’arsenal nucléaire de la France, en violation flagrante du Traité de Non prolifération, qu’elle a pourtant signé, représente à elle seule 8 milliards d’euros par an. Les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 80 % depuis 2002 atteignant le record indécent de 1630 milliards de dollars. Ce chiffre est à l’image du commerce des armes qui n’a jamais été aussi florissant. Pendant ce temps, les populations manquent de l’essentiel : accès à l’eau, à l’éducation, au logement, aux soins… En France, la loi de programmation militaire présentée aux députés affiche un budget de 102 milliards en 5 ans. Sait-on que 2 milliards d’euros permettraient d’augmenter de 332 € par mois les pensions de cinq millions de retraités ? Il est impératif de changer de logique et de substituer à celle de la force armée celle d’une culture de paix, ce d’autant que les restrictions dans le domaine social sont source de tensions, conduisent à des affrontements, localisés d’abord, plus larges ensuite et peuvent déboucher sur le pire, au sommet de la pyramide la menace étant le recours à l’arme atomique ! C’est pourquoi le Mouvement de la Paix s’est engagé dans l’action pour d’autres conditions d’existence que celles que nous connaissons présentement. J.L, Béziers
« Les mères répondent à Monsieur Sarkozy » La mère, l’enfant, la guerre, poême Bébé est arrivé ! Sa maman, sans attendre, Prend en mains l’œuvre d’art, seule, en catimini. C’est de tous, le mieux fait, le plus beau, le plus tendre. Ainsi croit la maman qui veille à l’infini, Le regardant sans cesse, au réveil elle aspire. Douce avec l’oisillon, l’installe au creux du nid. Vigilante, avant tout, s’assure qu’il respire. Son tout premier souci, c’est son petit enfant Qu’elle va dorloter et protéger du pire. Le parcours du gamin sera ébouriffant. L’école le conduit au son clair de la cloche, Il devient lycéen…Il en sort triomphant ! Le voilà maintenant avec la barbe floche… Il peut décider, seul, choisir son devenir. L’université s’ouvre et le temps s’effiloche. On murmure que peut, la guerre survenir… C’est vrai que des soldats embarqués vont se battre, Leur cercueil en bagage…On prévoit l’avenir … La planète est en feu, le garçon va combattre. Il part en uniforme et rejoint le vieux fort ; Et la mère en sanglots n’en peut jamais débattre ! Elle tremble pour lui. Son petit est grand, fort ! C’est un être achevé dont elle est orgueilleuse. Mais ce monde sanglant l’emporte sans effort… Préparons les linceuls. Un tir de mitrailleuse A crépité ce soir et tue avec fureur. Les cercueils sont remplis par la mort gaspilleuse ! Mères en voiles noirs… Spectacle de terreur… Le clairon a sonné sur le champ du silence Où sont tombés leurs fils… La guerre est une horreur ! Peut-on prendre la vie avec tant d’insolence ? Mathilde Filloz, poète engagée dans sa 100° année
Rectificatif L’illustration figurant dans le dernier PP (n° 564) et relatif à un papier sur les activités de l’aérodrome du Lépaud, est un EuroHawk, un drône de l’armée de l’air allemande. Il est développé par EADS. Son autonomie est de 25.000 kilomètres et il peut donc faire l’aller retour Berlin-Kaboul sans avoir besoin de se poser. Dans la mesure où des critiques en provenance de la Creuse laissent planer un doute sur ‘notre drone’ qui n’en serait pas un, Planète Paix préfère rassurer tout le monde : oui c’est un drone et ce drone a le malheur de ne pas ressembler à un drone de la SAGEM. PP aurait ainsi péché par faute de goût mais sans la moindre volonté d’induire le lecteur en erreur. Rédaction Planète Paix
REPÈRES ... À voir « La banalité du bien » Documentaire de 30 mn Réalisé par Thierry Maous et Silvia Salamon
Par le biais de témoignages, dont ceux émouvants d’un républicain espagnol, d’un philosophe ou de Résistants, de l’historien Gérard Bollon, de réfugiés, d’enfants cachés, voici en condensé le récit des résistances aux oppressions au cours des 5 derniers siècles. Une résistance aux idéologies de l'exclusion qui a animé et traversé ce village des justes qu’est le Chambon-sur-Lignon et son Plateau, la « montagne refuge ». Cette brève histoire avec des documents d’archives permet sans doute aux jeunes du Collège Cévenol de se sentir concernés à leur tour quand ils croisent les préoccupations du Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA) ou la Cimade. Le documentaire 30 mn a été diffusé sur France 2 le 30 octobre à 10h du matin dans le cadre de l'émission Présence Protestante.
Merci
Planète Paix publie en Une un dessin offert par Charb, directeur de publication de Charlie Hebdo. Nous le remercions très chaleureusement de cette contribution. La rédaction de Planète Paix et le Mouvement de la Paix tiennent à affirmer leur entière solidarité à toute l'équipe de Charlie Hebdo, suite au scandaleux attentat dont l'hebdomadaire vient d'être victime.
IMAGE DU MOIS
EN EXPRESS ...
21 septembre, sans train-train À l'heure où certains tentent de dénier aux comités d'entreprises le droit d'investir ces domaines car trop politiques à leurs yeux, il est encore possible de sensibiliser la CGT à la culture de paix, et rappeler comme le faisait jadis Victor Hugo que l'utopie d'aujourd'hui sera la vérité de demain Depuis 2008, le CA des cheminots célébre la Journée internationale de la paix. A sa façon. L’originalité consiste à porter ce débat dans l'entreprise SNCF, auprès des Cheminots, tout en interpellant les usagers du train durant une journée. La participation de cheminots aux conférences de paix dans le monde (Hiroshima et Nagasaki, Bil'In, New York), au rassemblement-citoyen au plateau des Glières, l’organisation de séances de signatures de pétitions pour le désarmement nucléaire dans certaines gares de la région PACA sont autant de rendez-vous impor-
tants. Depuis 2008, des sections du Mouvement de la Paix se sont créées chez les cheminots à Marseille et à Toulon. En partenariat avec le Mouvement de la Paix des Bouches-du-Rhône, des rencontres ont été facilitées, y compris avec la chanteuse Sapho, ou le résistant Raymond Aubrac. Un olivier de la Paix a été planté à la gare de Marseille Saint- Charles. Le 21 septembre dernier, les enfants ont pu fabriquer le « train de la paix » et s’offrir une petite virée autour de la gare avec la possibilité de délivrer des messages pacifistes. La journée a été placée sous le mot d’ordre « La paix entre en gare ». En partenariat avec le groupe de supporters d e l ’ O M , l e s South Winners, un drapeau de la paix de 25 mètres de haut sur 10 mètres de large a été déroulé sur les marches de la gare Saint-Charles. Il a ensuite été déployé au stade Vélodrome le soir même, lors d’un match de championnat.
Le dictateur est parti avec ses secrets…
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campagne villes de paix
Gonfreville drague Peace Boat nicipalité pour la paix. Dans son intervention, il a dénoncé le fait que la France soit engagée dans des guerres en Afghanistan ainsi qu’en Libye et que notre pays soit l’un des plus importants fabricants d’armes au monde. Il a rappelé que la commune milite en faveur du protocole HiroshimaNagasaki qui prévoit un désarmement nucléaire réel d’ici à 2020.
Les Villes de la Paix se manifestent, d'une façon ou d'une autre1. Elles sont constituées en réseau. Elles entretiennent aussi des liens privilégiés avec certains pays2 ou certaines ONG. Lorsque l'organisation Peace Boat débarque du côté du Havre, Gonfreville et Harfleur sont mobilisées. Témoignage.
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cf. PP. 559 interview du maire de Malemort cf. page 24/25 sur le Sahara
EN SAVOIR PLUS • www.gonfreville-l-orcher.fr 6
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L
orsque des centaines de passagers japonais ont débarqué du Peace Boat au Havre, de nombreux cars les attendaient pour les emmener vers Rouen, Étretat, Fécamp… ou même vers le Mont-Saint-Michel. Une quinzaine d’entre eux a opté pour des destinations moins touristiques au sens traditionnel du terme. Pour eux, cap vers Harfleur et Gonfreville l’Orcher, villes membres de l’Association Française des Communes, Départements et Régions pour la Paix, réseau des Maires pour la Paix (Mayors for Peace). Des élus des deux communes (dont MarieClaire Doumbia, adjointe au maire, Marc Collet, conseiller municipal), de Nathalie Nail (suppléante du député Jean-Paul Lecoq), et des représentants du Mouvement de la Paix local sont venus les accueillir avec drapeaux et banderoles sur le quai Roger-Meunier. Le programme a débuté par une visite guidée dans Harfleur. François Guégan, maire et conseiller général, a présenté les nouveaux vitraux de l’église Saint-Martin. A Gonfreville l’Orcher, les Japonais ont été reçus au centre social AGIES où des photos de Naomi Toyoda, photojournaliste, revenaient sur la catastrophe à la fois naturelle et industrielle survenue au Japon en mars dernier. Des images qui illustraient les actions de solidarité animées par des jeunes volontaires de Peace Boat à Ishinomaki, ville touchée et meurtrie le 11 mars dernier. Au nom du député-maire, Cédric Pelletier, conseiller municipal délégué à la Culture et à la Culture de Paix, a parlé de l’engagement de la mu-
A sa suite, des Japonais habitant Osaka ou Kyoto ont voulu témoigner sur ce qu’ils ont vécu durant la catastrophe nucléaire provoquée par un tremblement de terre et un tsunami. Durement touchés par les méfaits du nucléaire militaire lors des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, le peuple japonais revit un cauchemar lié au nucléaire. Une tragique répétition qui les fait militer à présent pour le désarmement nucléaire, mais aussi pour l’arrêt du nucléaire civil. « Nous pensions vivre dans l’un des pays les plus sûrs du monde. Nous avons découvert que les 54 centrales nucléaires du pays peuvent être touchées par un accident similaire. La sûreté nucléaire est un mythe… » Pour la partie "militante", une exposition de photos fut présentée au centre social AGIES. L’aprèsmidi fut consacré à des rencontres conviviales au centre de loisirs René-Cance. Les membres de l’ESMGO Pétanque ont fait quelques parties de boules avec des Japonais, pendant que d’autres initiaient les Gonfrevillais à la calligraphie, à la magie. Enfin, des élus dont Marie-Claire Doumbia, Fabienne Dubosq, Thierry Rolland ainsi que des responsables associatifs ont raccompagné les visiteurs d’un jour au Havre. Ce fut alors l’occasion de parcourir le navire, The Oceanic, véritable petit Japon flottant, avec ses salles de conférences et d’activités, en compagnie de Laure Norest, l’une des coordinatrices internationales de Peace Boat. Le bateau pacifiste se rend ensuite en Russie, en Norvège, en République dominicaine, à Panama, au Guatemala et au Mexique. Avant de revenir au Havre l’an prochain.
campagne Ventes d’armes
Les armes dites ‘‘légères’’ Moraliser les ventes d’armes ? Les taxer comme pour les transactions financières ? Y mettre un terme ? Et si les armes dites ‘légères’ étaient considérées comme des armes de destruction massive ? Le débat est loin d’être clos.
S
elon l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel », les armes de destruction massive véritables ne seraient pas les armes NBC (nucléaires, biologiques et chimiques), mais bien les armes légères. La preuve ? Les 800 millions en circulation de par le monde seraient à l’origine de la mort de 95 % de toutes les victimes de guerre (civiles et militaires) depuis la Seconde Guerre Mondiale. Leader incontesté de ce tableau : la célèbre Kalachnikov (URSS, puis Russie), avec un peu plus de 100 millions e n c i r c u l a t i o n , p r é s ente à peu près partout dans le monde, suivies du G3 (Allemagne) avec 15 millions et le M16 (USA) avec 8 millions d’exemplaires. Dans ses versions anglaises, françaises et portugaises (car ces armes légères sont souvent fabriquées sous licence), le G3 a largement participé (des deux côtés) aux guerres africaines de décolonisation, puis inter-ethniques des années 60, 70 et 80. Le fusil d’assaut israélien Uzi fait également bonne figure avec 10 millions d’exemplaires. Le modèle allemand G36 fait un score plus modeste avec 400.000 exemplaires en circulation ; mais il est vrai qu’il est plus récent. C’est justement le fusil G36 qui est au centre d’une polémique en Allemagne. Alors que sa vente à l’étranger est censée être soumise au contrôle sévère du Conseil Fédéral de Sécurité, il s’est retrouvé massivement à la disposition des insurgés libyens, sans qu’aucune autorisation de vente n’ait (apparemment) jamais été
accordée. La justice allemande enquête. Notre Famas national a dû, quant à lui, être fabriqué à envir o n 5 0 0 . 0 0 0 unités. Jean-Paul Vienne
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Débat-Congrès
Être pacifiste n'est pas être passif Planète Paix termine ce mois la publication de contributions en vue du Congrès du Mouvement de la Paix et du Forum de la Paix qui le précède. Ainsi la parole est donnée à quatre acteurs de paix aux parcours et visions diverses.
M
e revendiquer comme militante pacifiste revient souvent à me justifier. Dans la conscience collective et même parmi des militants d'autres horizons, cela signifie bien souvent qu'on est un doux rêveur, une sorte de hippie inoffensif et donc inactif. Je ne me reconnais pourtant pas dans ce portrait là et il me semble que je n'ai pas encore rencontré de personnes correspondant à cette image quelque peu éculée au Mouvement de la Paix. Alors oui, je crois profondément et je le constate même souvent : on peut être pacifiste et actif. L'engagement pacifiste d'aujourd'hui est bien loin de la contemplation, il s'appuie sur un constat parfaitement raisonnable : il n'y a pas de monde durable possible sans la paix. Évidemment ce n'est pas tout de le proclamer, nous sommes terriblement loin d'un monde pacifié, on peut malheureusement le déplorer chaque jour en scrutant l'actualité internationale tout comme en allant faire les courses en bas de chez soi, la violence est un fait quotidien et omniprésent. Il serait irresponsable de s'en désoler sans agir, les pacifistes ne le sont pas. Agir pour la paix c'est d'abord un travail de décryptage de l'actualité puis de débats quotidiens, il s'agit par là de convaincre qu'il y une autre voie. Il est commun d'entendre par exemple qu'on ne peut pas se passer d'armes nucléaires. Les discours officiels sont bien ancrés dans les esprits et le prétexte de la dissuasion nucléaire semble souvent accepté. Notre travail est de les démolir, de montrer, faits historiques et scientifiques à l'appui, que l'existence même de ces armes est intolérable, qu'il est possible d'aller vers le désarmement en évoquant des solutions crédibles. Il en va de même pour
d'autres sujets de la guerre en Afghanistan aux budgets consacrés à l'armement etc. C'est finalement un travail aux allures pédagogiques. L'éducation à la paix passe inéluctablement par de longues discussions politiques mais s'exprime également dans des actions menées auprès des jeunes dans les établissements scolaires, dans les centres de loisirs, en invitant les uns et les autres à participer à la réflexion par des jeux, des mises en situation. Qu'est-ce que la paix ? Qu'est-ce qui empêche la paix ? Comment agir sur son propre comportement pour favoriser la paix ? Les enfants et les jeunes évoqueront plutôt des situations quotidiennes, des disputes qui peuvent paraître futiles mais qui demeurent des situations de non-paix et qui les touchent. Élargir le point de vue à a situation nationale ou internationale devient ensuite une évidence. Agir pour la paix, même à une toute petite échelle, est l'affaire de chacun. Cependant, ce travail de fourmi, s'il est absolument nécessaire ne saurait être suffisant.
En effet, l'action pour la paix doit être visible, médiatisée, pour convaincre l'opinion certes, pour faire pression sur ceux qui nous gouvernent et qui nous ignorent trop souvent surtout. Nous avons besoin de multiplier les actions ponctuelles fortes pour faire entendre la voix des pacifistes et pour en finir une bonne fois pour toutes avec cette idée que nous sommes passifs. Par ailleurs, si dans les comités du Mouvement de la Paix, on se plaint souvent du manque de jeunes impliqués, c'est peut-être parce que nous peinons à renouveler nos moyens d'action. Sans renier l'intérêt des débats, conférences, pétitions, je crois vraiment que ce qui peut rendre attractive l'action pour la paix auprès des jeunes et même plus largement auprès de tous ceux qui sont exaspérés par l'injustice ambiante, c’est en organisant des actions coup de poing, en s'inspirant par exemple des désobéissants qui réussissent à bousculer un peu les règles établies, en étant insolents et fiers des idées que nous portons face à ceux qui nous méprisent. Investissons les bases miliaires, harcelons les marchands de canons, dérangeons les députés et les ministres qui décident des budgets et des interventions militaires ou encore des lois à l'encontre des migrants qui attisent la haine au mépris du principe de solidarité qui nous est si cher. Le monde nous appartient, il est temps de reprendre la parole non seulement pour qu'il ne soit pas davantage abîmé par les violences d’État ou celles du quotidien mais aussi pour prendre en main la construction d'une alternative juste dont nous avons infiniment besoin. Aurélie Royon. Saint-Étienne
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Débat-Congrès
Pour s’emparer de la question sociale Louis Aminot, ancien technicien de l’arsenal à Brest, diplomé du Geneva International Peace Research Institute (GIPRI), est l’un des initiateurs de l’Université européenne de la Paix qui vient de fêter son 20ème anniversaire (cf. Planète Paix n°562). Il estime que le pacifisme doit mieux intégrer les autres luttes. En guise de contribution.
L
e Mouvement de la Paix exprime dans la critique sociale et historique. J’invite plein de choses pertinentes sur nos à l’inscrire pleinement dans les valeurs plus réalités contemporaines en crise, ouvertes de la Résistance et de son CNR, une par exemple, sur le nucléaire mi- autre optique de l’avenir. La paix ne peut se litaire et la Palestine. Création continue, la déployer hors de l’humain, de ses conflits et paix est sans cesse à travailler, à redéfinir, en contradictions. Elle est le cap le plus élevé du liaison avec les changements du monde. Pas combat pour l'émancipation tout comme la d'affolement, le Mouvement de la Paix ne peut échapper à l'obligation de chercher et d'expérimenter des voies nouvelles. Mais, plutôt que de difficultés organisationnelles, le Mouvement de la Paix ne continue-t-il pas à pâtir d’une perte de sens ? Celle-là même qui affecte dans son ensemble la mouvance de transformation sociale et démocratique ? Ses vieilles racines et notre "arbre de paix" parviennentelles encore à produire Louis Aminot lors d'une manifestation de soutien aux Tamouls, Paris 2009 les bourgeons et les fleurs propres à organiser en bouquets humains laïcité est le cap le plus élevé du combat pour les acteurs potentiels de la paix ? Y a-t-il une la tolérance. D'où l'importance de l'éducation populaire à la paix. D’ailleurs, au nom de la forme de décrochage d'avec la société. vocation première du Mouvement de la Paix, Valeurs de la Résistance n'a-t-on pas ces derniers mois choisi ici et là Comme l'expérience nous l'enseigne, une de ne pas agir contre le nucléaire militaire réduction durable de notre action à l’anti- avec ceux et celles qui - à mon avis avec raiguerre, notre matrice-mère, porte le risque son - faisaient le lien avec la catastrophe de d'étroitesse et de repli. Devons-nous en consé- Fukushima ? Ne nous faudrait-il pas oser daquence décréter « axe moteur », principal, vantage ? Pourquoi pas nous emparer, ici et voire unique, l’hypothétique "culture de paix" maintenant, de toutes les questions sociales, en opposition à la "culture de guerre" ? Dans économiques et écologiques, en les passant au une première lecture, cette hypothèse peut crible de nos conceptions « renversantes » élaséduire. Je ne suggère pas de la jeter aux or- borées démocratiquement ? La paix s'affirme ties. Je propose de la discuter et de l’insérer plus que jamais, au quotidien, en tant que 10
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pilier incontournable de la transformation sociale, écologique et démocratique. Prenons l’exemple des enjeux autour de l'eau, l’accès de tous à l'eau. Gestion publique ou privée ? Ne devrions-nous pas être partie prenante de toutes les initiatives qui "pressent" les collectivités locales et territoriales à opter pour la gestion publique ? Pain, paix, liberté, décliné dans tous les domaines du vivre ensemble, y compris dans sa dimension internationale, ce triptyque constitue le fondement de toutes les luttes de libération, ici et ailleurs.
Mouvement pour l’humanité ? Aux questions de paix, de sécurité et de solidarité internationales, s'entremêlent nécessairement celles du bien-être, du respect de l'Autre, de l’égalité, des libertés, de la démocratie, de la citoyenneté, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Rien de ce qui est humain ne nous est étranger ? Je le pense. Je suis donc favorable à l'ouverture du processus qui conduira le Mouvement de la Paix à se transformer, dans ses contenus, méthodes et engagements unitaires, en mouvement pour l'Humanité ! Osons la métamorphose afin d’offrir aux nouvelles générations indignées la possibilité d’assouvir leur désir ardent de s’engager. Louis Aminot
EN SAVOIR PLUS • www.politis.fr/Une-revolution-pacifique,8400. html
Débat-Congrès
Altermondialisme et lutte pour la paix Le néo-libéralisme, mis en place à la fin des années 70, correspond à « une liaison intime entre une option économique et sociale -la régulation par la marché mondial des capitaux- et une option politique conservatrice »1.
Manifestation d'Attac
EN SAVOIR PLUS • www.france.attac.org
L
e néo-libéralisme, mis en place à la fin des années 70, correspond à « une liaison intime entre une option économique et sociale -la régulation par la marché mondial des capitaux- et une option politique conservatrice »1.
Il lui a fallu un préalable pour s'installer : casser le mouvement ouvrier. L'écrasement des grèves des mineurs, en 84-85, disait qu'il n'y a pas d'alternative (TINA : There Is No Alternative) à la loi de fer de la révolution conservatrice portée par Margaret Thatcher en Grande Bretagne et Ronald Reagan aux États-Unis. Ce système s'est imposé sur une « évidence » : puisque les capitaux faisaient marcher l'économie, il fallait leur créer les meilleures conditions pour se déployer. En Europe continentale, dominée par les sociaux-démocrates à l'époque, de nombreuses réformes ont été menées, basées sur la libre circulation des capitaux. Toute la classe politique au pouvoir s'y est ralliée, ouvrant à la domination des marchés financiers. Au niveau international, la nouvelle logique devait casser le mouvement d'émancipation nationale pour s'imposer. En 7980, la décision de relever les taux d'intérêt de la Banque Fédérale Américaine (ils ont plus que quadruplé en 2 ans) a plongé les pays du TiersMonde dans la crise de la dette : les emprunts souscrits ne pouvaient plus être remboursés. Grèves, émeutes, pillages, milliers de morts ont marqué la mise en place par le FMI des politiques d'« ajustement structurel ». Les mesures préconisées étaient proches de celles imposées à la Grèce aujourd'hui : privatisations, réduction des salaires des fonctionnaires et des retraites, démantèlement des services publics... C'est à la fin des années 90 que le mouvement protestataire est devenu altermondialiste et s'est structuré avec les forums sociaux mondiaux et l'élaboration d'un nouveau modèle de société, fondé sur l'égalité d'accès aux droits et la notion
de biens communs (eau, ressources naturelles, mais aussi éducation, santé). A son tour, le modèle néolibéral est entré en crise. Sa logique de recherche de profits maximum entre en conflit avec le fonctionnement de l'économie. Et lorsque l'économie ne lui suffit plus, il satisfait sa faim insatiable de gain sur les marchés financiers : on connaît la suite avec la crise des subprimes, la spéculation sur les produits alimentaires, sur les matières premières, puis sur la dette souveraine des États. Pour fonctionner, le système capitaliste a besoin d'un marché et de ressources illimités. Ceci tient au cycle du capital, qui lorsqu'il se reproduit, a besoin d'étendre le marché pour accroître ses profits. Que la planète ait des limites lui importe peu : il les repousse, quelles qu'en soient les conséquences, comme on le voit actuellement avec la frénésie pour les gaz et huiles de schiste. La lutte pour le contrôle des ressources naturelles amène les conflits entre États, qui débouchent sur le monde de la « guerre permanente ». Face à cela, le mouvement altermondialiste prône un renversement complet des priorités : à la rivalité, il oppose la coopération entre les peuples, à la logique d'oppression, il oppose la logique de l'égalité des droits pour tous. Les relations internationales actuelles servent les intérêts des pays riches et puissants. Un nouveau système international, puis une gouvernance mondiale sont à construire, pour assurer à tous des droits sociaux et économiques basés sur la nouvelle démocratie que réclame, partout dans le monde, le mouvement des indignés. Les nouvelles relations à construire signifient la fin de la politique de domination, l'avancée vers un désarmement général, nucléaire puis conventionnel, avec en parallèle la construction d'institutions internationales de maintien de la paix : un grand champ d'action pour les forces attachées à la paix et l'émancipation de l'humanité. Daniel Hofnung
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« une stratégie altermondialiste » Gustave Massiah
Éd. la découverte 2011 N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Débat-Congrès
Pourquoi pas un désarmement unilatéral ? Jean-Marie Muller*, fin spécialiste de Gandhi, apôtre de la dissuasion non violente, directeur de l’institut pour la résolution non violente des conflits, estime qu’il est temps d’exiger pour la France, dans le domaine de l’armement nucléaire, via un référendum, de faire le premier pas. Un plaidoyer en faveur de la vertu de l’exemple. En guise de contribution au congrès.
EN SAVOIR PLUS • www.non-violence.fr/ • * Jean-Marie Muller est l’auteur de Le christianisme face au défi de l’arme nucléaire, Éditions Golias, 2011 12
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n tant que citoyens français, nous ne sommes pas directement responsables du désarmement mondial, mais nous le sommes entièrement du désarmement français. Dès lors, il nous appartient de rechercher la paix et la sécurité dans une France sans armes nucléaires. Tout le reste est littérature. Quand tout est dit, les Français ont la liberté de décider le désarmement nucléaire unilatéral de la France. Celui-ci est possible si les Français le veulent. Mais le fait est que jusqu’à présent, ils n’ont jamais eu la possibilité d’en débattre pour dire s’ils le veulent ou s’ils ne le veulent pas. C’est ce débat qu’il est urgent de susciter.
ment multilatéral et mondial, il souligne la valeur éthique et positive du « désarmement unilatéral ». (…) La France occupe sur l’échiquier mondial une place qui lui confère une responsabilité particulière. Si les Français décidaient de renoncer unilatéralement à l’arme nucléaire, leur décision aurait certainement un immense retentissement dans le monde entier. (…)
Alors que d’aucuns sont portés à laisser croire que le renoncement à l’arme nucléaire porterait atteinte à la « grandeur de la France », c’est probablement tout le contraire qui se produirait. Comment Il est étonnant et assez ne pas croire en effet incompréhensible que qu’il en résulterait un la réflexion de l’Église surcroît de prestige ait fait jusqu’à présent pour notre pays ? « Le l’impasse sur la notion de prestige, déclarait Ban « désarmement unilaté- De gauche à droite, Jean-Marie Muller, Lanza del Vasto, Jacques Pâris de Bollardière sur le plateau du Larzac pendant Ki-moon, le Secrétaire ral ». Pourtant, n’appar- la lutte contre l'extension du camp militaire. général des Nations tenait-il pas à l’Église, au nom même des valeurs évangéliques, d’encoura- unies, à Hiroshima le 6 août 2010, appartient non ger une telle perspective ? Tout au contraire, elle a pas à ceux qui possèdent des armes nucléaires, cru devoir la repousser. C’est ainsi que les Pères du mais à ceux qui y renoncent. » Sans nul doute, la Concile Vatican II n’ont pas hésité à déclarer dans capacité de notre pays de faire entendre sa voix Gaudium et Spes : « Pour que la réduction des arme- dans les grands débats de la politique internatioments commence à devenir une réalité, elle ne doit nale ne serait non pas affaiblie mais fortifiée. On certes pas se faire d’une manière unilatérale, mais à peut gager que partout dans le monde des femmes la même cadence, en vertu d’accords, et être assor- et des hommes salueraient la décision de la France tie de garanties véritables et efficaces. » (Article 82). comme un acte de courage qui leur redonne un Sur ce point, la rhétorique de l’Église s’est alignée peu d’espérance. Il importe de prendre la mesure de l’ampleur de la sur la rhétorique des États qui récuse le désarmement nucléaire unilatéral comme portant atteinte à tâche. Mais si les probabilités du désarmement nucléaire universel sont virtuelles, celles du désarmela grandeur de la nation et à la sécurité du peuple. ment nucléaire unilatéral de la France sont réelles. L’une des rares exceptions sur ce sujet est celle Pour renverser le régime nucléaire, il faut que les du cardinal Tarcisio Bertone. Secrétaire d’État du citoyen(ne)s osent organiser un véritable coup d’État Vatican, il a déclaré le 29 septembre 2006 devant pacifique par lequel ils prennent le pouvoir. L’analyse les représentants du corps diplomatique accrédités d’Étienne de La Boétie vaut parfaitement pour l’État auprès du Saint-Siège : « Le désarmement doit nucléaire : il « n’a de pouvoir que grâce à la collaboracomprendre tous les types d’armes, et devenir ain- tion volontaire de ceux qui lui sont asservis. Il suffirait si général, y compris l’objectif du « désarmement qu’ils décident de ne plus vouloir lui être assujettis unilatéral », qui revêt une grande valeur éthique et pour qu’il s’effondre de lui-même ». positive. » L’intérêt de sa déclaration est qu’au lieu de reprendre le discours convenu sur le désarme-
On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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Au jour le jour Antarctique Signé à Madrid le 4 octobre 1991, le Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement est entré en vigueur en 1998. Il désigne l’Antarctique comme une “réserve naturelle consacrée à la paix et à la science” (Article 2). L’article 3 de cet instrument définit les principes fondamentaux qui s’appliquent aux activités humaines dans l’Antarctique. L’article 7 interdit toutes les activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique autres que la recherche scientifique. Jusqu’en 2048, il ne peut être modifié qu’avec l’accord unanime de toutes les Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique. De surcroît, l'interdiction des activités relatives aux ressources minérales de l'Antarctique continue, à moins que ne soit en vigueur un régime juridique obligatoire concernant lesdites activités (Article 25.5). Et pourtant…
Armes suisses Un nouveau rapport d’Amnesty International se penche dans le rapport « Arms transfers to the Middle East and North Africa sur l’exportation d’armes au Moyen Orient et en Afrique
du Nord. Il examine le type d’armes utilisées pour réprimer les soulèvements au Bahreïn, en Egypte, en Libye, en Syrie et au Yémen ainsi que les principaux fournisseurs de ces armes depuis 2005. La Suisse est mise en cause dans la liste des pays fournisseurs. Elle a régulièrement exporté des armes (armes à feu et munitions) vers l’Egypte (2005 à 2009) et vers le Bahreïn à partir de 2006. Contrairement à d’autres pays comme la France, l’Espagne ou la Belgique, la Suisse n’a pas décidé de stopper ses exportations d’armes vers le Barheïn lorsque les mouvements de protestations ont commencé
Conflits zappés en Afrique Le Festival international de géographie (FIG) de Saint-Dié a consacré hier une conférence de haut niveau à cette troisième plaie du continent et tordu le coup aux fausses évidences. Comme celle qui veut que ces conflits endémiques soient essentiellement des crises ethniques : « Non, tranche Pierre Boilley, le directeur du centre d’étude des mondes africains (CEMAF), la cause principale est la conquête du pouvoir ». Cinquante ans après le grand
mouvement de décolonisation des années soixante, le bilan est sans appel. Selon Roland Pourtier, géographe, professeur à la Sorbonne et expert de l’Afrique, ces crises incessantes, « qui ont fait probablement neuf millions de morts, ont sans doute coûté autant… que la Deuxième Guerre mondiale ».
Le Népal complètement déminé Au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée dans la vallée de Katmandou, le Premier ministre Jhala Nath Khanal, ainsi que le chef d’État-major de l’Armée, ont chacun fait détonner les dernières de 12 070 mines terrestres posées dans l’ensemble du pays durant les dix années de conflit armé. Rendant hommage aux forces de l’Onu qui ont contribué au déminage, le Premier ministre a souligné le chemin parcouru par son pays depuis 2006 pour se relever du conflit armé et « construire un Népal pacifique ».
Morts à l'île Longue – questions Deux ouvriers sont morts dans un atelier de missiles nucléaires sur la presqu’île
de Crozon, en 2005. Qui est responsable ? Le tribunal devra prendre une décision le 10 novembre prochain.
Le tour du monde en onze ans Il avait quitté Montréal, le 18 août 2000 pour un périple à pied. Depuis, il a parcouru 75.500 km et 64 pays en 4.077 jours. Il s’agit de Jean Béliveau, un quinquagénaire du Canada, qui vient de retrouver les siens. A son retour, il a déclaré que sa « vraie mission » commençait maintenant et qu'il chercherait à promouvoir un « vrai ministère de la Paix » au sein du gouvernement fédéral canadien. Ce ministère, a-t-il expliqué devant la presse, devrait "chapeauter des organismes de paix" et créer un "corps pour enseigner la paix dans les écoles et les institutions", ainsi qu'un "corps de volontaires pour l'étranger". Puisque les idées viennent aussi en marchant, il faut ajouter que celle-ci est promue par l'Initiative pour un ministère canadien de la Paix, une nouvelle ONG qui n’a pas l’intention de se faire marcher sur les pieds.
A vos agendas • Du 26 au 29 novembre 2011 aura lieu une rétrospective consacrée au Cinéaste René Vautier au Cinéma de Saint-Junien(HauteVienne). Il y sera projeté le film "Mission Pacifique", un film introuvable et qui pourtant mérite toute notre attention : "1988, 54', documentaire. « Autours de prises de vue effectuées lors des explosions atomiques dans le Pacifique et du naufrage du Raimbow Warrior, analyse en confrontation des opinions d'amis de la France, d'Australie, Nouvelle Zélande, Tahiti » (René Vautier)... Mission Pacifique nous emmène dans les îles où sont effectués les essais nucléaires français. Invités : Régis Meyer, délégué régional Charente de l'AVEN Albert Drandov, auteur de la BD « Au nom de la Bombe » (10 histoires sur les essais nucléaires français s'appuyant sur des dossiers classés secret défense) 14
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• Dans le cadre de la 14ème édition de la Semaine de la Solidarité Internationale à Clichy : Concert de Tiken Jah Fakoly qui aura lieu le 19 novembre prochain au théâtre Rutebeuf. Billetterie en vente au Théâtre Rutebeuf au tarif de 18 euros. L’ensemble des recettes sera reversée à l’ONG « Un concert, une école » créée par Tiken Jah Fakoly pour la construction d’écoles. Renseignements : Service des Relations Internationales Tél. 01 47 15 31 61
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Les Larzac ici et ailleurs
• Caylus La grande Muette fait du bruit Le ras-le-bol des riverains • Avord Une base qui voit loin • Larzac dans le monde Les Sud-coréens contre Jeju • Film Le Larzac vit toujours
Le ministère de la Défense possède plus de 250.000 hectares de terrains en France. C’est le premier propriétaire terrien. Il y a 40 ans, des paysans se sont mobilisés contre l’extension du camp du Larzac. Aujourd’hui, les militaires s’entraînent toujours autant, et un peu partout en France... Occuper du terrain, ils savent faire. Que ce soit à Caylus, à la Courtine, (cf. PP. 564), à Avord (cf. PP 564 en couverture), à Sissone.... N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Caylus
La grande Muette fait du bruit Depuis la loi sur le bruit de 1992, la société française n'est plus dans le déni ni de la gêne sonore ressentie dans un environnement bruyant ni des impacts sanitaires sur le système auditif que peuvent
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ette sensibilité au bruit dans le contexte de réorganisation des armées a conduit les ministres en charge de la défense et de l'environnement à mettre en place un groupe de travail. Ceci a donné lieu à la publication d'un rapport sur la réduction des nuisances sonores générées par les aéroports d'État de messieurs Borger et Moyen. Suite à quoi fut signé en février 2001 entre les deux ministères un protocole d'accord destiné à formaliser les mesures recommandées. Et notamment, la création d'une instance de concertation, de suivi et de proposition mixte Défense/Environnement à l'échelon national, dite commission mixte sur les nuisances sonores des aérodromes militaires (mission IGE/P/043). Cette commission est citée dans le rapport sur les impacts sanitaires du bruit de l'AFSSE (en ANSET) publié en 2004, qui précise : sur les 41 bases militaires recensées par ce rapport, une charte de qualité de l'environnement sonore est en projet sur 24 d'entre elles et déjà signée sur deux d'entre elles (Reims-Champagne et Orange-Caritat) ; des
occasionner des bruits insupportables. Le milieu militaire n'en est pas préservé* * chaque année, le bulletin épidémiologique des Armées déclare environ 900 cas de traumatismes sonores aigus. Et en 1996, parmi les officiers de l'Armée de Terre, âgés de 32 +/- 4 ans, 29 % avaient des acouphènes quasi permanents et 44 % des acouphènes intermittents.
EN SAVOIR PLUS • www.actu-environnement.com 16 16
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Camp d'entraînement de Caylus
chartes qui évoquent les moyens et les procédures pour réduire sensiblement le bruit de ces bases. Sur ces 26 bases militaires, 16 concernaient l'armée de l'Air, 5 la marine nationale et 5 l'armée de Terre. Dans le dernier rapport de l'inspection générale de l'environnement publié par La Documentation française en 2008, cette commission est encore active. Qu'en est il aujourd'hui, alors qu'en France s'est enclenchée la dynamique de mise en conformité à la directive européenne 2002/49/CE du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement ? Ce qui se concrétise par la mise en place de cartographies du bruit avec prise en compte des infrastructures aux émissions sonores conséquentes, et de plans de prévention du bruit dans l'environnement. Camille Saïsset, Auteur du dossier thématique sur les nuisances sonores
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Le ras-le-bol des riverains Bien que le camp de Caylus ait été "déclassé" en 2008*, où en est-on ? Quel traitement réserve-t-on à ce territoire, autre que la rationalisation des efforts pour les entraînements ?
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ans un souci évident de "rentabiliser" le camp sous les nouvelles conditions, les autorités militaires ont décidé d'y implanter une "école de formation de parachutistes", principalement pour une formation "technique". En même temps, avec le même souci de procéder à du "remplissage", le camp a accueilli des troupes venant de loin, les Chasseurs Alpins par exemple. Les tirs lourds, (en particulier la mitrailleuse lourde, pour laquelle on a même ouvert un deuxième pas de tir) les explosions, les survols de Transall à basse altitude, d'hélicoptères, le passage sur des routes communales de convois de camions lourds, se poursuivent. Cela fait dix ans que les riverains s’en plaignent.
Pollutions sonores Malgré son changement de statut, le camp continue de recevoir la visite des "forces spéciales", présentes sur le camp en ce moment, soumises à aucun contrôle ; les habitants subissent donc les survols de leurs maisons d'hélicoptères et de Transall incessants, jour et nuit, (jusqu'à minuit, et avant 6h. du matin), et les tirs lourds et explosions continus. Devant l'absence de prise de responsabilité des maires, l'Association de Défense des Riverains du Camp de Caylus ou ADRICC -qui compte 600 membresa lancé une pétition en 2009. Celle-ci est destinée à mobiliser les populations contre une aggravation des nuisances provoquées par le camp militaire. En effet, les récentes restructurations de l'armée qui ont entraîné la fermeture des sites (bases et camps) font craindre un regroupement des activités sur les camps conservés et donc aussi celui de Caylus.
• le démantèlement de tous les pas de tirs d’armes lourdes trop proches des zones riveraines • l'arrêt des tirs de fortes puissances qui produisent vibrations et effets de souffle dégradant ainsi nos maisons et le bâti régional. En particulier, tirs de missiles et de roquettes A4. • la construction de protections phoniques sur tous les pas de tirs armes légères situés à moins de 2 kilomètres des habitations • l'interdiction de tous les vols d'hélicoptères la nuit. Leurs rotations rendant infernale la vie des riverains. Si, pour les représentants de l’ADRICC, c’est le seul moyen de limiter la pollution et la destruction de l'environnement, l'Association des Maires Riverains du Camp n'a pas cru devoir réagir à cette pétition, et les autorités militaires ont gardé le silence, (sic) en dépit des promesses faites depuis 2008. B.C. avec des représentants de l’ADRICC
Interrogée par Planète Paix, l’ADRICC explique que son « objectif est d'établir des règles de bon voisinage -sorte de "gardefous"- qui, tout en permettant à l'armée de s'entraîner, préserve le cadre de vie et la quiétude des riverains ». Cette pétition a été signée par 1.653 habitants riverains du camp, soit la grande majorité.
La pétition Les signataires demandent à Monsieur le ministre de la Défense et aux autres autorités compétentes : • l'interdiction effective de tout tir ou activité bruyante du vendredi 18h. au lundi 9h. • l'interdiction effective de tout tir ou activité bruyante après 22h.
*voir PP numéro spécial sur environnement
EN SAVOIR PLUS • www.caylus.com/fr/economie/lecamp-militaire.html N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Avord
Une base qui voit loin La base aérienne 702 Avord de l'Armée de l'Air française est la seconde plus grande base aérienne de France après la base aérienne 125 Istres-Le Tubé. Elle est située sur les communes de Farges-en-Septaine et d'Avord, à vingt kilomètre de Bourges, dans le département du Cher.
"Die in" devant la base d'Avord le 13 juillet
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a position privilégiée au centre de la France en fait une des bases majeures du dispositif de l'Armée de l'air et une plateforme essentielle pour notre pays. Son emprise s'étend sur plus de 1.100 hectares dont près de 880 sont clôturés. C’est une base stratégique de premier plan, comprenant notamment : une école militaire, un escadron de défense sol-air, un groupement d'entretien et de réparation des matériels spécialisés
Avord et les Awacs Tout le monde ne pariait pas sur cette évolution : il y a vingt ans, avec le départ 18
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des Mirage IV, le risque de voir la BA702 s'affaiblir, voir péricliter, était réel. L'arrivée en décembre 1990 des unités de détection aéroportée équipée d'avions radars ou "AWACS" devant assurer la surveillance de tout le territoire a, alors, inversé cette tendance et permis à la base de trouver un nouveau départ. Sur le plan technique, les quatre E-3F qui constituent sont en cours de rénovation de leurs systèmes de communication et leurs systèmes informatiques. Cette rénovation de mi-vie débutera en 2012 dans les ateliers d'Airbus Industries au Bourget, pour se terminer en 2015. À cette date, les Awacs disposeront de
moyens techniques et opérationnels très supérieurs. Ils seront alors prêts à assurer leurs missions pour les 20 à 25 années qui viennent. En plein développement, l’intérêt stratégique de la base d’Avord va donc croissant. D’ailleurs, elle emploie quelques 2400 personnes civiles et militaires. Elle est le premier employeur du Cher mais également l'une des toutes premières entreprises du département par les flux financiers qu'elle induit.
EN SAVOIR PLUS • www.ba702.air.defense.gouv.fr
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Larzac dans le monde
Les Sud-coréens contre Jeju Les Américains ont quitté la Maddalena en Sardaigne en 2008 ; ils ont fini par abandonner la base de Viegues à Porto Rico en 2003. Mais comme un train peut en cacher un autre, il ne faudrait pas qu’une base militaire en cache une autre. A quelques milliers de kilomètres, des citoyens sud-Coréens vont-ils se laisser dicter un avenir militarisé ?
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es militaires savent sélectionner. En France, tout comme en Corée du Sud. Si De Gaulle et ses militaires sont parvenus à s’emparer de sites aussi féériques que ceux du côté de Roscanvel et Ile Longue, d’exproprier de tous les habitants de Guenvenez, sur la presqu’ile de Crozon, les Sud-coréens sont pressés de montrer qu’ils ont le même raffinement pour la sélection et la même arrogance. En Corée justement, les militaires ont décidé de jeter leur dévolu sur un endroit unique, un site classé réserve de la biosphère par l’Unesco* -dont le rocher de Gureombi dans le village de Gang Jeong, où des espèces en voie de disparition sont censées être préservées et qui le seront beaucoup moins en présence des bâtiments qui vont s’entraîner pour de futures batailles navales.
On le voit, l’affaire ne date pas d’hier même si la presse française en fait rarement état. Les autorités ont sélectionné GangJeong dès 2007. Cela fait donc presque 5 ans que deux camps s’opposent, d’un côté la Marine, de l’autre, les habitants de l’île. En décembre 2010, plus de 30 manifestants dont 2 résidents locaux ont été arrêtés pour avoir tenté de perturber la cérémonie de lancement des travaux. Les résidents sont désormais soutenus par d’autres manifestants qui viennent leur prêter main forte. De nombreuses arrestations ont eu lieu cet été. De plus en plus de membres de Twitter et de blogueurs de la Corée du Sud se
Cet endroit paradisiaque, surnommé île de beauté, ou île de la paix, peuplée de 800.000 habitants, est-elle en danger ? A en croire l’amiral Koo « c’est purement défensif. La Corée du Sud est menacée par la Corée du Nord. La construction de cette base est, rapporte GoodPlanet, le minimum pour protéger Les Sud-coréens contre la base militaire à Jeju notre territoire maritime et éviter des provocations du Nord ». Mais la description est par- joignent au mouvement. Un congrès de l’Union tielle, partiale. La côte de Jungdeok voit non seule- internationale pour la conservation de la Nature ment le passage des dauphins migrants de l’Alaska (IUCN) s’est tenu dans la région en septembre au cours de l’été, mais ses eaux sont aussi connues 2011. La tension monte depuis quelques mois. mondialement pour les centaines de femmes co- Les enjeux dépassent les considérations des maréennes, les Haenyo qui y plongent pour chercher rins : l'île de Jeju, située au sud-ouest de la pénindes fruits de mer et des algues, à la base de l’ali- sule coréenne, est l'île la plus visitée du pays. ça mentation sud-coréenne. En 2005 -déjà ! -le New fait désordre. L’opposition s’en mêle et de plus en York Times a publié un article sur ces femmes. La plus nombreux sont ceux qui voient d’un mauvais Base navale, rappelle aussi une pétition de l’asso- œil qu’un des sites favoris du pays soit transformé ciation coréenne en France, détruira les eaux dont en sarcophage de béton. dépendent les Haenyo et les pêcheurs. Ben Cramer Les villageois ne se font aucune illusion sur les déclarations apaisantes des autorités galon- * Bien que l’Unesco pose des condition dans le choix des nées, notamment les affirmations de la Marine sites protégés comme on l’a vu pour le mont Saint-Michel, selon lesquelles la base n’aura qu’un faible impact on se demande pourquoi le critère militaire n’y figure pas… environnemental. N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Les larzac ici et ailleurs
Film
Le Larzac vit toujours Les Français ne s’y attendaient pas lorsqu’en 1971 - eh oui il y a 40 ans ! - Michel Debré, alors ministre de la Défense va préconiser l’extension du camp du Larzac. Il explique alors qu’il est nécessaire de l’étendre, ce que le président Valery Giscard d’Estaing ne remettra pas en question durant son septennat. aussi de remises en question, avec la proximité d’autres populations/ générations sur le plateau et qui font dire à l’une des témoins de l’époque : « Entre le ‘pas d’armée du tout’ et ‘l’armée au service du peuple’, on a tout entendu ici et suivi tous les débats ». Formidable.
Une success story
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e film ‘Tous au Larzac’ de Christian Rouaud qui sort le 23 novembre à Paris dans les salles retrace, fait revivre ses dix années (1971-1981) de luttes face à l’armée de Terre, persuadée d’être dans son bon droit, et incapable d’imaginer que des civils, habitant dans des hameaux, armés de convictions sur leur droit à la Terre, vantant des produits pour la vie, pourraient contraindre des chars et des CRS à faire marche arrière. Incroyable. En l’espace de deux heures, Rouaud fait revivre dix années de résistances non-violentes, -de la grève de la faim de certains paysans avec Lanza del Vasto- en passant par l’occupation de maisons, et d’autres formes de désobéissance civile. Dix années entrecoupées
Le titre est juste. Il est juste car on se rend compte avec le recul que le slogan Gardarem lou Larzac était devenu populaire, que la France comptait des centaines de comités Larzac dans tout le pays, que les marches avaient eu leur impact médiatique. Je comprends mieux pourquoi les étagères des bibliothèques des universités britanniques sont remplies d’ouvrages sur le Larzac. A Bradford, les profs m’ont souvent demandé pourquoi les militants français, les pacifistes notamment, ne s’appropriaient pas cette victoire, alors que ce combat était applaudi et forçait le respect sur toutes les latitudes.
Méthodes à la Gandhi Les paysans ont beaucoup appris « dans la lutte », le film le montre bien. Ils ont eu la légitimité, d’où le soutien d’une partie de la population acquise à leur cause. D’ailleurs, ils ont su sans se faire entendre en ayant recours à des méthodes qu’un adversaire peut difficilement contester ou ridiculiser. La meilleure preuve ? Une manif sans slogan, sans sono, sans un son, juste le son des cannes sur le macadam. D’une dignité impressionnante. Un message d’une efficacité redoutable. Le film restitue ce moment his-
torique lors d’une marche sur la capitale. Le spectateur retient son souffle. Les témoins de l’époque tentent de raconter mais émus aux larmes, ils s’étouffent presque en en parlant. C’est aussi là, à travers cette relecture des faits, cette restitution de l’histoire -avec les premières tentatives d’expropriations dès 1972, le plasticage de la maison d’un paysan qui a failli causer beaucoup de morts- qu’on se rend compte que l’affaire du Larzac n’était pas un divertissement de quelques baba cool, d’écolos marginaux avec leur chèvre ou brebis, comme cela fut présenté à l’époque pour discréditer ces paysans antimilitaristes par accident. Le Larzac fut une mobilisation murement réfléchie, avec une stratégie sur le long terme, avec une solidarité sans cesse retravaillée. Il y a eu un côté Woodstock, oui, « mais un Woodstock politique » rappelle dans le film José Bové. C’est à travers le récit sans complaisance de dix personnages-clefs -les 9 humains et le paysage, très présent dans le film, qui se manifeste à intervalles réguliers- qu’on comprend comment et pourquoi l’armée n’a pas pu envahir d’autres terres, comment elle a dû céder du terrain, ce que la victoire de Mitterrand aux présidentielles viendra confirmer. Le réalisateur nous montre et nous démontre avec talent et sensibilité, comment l’armée a été impuissante face à une manif de brebis sur le Champ de Mars, face à une centaine (103) de paysans, avec lesquels des millions de Français se sont identifiés ; comment l’armée a perdu la face, au fil des années. Même si quelques soldats en partance pour l’Afghanistan, s’entraînent aujourd’hui non loin de la Cavalerie… Ben Cramer N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Portrait Le Nobel de la paix
Le prix de l'engagement des femmes
Ellen Johnson Sirleaf, Leymah Gbowee et Tawakkul Karman ont reçu, conjointement, le 7 octobre dernier, le Prix Nobel de la Paix. Portraits croisés.
* PP a déjà consacré un portrtait à l’une des mères du pacifisme. Jean-Paul Vienne a rappelé qu’elle a combattu le racisme, l’antisémitisme, le colonialisme,
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llen Johnson Sirleaf préside à partir de 2005 les destinées du Libéria, pays de quatre millions d'habitants traumatisé par des guerres civiles qui, de 1989 à 2003, ont fait 250 000 morts. Elle devient par la même occasion la première femme élue chef d'État sur le continent africain. Auparavant, elle a occupé le poste de ministre des Finances. Dans son combat contre la corruption, elle sera par deux fois expédiée derrière les barreaux. Sa compatriote, Leymah Gbowee, est récompensée pour son travail de mobilisation et d'organisation des femmes de toutes ethnies et de toutes religions pour mettre fin à la guerre civile et garantir la participation des femmes aux élections. Militante pacifiste, "La guerrière de la paix"
a contribué à mettre fin aux guerres civiles dans son pays. Elle exhorte les femmes à prier pour la paix – ce qu'elles font sans distinction de religion, souvent vêtues de blanc, et à faire la grève du sexe, obligeant le régime de Charles Taylor à les associer aux pourparlers de paix. La Yéménite, Tawakkul Karman, a œuvré pour la paix, la démocratie et les droits des femmes avant et pendant le "printemps arabe". La lauréate a dédié ce prix à « tous les activistes du printemps arabe », indiquant qu'il s'agissait « d'un honneur pour tous les Arabes, les musulmans et les femmes ».
Les femmes prix Nobel de la paix depuis 1901 2011 : Ellen Johnson Sirleaf, du Liberia, Leymah Gbowee du Libéria et Tawakkul Karman du Yémen 2004 : Wangari Maathaï, du Kénya, ex-ministre de l’environnement et présidente de Greenbelt 2003 : Shirin Ebadi, Iran, avocate, pour les droits humains et de la démocratie 1997 : Jody Williams, États-Unis, coordinatrice du collectif pour l'interdiction des mines antipersonnel, ICBL 1992 : Rigoberta Menchu, Guatémala, pour la reconnaissance des droits des communautés indiennes. 1991 : Aung San Suu Kyi, Birmanie, chef de file de l'opposition. 1982 : Alva Myrdal, Suède, ministre du Désarmement. 1979 : Mère Teresa (Inde) pour son engagement auprès des pauvres et orphelins de Calcutta. 1976 : Betty Williams et Mairead Corrigan, Irlande du Nord, dirigeantes de Community of Peace People, pour la fin des violences confessionnelles. 1946 : Emily Greene Balch, États-Unis, présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. 1931 : Jane Addams, États-Unis, présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, pour son travail auprès des pauvres de Chicago,. 1905 - Bertha Sophie Felicita von Suttner*, Autriche, présidente honoraire du Bureau international permanent pour la paix.
la peine de mort. N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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MONDIALISER LA PAIX Le Sahara occidental
Une tragédie oubliée Le 4 novembre a été présenté au Memorial de Caen le film "El Problema", prix Amnesty International 2010, en partenariat avec l'association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique, en présence du réalisateur et de l'avocate France Weyl.
Campement de protestation à El Aaiun
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ans les camps de réfugiés au Sud de l’Algérie, depuis 35 ans, les familles scolarisent leurs enfants. Elles s’efforcent de protéger leur jeunesse du désespoir et des maladies dues à la malnutrition et aux conditions de survie dans cette région. Tandis que L’Union européenne verse des subventions au Maroc pour surexploiter les richesses halieutiques dans les eaux territoriales du Sahara occidental, alors que les petits pêcheurs sahraouis n’ont plus le droit d’y accéder1. Depuis le 8 novembre 2010, jour du démantèlement sauvage du campement de protestation de Gdeim Yzik, organisé à une quinzaine de kilomètres d’El-Aaiún occupé, 64 prisonniers d’opinion sahraouis, incarcérés, croupissent dans les prisons marocaines, sans jugement. Le « mur de la honte » construit à partir de 1980, long de 2.700 km du Nord au Sud, est gardé par une armée de 160 000 soldats suréquipés, une armée qui dévore 5% du PIB du Maroc, soit plus de 7 millions d’euros de dépenses par jour.
L’Onu
EN SAVOIR PLUS • www.elproblema.net/
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Les deux parties sont renvoyées dos à dos en les isolant dans un processus de négociations informelles, comme si les moyens actuels du Maroc (et
son budget de lobbying) et ceux des représentants du Front Polisario étaient équivalents ! Au Conseil de sécurité, la France est le seul État à bloquer la possibilité pour la mission onusienne MINURSO2 de contrôler le respect des droits de l’homme dans ce territoire non autonome, comme sont chargées de le faire les seize autres Missions de paix dans le monde. Le ministre Alain Juppé ne sait-il pas ce qui s’y passe malgré les nombreux rapports que diverses ONG ont pu lui faire parvenir3 ?
Les médias L’agence officielle marocaine, MAP, qui relaie mensonges et dénigrements, s’illustre à sa manière : une dépêche du 25 août 2011 « annonce » que « quelques 556 mercenaires du Front Polisario, appelés en renfort par les troupes de Kadhafi, ont été arrêtés par les combattants du Conseil National de transition libyen (CNT) » Sauf que le régime de Kadhafi a cessé toute aide à la lutte du peuple sahraoui… depuis juillet 1982 pour sceller, par la suite, une union en 1984 avec le gouvernement marocain appelée ‘Union Arabo-africaine’ dans un marchandage sordide qui consistait en un soutien libyen multiforme (financier et en armement) … en contrepartie de la remise par le gouvernement marocain d’opposants libyens exilés au Maroc.
Bref, couvrir les événements au Sahara occidental n’es pas un long fleuve tranquille : depuis octobre 2010 par exemple, cinq correspondants d’Al Jazeera ont perdu leur accréditation au Maroc4 ! Le 8 octobre 2011, à Bayeux (Calvados), dans le cadre des manifestations du prix des correspondants de guerre, j’ai exhorté publiquement ces reporters professionnels à se rendre, pour le prix 2012, au Sahara Occidental, dernier territoire occupé en Afrique. L’un d’entre eux m’a confié que les images de du SO occupé par le Maroc depuis 1975 existaient mais qu’elles « ne passaient pas », en raison du blocage de certains rédacteurs en chef de différents médias ! Dans un article intitulé "Sahara occidental Timor Est", je concluais en octobre 1999, « Tout combat pour la défense des droits d'un peuple, même s'il ne se déroule pas à deux heures d'avion de Paris, mérite que chaque citoyen soucieux d'égalité et de justice en soit informé afin qu'il puisse lui apporter son soutien. »5 Mireille Brun Membre du bureau de l’AARASD Coordinatrice du projet/ Mémorial et Sahara occidental www.fishelsewhere.eu/index.php?cat=195&art=1022
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Mission des Nations Unies pour la mise en place
d’un référendum d’autodétermination au Sahara Occidental créée en 1991 après le cessez-le-feu 3
http://ap-so.blogspot.com/2011/04/sahara-occiden-
tal-juppe-nest-pas_08.html 4 5
source : Human Rights Watch www.sahara-occidental.com/pages/informer/his-
toire/chap12/page1.htm
Le mur de la honte
(SPS) Avec une longueur de 2.720 km, construit en six étapes, gardé par 160.000 soldats armés, 240 batteries d’artillerie lourde, plus de 20.000 km de fil de fer barbelé, des milliers de blindés et des millions de mines antipersonnel, interdites par les conventions internationales, le “mur défensif” marocain, connu maintenant sous le nom de “mur de la honte”, est une grande muraille qui divise tout un peuple et son territoire depuis un quart de siècle et en connaissance de toute la communauté internationale. Il s’agit d’une fortification militaire qui a provoqué des centaines de victimes d’un côté et de l’autre, parmi lesquelles des civils sahraouis qui ont voulu le franchir ou des milliers d’animaux à la recherche de pâturages. Surveillé par des douzaines de radars de longue et moyenne portée, appuyé par l’aviation militaire, avec des milliers de chars blindés, des missiles, roquettes, artillerie lourde et bombes à sous-munitions, ce “crime contre l’Humanité” continue à défier tout le monde avec ses mines, ses barbelés, fossés, armes de tout acabit, munitions et soldats. Construit en 1980 pour diviser le Sahara Occidental et séparer les familles, il a coûté des millions de dollars et dont l’entretien coûte tant et plus. ( Voir sur la carte ci-dessus les principales étapes de sa construction).
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MONDIALISER LA PAIX Diplomatie atomique
La Conférence du Désarmement en sursis Le désarmement est-il en panne ? Peut-on s’attendre à un sursaut d’ici la conférence de révision du TNP à Vienne en mai 2012 ? Peut-on miser sur des négociations pour une zone dénucléarisée au Moyen-Orient ? Réponses d’un vieux routier de la diplomatie atomique, Aaron Tovish, directeur international de l’association Vision 2020
Aaron Tovish
ue se passe-t-il avec la conférence du désarmement (CD) à Genève ? Aaron Tovish : Cela fait 15 ans qu’il ne s’y passe rien. Alors que la Conférence était censée mener à bien des objectifs multilatéraux, une tâche qui lui fut assignée par le Traité de Non prolifération nucléaire (TNP), la CD s’est illustrée par son inutilité. Paralysée. Mais sans faire de bruit. Car, comme m’a confié un jour un diplomate d’un État nucléaire : “nous n’avons jamais dit que nous étions mécontents ; pourquoi le ferionsnous aujourd’hui ?”
matières fissiles (le “Cut-off”). Aujourd’hui, c’est le Pakistan qui fait la forte tête (cf. article “Le Pakistan, un empêcheur de dénucléariser en rond”, Planète Paix n° 560 de mars 2011), il exige qu’il y ait une transparence sur lesdits stocks. On pourrait se demander pourquoi les autres -après tout ils ne sont que neuf (États)- seraient contre le principe de la transparence.
Donc tout le monde est satisfait de la situation ? A.T. Disons que dans le lot il y a suffisamment d’États qui sont contents, suffisamment pour qu’il n’y ait pas de pression. Quelques États, toutefois sont frustrés.
Est ce qu’on détient les ‘coupables’ ? A.T. : Oh, vous savez, ils se relaient avec le temps. Chaque époque a connu son détracteur. Y a eu l’époque où la Chine et la Russie bloquaient pour qu’on parle de la militarisation de l’espace. Puis, ce fut le tour des États-Unis durant l’ère Bush de s’opposer à un traité d’interdiction des 26
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Et ces États frustrés n’ont rien à proposer ? A.T. Si, bien sûr. Y a même à l’heure qu’il est trois résolutions sur la table qui devraient être soumises à l’Assemblée générale. L’une est canadienne. L’idée : mettre en place un groupe (gouvernemental) d’experts, qui serait
Salle de la Conférence du Désarmement aux Nations unies
une sorte de prolongement de l’initiative P5 à Paris au moins de juin et l’idée serait de ne pas se limiter à la question du traité Cut-off mais à tout le calendrier du désarmement, pour tenir compte des exigences des États non détenteurs d’armes nucléaires
La deuxième résolution ? A.T. La deuxième est soutenue par le trio Autriche-Mexique-Norvège. Elle met en avant la perspective d’un monde débarrassé des armes nucléaires. Cette résolution vise aussi à mettre un terme à la procédure en cours selon laquelle un État avec son droit de véto, peut bloquer tout le processus, comme cela se fait à Genève depuis 15 ans. L’idée est donc de faire pression sur les États membres de la CD (65 pays) en misant sur le fait qu’ils comprendront qu’en acceptant cette résolutions, cela correspondra avec la “bonne foi” sur laquelle repose l’article VI du TNP. Une “bonne foi” qui sera testée avant l’AG de l’ONU en octobre, lors de la conférence de révision à Vienne en mai 2012. La troisième révolution vise surtout à lancer un appel du style “le monde entier vous regarde”. Les initiateurs de celle-ci craignent tout simplement que les deux autres résolutions ne vont pas receuillir de majorité significative".
Il n’y a pas de pressoin de la part des ONG ? A.T. Il n’y a que la Ligue Interntionale des Femmes pour la Paix et la Liberté (WILPF en anglais) qui suit les débats attentivement et qui publie sur son site internet “Reaching critical will’. Mais c’est la seule ONG qui accomplit ce travail. D’autre part, il faut bien voir que le problème nucléaire est pointu. Contrairement aux enjeux relatifs aux mines antipersonnel, le problème du ‘nettoyage/décontamination est restreint, donc l’idée de miser sur l’Onu plutôt que sur un processus comme Oslo
Les Français ont une position particulière dans le débat sur le désarmement nucléaire ...
dans la croyance et le pari : « Si tu libères le barbare qui est en toi, alors tu en subiras les conséquences ». Créer et s’accrocher à une arme capable de porter atteinte à la planète, provoquer un désastre pour tout le monde y compris pour soi-même, cela relève de la barbarie, ça ne correspond pas à notre idée de peuple civilisé. Donc, plutôt que de parler de ‘de-alerting’, (baisser le niveau d’alerte), pinailler sur des réductions, de tel ou tel missile, faudrait plutôt affirmer qu’il y a une arme que les civilisés (que nous prétendons être) devraient refuser, point barre. Entretien réalisé par Ben Cramer
A.T. Oui, mais il faut expliquer pourquoi. Y a déjà un problème de vocabulaire. La dissuasion n’a rien à voir avec “ deterrence”.
La différence ? A.T. : La France est un cas à part. Voilà pourquoi Paris n’a pas rejoint le Groupe de Planification Nucléaire (GPN) de l’Otan, voilà pourquoi Chirac a pu justifier l’arsenal nucléaire français pour menacer des terroristes dans son fameux discours de Brest… La dissuasion n’a rien à voir avec la ‘déterrence’ qui a la prétention d’être une politique basée sur la rationalité. Ici, on est
EN SAVOIR PLUS • www.2020visioncampaign.org/?id=326 • Lecture : Dans “Global action – nuclear test ban diplomacy and the end of the cold War”, Westview Press 1992, Rappel de l’organisation ‘Parliamentarians for Global Action’ ou PGA qu’Aaron Tovish et quelques autres ont animée dès 1977. N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Culture Livres
Le dico qui tue Le Dictionnaire de la Dissuasion est un pavé. A ceux qui s’étonneraient que PP consacre une pleine page à un auteur qui ne défend pas des thèses pacifistes , loin de là, qu’ils y trouvent plutôt une inspiration pour imaginer, concevoir, un dictionnaire de la paix.
EN SAVOIR PLUS • Dictionnaire de la dissuasion de Philippe Wodka-Gallien. Éd. Marine Éditions
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n 400 pages, Philippe W.G. explique à sa façon tout ce que voudriez savoir sur l’atome militaire, y compris sur Greenpeace lorsque cette ONG s’affrontait aux forces françaises durant ses campagnes de désarmement dans les années 80 et 90. Le Dictionnaire est assez exhaustif avec une page sur l’Option Zéro, sur l’hiver nucléaire (page 178) perçue plutôt comme une mystification, (sic) sur Hiroshima... et Nagasaki, (page 176), 2 bombardements qui selon l’expert, « auraient épargné la vie d’autres soldats américains, et leur effet aurait « contribué à consolider le concept de dissuasion nucléaire, donc à la paix entre grandes puissances » (page 177). Concernant le pacifisme, l’auteur souligne l’exception française, le ralliement de tous les partis à la dissuasion et à l’énergie nucléaire ; il estime, au vu de ce ralliement depuis les rapports Kanapa que « c’est chez les verts que s’exprime le courant français le plus proche du pacifisme. Pour preuve, Philippe W.G. se réfère aux propos très modérés et mesurés de Dominique Voynet, ancienne auditrice de l’IHEDN. Il se félicite à demi-mots qu’elle « cherche davantage à redéfinir la place des armées qu’à abolir la dissuasion » puisqu’elle invoque le besoin de « complémentarité avec nos partenaires européens ». D. Voynet mise sur des négociations internationales en faveur d’un moratoire et d’une diminution programmée des arsenaux nucléaires pour une suppression à l’horizon 2030 (page 277). Ce dico se parcourt facilement. Il fourmille d’infos inattendues dont une page sur l’atome et le cinéma, une notice sur Homi J. Bhabha, le père du programme nucléaire indien, sur le professeur Paul Scherrer (1890-1969) qui eu pour mission de concevoir l’arme nucléaire suisse. Mais enfin, il nous faut aussi pointer quelques failles ou absences dont l’amiral Hyman Rickover, alors qu’il y a une page sur le sous-marin Nautilus ; rien sur le déserteur nucléaire d’Albion Jean Louis Cahut alors qu’y figure une demi-page sur Mordechai Vanunu ; des pages sur J.F. Kennedy et rien sur Georges Besse, l’homme de l’enrichissement d’Eurodif et qui fut sacrifié dans les tractations France-Iran.
Il faut croire que ce diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, passionné par les questions stratégiques, aujourd’hui responsable des relations presse de la société Sagem, a visiblement de la peine à être impartial. C’est peut-être ce qui explique pourquoi il inclut des photos satellites du site nucléaire chinois de Lop Nor et pas de photos des sites français. D’ailleurs, à la rubrique ‘Semipalatinsk’, le lecteur apprend que c’est l’une des régions les plus polluées du monde, (page 324-325) ; mais à la rubrique Moruroa (écrit ‘Mururoa’ sic) et Fangataufa, on peut lire que tout va bien et, selon notre l’auteur, grâce à la surveillance constante, R.A.S., « la radioactivité naturelle est six fois inférieure à celle de la Bretagne » (page 249). Ca donne presque envie de plonger dans le lagon. B.C
Photos extraites du dictionnaire de la dissuasion
Face à Greenpeace, le ministère de la Défense opte pour la transparence. A bord de l'escorteur Bainy de la Marine en septembre 1985, les journalistes sont invités à un essai nucléaire à Mururoa, tandis qu'au même moment Greenpeace et son navire amiral, la Rainbow Warrior, mènent une campagne de contesttion.
Plein feux sur l'océan Indien
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ans le n° 91, des Études Marxistes, une interview de Mohamed Hassan sur la nouvelle stratégie américaine dans l’Océan Indien. Selon M. Hassan, les ÉtatsUnis, tout d’abord sont vraiment mal partis. D’ailleurs, leurs erreurs stratégiques ne datent pas d’hier. Déjà durant le Deuxième conflit mondial, en effet, ils sont entrés en guerre au moment où elle tirait à sa fin. Mais voilà, ils ont su remporter le jackpot alors que, ce conflit rappelle M. Hassan, a « tué moins de militaires américains qu’une année d’accidents de la route ». Oui, ils sont sur le déclin, tout le monde le reconnaît. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils représentent 20% de l’économie mondiale contre 40% en 1945. En pensant au Vietnam, à l’Irak et l’Afghanistan, les Américains ne peuvent se targuer d’aucune victoire si ce n’est celle peu louable qui les a opposés à 800 militaires à Grenade.
Atoll de Diego Garcia
et les États-Unis misent beaucoup sur Diego Garcia, cette base cédée par le Royaume-Uni aux États-Unis dès 1971 avec pour corollaire l’expulsion de tous ses habitants, les Chagos.
EN SAVOIR PLUS Études Marxistes revue trimestrielle – Bruxelles
Pour conserver quelqu’hégémonie, tout va se jouer dans l’Océan Indien, « centre de gravité stratégique mondial du 21ème siècle »
La paix en pointillés
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ans un pays où l’armée est le 1er propriétaire foncier de France, (cf. le dossier de ce numéro), l’un des 5 ou 6 États à faire naviguer sous les flots des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, l’une des 3 puissances nucléaires à se payer un porteavions à propulsion nucléaire, -même s’il n’est opérationnel que deux jours sur trois-, l’un des 9 États à avoir des ogives et dont le nombre est supérieur aux arsenaux indien, pakistanais, nord-coréen et britannique. Dans un pays qui a souillé et meurtri la Terre 210 fois avec ses 210 essais dans le désert algérien et dans le Pacifique Sud , soit presque 5 fois plus que les Britanniques ou les Chinois qui, en matière de dépenses d’armement nucléaire par habitant, figure au 3 ème rang sur ce podium, juste derrière Israël et les États-Unis ; qui, dans la compétition mondiale des dépenses d’armement par habitant, n’est devancé que par les États-Unis, l’Arabie Saoudite et le Royaume-Uni ; qui bénéfice de la « généro-
sité » de ses ex-colonies pour leur uranium et qui est l’un des rares à s’octroyer le droit de posséder des bases militaires en dehors de son territoire (….) ; qui fut le dernier des 5 États membres du Conseil de sécurité à ratifier le Traité de Non prolifération (TNP) après avoir contribué à répandre les « bienfaits » de la bombe à Israël, aux Irakiens, aux Blancs Sud-Africains, et aux quelques autres… Bref, dans ce pays où le militaire est si omniprésent, un homme politique comme Mélanchon ne manque sûrement pas d’inspiration pour aborder ce thème dans son programme. Et pourtant, le lecteur attentif découvrira page 75 trois petits paragraphes sous la rubrique « une politique au service de la paix ». Consternation. B.C.
EN SAVOIR PLUS • Le programme du Front de Gauche et de son candidat JL Mélenchon. Éd. Librio N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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Culture Jeux vidéo
Des consoles à pacifier Le 24 septembre à Chambéry, Tony Fortin est venu exposer l’implication des militaires dans cette histoire des jeux vidéos, une
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n parle beaucoup des jeux vidéo. Et pour cause : ce sont les produits culturels -ou biens culturels- les plus vendus dans le monde. Le marché représentait l’an passé 50 milliards d’euros. Pas étonnant qu’une partie de la production soit parrainée par l’armée, une institution qui a été pionnière avec les jeux de simulation et qui entend bien véhiculer ses valeurs. Si les jeux de guerre ne représentent que 10% de ce marché, ils ne laissent pas indifférents, ni les joueurs ni les autres ; le quotidien ‘Ouest-France’ a récemment consacré une demi-page à ce phénomène. Selon
L’avenir est-il au serious games ?
l’envoyé spécial à Los Angeles, le jeu vidéo "Call Of Duty" (l’appel du devoir) compte 30 millions d’adeptes dans le monde.
de force multiples et un quotidien extrêmement dur. Fortin applaudit le fait que le jeu ne cède pas à l’idéologisme ou au politiquement correct. Il a remporté des prix, il a réintroduit la public diplomacy, il a été encensé pour sa capacité à modifier l’attitude des joueurs, avec l’objectif de promouvoir une société plus équitable.
Ces jeux se sont développés depuis 2005. PeaceMaker, sorti en 2007, est un serious game concernant le conflit israélo-palestinien. Son succès prouve que c’est possible de faire inventif et subtil. Présenté par ses créateurs comme « un jeu vidéo pour enseigner la paix », il fut en premier lieu destiné aux étudiants israéliens et palestiniens. Pour Tony Fortin, la complexité de la géopolitique est « rigoureusement restituée ». De plus, le joueur est amené à comprendre les réalités politiques derrière la résolution du conflit : « L’idéal [de paix] est enferré dans des rapports
histoire qui semble très loin des aspirations pacifistes. Et pourtant …
EN SAVOIR PLUS • wwww.obsarm.org • http://fr.wikipedia.org/wiki/ PeaceMaker • www.peacemakergame.com/ climcity • http://climcity.cap-sciences.net/# 30
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Même si le Pentagone n’est pas l’inspirateur de "Call of Duty", « les jeux vidéos ne sont pas neutres », comme dirait l’expert Tony Fortin. « Hier encore, les méchants étaient les nazis et le héros revêtait l’uniforme du GI sur les plages du débarquement. Aujourd’hui, le soldat au nom de son ‘devoir’ doit faire face à des terroristes et des trafiquants. L’un des problèmes c’est qu’il manque un enseignement critique de ces outils mis à la disposition de tout un chacun.
Mais on a toutefois l’impression qu’il n’y en a pas beaucoup de ce genre sur le marché . Est-ce l’exception qui confirme la règle ? Il existe aussi « Darfur is Dying » (le Darfour se meurt). Le scénario est simple : dans le rôle d’un membre d’une famille darfuri, le joueur doit gérer un camp de
réfugiés. Il doit prendre en charge l’approvisionnement en eau potable en évitant les milices Janjawid. Le but du jeu est de maintenir le fonctionnement du camp pour sept jours. « Aviti : the cost of Live » (Aviti, le coût de la vie ) est dans le même genre et tout aussi apprécié des critiques. Le scénario ? Dans un système de jeu proche de la stratégie au tour par tour, (comme le jeu d’échecs et d’autres jeux de stratégie disons classiques), le joueur doit « gérer » une famille haïtienne. Il affecte à chaque membre de la famille une tâche, comme aller s’instruire ou travailler. Le but de jeu est de survivre pendant quatre années, et d’apporter à la famille le maximum de santé, de sécurité financière et d’instruction. Peut-on aller plus loin ? Tony Fortin, qui est membre de l’Observatoire des Armements à Lyon et auteur d’un numéro de Damoclès sur la « militarisation des jeux vidéo »1, n’exclut pas la possibilité de captiver un joueur en lui présentant autre chose que la guerre. « Il n’y a pas de raison de croire que la fascination découle forcément de la destruction » est-il venu dire à Chambéry.
Explication : « En fait, ce qui va fasciner, ce n’est pas le thème en luimême, ce sont les stratégies élaborées. Il faut que le joueur ait un choix, ça ne peut pas être la non-violence ou rien. Le succès est à ce prix ». Si l’on songe aux jeux dont le but est de créer ou développer une cité, on pourrait éventuellement imaginer et concevoir la construction de cités de paix style PeaceCity, sur le modèle de Climcity
(pour créer son propre plan climat) qui découlait de SimCity. (Une ville déjà construite dans laquelle surviennent des catastrophes y compris des émeutes et où le but du jeu consiste à limiter les dégâts). La paix n’est-elle pas aussi une stratégie ? B.C. « Comment les armées se sont emparé des jeux vidéo ? »,
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Damoclès n°127, 2009, 2,5 €. L’Observatoire des armements, 187 Montée de Choulans, 69005 Lyon
Une certaine vision du « devenir soi-même » "Devenez vous-même" est le slogan de la campagne de recrutement de l'armée de terre. Elle sévit depuis un an dans les rues, dans les médias et même dans les jeux vidéo. Elle vise à recruter pas moins de 15000 jeunes par an. Sur le contenu du message, y a de quoi s’interroger : pour "devenir soi-même", faut-il vraiment porter un uniforme, obéir aux ordres, devenir un tueur au service des guerres coloniales en Afghanistan, en Côte d'ivoire et en Libye ? Les spots passant à la télé et au cinéma empruntent l'esthétique et le rythme aux jeux vidéo, comme pour attirer les jeunes en manque d'action. Pour la première fois, l'armée incruste sa pub dans des jeux vidéo : au moins 8 jeux différents, sur console et sur internet, affichent au détour de l'action les visuels "devenez vousmême". Un procédé quasiment subliminal pour inciter les jeunes à laisser tomber leur clavier, à ramasser un Famas, et à prolonger le jeu en venant "tirer dans le tas" pour de vrai ! Fin 2011, l'armée de l'air lance, à son tour, sa campagne de recrutement. Avec un spot publicitaire au rythme hollywoodien, elle met en avant un prétendu esprit d'équipe en occultant évidemment toute réalité du terrain. Un œil averti pourra voir dans ces campagnes d'une ampleur inédite le signe révélateur d'une armée impopulaire, à court de vocations. Au point d'en être réduite à utiliser les grosses ficelles de la publicité - pourtant de plus en plus rejetée par la population - en faisant du marketing comme une marque de lessive. Christophe Cunniet
Publicité dans une station de métro à Paris
N° 566 - Novembre 2011 - Planète PAIX
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