Planète Paix n°567

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L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 567 / Décembre 2011

Les bienfaits de l'inter-religieux

DOSSIER (P.11-16)

Palestine

La bataille des oliviers (P.8)

Danielle Mitterrand

Pour un autre monde (P.17)


Forums et congrès du Mouvement de la Paix en images les 11, 12 et 13 novembre 2011 à Paris

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N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX


Sommaire

l’Édito

Planète Paix n° 567 - Décembre 2011

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Débat - congrès

Acteurs de paix

P.6

Civilisons le monde Témoignages

Où sont nos intérêts vitaux ?

P.7

Impressions à chaud

8

L

orsque des milliers de citoyens au pays de l’insécurité sociale occupent Wall Street, lorsqu’un mouvement à l’échelle planétaire brandit le mot d’ordre « dégage ! » à tous ces financiers qui sabotent la démocratie, et mettent en péril les institutions, on est tenté de recourir à la question-choc que Staline utilisa en son temps à propos du Vatican : « Combien de divisions ? »

Campagne P.8

Bases militaires

Istres entre prestige et projection P.9

Palestine

La bataille des oliviers

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dossier

Les bienfaits de l'inter-religieux Réflexions

P.12-13

Les religions : paix ou guerres ? le dialogue Islamo-chrétien

P.14

Du quartier à la planète Les églises en quête de paix

P.15

Le plaidoyer pacifiste Dialogue et paix

P.16

Les religions parlent d’une même voix

18

‘‘ Pendant ce

mondialiser la paix

Global zero

temps, des poliP.18-19

La bombe, non merci ! Les indignés

P.20 -21 Occuper Wall street : un défi ou une révolution ?

22

criminelles risquent d’être

portrait

Hommage à Danielle Mitterrand

P.22

Pour un autre monde

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tiques financières

des bombes à retardement

culture

Une expo à Montpellier

P.23

redoutables.

’’

Les villes cibles

Mensuel édité par le mouvement de la paix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org

Directeur de publication : Pierre Villard Rédacteur en chef : Ben Cramer Secrétaire de rédaction : Nadia Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Rédactrice - graphiste - maquettiste : Laurence Leclert.  Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Ben Cramer, Nadia Bennad, Roger Billé, Nicole Bouexel, Jacques Le Dauphin, Annie Frison, Roland Nivet, Claude Ruelland, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Onu Ont participé à ce numéro : Ben Cramer, Christophe Cunniet, Michel Dolot, MarlèneTuininga, Christian Mellon, Nicole Bouexel, Philippe Louveau, Mohamed Khodja, Lendo Makunga, Albert Miara, Nadia Bennad, Michèle Bellemin, Yves-Jean Gallas, Anaïs Parfait, Judith Pasternak, Jean-Paul Vienne, Michel Jondot. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0709G85601. Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

Attention : de nouveaux conflits se profilent, alimentés par ces businessmen impunis et leurs agences furtives de notation. En effet, les révoltes sociales qui montent en Chine face à la classe des nouveaux riches pourraient bien faire de Taiwan un enjeu de confrontation entre Washington et Pékin. Les cris des indignés au Moyen-Orient pourraient être détournés ou réduits au silence par une expédition de Tsahal en Iran. Eh oui, toujours le recours aux boucs émissaires pour canaliser les révoltes qui grondent. Pendant ce temps, des politiques financières criminelles risquent d’être des bombes à retardement redoutables. Des bombes bien mortelles que les dispositifs militaires actuels sont incapables de neutraliser. Et pour cause : les « intérêts vitaux de la nation » sont définis par le président de la République himself, et la doctrine de défense ne prévoit pas de réviser ce dogme. Même quand les institutions financières portent atteinte au libre exercice de la souveraineté, et menacent de plus en plus certains droits fondamentaux des peuples. Comme le souligne les Indignés, (cf. page 20) l’endettement n’est pas étranger aux milliards engloutis pour équiper et honorer nos forces armées, un pactole qui a plombé nos finances publiques. Reste donc à ceux pour qui la défense de la nation ait un sens de se démarquer des « intérêts vitaux » des spéculateurs. Ben Cramer

N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

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Courrier des lecteurs

 A bas une Pub antiMélanchon Quel est le but de cette manœuvre qui vise un regroupement politique en particulier pourtant non hostile aux idées de paix, bien au contraire ! Quel autre programme se rapproche autant des positions du Mouvement de la Paix pour nous permettre le luxe d’envoyer valser l’ensemble du texte ? Ce programme est une première version, résultant de réunions publiques qui ont lieu dans toute la France et ouvertes à tous les citoyen-ne-s. Si les questions pacifistes n’ont pas été assez abordées, peut-être que la contribution des pacifistes est également en question. Comment peser sur des prises de décision et sur des programmes politiques lorsque l’on souhaite à tout prix s’en écarter ? Pour être légitime dans la critique « consternée » de programmes politiques, le Mouvement de la Paix et ses militants aurait peut-être à s’honorer de participer au débat lorsque celui-ci est proposé. La visée pacifiste n’apparaîtra pas par enchantement dans un programme politique ! L’originalité du Mouvement est d’intégrer dans sa visée pacifiste les notions d’égalité, de fraternité, de solidarité et de justice sociale. Or, il est clair, sauf à y mettre de la mauvaise volonté et être de mauvaise foi, que ces notions sont l’essence même du programme du Front de Gauche. Pourquoi ne pas l’évoquer dans cet « article » clairement orienté ? Après cette critique « consternée » de son programme, comment envisager les relations avec le Front de Gauche et ses composantes qui sont des par4

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Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

tenaires récurrents au niveau national mais également dans les comités locaux ? Cette vision du programme du Front de Gauche ne peut rester en l’état car elle n’engage, nous l’espérons, que son auteur, au contraire du journal qui est censé représenter les idées du Mouvement de la Paix. Nous souhaitons donc réagir vivement à cette publicité anti-Mélenchon qui ne grandit ni l’auteur, ni notre combat pour la paix. Le comité de Paix du 10ème arrdt R.M, J.D-L, F.L-P, J.M Qui aime bien, châtie bien A l'égard d'une simple remarque formulée en conclusion d'un court article relatif au programme du Front de Gauche, voyons : 1) C'est la preuve que la revue Planète Paix est utile et lue. 2) En quelque sorte, et en forme de dialectique, "qui aime bien, châtie bien". Je le souligne volontiers, "la liberté d'expression est pour moi un droit sacré" ! Pour tout le monde ! Y compris, sinon d'abord, pour les journalistes et rédacteurs de Planète Paix. Je trouve parfaitement logique que des opinions différentes voire contradictoires s'expriment et circulent parmi nous. Le contraire serait inquiétant. Le temps de la pensée unique est terminé. Toutes et tous, sans broncher, derrière le "cheval blanc d'Henri IV" ne peut plus être notre conception, ni de la revue Planète Paix, ni du journalisme. Cela dit, sachez que la lecture (au mois de septembre) du programme du Front de Gauche m'avait moi-même chagriné et perturbé. L'humain d'abord ? Le peu de place accordé (la faiblesse de l'analyse) à la problématique "guerre et paix" m'était apparue à votre libre choix,

consternante, affligeante, regrettable. Somme toute, "une faiblesse à corriger". Vite ! C'est vérifiable, cette dimension est en règle générale sous-estimée par la "gauche". On le sait, présentement, les socialistes n'envisagent pas de "toucher" à la dissuasion nucléaire. Misère de la politique politicienne, l'accord PS-EELV fait aussi l'impasse sur le nucléaire militaire. Pourtant, mise en relation avec les autres dimensions de la vie, la problématique "guerre et paix" apparaît être l'un des trois piliers du combat démocratique et paci fique pour les changements à mettre en oeuvre (et pour le "vivre ensemble"). Paix est révolution ? Pourquoi pas ? Au moins, cette façon de voir et de dire donne du sens à notre engagement. L.A La Conférence du Désarmement Du 27 au 29 juillet, l’Assemblée générale des Nations unies tenait une session spéciale consacrée à la Conférence du Désarmement, conférence qui n’a rien produit depuis 1996. (cf. PP 566). A cette occasion, l’Ambassadeur du Costa Rica y fit cette étonnante remarque : « Il est paradoxal que la conférence du désarmement ne compte aucun des 27 pays qui ne disposent pas de forces armées parmi ses membres, pays qui ont ainsi traduit les exigences du désarmement dans leurs réalités nationales » (Document : A/65/PV.113. Si la plupart de ces États, un État sur 8 dans le monde, (cf. liste) souvent de petites îles, sont issus de la décolonisation, certains d’entre eux vivent ainsi depuis des siècles et sans incidents portant atteinte à leur existence. En abolissant son armée en 1948, le Costa Rica s’assure une paix et une prospérité

inégalées en Amérique Centrale, mais aussi le « leadership » de ces pays qui ne peuvent ou ne veulent faire le choix du militarisme, achevant ainsi l’idéal du désarmement. Alors pourquoi ne les imitet-on pas ? La Charte des Nations unies interdit la guerre depuis 1945, (article 2, paragraphe § 3, plus précisément, elle interdit l’usage de la force et de la menace). La Charte impose aussi la paix, le règlement pacifique des différents (idem § 4) à tous les pays du monde, désormais tous membres de l’Onu. La Charte préserve le droit à la légitime défense (art. 51), mais dans des conditions très strictes et sous l’exclusive surveillance du Conseil de Sécurité. Maintient-on de telles armées et ces faramineux budgets militaires dans le seul but de se défendre ? On peut en douter. Les obligations de la Charte devraient permettre aux États militarisés un désarmement beaucoup plus conséquent. Mais comment le leur faire comprendre ? Les pays sans armée sont à tout le moins l’exemple à suivre. Christophe Barbey Juriste, irénologue et poète, secrétaire du groupe pour une Suisse sans armée (www.gssa.ch) et animateur de l’APRED (www.apred.ch)

Liste des pays sans armée : Andorre, Costa-Rica, Dominica, Grenade, Haïti, Iles Cook, Iles Marshall, Iles Salomon, Islande, Kiribati, Liechtenstein, Maurice, Micronésie, Monaco, Nauru, Niue, Palau, Panama, Samoa, San-Marino, St-Kitts et Nevis, St-Lucie, St-Vincent and the Grenadines, Tuvalu, Vanuatu, Vatican (Saint-Siège).


EN EXPRESS ...

REPÈRES ...

Une Américaine à Paris

À lire

Ana Kitapini, 21 ans, citoyenne américaine, étudiante et stagiaire au Mouvement de la Paix, a participé aux forums et au congrès des 10/11/12 novembre dernier. Impressions

La violence sous toutes ses formes Le dictionnaire de la violence, Éd. Puf, 1600 pages, 39 euros

Selon Michela Marzano du département des sciences sociales à l’université Paris-Descartes : « la violence est une composante de la condition humaine. On ne pourra pas l’éradiquer comme en rêvaient les philosophes des Lumières. Le zéro risque prôné parfois pour justifier des politiques sécuritaires est un mythe. D’ailleurs, une certaine forme d’agressivité est utile. Les conflits - quand ils peuvent s’exprimer, quand ils manifestent une solidarité permettent d’évoluer et d’avancer. (...) On s’aperçoit aussi des violences qui persistent dont « la traite d’êtres humains, en dépit des droits de l’homme et de l’abolition de l’esclave. Les violences faites aux femmes*, même si ces crimes et délits sont désormais condamnés par la loi dans bien des pays. On ne peut pas non plus ignorer le génocide car après la Shoah, des groupes de gens peuvent encore être effacés de l’univers…». Michela Marzano a dirigé ce pavé de 1600 pages, rédigé par deux cents chercheurs dont des sociologues, historiens, juristes, psychanalystes... Pour évoquer aussi bien bruit, crime passionnel, jeux vidéo, mépris, sans-logis, terrorisme, bref, les 3000 entrées que comporte ce dico qui analyse les violences sous toutes ses formes. * Planète Paix prépare un dossier sur ces formes de violence.

Le chiffre... 214

millions = le nombre de migrants sur la terre. Soit une personne sur 33 selon l’Organisation des Migrations Internationales.

IMAGE DU MOIS

Le Congrès du Mouvement de la Paix m'a ouvert les yeux sur l'impact de la violence sur le développement de notre société, notre politique, et notre économie. Comme jeune étudiante étrangère intéressée par la politique internationale, à la primauté du droit, la dissection de l'origine de la violence, ces forums, ce congrès m’ont poussée à repenser mes idées sur le sujet. Avant je pensais qu’une population qui ne supporte plus la politique de son gouvernement, utilise la violence comme moyen de sortir de la misère. En réalité, c'est l’État qui pousse les gens à la violence afin de créer une diversion pour ne pas s’intéresser à la corruption internationale. L'implication de l'Occident dans la violence à l'étranger est évidente pour la plupart, mais cela a été comme une grande surprise pour moi, je n’en mesurais ni l’existence ni gravité. Lors du forum, la première table ronde "Économie et Culture de la Paix", sur la violence économique, était très intéressante et dynamique. Elle m'a laissé m’interroger sur la possibilité de paix et de démo-

cratie mondiales lorsque les États auxquels on s’adresse, auxquels on demande de prendre des mesures, sont eux-mêmes des agresseurs. Le Congrès m’a donné une nouvelle motivation pour découvrir la vérité et je ne crois pas être la seule. Si ma vie était en France, je m’engagerais dans les luttes du Mouvement de la Paix en raison de son approche directe pour régler les problèmes mondiaux. En plus en tant que jeune, j'encourage le Mouvement de la Paix de renouveler ce genre de rencontres dans différents pays où la paix et la démocratie demeurent un problème. Le Congrès national a ouvert, pour nous tous, la porte sur l’action. Il nous a montré, qu’en tant que citoyens de pays démocratiques, il est de notre responsabilité de non seulement identifier les injustices mais aussi de fournir des solutions. Ce sont les peuples qui donnent les droits humains aux peuples et non les États. Pour donner ce droit légitime, nous devons parler et agir. Comme on dit en anglais, a closed mouth never gets fed* * Une bouche fermée n’obtient jamais de nourriture.

Au Tibet, le désespoir a la couleur des flammes

Douze jeunes tibétains se sont immolés par le feu en 2011, pour protester contre l'occupation chinoise. Au moins sept en sont morts. Un cri de désespoir face à une répression devenue insupportable... Le premier à accomplir ce geste cette année, Phuntsog (photo ci-contre) s'est immolé le 16 mars 2011. Il est mort le lendemain, à l'âge de 21 ans. N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

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Congrès du Mouvement de la Paix Acteurs de paix

Civilisons le monde Au fil des numéros, le lecteur de Planète Paix a pu suivre les débats en cours. Alors que le congrès s'est achevé, la réflexion se poursuit pour trouver des

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e rapport d’activité montre la diversité des actions conduites par le Mouvement de la Paix et la capacité de ce Mouvement à être présent sur de nombreuses thématiques et dans de nombreux réseaux tant en France qu’au plan international. Ce rapport appela aussi à une réflexion approfondie sur les questions que posent les conflits actuels marqués par une volonté forte des puissants de ce monde de régler par la force et la guerre les problèmes actuels et ce y compris en intervenant militairement dans les affaires internes des États. Mais la plus grosse partie de ce congrès fut consacrée à une réflexion sur les fondements et les objectifs de notre action sur le moyen et le long terme. Cette réflexion nécessita de s’accorder sur l’analyse de la situation nationale et internationale actuelle.

nouvelles pistes de mobilisation ou des "campagnes plus ciblées". A partir du rapport d'activité, une contribution signée Roland Nivet.

EN SAVOIR PLUS • www.mvtpaix.org 6

N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

Le congrès a fait le constat que la crise du système capitaliste est profonde et pose des problèmes graves en termes de sécurité et de paix pour l’humanité toute entière. Le système capitaliste mondialisé engendre et exacerbe des violences structurelles généralisées. Ainsi le choc entre les besoins des habitants de la planète et leur non-résolution fréquente génère d’immenses frustrations et constitue le terreau sur lequel prospèrent des idéologies rétrogrades qui peuvent conduire, si les peuples ne se mobilisent pas pour d’autres alternatives, à utiliser la guerre comme exutoire à la colère des peuples face à des réalités économiques et sociales désastreuses et injustes. Le gouvernement actuel de la France s’inscrit dans cette logique rétrograde à travers une politique de militarisation des relations internationales (participation à 3 conflits, politique de violation de l’article 6 du Traité de non prolifération nucléaire, développement des bases militaires à l’étranger) et de policiérisation de la société.

Mais cette réalité inquiétante initiée dans une large mesure par les États Unies et leurs alliés qui ont décidé de se lancer après le 11 Septembre 2001 dans une logique guerrière au lieu de répondre aux grands problèmes qui se posent à l’humanité est contestée par les peuples qui, tant en Amérique latine que dans le monde arabe, font tomber des dictatures et contribuent à ouvrir de nouvelles alternatives même dans la difficulté et beaucoup d’incertitudes. Le congrès a affirmé sa volonté de travailler au plus large rassemblement avec tous ceux qui le souhaitent sur des objectifs et des exigences partagées sans que les différences d’analyse constituent à priori un obstacle au rassemblement nécessaire. Le congrès réaffirme que la paix est une construction pour laquelle la culture de la paix et de la nonviolence initiée par les Nations unies constitue un outil pour l’analyse et l’action mais aussi un objectif et une référence appelant à des transformations sociales profondes. Cette réaffirmation forte de la place de la culture de la paix et de la non-violence dans notre stratégie est concomitante avec la nécessité urgente de mettre en œuvre des campagnes plus ciblées sur des objectifs concrets. Pour ma part, je pense que nous allons devoir poursuivre et approfondir notre réflexion sur la question fondamentale de la relation du Mouvement de la Paix et plus généralement des acteurs de paix avec la société (base sociale, impact de nos campagnes, le ressenti par la population de notre utilité sociale et politique…). Nul doute que le Conseil national et le Bureau national avec les nouvelles compétences des jeunes et des toujours jeunes nouvellement élus et travaillant de concert sauront innover et agir pour le renforcement tout azimut du Mouvement de la Paix et une plus grande efficacité dans la mise en œuvre des campagnes ambitieuses qui ont été décidées par le congrès. En c’est à travers ces campagnes que nous trouverons les moyens humains et financiers nouveaux pour faire face aux enjeux d’une situation internationale inquiétante malgré toutes les lueurs d’espoir que portent l’indignation des peuples face à l’injustice et à la violence inhérente au système mais aussi les solutions alternatives qui s’élaborent et sont de plus en plus visibles et crédibles. Roland Nivet, Rennes


Congrès du Mouvement de la Paix Témoignages

Impressions à chaud Parmi les 600 personnes qui ont arpenté les allées du Congrès à Paris ou participé aux différents forums à travers l'Île de France, qu’est ce qui a retenu le plus d’attention ? Quel fut le thème le plus marquant ? A défaut de sélectionner, voici un aperçu recueilli auprès des plus jeunes.

C

'est avec enthousiasme que je me rendis au Congrès du Mouvement de la Paix, une grande première pour moi. Je suis fière de m'y être rendre avec mon comité de Rennes qui m'a donné ce goût sucré pour le militantisme. Pour ma part, j'ai choisi d'assister à deux groupes de travail sur des problématiques qui me tiennent à cœur. La première : les processus de paix au MoyenOrient et la deuxième : les jeunes au sein du Mouvement de la Paix. L'ambiance qui régnait au sein de ces réunions me fit penser à celle ressentie lors de mes deux séjours à l'Onu en 2009 et en 2010, voyage effectué dans le cadre du Traité de non prolifération des armes nucléaires. Studieuse, instructive, enrichissante et surtout : intergénérationnelle. C'est d'ailleurs cet aspect là qui prédomine au sein de ce Mouvement, les "jeunes" s'enrichissent de l'expérience des "moins jeunes" et vice et versa. Et, tout se fait dans l'écoute, qui est à la base de tout échange au sein du Mouvement car bien souvent quand on est jeune, on ne se sent pas écouté, pas pris au sérieux. Mais ici, chaque témoignage compte,

chaque dire est suivi avec attention. J'ai pu prendre la parole à plusieurs reprises, moi qui était timide, c'est d'ailleurs eu sein du Mouvement de la Paix que j'ai osé m'exprimer, donner mon point de vue, parce que j'ai senti que mon témoignage était pris en considération et croyez moi, ce n'est pas le cas partout ! Le lendemain, c'est le budget qui est mis l'honneur, j'avoue que ce n'est pas encore ma "tasse de thé" mais j'ai tenté de suivre avec soin les multiples propositions avancées, autour desquelles j'ai d'ailleurs pu voter. Puis, vient le moment émotif du départ d'Arielle Denis, une Dame qui a fait beaucoup avancer le Mouvement, de par l'approche féminine qu'elle apportait. Et, bouquet final, les votes des candidats pour le CN et le BN. Je me suis lancée timidement dans ce challenge et j'ai été élue et oui, me voilà membre du CN et du BN ! Beaucoup de "jeunes" ont été élus, au plus grand bonheur des militants mais aussi beaucoup de femmes. Je suis jeune et femme et fière qu'on m'ait attribué de telles responsabilités, d'autant plus que nous sommes un petit groupe plein de projets donc accrochezvous les anciens, nous allons vous retourner la baraque ! De manière productive bien sûr !

Trêve de plaisanterie et pour finir, je terminerai en disant, et je ne cesse de le répéter, que je ne me suis jamais sentie aussi bien qu'au sein d'une délégation du Mouvement de la Paix, on s'y sent comme dans un petit cocon, un havre de paix bien tranquille. Inès (Rennes)

M

otivée pour l’action

Les 11 12 et 13 novembre derniers j’assistais pour la première fois au congrès du Mouvement de la Paix. Ce congrès restera un moment important pour moi. Les intervenants, militants du Mouvements de la Paix ou intervenants extérieurs, l’implication de tous, ont beaucoup enrichi mes connaissances et poussé ma réflexion. Le Congrès, marqué de débats, d’ateliers de travail, mais aussi de moments de détentes, a permis, au delà du travail concret sur les textes, un élan nouveau dans le travail futur de mon comité. Dès mon retour à Lyon, un calendrier d’actions, plus ou moins importantes, a pu être mis en place pour les 6 mois à venir ! Magali (Lyon) N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

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Campagne Bases militaires

Istres entre prestige et projection

mattan sont de

groupe de ravitaillement en vol "93 Bretagne" qui réunit l'ensemble des ravitailleurs Boeing C135 FR de l'armée de l'Air et leur soutien technique 15 093 ; Qu’en est-il de la présence de 40 têtes nucléaires, stockées et manipulées prêtes à l’emploi ?

retour. Les pilotes

Les risques pour les riverains

Les militaires qui ont sévi durant l’opération L‘Har-

de Mirage 2000 sont revenus de la

A

ont été accueillis

vec ses 2400 hectares et 500 structures qui abritent 5000 personnes, Istres est la plus grande base aérienne française. Depuis 1999, elle est l’une des rares bases aériennes, en dehors du territoire des États-Unis, équipées et habilitées pour l’atterrissage de la navette spatiale américaine. Le "Centre d'Essais en Vol" qui regroupe 500 salariés civils et militaires, a attiré des industriels de l’aéronautique dont Dassault, Thomson, Snecma… La renommée de la base donne aux riverains de ce site un sentiment très positif. Le meeting aérien, dans le cadre d'une journée porte ouverte, accueille plus de 100 000 personnes.

à l’aéroport

Une mission de projection.

base de Suza (Suze) en Crête, une base de l’Otan mise à la disposition de la France. Ces vaillants guerriers

d’Istres. Un aéroport comme les autres ? Décryptage.

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Mirage 2000 sur la base d'Istres

N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

Istres c’est d’abord la Base aérienne 125. Elle assure le départ de la majorité des opérations extérieures, qu'elles soient militaires ou humanitaires ou militaro-humanitaires. C’est de là que sont envoyés 15 000 soldats français déployés à l’étranger. L’impact économique d’un tel ensemble sur le commerce et le plan de charge de quelques PME locales encourage à ne pas être trop regardant, soit 11 millions d’euros pour le fonctionnement et 60 millions de salaires (pour les militaires) explique sûrement pourquoi ces missions sont peu contestées. Istres a aussi une mission de dissuasion nucléaire. Elle est soutenue à la fois par l'escadron " La Fayette" , équipé d’avions "Mirage 2000N" capables d’embarquer les missiles nucléaires "ASMP" ; - le

Désirant que les populations riveraines puissent adopter une attitude citoyenne vis-à-vis de la présence d’un site militaire inscrit dans une stratégie de domination nucléaire et guerrière, le Conseil départemental du Mouvement de la Paix des Bouches du Rhône, réuni en congrès, a décidé d’informer et de proposer des débats aux populations riveraines de la base aérienne 125 (Arles, Fos-surMer, Port-de-Bouc, Miramas, Martigues, Istres…). Cela s’impose, en effet. A Fos-sur-Mer, on est en bout de piste. Dans la zone, 14 sites industriels Cévéso2 inspirent des scénarios catastrophes avec un effet domino assuré, si, pour une raison ou une autre, un avion devait s’abattre sur l'un d'eux. Parmi ces installations, certaines ont été sévèrement épinglées par l’inspection générale des armées pour non-respect des normes écologiques officielles1. Les risques dus à la présence des bombes atomiques ne sont pas nuls. Le personnel présent sur la base le sait bien, puisqu’il participe chaque année à un exercice de protection nucléaire qui paralyse, un jour durant, toutes les activités. En 2007, une plaquette d’information et de conduite à tenir pour tous les riverains dans un rayon de 1,5 km autour du site 2 en cas d'accident nucléaire a été publiée. Le principal risque étant l'incendie des têtes nucléaires. Le désir d’inspection citoyenne qu’a manifesté le Mouvement de la Paix y est surement pour quelque chose. Michel Dolot 1

20% de la pollution sur terre serait liée aux activités mili-

taires (source rapport SIPRI 2008). 2

Ce rayon était de 3 km et a été ramené à 1 ,5 km juste avant

la publication de cette plaquette


Campagne Palestine

La bataille des oliviers A l’heure des démarches pour la reconnaissance de l’État palestinien, voici un rappel de ce qui se vit en automne, au temps de l’occupation. Une occupation qui ne peut laisser personne indifférent comme en témoigne ici une militante de retour d’une mission.

C

e mois d’octobre, nous étions cinq. Cinq femmes d’âges plus ou moins mûrs de quatre nationalités. Nous avons partagé une maison de location un peu délabrée située dans un gros bourg de la Palestine. Les raisons de notre présence ? A la demande de l’association « International Women’s Peace Service », en collaboration avec les autorités locales palestiniennes et les organisations pacifistes israéliennes présentes sur place, nous nous sommes engagées à aider les Palestiniens à se protéger contre les exactions de l’armée israélienne et des colons. Nous étions à Deir Istiya dans la région de Salfit, en Samarie. Connue, avant l’occupation, pour ses riches oliveraies et ses vergers de citrus, Deir Istiya est aujourd’hui une ville assiégée. Elle est prise Deir Istiya (en Palestine) en étau entre deux longues rangées de colonies qui coupent en deux le territoire palestinien. Sous la menace des armes, elle a dû céder le tiers de ses terres (34 000 ha au départ) à la construction des maisons, des routes, des postes militaires et des dépôts de déchets des Israéliens. Deir Istiya compte aujourd’hui 4000 habitants, soutenus en grande partie par ses 8000 concitoyens qui, écœurés par les conséquences de l’occupation, ont choisi de s’installer à l’étranger. Avec interdiction de retour.

La cueillette

EN SAVOIR PLUS • http://iwps.info/ • ww.mmf-france.fr/ • ww.marchemondialedesfemmes. org/index_html/fr • www.wilpfinternational.org/

Durant le mois de la cueillette - octobre - qui mobilise la quasi-totalité du village, y compris les enfants, du matin jusqu’au soir, nous avons été témoins des pratiques en vigueur. Nous étions aux premières loges : non seulement nous récoltions les plaintes des habitants, mais surtout, nous avons cueilli, nous aussi, en soutien à telle ou telle famille sur les terres qui avaient le malheur de se trouver à proximité d’une colonie. Pendant notre séjour, trois familles ont été renvoyées de leurs champs par l’armée avec le prétexte : « manque d’autorisation de cueillir ». Deux propriétaires d’oliviers qui cueillaient en contre bas, ont vu sept colons dévaler

de leur colline et mettre le feu aux oliviers, soit 500 oliviers calcinés en deux heures. Autre exemple : deux maisons ont été attaquées au bulldozer. L’occupation qui démarre avec l’installation de caravanes, va de pair avec la tactique de harcèlement, les intimidations, les arrestations, et aussi la destruction des champs d’oliviers. On estime à 1 million le total des oliviers brûlés et déracinés depuis le début de l’occupation. Au nom de la sécurité, bien sûr.

A l’aéroport Ben Gourion A la fin de notre séjour, la plus jeune d’entre nous, Heather Stroud, de nationalité britannique, ne veut plus avoir peur de figurer sur la liste noire des interdits au retour. Pour elle, il s’agit d’abord, quel que soit notre niveau de responsabilité, de mettre un terme à la fiction. Oui, dit-elle, nous vivons dans une fiction. La fiction que l’Etat d’Israël est la victime et qu’il faut le soutenir. Grâce à cette mission civile qu’elle vient de remplir, H. Stroud va plus loin : lorsqu’on me demandera à l’aéroport de Ben-Gourion si j’ai fait un bon séjour en Israël, je répondrai au policier : « Je n’étais pas en Israël, j’étais en Palestine. J’ai vu comment vos colons brûlent les oliviers et comment vos soldats humilient les Palestiniens qui passent aux check-points. » Marlène Tuininga Membre de la Marche mondiale des Femmes

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Au jour le jour Moscou mise sur les SNLE La Russie prévoit de construire 20 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins dans les 10 à 12 prochaines années, 15 au plus tard, a déclaré le chef de la marine russe, l’amiral Vladimir Vysotsky. Auparavant, la marine russe prévoyait de construire 8 SNLE de la classe Borei. Le premier d’entre eux, le Yury Dologoruky, doit être affecté à la flotte du Pacifique d’ici la fin de l’année. Les 4 premiers SNLE de la classe Borei seront tous affectés à la flotte du Pacifique. Dans sa dernière déclaration, l’amiral Vysotsky n’indique pas combien de SNLE, sur les 20 prévus, seront affectés à la la flotte russe du Nord, sur la péninsule de Kola. Pour l’instant, le chantier naval Sevmash de Severodvinsk est le seul à construire des SNLE de la classe Borei.

Les casques bleus virent au vert ? Le Programme des Nations unies pour l'environnement rappelle qu’au moins 18 conflits violents, depuis 1990, ont pour origine l'exploitation des ressources naturelles, tandis qu'au moins 40 % de tous les conflits à l'intérieur d'un territoire, au cours des 60 dernières années, ont eu un lien avec les ressources naturelles. « Les opérations de maintien

de la paix ont la responsabilité de s'assurer que leur présence et leurs opérations ont une empreinte écologique minimale et qu'elles n'aggravent pas la dégradation environnementale qui peut être une des dimensions du conflit », a déclaré Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE. La Mission des Nations unies au Soudan, par exemple, a investi 5 millions de dollars pour rendre plus vertes les opérations de ses 10.000 soldats dans 25 bases.

“Dites Non – Tous unis pour mettre fin à la violence contre les femmes” a fêté son deuxième anniversaire le 6 novembre. Quelle aventure ! Le compteur du site affiche plus de 2 millions d'actions, 600 partenaires et un réseau croissant de militant(e)s dans le monde entier !

L'AIEA pense au Moyen-Orient Le chef de l'Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, a souligné la pertinence de la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, à l'occasion de l'ouverture d'un Forum dédié au sujet à Vienne, en Autriche. « Cela à nous pris 11 années

pour parvenir à ce point. Les cinq zones exemptes d'armes nucléaires qui existent aujourd'hui, couvrent un total de 113 pays, chacune a ses propres caractéristiques mais elles ont également des éléments en communs », a dit le Directeur de l'AIEA lors de l'ouverture du Forum. Selon lui, il existe un soutien international pour établir une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, même s'il reste des divergences sur sa création.

L'Unesco prime la tolérance La militante afghane pour les droits des femmes Anarkali Honaryar et le militant pour la paix palestinien Khaled Abu Awwad sont les lauréats du Prix Unesco-Madanjeet Singh 2011. Anarkali Honaryar est récompensée pour son engagement et son travail pour améliorer la condition des femmes et des minorités en Afghanistan. Après les élections parlementaires de 2010, elle est devenue la première femme non musulmane membre du Wolesi Jirga, la chambre basse du parlement afghan. Actif aussi bien du côté palestinien qu'israélien, Khaled Abu Awwad est Directeur général de la branche palestinienne du Cercle des parents - Forum des familles, une organisation de Palestiniens et d'Israéliens ayant perdu des proches dans

le conflit. En 2006, il a fondé Al-Tariq (La voie); il préside l'Institution palestinienne pour le développement et la démocratie depuis 2006.

Mine de rien Selon les Nations unies, à la date de septembre 2011, un total de 3.210 blessés et 1.263 morts dus aux mines avaient été signalés au Soudan du Sud, indépendant depuis le mois de juillet. Depuis 2005, plus de 25.000 mines ont été détruites. A ce jour, plus de 2.700 survivants d'explosions de mines ont été traités. Le Soudan du Sud est le 58ème État à adhérer à la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, ou Convention d’Ottawa de 1997. Il s'engage à déminer son territoire, à assister les victimes, et à ne jamais employer de mines antipersonnel ». L'adhésion du Soudan du Sud sera probablement suivie par celles de la Finlande et de la Pologne La Convention a été adoptée à Oslo en 1997 et signée la même année à Ottawa. En outre, 34 des 50 États qui ont produit par le passé des mines antipersonnel sont désormais soumis à l'interdiction de production imposée par la Convention. La plupart des autres États ont instauré un moratoire sur la production et/ ou le transfert de mines.

ça se passe près chez vous • Rennes : 3e biennale de l'égalité femmes & hommes La promotion de l’égalité Femmes/Hommes est une des composantes d’une culture de la paix mondialisée. Cette dimension aura sa place à la 3e Biennale de l’égalité, les 9 et 10 décembre prochains au Palais du Grand-Large à Saint-Malo. Débats, tables rondes, stands d'information, films, expos, café-concert, ateliers de formation. Cet événement public est organisé par la Région Bretagne avec plus de 200 partenaires dont le Collectif Bretagne du Mouvement de la Paix . Renseignement : www.bretagne-egalite.fr/internet/jcms/preprod_115153/l-egalite-parlons-en • Albi : ‘‘ Le problème de l'armement nucléaire’’ Jeudi 15 décembre : 20h30 à la faculté Champollion, Auditorium 1, table ronde « Le problème de l’armement nucléaire » organisée par Appel des Cent, le Collectif des Objectrices et Objecteurs tarnais (COT) et le Mouvement pour une Alternative Non Violente (MAN). Avec la participation de Paul Quilès (ancien ministre de la Défense), Liberto Gimenez, (les Alternatifs), Benoist Couliou (Europe Écologie les Verts), Eric Jalade (Parti communiste), Bernard Cottaz-Cordier (Parti de gauche), Gérard Poujade (Parti Socialiste), Myriam Martin (NPA). Animation : Patrice Bouveret, Directeur de l’Observatoire des Armements. 10

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DOSSIER

Les bienfaits

de l'inter-religieux

• Réflexions Les religions : paix ou guerres ? • le dialogue Islamo-chrétien Du quartier à la planète • Les églises en quête de paix Le plaidoyer pacifiste • Dialogue et paix Les religions parlent d’une même voix

Toutes les religions revendiquent leur attachement à la paix. Les autorités religieuses affirment que, dans de multiples cas concrets, elles se sont opposées à la guerre ; qu’elles ont proposé leur arbitrage ; qu’elles ont favorisé la réconciliation ; que les principes religieux – en termes de respect, de tolérance, de pardon - aidant les croyants à travailler pour la paix, se diffusent dans les sociétés avec des effets pacificateurs. Il n’en demeure pas moins que l’histoire ainsi que certaines des situations actuelles semblent être en mesure de remettre en question ces certitudes. A nous de discerner quelques initiatives qui tentent de faire avancer ce dialogue compliqué.

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Réflexions

Les religions : paix ou guerres ? Et si les guerres religieuses ne l’étaient pas vraiment ? Et si le mot religion n’avait pas le même sens pour tout le monde ? Et si l’on cessait de se référer aux textes sacrés ? Voici quelques questions posées par le jésuite Christian Mellon qui a longtemps dirigé la revue Projet.

EN SAVOIR PLUS • http://vaincrelaviolence.org 12

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e facteur religieux est cité comme essentiel - voire central - à propos de nombreux conflits. On pense bien sur au lien entre islamisme radical et terrorisme, mais on évoque aussi quelques conflits récents (Irlande du Nord, Liban, Balkans), affrontements entre chiites et sunnites en Irak, guérilla « musulmane » à Mindanao, tensions récurrentes entre chrétiens et musulmans dans le Nord du Nigéria ou aux Moluques. L’idée se répand dans l’opinion que les religions sont des facteurs de violences, quel que soit par ailleurs le caractère pacifique de leur message. En même temps, on note que, parmi les artisans de paix les plus actifs, qui sont prêts à prendre des risques personnels importants, nombreux sont les croyants. On se souvient, bien sur, des grandes figures de Gandhi et de Luther King dans le passé, de Mgr Desmond Tutu plus récemment, etc. Mais on peut évoquer aussi le rôle décisif de la communauté Sant’Egidio dans le retour de la paix au Mozambique en 1990 (ses membres restent actifs en Ouganda aujourd’hui)1 . Faut-il en conclure que les religions poussent tantôt à la paix, tantôt à la violence ?

Le rôle du facteur religieux dans les conflits Le mot religion évoque, à nos oreilles d’occidentaux « modernes », des croyances, des « pratiques » (prière, culte), des règles de conduite, une « spiritualité » ; mais pas une «communauté ». Ou alors, il s’agit de communautés qui se rassemblent volontairement, pour prier, partager une même foi. Ces communautés, on peut y entrer ou en sortir assez librement. Il y a certes encore, çà ou là, des pressions familiales et des conformismes sociaux ; mais beaucoup moins fortement que jadis. Cette importance de l’adhésion volontaire à une religion, dans nos pays, risque de nous faire oublier qu’il n’en va pas de même partout dans le monde. Dans beaucoup de sociétés, le mot « religion » renvoie d’abord à une communauté, dans laquelle on naît et meurt, sans pouvoir en sortir. C’est seulement secondairement qu’il renvoie à

des croyances, des rites, des conduites, en tant justement qu’ils sont ceux de la communauté. Une anecdote – vraie ou fausse, peu importe – permet de comprendre cette distinction entre foi personnelle et appartenance communautaire. A l’époque des violences fréquentes en Irlande du Nord, 2 un Américain d’origine irlandaise se met en tête d’aller visiter le pays de ses ancêtres, où il n’est jamais allé. En rase campagne, au volant de sa voiture, il tombe sur un barrage de paramilitaires cagoulés, qui l’interpellent de façon menaçante : « tu es catholique ou protestant ? » Craignant pour sa voiture, voire pour sa vie, et ne sachant à qui il a affaire, il pense s’en tirer en répondant : « je suis athée. » Mais il s’entend répondre : « Athée catholique ou athée protestant » ? Une telle anecdote pourrait être transposée en bien des lieux de conflits présentés comme « religieux ». Elle met en lumière que, dans beaucoup de sociétés – notamment celles où l’identité nationale est en crise ou ne s’est pas constituée – l'appartenance religieuse n'est pas d'abord conçue comme une foi, une spiritualité, mais d’abord comme une manière de s’identifier comme communauté. Ainsi, dans le Liban des années de la guerre civile, avant de se dire « Libanais », on est « chrétien maronite », « musulman chiite », etc. Et cela même si l’on est subjectivement athée. Donc, faisons attention au vocabulaire. Ce n'est pas parce que les acteurs d'une guerre mettent en avant un mot religieux pour désigner leur camp qu’on peut en déduire que c’est le facteur religieux qui est cause ou enjeu du conflit. Le plus souvent, il s’agit d’une étiquette identitaire communautaire. Le facteur de guerre attribué aux « religions » n’est donc qu’un cas particulier d’un cas plus général : l’importance du facteur « identitaire » dans bien des conflits de notre temps. Faut-il aller jusqu’à nier qu’il y ait des « guerres de religion » ? Non, bien sur. Mais il faut réserver cette expression aux cas, en fait très rares, où les acteurs d’un conflit puisent dans leur croyance religieuse même la conviction qu’ils doivent faire la guerre aux croyants d’autres religions (pour les soumettre, les éliminer ou les convertir). Certes,


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il y a aujourd’hui des personnes et des groupes qui croient cela (dans la mouvance Al Qaeda, notamment). Mais beaucoup moins qu’on ne le dit. Même pour l’islamisme radical, il faut y regarder de plus près. On le présente souvent comme l'exemple typique d'une violence à fondement religieux « pur ». Or tous les experts de l’islamisme soulignent qu’il s'agit d’abord d'un projet politique qui mobilise le registre religieux. Sans doute ne savons-nous rien de la croyance subjective de ceux qui le promeuvent et qui appellent à la violence en s'appuyant sur leur interprétation de l'Islam. Mais on peut affirmer, avec Joseph Maïla ou Olivier Roy, que la sympathie suscitée par cet islamisme radical dans certains secteurs des sociétés musulmanes s’explique surtout par le fait que le registre religieux est le seul qui soit disponible pour exprimer une opposition politique, en raison notamment du total discrédit des discours politiques d'hier (nationaliste, socialiste, réformateur, etc.).

religieux

on dira : l’Ancien Testament est rempli de guerres saintes ; donc le judaïsme est plutôt violent. Le message du Christ, c’est la non-violence, l’amour des ennemis ; donc les chrétiens sont forcément pour la paix, la tolérance. Le Coran légitime la guerre sainte, le djihad ; donc, il est « normal » que les musulmans soient plus violents que d’autres. Le bouddhisme, c’est la nonviolence radicale ; donc les bouddhistes ne prennent jamais les armes, etc.

Le rapport entre le croyant et ses textes sacrés

Avec une pareille méthode, on ne va pas loin ! Surtout on se heurte à une multitude de faits historiques qui montrent le contraire des idées reçues. Le christianisme a produit les croisades, et pas seulement au Moyen Age ! Les propos de certains prélats espagnols, lors de la guerre civile, en plein XXe siècle, sont des propos de « guerre sainte ». Et les bouddhistes ne sont pas toujours non violents. Au Sri Lanka, ce sont les moines bouddhistes qui ont mené les campagnes pour torpiller les chances de paix, car ils identifient Bouddhisme et culture Cingalaise (anti-tamoule).

Beaucoup s’imaginent que, pour savoir si une religion est plutôt « pacifique », ou plutôt « belliciste », il suffirait de lire ses textes fondateurs, ses textes sacrés. Ainsi,

Certes, je n’irai pas jusqu’à dire que le contenu des textes sacrés est sans importance. Mais, pour le sujet qui nous occupe

ici, ce qui est pertinent, ce n’est pas le contenu des textes, mais la relation que les croyants entretiennent avec leurs textes. Un rapport qui se modifie beaucoup selon les circonstances politiques, sociales, culturelles… Ainsi la question à poser n’est pas : le christianisme est-il violent ou non-violent ? Mais : pourquoi, à une époque, les chrétiens mettent-ils en avant les textes qui légitiment la guerre sainte, et à d’autres époques, ils ne parlent que du Sermon sur la montagne ? Christian Mellon CERAS (Centre de recherche et d’action sociales) (avec l’autorisation de l’auteur, un texte paru en parti dans la revue Projet.

1

Cf. Roger Faligot, « les Seigneurs de la paix », le

chapitre 6 2

la situation se détériore à nouveau, cf. ‘‘Le monde

des Religions’’ de novembre-décembre 2011, pp 36-41

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le dialogue Islamo-chrétien

Du quartier à la planète Évoquer les événements du Moyen-Orient, faire dialoguer des chrétiens et des musulmans, qu’ils soient Palestiniens ou Syriens... Le prêtre Michel Jondot le fait dans son quotidien à Malakoff.

PP - Quels sont vos contacts internationaux avec les « chrétiens en terre d’Islam »

A gauche, le prêtre Michel Jondot

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lanète Paix – Michel, suite à votre prise de conscience qui remonte aussi aux événements tragiques de Sabra et Chatilla, quelle a été votre démarche ? Michel Jondot. Nous avons démarré après 1982 avec un de mes paroissiens, chrétien syrien, et un petit groupe de chrétiens arabes, puis des militants venant du Maghreb. Les premiers contacts avec les musulmans ont été noués lors d’actions pour le logement dans une cité de transit. En 1987, l'association de dialogue islamo-chrétien « Approches 92 » a été créée. Puis, avec l’arrivée d’une femme dans notre équipe, il y a eu la création à la Caravelle, d'une maison d’accueil et d'un atelier d’insertion (Métissages) pour initier les femmes au tissage et à la tapisserie avec la collaboration des artistes. Dans les années 1990, nous avons diversifié nos activités avec des conférences sur les thèmes de la violence, de la famille,… surtout à l’époque du massacre des moines de Tibérine, qui a suscité une montée de l’islamophobie.1

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PP - Ces activités se sont-elles généralisées à l’ensemble de l’église ? M.J. J’ai entrepris ce travail dans une société où il y avait un risque d’instrumentalisations des religions. Pour le travail dans les Hauts-de-Seine, un travail de fourmi, j’ai eu le soutien de l’évêque de Nanterre. Des groupes de rencontre sont nés dans d’autres régions. Au niveau national, un secrétariat des relations avec l’Islam a été créé. Il existe aussi un réseau international islamo-chrétien, mais le dialogue islamo-chrétien n'est pas une discussion de salon entre intellectuels. Pour la rencontre, il faut un langage. La culture, la création en sont une possibilité.

M.J. : Le christianisme a une implantation très ancienne au Maghreb, au Proche-et au Moyen-Orient et dans tous les pays qui sont maintenant majoritairement musulmans. Pendant longtemps, le dialogue entre communautés n’a posé aucun problème. Mais depuis plusieurs années, la situation se dégrade. Certains groupes musulmans se replient sur la charia. Au Proche-Orient, Israël qui a contribué à radicaliser la situation a, dès ses débuts, créé les racines du confessionnalisme dans cette région où les chrétiens ont un rôle magnifique. Ils sont, de leurs prises de positions politiques, palestiniens avant d’être religieux… A Gaza, aucune entrave n’est mise par le Hamas à la pratique de leur religion. Le père Musallam « le curé de Gaza » a ouvert son église à tous lors des bombardements en janvier 2009. Chrétiens et musulmans y ont trouvé refuge. Il dirige aussi une école chrétienne qui a plus d’élèves musulmans que de chrétiens. Dans certain pays, la situation des chrétiens devient difficile. Le risque est qu’ils quittent le bateau et s’en aillent. Or, dans les pays arabes, les chrétiens sont facteurs de paix et de dialogue.

PP - Qu’en est-il des engagements internationaux ? M.J. : Au-delà des prises de position, des rencontres internationales existent. Assise où a eu lieu, autour du pape, une rencontre pour la paix avec des religieux juifs, musulmans et chrétiens est un bon exemple et qui fait boule de neige chaque année. Les déclarations du Pape à Bethléem et sa venue dans un camp de réfugiés palestiniens ont été importantes.

Entretien réalisé par Nicole Bouexel 1

Dans cette période a existé aussi à Malakoff une as-

sociation « Promouvoir la fraternité » dans laquelle le comité local du Mouvement de la Paix était partenaire.

EN SAVOIR PLUS • www.approches92.com


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religieux

Les églises en quête de paix

Le plaidoyer pacifiste Ce texte est issu de la résolution finale du Rassemblement œcuménique international pour la paix (ROIP). Il était organisé par le Conseil Œcuménique des Églises (COE) à Kingston, Jamaïque, du 17 au 25 mai 2011, pour clôturer la Décennie ‘‘vaincre la violence’’. Extraits.

N

‘‘ La paix, valeur centrale’’

ous réalisons que les chrétiens ont souvent été complices de systèmes fondés sur la violence, l’injustice, le militarisme, le racisme, l’intolérance et la discrimination. Nous appelons les gouvernements et autres instances à cesser de se servir de la religion comme prétexte pour justifier la violence. Avec nos partenaires d’autres religions, nous avons reconnu que la paix est une valeur centrale dans toutes les religions et que la promesse de la paix s’adresse à toutes les personnes, quels que soient leurs traditions et leurs engagements. En approfondissant le dialogue interreligieux, nous cherchons un terrain commun avec toutes les religions mondiales. Nous sommes unanimes à penser que la guerre devrait devenir illégale. En luttant pour la paix sur la terre, nous sommes confrontés à nos différents contextes et histoires. Chaque approche a ses mérites; elles ne s’excluent pas. Nous observons avec inquiétude et compassion les luttes pour la liberté, la justice et les droits humains menées dans plusieurs pays arabes et dans d’autres contextes où des personnes courageuses luttent sans que le monde leur porte attention. Notre amour pour les peuples d’Israël et de Palestine nous donne la conviction que l’occupation prolongée est néfaste pour les deux peuples. Nous réaffirmons notre solidarité avec les populations de pays divisés tels que la péninsule de Corée et Chypre, et avec celles qui aspirent à la paix et à la fin de leurs souffrances dans des pays tels que la Colombie, l’Irak et l’Afghanistan et dans la région des Grands Lacs d’Afrique.

Paix dans la communauté

EN SAVOIR PLUS • http://vaincrelaviolence.org

Les Églises doivent aider à distinguer les choix quotidiens qui peuvent mettre fin aux abus et promouvoir les droits humains, la justice de genre, la justice climatique, la justice économique, l’unité et la paix. A tous les niveaux, les Églises peuvent jouer un rôle en soutenant et en défendant le droit à l’ob-

jection de conscience et en donnant asile à ceux qui s’opposent et résistent au militarisme et aux conflits armés. L’éducation à la paix doit prendre une place centrale dans tous les programmes d’écoles, de séminaires et d’universités.

Paix sur le marché L’économie mondiale fournit de nombreux exemples de violence structurelle, qui persécute ses victimes non pas par le recours direct aux armes ou à la force physique, mais par l’acceptation passive de la pauvreté généralisée, des disparités commerciales et de l’inégalité entre les classes et les nations. Les Églises doivent apprendre à plaider plus efficacement pour le respect intégral des droits économiques, sociaux et culturels en tant que fondement des "économies de vie". Il est scandaleux que des sommes énormes soient dépensées pour les budgets militaires et pour fournir des armes aux alliés et au commerce des armements, alors que ces fonds sont nécessaires de toute urgence pour éradiquer la pauvreté dans le monde et pour financer une réorientation écologiquement et socialement responsable de l’économie mondiale. Nous appelons les gouvernements nationaux à prendre des mesures immédiates pour réorienter leurs ressources financières en faveur de programmes qui encouragent la vie plutôt que la mort.

Paix entre les peuples Nous allons au delà de la doctrine de la ‘guerre juste’ pour formuler un engagement en faveur de la paix juste. La paix juste nous invite à unir nos efforts dans un cheminement commun et à nous engager à édifier une culture de paix. Cette démarche exige que nous passions des concepts exclusifs de sécurité nationale à la sécurité pour tous. Nous plaidons pour un désarmement nucléaire total et pour la limitation de la prolifération des armes légères. N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

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DOSSIER

Les bienfaits de l'inter- religieux

Dialogue et paix

Les religions parlent d’une même voix A Villejuif, la culture de paix est une valeur portée non seulement par la municipalité mais aussi par le monde associatif. Les communautés religieuses de Villejuif et des villes voisines ont apporté leur pierre à l'édifice en constituant l'Association Interculturelle du Val-de-Bièvre (AIVB)

EN SAVOIR PLUS • www.villejuif.fr 16

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'ensemble des communautés religieuses du Kremlin-Bicêtre et de Villejuif s'est retrouvé, le 11 novembre, lors d'une rencontre organisée par l'Association interculturelle du Val-de-Bièvre. Reprenant les diverses proclamations faites lors des rencontres interreligieuses qui ont eu lieu à Assise depuis 1986, ils ont apposé leur signature au bas d'une déclaration solennelle intitulée "Dix points pour la paix". Rencontre interreligieuse à Assise le 27 octobre 1986

Les dix points pour la paix 1. Nous nous engageons à proclamer notre ferme conviction que la violence et le terrorisme s'opposent au véritable esprit religieux et, en condamnant tout recours à la violence et à la guerre au nom de Dieu ou de la religion, nous nous engageons à faire tout ce qui est possible pour éradiquer les causes du terrorisme. 2. Nous nous engageons à éduquer les personnes au respect et à l'estime mutuels, afin que l'on puisse parvenir à une coexistence pacifique et solidaire entre les membres d'ethnies, de cultures et de religions différentes. 3. Nous nous engageons à promouvoir la culture du dialogue, afin que se développent la compréhension et la confiance réciproques entre les individus et entre les peuples, car telles sont les conditions d'une paix authentique. 4. Nous nous engageons à défendre le droit de toute personne humaine à mener une existence digne, conforme à son identité culturelle, et à fonder librement une famille qui lui soit propre. 5. Nous nous engageons à dialoguer avec sincérité et patience, ne considérant pas ce qui nous sépare comme un mur insurmontable, mais, au contraire, reconnaissant que la confrontation avec la diversité des autres peut devenir une occasion de plus grande compréhension réciproque. 6. Nous nous engageons à nous pardonner mutuellement les erreurs et les préjudices du passé et du présent, et à nous soutenir dans l'effort commun pour vaincre l'égoïsme et l'abus, la haine et la violence, et pour apprendre du passé que la

paix sans la justice n'est pas une paix véritable. 7. Nous nous engageons à être du côté de ceux qui souffrent de la misère et de l'abandon, nous faisant la voix des sans-voix et œuvrant concrètement pour surmonter de telles situations, convaincus que personne ne peut être heureux seul. 8. Nous nous engageons à faire nôtre le cri de ceux qui ne se résignent pas à la violence et au mal, et nous désirons contribuer de toutes nos forces à donner à l'humanité de notre temps une réelle espérance de justice et de paix. 9. Nous nous engageons à encourager toute initiative qui promeut l'amitié entre les peuples, convaincus que, s'il manque une entente solide entre les peuples, le progrès technologique expose le monde à des risques croissants de destruction et de mort. 10. Nous nous engageons à demander aux responsables des nations de faire tous les efforts possibles pour que, aux niveaux national et international, soit édifié et consolidé un monde de solidarité et de paix fondé sur la justice. Pour les communautés du Kremlin-Bicêtre et de Villejuif, catholique, musulmane, protestante et juive. Philippe Louveau, Mohamed Khodja, Lendo Makunga, Albert Miara


Portrait Hommage a Danielle Mitterrand

Pour un autre monde Planète Paix veut rendre hommage à cette indignée avant l’heure, au travers des militants et militantes du Mouvement

Danielle Mitterrand au FSM de Bamako, 2011

A

raucarias.

Occident

de forums sociaux

Pour aborder la présidente de France-Libertés après la conférence de Bamako sur le pillage des matières premières, je lui indiquais que nous avions un centre d'intérêt commun : le Chili et les araucarias. Elle me répondit : « comment un araucaria peut-il vivre sur un balcon à Grenoble ? il doit faire trop froid ! » Lors de notre rencontre en 2009 à Belem, je me suis présentée en lui rappelant notre entrevue à Bamako. Elle me demanda alors : « Comment va votre araucaria ? »

Lors d’une rencontre avec une association malienne contre l'excision, j’ai demandé à Aminata Traoré de préciser sa position. Elle s'emballe un peu et déclare (aussi à l’intention de Danielle Mitterrand) : « vous, les Occidentaux, il faut que vous fassiez un effort vers nos valeurs et non pas tenter de nous imposer les vôtres ! » Après un temps de réflexion, Danielle Mitterrand concède : « Je suis convaincue de ce que je dis mais je me pose la question car, à chaque fois, les arguments d'Aminata me montrent que je parle en Occidentale. »

et autres lieux de

Eau

Révolution

« L'eau n'a pas de prix, elle doit être un service public pour tous, ce n'est pas une marchandise. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fixé la quantité d'eau pour qu'un être humain puisse vivre dignement. Quarante litres de service gratuit ! Personne n'a envie de les gâcher ! C'est une question de morale. L’eau, c’est la vie ! 1% du budget militaire serait suffisant pour apporter cette quantité d'eau à tous, alors qu'on donne des milliards pour sauver les banques ! »

A une journaliste qui lui disait la sentir prête pour une nouvelle Révolution, Danielle Mitterrand trouve la formule en guise de réponse : « Si c’est une révolution pacifique, oui ! »

de la Paix qui ont eu la chance de la croiser et d’échanger avec elle, au cours de meetings,

rencontres qui ont marqué sa vie, à contre-courant des idées reçues.

Terrorisme « Ce ne sont pas les insurgés qui pratiquent le terrorisme, ce sont les États ». (au Forum Social de Dakar). Michèle Bellemin

Danielle Mitterrand et les Kurdes Il y a une quinzaine d’années, Danielle Mitterrand a rassemblé autour d’elle des représentants de tous les partis kurdes venant de Turquie, Iran, Irak et Syrie. J’ai participé à ce collectif pour le Mouvement de la Paix et elle avait su faire communiquer entre eux des partis qui se voyaient souvent plus rivaux que complémentaires dans la même répression qui s’abattait sur eux. Ainsi, une négociation menée par Danielle Mitterrand a abouti à un accord entre les 2 partis kurdes irakiens, Talamani (UPK) et Barzani (PDK). Lorsque juste après le déclenchement de la guerre d’Irak, ces 2 responsables kurdes ont accepté des postes très importants en

échange de leur docilité à l’égard des nouveaux maîtres de l’Irak, Danielle Mitterrand avait pris ses distances en publiant dans le Monde du 25 mars 2003 un article « Chers amis kurdes d’Irak » pour les mettre en garde dans le choix de leurs partenaires. Parmi les anecdotes le Président François Mitterrand en voyage officiel en Turquie, interroge le président turc de l’époque sur l’existence d’un problème kurde. Celui-ci répond que la situation est normale et qu’il n’y a aucun problème avec les Kurdes. Le président Mitterrand répond alors : « pourtant, il est là chaque soir quand je rentre à la maison ! » Yves-Jean Gallas N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX Global zero

La bombe, non merci ! Entre dépenser pour des armes inutiles et dépenser pour sauvegarder des services essentiels, Il faut choisir ! disent les militants de Global Zero. Ont-ils des chances de se faire mieux entendre ? Le plaidoyer d'Anaïz Parfait.

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es crises économiques et budgétaires font la ‘une’ de tous les journaux. A travers le monde, les citoyens s’opposent aux Anaïz Parfait mesures d’austérité qui mettent en péril les services les plus essentiels comme l’accès à la santé, aux énergies renouvelables, à l’éducation, à l’aide sociale ou aux emplois. Pourtant, nos décideurs oublient l’enveloppe budgétaire dépensée pour des armes nucléaires inutiles, coûteuses et dangereuses dont on pourrait se passer. Ainsi, dans ce contexte où les gouvernements sont sans arrêt à la recherche de nouvelles économies budgétaires, comment ne pas s’arrêter sur les budgets alloués aux armes nucléaires, véritables archaïsmes de la guerre froide qui ne règlent en rien les problèmes d’instabilité géopolitique actuels ? Global Zero vient de publier une étude, reprise dans le Financial Times et The Economist, qui se concentre sur les dépenses allouées

à ces armes dans les 9 États dotés d’arsenaux. Malgré la fin de la guerre froide qui remonte à plus de 20 ans, et la récente signature du traité START visant la réduction du nombre de leurs armes nucléaires, la Russie et les États-Unis ont dépensé respectivement cette année 13,5 et 45 milliards d’euros pour moderniser leurs arsenaux nucléaires. La Chine a adopté un plan de modernisation de son arsenal qui s’étend jusqu’en 2050. De leur côté, l’Inde et le Pakistan ne font pas mieux : ils prévoient la plus forte augmentation relative de leur arsenal, le Pakistan souhaitant même en doubler le volume. Les dépenses allouées aux armes nucléaires en Israël et Corée du Nord sont, quant à elles, tellement opaques qu’il est très difficile d’estimer leur coût réel. Et la France ? Elle n’est pas en reste : selon que l’on considère les coûts directs ou indirects, ces dépenses à destination de son arsenal nucléaire varient entre 4,7 et 6 milliards d’euros cette année. Ceci intervient au moment où notre gouvernement vient de supprimer 1.500 classes et 16 000 postes

Total des dépenses militaires et des dépenses des armes nucléaires

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de salariés dans l’éducation nationale, et que de plus en plus de nos concitoyens ont un accès difficile aux services essentiels.

713 milliards, pour quoi faire ? Alors que l’étude de Global Zero fait apparaître que les États dotés de l’arme nucléaire vont dépenser plus de 713 milliards d’euros dans la prochaine décennie pour leurs arsenaux, tout porte à se demander pourquoi ! Il s’agit d’arsenaux « dangereux et inutiles » soulignait récemment le Général Bernard Norlain dans une tribune publiée par ‘Le Monde’ le 28 octobre. Selon lui, l'arme nucléaire, après avoir joué un rôle de stabilité, devient une source d'instabilité destructrice pour la planète. Il en veut pour preuve le nouveau contexte international avec « l'apparition de nouveaux acteurs stratégiques (qui) rend les règles du jeu plus complexes et fugaces ». Dans le même registre, d’anciens ministres et généraux français – tels que Paul Quilès, Michel Rocard et le général Bernard Norlain et leurs homologues britanniques ont signé une tribune parue


dans le quotidien La Croix. Signataires du plan d’action de Global Zero, ils affirment que la nouvelle génération, qui n’a pas connu la guerre froide, ne veut pas de cet héritage coûteux et dangereux. Cette génération, écrivent-ils, « ne croit pas en la stabilité éternelle des États dotés de l’arme nucléaire. Elle a compris que les armes nucléaires dont elle hérite ne l’aideront pas à répondre aux désordres du monde du XXIe siècle : le terrorisme, la crise économique et financière, la pollution et le réchauffement climatique, la pauvreté, les épidémies… Elle s’indigne d’entendre parler de coupes budgétaires qui affectent notamment les dépenses sociales, alors qu’elle sait que la charge financière globale des arsenaux dépasse 700 milliards d’euros pour la prochaine décennie. »

Un appel aux Français L e g o u v e r n e m e n t f rançais est au jourd’hui face à un choix : il peut rester campé sur une politique sécuritaire dé-

passée et de moins en moins partagée, ou faire un pas vers l’avenir en investissant l’argent gaspillé aujourd’hui pour son arsenal nucléaire inutile dans les services essentiels : le coût d’entretien annuel d’une seule arme nucléaire – et nous en avons des centaines - permettrait en effet de financer 130 000 consultations de médecine générale ou 150 postes de professeurs pendant un an. Si vous aussi vous pensez que nos services essentiels valent plus qu’une bombe, demandez aux décideurs politiques de choisir la sauvegarde des services essentiels plutôt que les armes nucléaires en signant des aujourd’hui la pétition de Global Zero : cutnukes.org

EN SAVOIR PLUS • Étude de Global Zero sur les coûts des arsenaux nucléaires (en anglais) : www.globalzero.org/en/page/cost-of-nukes • La pétition de Global Zero : http://cutnukes.globalzero.org • Des chiffres par pays http://cutnukes.globalzero.org/?locale=fr • Le plan d’action de Global Zero : www.globalzero.org/fr/node/8 • Article de The Economist (en anglais) : www.economist.com/node/18834021 • http://wearethe99percent.tumblr.com/

Anaïz Parfait Directrice des campagnes Europe Global Zero

Les ambitions des moyennes puissances nucléaires  Inde : le missile Agni II indien, de 2500 km de portée est en cours de déploiement. Il devrait être déclaré opérationnel cette année 2011.  Pakistan : le missile Shaheen-3 de 4.000 km de portée serait en cours de développement. Il pourrait donner naissance à un lanceur spatial.  Israël : le dernier modèle de missile Jericho-II de la famille Jericho développée grâce à Marcel Dassault dans les années 60) a été lancé en janvier 2008. Il aurait une portée de 4.500 km et emporterait une ogive nucléaire.  France : la France avance elle aussi. Des réflexions sont déjà engagées sur une future version du M51.3, sous la coiffe d’un missile M51qui peut emporter 250 têtes nucléaires opérationnelles (sur les 300).

Des puissances à venir :  Iran : l’Iran dispose d’un nouveau missile le Sajjil/Ashura. Mais l’Iran, aux dires des experts, vise le développement d’un ICBM qui serait une version militaire du Simorgh, ce vecteur dérivé du Taepo Dong 2 nord-coréen qui devrait permettre à Téhéran de mettre un satellite sur orbite. N° 567 - Décembre 2011 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX Les indignés

Occuper Wall Street : un défi ou une révolution ? Où en sont les Indignés ? Souvent évacués par la force, ils n’ont pas dit leur dernier mot. Aux États-Unis, le mouvement s’est radicalisé. La crise des finances, comme en Grèce, n’est pas étrangère aux budgets militaires. Le reportage de la pacifiste Judith Pasternak, depuis New York.

EN SAVOIR PLUS • Pour occupy wall street : http://wearethe99percent.tumblr.com/

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L

e 17 septembre dernier, un petit groupe de protestataires s’est retrouvé à Zucotti Park, à quelques encablures de Wall Street et du New York Stock Exchange, le cœur du capitalisme mondial. « Nous sommes les 99 % » clamaient-ils en se référant au décalage entre le 1 % des plus aisés parmi les citoyens étatsuniens et le reste de la population. A Zucotti Park, les tentes ont été dressées et, pendant deux mois, c’est dans ce petit parc qu’on a pu assister à des teach-ins, du théâtre de rue, des actions de désobéissance civile ; et tout ceci avec une coordination démocratique qui ne se cherchait même pas de leader. Au-dessus de la foule, on a pu aussi détecter les bannières des syndicats. En fait, les syndicats les plus puissants de la ville ont été parmi les initiateurs ; ils représentent d’ailleurs le gros de la troupe, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où les thèmes dominants se rapportent aux inégalités économiques. Des personnalités sont venues apporter leur soutien, voire mettre la main à la patte. Joan Baez est venue chanter. Le philosophe Cornal West s’est fait arrêter avec d’autres manifestants durant un sit-in. Vers la mi-novembre, le mouvement ‘Occupy Wall Street ‘ avait déjà réussi à soulever 500.000 dollars et la vague s’est propagée à plus de 600 villes à travers le monde. Aux États-Unis, ce sont les grandes villes comme Chicago, Washington, Philadelphia, San Francisco, Oakland, Los Angeles. Si les occupants ont pratiqué la non-violence, on ne peut pas en dire autant des forces de police.

de l’espoir répondent par l’affirmative. Elles le font avec d’autant plus de ferveur que la trouille n’est pas loin si l’on observe l’accueil réservé par une partie de l’establishment. Il serait de toute façon plus approprié de décrire ces occupations comme un défi révolutionnaire potentiel au statu quo. Avec une majorité de jeunes et pas parmi les plus paumés, les protestataires ne remettent pas en question le système, juste sa mise en œuvre. Avec un soutien accru des syndicats – qui, rappelons-le, ne se sont jamais opposés au capitalisme lui-même – ils n’appellent pas à renversement du capital mais plutôt à un retour aux jours meilleurs durant lesquels le capital était tenu en laisse par une classe qui craignait l’émergence d’une vraie révolution, une révolution qui se nourrirait des excès du capitalisme. Les acteurs des occupations demandent une justice économique – une distribution plus équitable du bien-être aux États-Unis et à travers le monde et la fin de la mainmise des multinationales sur les politiques.

À propos de guerre et de paix Dès le 17 novembre, soit deux mois plus tard, on a vu des affiches, des logos et des drapeaux. Parmi ces posters et insignes, le nom d’un pays,

Un mouvement révolutionnaire ? La gauche aux États Unis, en tout cas une partie de la gauche, est prête à dégainer avec des mots comme ‘révolution’ et ‘révolutionnaire’. Dans la vague bouleversante du printemps arabe, pas étonnant que ce vocabulaire se fraie une place, à partir du moment où un mouvement commence à occuper des places centrales dans des villes-clefs aux États-Unis. Ce mouvement est-il révolutionnaire ? Pas vraiment, pas encore disent les voix de la raison. Le potentiel est-il là pour qu’il le devienne ? Les voix

Une manifestante indignée aux États-Unis


Évacuation des Indignés par la police aux États Unis le 19 octobre 2011

une date et une affaire. Ainsi : Iran 1953 : « la CIA renverse la démocratie et installe le Shah au pouvoir ». Vietnam 1950-70 : « une guerre longue et chère, 1million 200.000 morts ». Afghanistan 2001-20 ?? : « invasion et occupation ». Une exception à la règle parmi les groupes qui s’affichent contre ‘L’empire de Wall Street’ mérite le détour. Il s’agit d’une sorte de manifestation artistique ou théâtre de rue qui est née de l’alliance entre deux groupes, l’Internationale des Résistants à la

Guerre (qui existe depuis 90 ans) et l’Initiative de Solidarité de l’Asie du Sud ou South Asia Solidarity Initiative (SASI). Selon l’un de ses jeunes représentants, Ali Issa, on ne peut pas dissocier la crise économique de la guerre et du militarisme. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas un autre enjeu, c’est le même. L’argent circule, il transite du contribuable qui paie ses impôts aux banques et compagnies via les guerres et les occupations. Par exemple ? Les bombes à fragmentation de la Chase, les mines d’or en Afghanistan. Chaque boîte impliquée dans la crise financière mondiale est aussi directement impliquée dans la guerre, dans l’occupation.

Les pacifistes Les résistants à la guerre (IRG) font partie de quelques groupes qui distillent des interrogations sur le militarisme dans la conscience des acteurs du Occupy Wall Street. C’est d’ailleurs probablement la seule des associations pacifistes à établir ce lien. Presque. Certes, Il existe Code Pink, un groupe composé principalement de femmes et mobilisé sur les fronts de la paix et de la justice sociale ; ou encore ‘Occupy Wasington DC/Freedom Plaza’, une coalition née en octobre 2011 et qui comprend de nombreux vétérans pour la paix. Mais le mouvement IRG et une poignée d’autres ONG

ont été plus loin dans leurs réflexions. Audelà du mot d’ordre ‘Empire on Wall Street’, l’IRG et SASI ont créé ‘des bombes et des budgets’, afin de permettre aux communautés de se convertir et se défaire du militarisme. Parmi les militants qui se penchent sur ces questions, il faut aussi mentionner les Vétérans irakiens contre la guerre, le réseau « New Priorities » qui se concentre sur les liens entre le budget militaire et la crise économique et qui s’est montré très présent dans les occupations. Il y a aussi Grassroots Global Justice, une coalition de jeunes qui a prévu de manifester contre le G8 et l’Otan dès le mois d’avril (2012). Mais lorsque j’ai demandé à Ali jusqu’à quel point ces idées sont présentes dans le mouvement ‘Occupy ‘, il m’a expliqué : « la poursuite des guerres et invasions a été obscurcie par la crise économique et il n’y a pas eu de la part du mouvement pacifiste au sens large une réelle intention de faire ces liens de sorte que les gens les plus affectés par la crise soient capables de s’approprier cette problématique. Judith Pasternak Écrivaine, militante pour la paix Membre du Bureau de la Ligue des Résistants à la Guerre

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Portrait Prix Nobel

le pacifisme ‘‘scientifique’’ d'Alfred Fried dont il rédige des comptes-rendus pour la presse germanophone. Plus généralement, il entame une carrière de journaliste engagé dans la cause de la paix, puis bientôt de penseur théoricien de la paix. Ce sera pour lui l’occasion de se démarquer de sa patronne : Si Bertha von Suttner pratique un pacifisme volontiers sentimental (elle-même disait plutôt « moral »), A. Fried s’oriente assez vite vers un « pacifisme scientifique », qui deviendra plus tard un « pacifisme révolutionnaire ». Tout imprégné par la philosophie de Hegel (« Tout ce qui est rationnel est réel et tout ce qui est réel est rationnel »), mais aussi influencé par le marxisme, il s’attache dès lors à mettre en évidence les causes économiques et sociales de la guerre pour mieux les combattre. Son œuvre principale Die Grundlagen des revolutionären Pazifismus (Les fondements du pacifisme révolutionnaire) de 1908 fut traduite en français dès l’année suivante.

Alfred Hermann Fried, considéré comme le fils spirituel de Bertha von Suttner (18431914), Prix Nobel de la Paix en 1905, illustre bien cet « Âge d’Or du pacifisme» (18911914). Il fût luimême Prix Nobel de la Paix en 1911, un siècle déjà ! Un récapitulatif de son parcours.

EN SAVOIR PLUS • Le pacifisme européen – 18891914 de Verdiana Grossi. 22

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lfred Fried est né à Vienne d’une famille d’artisans juifs originaires de Hongrie. De condition modeste, il ne put poursuivre sa scolarité au-delà de ses 15 ans. A 17 ans, il s’engage dans le combat pour la paix après avoir visité une exposition du peintre russe pacifiste Verestchaguine. En 1883, à l’âge de 19 ans, il part pour Berlin, où il travaille comme libraire, puis comme éditeur. En 1891, après avoir lu le roman « Bas les armes » de Bertha von Suttner, qui devait alors connaître un énorme succès mondial, A. Fried, enthousiaste, se met à la disposition de B. von Suttner (qui réside à Vienne), la vice-présidente du Bureau International de la Paix nouvellement créé. Il lui propose d’emblée de fonder une publication pacifiste dont le titre Die Waffen nieder reprend le titre du célèbre roman. Plus tard, elle prendra le titre de Die Friedenswarte (la Sentinelle de la Paix). A la même époque, il contribue (en 1892) à créer la Société Allemande de la Paix, dans ce Berlin qui était justement le haut-lieu du militarisme allemand. Il fonde son bulletin, la Monatliche Friedenskorrespondenz. Dès lors, il participe notamment chaque année aux congrès internationaux de la paix, ainsi qu’aux conférences interparlementaires pour la paix,

Rentré à Vienne en 1903, il entre dans la Francmaçonnerie, et contribue plus tard à la fondation de la Société pour l’Entente Internationale, dans laquelle juristes et économistes travaillent sur le concept d’arbitrage international. Il édite à partir de 1905 son Handbuch der Friedensbewegung (Manuel du mouvement pacifiste), devenu indispensable aux chercheurs, dans lequel il enregistre toutes les initiatives de paix et tous les acteurs de la paix de son temps. Au début de la Première Guerre mondiale, faisant l’objet de poursuites de la part des autorités austrohongroises pour son hostilité déclarée à la guerre, il est contraint de se réfugier en Suisse. La réflexion et l’action qu’il y mène alors sont à l’origine de ce qui deviendra la Société des Nations (SDN). Demeuré néanmoins attaché aux pays de langue allemande, il se montre très critique à l’endroit du Traité de Versailles, dans lequel il voit les germes d’un prochain conflit. Fried meurt à Vienne pauvre et malade en 1921 (à 56 ans). L’essentiel de ses très nombreux écrits se trouve aujourd’hui à la bibliothèque de l’Onu de Genève. Jean-Paul Vienne


CULTURE exposition

Les villes cibles

Mu Chen, Haixinsha, Canton

Dans le cadre d'un conflit, la ville est considérée comme un objectif privilégié. Nantes, Saint-Nazaire, Brest ont été tapissés de bombes. En raison de ces pratiques, une campagne internationale a été lancée par les Maires pour la Paix pour qu'à l'avenir les villes soient épargnées. Le thème d'une expo à Montpellier.

EN SAVOIR PLUS • www.montpellier.fr

L

’exposition a pour ambition d’illustrer par des témoignages photographiques d’époque (mais aussi actuels) la fragilité des villes lors des conflits contemporains compte tenu des immenses moyens militaires techniques actuels. Nous avons ainsi tout le loisir de « contempler » les dévastations effroyables subies par les villes de Cologne, Munich, Dresde, Berlin, Hambourg, Varsovie, Hiroshima durant la Seconde Guerre mondiale, de Beyrouth après la guerre civile (qui a duré de 1976 à 1989), mais également par Détroit (USA). Quoi, rétorqueront les amis (forcément) cultivés du Mouvement de la Paix, nous aurait-on caché une guerre récente dans le Michigan ? Non pas vraiment. Mais Détroit, qui a perdu plus de la moitié de ses habitants en 30 ans, est victime de la crise économique qui frappe l’industrie automobile américaine ; et cela se voit dans l’état de délabrement avancé des maisons abandonnées, qui n’est pas sans rappeler la guerre (l’horreur en moins). On peut ressortir déprimé de cette exposition, tant, face à tous ces abymes d’inhumanité, on finit par douter de la raison des Hommes. Mais chacun peut aussi, à la réflexion, y puiser une énergie nouvelle pour poursuivre, avec

plus de raison encore, son combat pour la paix, en se disant qu’on n’a peut-être encore rien vu, que les destructions maintenant possibles avec les moyens militaires actuellement disponibles dépassent en horreur tout ce qu’on peut se représenter dans la pire des Apocalypses. La destruction des villes ne date pas d’hier. De Troie à Carthage, de Béziers à Magdebourg, nos ancêtres ont montré un savoir-faire, certes encore artisanal, mais redoutablement efficace. Elles demeuraient néanmoins l’exception, qui frappait leurs contemporains d’horreur par delà les générations. A l’avenir, elles pourraient devenir la banalité dans laquelle s’éteindrait l’espèce humaine. A moins que les militants de la paix, plus Gandhi que Cassandre, ne contribuent à ramener un peu de raison dans la gestion de la planète. Ne dit-on pas qu’elle est, elle aussi, aussi le propre de l’Homme ? L’expo se tient jusqu’au 12 février 2012 au Pavillon Populaire (Esplanade Charles de Gaulle).

JP V

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Mouvement de la Paix - La Maison de la Paix, 9 rue Dulcie September - 93400 - Saint-Ouen - TĂŠl. 01 40 12 09 12

Cadeaux de Paix

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