Planète Paix n°569

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L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 569 / Février 2012

Les femmes victimes du militarisme

Dossier (P.11-16)

Le détroit d'Ormuz Iran-Israël : de qui faut-il avoir peur ? (P.18/19)

Cinéma

L'amour face aux traditions (P.22)


REGARD SUR... Conseil national du Mouvement de la Paix les 28 et 29 janvier 2012 à Bobigny

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N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX


Sommaire

l’Édito

Planète Paix n° 569 - Février 2012

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Campagne

Élections présidentielles

P.6/7

Des prétendants passés au crible Mobilisation

P.8

Valeurs, guerres et civilisations

Les pacifistes donnent de la voix Commerce des armes

P.9

L

Ventes d’armes à Delhi : Une rafale d’erreurs

11

dossier

Les femmes victimes du militarisme viols et violences P.12/13

Le récit ne suffit pas Rwanda

P.14

Les enfants nés de viols Le corps des femmes

P.15

Le champ de bataille inavoué

Ben Cramer

16

Référence

Le viol, l'autre arme de guerre

19

P.16

est en droit de se

mondialiser la paix

Le détroit d'Ormuz

P.18/19

Iran-Israël : de qui faut-il avoir peur ? Antisémitisme

P.20

Le centre Wiesenthal à la dérive Rétroviseur

P.21

Les aventures de l’Ibn Khaldoun

22

‘‘ Le pacifiste méfier de ceux qui soufflent sur des braises de façon si peu civilisée et affichent une supé-

culture

Cinéma

P.22

riorité qui n’a pas

P.23

lieu d’être.

L’amour face aux traditions Éducation à la paix

’’

Toulouse s'équipe de Non-Violence

Mensuel édité par le mouvement de la paix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org

Directeur de publication : Pierre Villard Rédacteur en chef : Ben Cramer Secrétaire de rédaction : Nadia Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert.  Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Roger Billé, Nadia Bennad, Nicole Bouexel, Jacques Le Dauphin, Annie Frison, Roland Nivet, Claude Ruelland, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Onu Ont participé à ce numéro : Marianne Gibert, Pierre Villard, Nadia Bennad, Karen Bouwer, Emmanuelle Sehene R., Jean-Paul Vienne, Laurence Deonna, Danielle Serres et Annie Frison. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0709G85601. Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

es propos de Claude Guéant nous renvoient à ce professeur d’Harvard, Samuel Huntington, qui fit paraître aux États-Unis en 1996 ‘The clash of Civilizations’ et rappelait que l’Occident a eu un impact « parfois dévastateur sur toutes les autres » civilisations 1. Au nom d’une certaine idée de l’Occident, il fut quasiment prescrit aux peuples « moins rationnels que nous » (sic) d’avoir accès à la bombe. Dans les années 90, pour les mêmes raisons, l’Ukraine fut poussée à flirter avec des armes nucléaires. Depuis, la « contre-prolifération » (cf. article sur Israël-Iran) a ses adeptes. Au nom des intérêts hégémoniques de l’Occident, les Européens ne veulent pas raccrocher le wagon turc (musulman) au train de l’Europe chrétienne ; ils préfèrent alimenter les budgets militaires d’Athènes et d’Ankara et miser sur le prolongement indéfini du conflit à Chypre. Les apologistes de la haine et de la confrontation armée se frottent les mains à la perspective d’autres clashs. En tentant de nous faire croire que l’Occident est inégalable du point de vue des valeurs, les bienfaits d’un monde multipolaire et multicivilisationnel sont niés. Comme sont niées les aspirations à la paix dans des zones de turbulence. Dont les zones démilitarisées comme le Sinaï 2, ou les autres architectures de paix. Parmi eux, les efforts - qui en valent bien d’autres - entrepris par les Basques pour mettre un terme à 40 ans de guérilla urbaine ou par les Karen en Birmanie. Le pacifiste est en droit de se méfier de ceux qui soufflent sur des braises de façon si peu civilisée et affichent une supériorité qui n’a pas lieu d’être. Car comme dirait Huntington « l’Occident a vaincu le monde non parce que ses idées, ses valeurs, sa religion étaient supérieures mais plutôt par sa supériorité à utiliser la violence organisée. Les Occidentaux l’oublient souvent, mais les nonOccidentaux jamais ».

1

"Le choc des civilisation". Éd. Odile Jacob, 1997. Page 54

2

cf. dans son discours à Oslo le 11 décembre 1989, à l’occasion de

la réception de son Prix Nobel, le Daïla Lama (Tenzin Gyatso ) se réfère au Sinaï pour plaider en faveur d’une démilitarisation du Tibet.

Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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Courrier des lecteurs

 Reconversion Les questions de conversions et de reconversions sont de vraies questions. Elles vont prendre de l’importance dans les années à venir, on s’en rend compte déjà avec les fermetures de bases militaires préconisées au nom des restrictions budgétaires, aussi dans certains États du Sud. Le temps s’approche durant lequel il va falloir réfléchir très sérieusement aux conséquences sociales de ces fermetures et démantèlements. Merci à Planète Paix pour ce dossier qui aurait mérité de plus amples développements. Linder A. Diego Garcia Puisque PP a parlé de Diego Garcia dans un numéro précédent, voici le cri du cœur d’une poète qui vit en France. Les 2 000 habitants nés dans l'île, ont été expulsés. Un cas, qui synthétise beaucoup de semblables, est celui de Marie Aimée, née et élevée dans « Diego García », qui en 1969 a porté à ses fils à Port Louis (Maurice),un traitement médical. Le gouvernement britannique ne lui a jamais permis de remonter sur le bateau pour repartir et jamais plus elle n’a pu y retourner. La Haute Cour britannique d'abord, et la Cour d'Appel ensuite, ont condamné l'expulsion comme étant illégale et ont donné à la population le droit de rentrer ; mais aucun gouvernement n'a voulu accomplir ces sentences. Et le Bureau des affaires Internes et Internationales du Royaume-Uni a dit en revanche qu'il n'y aurait pas de population indigène. Le droit unique à une citoyenneté était ac4

N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

cordé aux mouettes. Aujourd'hui, de 2000 expulsés originairement, moins de 700 conservent la vie. Les barbares jouent-ils à l'extinction finale ? « Diego García», est la juste enclave, s’il venait à l'esprit aux barbares une action sanglante contre l'Iran. Les USA ont loué l'île jusqu'en 2016. Et après : quoi ? Cristina Castello, Poète et journaliste www.cristinacastello.com http://les-risques-du-journalisme.over-blog.com/ castello.cristina@gmail.com Femmes, citoyennes et non seulement victimes En France, c’est tendance, il faut « sortir du nucléaire » ; je suis d’accord mais en colère : je préfèrerais un plan d’action plus appliqué, pour mettre fin à la guerre, à la misère, à la loi du père, et à toutes les dominations… La guerre, on connaît pour son lot de victimes militaires et surtout civiles, surtout des femmes et enfants, avant, pendant et même longtemps après la fin du conflit – pour les cas où la guerre est réellement finie, est-ce le cas entre la France et l’Algérie, ou en Turquie. Une mère palestinienne – ou étaitce une Femme en Noir ? – avait crié : « un enfant qui disparaît, c’est le ciel qui s’éteint ». Et l’enfant-soldat, la fillette esclave de guerre, ou l’enfant née du viol de guerre, où est leur étoile ? Femmes ou mères de soldats, femmes agissant contre l’exode (« partir ou mourir »), réfugiées ou apatrides de pays en guerre, résistantes des indépendances et des droits humains. Il est admis de reconnaître le rôle des femmes contre les guerres. Mais, chiche, et si les femmes se mêlaient vraiment de décider de quelle paix nous avons besoin, de comment, par qui et pour qui, sont décidées les politiques militaires (quelle défense, de quelle nation), les investissements des États

(dans le budget de l’État français, 50 % des investissements sont militaires), et jusqu’aux choix de développement (il n’y a pas un monde développé et un monde sous-développé, mais un seul monde mal développé). La guerre, bien au-delà des seuls « crimes contre l’humanité », est en elle-même crime contre le développement humain. Combien coûte un seul des missiles lancés sur la Libye ? (et combien cet argent a-t-il rapporté, à qui, et qui a payé finalement, et à quoi aurait-il pu servir pour le mieux ? La misère, ce n’est pas seulement de l’autre côté des mers ces enfants décharnés aux visages de vieillards, ou ces terres agricoles préemptées par des grands argentiers ; c’est aussi ici des gens qui ont faim, et pas seulement en hiver. Faim de tout, faim de toit, faim de droits, faim de rêves et de dignité partagée. Au pays des lumières et de la république des frères, deux pauvres sur trois sont des femmes, jeunes ou âgées. La violence faite à la société entière par l’accaparement des richesses, de la parole et du pouvoir, légitime le sort fait aux femmes, ce qui en retour plombe d’autant les tentatives pour en sortir... Je suis en colère parce que les toutes jeunes filles dans l’atelier d’écriture au collège se taisent et laissent la scène de slam aux garçons. Parce que le service Jeunesse finance des projets «départ jeunes » à dix garçons pour deux filles. Parce que des « experts » à la radio expliquent le massacre d’une famille entière par « le besoin de possession » du père. Parce que les professionnelles du travail social n’ont pas les moyens de mailler leurs actions dans la durée, dans les rares cas où ils/elles seraient conceptuellement outillé-e-s. Parce que la police, les avocat-e-s et les juges, continuent d’humilier, sur-punir et spolier les femmes qui viennent en justice réclamer la paix domestique (une prescription de trois ans, c’est très court face

à une destruction psychique). Parce que dans mon entreprise, le sous-traitant chef des femmes de ménage est un ancien militaire, et ces femmes gagnent un tiers de smic. Parce que les rapports sociaux de domination s’entrecroisent, se conjuguent, et pervertissent les pratiques de la démocratie. Et que le bénéfice humain, politique, social et économique à réduire et supprimer les discriminations envers les femmes, est un levier trop négligé en France. Le choix de l’émancipation humaine, c’est tout ou rien, universel. Comme pour tout voyage d’utopie, ce qui compte, c’est le chemin. Pour toutes et tous, et partout ; pas seulement pour la domination des uns, fussent-ils plus nombreux que les nantis d’aujourd’hui, ni dans notre seul jardin. Pas d’autre choix que d’apprendre à faire avec toutes et tous, autrement. Bernard Clavel s’est éteint avant que le « grand malheur » ne prenne fin. Et la toute nouvelle organisation Onu-femmes cible la paix au même rang que les droits humains. A y bien réfléchir, sortir de la culture de guerre, de la violence physique et symbolique, c’est peut-être plus radical que sortir du nucléaire. Marianne Gibert

Rectificatif • Concernant l’article sur le CICR et la bombe, voici les références sur le site du Comité International de la Croix Rouge. w w w. i c r c . o r g / f r e / r e sources/documents/report/ nuclear-background-document-2011-11-26.htm • FIAP est le « foyer internationnal d'accueil de Paris » et non la « fédération internationnal de l'art photographique ». Toutes nos excuses au FIAP et à nos lecteurs.


REPÈRES ... Livre

IMAGE DU MOIS

Égypte : Place Tahrir, 1 an après, la révolution en sursis

Faut-il juger Georges Bush ? Édité par le GRIP et les éditions André Versailles Grip (nouvelle adresse) : 467 chaussée de Louvain, 1030 Bruxelles

Les extraits du rapport de Human Rights Watch sont bien introduits par Jean-Paul Marthoz et Reed Brody ; un rapport qui liste tous les crimes reprochés à Bush et la clique qui dirigeait avec lui la Maison Blanche. Juger Georges Bush ? Reed reconnaît que la démarche est irréaliste d’une certaine façon. Ce n’est pas dans les mœurs de Washington d’exiger des comptes de ses hauts responsables en politique étrangère. Cette règle non écrite prévaut depuis le début de l’histoire des États-Unis et c’est une des raisons pour lesquelles les mêmes comportements se répètent. Il n’y a jamais eu de poursuites pour tous les crimes commis par des agents des États-Unis en Amérique latine ou au Vietnam, ce qui favorise une culture d’impunité. Mais l’important réside aussi dans le fait de poser de bonnes questions.

Les chiffres... 3600 c'est le nombre de soldats français sur le sol afghan-

dont 800 pour former les forces de sécurité afghanes

82 c'est le nombre de soldats français tués en Afghanistan depuis le début du conflit - dont 26 en 2011 et 16 en 2010 150 c'est le nombre de militaires français basés à Douchambe au Tadjikistan.

EN EXPRESS ...

Cinquante bougies pour ‘Non Violento’ Le Mouvement vient de célébrer son 50ème anniversaire et profite de cet anniversaire pour lancer une campagne, commune avec d’autres mouvements pacifistes, pour le désarmement et contre les dépenses militaires. Mais de qui s’agit-il ? Le Mouvement Nonviolento a étè fondé par Aldo Capitini après la Marcia per la pace e la fratellanza dei popoli qui s’est déroulée à Perugia-Assisi en septembre 1961. Capitini dirigeait alors le Centre pour la nonviolence de Perugia. Dès 1964, le Mouvement lance le magazine mensuel Azione nonviolenta, fondé à Verona, et ceci va permettre de diffuser des informations sur les luttes nonviolentes à la fois en Italie et dans le monde. Le Mouvement s'engage alors sur l'objection de conscience au service militaire et contre les guerres (Vietnam, Irak, Bosnie, Tchéchénie, Afghanistan) avec les autres organisations pacifistes ; il participe aux manifestations contre les centrales nucléaires, aux marches antimili-

taristes et aux campagnes contre les dépenses militaires. Il a organisé des nombreux congrès sur ces sujets. A partir de 1982, avec le M.I.R, la section italienne du Mouvement International de la Réconciliation fonde Le Centre d'études et de Documentation Sereno Regis à Turin ; depuis cette époque, il s’est enrichi de 20 000 titres, documents et supports audiovisuels. Ce Centre développe une intense activité de formation et d’éducation à la paix, à l'environnement et au développement durable, y compris l'organisation des Camps d'été ouverts à tout le monde. Grazziella Bevilacqua N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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campagne Élection présidentielle

Des prétendants passés au crible Selon l’adage « on ne gagne pas une élection sur la politique étrangère et la défense mais on peut l’y perdre », Planète Paix estime qu’il est temps que « çà » bouge sur le front de la paix, « une idée de gauche » comme dirait Jean-Luc Mélenchon.

E

n attendant de faire le tri de ceux qui croient aux bénéfices du désarmement, qui veulent faire avancer les atouts de la paix (à l’intérieur de nos frontières, comme à l’extérieur), Planète Paix propose à ses lecteurs de dresser un petit tableau comparatif à partir des déclarations des uns et des autres, de ceux qui se sont exprimés sur le sujet en tant que candidats - excepté Jean-Luc Mélenchon. Puisque des pages lui seront consacrées dans le prochain numéro.

Généralités François Hollande : La doctrine de dissuasion est la riposte dès lors que nos intérêts vitaux sont menacés (...) C’est la condition de notre indépendance et une force utile à la paix. Nous réaffirmerons et préciserons notre concept de dissuasion nucléaire, laquelle demeurera le fondement de notre stratégie de défense. Eva Joly : Une politique écologique globale de paix repose sur l’abandon de l’arme atomique et la proposition d’un calendrier de désarmement nucléaire multilatéral ou à défaut unilatéral, (...) pour la création d’un Conseil européen de sécurité, une défense européenne ayant un rôle de force d’interposition et un service civil européen pour la prévention des conflits. François Bayrou : Je ne crois pas que les sous-marins soient tous obsolètes (les plus récents ont 8 ans !). En tout état de cause, ma responsabilité sera d'assurer que, tant qu'il y aura des menaces, la France ne baissera pas la garde et que sa dissuasion restera crédible. Nicolas Dupont-Aignan : Mise en place de 6

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coopérations européennes en matière d’armement et de transports. Remise à niveau de l’outil de défense nationale. Marine Le Pen : La dissuasion nucléaire (sera) la garantie ultime de notre sécurité et de l'indépendance nationale.1

Désarmement nucléaire F. Hollande : Je veux donc, si je suis élu président de la République, m’inscrire dans la continuité de Pierre Mendès France qui décida, en tant que président du Conseil, la fabrication d’une arme nucléaire, qui eut la volonté farouche de construire notre dissuasion en conservant sa pleine indépendance, de François Mitterrand, qui ne recula pas quand les SS 20 étaient à l’Est. E. Joly : (Je) promets d'organiser ce désarmement en concertation avec l'armée française. Des généraux pensent comme moi (...) Barack Obama rêve d'un monde sans arme nucléaire et je pense que c'est un rêve tout à fait réalisable. “Guerre à la Guerre” suppose la sortie du nucléaire militaire. Là aussi l’Europe et la France doivent donner l’exemple. Vous pouvez compter sur moi, si je suis élue présidente de la République, pour commencer les négociations de désarmement et pour initier un référendum sur le sujet...2 F. Bayrou : Je pense que ce qui serait pour l'humanité rationnel et juste, c'est de commencer à discuter d'un plan de désarmement nucléaire de long terme. Ça ne peut pas se faire comme ça. Et qui permettrait de répondre à tous ceux qui veulent la prolifération nucléaire. (...) nous allons à pas programmés vers un monde dans lequel cette arme serait bannie. On pourra dire

que c'est de l'idéalisme, mais c'est aussi une vision politique de long terme. N. Dupont-Aignan : Réaliser un second porte-avion, ainsi que le maintien de la force de dissuasion.

Otan Philippe Poutou : Pour une sortie de l’Otan et un retrait des bases d’Afrique. E. Joly : L’Europe doit devenir une zone dénucléarisée. Elle doit appliquer une politique de désarmement et construire une défense fédérale européenne, qui ne soit pas soumise à l’Otan. 3 M. Le Pen : Sans tarder, tout en restant membre de l'Alliance atlantique, la France sortira du commandement intégré de l'Otan. N. Dupont-Aignan : Sortir de l’Otan, une organisation archaïque issue de la guerre froide, qui, comme le pacte de Varsovie, n'a plus lieu d'être.

Afghanistan P. Poutou : La France n’a rien à faire dans cette guerre américaine. Nos soldats doivent quitter immédiatement l’Afghanistan. Une enquête internationale, indépendante des gouvernements participant à la guerre et de leurs alliés, doit avoir lieu pour connaître le nombre exact des victimes de l'Otan en Afghanistan. Les gouvernements, la France notamment, doivent cesser de cacher les chiffres et les faits. E. Joly : Nous souhaitons que l’ensemble de notre contingent militaire regagne la France le plus rapidement possible. Mais ce


retrait ne doit pas se faire dans n’importe quelles conditions. M. Le Pen : L’Afghanistan et la Libye, je suis hostile à ces guerres qui ne sont pas les nôtres. Nous pouvons comprendre que les Américains soient intervenus en Afghanistan après l’agression, préparée dans ce pays, dont ils furent victimes le 11 septembre 2001. Mais avions-nous besoin d’envoyer nos soldats au prix de la mort de trop d’entre eux ?

Prolifération nucléaire F. Hollande : C’est parce qu’elle respecte pleinement ses obligations de puissance nucléaire que la France est fondée à combattre sans faiblesse et sans concession ceux qui, dans le monde, ont engagé des programmes dangereux pour sa stabilité. Je ne relâcherai donc en rien les efforts pour résoudre, avec nos partenaires, les crises de prolifération en Iran ou en Corée du Nord. Je veux contribuer à ce que le droit, les traités et les décisions du Conseil de sécurité soient pleinement respectés. Le contexte international actuel ne laisse pas présager que le temps de la dissuasion nucléaire serait désormais dépassé : nous conserverons les deux composantes de notre dissuasion nucléaire . 4 E. Joly : Donc pour faire respecter le traité de nonprolifération et l’obligation de désarmer, il faut que le pouvoir soit pris dans le pays signataire, pour le vouloir et pour conduire ce désarmement. Donc il faut que les pays signataires de cette convention en aient la volonté politique et pour le moment aucun tribunal au monde ne peut les y contraindre. F. Bayrou : Je pense que la question du désarmement est une question cruciale. Je pense que ce qui se joue, dans les jours où nous sommes sur la prolifération nucléaire est une question terrible pour l'humanité. Parce que si vous acceptez la prolifération nucléaire un jour un fou s'en servira. Déjà quand il y a quatre ou cinq ou six grands États qui ont l'arme nucléaire ce n’est pas rassurant. Et quand vous vous tournez vers l'Iran ou vers la Corée et que vous dites " s'il vous plaît respectez vos engagements, ne faites pas ça ". Ils vous disent " et pourquoi nous, on n’en aurait pas le droit alors que vous, vous l'avez " ?

M. Le Pen : Nous entreprendrons un effort pour parvenir progressivement, sur les cinq ans du mandat, à consacrer 2 % du PIB à la défense nationale (...) soit 0,4 % point de plus qu'aujourd'hui, 8 milliards d’euros dans cinq ans. Au rythme actuel, sur les 377 milliards prévus pour la période allant de 2009 à 2020, il manquera 25 milliards d’euros pour un deuxième porte-avions à propulsion nucléaire.

Droit de véto au Conseil de sécurité ? F. Hollande : La dissuasion nucléaire est indissociable de notre statut de grande puissance, comme l’est aussi notre participation au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un droit de veto auquel je n’entends pas renoncer. En tout cas « tant que le système international n’a pas profondément changé et évolué ». E. Joly : Un « privilège dépassé », pour une réforme fondamentale de l'Onu (...) avec un siège européen au Conseil de sécurité qui permette à tous les pays européens de porter une politique étrangère commune. F. Bayrou : C’est «infiniment troublant» que l'on veuille gommer la seule arme qui permette encore à la France d'être au rang des puissances majeures. M. Le Pen : Signe de ce délitement absolu des valeurs de patriotisme dans notre pays, cette polémique hypocrite sur le siège de membre permanent de la France au Conseil de Sécurité des Nations unies, avec droit de veto. Aujourd’hui ce sont les Verts et le PS qui veulent que la France perde ses prérogatives.

1 2

déclaration du 2 décembre 2011 cf. sondage http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/

sondage/2011/08/19/2571423_etes-vous-pour-ou-contrele-desarmement-nucleaire.html 3

déclaration du 11 novembre devant le Mur de la Paix

4

cf déclarations du lundi 30 janvier à Brest

5

depuis 1946, Paris n’a utilisé cette arme que 18 fois, son der-

nier veto remontant à 1989 au sujet de l’intervention américaine à Panama.

Dépenses d’armement F. Hollande : Ce qui compte c’est l’intérêt de la France, avant même les questions budgétaires. Tous les ministères auront à faire des efforts, sans qu’il y ait besoin de dire que celui-ci serait plus concerné qu’un autre. F. Bayrou : On a une question de projection de forces, de petites forces dans des situations de crises et qui est très importante. Et deuxièmement ça ne peut se faire que dans un contexte européen. Parce que personne ne pourra se payer les armements... au niveau national. Favorable à la construction d'un deuxième porte-avions français, je souhaite qu'il fasse l'objet d'un développement en coopération avec le Royaume-Uni. N. Dupont-Aignan : Conserver l'objectif d'un maintien des budgets français de la défense à environ 2% du PIB hors pensions.

EN SAVOIR PLUS Sites Internet des candidats : • E. Joly : http://evajoly2012.fr/ • J-L. Melenchon : www.placeaupeuple2012.fr/ • N. Dupont-Daignan : www.debout-la-republique.fr/ • F. Bayrou : www.bayrou.fr/ • F. Hollande : http://francoishollande.fr/ • P. Poutou : http://philippe-poutou2012.skyrock.com/ N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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campagne Mobilisation

Les pacifistes donnent de la voix En 2012, les comités du Mouvement de la Paix s’engagent dans des Rencontres citoyennes pour la Culture de la Paix. Les 24 et 25 mars, les soixante-deux organisations du collectif ICAN-France organisent deux journées de mobilisation pour exiger la réduction des dépenses militaires et l’abolition de l’arme nucléaire*.

L

es pacifistes n’ont pas attendu les élections pour avoir des exigences, décider de se faire entendre et interpeller les politiques. Lors de son congrès de novembre 2011, le Mouvement de la Paix a rappelé sa vocation de mouvement de transformation sociale, c’est-à-dire dont l’objectif est d’agir sur la société. En période électorale, où le débat public est un objectif démocratique, c’est l’implication et l’expression des acteurs de paix dans ce débat qui démontrera leur utilité sociale. Dans cette optique, les organisations engagées dans la Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire ont décidé d’unir leurs énergies pour que s’exprime dans tout le pays la double exigence du soutien à la Convention d’élimination des armes nucléaires et de la diminution des dépenses militaires. Ainsi, à un mois du premier tour de l’élection présidentielle, des initiatives auront lieu dans chaque département, afin que s’exprime la nécessité vitale de l’élimination totale de l’arme atomique. De nombreuses organisations y sont déjà engagées. Chacune est cependant confrontée à la nécessité d’augmenter l’impact de ses actions afin d’élever fortement son niveau de crédibilité. Aussi la question de la convergence est posée à tous, au plan local et au plan national. C’est ce qui a amené le Mouvement de la Paix à proposer des journées d’expression et d’action communes à ses partenaires du Collectif ICAN-France. Cette nécessité de convergence est vite apparue évidente pour tous, même si différentes campagnes existent déjà. Afin d’interpeller l’opinion et les candidats, il a été retenu comme thématiques, le sou-

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N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

Manifestation à New-York, mai 2010 lors de la conférence de révision du TNP

tien à la Convention d’élimination des armes nucléaires, la réduction de 10% du budget militaire dès 2013, le gel du programme de renouvellement des missiles M45 par le M51 et des têtes nucléaires, l’abandon de la force aéroportée nucléaire, la promotion d’une zone exempte d’armes nucléaires au Proche et Moyen Orient et l’arrêt de l’opposition de la France aux retraits des armes nucléaires tactiques de l’Otan. On retrouve ses exigences dans une Lettre ouverte aux candidats. Chaque initiative fera l’objet d’une campagne commune des organisations locales qui décideront des formes les plus adaptées. En Provence-Alpes Côte d’Azur, plusieurs semaines d’initiatives dans les communes bordant l’étang de Berre verront leur point d’orgue à Istres le 25 mars. En Bretagne, verront la visite des pacifistes, le Centre électronique de l’armement de Bruz le 21 mars, la rade de Brest le 25, la base aéronavale de Landivisiau le 24. Dans le Rhône, des journées de débats et de fêtes se préparent à Lyon, Givors ou Vénissieux. La communication nationale sera portée par une affiche et le support du site

Internet ICAN-France. La préparation de ces journées nationales des 24 et 25 mars, devra permettre d’atteindre les 100 000 signatures de la lettre-pétition au président de la République, dite pétition ICAN. Parallèlement à ce temps fort, les comités du Mouvement de la Paix sont engagés dans l’organisation de débats publics avec la participation pluraliste de candidats aux élections législatives. Dans le Tarn, le Comité des Objecteurs du Tarn, le Mouvement pour une Alternative Non-violente et l’Appel des Cent pour la Paix l’ont déjà organisé avec succès le 15 décembre dernier. Ces multiples projets s’inscrivent dans une dynamique déjà en marche. Il s’agit pour les organisations pacifistes de valoriser les actes de convergences afin de faire entendre la voix des abolitionnistes dans le débat publique, à ce moment crucial de la vie nationale. Pour vous y associer, n’hésitez pas à prendre contact avec les groupes locaux des organisations engagées ou prenez vous-même l’initiative. Pierre Villard * www.mvtpaix.org


Campagne Commerce des armes

Ventes d’armes à Delhi : Une rafale d’erreurs A la surprise générale, les dépenses d'armement et le commerce des armes reviennent sur le devant de la scène politique française. Motif : le Rafale pourrait équiper l'armée de l'air indienne. Une affaire à suivre...

«

Cela faisait 30 ans qu'on attendait ce jour » a déclaré Nicolas Sarkozy, pour saluer cet heureux événement » à venir, c’est à dire le contrat – non finalisé – de 126 bombardiers Rafale que le gouvernement de Delhi signera(it) avec le constructeur français Dassault Aviation. Depuis cette annonce, les actions de Dassault Aviation ont bondi de 18,5 %. Le gouvernement fanfaronne. Mais n’en déplaise au Premier ministre François Fillon, les Français ne s’enthousiasment pas forcément pour ce marché.

au mythe de la grandeur et tentent de perpétuer une vieille tradition. Il s’agit de « garder son rang » en occupant la 4ème place mondiale des exportateurs d’armement. Un cocorico avec 7 % du marché mondial de l’armement. Pour amorcer un virage vers le désarmement, on peut mieux faire. D’autant plus que la France s’honore parfois, à l’instar de 152 autres États, d’avoir soutenu et signé le Traité sur le commerce des armes qui stipule que ce commerce ne doit pas aggraver les conflits et la pauvreté.

Un contribuable lésé

Dans le droit fil des tractations de la DCNS à Cherbourg pour vendre des sous-marins fabriqués sur les chantiers de Karachi, la France s’implique dans une zone de tension. Que l’Inde ne veuille pas se laisser distancier en raison de la montée en puissance de la Chine, - avec une croissance du budget militaire à deux chiffres !- cela se comprend. Avec des forces aériennes considérées comme ‘has been’ (il s’agit de Mirage… français), l’Inde veut améliorer son look militaire. Rahul Bedi, journaliste de la défense à New Delhi, estime que le pays « doit renforcer ses capacités de combat, en particulier à l’aide d’avions d'attaque longue portée. D’ailleurs, explique-t-il comme pour justifier l’arrivée des prochains Rafale de chez Dassault, « la préoccupation de l'Inde n'est pas seulement le Pakistan, mais la menace à plus long terme posée par la Chine ». Mais le citoyen français n’est pas sans savoir que primo, le Rafale est un bombardier capable d’embarquer des missiles à ogives nucléaires ; secundo, que l’État auquel ces armes sont destinées est un État détenteur de l’arme nucléaire (depuis 1974), qui s’est toujours opposé au Traité de non-prolifération, le TNP et continue de le railler tout comme l’un de ses ennemis et qui ne veut surtout pas entendre parler d’un Traité d’interdiction des Essais nucléaires, le CTBT. Tertio, que l’argent qui aura été débloqué pour cette vente se fera aux dépens de l’investissement nécessaire pour scolariser 220 millions d’enfants.

Si Paris avance l’argument économique pour ce contrat de 9 à 10 milliards d’euros, l’argument tient-il la route ? Sur les 126 Rafales vendus, 108 seront fabriqués en Inde entraînant naturellement un transfert de technologies. Une braderie du savoir des ingénieurs français, des salariés des industries de défense. Le contribuable français qui a largement donné de sa poche pour la fabrication de ces engins du côté de Mérignac n’en sera pas le bénéficiaire, excepté l’actionnaire de Dassault Aviation. Mais dans la perspective d’une diversification, le contribuable est aussi de ceux qui voudraient que ce savoir-faire soit mis au service de réalisations civiles, ne seraitce que parce que cela entraîne davantage de débouchés, comme on le voit avec le Falcon par exemple.

Une frime en 4ème position

EN SAVOIR PLUS Le complexe militaro-industriel indien : • www.delhiplanet.fr/2011/03/17/ il-ny-a-pas-de-course-a-larmement/ Le SIPRI et les ventes d’armes dans le monde : • http://the-diplomat.com/2012/02/ 05/indian-military-goes-french/ • www.opex360.com/2011/02/21/lemarche-de-larmement-a-representeplus-de-400-milliards-de-dollarsen-2009/

En proposant ses avions Rafale, -qui n’ont pas été retenus par les Brésiliens ou les Suisses ou les Saoudiens- les responsables politiques français participent

Un jeu qui sent la poudre

BC N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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Au jour le jour Les soldes gagnent l’armée US Après son retrait d’Irak, l’armée américaine a décidé de vendre de grandes quantités d’armes provenant de son surplus plutôt que de payer leur rapatriement (Marianne du 21.01). Les rabais de ces blindés et munitions dépassent parfois les 60%. Les bénéficiaires de ces soldes : Israël, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis.

Villes de paix Deux cents maires du Maine et Loire (de toutes opinions) ont répondu à l'appel du maire d'Hiroshima pour supprimer les armes nucléaires à l'horizon 2020. Cet appel s'appuie sur le Traité de non prolifération des armes nucléaires qui prévoit en son article VI le désarmement nucléaire (190 pays signataires). La campagne de soutien à cet appel, en direction des maires du département, a été initiée par le collectif 21 septembre du Maine et Loire qui regroupe une vingtaine d'organisations locales, pour marquer chaque année la journée mondiale pour la paix et la non-violence décrétée par l'Onu.

Un fonds pour les Casques bleus ? Le président de la République du Kazakhstan, Nursultan A. Nazarbayev, a proposé l’adaptation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) aux nouvelles réalités.« Ce Traité, a-t-il es-

timé, est devenu un accord asymétrique qui ne prévoit de sanctions qu’à l’encontre des États non nucléaires. Si les puissances nucléaires veulent interdire la production de ces armes, ils doivent montrer l’exemple en réduisant et en renonçant à leurs propres arsenaux ». Le président a réitéré sa proposition de créer un fonds des Nations unies pour les opérations de maintien de la paix auxquelles contribueraient volontairement les États à hauteur de 1% de leur budget militaire. Une proposition qui pourrait inspirer nos candidats à la présidentielle.

Paris et la convention sur les armes chimiques Si la France peut se prévaloir d’être le premier État membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu à avoir ratifié (en mai 1995) cette Convention sur l’interdiction des armes chimiques, l'usine de destruction des munitions chimiques anciennes ne serait opérationnelle qu’à partir de 2012. Selon les experts, cette échéance sera reportée à 2015. Motif : le désarmement coûte cher.

Djakarta et le CTBT Au mois de décembre (2011), le parlement indonésien a ratifié le Traité d’interdiction des Essais nucléaires, le CTBT. Alors que 150 États membre des Nations unies ont ratifié ce traité,

y compris la France, alors que 1680 États ont fait savoir qu’ils soutenaient la structure en charge des vérification, l’organisation du CTBTO à Vienne, le Traité ne peut entrer en vigueur qu’à la condition que les 44 États dotés de réacteurs nucléaires l’aient ratifié. En tenant compte de l’Indonésie, il n’en reste que 8 à convaincre. Parmi eux, les États-Unis, l’Inde, le Pakistan, Israël....

La dissuasion made in Delhi Dès le mois de février, le premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) indien, l’INS Arihant, (qu’on peut traduire par puissant destructeur d’ennemis) de conception entièrement indienne, débutera ses premiers essais à la mer au large de Visakhapatnam (côte est). L’INS Arihant dispose de 4 tubes lance-missiles, pouvant embarquer soit 12 missiles K-15, d’une portée de 750 km, soit 4 K-4 d’une portée de 3.500 km. Le 2ème SNLE, après l’INS Arihant, devrait être baptisé l’INS Aridhaman. Objectif affiché : disposer à terme de 3 SNLE et de 6 SNA qui viendront remplacer les 14 sous-marins classiques vieillissants. Tandis que Delhi rappelle que l’Inde affiche une doctrine nucléaire de “nonutilisation en premier”, la construction de 3 SNLE actuellement identifiés comme les S-2, S-3 et S-4 -se poursuit à un rythme accéléré.

L’Horloge de l’Apocalypse Au vu de l’accroissement des dangers nucléaires dans le monde et l’absence de progrès dans le sens de l'abolition du nucléaire, le compte à rebours de la Doomsday Clock (L’horloge de l’Apocalypse) du Bulletin of the Atomic Scientists a été avancé d’une minute de l’heure fatidique de minuit.

22 et 26 face à 146 Une toute récente étude d'ICAN montre que toutes les nations d’Amérique latine, des Caraïbes et d'Afrique se prononcent en faveur d’un traité interdisant les armes nucléaires. Il en serait de même en ce qui concerne la plupart des nations de l'Asie, du Pacifique et du MoyenOrient. Le soutien est plus faible en Europe et en Amérique du Nord, en particulier parmi les membres de l'Alliance atlantique. Les nations qui appuient l'interdiction sur les armes nucléaires sont 146. Ils représentent plus de 80% de la population mondiale. Selon l’étude, ils sont 26 (États) à refuser dont la France, Israël, le Portugal, la Russie, l’Espagne, la Turquie, le Royaume-Uni, les ÉtatsUnis. Parmi les 22 potentiellement « convertibles » : l’Australie, l’Allemagne, le Canada, le Japon, la Roumanie, la Corée du Sud, l’Uzbekistan.

à vos agendas • Neuvy Pailloux dans l'Indre : manifestation le 18 février à 14h, rendez-vous place de la Mairie. Un collectif d'associations dont le Mouvement de la Paix du Cher appelle les habitants à dire "Non au stockage national de déchets radioactifs de l'armée de terre","oui à la préservation de l'environnement et de la qualité de vie dans l'Indre". Ce site militaire doit accueillir tous les déchets actuellement entreposés à Saint-Priest (Rhône) et tous ceux des 30 sites régionaux de l'armée de terre. 10

N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

• Paris - Sorbonne, 23 et 24 mars à l’occasion des 50 ans de l’Union pacifiste de France, l’association des doctorants en études cinématographiques les Trois Lumières organise deux journées d’études sur le thème du pacifisme et des médias dans la France du 20ème siècle. Les journées se déroulent au centre d’histoire sociale du XX ème siècle, université Paris1, Sorbonne, rue Malher, Paris 75004.


DOSSIER

Les femmes victimes du militarisme

• viols et violences Le récit ne suffit pas • Rwanda Les enfants nés de viols • Le corps des femmes Le champ de bataille inavoué

Les victimes sont partout. Parmi les non-combattants, la société civile. Difficile de hiérarchiser ? Peut-être. Mais dans les actes de violence et parfois de tentatives d’humiliation, de destruction, de barbaries qui caractérisent le stade extrême des conflits armés, ce sont les membres du sexe féminin qui sont les plus exposés parmi les victimes. Planète Paix tente ici de porter un éclairage sur ce qui s’est passé dans certaines contrées africaines, au cours des dix ou 15 dernières années, entre le Rwanda et la RDC. Nous aurions pu prendre d’autres exemples : le viol en tant qu’arme de guerre ne se focalise pas sur une zone géographique spécifique et aucun conflit de par le monde n’est virtuellement épargné. Mais dans les sociétés où l’injustice règne dans les rapports hommes/ femmes, il est à parier que le terrain est plus « balisé » pour que les dérives vers ce type de recours aux violences se manifestent et/ou perdurent. N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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DOSSIER

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viols et violences

Le récit ne suffit pas Comment parler de la culture de violence qui s’est développée dans cette zone militarisée sans attaquer la culture congolaise ? Comment parler de la violence dans un pays, la RDC, dont la population se trouve plongée dans « un entre-deux de ni guerre ni paix », dans une société post-conflit ? Une professeure de l’université de San Francisco a bien voulu nous faire part de ses recherches et réflexions.

L

e viol comme arme de guerre

En République Démocratique du Congo, des centaines de milliers de femmes (et d'enfants, et d'hommes) ont été violées, viols souvent accompagnés de mutilations impensables, notamment à partir de 1999. Depuis longtemps on accepta que la guerre soit accompagnée de viol et de pillage. Cette acceptation implicite se manifeste toujours dans les réponses offertes par des hommes armés (soldats ou milices) au Congo quand on leur demande pourquoi ils violent : ça fait longtemps qu’ils sont dans la brousse ; c’est normal qu’un homme prenne une femme, par force si c’est nécessaire1. Dans le monde entier, les soldats qui ne violent pas sont ceux qui font partie d’une puissante hiérarchie dans laquelle les leaders ne tolèrent pas de tels manquements à la discipline. Au Congo, les commandants sont aussi coupables que leurs subordonnés -pour la plupart non rémunérés- et la discipline est presque inexistante. C’est dans ce contexte plus large que certains groupes pratiquent le viol de masse et la mutilation comme arme de guerre : pour terroriser des communautés. Mais pourquoi ? En quel sens est-ce que ces communautés représentent l’ennemi ? La réponse simple est l’accès aux ressources, principalement la terre et les minerais2. Des rapports y font 12 12

N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

référence comme par exemple celui établi par Global Witness de 2009, intitulé « Face à un fusil, que peut-on faire ? ». La terreur semée par le viol collectif, le meurtre, la destruction de demeures et la mutilation font fuir les populations et donnent libre accès aux ressources. Les communautés dé-

chirées (souvent les femmes violées sont rejetées par leurs familles, on le sait) résistent mal. Et ceux qui profitent de ce manque de stabilité sont nombreux : les groupes armés eux-mêmes, les trafiquants et les acheteurs des produits, les pays voisins qui exportent les produits, et les hommes politiques (jusqu’à Kinshasa) qui reçoivent leur pot-de-vin. Ne sont-ils pas tous finalement complices dans le déploiement du viol comme arme de guerre ? Ces dernières années, on a pu assister à une prolifération d’organisations dont par exemple Friends of the Congo (les Amis du Congo) voulant améliorer le sort des Congolais et plus particulièrement celui des femmes 3. Les défis posés par ces entreprises -offrant des ressources et des services essentiels- sont importants. Tandis qu’on a tendance à mieux connaître les initiatives ayant une bonne visibilité en Occident, un travail extraordinaire se fait donc sur place, souvent avec des moyens dérisoires ou du moins minimes. De bons exemples de ces projets -qui font fusionner aide humanitaire, sensibilisation, mobilisation, intégration dans des réseaux régionaux- figurent dans un rapport préparé par le Fonds Global des Femmes « Le financement des mouvements des femmes contre les violences sexuelles en RDC : 20042009 ».4 Ce sont ces femmes qui nous aident à comprendre la sécu-


i m es

du

m i l i t ar i s m e

Victimes de violences sexuelles à l'hôpital pour un traitement

rité de façon plus large (et pas uniquement sous l’aspect militaire), ce sont les voix de ces femmes -meneuses, directrices, leaders et celles qu’elles soutiennent et forment,qui sont indispensables à tout programme politique et de consolidation de la paix. Le 14 mai 2011, Eve Ensler, une militante qui a joué un rôle capital pour exposer l’envergure des violences sexuelles perpétrées dans l’est du Congo, a écrit un article pour Ms. Magazine intitulé « I am over it », « J’en ai fini avec ça ». Elle souligne dans ses propos que cette histoire est vieille de 14 ans mais à chaque fois, c’est comme si le monde la découvre pour la première fois. Eve Ensler va plus loin. Elle écrit que les femmes du Congo en ont aussi fini avec « ça ». Des femmes avec qui elle a eu l’occasion de s’entretenir lui ont confié qu’elles allaient faire la grève : elles refusent désormais de raconter l’histoire de leur viol. Elles veulent la paix. Elles ne sont pas là pour divertir. Leur souffrance n’est pas à consommer. Le même jour, Howard French, professeur à Columbia University et ancien journaliste du New York Times, soutient que le viol au Congo attire l’attention de la presse et du monde « grâce » au fait que les images de viol sauvage renforcent les images stéréotypées du continent africain. Ceci expliquerait pourquoi des millions de morts n’ont pas la capacité de provoquer autant d’indignation

que la violence sexuelle. Si la violence sexuelle, déployée en tant qu’arme de guerre, a le pouvoir de nous indigner et d’attirer l’attention du monde sur la situation déplorable qui dure trop longtemps au Congo, n’en restons pas là. Soyons conscients des investissements à long terme qui s’imposent pour assurer aux femmes congolaises ce qu’elles ne cessent de demander : la paix.

même à l’intérieur d’un seul individu. Ce sont ces autres manifestations de masculinité qu’on peut exploiter pour contrer les versions violentes qui prédominent en ce moment. 2

Le rapport préparé par Global Witness en 2009 («

Face à un fusil, que peut-on faire ? » La guerre et la militarisation du secteur minier dans l’est du Congo) offre une image détaillée de la relation malsaine qui caractérise l’exploitation minière dans une région où la paix est censée régner : www.globalwitness. org/sites/default/files/pdfs/faced_with_a_gun_text_ver-

Karen Bouwer

sion_fr.pdf. Pour des recommandations concernant l’acquisition responsable des richesses minérales et la

Voir par exemple les entretiens avec des hommes

stabilisation de la région, voir deux articles de Patrick

qui avouent avoir violé dans le film de Lisa Jackson

Cannon : www.fpif.org/articles/controlling_congos_mi-

The Greatest Silence: Rape in the Congo (2007).

nerals et www.fpif.org/articles/stabilizing_congo.

Voir aussi « Why Do Soldiers Rape ? Masculinity,

3

Sexuality and Violence in the Armed Forces in the

sa mission: “Raising consciousness about the chal-

Congo » (International Studies Quarterly 53: 495-

lenge of the Congo and supporting Congolese ins-

518). Bien que d’autres retiennent de cet article le

titutions as they strive to bring about peaceful and

fait que les hommes font la distinction entre le viol

lasting change.”

« normal » et le « mauvais » viol (accompagné de

4

violence extrême) et le fait que selon les hommes

downloads/2010/GFW-

1

Friends of the Congo établi en 2004, définit ainsi

www.globalfundforwomen.org/storage/images/stories/

interviewés il faut rejeter toute qualité « féminine »

CongoReport-2010-LowRes.pdf (la version fran-

pour être un « vrai homme », j’ai retenu un aspect

çaise commence à la page 27).

qui me semble offrir une lueur d’espoir. S’inspirant sans doute d’une vision d’un temps révolu, les idéaux exprimés par ces hommes comprenaient le désir de pouvoir soutenir leur famille et, plutôt que d’être un Rambo hyper masculin, ces hommes rêvaient d’un boulot administratif… Ceci montre qu’il existe déjà diverses formes de masculinité, N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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DOSSIER

L es

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Rwanda

Les enfants nés de viols Aujourd’hui adolescents, les enfants nés des viols pendant le génocide de 1994 sont

DR

les seuls soutiens de leurs mères, souvent rejetées par la société.

Rwanda : Josette et son fils Thonas, photographiés par l'artiste israélien Jonathan Torgovnik.

S

elon Jaël Nirere, responsable de l’assistance aux victimes de viols au sein de l’association Kanyarwanda, « les enfants des mères violées qui se sont remariées sont tous rejetés autant par la famille maternelle que celle du père adoptif. Par contre, les victimes du viol non mariées le considèrent comme des « cadeaux ou compagnons d’infortune ». Ces enfants sont très solidaires de leurs mères, car ils sont souvent stigmatisés comme elles et il leur faut se battre pour être reconnus et acceptés par la société. La plupart font tout pour réussir leurs études et aider leurs mères, leur seule famille, à subvenir à leurs besoins. 14 14

N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

Des femmes qui ont vécu les mêmes horreurs pendant le génocide se rencontrent, une fois par mois, au centre psychosocial de Kigali où ces compagnes d’infortune partagent leur vie sans détours. « Avec l’une ou l’autre, on se raconte, on se présente, on s’aime, on fait comme si notre vie était normale » dit l’une d’elles, 46 ans. Puisque leur calvaire n’est pas un secret pour la communauté, elles ne le cachent pas à leurs enfants. « J’ai tout raconté à ma fille. Je lui ai dit comment son indésirable père m’a terrorisée et violée. Ses mots – « Tu avais refusé de m’épouser et voilà le sort veut que tu m’appartiennes maintenant. C’est l’amour ou la mort !» restent gravés dans ma mé-

moire. Elle me comprend et me console, témoigne-t-elle. Pour une des responsables de l’association des veuves du génocide, AVEUGA, plusieurs milliers de Rwandaises ont été violées pendant le génocide. Certaines d’entre elles vivent avec le VIH/Sida, comme Madame X; elles doivent assurer seules l’éducation des enfants nés de ces crimes. Avec eux, elles luttent sans cesse pour garder leur dignité et continuer à vivre envers et contre tout et tous. Emmanuel Sehene R.


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du

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Le corps des femmes

Le champ de bataille inavoué En République Démocratique du Congo, durant plusieurs années de combats, des groupes armés ont bafoué les droits humains, ils ont pratiqué de façon systématique la violence sexuelle contre les femmes.

D

es dizaines de milliers de femmes et filles en République Démocratique du Congo ont été victimes de violences sexuelles au cours des quinze dernières années. Le Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP) a rapporté que 15 996 nouveaux cas de violences sexuelles ont été enregistrés à travers le pays en 2008. Il y a eu 4 820 nouveaux cas dans le nord Kivu. Le FNUAP a également signalé que plus de 65% des victimes pendant cette période étaient des enfants. La majorité était des adolescentes et 10% d’entre elles avaient moins de 10 ans. Encore une fois, parce que la majorité des viols ne sont pas signalés à cause de la honte des victimes et la crainte de répercussions sociales, ces statistiques doivent être en dessous de la réalité. L'agression sexuelle a contribué à la hausse de la séropositivité. Avant les hostilités qui ont éclaté en 1997, 5% de la population était séropositive. En 2002, ce nombre avait grimpé à 20% dans les régions orientales du pays où le conflit a été la plus intense. Dans la province du Sud-Kivu, on estime que 22% des victimes de viol sont séropositives.

Les conséquences psychologiques et sociales

EN SAVOIR PLUS • http://saynotoviolence.org/fr • www.un.org/fr/women/endviolence/

Les victimes de violences sexuelles souffrent souvent du syndrome de stress post-traumatique, la dépression et le suicide. Ces conséquences peuvent être particulièrement sévères dans les cas où des hommes ont été contraints, sous la menace, d'agresser sexuellement leurs filles, sœurs ou mères. La

conséquence sociale la plus fréquente pour ces victimes est l'isolement de leurs familles et de la communauté. Les femmes violées sont considérées comme impures, sont fréquemment abandonnées par leur mari ou ont des difficultés pour se marier. Les versions les plus extrêmes de cette stigmatisation conduisent à des «crimes d'honneur » dans lesquels la victime de violences sexuelles est assassinée par sa famille ou une communauté sous prétexte qu'elle leur a apporté la honte et le déshonneur.

Les responsables Selon Human Rights Watch, alors que de nombreux auteurs de violences sexuelles sont des groupes de milices, dont certains sont connus pour kidnapper des femmes et des jeunes filles et de les utiliser comme esclaves sexuelles, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), sont le « plus grand groupe d'auteurs de viols ». En 2007, la Mission des Nations unies de stabilisation en RDC (MONUSCO) a rapporté que 54% de tous les cas enregistrés de violences sexuelles dans les premiers 6 mois de la même année ont été commis par des soldats des FARDC. En Juin 2010, le groupe d'aide britannique Oxfam a signalé une augmentation spectaculaire du nombre de viols survenus en RDC. Contrairement au rapport de 2007 de la MONUSCO, l'étude a révélé que 38% des viols ont été commis par des civils en 2008. Ces viols sont en augmentation, ce qui démontre que la violence sexuelle se répand de plus en plus à travers le pays. Il s'agit d'une hausse particulièrement spectaculaire par rapport au nombre de viols perpétrés en 2004 par des civils, qui était inférieurs à 1%. Les chercheurs de Harvard estiment que des viols commis par des civils ont augmenté de 17 %. « Au départ, le viol était utilisé comme un outil de guerre par toutes les forces belligérantes impliquées dans les conflits récents dans le pays, mais la violence désormais sexuelle est malheureusement non seulement perpétrée par les factions armées, mais aussi par des gens ordinaires qui occupent des positions d'autorité, voisins, amis et membres de la famille », commente le Dr Margaret Agama, représentant de la RDC au Fonds FNUAP, en se basant sur ces études. Des chiffres qui montrent combien la militarisation et la guerre imprègnent tout un chacun. Nadia Bennad N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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RÉFÉRENCE

Le viol, l'autre arme de guerre Les chiffres Selon les conclusions d'une étude publiée aux États-Unis dans Le journal américain de la santé publique, plus de 1 100 femmes sont victimes de viol chaque jour en RDC. Selon ses auteurs, 400 000 femmes et jeunes filles ont été violées sur une période de douze mois en 2006 et 2007. C'est 26 fois plus que les estimations de l’Onu sur la même période. Le nombre de femmes violées au moins une fois dans la zone de conflit du Nord-Kivu, 67%, est plus du double de la moyenne nationale, 29%. Cela signifie qu'une femme dans certaines parties du Congo a 134 fois plus de risques d’être violée qu’une femme aux États-Unis, dont le taux de viols annuels de 0,5% pour mille femmes.

Rwanda, un demi-million de femmes ont été violées durant le génocide de 2004 Bosnie-Herzégovine, près de 50.000 femmes de tout groupe ethnique ont été violées Sierra Leone : près de 64.000 femmes furent violées par des combattants entre 1991 et 2001. La moitié de celles qui furent victimes de violences sexuelles faisaient partie des femmes déplacées. RDC : le chiffre des femmes violées s’élève à un demi-million.

Témoignages (extraits)  Anna : quatre hommes armés ont fait irruption dans ma cabane, ils ont giflé les enfants et les ont jetés par terre. Ils m'ont renversée sur le dos, et m’ont violée à plusieurs reprises. Peu importe que des dizaines de Casques bleus des Nations unies étaient basés juste sur la route et que j'avais 80 ans…

 Anonyme : « Ils m'ont donné des coups, j’étais par terre, et ils m'ont retiré tous mes vêtements, deux d'entre eux m’ont tenu les pieds. L’un d’eux a pris mon pied gauche, l’autre le droit, d’autres ont tenu mes bras, deux hommes se mirent à me violer. Puis cinq autres m'ont violée.

 Lumo : « plus de 50 hommes armés m’ont emmenée avec une autre femme dans la brousse où ils nous ont violées encore et encore. Ensuite ils nous ont tirées comme des chèvres jusqu’à la route principale où ils nous ont abandonnées.

 Claudine, une autre survivante du viol « j’ai été kidnappée par des bandits, ils m’ont attachée à un arbre dans la forêt et m’ont violée. Plus tard, j’ai été forcée de regarder mon violeur éventrer une femme enceinte »

 Zamuda, âgée de 50 ans : « Les hommes m’ont violée avec des objets, il n’y avait pas de désirs sexuels, ils ont juste voulu me détruire, détruire mon corps et tuer mon esprit »

Résolution des Nations unies

« Il est probablement devenu plus dangereux d'être une femme qu'un soldat dans les conflits armés. » Le major-général Patrick Cammaert, ancien commandant des forces de paix de l'Onu au Congo oriental

Le Conseil de sécurité a noté que « les femmes et les filles sont particulièrement ciblées par l'utilisation de la violence sexuelle, y compris en tant que tactique de guerre pour humilier, dominer, effrayer, disperser et / ou réinstaller de force les membres civils d'un groupe communautaire ou ethnique. La résolution a exigé la cessation immédiate et complète par toutes les parties à un conflit armé de tous les actes de violence sexuelle contre des civils ».

(…) Le viol et autres formes de violences sexuelles peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un élément constitutif du crime de génocide, l'Onu souligne la nécessité pour l'exclusion des crimes de violences sexuelles de l'amnistie dans le contexte des processus de résolution des conflits, et invite les Etats membres à respecter leurs obligations pour juger les personnes présumées responsables de tels actes, afin de s'assurer que toutes les victimes de violences sexuelles, en particulier les femmes et les filles, ont une protection égale devant la loi et un accès égal à la justice, et souligne l’importance de la lutte contre l'impunité pour de tels actes dans le cadre d'une approche globale de recherche de la paix durable, la justice, la vérité et la réconciliation nationale (…). Conseil de sécurité des Nations unies, résolution : S/RES/1820 (2008) 19 Juin 2008 16 16

N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX


Le seul mensuel entièrement consacré aux problématiques de la paix (désarmement, dépenses militaires, engagement pacifiste...)

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MONDIALISER LA PAIX Le détroit d'ormuz

Iran-Israël : de qui faut-il avoir peur ? La fièvre monte du côté du détroit d’Ormuz. Dans le cadre de la croisade contre la prolifération nucléaire, la guerre a-t-elle de beaux jours devant-elle ?

C

omme dirait Rony Braumann 1, les opérations militaires menées en Libye ont réhabilité la guerre et surtout réhabilité la guerre préemptive. La guerre a donc de beaux jours devant elle, et pour toutes sortes de raisons. Primo, Ahmadinejad fait partie de ces dirigeants qui voient dans l’enrichissement de l’uranium une forme d’enrichissement tout court. D’ailleurs, l’enrichissement n’est pas interdit par le Traité de non prolifération-nucléaire (TNP) et certains États y compris le Brésil n’ont jamais été sermonnés par l’Onu, l’AIEA ou la « communauté internationale » au motif qu’il serait illégal, voire redoutable de faire tourner des usines d’enrichissement comme on le fait en France du côté de Tricastin. Secundo, Obama et Sarkozy font partie des dirigeants pour qui le ticket gagnant pour être réélu passe peut-être par une croisade qui leur permettrait de récolter les lauriers d’une victoire. Pour l’instant, nous avons assisté à des opérations discrètes. Les premières ont été menées par certains médias. Des journalistes et non des moindres tentent (depuis 2004 pour certains) de donner la « rage » aux « chiens » qu’ils veulent abattre, comme du temps de Saddam ou de Kadhafi2. Ils sont très bavards et très pressés à nous expliquer comment Israël est capable, cartographie à l’appui, de cibler les installations nucléaires iraniennes, et ne se gênent pas pour fournir à la façon de Madame Soleil la date et le lieu des opérations

à venir. Simultanément, nous assistons à une version « soft » de l’interventionnisme. Via la méthode « tondre le gazon », son nom de code. Cela consiste à mener des assassinats ciblés au cœur de l’ « ennemi » en faisait sauter ici et là des ingénieurs nucléaires, quatre en l’espace d’une année. Ces meurtres non revendiqués sont rarement condamnés par la Cour internationale de justice, l’Otan, bref, la « communauté internationale ». Ce saupoudrage de violence vise officiellement à retarder une prolifération, bien que l’histoire tende à prouver le contraire si l’on se reporte aux conséquences des attaques menées à l’encontre du programme nucléaire irakien. Y a-t-il d’autres options ? La méthode « bulldozer » post-Tripoli est-elle envisagée par les états-majors ? Bien sûr, dans la variation des conflits asymétriques. Rien n’empêche l’Occident, au nom de la menace (réelle ou supposée) de l’atome, d’arguer que la guerre, ma foi, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, « il faut la faire » comme l’explique Bernard-Henri Levy. Mais gageons que la manière forte avec armada étasunien en face de Bahrein, sous-marins nucléaires (SNA) en repérage compris, aura surtout pour effet de convaincre d’autres États de la région, y compris la Turquie et l’Arabie Saoudite de s’engager à leur tour dans l’aventure nucléaire. Bref, comme dans l’opération contre Kadhafi, le remède risque fort d’être pire que le mal. Nous risquons d’assister à un crescendo de menaces, à l’exhibition de scenarii

Canons anti-aériens de surveillance de l'installation nucléaire de Netanz, Iran

EN SAVOIR PLUS • www.worldpublicopinion.org/pipa/ articles/brmiddleeastnafricara/695.php 18 18

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dramatiques avec des commentateurs inspirés qui nous expliqueront sans rougir que le prix à payer pour éviter la perspective d’une bombe iranienne est tout simplement un conflit capable d’enflammer toute la région et de perturber l’écoulement du pétrole brut dans une partie de l’Asie.

veur d’une dénucléarisation de toute la zone, même si cela devrait se traduire pour Israël de renoncer d’une façon ou d’une autre à son attirail. Cette idée qui flinguerait les autres options, pourrait pourtant faire son chemin, à Washington, Pékin et Moscou même si Paris fait mine de ne pas y croire.

Le réalisme des peuples Pour se débarrasser d’un interlocuteur gênant, ne vaut-il pas mieux cesser d’en faire un paria ? Telle est du moins la thèse avancée par le chef du Mossad Tamir Pardo, son prédécesseur Efraim Halevy et un ex-chef d’état-major. Ils viennent de déclarer -ô scandale !- que l’Iran ne représente pas de « menace existentielle » à l’égard d’Israël. Ces exfaucons, non terrorisés à l’idée que l’Iran va disposer de sa bombinette, se disent que face aux 200 et quelques ogives nucléaires d’Israël, l’homme fort de Téhéran, qui en rajoute beaucoup pour faire oublier ses déboires internes, saura se tenir tranquille. Ces militaires ne sont pas seuls à refuser l’option militaire. Les peuples ont rarement voix au chapitre mais l’idée de bombarder des sites iraniens n’est soutenue que par 43 % des Juifs israéliens3. 90 % d’entre eux estiment que l’Iran aura sa bombe de toute façon. Qu’il va falloir « faire avec », comme il a fallu « faire avec » les bombes israéliennes, indiennes, pakistanaises et nord-coréennes4. Selon le même sondage, qui n’a pas bénéficié de la moindre pub, lui, 64 % des Juifs israéliens se prononcent carrément en fa-

1

Il fut lauréat du prix de la fondation Henri Dunant.

2

Planète Paix fera prochainement un dossier sur les

médias et les guerres, 3

sondage mené avec l’institut Dahaf en Israël

4

des bombes officiellement moins acceptables que

celles des États-Unis, de la Russie, de la France, de la Chine, du Royaume-Uni.

Ben Cramer

Jets israéliens

En résumé du sondage d’opinion de l’Institut Dahaf concernant les Juifs israéliens réalisé en novembre 2011 : 90% pensent que l’Iran va de toute façon avoir la bombe 65% se prononcent pour que ni Israël ni l’Iran n’aient la bombe 64% sont en faveur d’une zone dénucléarisée. N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX Antisémitisme

le Centre Wiesenthal à la dérive Où en est le Centre Simon Wiesenthal (SWC), fondé en 1975 par le chasseur de criminels nazis du même nom ? Qu’est-il en train de devenir depuis la mort du fondateur en 2005 ?

EN SAVOIR PLUS • www.wiesenthal.com • www.csweurope.org 20 20

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e Centre Simon Wiesenthal s’est orienté, dès le départ vers la dénonciation des manifestations d’antisémitisme dans le monde. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour mieux comprendre les nouveaux critères d’appréciation, il suffit de se rapporter à son dernier rapport intitulé « Top Ten Anti-Israel and Anti-Semitic Slurs, c’est à dire le palmarès des 10 meilleures attaques anti-Israëliennes et antisémites. Parmi les personnalités fustigées par le Centre, on peut trouver celui de R. T. Erdogan, Premier ministre de Turquie, bien que la Turquie ait longtemps fait un bout de chemin avec Israël, y compris sous Erdogan. Mais il est reproché au Premier ministre turc de n’avoir pas apprécié que le gouvernement israélien humilie publiquement son ambassadeur en Israël et, encore moins, que les militaires israéliens tuent de sang froid 9 ressortissants turcs, militants pacifistes (et pacifiques) et qu’il l’ait fait savoir sans ambages. M. Theodorakis, compositeur et musicien grec, homme de gauche, qui dénonce la politique colonialiste d’Israël et ses soutiens aux Etats-Unis M. Abbas, président de l’Autorité palestinienne, pour son discours prononcé à l’Onu le 23 septembre dernier dans lequel il dénonçait la prétention d’Israël à l’exclusivité des droits sur la Terre Sainte, rappelait que musulmans et chrétiens avaient, eux aussi, des droits historiques sur cette langue de terre. Hermann Dierkes, responsable de Die Linke

(le seul parti qui, en Allemagne, s’autorise -précautionneusement- quelques critiques à l’endroit de la politique menée par Israël) à Duisbourg. Là, c’est peut-être plus grave encore, car il apparaît à l’évidence, après dépôt de plainte de ce dernier et enquête, que son site Internet, qui véhiculait des thèses ouvertement négationnistes, a, en réalité, été grossièrement manipulé et falsifié par des hackers. Il est, d’ailleurs, vigoureusement défendu par le dirigeant -juif- de son parti, Gregor Gysi. L’amalgame est ainsi clairement établi entre les manifestations antisémites d’une part et les critiques formulées à l’endroit de la politique actuelle du gouvernement israélien d’autre part. On ne saurait être de plus mauvaise foi. La dénonciation de l’antisémitisme, comme de toute forme de racisme ou de xénophobie, est une cause grave, sans doute bien trop sérieuse pour être confiée au Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles. Il s’est de lui-même dégradé en officine de propagande du gouvernement israélien (actuel), si ce n’est du Likoud, ne faisant pas forcément honneur au nom qu’il porte. On veut bien croire que cette liste de proscription est à usage étroitement américain. On la traitera néanmoins pour ce qu’elle est : un boutefeu bien propre à alimenter les haines, donc les guerres. Jean-Paul Vienne


MONDIALISER LA PAIX Rétroviseur

Les aventures de l’Ibn Khaldoun La reporter-écrivain-photographe Laurence Deonna, qui a reçu le prix Unesco de l’éducation pour la paix en 1987 - a rencontré des femmes qui ont erré 40 jours en mer sur leur Bateau de la Paix. Bref rappel.

EN SAVOIR PLUS • «Storia di pace in un mare di guerra’ par Maria Paola Fiorensoli, in ‘Il paese delle donne », revue féministe, Rome, janvier à mai 1991 • Ibn Khaldoun (1332-1406), historien, philosophe, diplomate et homme politique arabe d’Afrique du Nord.

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e 6 décembre 1990 : départ d’Alger où des femmes portées par un rêve ont embarqué sur l’Ibn Khaldoun, un navire marchand battant pavillon irakien qu’elles ont rebaptisé Bateau de la paix. A part quelques maris et une quinzaine d’enfants, à part l’équipage, le bateau restera tout au long du voyage féminin : sa marque, son image. L’itinéraire prévu : longer les côtes du Maghreb, passer le canal de Suez, traverser la Mer Rouge, contourner la péninsule arabique, le Yémen, Oman, pour enfin toucher le port irakien d’Oum Kasr fin décembre. Objectif : apporter des médicaments aux femmes et aux enfants d’Irak ainsi que du lait et du sucre, soumis eux comme tous les vivres à l’embargo par une décision du Conseil de Sécurité des Nations unies, après que l’Irak ait envahi le Koweit. C’est du moins ce qui était prévu mais l’histoire et la guerre en décideront autrement. Ce défi est né d’une idée lancée en septembre 1990 lors du congrès de l’Union des femmes arabes, lesquelles sont venues en force sur l’Ibn Khaldoun. (…) Au cours du voyage, le mot Peace apparaîtra peint en lettres immenses sur le flanc du navire, puis sur le sol de l’un des ponts afin que du ciel, les pilotes puissent l’apercevoir. (..) Le 25 décembre à 4h45 du matin, le bateau dort après avoir quitté le port d’Aden quand soudain éclate un vacarme. C’est un abordage, le chef d’œuvre de l’armée américaine, soutenue par quelques uniformes anglais et australiens. L’équipage de l’Ibn Khaldoun malmené lui aussi est gardé à vue. Le capitaine a les mains liées dans le dos et un canon de fusil sur la nuque (…) Pendant ce temps, une fois de plus le bateau est fouillé. Avec une fois de plus le même pathétique butin : du lait, du sucre, de la nourriture et des médicaments. (…) Retenu par un porte-avions et des navires de guerre, l’Ibn Khaldoun ne bouge plus. Finalement, les femmes se résigneront à la deuxième alternative proposée par leurs géoliers : l’Ibn Khaldoun continuera sa route, mais seulement après s’être débarrassé de sa marchandise. Faute de les jeter à la mer, seront donc débarqués dans un port non-irakien (Oman) le lait, le sucre, les médicaments, tout ce pour quoi les femmes ont tant et tant lutté … Après avoir été bloqué en pleine mer durant neuf

jours, l’Ibn Khaldoun devra attendre encore neuf autres jours ancré au large du port omani de Mascat, qu’on veuille bien l’autoriser, après mille tergiversations, à vider sa cargaison. (..) De leur navire immobile, les captives aperçoivent au loin le rivage où l’on décide de leur sort. Les jours traînent. Messieurs les ambassadeurs à Mascate palabrent : que faire de ces pacifistes dont la croisade s’est transformée en affaire d’État ? Que faire de ce harem doublé d’une pouponnière venu se balader à quelques vagues des missiles ‘Cruise’ à charge nucléaire ? 8 janvier. Allégé de sa cargaison maudite, l’Ibn Khaldoun prend enfin le large. Il longe les côtes de l’Iran sous des rafales de pluie et de vent, cingle vers le port irakien d’Oum Kasr où il accostera le 14 janvier, à la dernière minute, quelques heures avant que le monde sache si oui ou non …Quarante jours sont passés depuis le départ d’Alger. (…) Ensuite, tout ira très vite. (…) Toutes transiteront par Bagdad. Là, dans les salles d’attente de l’aéroport, c’est le début des adieux. Personne ne semble savoir comment s’en est sortie la Soudanaise qui prit en route, un peu par hasard, le bateau des femmes, dans l’espoir de trouver en Irak un hôpital pour y faire soigner son enfant. Il y a celles qui sont du bon côté, celles qui s’envolent vers Amman ou Tunis lancent un dernier regard vers les Irakiennes qui s’en vont trainant leurs valises, leurs pas résonnant dans le hall vide…et dont Bagdad sera le destin. Laurence Deonna Extraits du livre « Mon enfant vaut plus que leur pétrole » Éd. Labor été Fides, Genève, 1992

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CULTURE Cinéma

L’amour face aux traditions La Source des femmes, film du réalisateur français d'origine roumaine Radu Milhaileanu, rend un bel hommage aux femmes et à l'amour. Un film riche en couleurs qui ne laisse pas indifférent sur la condition des femmes et leur courage.

Image extraite du film

D

e nos jours dans un petit village, quelque part entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Les femmes vont chercher l’eau à la source…et ce depuis la nuit des temps : la tradition. Le chemin caillouteux dans la montagne est rude et parfois une femme enceinte tombe et perd son bébé. Leïla, jeune femme étrangère au village, qui sait lire et écrire, vient de se marier avec Sami l’instituteur du village. Elle est révoltée par cette corvée d’eau et suggère aux femmes du village de demander aux hommes de trouver une solution ou d’aller eux-mêmes chercher l’eau, sinon elles feront la grève de l’amour. Le cinéaste a puisé dans un fait divers sur la révolte des femmes d’un petit village de Turquie, et a repris l’argument d’une pièce de théâtre vieille de plus de vingt-cinq siècles (Lysistrata d’Aristophane), qui raconte la grève de l’amour qu’entreprennent les femmes d’Athènes pour convaincre leurs 22

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maris d’arrêter la guerre contre Sparte. Et cette dualité dans l’inspiration est visible tout au long du film : venue organisée de touristes dans le village, téléphone portable, hymen recousu pour le mariage, mais pas d’eau courante ni d’électricité, pas de contraception. Sans jamais être démonstratif, le film passe en revue les différents aspects de la « domination masculine », de la naissance à la mort : la préférence donnée aux garçons à la naissance et entretenue par les femmes elles-mêmes « tu es bénie, c’est un garçon », l’inégalité dans l’accès à l’éducation, les mariages forcés, parfois très précoces, à 13/14 ans, l’inégale répartition des tâches domestiques, les violences conjugales …et plus généralement cet ensemble de croyances et de valeurs qui valorisent l’homme et vouent la femme à un statut congénital d’infériorité. En dépit du caractère dramatique de certaines situations, le film est plein de

chants et de rires, porté de bout en bout par l’énergie et l’humour de ses héroïnes. Sans pour autant aller jusqu’à la véritable confrontation, les femmes opposent intelligence, ruse à la violence (verbale et physique) des hommes et, grâce à Leïla, discutent avec l’Imam et le font douter sur le sens de certaines sourates du Coran. Pourtant les difficultés s’accumulent : Sami perd son travail, sa famille lui demande de prendre une autre femme… Malgré les heurts inévitables, les phrases assassines « son ventre est sec », « recadre ta femme sinon je le fais », « elle te perdra et jettera la honte sur nous », le couple formé par Leïla et Sami, fondé sur l’émancipation et le respect mutuel, montre qu’une véritable égalité peut conduire à une harmonie de vie, à une compréhension partagée des événements, à un amour passionné et tendre. Il donne corps à la trame dramatique et au suspens et constitue la preuve que le film ne reste pas dans le conte et la comédie. La musique, composée par Arnaud Amar, est un pur régal. Comme dans ses précédents films, elle constitue un personnage central et devient le moyen, pour les femmes, de faire entendre leurs revendications sur un mode poétique et imagé. Elle ponctue le film à la manière d’un leitmotiv. Le film est lumineux et plein d’espoir. Il convie au débat et peut permettre des discussions multiples lors du 8 mars, journée internationale de lutte des femmes pour leurs droits : « Pourquoi ne déciderionsnous pas de notre avenir autant que les hommes ? » s’exclame l’une des héroïnes. Annie Frison


CULTURE Éducation à la paix

Toulouse s'équipe de Non-Violence Situé à Colomiers, tout près de Toulouse, le Centre de ressources a été inauguré le 3 avril 2004 dans le but de répondre à une demande croissante autour de la thématique de la non-violence et de la paix à l’échelle nationale et internationale.

EN SAVOIR PLUS • www.non-violence-mp.org/

L

es origines de sa création remontent à la grande manifestation du 15 février 2003 à Toulouse contre le projet de guerre en Irak, qui sera suivie à Colomiers par la naissance du réseau de Citoyens pour la paix, impulsé notamment par Alain Refalo1. L’association est adhérente de la Coordination française de la Décennie internationale pour une culture de non-violence et du Fonds Non-Violence XXI. Le Centre est égaleMalle pédagogique ment soutenu par un comité de parrainage composé de personnalités régionales, nationales et internationales2 prônant cette éthique de non-violence. Il s'est donné pour mission d'informer, de sensibiliser et de former le grand public à ce qu’est la non-violence et ce qu’elle peut apporter dans la résolution des conflits qu’ils soient personnels, interrelationnels, politiques, sociaux ou internationaux. Cette logique passe par la compréhension de la thématique de non-violence grâce aux multiples outils de réflexion, d’animation et de formations mis à disposition du public. Il a également vocation à initier des partenariats associatifs et institutionnels afin d’aider à la mise en place de projets et d’évènements favorisant le développement d’une culture de non-violence dans notre société. L’association, par exemple, participe activement à la journée internationale de la non-violence qui a lieu tous les 2 octobre, jour de la naissance de Gandhi. Ainsi, en 2011, lors de la semaine de la non-violence, diverses animations ont été mises en place autour du thème « La non violence est en marche » afin de faire découvrir au plus grand nombre la non-violence et ses enjeux. Le Centre est structuré autour de pôles d’activités. Chaque pôle est animé par une commission composée d’adhérents de l’association. Le pôle documentation dispose d’un fonds documentaire très riche, composé d’environ 2 500 ouvrages, vidéos,

brochures, revues et dossiers thématiques. Le pôle formation est composé d’un réseau régional de formateurs experts de la culture non-violente qui organise diverses sessions autour de ce thème. Le pôle pédagogique valorise la culture de la non-violence, au travers d’outils pédagogiques tels qu’un parcours exposition destiné aux collégiens, les malles et mallettes pédagogiques, les jeux coopératifs. La non-violence est à la fois une philosophie de vie, une méthode de gestion des conflits et une stratégie d’action qui ont pour visée de construire une société plus juste et plus solidaire. C’est avant tout la recherche d’une attitude en cohérence avec des valeurs telles que fraternité, respect envers l’autre et paix. Danielle Serres 1

En conscience, je refuse d’obéir, Éd. Des ilôts de résistance, 2010.

2

Parmi ces personnalités, Jean-Marie Muller : « La violence ne

peut que détruire des ponts et construire des murs. La non-violence nous invite à déconstruire les murs et à construire des ponts. »

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w w w. i c a n

f ra

nce .org

24 et 25 mars 2012

pour l’abolition de l’arme nucléaire et la réduction des dépenses militaires

! r i g a ’ d t n e m o m e l t s e ’ C

Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire

w w w . i c a n f r a n c e . o r g  Ican France - La Maison de la Paix - 9, rue Dulcie September - 93400 - Saint-Ouen - Tél. 01 40 12 09 12 - email : coordination@icanfrance.org

 ACDN / AFCDRP / ATMF / Américains contre la Guerre / Appel des Cent pour la Paix / Armes nucléaires Stop / ATTAC / Association des libres Penseurs de France / AMFPGN /AFPS / ANCAC / ARAC / CGT / CNID / Confédération Paysanne / CANVA / COT 81 / Droit Solidarité / Enjeu - les Pionniers de France / Enseignants pour la Paix / Fédération Espérantiste du Travail / FNTE - GCT / FSU / Femmes Solidaires / Forum Plutonium / Greenpeace France / IDRP / Institut Hiroshima Nagasaki / La Fondation Copernic / Les Alternatifs / Les Verts / LDH / Ligue des Femmes pour la Paix ( WILPF ) / Maison de Vigilance / Mouvement de la Paix / MRAP / MJCF / MOC / MIR / MNLE / MDLP / MAN / Observatoire des armes nucléaires françaises - CDRPC / PCF / Pax Christi France / RITIMO / Réseau Féministe « Ruptures » / Réseau Franciscain Gubbio / Réseau Sortir du Nucléaire / SNES - FSU / SNESup - FSU / SNCS - FSU / SNTRS - CGT / UBSAC - CGT / Union nationale peuple et culture / Union pacifiste.


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