L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 575 / Octobre 2012
Le syndrome du stress post-traumatique Dossier (P.11-16)
Mali
Qui veut la paix… (P.18/19)
Iran-Israël
Le Net, vecteur de paix au Proche-Orient (P.20)
REGARD SUR...
Marseille
Paris
Les comités du Mouvement de la Paix fêtent le 21 Septembre, Journée internationale de la Paix
Aubagne
Saint-Martin d'Hères
Le Blanc-Mesnil
Saint-Denis Caen
Villejuif 2
N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
Montélimar
Saint-Étienne-les-Orgues
Sommaire
l’Édito
Planète Paix n° 575- Octobre 2012
Loin de la réalité 9
L
Actualité
Jeux vidéo
P.6
Quand Tsahal met en jeu sa propagande Désarmement nucléaire
P.7
Signature des traités, et après ? Université d'été de la Défense
P.8
Quand le Parlement joue à guichet fermé… Forum pour la paix
P.9
Une rencontre citoyenne
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dossier
Le syndrome du stress post-traumatique Le stress post traumatique
P. 1 2 / 1 3 Effet collatéral de la guerre d'Afghanistan, ou nouveau fléau de notre époque ? Témoignage d'un combattant P.14-15 Ces plaies qu'on ne voit pas
19
P.18/19
Qui veut la paix… Iran-Israël
P.20
Le Net, vecteur de Paix au Proche-Orient Syrie
P.21
Une résistance pacifique, laïque et démocratique
22
‘‘ Car bien loin des belles paroles pro-
mondialiser la paix
Mali
Evelyne Aymard, membre du Bureau national du Mouvement de la Paix
mettant aux jeunes des missions humanitaires, l’armée envoie nos jeunes au feu.
’’
culture
Spectacle
P.22
Un Oratorio pour la Paix Théâtre
P.23
‘‘Les optimistes’’
Mensuel édité par le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org
’armée recrute ! Pour des missions humanitaires, pour faire du sport, avancet-elle. L’histoire de Nicolas Chouan est édifiante et loin d'être un cas isolé. Le silence de l’armée et sa publicité mensongère mettent à nouveau le doigt sur une société qui préfère détruire l’humain que construire un monde de paix. « Engagez-vous ! » Les campagnes de recrutement de l’armée ont de quoi séduire de jeunes gens en quête d’un emploi stable si difficile à trouver en ces temps de chômage et d’incertitude. Voici ce qu’on trouve sur l’un des sites de l’armée « Vous êtes sans doute à un moment charnière de votre vie (…) les décisions que vous prendrez, engagent votre avenir. Il s'agit donc de faire un choix qui vous garantisse épanouissements professionnel et personnel. En rejoignant l'armée de terre, vous faites le choix d'une vie hors du commun, faite d'action et de solidarité mais aussi de courage, (…) En exerçant le métier de soldat, vous vous transformerez positivement, pour la vie. » La réalité est tout autre. Pas moins de 400 soldats français reviennent d’Afghanistan brisés à vie, atteints de stress post-traumatique. Sans compter ceux morts au combat. Car bien loin des belles paroles promettant aux jeunes des missions humanitaires, l’armée envoie nos jeunes au feu. Il est prouvé que les conditions des opérations extérieures contribuent à la multiplication des psycho-traumatismes, nécessitant un sas de décompression institué à Chypre, avant de rentrer en France. Traumatismes que l’armée ne veut pas reconnaître de peur de devoir verser à vie des pensions à tous ceux qui en sont atteints. Encore un tribut offert à la guerre.
Directeur de publication : Pierre Villard Secrétaire de rédaction : Nadia Dorny-Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert. Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Nadia Dorny-Bennad, Nicole Bouexel, Grégoire Desclaux, Annie Frison, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Onu Ont participé à ce numéro : Evelyne Aymard, Tony Fortin, Édith Boulanger, JeanPaul Vienne, Patrice Bouveret, Abraham Behar, Nicole Bouexel, Nadia DornyBennad, Niamoye Diarra, Grégoire Desclaux, Pierre Villard. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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Courrier des lecteurs
Le snif du bonheur Afin de juguler le nombre de suicides au sein de ses troupes, l'armée américaine investit
dans une recherche médicale audacieuse. Trois millions de dollars ont été ainsi distribués à la Indiana School of Medecine, plus précisément au groupe de recherches en neurobiologie conduit par le docteur Michael Kubek. Son
objectif est de mettre au point un spray nasal diffusant de la TRH, une substance qui imite les sécrétions thyroïdiennes et régule l'état de bien être psychique. La molécule a prouvé son efficacité en tant qu'antidépresseur depuis les années 70, époque à laquelle la TRH était injectée en péridurale, ceci afin de franchir la barrière hémato-encéphalique. Il a été établi qu'une dose de TRH réduit rapidement les pensées suicidaires, la dépression et les troubles bipolaires. Aujourd'hui, le docteur Kubek propose le spray nasal afin de rendre l'administration du produit moins contraignante, spray associé à des "nano particules de livraison" qui facilitent l'accès de la substance jusqu'au cerveau. La TRH servirait alors d'antidépresseur d'urgence en attendant d'autres médicaments comme le Prozac ou le Zoloft, qui eux mettent plusieurs semaines avant d'agir. En prévision des prochaines guerres ?
Poésie A toi jeunesse du monde Nos pères sont allés à la conquête du monde à coups de sabre, de fusils, de canons, de bombes, élevés dans la convoitise, la peur, la haine de l'autre ils ont dressé aveuglement des murs dans leurs coeurs. Toi jeune, libère toi de cette peur et de cette haine. Dis : nous sommes une grande famille humaine, tous frères. Dis : nous voulons nous connaître, nous aimez, partager nos douleurs et nos joies dans la fraternité, la solidarité, la non-violence et la paix. Dis : la planète est notre maison, nul n'y sera étranger. Dis : nous bâtirons un monde nouveau fait d'amour et de partage, un monde humain où il fait bon de vivre sans peur et sans haine. 4
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Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.
Danielle Bosom nous a quittés ! Depuis plus de trois ans, Dany faisait partie de notre équipe qui représentait le Conseil Mondial de la Paix avec les ONG auprès de l’Unesco. Spécialiste de la Convention Internationale du Droit des Enfants, ratifiée en 1989, et de l’Afrique, continent où elle avait beaucoup voyagé, elle avait souvent contribué à la rédaction de Planète Paix notamment avec son excellent article pour le 20ème anniversaire de la CIDE et ceux où elle expliquait comment les pays développés pouvaient aider le continent africain confronté à une pauvreté endémique ! Mais aussi pour dénoncer l’esclavagisme qui s’attaque à la jeunesse où il fait de véritables ravages ! Dany était membre du Mouvement de la Paix. Elle avait, il faut s’en souvenir, beaucoup de qualités, elle composait également des poèmes et les décorait avec de très jolies aquarelles qu’elle réalisait elle-même ! Elle venait d’avoir 70 ans. Elle nous manque beaucoup. Roger Billé
GV
Malakoff porte le projet :
Cultiver la paix pour vivre ensemble au sein de Paris-Métropole
REPÈRES ... Documentaire
Livre
Sans blessures apparentes Enquête sur les damnés de la guerre Éd. Robert Laffont, 2008
La guerre d'Algérie expliquée à tous Benjamin Stora. Éd. Seuil
Dans la pédagogique collection « Expliqué à…», l'historien Benjamin Stora s'attaque à un sujet difficile, la guerre d’Algérie qui fut le grand épisode traumatique de l’histoire de la France des Trente Glorieuses. Et les blessures ouvertes alors ne sont pas encore refermées, comme en témoignent les polémiques mémorielles récurrentes qu’elle continue de soulever. Né à Constantine en Algérie, l’historien Benjamin Stora relate ici cette guerre longtemps restée « sans nom », ses épisodes majeurs, depuis les massacres de Sétif jusqu’aux attentats de l’OAS, en passant par le putsch des généraux et la répression des immigrés en métropole et ses acteurs principaux, français comme algériens. Il restitue cette histoire dans toute sa complexité et rend compte des acquis et des débats de la recherche historique la plus récente, en racontant par exemple comment la guerre fut vécue du côté algérien. Enfin, il revient sur les séquelles politiques et mémorielles de cette guerre de huit ans des deux côtés de la Méditerranée.
IMAGE DU MOIS
Cette enquête du reporter Jean-Paul Mari éclaire de l'intérieur les troubles psychologiques de militaires, journalistes et humanitaires qui ont vu l'horreur de près. Ayant lui même subi un traumatisme lors d'un reportage en Irak, Jean Paul Mari a décidé d'étudier ce mal qui touche les survivants de guerre : insomnies, dépressions, dépendances ou même suicides. Ce document a été complété par un film récompensé par le grand prix du Figra et diffusé sur France 2 en Juin 2010. Le livre est toujours disponible en librairie et le film sur le réseau Vodeo.
Les chiffres... Plus de 100 000 Syriens se sont réfugiés dans les pays voisins en août, selon le Haut-commissariat de l'Onu pour les réfugiés. Au total, quelque 235 000 Syriens ont fui la Syrie, 1,2 million ont été déplacés dans le pays. 26 000 est le nombre de personnes tuées selon l'observatoire syrien des Droits de l'homme
Manifestation à Islamabad, au Pakistan contre ‘‘le film’’ L'Innocence des musulmans. On estime que sur 1,5 milliard de musulmans, seuls 0,001% à 0,007% ont participé aux protestations contre le film.
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ACTUALITÉ Jeux vidéo
Quand Tsahal met en jeu sa propagande Début juillet, l’armée israélienne a lancé un jeu en ligne : Tsahal Ranks invitant l’internaute à « devenir le premier soldat de l’armée israélienne ». Ce qui est moins un jeu vidéo proprement dit qu’une utilisation habile des réseaux sociaux...
EN SAVOIR PLUS • www.obsarm.org • Voir en ligne : Site de Tsahal Ranks 6
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À
chaque fois que l’internaute consulte et relaie sur ses comptes Twitter et Facebook des informations situées sur la page de Tsahal, il gagne en retour des points et des badges et « monte en niveau » de la même façon que dans un jeu vidéo. Le but dixit le site ? « Diffuser un peu plus chaque jour la vérité autour de Tsahal et d’Israël ». Les défis sont nombreux. L’internaute-joueur est notamment invité à prouver sa « consistance » toute militaire en visitant une dizaine de pages de blog qui démontent une série de « préjugés » sur Tsahal : « L’armée, c’est un truc de mec », « Tsahal souille les lieux saints de Jérusalem » ou « Les soldats israéliens sont avides de sang ». À la dernière « objection », le site répond que « l’armée israélienne effectue des frappes ciblées sur des infrastructures terroristes et développe une technologie de pointe améliorant la précision des frappes et la qualité des renseignements » tandis que le Hamas, lui, tire sur « tout ce qui bouge » en utilisant des boucliers humains. Et pour prouver que Gaza « n’est pas un camp de concentration à ciel ouvert », l’armée israélienne va jusqu’à reprendre des photos de la ville vues du ciel, tirées « d’un site de tourisme arabe », et à les assortir de cette citation issue du Washington Post : « Les rayons des épiceries de Gaza débordent de yaourts israéliens, de Hummus et de pépites de chocolat en provenance d’Égypte. Les pharmacies ressemblent à celles abondamment approvisionnées de la Rite Aid (chaîne de pharmacie américaine) aux États-Unis. » Toute la rhétorique du site concourt à présenter Israël comme une « forteresse assiégée », en situation perpétuelle de défense, dans le contexte dépolitisé de « la guerre contre le terrorisme ». Même face à la flottille humanitaire en 2010, Tsahal a été confrontée à une « résistance violente et armée », une façon de conjurer toute critique... Les news, elles, font état au jour le jour des tirs de roquette prenant pour cible
l’État hébreu et quand Tsahal réagit, ce n’est jamais en « attaquant » son adversaire mais en « déjouant » des tirs ennemis. En allant sur des pages plus anciennes, on apprend que le projet de site est « né au sein d’une poignée de soldats francophones » et a convaincu « les plus hauts responsables de l’armée de l’importance de communiquer en Français ». Certains y verront un avatar des social games commerciaux, qui visent à rendre une marque beaucoup plus séduisante et identifiable. De fait, Tsahal n’est pas la seule armée à utiliser les mécaniques de jeux pour mieux faire passer ses « messages », notamment auprès des jeunes joueurs, potentiel réservoir à recrutement. Grande spécialiste : l’armée américaine qui tente depuis près d’une dizaine d’années de recruter à partir du jeu America’s Army, finance dans les grandes largesses d’autres productions propageant sa vision de « la guerre contre le terrorisme » et diffuse des newsgames comme Kuma : War qui préparent l’opinion aux prochaines guerres. Plus réticente et surtout moins experte en la matière, l’armée française qui a épisodiquement utilisé le jeu d’Ubisoft Ghost Recon Advanced Warfighter au cours de ses opérations de sensibilisation auprès du grand public. Quant au Hezbollah, il n’est pas en reste non plus avec Special Force... Mais aucune autre armée, à part le Pentagone, n’avait autant inscrit ses prétentions ludiques dans les circonstances d’une guerre de l’information qui vise à combattre ses ennemis - nombreux - sur le terrain des idées diffusées sur la toile, et à restaurer son image, durablement affectée depuis l’opération « Plomb durci » en 2008-2009. Tony Fortin, membre du Conseil d’administration de l’Observatoire des armements
ACTUALITÉ Désarmement nucléaire
Signature des traités, et après ?
A
insi, le 13 juillet 2011, Russes et Américains ont signé un accord, gentiment appelé « Megatons to Megawatts », et présenté comme un « Progrès qui rend le monde plus sûr » (Barak Obama), prévoyant la destruction de 17.000 têtes nucléaires (!), ce qui entraîne le traitement de 67 tonnes de plutonium sur les 250 existants dans le monde, de loin le plus dangereux des combustibles nucléaires. Une quantité énorme et incroyablement menaçante. Un véritable casse-tête. Un défi - ou plutôt un pari - technologique. Vue des sommets du pouvoir, la solution apparaît pourtant simple : « Il faut utiliser tout ce plutonium pour produire du courant électrique pour nos peuples », a encore annoncé le président Obama. Car les frais entraînés par son seul stockage sont énormes… et durables. Plus facile à dire qu’à faire. Il semblerait que les Américains, pour ce qui les concerne, s’en remettent à une solution éprouvée : brûler leurs 34 tonnes de plutonium dans leurs centrales traditionnelles, à eau pressurisée. Il est vrai qu’ils brûlent déjà de l’uranium russe depuis 1993. Ce n’est déjà pas simple, car la qualité du plutonium militaire (en soi, déjà beaucoup plus toxique que l’uranium) n’est pas celle du plutonium civil (car bien plus concentré). Les Russes, quant à eux, pour traiter le plutonium de 8 500 bombes nucléaires, veulent avoir recours aux « réacteurs rapides », qui ne sont rien d’autres que les réacteurs à neutrons rapides (type Superphénix) que nous avons bien connus chez nous en France à Creys-Malville, en Isère, une technologie extraordinairement risquée, car faisant appel au sodium (en grandes quantités) pour le refroidissement du cœur du réacteur, un matériau qui se met à brûler immédiatement au contact de l’air et que personne ne sait éteindre. Les plus anciens se souviennent peut-être des grandes manifestations des années 70/80 pour exiger son arrêt définitif, finalement obtenu en 1998 après maintes pannes. Les Russes, qui sont bien actuellement les seuls à croire encore à ce procédé, construisent, spécialement à cet effet, une centrale électrique type Superphénix appelée BN-800, à Beloyarsk, au sud de l’Oural. Le projet est soutenu à hauteur de 300 millions de dollars par les
C’est là une question que ne se posent pas tous les jours les militants de la paix, qui, en général, se réjouissent simplement et publiquement de tout accord, uniquement russo-américains, à ce jour, qui conduit à la destruction d’un nombre significatif d’ogives nucléaires. Un récent article du Spiegel (3.9.12) nous permet fort utilement d’aller regarder derrière le miroir. Et ce n’est pas simple.
États-Unis. Les risques induits par cette technologie sont encore accrus du fait de l’emploi de plutonium militaire, une aventure à laquelle personne ne s’est encore risqué jusque là. Et comme si cela ne suffisait pas, tout le chantier avance sous la pression de l’agenda, car le président Poutine tient absolument à inaugurer son objet (qu’il veut vendre à l’étranger - les Chinois ont déjà manifesté leur intérêt) en 2013 en réduisant les contrôles au minimum. Autant on en est satisfait au sommet de l’État russe, autant on s’en inquiète chez les techniciens et ouvriers de base, qui dénoncent unisolo la précipitation avec laquelle la centrale est conçue et construite. Nos ancêtres pacifistes parlaient de transformer les épées en socles de charrue. Cette opération - qui, techniquement, ne devrait pas présenter trop de difficultés - a pris une valeur de métaphore. Seuls des politiques à neurones rapides croient pouvoir l’actualiser en « Des mégatonnes pour des mégawatts ». Une belle illusion, en vérité. Car ce qui fut, il y a encore peu un symbole de puissance, devient ainsi, sous la pression des forces de paix (ou de la raison) une malédiction qui pend une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Jean-Paul Vienne N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ Université d'été de la Défense
Quand le Parlement joue à guichet fermé…
V
oilà dix ans maintenant que les présidents de la Commission de la Défense et des Forces armées de l'Assemblée nationale et de la Commission des Affaires étrangères, de la défense Patrice Bouveret et des forces armées du Sénat, organisent chaque année l’Université d’été de la défense, en partenariat avec les armées et les principaux industriels de l'armement. Comme l'explique le député Guy Tessier, l'initiateur de ces rencontres du temps où il était président de la commission de la Défense, « l’Université est autant un lieu de rencontres que d’échanges permettant de s’affranchir d’une partie du formalisme des auditions des commissions de la Défense ». Le thème retenu pour 2012 était « Défense : nouveaux enjeux économiques et stratégiques ». Thème justifié par « le fait que nous sommes confrontés aujourd’hui à une forte recomposition du monde et qu’il est urgent de nous interroger sur les réponses que la France peut et doit y apporter », comme l'explique le chef d'état-major de la Marine Bernard Rogel, dans son allocution de bienvenue. Occasion surtout pour les armées et les industriels de pratiquer un intense lobbying à l'heure où s'élabore une révision du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale sur laquelle s'exerce une forte contrainte budgétaire… Car « de toute façon, on ne pourra pas tout faire » a déjà précisé le ministre de la Défense aux députés. Peu d'informations ont filtré des différents débats qui ont rassemblé plus de 400 personnes sur invitation personnalisée, notamment dans la presse où sur les blogs des différents journalistes spécialisés, d'habitude pourtant plus diserts sur les moindres soubressauts de la communauté de Défense… Il faut dire que les échanges sont protégés par la règle dite de « Chattham House » qui en garantit la confidentialité. Certes, les participants sont libres d'utili8
N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
Ils sont tous venus, ils sont tous là… pour participer à la 10ème Université d'été de la Défense organisée par les parlementaires et qui s'est tenue à Brest les 10 et 11 septembre 2012. Tous ? Non, car il y avait un absent de taille : la société civile et ses représentants, pourtant les premiers concernés.
ser les informations collectées à cette occasion, mais ils ne doivent révéler ni l'identité, ni l'affiliation des personnes à l'origine de ces renseignements. Patricia Adam, la nouvelle présidente (socialiste) de la Commission de la défense de l'Assemblée nationale, a terminé son discours d'ouverture en indiquant « que la définition d’une stratégie pour notre pays nous engage collectivement : industriels, politiques, militaires ». Oubliant les principaux concernés : les citoyens ! D'autant que face aux enjeux - se défendre contre qui ? Contre quoi ? Avec quels moyens ? Quels sont les intérêts vitaux, stratégiques et quotidiens de la France ? De l'Europe ? Comment renforcer la sécurité collective ? etc. - les seules réponses envisagées par les « industriels, politiques, militaires » sont d'ordre technique, avec le renforcement des moyens militaires afin de pourvoir faire face à toute « surprise stratégique », selon l'expression consacrée et s'appuyant sur une interprétation toute particulière du principe de la théorie chère à Lorenz : en effet, selon l'amiral Rogel, « un simple battement d’aile de papillon dans un détroit peut entraîner un tsunami financier en Europe ». Car concevoir la sécurité uniquement en terme de rapport de forces militaires, n'entraîne-t-il pas automatiquement une course aux armements qui, outre son coût pour les finances publiques, renforce de fait l'insécurité et conduit à des « débordements » meurtriers pour les populations civiles ? Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements* *L’Observatoire des armements est un centre d’expertise indépendant créé en 1984 à Lyon (69). Il a pour objectif d’étayer les travaux de la société civile sur les questions de défense et de sécurité et ce, dans la perspective d’une démilitarisation progressive. L’Observatoire intervient sur deux axes prioritaires : les transferts et l’industrie d’armement ; les armes nucléaires et leurs conséquences. Il publie des études et une lettre d’informa-
EN SAVOIR PLUS • www.obsarm.org
tion, Damoclès (spécimen sur simple demande).
ACTUALITÉ Forum de la paix
Une rencontre citoyenne Alors que se déroulait l’Université d’été de la Défense, de nombreuses organisations se sont retrouvées à Brest, les 10 et 11 septembre, pour un forum pour la paix. Ce forum s’inscrivait dans la mouvance inverse : redonner la parole au peuple. Deux journées de réflexion où tous ont réaffirmé leur volonté de la construction d’un monde de paix.
«
Ils veulent la paix, sans armes » titrait le Télégramme le lendemain du Forum pour la paix. Oui, il émanait de ce Forum une réelle volonté d’avancer dans la construction d’un monde de paix, d’un monde libéré de la peur, d’un monde à l’abri du besoin et donnant les moyens à chacun de se réaliser pleinement. Cinquante personnes étaient attendues, 100 y ont participé ! Forum empreint d’une écoute mutuelle de chaque intervenant : hommes et femmes de sensibilité et d’organisations différentes venus des 4 coins de la Bretagne mais aussi des 4 coins du monde étaient présents par les témoignages recueillis. Chacun a pu prendre la parole librement sans souci du temps, aussi bien les chevronnés que les novices. Respect et confiance régnaient lors des discussions. Volonté d’œuvrer ensemble et avec un enthousiasme très perceptible pour mettre en avant tout ce qui nous rassemble et réfléchir aux alternatives ouvrant la voie à une civilisation de paix. Tous étaient d’accord pour affirmer que la première démarche est de travailler à la compréhension du monde actuel, en reconnaissant la difficulté de le décrire, tant sa complexité est devenue importante. Le système financier écrase les peuples, les formidables outils de communication actuels peuvent faire apparaitre le monde comme virtuel dans une économie du « loto ». Financiarisation égale militarisation. Pour tous, les armes ne sont pas les solutions mais les problèmes, les conflits doivent être réglés de manière préventive et non plus de manière répressive. Pour cela, la Charte des Nations unies est un véritable hymne à la paix. Elle est fondamentale car elle crée un droit international universel et égalitaire. C’est un outil qu’il faut faire connaître et sur
Forum de la Paix à Brest
lequel il faut s’appuyer. La Charte pose cependant un problème dans la mesure où elle confère un droit politique aux peuples mais pas un droit économique. Or n’a-t-il pas été dit que la seule solution est la remise du pouvoir économique aux mains des peuples ? La teneur des discussions allait bien dans le sens de la signature d’une convention d’élimination des armes nucléaires. Ne pas se diviser sur le nucléaire entre le civil et le militaire et affirmer que nous nous battons tous pour la non utilisation du nucléaire civil pour le militaire. L'unanimité également pour dénoncer l’augmentation des budgets militaires dans le monde qui ont doublé en 10 ans alors que la crise est bien présente. L’élaboration du livre blanc de la Défense devrait permettre un vrai débat démocratique. Tous d’accord aussi pour s’élever contre le financement par l’armée de 20 thèses de doctorat pour l’université du Finistère. Au moment où la morale est à l’ordre du jour, quand va-t-on enseigner qu’il est
immoral, criminel, de penser à utiliser des armes nucléaires, qu’il est hypocrite de continuer la recherche militaire nucléaire en l’interdisant à d’autres pays, que cette démarche est une folie puisqu’elle procède d’un suicide collectif mondial. C’est une source permanente d’insécurité et non notre Assurance-Vie. Ce sont les 8 points de la Culture de Paix et les fondements de la laïcité qu’il faut enseigner. Au terme d’une journée bien remplie, chacun apparaissait comme heureux à la fois de la réflexion commune mais aussi de se retrouver. Des rendez-vous ont été pris, des organisations qui communiquaient très peu ont repris leurs échanges. Ce Forum est donc un magnifique point de départ pour une mobilisation importante dans la Région Bretagne. Édith Boulanger
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Au jour le jour La mort de Rachel Corrie : c’est de sa faute
Un juge israélien a repoussé la responsabilité de l'armée israélienne dans la mort en 2003 d'une activiste pro Palestiniens, Rachel Corrie. Rachel faisait partie d'un groupe qui protégeait une habitation palestinienne quand elle a été écrasée par un bulldozer israélien. Le juge reproche à Rachel sa propre mort, expliquant que n'importe qui de raisonnable aurait bougé du passage (de l'engin). Le juge a renforcé le manque de responsabilité dans les territoires occupés en décidant que l'État ne pouvait être tenu pour responsable des actions commises dans une zone de combat.
Fausse déclaration de compétition à la BBC. "Rachel a clairement été une des victimes de ce qu'il s'est
passé ce jour-là, et je sais que des soldats israéliens sont morts aussi". Cette annonce étonnante de la journaliste Martha Kearney sur les ondes de la BBC alors qu'elle interviewait le porte-parole du gouvernement israélien, Mark Regev. En réalité, il n'y a pas eu de soldats israéliens tués à Gaza le jour où Rachel a été assassinée. Malgré tout, neuf Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes, y compris une enfant de quatre ans, Maos Kearney a choisi de ne pas en faire mention.
tions culturels communs, ils pourront venir en France et à travers le monde pour échanger sur leur production culturelle. Siège social : 18, rue du Général Malleterre - 75016 Paris.
Les sociétés militaires privées s'invitent à Eurosatory. Malgré l'absence de législation française en la matière, le prochain salon EuroSatory accueillera des sociétés militaires privées.
Employées par l'armée américaine lors du conflit irakien, ces sociétés offrent les services de mercenaires, non de soldats, qui sont avant tout attirés par l'appât du gain. Un des organisateurs du salon Eurosatory rassure quant à la présence de ces sociétés, rappelant que celles présentes sur le salon obéissent toutes à la convention de Montreux. Convention signée en 1936 et qui définit les droits de passages des détroits de la Mer morte...
Création de l'institut Culturel franco-palestinien
Congrès international pour la paix Arrêtez la guerre – Les chemins de la paix en Afghanistan
Ouvert le 18 juillet dernier, le centre culturel franco-palestinien tend à promouvoir les échanges culturels entre les deux pays. Il veut continuer à faire évoluer les très bonnes relations qui unissent les deux pays. Désireux de présenter les divers aspects de la culture et de la création artistique palestinienne, l’institut va proposer tout au long de l’année de nombreux événements culturels. Concerts, pièces de théâtre, conférences débats, seront au programme avec l’objectif de permettre de nouer des contacts. Excellent moyen de faciliter l’intégration d’artistes, jeunes talents, domiciliés en Palestine. Toujours dans une idée de partage et de produc-
Une délégation du Mouvement de la Paix participera les 13 et 14 octobre prochain à Bonn, en Allemagne, à une conférence internationale pour contribuer à élaborer une démarche de sortie de guerre, de rétablissement de la démocratie et de développement économique. Elle est organisée par Cooperation for Peace - Allemagne avec le partenariat de plusieurs organisations afghanes. L’objectif principal des participants sera l’identification et la mise en œuvre des conceptions pratiques communes et stratégiques dans les champs de la paix, de la sécurité, du développement et de la justice. Ils discuteront des voies possibles et nécessaires pour une reconstruction sociale, écologique et économiquement durable avec l’intégration et la participation de toutes les forces d’Afghanistan et les acteurs régionaux. Ils développeront des idées pour la paix avec les Afghans, les communautés d’exilés de plus en plus fatigués de cette guerre. • En savoir plus : www.afghanistanprotest.de
Renaissance de l'Université populaire de la Culture de la Paix • En 2007, sous l’impulsion d'Arielle Denis alors directrice de Planète Paix, le Mouvement de la Paix a lancé un projet intitulé « L’Université populaire de la Culture de la Paix ». Ce projet a été conçu pour mettre à la disposition du grand public, des collectivités, des organisations pacifistes, syndicales et d’éducation populaire, des outils de connaissances sur le vaste domaine de la Culture de paix. Devant la forte demande de connaissances théoriques et le besoin de formations, l’Université populaire des pacifistes va revoir le jour. Celle-ci va étendre son appellation pour devenir « Université populaire de la Culture de la paix et de la Non-violence ». Du fait d’un partenariat fort avec le département de la Seine-Saint-Denis, l’Université populaire organisera ses conférences dans le 93. Celles-ci seront amenées à essaimer dans tous les départements en fonction des demandes formulées. 10
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La première séance inaugurale est fixée au vendredi 12 octobre à la Maison de la Paix à Saint-Ouen. Les lectrices et lecteurs de Planète-Paix y seront les bienvenu-e-s. Programme du dernier trimestre 2012 : • Vendredi 12 octobre à 18h – Maison de la Paix – 9 rue Dulcie September à Saint-Ouen : « Les invisibles blessures de guerre : le syndrome du stress post traumatiques ». Avec Abraham de l’Association des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire. Et le témoignage de familles de soldats français en Afghanistan • Mardi 13 novembre – Lycée Suger à Saint-Denis : « Violence et médias ». • Lundi 10 décembre à Bagnolet ou Montreuil : « Culture de la Paix et droits de l’Homme ».
DOSSIER
• Le stress post-traumatique
Effet collatéral de la guerre d'Afghanistan, ou nouveau fléau de notre époque ?
• Témoignage d'un combattant Ces plaies qu'on ne voit pas
Le syndrome du stress post-traumatique
« De la guerre, aucun soldat ne revient sans blessures » José Norobsky, écrivain argentin Pour de nombreux anciens combattants rentrés d’Irak et d’Afghanistan, leur guerre personnelle est loin d'être terminée. Ils doivent apprendre à se réadapter aux pressions de la vie civile, et apprendre à composer avec les souvenirs traumatiques de combat. Ils sont exposés aux problèmes d'abus, dépression, suicide, alcool, toxicomanie et santé mentale, le syndrome de stress post-traumatique [SSPT], maladie qui peine à être reconnue par l'armée. N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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DOSSIER
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Le stress post-traumatique
Effet collatéral de la guerre d' ou nouveau fléau de notre épo Connu du grand public depuis la fin de la guerre du Vietnam, le syndrome de stress post-traumatique connaît une brusque résurgence parmi les militaires envoyés au plus près des conflits. Enquête sur un ennemi aussi invisible qu'insidieux.
EN SAVOIR PLUS • www.amfpgn.org 12 12
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uels sont les faits ? Plus de 500 000 soldats américains déployés en Afghanistan et en Irak depuis 2001 souffrent de syndrome de stress post-traumatique. Selon la fondation David Lynch, le gouvernement Américain constate que durant les guerres en Irak et en Afghanistan, il y a davantage de victimes par suicide d'anciens combattants, que de combattants tués au combat en raison de cet état de stress post-traumatique ! Selon Lara Salahi de ABC news, plus de 20 pour cent des soldats revenant d'Irak et d'Afghanistan souffrent de stress post traumatique, aux dires du Département américain de la Défense. Il va de soit que la situation est la même pour les soldats français et pour une partie de la population soumise au stress des bombardements et des combats.
tuation qui va dérégler le fonctionnement du cerveau, et tout particulièrement le rôle des substances appelées « neuropeptides » très actives sur notre humeur et notre mémoire. Dans la majorité des cas, ce stress est sans lendemain, mais dans quelques cas, dans un deuxième temps apparaît un retour, à certaines occasions, de cette souffrance du passé qui ne cessera plus d'être présente.
De quoi s'agit-il ? Le syndrome de stress post-traumatique, SSPT, (en anglais,« post traumatic stress disorder », PTSD) désigne des types de réactions complexes anxieuses sévères qui se manifestent à la suite d'une expérience vécue comme traumatisante. Ce trouble de stress post-traumatique est une réaction psychologique consécutive à une situation durant laquelle l'intégrité physique et/ou psychologique du patient et/ou de son entourage a été menacée et/ou effectivement atteinte (notamment accident grave, mort violente, viol, agression, maladie grave, guerre, attentat)... Paradoxalement, ce trouble psychique est connu depuis très longtemps, la première description date de 1889, par Hermann Oppenhem. Mais son interprétation est restée jusqu'en 1970 des plus fantaisistes. Tout a pu être invoqué, l'hystérie par Charcot, l'inconscient par Freud, un état dépressif, etc. A l'origine il y a le stress, réaction humaine à tout danger réel ou supposé, de façon aigu ou chronique. La réponse biologique réside dans la sécrétion massive d'hormones anti-stress, adrénaline et cortisone, avec rapidement épuisement des réserves, d'où l'état d'immense fatigue qui s'intrique avec la peur et que l'on appelle « la réaction d'alarme ». C'est cette si-
Cela prend la forme d'une triade (proposée par Wikipedia) : • L'intrusion : L'individu revit l’événement traumatisant. Il ne s’agit pas seulement de vagues réminiscences, mais d’incapacité à empêcher ces souvenirs de revenir le hanter. Certains parlent même de reviviscence pour dire à quel point il s’agit davantage de véritables flashs envahissants que de simples souvenirs. En effet, l'angoisse ressentie lors de l'expérience traumatisante peut être de nouveau éprouvée au moment du souvenir. Les
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'Afghanistan, oque ? cauchemars sont une autre manifestation de ce type de symptôme. • L'évitement : L’individu tente d’éviter les situations et les facteurs déclencheurs qui pourraient lui rappeler l’événement traumatisant.. Cela peut conduire jusqu'à une amnésie partielle ou totale de l'événement. Un autre aspect de l’évitement est l’émoussement des émotions
on parle d'état dissociatif. Ces comportements d'évitement sont des réflexes qui sont indépendants de la volonté du patient. • L'hyperstimulation : Le patient souffrant de SSPT avec plusieurs symptômes d’hyper vigilance a par conséquence de la difficulté à se concentrer et à mener à terme ses activités. Il peut avoir notamment de l’insomnie, de la nervosité, une tendance à s'effrayer facilement, une impression constante de danger ou de désastre imminent, une grande irritabilité ou même un comportement violent. Un sentiment intense de détresse psychique peut survenir lorsque l'individu est exposé à des éléments qui évoquent l'événement traumatisant.
Quel traitement ?
qui peut aller jusqu’à une insensibilité émotive. L'individu perd intérêt dans des activités qui autrefois le passionnaient, se replie sur luimême et fuit ses proches. Il peut également avoir des difficultés de communication, qui se manifestent notamment par une difficulté à s'exprimer correctement, avoir de graves difficultés relationnelles et être incompris par son entourage à cause de cela. Lorsque les facultés mentales, relationnelles ou verbales sont fortement entravées par ces réflexes d'évitement,
Le mot clef est « la résilience », c'est à dire la capacité de rebondir plus haut après les épreuves, ou l'art de naviguer dans les torrents. Cette capacité à surmonter les traumatismes s’appelle la résilience. Le terme, emprunté à la physique, désigne le retour à l’état initial d'un élément déformé. Les psychiatres américains spécialisés dans la petite enfance ont adopté le mot dans les années 90. Il a ensuite été popularisé en France par Boris Cyrulnik. Une longue psychothérapie est nécessaire. Ce qui complique aussi les choses, c'est que nous ne sommes pas égaux devant le stress. Notre développement est régi par un certain nombre de déterminants génétiques. Le cerveau de certains individus sécrète beaucoup de dopamine et de sérotonine, qui jouent un rôle d’euphorisants. A contrario, d'autres ont un potentiel de « force psychique » diminué, et donc une résistance au stress plus faible. Dans tous les cas il faut impérativement traiter le SSPT, car outre le suicide, les séquelles psychiques peuvent être d'une exceptionnelle gravité, un handicap très lourd dans la vie sociale. Mais la première exigence est la justice : pas de résilience si on refuse de reconnaître
le statut de victime aux patients atteints de SSPT. Cette reconnaissance fut refusée aux survivants d'Hiroshima, aux vétérans des essais nucléaires et aux Algériens témoins d'atrocités s'il ne s'agissait pas de leur famille, ou si la cause n'était pas des « islamistes » dûment identifiés.
Le SSPT, une nouvelle maladie du monde moderne ? Même si la situation de stress a toujours existé depuis le néolithique, ce qui est nouveau réside dans la fréquence actuelle des stress, surtout dans les conflits. La longue guerre d'Afghanistan, en est un bon exemple : Les GI'S sont munis d'un accoutrement guerrier incroyable, ils sont en terre inconnue, incapables de communiquer avec la population, terrorisés par le danger potentiel d'un retournement de situation (par exemple le policier afghan irréprochable qui devient tout à coups un taliban). La population rencontrée vit aussi dans la terreur devant la possibilité imminente d'une « bavure ». Déjà la guerre d'Irak a fournit nombre de victimes du SSPT dans toutes les armées engagées sur le terrain. Dans le domaine militaire, cette maladie est donc devenue le problème principal pour les vétérans. La seule solution de santé publique est le retrait rapide de toutes les armées présentes en Afghanistan, préalable absolu à tout retour de la paix. Il en va aussi bien de la résilience des Afghans que de celle des soldats. Mais il y a aussi un rôle particulier pour la société civile ; il nous faut imposer d'abord la reconnaissance du statut de victime pour ces patients, comme nous le faisons pour les vétérans des essais nucléaires français. Abraham Behar Past IPPNW co-président Président de l'AMFPGN
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DOSSIER
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témoignage d'un combattant
Ces plaies qu'on ne voit pas Les faits qui suivent son bien réels. Ils concernent Nicolas Chouan, jeune homme meurtri à jamais par les opérations militaires extérieurs. Une vie brisée dont ses parents se font l'écho.
L
a famille Chouan habite un petit village du Finistère. Nicolas a été jeune sursitaire pour finir ses études d’agent commercial, métier qu’il a exercé quelques temps. A la fin de son sursis en 1996, il part effectuer ses dix mois de service militaire et reprend son activité d’agent commercial en Bretagne. Peu de temps après, il est contacté par l’armée lui disant qu’il avait toutes les qualités requises pour faire un bon soldat. Nicolas, sportif de haut niveau, humaniste, est séduit par cette proposition. Il souhaite faire de l'entraînement sportif et des missions humanitaires. Il est embauché au centre d’entrainement militaire de Givet dans les Ardennes. Bien noté, l’armée lui propose de faire une école de sous-officier. En 2000, il est nommé sergent puis a été muté en août 2001 au 126ème régiment d’infanterie de Brive-la-Gaillarde en Corrèze. Première déception. Fin 2003, il part en opération en Côted’Ivoire, puis y suivra une seconde, entre 2004 et 2005, en réaction aux troubles qui conduiront à la chute de Laurent Gbagbo. À son retour de Côte d’Ivoire il n'a reçu aucun soin particulier. L'année suivante, il est envoyé en Afghanistan, malgré une nouvelle entorse sérieuse sur une cheville déjà maintes fois défaillante (une dizaine d'entorses). Arrivé sur le terrain, il s’est senti au plus mal et a été séparé de ses hommes pour dépression. Il a demandé un rapatriement sanitaire qui a été envisagé mais, malheureusement, il n’était possible que de faire des rapatriements disciplinaires. 14 14
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Les rapatriements sanitaires sont mal vus par la hiérarchie et doivent donner lieu à une enquête. Nicolas est finalement rentré avec son capitaine qui l’a accompagné, compte tenu de son état de santé. Personne ne l’a pris en charge sur le plan médical, en arrivant dans son régiment à Brive-la Gaillarde où il fait une première tentative de suicide dans sa chambre. La hiérarchie seule est informée et Nicolas ne bénéficie toujours pas d'une priseen-charge médicale. L’armée a caché ce fait, volontairement et le plus longtemps possible
Il a été placé en arrêt de maladie et au bout du compte a été radié de l’armée, ce qui a représenté pour lui un traumatisme supplémentaire. Lors d'une visite à l’hôpital interarmées de Brest, auprès du docteur Patrick Adam, la famille de Nicolas a constaté qu'il n'avait pas passé plus de trois minutes dans le cabinet de ce médecin. « Quand nous l’avons rencontré, il nous a rétorqué qu’il n'était pas en Afghanistan. Il ne voulait rien savoir et surtout ne rien faire contre ce qui avait été fait et dit par ses confrères ». Le livret médical de Nicolas était vide. Rien n’y était consigné sur son état de santé. Pendant cette période, le docteur Petit, médecin du 126ème régiment d’infanterie, qui était en Afghanistan, a écrit au docteur Adam et demande d’évaluer la situation de Nicolas et un éventuel Syndrome de Stress Post-traumatique. Le docteur Adam répond que cette évaluation peut attendre.
L'armée nie toute responsabilité
à sa famille. En permission, Nicolas tente de mettre fin à ses jours une deuxième fois par pendaison. Il fait une anoxie cérébrale de 16 minutes c’est-à-dire que l'apport d'oxygène au cerveau a été interrompu. Il a été réanimé de justesse par les pompiers qu'il avait prévenus avant son geste et est transporté à l'hôpital de Saint-Brieuc. Ensuite, Nicolas a été transporté à Kerpape, dans un centre de prise en charge des traumatisés de la route. Il garde d'importantes séquelles physiques et psychologiques.
L’armée a conseillé à la famille de Nicolas de saisir la commission de réforme pour demander une pension et de rédiger un document relatant ce qui s'est passé. Le 126ème régiment fait les démarches. Cette commission décide que Nicolas n’avait aucune raison d’être pensionné. Le rapport de gendarmerie relatif à sa seconde tentative de suicide évoque une déception amoureuse. Ce rapport a été ensuite le fil conducteur des commissions de réforme. Après sa sortie du centre de Kerpape, Nicolas retourne chez ses parents où il vit depuis. La famille Chouan choisit de faire appel à la médecine civile. Le docteur Prigent,
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expert psychiatre auprès des tribunaux, a pu obtenir d'indemnités pour séquelles psyenfin pointé la pathologie de Nicolas : stress chologiques, soldats ayant pourtant vécu des post-traumatique. situations plus extrêmes. Donc aucune raison « De fil en aiguille, il a rencontré des experts en 2012 de donner satisfaction à Nicolas. La de renommée internationale dont le profes- Commission de réforme nous a dit droit dans seur général médecin psychiatre des armées les yeux que ce serait difficile d’obtenir une Louis Crocq. Expert en pension car il est jeune stress post-traumatisme, Nicolas est né en 1974. Suite à et que cela coûterait trop il parcourt le monde pour une tentative de suicide consé- cher à l’armée et à l’État. donner des conférences cutive à son retour d'Afgha- Donc il s’agit pour l’arsur ce syndrome et a été nistan où il portait le grade mée de trouver tous les à l’origine d’un décret en de sergent, il est aujourd'hui arguments pour écarter 1992 sur le stress post- handicapé à un taux supé- cette demande. Notre obtraumatique en général et rieur à 80 % avec obligation jectif est que Nicolas obde guerre en particulier. d’accompagnement 24h/24. tienne une pension bénéNicolas a consulté le doc- Ses parents sont à ses côtés ficier de l’assistance d’un teur Crocq à plusieurs re- constamment. Leur vie a bas- auxiliaire de vie quand prises, ce qui a donné lieu culé avec celle de Nicolas, il y nous, ses parents, n’auà un rapport d’expertise de a maintenant plus de cinq ans. ront plus la possibilité de plusieurs pages démonle prendre en charge aussi trant que Nicolas était déjà atteint d’un stress bien dans le quotidien que lors des nombreux post-traumatique de guerre en Afghanistan soins et visites médicales chez le psycholoet qu’il aurait dû être soigné. Yves Prigent a gue, le psychomotricien, l’orthophoniste, le confirmé ce diagnostic. Nous avons alors en- kinésithérapeute… gagé une procédure auprès du tribunal miliNous respectons l’engagement de notre taire de Paris et déboutés en première instance fils, ce que nous ne respectons pas c’est l’atsur le seul argument que toute la pathologie titude de l’armée. de Nicolas repose sur une mauvaise entente Il est à noter que d’autres militaires franavec sa compagne. L’armée se dit étrangère à çais et leurs familles se retrouvent dans une cette affaire et ignore les rapports médicaux, y situation similaire. Le cas de Nicolas n’est compris ceux des doceteurs Crocq et Prigent. pas isolé. En juillet 2012, l'Élysée a reconLa famille de Nicolas, appuyée par Maître Ro- nu que 400 soldats revenus d'Afghanistan land Weil, décide de faire appel. Le Commis- étaient traités pour Syndrôme de Stress saire du gouvernement a opposé le fait que Post-traumatique à l'hôpital de Percy. suite à la guerre 14-18, les soldat n'avait pas Aujourd’hui la crainte de l’armée est que
l’issue du procès si celle-ci est en faveur de Nicolas fasse jurisprudence. C’est ce que l’armée ne veut surtout pas. Les dossiers arriveraient par semi-remorques sur les bureaux des juges des armées ».
Les soutiens Un comité de soutien a été créé par l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC)en février 2012. Le Mouvement de la Paix a répondu à cet appel et publie sur son site www.mvtpaix.org une pétition afin que Nicolas et ses camarades retrouvent leur légitime droit.
Jugement du procès • Planète Paix rendra compte du résultat du jugement de l'audience du 5 octobre à Paris dans les colonnes de son numéro de novembre.
EN SAVOIR PLUS • sansblessuresapparentes.blogspot.com N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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RÉFÉRENCE
Quelques repères Les associations d’aide aux soldats Terre et paix créée par Marlène Peyrutie, mère de soldat, pour venir en aide aux familles désemparées. Son projet associatif est double : créer et coordonner un espace d’écoute et de parole pour les familles de soldats blessés de retour d’Afghanistan, et militer pour un retour rapide des soldats des zones de guerre. • http://terreetpaix.fr/
La page Facebook de l’association Famillies de milis créée par Geneviève Theolas, la compagne du brigadier Steeve Cocol, tué le 18 juin 2010. Familles de milis se veut un mouvement de soutien aux militaires français engagés où qu'ils soient, et milite aussi pour le retrait des troupes d'Afghanistan.
globalement, au soutien des forces françaises engagées en Opérations Extérieures (OPEX), de plus en plus fréquentes. • www.solidarite-defense.org/
Ad Augusta : association loi 1901. Elle est officiellement née le 12 novembre 2011 au coeur des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, – créée par le capitaine Pêche, ancien nageur de combat lui-même atteint de stress post-traumatique – elle réunit des compétences multiples au bénéfice d’un objectif commun: la réinsertion socioprofessionnelle des blessés de la Défense. En février 2012, le conseil d’administration de la fondation Saint-Cyr a décidé d’intégrer l’association en son sein afin de soutenir et promouvoir ses activités. • www.adaugusta.fr/
Cabat, la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre dirigée par le lieutenant-colonel Maloux, assure, sur un plan social et administratif, le suivi physique et psychique des blessés et de leurs familles : aide au retour à l'emploi, financement de stage, assistance médicale... Elle s'occupe également de l'annonce des décès et de l'accueil des familles pour l'arrivée des cercueils aux Invalides.
• www.terre-fraternite.fr
A l'extérieur de l'institution militaire Trois associations principales s'occupent des militaires blessés : Terre fraternité, Solidarité défense, et Ad Augusta dont le but est d'organiser des stages de motivation et de réinsertion.
Terre Fraternité a pour but d’apporter, au-delà de l’action des services officiels et des organismes de droit privé y ayant vocation, un soutien moral, matériel et financier aux blessés, à leurs familles, ainsi qu’aux familles des disparus. Elle agit pour toute la « famille terre » sans distinction d'origine, de grade, d'arme ou de spécialité.
Solidarité Défense : une structure dédiée à l’aide des soldats français blessés, aux familles endeuillées par la mort d’un soldat en opération ou en service commandé, et plus
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decins militaires américains, le nombre de suicides dans l'armée américaine a augmenté de 80 pour cent suite à la guerre en Irak.
Les chiffres France : il est impossible d’établir des statistiques précises sur le nombre de militaires touchés par la dépression du combattant. Entre 2002 et 2005, l’armée française avait tenté l’expérience à petite échelle : sur 202 militaires, 34 personnes (soit 16%) souffraient d’un « trouble psychique » pris dans une acception large. Elle avance le nombre de 400 patients traités pour des troubles psychiatriques. Mais tous ne viennent pas consulter, le sujet reste difficile à aborder. On parle de stress de combat aigu, de stress dépassé, de stress post-traumatique. Grande Bretagne : les Anglais ont estimé que 5% de leurs soldats de retour d’Afghanistan ou d'Irak sont atteints du SSPT. États-Unis : les études évoquent en moyenne 19% de militaires traumatisés de retour de mission. Des milliers anciens membre des forces armées qui ont servi dans le Golfe ou en Afghanistan ont été reconnus coupables d’infractions, de criminalité liées à la drogue ou l’alcool. Au Royaume Uni, 8 500 anciens membres des forces armées purgent des peines de prison. Selon les chiffres revendiqués par les mé-
Le sas de Chypre
Depuis fin 2009, les soldats déployés durant six mois en Afghanistan passent trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles. Au programme : relaxation, sophrologie, mais aussi réunion de groupe avec un psychologue qui encadre ces débriefings de fin de mission. Des entretiens individuels peuvent aussi être menés pour ceux qui en éprouvent le besoin. Selon le psychologue, 80 à 90% des militaires sont satisfaits de leur passage à Chypre. « Ça permet de faire complètement la rupture, explique, un médecin militaire déployé en Afghanistan. Là-bas, une nuit sur trois, on était attaqués à la roquette : vous tenez six mois comme ça, vous ne pouvez pas revenir normal en France ! Chypre, c’était pour nous réadapter à une vie sans danger. » Le chef du service psychiatrie de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce (Paris 5e), le professeur Humbert Boisseaux, qui a participé à la réflexion sur la mise en place de ce dispositif, estime qu’il ne faudrait pas laisser à penser qu’« un traitement des troubles psychiques de guerre est réalisable en trois jours ». Et certains soldats ne passent pas par Chypre : ceux qui partent moins de six mois en mission ou ceux qui sont blessés physiquement. Par ailleurs, le sas accentue parfois le malaise de certains soldats traumatisés, qui mesurent à cette occasion le décalage avec leurs autres camarades.
On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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MONDIALISER LA PAIX Mali
Qui veut la paix... Des mouvements politico-militaires maliens se sont unifiés pour créer un groupe d’autodéfense « les Forces patriotiques de Résistance (FPR) ». Leur objectif : reconquérir par les armes le Nord du pays. Peut-on rester pacifique devant un agresseur ? Rencontré à Paris, Maître Harouna
P
arlez nous de votre mouvement ?
Le mouvement s'appelle Ganda Koï, ça veut dire les propriétaires de la terre. C'est un peu en réaction à ces indépendantistes qui déclarent par-ci, par-là que les terres du nord du Mali sont leur propriété. Mais elle n’est pas exclusive aux Sonraïs, elle appartient également à toutes les populations qui, des siècles durant, se sont retrouvées sur ces terres, y compris donc en partie les Touaregs, les Peuls, les Malinkés, les Soninkés... Il est étonnant qu’un seul groupe ethnique comme les Touareg, revendique la propriété de cette terre et veuille y créer un territoire indépendant. Le mouvement Ganda Khoi a été créé en 1994 dans les mêmes circonstances de douleur et d'abandon des populations dans l’État du Mali. Nous avons été amenés à nous organiser pour nous défendre, défendre nos terres contre les mêmes envahisseurs qui aujourd’hui s'appellent MNLA. Donc le MNLA, le Mouvement National de Libération de l’Azawad s'est constitué en 2011, a décidé de prendre les armes contre l’État du Mali et a fini par occuper nos terres de Kidal, de Tombouctou et de Gao. Compte tenu du fait que les populations vivent dans des circonstances exceptionnelles de difficultés, de violences, d’absence de libertés, nous nous sommes organisés sous forme de milices armées pour assurer la défense de ces populations. Il y a trois mouvements armés et trois autres en compétition, il y a Ganda khoï, c'est le mouvement que je représente, et dont
je suis le président. Il y a le Ganda iso, qui veut dire le fils du terroir. Il y a le FLN, le Front de Libération National. Il y a en plus ce qu'on a appelé les forces armées contre l'occupation. Il y a un cinquième mouvement du nom de l'ACAT (l'Alliance pour les régions de Tombouctou). Et il y a un tout dernier qui s'appelle le cercle de réflexion et d'action. Tous ces mouvements se sont retrouvés pour créer une coordination unique sur le plan politique qu'on appelé FPR, c'est à dire les Forces Patriotiques de Résistance. Il y a beaucoup de jeunes parmi nous. Tous ceux qui sont en âge de porter les armes pour apporter la défense du pays. Ce sont des jeunes qui sont venus de toutes les régions du Mali. Ils sont choqués par ce qui se passe au nord.
Ne serait-ce pas plutôt le rôle de l’État ? Il y a une carence absolue de l'État.Vous le savez, les trois cinquièmes du territoire malien sont occupées en ce moment par le MNLA et par ses affiliés, des mouvements islamo-fascistes ou terroristes qu'on appelle Ansardine, qu'on appelle AQMI ou qu'on appelle Mujao... Nous sommes obligés de nous organiser nousmêmes. Il n'y a pas d'administration, donc il n'y a pas de services de sécurité, il n'y a pas de services de santé. Il n y a rien, aucune représentation, aucun symbole de l’État n’existe en ce moment dans le Nord. L'État est absent, l'opinion internationale totalement absente. Elle prend fait et cause pour les Touaregs et ce qui est paradoxal est que ceux qui
Toureh, président du groupe, a répondu à nos questions.
Des Maliens à Bamako s'informent sur la crise que traverse leur pays.
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Des membres de Médecins sans frontière distribuent des kits de soins aux déplacés dans le village de Aglal.
parlent de défendre le MNLA défendent en même temps par ricochet les mouvements terroristes qui l'accompagnent. Tous les pays qui indirectement ou de façon insidieuse défendent le MNLA ont leurs représentations diplomatiques au Mali. C'est du jamais vu. Certaines missions conseillent même d’organiser des élections générales sur une partie du Mali, pour attendre ensuite 3, 4 ou 5 ans après pour faire des élections au Nord le jour où il sera libéré.
Quelle est la position de la France, par exemple ? La position de la France, d'après la voix officielle que l’on entend, et qui a un peu changé depuis que le Parti socialiste a pris le pouvoir, soutient moins le MNLA. D'après les dernières déclarations du ministre des Affaires étrangères, une solution va être apportée au travers d’une aide qui soutiendrait le Mali pour défendre son territoire. Ce n'était pas le même discours, il y a quelques mois. Mais, c'est à partir de la France que nous avons appris la création du MNLA. C'était sur TF1. Toutes les populations du Mali pensent que la France est derrière le MNLA.
Avez-vous des négociations en vue ? Nous n'entendons pas négocier, malheureusement, parce que la condition sin equa non de toute forme de négociation, c'est que ces islamistes abandonnent le territoire. Vont-ils le faire avec, je ne sais pas, un drapeau blanc ? Jamais, ils ne le feront.
Nous sommes obligées d’utiliser les moyens dont nous disposons, c'est-à-dire la force pour qu’ils abandonnent le territoire.
Comment identifier les différents groupes les uns des autres ? Ils sont facilement identifiables, pour ce qui concerne les islamo-terroristes, c'est pour la plupart des étrangers. Ils sont venus d’Afghanistan, du Pakistan, d'Égypte, du Nigéria, ressortissants qu'on appelle Boko-Aram et puis de certains pays voisins. Le MNLA est composé à 100 % de Touaregs, Et comme je disais tantôt, ce n'est pas tous les Touaregs, ils ne représentent que 1 ou 2 % de cette population. L'immense majorité des Touaregs n'aspire qu'à la paix et à la tranquillité, c'est donc un groupuscule composé de peut-être 200 à 300 personnes.
D'où tiennent-ils leurs armes ? D'abord parce qu'il font du trafic de drogue et du trafic de personnes. Le commerce des blancs, ça leur rapporte beaucoup d'argent, ensuite ils reçoivent l'aide de certains pays étrangers. En ce moment, on nous dit qu'il y a des avions du qatar qui atterrissent dans le nord du Mali, qui apportent de l'approvisionnement, des armes à ces islamo-terrorristes.
Et les femmes dans tout ça ? Comme vous le savez, à chaque fois qu'il y a des conflits de ce genre, les premières victimes ce sont les femmes et les enfants. Les femmes en raison de l'application de la cha-
riah, on les oblige à adopter l'accoutrement des envahisseurs, à se couvrir la tête, les pieds, les mains, même les filles de onze ans, toutes les filles sont obligées de s'habiller de la même façon. Elles n'ont pas la liberté de mouvement, elles ne peuvent pas aller au marché. En cas de violence, ce sont elles que l'on attaque en premier. En cas de maladie, il y a des gros problèmes puisqu'il n'y a pas de structures, pas d'État. Il y a des bénévoles, mais pas de professionnels de santé. Les secours peuvent arriver, mais cela dépend de la bonne volonté des occupants. Ils prendront ce qu'ils ont à prendre et laisseront à la population ce qu'ils ont envie leur laisser.
Peut-on éviter la guerre ? Mais ça a déjà dégénéré, il y a la guerre civile. Les agresseurs ont déjà créé une situation de guerre civile au nord, du fait de l'occupation du territoire et du fait que les populations sont obligées de se défendre. La guerre civile est déjà là. Est ce que l'on peut éviter de se défendre ? Pour que l'on ait pas le besoin de se défendre, il ne faut pas d'agresseur. Si l'agression continue, on est obligés de se défendre. Cela ne dépend pas de nous, c'est de la légitime défense contre les agresseurs. S'ils décident demain de quitter nos territoires cela voudra dire que l'on a pas besoin d'utiliser la force pour les faire sortir du pays. Interview réalisée par Nadia Dorny-Bennad et Niamoye Diarra N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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MONDIALISER LA PAIX Iran-Israël
Le Net, vecteur de Paix au Proche-Orient Dans un Proche Orient agité par les conflits, les récentes révolutions, une nouvelle forme de Paix se développe grâce à Internet et ses réseaux sociaux, loin des instances officielles. Mouvement à suivre...
À
l'heure où les médias agitent le spectre d'une guerre entre l'État d'Israël et la République Islamique d'Iran, une initiative pacifiste, donc cher à nos cœurs, fait son apparition sur Internet. Michal Tamir et Ronny Edry enseignent le design à Tel-Aviv et devant les menaces de guerre ont conçu un poster aux couleurs vertes et roses, portant un message simple : « iraniens, nous ne bombarderons pas votre pays, nous vous aimons ». D'abord à destination de leurs simples amis, le concept s'est répandu sur internet via un célèbre réseau social, soulevant des réactions le plus souvent illustrées de photos où Iraniens et Israéliens apparaissent unis. Des internautes iraniens ont même retourné l'affiche, inscrivant « Israéliens, on vous aime » sur le même modèle graphique. Ronny et Michal ont également créé un site internet israelovesiran qui regroupe les expressions d'amitié ou d'amour israëlo-iranien. On peut y lire l'initiative première du site, par Ronny Edry : « Au peuple iranien, à tous les pères, mères, enfants, frères et sœurs. Pour qu'il y ait une guerre entre nous, il faut d'abord que nous ayons peur les uns des autres, que nous nous haïssions. Je n'ai pas peur de vous, je ne vous hais pas. Je ne vous connais même pas. Aucun Iranien ne m'a jamais fait de mal. Je n'ai même jamais rencontré d'Iranien... Si, un à Paris dans un musée. Un type sympa... Je vois parfois ici, à la télé, un Iranien. Il parle de guerre. Je suis sûr qu'il ne
représente pas tous les Iraniens... Si vous voyez quelqu'un sur votre télévision parler de vous bombarder... soyez assurés qu'il ne nous représente pas tous. Pour tous ceux qui sentent de même, propagez ce message et aidez-le à atteindre les Iraniens.» Depuis mars dernier, Michal Tamir et Ronny Edry ont conçu une seconde campagne d'affiches « Pas prêt à mourir dans votre guerre », où apparaissent de nouveaux acteurs de la paix venant du monde entier. Parmi eux pose Hatef, un soldat iranien. L'action est devenue un phénomène « viral », une idée qui se répand sur la toile d'utilisateur à utilisateur et au fort potentiel d'audience, créant des émules comme Israel loves Palestine ou encore Germany loves Israel and Iran. Grâce à ce mouvement authentique et spontané, une nouvelle idée de la paix au Proche-Orient ou même mondiale se dessine. Loin des comités interminables et rencontres inefficaces entre officiels, la Paix peut aussi se construire individuellement, internaute par internaute. Grégoire Desclaux
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N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
Couple israélo-iranien
MONDIALISER LA PAIX Actualité Syrie
Une résistance pacifique, laïque et démocratique
I
l y avait là Omar, 34 ans, producteur de cinéma, des jeunes dont une femme responsable d’une organisation féminine qui, elle aussi, participe à l’action et organise l’aide aux familles de prisonniers ou aux réfugiés. Omar a créé avec ces jeunes les « chebab », un forum de la jeunesse dont il est un des dirigeants et dans lequel chacun doit se considérer comme un « planteur d’arbres ». Ils déploient des trésors d’inventivité afin de déjouer la répression, risquant leur vie et la prison tous les jours. L’un deux a réussi l’exploit de projeter un slogan lumineux sur le palais présidentiel. « En mars 2011, les manifestations pacifiques organisées un peu partout ont commencé par des rassemblements de quelques centaines de personnes. La répression est immédiate et violente : arrestations et tirs à balles réelles ! Mais le danger ne décourage pas les Syriens. Chaque ville, chaque quartier s’organise et le nombre des manifestants grandit pour atteindre les 20 000 à Homs fin 2011 ». « Ce sont les bourgeois, les commerçants, de riches musulmans ou chrétiens qui soutiennent le gouvernement. Ce n’est pas un conflit religieux, c’est un problème de classe. Dans ses débuts, le mouvement mettait en avant des revendications concernant les droits et les réformes. Peu à peu c’est la chute du régime que les gens demandent » « La militarisation qui s’est opérée à partir de août 2011 s’est aggravée avec les interventions étrangères en Syrie. Les Russes fournissent des armes et de l’argent au régime, aidé également par les Iraniens et le Hezbollah libanais. Du côté de l’opposition, des Saoudiens et des Qataris sont présents sur le terrain. Ils ont les mêmes objectifs que les groupes des Frères musulmans qui existent en Syrie : pousser à l’islamisation du pays. Comme le régime et ces différents groupes cherchent à manipuler l’information à leur profit, les médias étrangers sont interdits, sauf Al-Jazeera ». « Quant au plan de paix de Kofi Annan, il était positif mais partait du principe qu’il y avait deux camps opposés ce qui ne reflète pas la réalité. Il s’agit d’une révolution impliquant toute la population ! » « Le Conseil national syrien constitué à l’extérieur
Dans la lignée de l’article Le conflit vu de l’intérieur paru le mois dernier, Nicole Bouexel, membre du Bureau national du Mouvement de la Paix, a rencontré des jeunes syriens engagés dans la lutte contre le régime afin
Manifestation de Syriens à Boston.
ne représente pas la révolution et ne travaille pas avec des organisations pacifistes comme la nôtre, pourtant active sur le terrain. Il y a beaucoup de dissensions et aucune solution n’est proposée sauf une intervention étrangère. Nous, nous intéressons à la société civile. Nous voulons transformer la société en société de citoyens ! Nous faisons de l’éducation populaire et nous travaillons déjà à préparer la transition. Nous voulons nouer le dialogue avec ceux qui continuent à travailler pour le régime en nous inspirant de ce qui s’est passé en Afrique du Sud. » Pour finir Omar nous interpelle fortement : « Nous avons besoin de votre solidarité. Arrêtez de parler de rebelles, nous sommes des révolutionnaires » et aussi « ce n’est pas logique de parler d'une intervention de l’Otan (qu’il jugerait extrêmement dangereuse, mais qui n’aura sans doute pas lieu) « Faites cesser les interventions étrangères existantes aujourd’hui en Syrie : celles des Russes, des Iraniens, des Saoudiens, des Qataris !
de partager leur vision et leur combat, loin du traitement médiatique.
EN SAVOIR PLUS • souriahouria.com (Souria Houria, Syrie libre est une association d’opposants syriens basée en France organisatrice des manifestations qui ont lieu les samedis sur la place du Chatelet à Paris). N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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CULTURE Spectacle
Un Oratorio pour la Paix Le Peace Oratorio, grand spectacle chanté sur le thème de la vie de Martin Luther King sera présenté le 18 octobre prochain au théâtre de l'Alhambra. Une occasion pour Planète Paix de mettre en lumière cette aventure autant musicale qu'humaine.
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epuis 1999, l'américain John Meldrum, a regroupé autour de lui une troupe de chanteurs les Highlites, troupe placée sous le signe de la fraternité et du partage. De leurs représentations et de leurs aspirations pacifiques est né l'idée de l'Oratorio pour la paix. À l'origine, l'oratorio appartient à la famille des chants religieux mais la forme du drame lyrique convient tout aussi bien à des sujets profanes, comme celui développé par John Meldrum. L'Oratorio pour la paix retrace les parcours de trois hommes qui ont consacré leur vie à défendre la justice et la liberté : Mohandas Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela. Peace Oratorio est écrit pour
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10 solistes et 100 choristes, un orchestre de cordes, un cor d'harmonie, une trompette et un ensemble (regroupant guitare acoustique, électrique et classique, batterie, contrebasse et basse électrique, percussion, orgues et piano). Les chansons interprétées par la troupe de John Meldrum s'inspirent de la lutte contre l'injustice et l'aspiration à la liberté pour tous et puisent leurs influences aussi bien des rythmes africains, du jazz, du blues et du gospel que des sonorités celtiques, pop-rock ou reggae. « En imprégnant une forme musicale classique, telle l'Oratorio, avec des chansons d'inspiration Reggae, Pop, Gospel et Jazz, je rassemble en détruisant les barrières entre la musique « classique » et la musique "actuelle ». Je souhaite également transmettre aux nouvelles générations le message de paix de trois figures majeures du 20ème siècle, qui ont mené des batailles épiques et sacrifié leur vie pour que nous puissions vivre dans une société plus juste. J'espère que cette œuvre aidera les gens à ouvrir leur cœur. La réaction des spectateurs le premier soir était pleine d'amour et d'émo-
tion ; cela me réjouit et me donne de l'espoir pour l'avenir et l'Oratorio de la Paix. » John Meldrum a mis l'accent sur la diversité en composant sa chorale, invitant des personnalités musicales de tous âges et de toutes les origines. Bien plus, l'Oratorio devient une œuvre collective, puisqu'une partie du spectacle laisse la part belle à l'improvisation qui s'oriente le plus souvent du côté du public. John Meldrum and the Highlites invitent également des artistes locaux à se produire sur scène à leurs côtés lors de leur tournée, permettant une plus grande proximité et une plus grande écoute du public. L'effectif de la troupe peut ainsi atteindre les 1000 participants ! L'Oratorio pour la paix a reçu les louanges de l'attaché aux affaires culturelles de l'Ambassade des États-Unis à Paris ainsi que ceux du directeur du festival Voix sur berges et l'École John Roan de Londres utilise deux des chansons du spectacle lors des commémorations de sa fondation. Grégoire Desclaux
CULTURE Théâtre
’’Les optimistes’’ Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil hébergeront une nouvelle création du théâtre Majâz, ‘‘Les Optimistes’’. Une pièce créée en résidence à Jaffa en Israël/ Palestine et à Paris. Elle sera jouée en hébreu, arabe, français et sous-titrée dans son ensemble.
EN SAVOIR PLUS • www.theatre-majaz.com
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amuel un avocat français arrive à Jaffa, en Israël, pour vendre la maison de son grand père méconnu, un immigrant juif polonais arrivé en « Terre Promise » après la Seconde Guerre mondiale. La découverte de celle-ci sera le point de départ d’une recherche personnelle où il retracera l’histoire de ce grandpère méconnu. Cette maison encombrée d'objets et de cartons dévoilera l’aventure incroyable d'une correspondance surréaliste où, d’un côté, un camp de réfugiés au Liban attendait les “images de Palestine”, et de l’autre un groupe de “résistants de l’imaginaire” travaillaient à une mémoire meilleure. La troupe de comédiens/détectives part en enquête. Elle commence en Europe, dans les cendres des camps d’extermination, et nous amène vers le Proche-Orient et ses promesses, en Israël, en Palestine, au Liban mais aussi au Maghreb. La troupe voyage dans le temps à l’aide de films et d’archives, de témoignages et du travail des historiens pour dessiner sur scène un portrait de ce que pouvaient devenir la Palestine et Israël et de ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Confrontés à une société passée maître dans l’art de l’oubli, ils fabriqueront ce pays utopique de toute pièce, et finiront par croire qu’il peut vraiment exister.
La troupe L’histoire du Théâtre Majâz (« métaphore » en arabe) a comme point de départ une rencontre entre trois étudiants de l’Ecole de théâtre Jacques Lecoq : Ido Shaked (Israël), Lauren Houda Hussein (France-Liban) et Hamideh Ghadirzadeh (France-Iran), en 2007. D’Israël, de Palestine, de France, du Liban, d’Espagne, d’Iran ou du Maroc chaque jeune acteur de cette compagnie apporte avec lui son identité, sa culture et son histoire au service d’une même exigence artistique. « A travers une recherche collective, nous nous réapproprions notre mémoire et apprivoisons celle de l’autre. Notre démarche propose un dialogue, un questionnement sur ces guerres et conflits dont nous sommes les héritiers mais dénonce tout système répressif et violent qui entraverait cette ouverture.» Après « Croisades », une pièce qui porte un regard poétique et symbolique sur les conflits, ils se sont ancrés dans la réalité et écrit eux-mêmes leur histoire. Ils ont trouvé la poésie dans des faits réels. « Nous cherchons à ré imaginer le passé, à créer une réalité inventée qui dépasserai l’Histoire. Si Croisades était la somme de tous les conflits du 20ème siècle ; notre nouveau projet parlera davantage de ceux qui refusaient de marcher dans le rang, des rêveurs et des optimistes infatigables qui étaient rejetés de toutes parts et qui en payaient souvent le prix fort.» Du 8 novembre au 22 décembre Les jeudis, vendredis et samedis à 20h30 Les samedis et dimanches à 14h N° 575 - Octobre 2012 - Planète PAIX
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o us trouverez dans l'agenda 2013 l'historique du Mouvement de la Paix, le rappel des dates importantes comme la Journée internationale de la paix, du refus de la misère, ainsi que des biographies de pacifistes célèbres. Le thème de l'agenda est cette année "les cafés de la paix", nom qu'ont choisit un grand nombre de restaurateurs que nos comités régionaux ont répertorié à travers la France et au delà. Guide et aide mémoire du pacifiste, cet agenda vous accompagnera partout grâce à son format pratique et à sa lecture confortable.
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