L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 576 / Novembre 2012
Les gens du voyage, préjugés et discrimination Dossier (P.11-17)
Colombie Un espoir de réconciliation ? (P.18)
Avoir 20 ans dans les Aurès à redécouvrir (P.21)
REGARD SUR...
10ème Trail de la Paix - Corrèze (19)
Forum des associations - Vierzon (18)
Fête des Allobroges - Chambéry (73)
La Journée du refus de la misère - Aude (11)
Marche Blanche en hommage à Kévin Noubissi et Sofiane Tardbit- Échirolles (38)
Fête des Droits de l’homme - Besançon (25) 2
N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
Sommaire
l’Édito
Planète Paix n° 576 - Novembre 2012
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Roms : c’est pour quand le changement ?
Actualité
Monuments aux morts
L
P.6
Les pierres du souvenir Budget militaire 2013 de la France
P.7
Le changement dans la continuité Le Mouvement de la paix
P.9
Une stratégie d’aménagement pacifiste du territoire
11
dossier
Les gens du voyage, préjugés et discrimination Histoire
Aux origines du peuple nomade Les tziganes Nomade je suis, nomade je resterai Témoignage Grossesses mobiles Contribution De quoi les Roms sont-ils le non ?
P.12/13 P.14 P.15 P.16
Aurélie Royon, CoprésidenteMouvement de la Paix
‘‘ Faisons la connaissance de
18
ces hommes, de
mondialiser la paix
Colombie
P.18
ces femmes, de
P.19
ces enfants qui
P.20
ne sont pas que
Un espoir pour la réconciliation ? Prix Nobel de la paix
Récompense controversée élections au Venezuela
La démocratie a parlé
des miséreux, ils ont aussi une
22
culture
Avoir 20 ans dans les Aurès
P.21
à redécouvrir Poésie
P.22
Paul Éluard : Amour et résistance Des peintres pour Eluard
P.23
L’hommage de la Galerie l’Art et la Paix
Mensuel édité par le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org
culture, une histoire, qu’il est bon de connaître et de partager
’’
Directeur de publication : Pierre Villard Secrétaire de rédaction : Nadia Dorny-Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert. Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Nicole Bouexel, Grégoire Desclaux, Nadia Dorny-Bennad, Annie Frison, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Ont participé à ce numéro : Grégoire Desclaux, Pierre Villard, Jacques Trélin, Alexandre Romanès, Nadia Dorny-Bennad, Christine de Fourvières, Bruno Mattei, Raoul Alonso, Evelyne Aymard. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
es changements politiques de ces derniers mois n’auront pas été synonymes de répit pour les Roms installés en France. Comme depuis des années, les images d’évacuations musclées, de campements de fortune détruits, de familles à la rue, sont quotidiennes. Nous regardons émus, révoltés et impuissants. Ailleurs en Europe, la situation des Roms n’est pas plus enviable. D’un point de vue global, l’espérance de vie est, pour les Roms, de 10 à 15 ans inférieure à celle des autres Européens. Derrière cela, il y a les difficultés pour se loger, travailler, se soigner, la grande pauvreté et l’insécurité chronique avec lesquelles survit la majorité des Roms d’Europe. Des expulsions forcées d’Europe de l’Ouest aux enfants Roms scolarisés massivement dans des écoles pour handicapés mentaux en Slovaquie, de la misère noire des bidonvilles à la périphérie de Sofia aux pogroms meurtriers perpétrés par des milices fascistes en Hongrie, il semble ne pas y avoir de havre de paix pour les Roms. Pourtant, l’Union européenne s’émeut. Depuis 2011, les pays membres sont appelés à développer des stratégies nationales pour l’intégration des Roms et si les avancées dans certains pays existent, elles sont loin d’être suffisantes. L’U.E. grogne, gronde un peu, ferme les yeux et chacun fait ce qu’il veut... Pour les acteurs de la paix, ces violations des droits fondamentaux à l’échelle des États sont intolérables et l’engagement aux côté des Roms incontournable. Dans l’opinion, le rejet des Roms semble universel, ancré dans les esprits depuis des siècles et fait le terreau des violences et de l’hostilité, c’est là aussi qu’il faut s’engager, pour changer les esprits obscurantistes par le nauséabond discours dominant. Alors, pourquoi n’irionsnous pas à la rencontre du peuple rom ? Faisons la connaissance de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui ne sont pas que des miséreux, ils ont aussi une culture, une histoire, qu’il est bon de connaître et de partager pour en finir avec les stéréotypes archaïques véhiculés sans cesse du coin de la rue au sommet des États. N’est-ce pas cela, cultiver la Paix ?
Bon d’abonnement à Planète Paix page 8 N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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Courrier des lecteurs
Jeu de guerre À l’approche des fêtes de fin d’année, j’ai encore été mortifiée par la liste de cadeaux de Noël écrite par mes petits enfants. L’ainé, 17 ans voudrait le dernier numéro d’un jeu vidéo « Médaille de l’honneur » ou quelque chose du genre, dans lequel il doit tuer des terroristes avec les arsenaux des armées occidentales comme celle du Royaume-Uni ou de l’Italie. Le petit dernier qui vient d’avoir 9 ans n’est guère mieux
Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.
inspiré : pour lui ça sera un fusil mitrailleur en plastique, avec bruitages incorporés. Outre le prix exorbitant de ces articles, leur portée éducative me fait froid dans le dos ! À quoi pensent les marchands de jouets de nos jours ? Nicole M, Loir-et-Cher. Jeu de guerre bis J’étais tout récemment à Rennes. À la gare de cette belle ville, on m’a offert (gratuitement) un numéro du Figaro. Dans ce numéro du figaro, il y avait un catalogue (épais) de jouets de la chaîne Joué. Et parmi les jouets proposés, nombre de jouets de mort, notamment divers fusils-mitrailleurs, d’un réalisme saisissant. Il y a, au reste, un peu plus loin, des « jouets » d’une « guerre des étoiles », qui participent bien du même esprit.
La Semaine de la solidarité internationale du 17 au 25 novembre 2012 La pauvreté ne cesse d’augmenter, les inégalités se renforcent alors que les richesses se multiplient. Alors que la mondialisation accroît les liens entre les pays, et que les choix politiques et économiques actuels mettent la planète en péril. Les pauvretés (économiques mais aussi sociales, culturelles…) s’accroissent de par le monde. Plus d’un milliard de personnes ne mangent pas à leur faim. Un milliard d’habitants de la planète vivent dans des bidonvilles. Dans le même temps, les richesses ont été multipliées par 8 au cours des 40 dernières années. Le chiffre d’affaires combiné des 200 sociétés transnationales les plus importantes représente plus que les économies cumulées de 180 pays du globe. Les inégalités n’ont jamais été aussi grandes entre pays, et à l’intérieur de chaque pays, y compris dans les états du Nord. La solidarité internationale est plus que jamais nécessaire. Elle se base sur le partage et la réciprocité, non sur l’assistance ou le paternalisme, et laisse les populations maîtres de leur destin. Elle doit être portée par tous : associations, pouvoirs publics, entreprises, syndicats, chaque citoyen est concerné… et prend des formes différentes qui ne se limitent pas aux dons ou aux actions dans les pays en développement. Car, il est indispensable d’agir également sur les causes des inégalités. La Semaine, ce n’est pas que des dates sur un agenda, mais un événement fédérateur mobilisant des milliers de personnes sur tout le territoire français, à la rencontre de celles et ceux qui, sans connaître forcément ce que représente la « solidarité internationale », s’interrogent sur la marche du monde et les moyens d’agir ici pour plus d’équité, de justice et de solidarité partout. La solidarité internationale est un acte politique et réfléchi. C’est aussi une nécessité pour construire un monde plus juste ! Changer le monde, c’est possible ! Tous les jours près de chez soi ! 4
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Et que dire des parents (ou grands parents) qui offrent de tels jouets ? Ma première réaction a été d’en faire un article pour Planète Paix. Puis j’ai trouvé que c’était là une réaction bien insuffisante, qu’une telle éducation à la mort -c’est ainsi que je qualifie ces « jouets »- méritait un traitement plus politique. Pourquoi ne pas s’en servir pour lancer un appel à nos députés, et à leurs groupes politiques, en vue d’interdire tout jouet qui « reproduirait une arme de guerre actuellement en service », ce qui pourrait constituer un minimum. Un débat qui, en cette période prochaine de cadeaux, pourrait trouver un écho dans la grande presse. En tout cas, il mérite d’être d’abord lancé au sein même du Mouvement de la Paix. Jean-Paul V, Isère
Informer autrement Dans le dernier numéro de Planète Paix, j’ai remarqué un article en particulier qui m’a semblé dépasser les lignes éditoriales de ce mensuel que j’apprécie : « Qui veut la paix... ». Cette interview du Malien maître Toureh, laissait la parole à un groupe dit « d’auto-défense » utilisant des armes pour protéger les civils victimes des exactions du MNLA. J’ai trouvé en premier lieu cet article paradoxal mais il m’a aussi permis d’avoir accès à un témoignage d’un véritable acteur de ces conflits, et la pluralité des voix est un des aspects que j’apprécie dans Planète Paix. Thomas W. Ardèche.
Chaque année depuis 1998, la 3ème semaine de novembre, la Semaine de la solidarité internationale est le grand rendez-vous national de sensibilisation à la solidarité internationale et au développement durable. Neuf jours d’animations et de temps forts... et des centaines d’occasions de rencontres, de découvertes et de questionnements. La Semaine de la solidarité internationale, c’est plus de 6 000 animations portées par près 600 pôles organisateurs partout en France… La Semaine en quelques chiffres • 24 organisations au comité de pilotage national • près de 700 acteurs • dont 150 collectifs interassociatifs ou multi acteurs • et 40 réseaux nationaux • soit plus de 8 000 structures locales impliqués • dans plus de 500 villes et communes et 90 départements • 2 200 manifestations, soit 7 000 animations • des centaines de milliers de personnes touchées directement par les manifestations et plus encore via les médias Quand le slogan est « Droits essentiels », l’approche des pacifistes et la Culture de Paix déclinée selon ses 8 domaines d’action y ont toute leur place. Pour toute information et pour trouver les principaux contacts en région : www.lasemaine.org/contacts
REPÈRES ... Documentaire
Livre
« Histoires du carnet anthropométrique » De Raphaël Pillosio. Une coproduction L’Atelier documentaire/TV Tours. 2012 – 70 minutes
En 1912, dans le cadre d’une loi visant à contrôler le commerce ambulant, la République Française imposait le port d’un Carnet Anthropométrique d’identité à une catégorie administrative créée à l’occasion, les « Nomades ». A travers la restitution aux familles concernées, de photographies contenues dans les Carnets Anthropométriques, le film dresse un portrait de l’intérieur de l’extraordinaire hétérogénéité des « Gens du Voyage ». En contre-point, des historiens réfléchissent aux conséquences de cette loi. En interrogeant la permanence d’une exception juridique au cœur de la République Française, ce film propose de réfléchir à la situation passée et actuelle des « Gens du Voyage ». Contact : L’Atelier documentaire. atelierdocumentaire@yahoo.fr Tél. 05 57 34 20 57 / 06 12 50 18 00
Les chiffres... Journée mondiale de l'alimentation :
870 1,5
Lyuba ou la tête dans les étoiles Éd. Autrement Jeunesse
Cette bande dessinée qui s’adresse aux enfants 9/13 ans aborde une période précise de histoire de France vue à travers l’histoire singulière d’un enfant immigrant en France. Seine-Saint-Denis, 2010. La Roumanie est entrée dans l’Union européenne mais pour Lyuba et sa famille, Roms migrants installés dans un bidonville de la région parisienne, cela ne change rien : toujours l’impossibilité d’avoir un travail, toujours la manche dans le RER, les expulsions, l’intolérance… Pourtant, avec l’aide d’associations humanitaires et de Jocelyne, une voisine passionnée d’astronomie, Lyuba va retrouver espoir. Un récit passionnant complété par un cahier documentaire sur la période afin d’approfondir ses connaissances sur le sujet. « Lyuba ou la tête dans les étoiles » est le 8ème album de la collection « Français d’ailleurs » consacrée à l’histoire de l’immigration en France, pour les enfants de 9 à 13 ans, conçue en collaboration avec la Cité de l’histoire de l’immigration.
millions d'affamés milliard de mal nourris
Livre
IMAGE DU MOIS Les pacifistes aubagnais ont fait flotter les couleurs de la Paix sur le toit du monde. CD-Roms D’Eric Lasserre Éd. Rouergue Album à partir de 5 ans
Il faut comprendre le titre comme un jeu de mots, car dans cet album poétique et surprenant, Eric Lasserre rend hommage aux Roms et aux gens du voyage. En plein mois de décembre, la famille Lafleur est bloquée avec la caravane à la suite d’une panne. Il y a papa Lafleur (de peau), maman Lafleur (bleue), pépé Lafleur (de l’âge) et les enfants La (fine) fleur. Cette halte improvisée est l’occasion de dresser le portrait de cette famille et de raconter son histoire, sous les airs de violon du grand-père. Éric Lasserre a choisi le monochrome pour illustrer cette petite tranche de vie, avec des crayonnés en noir et blanc. On aime beaucoup la simplicité du dessin et du texte, car l’auteur use du jeu de mot avec subtilité, faisant appel à l’imaginaire du lecteur. N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ Monuments aux morts
Les pierres du souvenir Normalement réservés aux souvenirs de glorieux soldats tombés durant la Première Guerre mondiale, certains monuments aux morts privilégient la négation de la guerre et l’expression de la douleur. classiques. Nous tenterons de distinguer ici les édifices inaugurés avant la Seconde Guerre mondiale car d'inspiration plus authentique quant à la négation de ce conflit en particulier. Le monument de Strasbourg par exemple porte cet esprit de façon discrète : « à nos morts », oubliant le traditionnel « la patrie reconnaissante » tandis que d’autres comme celui de Sainte-Savine dans l’Aube sur lequel est inscrit un « Guerre à la Guerre » prône déjà un effort pacifiste conscient, au milieu des « pleureuses » qui représentent les veuves et les mères de soldats Monument de Vierzon qui symbolise l’humanité refermant le en deuil. Le monument de Perronne, tombeau de la guerre. dans la Somme, inauguré en 1922 et injustement rebaptisé « La picarde maudise souvenir de la Première Guerre sant la Guerre » a été nommé par son sculpmondiale se perpétue le 11 no- teur « Les lauriers », détournant le symbole vembre, date anniversaire de l’ar- de gloire affilié à cette plante pour illustrer mistice signée par le maréchal Foch la pensée « Les seuls lauriers qu’apportent la et Matthias Erzberger. La France traumati- Guerre est le Deuil ». sée célèbre ses soldats grâce à la construction dans les communes de monuments aux morts, près des mairies, des cimetières ou même d’écoles. Ces stèles où sont inscrits les noms de ces soldats, « morts » et « disparus » sont le plus souvent ornées de symboles guerriers et d’inscriptions patriotiques qui encouragent à admirer leur sacrifice du sang pour la patrie, ignorant que la paix de 1918 ne sera qu’un prélude à la montée de la Seconde Guerre mondiale, autrement plus horrible. Pourtant, dès les années 20, les sentiments d’échec et de gâchis conduisent certaines municipalités à ériger des monuments considérés comme pacifistes, dont le souvenir de mémoire s’affranchit de toute fierté guerrière. Il est difficile de recenser ces monuments tant les formes varient, coexistant parfois avec des stèles commémoratives Monument de Perronne dans la Somme
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Certains de ces cris de colère honorent un mort en particulier ; à Royères-des-Vassivières dans la Creuse la tombe de Félix Baudy, fusillé en 1915 pour délit de lâcheté est ornée d’une plaque posée par des camarades. On peut encore y lire : « Maudite soit la Guerre - Maudits soient ses bourreaux - Baudy n’est pas un traître - Mais un martyr ». Également dans la Creuse, à La-Forêt-du-Temple, la stèle est dominée par une pleureuse, et en plus du nom des soldats, elle porte celui d’Emma Burjavet « morte de chagrin » après la perte de ses trois fils. Le devoir de mémoire de la Première Guerre mondiale tend à se perdre, éclipsé par celui lié à la Seconde mais ces monuments en particulier le méritent, incarnant des valeurs universelles. Traduit de l’occitan, celui d’Aniane dans l’Héraut nous rappelle « La guerre qu’ils ont voulue est la guerre à la guerre, ils sont morts pour notre terre et pour toute la terre. » D.G.
ACTUALITÉ Budget militaire 2013 de la France
Le changement dans la continuité
P
our résumer d’une phrase, on peut dire que le projet de loi de finances concernant le budget de la Défense 2013 est une copie conforme des années précédentes. Les chiffres présentés par l’actuel ministre de la Défense le prouvent. Par exemple, si nous comparons les années de l’ère Sarkozy, avec ce qui nous est proposé pour 2013, il est bien difficile de trouver le moindre indice correspondant aux espoirs des partisans de la paix, qu’il s’agisse du montant des dépenses générales d’armement comme celui de l’armement nucléaire. Sur ce dernier point, il est encore présenté dans le texte du projet de loi de finances 2013 comme «ni offensive, ni défensive, elle est de dissuasion ». Son but essentiel est « d’empêcher le déclenchement de la guerre ». Et d’ajouter : pour la France, « elle est indissociable de sa sécurité et de son statut international ». Ainsi, précise le texte officiel « l’année 2013 sera marquée par la poursuite de la modernisation de la composante océanique avec la fin de la période d’adaptation du sous-marin lanceur d’engins (SNLE), le Vigilant, qui lui permettra de lancer les missiles M51 et l’entrée dans ce cycle d’adaptation du SNLE le Triomphant. La rénovation des transmissions nucléaires, essentielles à la dissuasion, sera poursuivie. Enfin, le programme de simulation, fondamental pour garantir la sureté des armes nucléaires, suite à l’arrêt définitif des essais nucléaires en 1996, verra la continuation de la construction du laser mégajoule (LMJ) et de l’installation radiographique et hydrodynamique franco-britannique EPURE pour permettre la réalisation de premiers essais en simulation en 2014 ». On peut parfois lire dans la presse que le gouvernement maintient un niveau de dépenses militaire important grâce à une réduction des effectifs civils et militaires employés par l’armée. C’est un peu vrai notamment en raison d’une baisse de la masse salariale de 0.7%, d’une baisse de 7% sur le fonctionnement courant et d’un report à la hauteur de 5.5 millions d’euros de commandes prévues en 2012 et 2013. Ce décalage dans le temps de ces commandes est expliqué en raison de la situation économique
Le projet de budget
Le sous-marin nucléaire le Vigilant
de la défense présenté pour 2013 est un budget de transition. Le Livre blanc de la Défense redéfinira les besoins des armées afin qu’ils soient en cohérence avec les priorités stratégiques de la France. Ses conclusions serviront à écrire la nouvelle LPM 2014-2019.
actuelle du pays. Selon le texte du ministère de la Défense : « les aménagements retenus permettent de limiter la dépense de l’État notamment en 2013 sans remettre en cause les contrats en cours ». Cela étant, la baisse des effectifs remonte à plusieurs années. Comme pour les dépenses si on remonte au début de la période Sarkozy, la baisse est constante en termes d’autorisation maximum d’emplois civils et militaires. Par contre, la présence de militaires français à l’étranger est toujours importante. En septembre 2012, le chiffre dépassait les 10.000 (hors forces de souveraineté) dont 6.000 environ engagés sur des théâtres d’opérations extérieures. Ces opérations extérieures ont toujours un surcoût non négligeable comme le montrent les chiffres officiels. Précisons que depuis 2009, le financement résiduel de surcoût des ces opérations (OPEX) ne pèse pas sur les crédits d’équipement de la Défense mais les bénéficie d’un abondement interministériel. Ces quelques éléments abordés très succinctement dans le cadre qui est le nôtre ici, montrent que l’ensemble des pacifistes français doivent, plus que jamais, se mobiliser* pour imposer une autre orientation pour aller vers la paix dont le monde a besoin. Jacques Trélin
EN SAVOIR PLUS • www.mvtpaix.org
* Le Mouvement de la Paix a initié une pétition contre le budget de la Défense. à signer en ligne sur : www.mvtpaix.org N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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ACTUALITÉ Mouvement de la Paix
Une stratégie d’aménagement pacifiste du territoire
«
Cultiver la Paix, partout, avec toutes et tous », tel est le slogan de la dernière campagne du Mouvement de la Paix, consacrée à son développement. Ce samedi 20 octobre, la région Provence Alpes Côte d’Azur a donné le feu vert d’une série de réunions régionales des comités de l’association. Cela fait maintenant deux ans qu’une équipe s’est constituée au sein du Conseil national de l’organisation pacifiste, afin de proposer des outils et mettre au point une campagne dite de renforcement et de développement. En effet, l’association pacifiste considère ne pas être assez développée au regard des enjeux contemporains, pour être en capacité d’influer sur les choix politiques nationaux et internationaux. Ainsi, au-delà de la dimension financière, c’est bien à la question politique de son développement que le Mouvement de la Paix a décidé de consacrer du temps.. Les animateurs du groupe de travail renforcement, aidé de la chargée de communication de l’association, ont planché dans un premier temps sur une nouvelle brochure de présentation et une affiche dynamique invitant les citoyens à « entrer dans le mouvement ». On y voit une jeune fille à la chevelure virevoltante, écoutant de la musique. Une myriade de symboles de la paix s’évade de ses écouteurs. Une image actuelle de l’action pour la paix, sortant des préjugés et des stéréotypes. Il va de soi qu’une campagne de communication, somme toute modeste, ne suffit pas à faire adhérer massivement. C’est la lisibilité et l’utilité sociale qui peuvent dans la durée convaincre de donner de son temps, de son argent et de son énergie à l’engagement pacifiste. C’est ainsi que le bureau national a décidé de passer à la deuxième phase en organisant une campagne nationale de réunions régionales des comités locaux. Pour Régine Minetti, co-présidente en charge de cette campagne « ces réunions ont pour objectifs de mieux nous organiser afin d’être plus efficace dans nos campagnes et atteindre nos objectifs sociétaux ». Créer des dynamiques locales, régionales et nationales, renforcer les liens entre
Le Dauphiné Libéré, 28 octobre 2012
Même s’il demeure le principal mouvement pacifiste français, le Mouvement de la Paix a entrepris un important travail de questionnement sur son renforcement et son développement. Objectif affiché : renforcer et développer la capacité d’action des pacifistes.
les comités à l’échelle d’un territoire, renforcer le travail collectif dans les territoires régionaux pour donner de la force à l’action régionale sont les objectifs affichés. Car force est de constater une grande disparité sur le territoire, tant dans les pratiques que dans la représentativité. C’est en Savoie que le nombre d’adhérent est le plus important, 354 en 2012 répartis dans 4 comités. Une étude interne sur la représentativité en fonction du nombre d’habitants donne la région Limousin comme celle où le Mouvement de la Paix est le plus influent avec 37 adhérents pour 100 000 habitants, suivi de la Bourgogne (12 pour 100 000). Au niveau départemental, on retrouve la Creuse (117 pour 100 000) suivi de la Corrèze (52 pour 100 000) et des Hautes-Alpes (42 pour 100 000). Avec cette campagne, les responsables de comités sont invités à faire preuve d’audace et d’inventivité pour sortir des sentiers battus afin de renforcer les comités existants. Des projets de parrainages de nouveaux départements ou de nouveaux territoires sont également à l’ordre du jour. Nul doute que le prochain « Forum des comités », véritable laboratoire d’échanges des pratiques de terrains de l’association, qui se tiendra à La Rochelle les 19 et 20 mai prochain, verra le résultat de cette campagne par l’arrivée de nouveaux visages et de nouvelles énergies. Pierre Villard Les prochaines réunions régionales • Rhône-Alpes le 3 novembre à Givors • Languedoc Roussillon le 9 novembre à Béziers • Limousin le 10 novembre • Basse et Haute Normandie le 10 novembre à Caen • Midi-Pyrénées le 16 novembre à Toulouse • Aquitaine le 17 novembre à Mont-de-Marsan • Centre le 10 novembre à Orléans N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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Au jour le jour du Sud, de l’Inde et de Taïwan ont doublé au cours des dix dernières années. En 2011, le budget total des cinq pays étudiés par l’Institut s’élevait à 224 milliards de dollars, soit le presque le double des dépenses de 2000. À eux cinq, ils totalisent 87 % des budgets de la zone. Cette somme devrait encore augmenter dans les années à venir, selon les pronostics délivrés dans le rapport publié pour le mois d’octobre 2012.
Pas trop tôt ! Ce 24 Novembre 2012 a été inauguré à Berlin un mémorial du «Porajmos», l’holocauste contre les roms perpétré par les Nazis entre 1939 et 1945. Le monument, réalisé par l’artiste israélien Dani Karavan est composé d’un bassin circulaire et d’une stèle qui surnage en son centre. Une fleur fraîchement coupée sera posée sur la stèle chaque jour. L’holocauste visant les populations roms fit 500.000 victimes dans toute l’Europe, France comprise mais a longtemps été nié ou ignoré par les recherches historiques. Il est toutefois regrettable de devoir attendre si longtemps avant de reconnaître des victimes des horreurs nazies.
Asie-Pacifique Course à l’armement La croissance économique des pays d’Asie-Pacifique s’accompagne d’une croissance
des dépenses militaires des gouvernements. Une étude du Centre des études internationales et stratégiques révèle que les dépenses en défense de la Chine, du Japon, de la Corée
Pas d’hommage à Bigeard Le gouvernement précédent avait prévu de transférer les cendres du général Bigeard aux Invalides. Cette décision avait provoqué une vague d’indignation qui s’est traduite, entre autres, par le lancement d’une pétition. L’ampleur de cette protestation avait contraint le ministre de la Défense d’alors, Gérard Longuet, à annuler le projet. La page semblait tournée et il y avait bon espoir
qu’une logique de lucidité et de courage pourrait gouverner la manière d’appréhender le passé colonial. Le président de la République a donné du corps à cet espoir en reconnaissant la réalité du massacre du 17 octobre 1961. Le Sénat lui a emboîté le pas en adoptant une résolution dans le même sens. En rupture avec l’esprit de ce communiqué et de cette résolution, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian prévoit d’inaugurer, le 20 novembre prochain, une stèle à Fréjus destinée à accueillir les cendres de Bigeard au sein du Mémorial des guerres d’Indochine C’est pourquoi une partie des initiateurs du premier appel propose de se mobiliser à nouveau pour exiger l’annulation de cette cérémonie, en allant signer le nouvel appel sur : http://nonatouthommageabigeard.net/
à vos agenda • Trescléoux (05) à la petite Église le 10 et 11 novembre de 10h à 12h et de 15h à 18h, exposition « L’Art et la Paix » de la Galerie l’Art et la Paix. à l’occasion de la Semaine de la Solidarité internationale, le comité des Hautes-Alpes du Mouvement de la Paix diffuse le documentaire de Raymond Mourlon « le Refus », issu de l’histoire de Alban Liechti, premier soldat réfractaire de la guerre d’Algérie. Les projections seront suivies d’une rencontre en présence de Raymond Mourlon, réalisateur, Alban Liechti, auteur de « Le Refus » aux éditions Le Temps des Cerise et Yolande Liechti, militante pacifiste • Mardi 20 novembre 20h30, salle Dum’Art, 14 avenue du Cdt Dumont à Gap. • Jeudi 22 novembre 21h, cinéma Le Hublot, 1 rue de la Paix à Laragane-Montéglin. • Vendredi 23 novembre 21h, cinéma Les Variétés, route de Grenoble à Veynes. • Bourges (18) : Jeudi 8 novembre à 19h00 - salle des délibérations du Conseil Général du Cher (Place Marcel Plaisant à Bourges.) Dans le cadre d’un Forum Social Local de Bourges et du Cher, est organisé un débat « Sur quelle planète voulons-nous vivre? » « Pourquoi cette question posée par l’existence des bombes atomiques est-elle en France absente des médias et semble ignorée des politiques ? » avec 10
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Pierre Villard, auteur de l’ouvrage « Pour en finir avec l’arme nucléaire », coordinateur, pour la France, de la Campagne Internationale pour Abolir l’Arme Nucléaire. Le même débat aura lieu à St Amand Montrond le vendredi 9 novembre à 18 heures maison des associations, salle coquelicots.
• Cérémonies du 11 novembre Château-Arnoux (04) à la Bourse du travail (face à la mairie) Pour la réhabilitation pleine et entière de tous les « Fusillés pour l’exemple » de la guerre 1914-1918 par la République. 10H00 : accueil, café, thé, gâteaux- projection du film « Les hommes contre » de Lussu-Rosi - conférence-débat 12h30 : buffet froid (10€) - animations par les associations 15h00 : dépôt de gerbe au monument pacifiste Victorin Maurel - prises de parole par les organisations Vierzon (18) à 15h. Cérémonie pacifiste est organisée par la municipalité de Vierzon en partenariat avec Le Mouvement de la Paix, la Ligue des droits de l’homme, l’Association Républicaine des Anciens Combattants, l’Union Pacifiste, les Amis de Louis Lecoin, la Libre Pensée au Monument aux morts près de la Mairie, square Beaufrère sur les bords du Cher
DOSSIER
Les gens du voyage préjugés et discrimination
• Histoire Aux origines du peuple nomade • Les Tziganes Nomade je suis, nomade je resterai • Témoignage Grossesse mobiles • Contribution De quoi les Roms sont-ils le non ?
Depuis l’agrandissement de l’espace Schengen, des populations se sont déplacées vers l’Europe de l’Ouest. Parmi elles, un peuple nomade rejeté car échappant aux repères ou barrières des sociétés sédentaires : les Roms. Vivants sous nos yeux dans le plus grand dénuement, la question de leur intégration se pose plus violemment chaque jour. Les gouvernements Sarkozy et Hollande n’offrent pas de réponses aux problèmes vécus par ces communautés, hormis le démantèlement ou l’expulsion des camps sauvages qui se développent aux abords des grandes villes. Nous avons tenté de mieux les connaître. N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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DOSSIER
Les gens du voyage,
Histoire
Aux origines du peuple nom Qui sont les Roms ? Depuis un millénaire, cette population nomade circule au bord de nos sociétés sédentaires, adoptant une multitude d’identités au gré de leurs déplacements. Voici une brève histoire de l’aventure nomade en Europe.
EN SAVOIR PLUS • www.romeurope.org 12 12
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L
e nom "rom" est l'appellation officielle reconnue par l'Union Romani Internationale lors de sa création, en 1971. Cette désignation renvoie à l'ensemble des minorités nomades ayant en commun une origine indienne et dont le territoire partiel s'étend entre l'Atlantique et le sous-continent indien. Le nom "rom" est un endonyme, c'est à dire une appellation choisie par la communauté qu'elle représente, il ne s'agit donc pas d'un terme péjoratif, ni d'une abréviation du mot "roumain" qui renvoie à un habitant de Roumanie avec lesquels les Roms sont souvent confondus. Ne sont pas considérés comme Roms les Yéniches dont les origines sont celtes et non indo-européennes, même si cette population
au système de castes dont ils sont exclus. En effet, les métiers exercés traditionnellement par les Roms comme le tannage, l'équarrissage ou le spectacle sont considérés comme impurs par la société brahmanique qui interdit notamment la propriété à ces travailleurs pourtant indispensables. La peuplade d'origine se serait ensuite dispersée à travers l'Asie mineure et les Balkans pour atteindre l'Europe de l'Ouest vers les années 1400. Les premiers européens à rencontrer des Roms furent les pèlerins sur les routes de Jérusalem qui se méprirent sur leur origine et leur attribuèrent le nom "d'Égyptiens" en Français, "Gypsy" en Anglais et en espagnol "Gitanos". Le problème d'une appellation générale de cette population se pose très vite, tant elle se disperse et en reçoit de nouvelles sur son passage. Par exemple, c'est l'arrivée des Roms dans l'empire byzantin (dans l'actuelle jonction entre la Grèce et la Turquie) qui donna le nom "tsigane". D'autre part, la mauvaise réputation des Roms conduira souvent à un glissement de sens de leur appellation comme Romanichels ou Manouches. Ces mots, pourtant issus de la langue romani et signifiant "homme de la population rom" et "être humain" prennent au fil du temps une connotation péjorative. Certains souverains germaniques dont un roi de Bohème louent Conformément à l’esprit du XVIIème siècle, Georges de la Tour illustre les clichés leurs services, ce qui donnera liés aux roms : vol et duperie. ensuite le nom de bohémiens de forains est aussi appelée "tziganes blancs". En- mais d'autres comme les vovoïdes de Valachie les fin, si les Roms utilisent un nom pour se nommer asservissent dans un système féodal à la limite de eux-mêmes, ils en attribuent également aux séden- l'esclavage. Ces "robs" en quête de protection ventaires ayant souvent pour synonyme "paysan". Dans daient leur liberté à un noble, liberté qu'ils devaient leur majorité les roms sont chrétiens, orthodoxes ensuite racheter contre leur labeur. Néanmoins, de ou catholiques et musulmans même s'ils gardent nombreux robs avaient plusieurs contrats d'avance, un fond commun proche de certaines conceptions qu'ils affichaient en bijoux ou sur leurs dents en hindouistes. signe de "solvabilité" et de potentielle indépendance. La langue rom est le romani issue d'une langue Ce système perdurera jusqu'au début du vingtième indienne populaire elle-même dérivée du sanskrit. siècle et aura conduit à une relative sédentarisation Les historiens estiment que le départ des Roms du des Roms dans l'actuelle Roumanie. Lorsqu'ils préNord de l'Inde a eu lieu vers les années 1000, suite fèrent le nomadisme, les Roms sont le plus souvent aux expansions ottomanes ou aux persécutions liées ferronniers, forgerons, chiffonniers, camelots ou
préjugés et discrimination
ade
Expulsion de Roms à Villeurbanne, 9 août 2012
saltimbanques et traînent une réputation de voleurs et de sorciers. Plus positivement, on leur attribue l'origine du tarot Egyptien, ancêtre du tarot de Marseille et de nos jeux de cartes modernes. En 1666, Louis XIV ordonne l'emprisonnement et l'envoi aux galères de tous les hommes roms puis en 1682, une seconde ordonnance royale renforce la mesure en l'étendant à la tonte des femmes et à l'internement des enfants. Les nobles ont interdiction d'accueillir ces nomades sous peine de sanctions. Durant le XVIIIème siècle, la mauvaise réputations des Roms est entretenue par Rousseau et les encyclopédistes qui définissent les "Égyptiens" comme : « Espèce de vagabonds déguisés, qui, quoiqu'ils portent ce nom, ne viennent cependant ni d'Égypte ni de Bohème ; qui se déguisent sous des habits grossiers, barbouillent leur visage et leur corps, et se font un certain jargon ; qui rôdent çà et là, et abusent le peuple sous prétexte de dire la bonne aventure et de guérir les maladies, font des dupes, volent et pillent dans les campagnes ». Ce n'est qu'après la Révolution que l'image du Bohémien s'améliore, notamment grâce au mouvement romantique qui se reconnait dans cette vie à l'écart de la société et à priori libre. Par exemple, dans Notre Dame de Paris, Victor Hugo donne vie à Esmeralda, une jeune gitane saltimbanque victime de l'amour contrarié de l'archidiacre Claude Frollo et dont Quasimodo
tombera lui aussi amoureux. Le XIXème siècle voit apparaître les premières tentatives de sédentariser les populations roms mais celles ci se révélèrent infructueuses, même les plus généreuses. Ainsi, les Espagnols tentèrent d'étouffer la langue et la culture des "Gitans" par assimilation forcée tandis qu'en Hongrie, les Roms se sont vu dotés de terres et de bêtes qu'ils ont ensuite revendues pour reprendre la vie nomade. Une partie des populations roms émigre vers les États-Unis et l'Amérique latine mais ce flux migratoire est interrompu lors de la Première Guerre mondiale. D'autre part, la France adopte en 1912 un "carnet anthropomorphique de circulation", remplacé dans les années 60 par le livret de circulation et dont la législation s'est adoucie en 2012. Les démocraties européennes du début du XXème siècle comme l'Autriche et la Suisse ne sont pas en reste au niveau des persécutions des roms, puisqu'elles procèdent à des internements dans des camps spécialisés. La diffusion de cette pratique en France est limitée par la crainte des potentielles formations de groupes dangereux dans ces espaces confinés mais également par souci d'économie. Durant la Seconde Guerre mondiale, le régime nazi qui qualifie la population rom de "métissage entre races inférieures" déporte dans les camps de concentration et d'extermination entre 80 000 et 50 000 "Zigeuner", même si certains y sont internés en qualité de résistants. Le génocide
des Roms par les nazis est nommé "Porjamos", littéralement "dévoration" en langue romani. La communauté rom est finalement reconnue en 1977 par l'Onu qui conseille à ses Étatsmembres « qui ont des Tsiganes (Romanis) à l'intérieur de leurs frontières à accorder à ces personnes, s'ils ne l'ont pas fait jusqu'ici, la totalité des droits dont jouit le reste de la population ». Grégoire Desclaux
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Les gens du voyage,
les Tziganes
Nomade je suis, nomade je resterai Poète et directeur du cirque Romanès*, Alexandre Romanès est issu de la célèbre famille Bouglione, famille du monde du spectacle, qu’il quittera ne trouvant plus chez les siens la magie de la piste et surtout les valeurs de la culture tzigane. Avec lui, nous revenons sur la condition des Tziganes en France. Pensez-vous que la situation puisse s’améliorer ? L’Union européenne laisse les États faire ce qu’ils veulent. Comme nous ne votons pas, nous n’existons pas pour les politiques et nous ne voulons pas voter. Nous avons compris il y a longtemps que le terrain préféré du diable, c’est la politique, alors nous avons choisi de rester sur nos terrains.
Vous voulez créer un centre artistique tzigane itinérant, de quoi s’agit-il ?
T
out est fait en France pour inciter les Roms à partir, aide au retour, expulsions…, que pensezvous de cette politique ?
D’abor l’appellation rom est fausse. à l’Est, on n’a jamais dit les roms. L’appellation la plus juste est tziganes ce n’est pas manouches, gitans, bohémiens…, C’est le premier nom dont nous ont baptisés les Grecs quand nous sommes arrivés en Europe. Quand nous avons quitté l’Inde nous n’avions pas de nom, nous étions une tribu. Toute la presse s’est emparé du mot rom. C’est un racisme de plus, on veut tout nous enlever même notre nom. Quand aux expulsions, c’est complètement ridicule ! D’après les chiffres officiels, il y aurait entre 12 et 15 000 tziganes venant de l’Est établis en France. La moitié d’entre eux sont des femmes, elles ne cherchent pas de travail, en y ajoutant les enfants, il ne restera plus que 3 à 4 000 hommes et ils ne prendront pas le travail des Français. Il faut tout simplement les autoriser à travailler. Il y a cette idée répandue de la droite et de l’extrême droite que cela sera un appel d’air. Cela est faux. Les Espa-
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gnols et les Italiens ont autorisé les Tziganes à travailler, ce n’est pas pour autant qu’ils en ont plus. Puis, n’oubliez pas, nous sommes des nomades. Même si en Roumanie, on a obligé les Tziganes à se sédentariser, vous savez, la mémoire est puissante. C’est une population qui rêve de retourner dans le nomadisme, d’ailleurs une partie y retourne.
La population vous déloge, une ligne rouge a-t-elle été franchie ces derniers temps ? Cela existe depuis plusieurs années. C’est seulement parce que la presse en parle. Nous avons toujours été attaqués par les populations, depuis des siècles, ceci n’est pas nouveau. Le nomadisme existe partout dans le monde et partout il est combattu et mal vu. Et comme en plus, nous sommes pauvres… Il y a un phénomène nouveau aujourd’hui de rejet des pauvres, on ne voudrait ne plus les voir. Cela devient invivable d’être pauvre dans cette société. Ensuite, on nous parle des gitans qui volent. La France a volé la moitié de l’Afrique et on ne dit jamais que les Français sont des voleurs.
Nous voulons créer une structure mobile et voyager à travers les grandes villes européennes pour présenter nos mœurs et nos coutumes aux habitants de ce beau continent. Les gens pourraient ainsi avoir un peu moins peur de nous... Sur les campements tziganes, il y a toujours de belles choses, des choses exceptionnelles que personne ne voit. L’idée de ce centre est de les montrer un public plus large. Le centre ouvrira ses portes à Paris dans notre campement le 23 mars 2013. Interview réalisée par Nadia Dorny-Bennad
* Romanès Cirque Tzigane présentera son nouveau spectacle « Ligne de la main jusqu’au coude » à Paris du 19 janvier au 1er mai 2013.
EN SAVOIR PLUS • Les recueils de poésie d’Alexandre Romanès. • Parole perdues • Sur l’épaule de l’ange • Un peuple de promeneurs - Histoires tziganes. Éd. Collection blanche, Gallimard
préjugés et discrimination témoignage
Grossesses mobiles Quel est le problème des rendez-vous ? Ces femmes vivent au bord de notre société, elles n’ont pas les mêmes repères institutionnels comme les jours de la semaine et l’horaire. Quant à la disponibilité prévue sur plusieurs jours, c’est une notion qui ne prend pas en compte leur extrême précarité. Les rendez-vous sont donc pris mais non respectés, ce qui explique en grande partie le non-suivi global.
L’hôpital prévoit-il des mesures adaptées pour les femmes roms ?
Confronté régulièrement à la détresse des Roms, un médecin travaillant dans une maternité de Seine-Saint-Denis a accepté de répondre à nos questions.
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armi vos patientes roms, savezvous combien sont suivies durant leur grossesse ? Pourquoi ce suivi est important ?
Il y a plus de 90% de grossesses non ou mal suivies chez les femmes roms. Le suivi, qui s’étale sur plusieurs entretiens à différents stades de la grossesse sert à dresser un bilan de santé de la mère tout en surveillant la croissance du fœtus. Le non-suivi entraîne plus de naissances prématurées et l’aggravation de problèmes fœtaux et maternels habituellement dépistés durant le suivi. Par ailleurs, un grand nombre de patientes roms viennent de temps en temps aux urgences alors que ce service n’est absolument pas adapté à une vraie prise en charge, ce qui perturbe l’organisation des services, alourdi la charge de travail des équipes et ne permet pas un suivi satisfaisant. Il y a tout de même des avancées, je commence à voir des patientes plus « assidues » ou des mères qui accompagnent leurs filles enceintes.
Les femmes roms bénéficient elles d’une couverture sociale ?
EN SAVOIR PLUS • www.solidarite-rroms.fr
Il existe le PASS, destiné à toutes les populations sans ressources qui facilite l’accès aux soins mais, là encore, il n’est pas adapté à la population rom car son accès repose sur des rendez-vous.
Oui, mais tout n’est pas fait dans le bon sens. Par exemple, on assouplit certaines lois sur l’abandon d’enfants, car là aussi nous sommes confrontés à l’écart de conceptions sociales. Ainsi, si une femme sédentaire quitte l’hôpital sans son bébé, on considère que l’enfant est abandonné. Dans le cas d’une mère rom, on laisse passer quelques jours, car elle avait peut être d’autres enfants à charge ou n’était pas sûre de pouvoir s’occuper du nourrisson. Lorsque le bébé est à l’hôpital, les mères roms savent qu’il est entre « de bonnes mains ». C’est d’ailleurs à mon avis le sens de beaucoup d’abandons définitifs, quoiqu’en pense ma morale de sédentaire. D’un autre côté, la latitude appliquée aux roms génère des phénomènes qui m’inquiètent, notamment sur l’âge des grossesses. Lorsqu’une mineure sédentaire se présente enceinte à l’hôpital, la loi prévoit un signalement aux services sociaux pouvant aboutir à des procédures judiciaires mais lorsqu’une jeune rom se présente, ce réflexe est perdu. Pour la famille ou la patiente elle-même, la situation apparait banale, voire « traditionnelle ». Cette attitude est en fait celle de notre société, les solutions sont complexes car une prise en compte sans précautions de ces particularités risque de provoquer un repli de la communauté et une marginalisation encore plus importante.
Comment améliorer la prise en charge des femmes roms selon vous? En créant une consultation spécialisée pour cette population en particulier. Au delà de toute considération moralo-politicienne, la création d’une telle consultation permettrait d’anticiper le manque de suivi et donc de repenser la fréquence des examens, des interrogatoires etc. Et cela allègerait les services de santé qui se retrouvent désorganisés par la mauvaise prise en charge. Propos recueillis par Christine de Fourvières N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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Les gens du voyage, préjugés et discrimination
Contribution
De quoi les Roms sont-ils le ‘‘non’’ ? Bruno Mattei est professeur de Philosophie honoraire à l’IUFM de Lille et président de l’Université Populaire et Citoyenne de Roubaix. Il a autorisé Planète Paix à publier sa réflexion sur la situation des Rom. Selon lui, ils sont un miroir de notre capacité à vivre ensemble ou pas. Ils tendent ce miroir...
EN SAVOIR PLUS • http://pacteducatif.ning.com/ forum/ 16 16
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«
Démantellement d’un camp roms
L’été des Roms » n’est pas tout à fait terminé mais le plus gros du travail a été fait. La «Valls» des expulsions estivales a remis sur les routes près de 3 000 Roms vers d’autres camps d’infortune. Mais, au-delà des polémiques - savoir par exemple si une « expulsion » sous Sarkozy ressemble à un « démantèlement » sous Hollande -, au-delà aussi de la juste indignation contre cette politique d’indignité, n’est-il pas temps de s’interroger sur la « drôle de guerre » faite à l’obscur objet d’une aussi « indésirable » population ? Car c’est d’abord de la non-appétence pour partager la chose publique avec ces autres qu’il s’agit de comprendre. Alors de quoi les Roms sont-ils le « non » pour que ce « nom » fasse à ce point problème, au point qu’il faille, de façon quasi compulsive, claquer la porte au nez à une communauté d’êtres humains ? De quelles souffrances - comme on dit laisser quelque chose en souffrance - sommes-nous atteints collectivement pour que les Roms soient devenus à ce point, sinon toute la cause, du moins une cause récurrente de notre « non savoir-vivre ensemble ». Car, comme l’explique Michel Serres dans son récent Temps des crises dans la bien nommée collection « Manifestes ! », nous autres Européens de sources grecques et judéo-chrétiennes nous n’avons pas accompli de progrès notable depuis que s’est imposée et posée à nous, il y a plus de trois mille ans, la question de la cohabitation des sédentaires. Et cela même en dépit (ou à cause) du paravent nommé démocratie que nous avons cru bon d’inventer. Il est de fait « manifeste » que l’encore trop jeune « anthropos » que nous sommes n’a pas pris la mesure de
« l’ethos » dont l’évolution de la vie l’a doté : notre « humus humain » (selon Lacan) tellement encombré de peurs mêlées d’angoisses et de fantasmes « archaïques » (dans le double sens de ce qui est au commencement et qui commande). Alors impossible de se poser la question, qui se répète et se rejoue aujourd’hui à travers notre rapport aux Roms, de la genèse anthropologique de notre espèce. C’est manifeste que les Roms ne sont pas le problème, au point de réactiver le mythe de « l’invasion », sous la version aujourd’hui de « l’appel d’air » que nous ferions vers eux à les accueillir, qui justifient de les tenir dans l’insécurité de leur misère. Le problème c’est nous-mêmes qui l’avons avec nous-mêmes pour avoir suspendu la question d’apprendre ce qu’il en est de l’humain. Au point de ne pas nous soucier le moins du monde de savoir pourquoi les Roms sont devenus en deux saisons nos boucs émissaires préférés. A la différence des précédents, venus des terres d’islam en particulier, qui avaient à nous opposer des résistances venues de l’histoire et de leur nation, les Roms, venus du plus lointain de nos peurs et fantasmes, n’ont rien à nous opposer que le malheur nu d’un si funeste destin. Il y a quelque chose de particulièrement répugnant et lâche (au double sens de se lâcher et de lâcheté) à s’en prendre à une population, à proprement parler, sans défenses. Ce pourquoi cette drôle de guerre est aussi une sale guerre. Une nouvelle loi de l’histoire de notre (dé) civilisation semble se confirmer depuis un siècle. Moins nous savons faire société et humanité, plus nous avons besoin de (nous) jeter (sur) les plus faibles, les plus démunis de la misère sociale et ethnique. Sans nous rendre compte qu’à ce prix nous ne gagnons jamais que l’identité d’un entre-nous fictif et fantomatique. Ce « moment Rom » pourrait ne plus être ce fardeau de l’homme blanc européen, mais au contraire l’opportunité, la chance historique de faire miroir sur nos incuries et désarrois collectifs. Ce dont nous avons besoin, c’est de nous éveiller et de nous livrer à une résistance citoyenne collective pour des débats publics de haute dignité et fraternité, à la hauteur de la radicalité de la question humaine. Bruno Mattei
RÉFÉRENCE
Quelles appellations ? Expulsion à Lille, démantèlement d’un camp à Marseille… Les « Roms » sont souvent cités dans l’actualité, mais on entend également parler de « gitans », « manouches », « gens du voyage ». Qu’en est-il exactement ?
A l’origine, le peuple rom
Les Rroms, ou Roms, sont liés par une histoire commune et une même base linguistique, le romani, dérivé du sanskrit, une langue indienne. A la suite de migrations successives, ce peuple originaire d’Inde s’est dispersé dans le monde entier, mais surtout en Europe, où les Roms sont aujourd’hui sédentaires à 96%. « Roms », « Tzigane » et « Romanichel » sont trois termes qui font référence à ce peuple dans son ensemble. • Roms : le mot vient du sanskrit domba, qui signifiait « artiste », artisan, qui crée de son esprit et de ses mains. • Tziganes : du grec athinganos (intouchable), le mot « Tzigane » est plus souvent utilisé pour faire référence à la culture de ce peuple. C’est aussi le terme qu’ont utilisé les nazis dans leur politique de persécution. • Romanichels : dérivé du Romani Cel (groupe d’hommes ou peuple rom, en romani), le terme « Romanichel » a aujourd’hui une connotation péjorative.
Les chiffres
Les Gitans : Royaume-Uni : 300 000 Espagne : 700 000 Les Roms : Turquie : 2,7 millions Bulgarie : 800 000 Roumanie : 2 millions Slovaquie : de 350 000 à 520 000 Ukraine : 200 000 Hongrie : de 500 000 à 620 000 République thèque : de 250 000 à 300 000 Serbie : de 400 000 à 450 000 Grèce : 300 000 Les Manouches : Allemagne : 100 000 France : 400 000 Italie : 140 000 Sources : le Parisien magazine
Implantation géographique en Europe
Les Roms habitent principalement en Europe orientale et en Turquie. C’est le groupe majoritaire. Les Manouches, de manushya, (homme en sanskrit) vivent essentiellement en Alsace, en Allemagne et en Italie. Les Gitans, Gitanos ou Gypsies, appelés ainsi en référence à la « petite Egypte », nom du lieu où ils s’étaient installés en Grèce, sont surout installés au Royaume-Uni et en Espagne. En France, le terme « Gitans » désigne les Roms établis en Camargue.
Les statuts en France Les gens du voyage : c’est un statut juridique et administratif qui désigne les personnes dont l’activité économique est structurellement liée à la mobilité et à l’itinérance. Les Roms : le terme Roms désigne des ressortissants de l’Union européenne, essentiellement de Roumanie, de Bulgarie et de Hongrie, donc libres de circuler sur le territoire européen. Néanmoins jusqu’en 2014, les citoyens roumains et bulgares ont encore besoin d’un titre de séjour pour résider en France. Ils sont majoritairement sédentaires.
Le livret spécial de circulation
Depuis 1912, les gens du voyage doivent détenir un titre de circulation. Ce document est la preuve d’un mode de vie itinérant (ne remplace pas la carte d’identité). Les gens du voyage (Français au mode d’habitat mobile et couvrant des réalités différentes) possèdent tous document. Ayant permis un contrôle important des populations nomades en France lors de la Seconde Guerre mondiale, le carnet anthropométrique est remplacé en 1969 par quatre différents titres de circulation, parallèlement au mouvement de sédentarisation d’un grand nombre de voyageurs. Les gens du voyage possèdent tous l’un ou l’autre de ces documents qu’ils doivent faire viser régulièrement par les autorités.
Le régime de circulation partiellement invalidé par le juge constitutionnel Saisi le 17 juillet 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution des dispositions 1 à 12 de la loi du 3 janvier 1969 posant le régime de circulation des gens du voyage, le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 octobre, une décision de censure partielle. Il avait à se prononcer sur la conformité à la Constitution des titres de circulation imposés aux personnes se trouvant en France depuis plus de six mois sans domicile fixe. La haute juridiction a considéré que le principe du titre de circulation n’était pas contraire à la Constitution. Il a pour but de permettre « l’identification et la recherche de ceux qui ne peuvent être trouvés à un domicile » et n’institue «aucune discrimination fondée sur une origine ethnique». Donc il n’y a pas lieu d’abroger. Par contre, trois dispositions sont censurées. La loi de 1969 instaurait deux types de titre - livret ou carnet -, selon que les personnes disposent ou non de ressources régulières. Les personnes ne justifiant pas de revenus suffisants devaient faire viser leur titre, un carnet, tous les trois mois. Le Conseil a jugé cette différence de traitement, entre gens du voyage selon leurs ressources, contraire à la Constitution. Le Conseil a également abrogé la peine d’emprisonnement encourue par les itinérants en cas de manquement à leurs obligations. Enfin, il a censuré la nécessité de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune pour l’inscription sur la liste électorale. Ces dispositions prennent effet immédiat. N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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MONDIALISER LA PAIX Colombie
Un espoir de réconciliation ? Les négociations entre le gouvernement colombien et les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) sont renouées après la dramatique parenthèse guerrière, qui a marqué la période de la présidence d’Uribe.
EN SAVOIR PLUS • www.franceameriquelatine.org 18
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L’arrivée des interlocuteurs du gouvernement colombien et des FARCS à Oslo pour les négociations, début octobre 2012
U
n espoir peut naître si sont prises en compte les aspirations de paix, de justice et de liberté exprimées par les populations, les forces sociales, les familles inquiètes, désespérées des milliers d’emprisonnés, des centaines d’otages, des dizaines de milliers de victimes des forces paramilitaires et de l’armée gouvernementale encadrée par les unités spéciales États-uniennes. Ce peuple a vécu dans la douleur et la violence. Plusieurs générations n’ont pas connu un semblant de paix, ni une démocratie réelle, tant les rituels électoraux étaient vidés de toute substance démocratique par l’extermination de l’opposition politique, la répression de la revendication syndicale, l’étouffement de la presse libre et indépendante, du débat d’idées et l’élimination massive des enseignants qui voulaient une éducation digne de ce nom. 68% de Colombiens vivent dans la pauvreté, sur 48 millions d’habitants, 8 millions errent dans l’indigence, 5 millions ont été déplacés violemment par l’armée et les paramilitaires, la terre est accaparée par le latifundisme en faveur de grands groupes du capital transnational et la paysannerie, les populations autochtones sont spoliées et survivent dans des conditions portant atteinte à leur santé, à leur alimentation et à leur dignité. Massacres, bombardements, aspersions et empoisonnements du sol et de l’eau provoquent l’exil forcé. Les protestations par des marches revendicatives pacifiques subissent la répression, l’ostracisme et la terreur d’État. Il y aura une issue positive aux négociations si s’ou-
vrent pour le peuple, dans le pays, des espaces pour parler de la paix, de la guerre sale, de l’interventionnisme des USA et des bases militaires américaines, de la revendication de justice sociale, des changements structurels nécessaires, de la fin des paramilitaires, de la libération des otages et des milliers de prisonniers politiques, de la réinsertion des démobilisés dans une vie civile démocratique pacifiée et ouverte aux débats contradictoires politiques et sociaux. La paix supposera des processus de réconciliation dans les familles, les quartiers, les lieux de travail et la vie citoyenne, mais devra s’accompagner de l’expression de la vérité sur ce qui a été vécu, enlèvements mais aussi exhibitions gouvernementales de mains coupées, de « faux positifs », cadavres de civils présentés comme guérilleros, pour les montages militaro-médiatiques de la guerre psychologique. La vérité est aussi nécessaire sur le narcotrafic. Qui en sont les clients proches ou lointains, les commanditaires, les transporteurs ? Quelles mesures réelles prendre ? Il faudra parler de la réparation des préjudices subis par les populations, en particulier autochtones, avancer vers la justice sociale et respecter des garanties de maintien d’une paix enfin négociée. Les démocrates et pacifistes du monde entier espèrent que la violence de ce conflit armé, parmi les plus longs du monde, pourra s’éteindre dans la dignité, la paix et la justice pour un peuple qui ne les a pas connues depuis trop longtemps. Nous soutenons et suivrons attentivement le processus engagé. Raoul Alonso
MONDIALISER LA PAIX Prix Nobel de la paix
Récompense controversée
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e nombreux chefs d’État ou de gouvernement et des représentants des institutions européennes se félicitent du prix Nobel de la paix décerné à l’Union européenne. Certes, il n’y a plus de conflits armés en Europe mais pas depuis si longtemps. N’oublions pas que c’est le refus de la guerre et la très forte aspiration des peuples à la paix qui ont permis qu’une union politique voit le jour dans une partie de l’Europe. N’oublions pas la guerre de Bosnie aux Portes de l’Europe où l’Union européenne et notamment la France ne sont pas exemptes de responsabilités. L’union européenne et la France ne sont-elles pas impliquées dans des conflits armés : Afghanistan, Irak pour n’en nommer que ceux-là. Faut-il oublier les fièvres populistes qui embrasent le continent, les guérillas civiles, les affrontements entre révoltés et policiers ? N’oublions pas que L’Union européenne comprend parmi ses membres certains pays placés au rang des plus grands commerçants d’armes du monde : Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie. Et deux États de l’Union européenne sont dotés de l’arme nucléaire : la France et le Royaume-Uni. Oui, il n’y pas de guerre armée en Europe et entre pays européens, mais faut-il gommer la guerre économique que les pays d’Europe mènent et dont les peuples sont victimes. N’oublions pas ces chiffres : le secteur de l’armement emploie en Europe 670 000 personnes pour un chiffre d’affaire de 137 milliards d’euros. La France, quant à elle, en tant que troisième exportateur d’armes au monde avec en 2011 un chiffre d’affaire de 4,4 milliards d’euros est le seul pays producteur d’armes à voir ses exportations augmenter (de seulement 1,8 milliard d’euros) entre 2010 et 2011. N’oublions pas que l’Union européenne contribue à imposer des politiques d’austérité qui portent les germes de nouveaux conflits, comme il est impossible d’oublier la participation de nombreux pays de l’UE à l’Otan malgré son illégalité. Sans oublier non plus les politiques d’exclusions sociales, migratoires qui plongent des êtres humains dans la misère voire les mènent à la mort. Les trois paix européennes, celle des États, celle des peuples et celle des classes sociales ne sont pas garanties. Dans un communiqué, Le Mouvement de la Paix
Pour la première fois depuis sa création, le Prix Nobel est décerné ce 12 octobre à un groupe d’États, celui de l’Union de
propose que ce prix Nobel soit l’occasion pour l’Union européenne de se donner de véritables objectifs valorisant l’éducation à la paix. Les 980 000 euros gratifiant chaque Prix Nobel peuvent être remis à des associations qui œuvrent à la promotion de la Culture de la Paix, afin que la population européenne développe ses projets universels d’actions pour la paix. Une belle manière de redonner aux peuples d’Europe ce prix Nobel qui leur revient.
européenne, pour « le Evelyne Aymard
résultat le plus important de l’UE : la lutte réussie pour la paix, la réconciliation, la démocratie et les Droits de l’homme ». Un prix qui suscite interrogations et critiques voire sentiment de colère.
D’où vient le Nobel ? Alfred Bernhard Nobel (18 3 3 - 1 8 9 6 ) , chimiste, industriel, fabricant d’armes suédois et inventeur de la dynamite, possédait une entreprise d’armement florissante. Il légua à sa mort son immense fortune pour la création du prix Nobel qui doit récompenser suivant ses vœux à des personnes « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité », par leurs inventions, découvertes et améliorations dans différents domaines de la connaissance, par l’œuvre littéraire la plus impressionnante, ou par leur travail en faveur de la paix ».
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MONDIALISER LA PAIX élections au Venezuela
La démocratie a parlé Vue des pays occidentaux, la politique d’Hugo Chavez, proche du régime cubain fait grincer des dents. Pourtant, les progrès du pays en
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e président Hugo Chavez, au pouvoir depuis 1998, a été réélu pour la 3ème fois pour un mandat de six ans, avec 54, 66% des voix, face à Henrique Capriles, l’exgouverneur de l’État de Miranda. La participation est de 80,94 %, niveau historique pour ce pays de 28,9 millions d’habitants. Capriles, avec 44,73%, n’a pas contesté le scrutin, a reconnu très vite la victoire de Chavez et a appelé l’opposition à respecter le résultat en disant « la parole du peuple est sacrée ». Cela permet la poursuite de la voie de « révolution bolivarienne » mise en œuvre par Chavez, qui a appelé l’opposition à « l’unité nationale » et promis que le pays poursuivra sa transition vers « le socialisme démocratique du 21ème siècle ».
matière de santé
progresser le pays grâce en particulier à l’utilisation des revenus de la richesse pétrolière, que ce soit pour l’éducation (l’Onu vient de déclarer que le Venezuela a désormais vaincu l’analphabétisme), pour le logement, pour la santé (la gratuité médicale est instaurée, grâce en particulier à l’aide solidaire de 18 000 médecins cubains), pour la culture… Réélu en 2000, Chavez a été confronté à une tentative de coup d’État par la collusion de la droite et des milieux d’affaires. En 2004, un référendum convoqué par la droite pour le révoquer a échoué. En 14 ans, ce sont 15 scrutins qui ont consulté le peuple dont les résultats ont tous été respectés. En 2007, un référendum pour une nouvelle réforme constitutionnelle s’est soldé par le refus de cette réforme. Cela a été respecté. Hugo Chavez le jour de sa réélection
et d’éducation sont prometteurs et les scrutins reconnus réguliers par l’opposition. Les réélections du président venezuélien seraient-elles une leçon de démocratie à méditer ?
EN SAVOIR PLUS • www.franceameriquelatine.org 20 20
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Le candidat de l’opposition, avec un meilleur résultat que le précédent, est parvenu à fédérer les courants de la droite et certains votes populaires, de déçus par la persistance d’une forte inflation (26,7% en 2011 selon la Banque Centrale), la survie d’une corruption endémique et l’existence d’une criminalité encore forte sous des formes diverses, de la petite délinquance aux attentats politiques. Chavez a bénéficié du soutien des classes populaires dont la situation s’est fortement améliorée : le pourcentage de pauvres est passé en 14 ans de 80% à 25 %. Les nombreux programmes sociaux ont fait
La légitimité populaire confirmée du président permet au Venezuela de continuer son rôle dans la conjonction de pays latino-américains qui veulent s’émanciper de la domination du libéralisme mondialisé et des États-Unis (Équateur, Argentine, Uruguay, Bolivie, Nicaragua, Brésil…) et dans la contestation de l’embargo-blocus illégal de Cuba instauré par Washington depuis plus de 60 ans. R.A.
CULTURE Avoir 20 ans dans les Aurès
à redécouvrir u'est ce qui a fait que, 40 ans après le film « Avoir vingt ans dans les Aurès » soit projeté à nouveau dans une salle de cinéma ?
«Avoir 20 ans dans les Aurès» retrouve
Le centre national du cinéma a voulu choisir pour sa programmation 2012 un certain nombre de films dont la diffusion avait été gênée alors qu'ils avaient eu les honneurs de la presse et des prix nationaux et internationaux. « Avoir vingt ans dans les Aurès » a été un des premiers films choisis dans cette sélection.
les salles obscures
Ce film vous a été inspiré par un fait réel. Pourquoi, à la différence de ce qui s'est réellement passé, avez vous choisi de sacrifier votre héros ?
Rencontre avec
J'avais relevé des témoignages de gens sur les désertions pendant la guerre d'Algérie. Sur une trentaine de déserteurs évoqués, 29 avaient été tués par un groupe chargé par l'armée française de retrouver et d'exécuter les déserteurs sans procès. Il n'y a eu qu'un survivant sur les 30 et c'était Noël Favrelière venu se réfugier en Tunisie où je l'ai connu. La mort de son personnage a été décidée en cours de tournage, c'était pour ne pas dire "vous n'aviez qu'à en faire autant" à tous ceux restés dans les rangs de l'armée, et illustrer le sort réservé aux déserteurs, à 29 contre 1.
cet automne, quelques 40 ans après sa sortie.
René Vautier, le réalisateur de ce classique pacifiste.
partir pour l'Algérie sans attendre. Sur place, le film a connu un grand succès populaire et le lendemain matin l'ambassade de France a voulu organiser une projection pour son personnel. Je m'étonnais et c'est là que le représentant du vice-consul m'a annoncé que le film avait été primé à Cannes la veille au soir. En réalité, les policiers venaient simplement nous dire que le film était retenu sur la liste de ceux pouvant être récompensés et nous demandaient de rester sur place pour pouvoir recevoir le prix !
Quels sont vos contacts avec l'Algérie aujourd'hui ? Je suis resté en Algérie pendant trois ans après l'indépendance pour créer le centre national du cinéma algérien. Actuellement on essaye de sortir en France des films faits par les réalisateurs formés par ce centre, qu'ils sont venus présenter à Brest il y a dix ans. J'ai aussi été invité d'honneur à la célébration des 50 ans de la fin de la guerre d'Algérie à l'ambassade d'Algérie en France, mais je ne peux pas y aller, et je le regrette. L'Algérie se souvient de moi, il y a même des salles de cinéma « René Vautier » ! Interview réalisée par Grégoire Desclaux
Avez-vous connu des difficultés lors du tournage de ce film ou lors de sa diffusion ? En 1972, le centre national du cinéma a accepté le projet mais en me donnant le minimum. On m'a laissé entendre qu'on ne pensait pas que je pourrais tourner le film avec ces moyens-là, donc qu'il n'y aurait pas de film et, qu'au bout d'un an, ils récupéreraient l'argent qu'ils avaient mis à ma disposition. On a tourné avec le tiers de l'argent nécessaire et, au lieu de tourner pendant deux mois, nous avons bouclé le film en dix jours. À peine le film terminé, nous avons eu la surprise de découvrir qu'il avait été sélectionné au festival de Cannes. Tous les participants sont venus à Cannes pour soutenir le film mais comme il n'y avait pas de place mise à disposition par les organisateurs, nous avons préféré aller dans un camping. Un soir, le directeur du camping est venu nous avertir que deux policiers me cherchaient à l'entrée de son établissement. Ayant déjà eu des ennuis à cause de films que j'avais tournés comme « Afrique 50 » et étant attendu à Annaba pour projeter « Avoir 20 ans dans les Aurès », j'ai décidé de
Synopsis du film Un groupe de Bretons réfractaires et pacifistes est envoyé en Algérie. Ces êtres confrontés aux horreurs de la guerre deviennent peu à peu des machines à tuer. L’un d’entre eux ne l’acceptera pas et désertera en emmenant avec lui un prisonnier du FLN qui devait être exécuté le lendemain. N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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CULTURE Poésie
Paul Éluard : Amour et résistance
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Il y a soixante ans s'éteignait Paul Éluard, poète surréaliste et résistant. Planète Paix profite de cette occasion pour rendre hommage à un artisan de la paix, voyant dans ses écrits : « un art de langage, un art de vie, un instrument moral ».
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é en 1895 à Saint-Denis, Paul Eugène Grindel dit Paul Éluard est une figure majeure du mouvement Dada et surréaliste, mais aussi un artisan de la paix. Forcé d'interrompre ses études à cause de la tuberculose en 1912, il est malgré tout enrôlé en 1914 dans l'armée française de la Première Guerre mondiale en tant qu'infirmier militaire. Il traduira cette expérience par des poèmes empreints d'horreur et de pitié comme le « Devoir » et « l'Inquiétude » ou le recueil poèmes pour la paix. Durant une cure dans un sanatorium, le jeune Paul Éluard rencontre Gala, une russe dont il tombe amoureux et qu'il épousera en 1916, sitôt sa majorité passée. Cette relation lui révèlera le rôle transcendant de la femme devenue Muse, clef de l'amour donc de la création poétique et de l'ouverture sur le monde, thème qui transparaitra dans toute son œuvre. Ses aspirations pacifistes et son goût pour l'expérimentation littéraire le rapproche du mouvement Dada, où il fait la connaissance d'André Breton et de Louis Aragon. Le Dada devient le surréalisme, plus contestataire et éclectique, incluant notamment les arts plastiques et des figures comme Pablo Picasso et Salvador Dali. Paul Éluard est un poète de l'émotion, profondément marqué par sa vie amoureuse et le statut de la Femme dans ses conceptions artistiques mais aussi le plus apprécié par le public parmi les surréalistes car s'il s'éloigne des principes d'André Breton et refuse d'abandonner le classicisme et la clarté de l'expression. La relation avec Gala devient tumultueuse au sein de cet univers rejetant la monogamie, et elle finit par le quitter pour Salvador Dali. Paul Éluard rencontre par la suite Maria Benz, dite Nusch qui devient sa seconde muse. Ses idéaux de pacifistes peuvent laisser place à une certaine virulence, comme en témoigne un tract qu'il publia en 1931, en réaction à l'exposition coloniale organisée à Paris, portant la mention "si tu veux la paix, prépare la guerre civile. Cet évènement l'exclut du parti communiste qu'il avait rejoint comme
la plupart des surréalistes et il finira par « rompre » avec le mouvement en 1938. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il se rapproche du maquis et des réseaux de résistance communistes, oubliant son exclusion devant l'Ennemi. Concevant son art comme un instrument de lutte contre l'oppression, il publie clandestinement en 1943 « L'Honneur des poètes », scellant la réconciliation avec ses pairs. Un de ces poèmes, Liberté est distribué par avion à quelques milliers d'exemplaires au dessus de la France occupée en 1942, ensuite adapté en chanson par un autre surréaliste résistant, Francis Poulenc. Après la victoire des Alliés sur le nazisme en 1946, Paul Éluard devient une figure majeure de la paix mondiale et des relations entre la France et l'URSS. Cette même
année, Nusch meurt brutalement, mais Paul Éluard transcende le deuil grâce au « Dur Désir de durer » et le « Temps déborde ». Au gré de ses déplacements, il rencontre Dominique Lemor, avec qui il se mariera en 1951 et qui lui inspirera Phénix, recueil qui célèbre la résurrection de l'amour. Paul Éluard meurt le 18 novembre 1952 à Charenton-Le-Pont et enterré au cimetière du Père Lachaise. Parmi son œuvre, on retiendra l'exemple devenu une référence de comparaison en stylistique : « La Terre est bleue comme une orange », le poème Liberté, ainsi que des maximes telles que « Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre ». G.D
CULTURE Des peintres pour Eluard
L’hommage de la Galerie l’Art et la Paix A l’occasion des 60 ans de la disparition du poète, la Galerie l’Art et la Paix propose une série d’estampes originales. De nombreux peintres, Pierre Duclou, François Féret, Gérard Gosselin, Melik Ouzani, Jacques Poli, ... ont rendu hommage à Paul Eluard, chacun à sa manière.
C
es deux estampes font partie de la « Suite Paul Éluard » conçue en juin 1995, achevée en septembre 1996. Hommage de 5 peintres au poète qui, avec Picasso, avait publié au Cercle d’Art « Le Visage de la Paix ».
L’Homme en proie à la Paix - Pierre Duclou(1996) Sérigraphie originale sur papier d’art BFK de Rives blanc 250 grammes Impression : 3 couleurs. Dimensions : 50 x 32,5 centimètres Tirage limité à 75 exemplaires signés et numérotés par l’artiste
Vaincre s’appuie sur la fraternité- Jacques Poli (1995) Sérigraphie originale sur papier d’art BFK de Rives blanc 250 grammes Impression : 3 couleurs Dimensions : 50 x 32,5 cm (hauteur x largeur). Tirage limitée à 75 exemplaires signés et numérotés par l’artiste
Poésie ininterrompue II (Eluard) - Melik Ouzani (1997) Sérigraphie originale sur papier d’art Velin d’Arches blanc 250 grammes Dimensions : 50 x 32,50 cm Tirage limité à 75 exemplaires signés et numérotés par l’artiste
Disponibles sur le www.artetpaix.net N° 576 - Novembre 2012 - Planète PAIX
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