L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 578 / Janvier 2013
Quelle politique de la France pour la paix ? Israël/Palestine
Deux États pour deux peuples (P.6/7)
Exposition
Interview exclusive de Lilian Thuram (P.22/23)
Uranium australien
Détournement à haut risque (P.21)
Dossier (P.11-16)
REGARD SUR...
Comité du Mouvement de la Paix de Vénissieux à la fête de la solidarité à Vaulx en Velin Stand du comité du Mouvement de la Paix de l'Isère, marché de Noël
Réunion régionale des comités du Mouvement de la Paix de la région PACA
Exposition "La paix s'affiche" à l'initiative des comités du Mouvement de la Paix de l'Isère
Drapeau de la paix sur la roche merveilleuse dominant le cirque de Cilaos (Réunion), comité du Mouvement de la Paix Achères-CarrièresPoissy, 78.
Manifestation à Pau pour la libération de G.I.Abdallah
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N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
Sommaire
l’Édito
Planète Paix n° 578 - Janvier 2013
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Actualité
La Palestine État observateur non membre à l’Onu P.6/7
2013 : cultiver la paix partout, avec tous
Deux États pour deux peuples La liberté approche Religion
P.8
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Priez comme vous êtes Protocole de kyoto
P.9
(Dés)accords conclus
11
dossier
Quelles politique de la France pour la paix ? Politique de défense P.12
De la continuité ou des bouleversements Livre blanc de la Défense
P.13
Quelle Défense pour la paix ? Politique étrangère
P.14/15
Choisir entre interventionnisme et multipluralisme
19
Régine Minetti, co-présidente du Mouvement de la Paix
mondialiser la paix
Territoires palestiniens
P.18
‘‘ (…) afin que La
P.19
France devienne un
P.20
aiguillon de la paix
P.21
rayonnant sur une
Redonner une chance à l'enfance Agir pour la paix en Israël
Mieux connaître l’autre grèce
L'aube de l'extrémisme uranium australien
Détournement à risque du TNP
22
Europe digne de son prix Nobel de
culture
Exposition
P.22 /23
la paix (…)
’’
Quand éducation contre le racisme et à la Paix se rencontrent
Mensuel édité par le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org
Directeur de publication : Pierre Villard Secrétaire de rédaction : Nadia Dorny-Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert. Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Nicole Bouexel, Grégoire Desclaux, Nadia Dorny-Bennad, Annie Frison, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Ont participé à ce numéro :Régine Minetti, Meïr Waintrater, Ziad Medoukh, Grégoire Desclaux, G.D, Pierre Villard, Daniel Durand, Nils Andersson, Jean-Paul Vienne, Nadia Dorny Bennad, Evelyne Aymard, Lilian Thuram. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
012 a été le témoin d’événements qui donnent tout leur sens aux actions citoyennes pour la paix, et montrent l’utilité du mouvement pacifiste. Le rapatriement des troupes françaises combattantes d’Afghanistan est une réponse, certes tardive, aux aspirations de la majorité de l’opinion publique française. Cet aveu d’échec de la gestion militaire d’un conflit devra faire réfléchir les gouvernements. La reconnaissance de la Palestine comme État observateur à l’Onu, par un vote historique à son Assemblée générale est le résultat d’une volonté politique rejetant la violence, initiée par les Palestiniens et soutenue par la communauté internationale. Le champ est désormais ouvert pour que la France reconnaisse l’État de Palestine pour conforter une paix juste et durable au Proche Orient. La monté en puissance de la Journée internationale de la Paix du 21 septembre décrétée par les Nations unies porte aussi en elle les germes rassembleurs et prometteurs d’une société nouvelle. Promouvoir les droits humains, la prévention des conflits, la démilitarisation des relations internationales, les efforts de développements durables, la satisfaction des besoins sociaux, l’éducation à la culture de la paix et donc au vivre ensemble, sont autant de gages pour donner sens à un avenir humain durable. Ainsi, l’État français n’a pas besoin d’être le leadership d’une « Europe de la défense ». A quoi bon un nouveau livre blanc de la défense induisant des dépenses considérables vouées à de nouveaux programmes d’armements, source d’insécurité et de conflits futurs… ? Au contraire, 2013 appelle plus que jamais à nous unir toujours plus nombreux et divers pour « cultiver la paix partout avec tous » afin que La France devienne un aiguillon de la paix rayonnant sur une Europe digne de son prix Nobel de la paix, dans un monde mobilisé à « ouvrir la voie à une véritable civilisation de paix ».
Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
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Courrier des lecteurs
Monsieur le Président, Amis des cinq cubains Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Fernando González, Ramón Labañino, et René González, nous sommes satisfaits de savoir que Mitt Romney ne sera pas président des États-Unis pour les quatre années à venir. Nous n’attendions vraiment rien de bon de ce candidat concernant les relations futures avec Cuba. Pour autant, Monsieur le Président Obama, nous sommes inquiets de la façon dont vous allez vous comporter envers la grande île des Caraïbes. Autant, lors de l’élection de 2008, nous étions remplis d’espoir, autant cette fois nous sommes sur nos gardes. Le blocus contre Cuba a été maintenu en dépit de la réprobation de presque tous les pays du monde, le pénitencier de Guantanamo n’est toujours pas fermé, les fonds destinés au sa-
Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.
botage de la Révolution Cubaine sont en hausse constante, et les Cinq ne sont toujours pas libérés. Le 13 novembre dernier, les États-Unis, Israël et les Palaos, ont été les trois seuls pays à se prononcer pour le maintien du blocus destructeur contre Cuba. Saurez-vous enfin écouter la voix pratiquement unanime de la communauté internationale s’opposant à ce blocus ? Avec l’ouragan Sandy, vous avez pourtant pu mesurer à quel point les éléments naturels quand ils se déchainent peuvent amener tragédies et blessures, et comme il est dérisoire et stupide d’ajouter de la souffrance à la souffrance ! Dans quelques jours, vous fêterez Noël. Il est dans la tradition de votre pays de gracier à cette occasion quelques prisonniers. Quelle belle entrée dans votre nouvelle fonction présidentielle serait, de votre part, un tel geste envers les Cinq ! Un geste fort qui verrait en retour, de la part du gouvernement Cubain, la libération de votre concitoyen Alan Gross, et bien au-delà, qui serait l’amorce de nouvelles relations entre vos deux pays. Monsieur le président Obama, vous pourriez commencer votre mandat présidentiel à la façon d’un beau conte de Noël, en per-
mettant à Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Fernando González, Ramón Labañino, René González et Alan Gross d’être auprès des leurs pour les fêtes de fin d’année. Ce serait merveilleux et prometteur pour l’avenir. Ne laissez pas passer cette chance, nous espérons tous un dénouement heureux et pour les Cinq, et pour Alan Gross, il est entre vos mains. J.R Redressez-vous, militaires, rebellez-vous d'une façon pacifique !
Une odeur pestilentielle inonde la morne plaine. Deux camps se sont opposés, des hommes se sont entre-déchirés, à tort ou à raison. Qu'est-ce qui a poussé, qui
pousse encore la gent masculine à se battre, à se tuer ? Qu'est-ce qui vous motive à tirer sur votre autre vous-même ? Des mamans sont déchirées de voir partir leur(s) enfant(s) servir de chair à pâtée, soi-disant pour défendre un territoire ou pour attaquer au nom d'une religion. Les dieux et déesses guerriers joueraient-ils aux échecs en prenant comme pions les humains en les déplaçant sur un échiquier terrien ? Peut-être que pour eux, homme, t'es rien ! Que tu tues ou que tu sois tué, t'es rien. Juste un tas de chair. Redressez-vous, militaires, rebellez-vous d'une façon pacifique! Stop à tous ces massacres inutiles. Soldats, pouvez-vous déposer vos armes aux pieds de vos ennemis ? Qu'au lieu des balles, des fleurs multicolores sortent du canon et recouvrent le sol d'un odorant manteau. Le champ de bataille se transformera en chant d'amour, un hymne à la joie ascensionnera et chassera à tout jamais les déités belliqueuses vers d'autres planètes idoines. La paix régnera sur terre et la planète bleue servira de modèle à ce qui est en haut. Ne dit-on pas : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut » et vice-versa ? N.B
Palestine Non, ce n'est pas du « prosélytisme religieux ». C'est un nouvel appel à continuer de soutenir en 2013 le peuple palestinien pour qu'il puisse enfin vivre en paix dans un pays libre et reconnu à part entière de l'Onu. C.S - Caen
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REPÈRES ... Livre
Film
Des hommes vivent ici
Công Binh la longue nuit indochinoise
Textes et photo de Marion Osmont Postface Amnesty International et Médecin du Monde. Éd. Images Plurielles
Un film de Lam LÊ Produit par ADR Productions Sortie le 30 janvier 2013
Dix ans après la fermeture de Sangatte, des centaines d’hommes et de femmes, qui ont fui conflits et persécutions dans leurs pays d’origine, vivent à Calais dans une extrême précarité sanitaire et administrative, que les politiques migratoires actuelles rendent invisible. À contre-courant du traitement médiatique de cette situation, Le travail de Marion Osmont nous plonge dans le quotidien de ceux qui se trouvent bloqués dans des abris de fortune dans une déshumanisation alarmante. Elle dessine les portraits sensibles d’Ammanuel et de Haroon, réfugiés d’Éthiopie et du Soudan. Après un travail de terrain de deux ans dans les squats de Calais, elle restitue leur quotidien et leurs espoirs. Elle replace leur parcours dans une analyse plus large sur les migrations, analyse étayée par les points de vue d’acteurs associatifs et d’élus. Elle nous invite à une réflexion sur le droit d’asile en Europe.
A la veille de la seconde Guerre Mondiale, 20 000 Vietnamiens étaient recrutés de force dans l’Indochine française pour venir suppléer dans les usines d’armement les ouvriers français partis sur le front allemand. Pris à tort pour des soldats, bloqués en France après la défaite de 1940, livrés à la merci des occupants allemands et des patrons collabos, ces ouvriers civils appelés Cong Binh menaient une vie de parias sous l’Occupation. Ils étaient les pionniers de la culture du riz en Camargue. Considérés injustement comme des traîtres au Viet Nam, ils étaient pourtant tous derrière Ho Chi Minh pour l’Indépendance du pays en 1945. Le film a retrouvé une vingtaine de survivants au Viet Nam et en France. Cinq sont décédés pendant le montage du film. Ils racontent aujourd’hui le colonialisme vécu au quotidien et témoignent de l’opprobre qui a touché même leurs enfants. Une page de l’histoire entre la France et le Viet Nam honteusement occultée de la mémoire collective. • Prix spécial du jury au Festival International du film d'Amiens - 2012 • Prix du jury catégorie documentaire au Festival International du film d'Histoire de Pessac - 2012 • International Documentary Film Amsterdam 2012
La phrase du mois « Toutes les fois que la vie d'une personne est prise par des autres inutilement, si elle est faite au nom de la loi ou hors la loi, par un homme ou une bande, de sang-froid ou dans la passion, dans une attaque de violence ou en réponse à la violence, toutes les fois que nous déchirons le tissu de la vie qu'un autre homme a péniblement et maladroitement tissé pour lui et ses enfants, le monde entier est dégradé. » Robert F. Kennedy, après l'assassinat de Dr. Martin Luther King, Jr.
IMAGE DU MOIS
Des bougies à la mémoire des enfants de l'école de Sandy Hook, aux États Unis, massacrés par armes à feu.
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ACTUALITÉ La Palestine État observateur non membre à l’Onu
Deux États pour deux peuples La Palestine a été reconnue par l’Onu comme État observateur non membre. Meïr Waintrater, membre du bureau de JCall, réseau juif européen pour Israël et pour la paix, et de La Paix Maintenant, l’association française proche de l’organisation israélienne du même nom, livre ici son sentiment sur cette avancée et sur ce qui reste à faire. EN SAVOIR PLUS • www.lapaixmaintenant.org • www.jcall.eu 6
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L
e représentant de la France, Gérard Araud, déclarait le 29 novembre 2012 devant l’Assemblée générale des Nations unies: « En votant aujourd’hui pour la reconnaissance de la Palestine comme État observateur non membre de cette organisation, la France a voté en faveur de la solution des deux États, de deux États pour deux peuples, Israël et la Palestine, vivant, côte à côte, en paix et en sécurité, à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues ». M. Araud appelait les deux parties à « retourner à la table des négociations immédiatement et sans pré-conditions », et il soulignait: « La reconnaissance internationale qu’accorde aujourd’hui cette Assemblée au projet étatique palestinien ne pourra se traduire dans les faits que par un accord, fruit de la négociation entre les deux parties sur l’ensemble des questions du statut final dans le cadre d’un règlement de paix juste et global ». Ces propos résument parfaitement ce qui est dans la résolution du 29 novembre dernier, et ce qui n’y est pas. Ce qui y est : l’affirmation simultanée du droit des peuples à disposer d’euxmêmes et de la nécessité d’un accord de paix israélo-palestinien. Ce qui n’y est pas : une re-
lance concrète du processus de paix. Tout a été dit au plan des principes, tout reste à faire dans la réalité. Avant le vote de l’Assemblée générale, on annonçait que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’apprêtait à proposer au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, une reprise des négociations sans préconditions. Mais cela ne s’est pas produit. Au contraire, la direction palestinienne a réitéré l’exigence d’un arrêt total des constructions israéliennes à Jérusalem-est et en Cisjordanie comme préalable à la reprise des négociations. Il est vrai que les projets de construction dans ces mêmes territoires, annoncés par le gouvernement israélien au lendemain du vote de New York, n’ont pas contribué à calmer les esprits. Il est vrai aussi que l’époque est propice aux surenchères : élections législatives puis formation d’un nouveau gouvernement en Israël, concurrence exacerbée entre le Hamas et le Fatah chez les Palestiniens. La relance du processus de paix reste envisageable dans les mois à venir, mais le temps presse car toute action unilatérale, venant de l’une ou l’autre des deux parties, risque de mettre le feu aux poudres.
Les éléments d’un accord sont connus de longue date. Ils ont été décrits de manière très précise, dès la fin de l’année 2003, par un groupe d’Israéliens et de Palestiniens ayant exercé de hautes responsabilités dans leurs sociétés respectives 1. Ce projet n’a rien perdu de son actualité. Tous les sondages montrent que la majorité des Israéliens et la majorité des Palestiniens se prononcent pour la coexistence de deux États. Il suffit d’une vraie volonté politique chez les dirigeants israéliens et palestiniens, avec une action internationale concertée, pour
qu’une reprise des négociations débouche enfin sur un accord de paix. Les Palestiniens ont le droit d’être libérés de l’occupation israélienne et d’exercer leur souveraineté nationale dans un État indépendant et viable. Les Israéliens ont le droit de vivre en sécurité dans leur État, à l’abri des attentats terroristes et de la menace des armes de destruction massive. Il s’agit, dans les deux cas, de droits humains qui sont, par nature, non négociables. La négociation doit porter sur les conditions de leur mise en œuvre, afin d’édifier un avenir où l’État arabe de Palestine et
l’État juif d’Israël coexisteront dans la paix et le respect mutuel. Meïr Waintrater 1
Le travail de ce groupe, connu sous le nom d’Ini-
tiative de Genève, a été soutenu en France par le collectif « Deux peuples, deux États », créé notamment par La Paix Maintenant et le Mouvement de la Paix. L’Initiative de Genève entretient un site Internet multilingue où on trouve le texte français du projet d’accord de paix israélo-palestinien : www.geneva-accord.org/mainmenu/french.
La liberté approche
D
ans les territoires palestiniens et en exil, les Palestiniens ont manifesté leur joie et leur espérance après l’entrée à l’Onu, avec le soutien de 138 pays, de la Palestine, comme État observateur non membre, Quel que soit le statut de la Palestine dans cette organisation internationale, cette admission restera une victoire politique, diplomatique, voire symbolique. Cela dit, le monde a évolué, même s’il a longtemps observé un silence complice devant les crimes du gouvernement israélien contre notre peuple. Cette victoire est d’abord advenue grâce aux sacrifices du peuple palestinien qui continue de donner de son sang pour que la Palestine vive. Le monde entier s’est mobilisé pour soutenir la cause palestinienne, la cause de la justice et cette mobilisation a contribué elle aussi à la victoire. Cette reconnaissance internationale montre que la juste cause du peuple palestinien de rétablir ses droits nationaux légitimes bénéficie aujourd’hui d’un plus large soutien de la communauté internationale. Notre peuple a subi une injustice unique dans l’histoire contemporaine. Le moment n’est-il pas venu pour qu’il vive libre et digne, dans un État libre et souverain ? C’est vrai, sur le terrain, il n’y a pas de changement, et il n’y en aura pas dans l’immédiat, car le gouvernement israélien va poursuivre sa politique coloniale et sa politique d’apartheid vis à vis des Palestiniens. Israël va accélérer la colonisation et violer davantage leurs droits les plus fondamentaux. En Palestine, la réalité est dure : mur, colonisation, occupation, humiliation, blocus, barrages, et souffrance permanente. Nous avons besoin d’en finir avec toutes ces mesures israéliennes illégales. Mais le plus important actuellement est que la direction palestinienne fasse adhérer le nouvel État à toutes les organisations internationales et qu’elle commence une lutte politique afin de juger Israël de tous les crimes commis contre les Palestiniens. Les Palestiniens doivent être unis. Assez des divi-
Suite au vote historique de l'Assemblée générale des Nations unies, Ziad Medoukh, universitaire palestinien bien connu des lecteurs de Planète Paix, nous a fait parvenir sa réaction à chaud. EN SAVOIR PLUS • www.palestine-solidarite.org
sions : nous devrons avoir un seul projet national, choisi par notre peuple pour affronter la nouvelle réalité marquée par un combat politique acharné au niveau international, et une résistance historique sur le terrain contre toutes les mesures d’occupation. Le futur État palestinien a besoin d’une continuité géographique. Notre État s’appelle la Palestine et s’appellera toujours la Palestine. Nous, Palestiniens, devrons continuer la lutte, la résistance, et le combat pour le droit, la fin de l’occupation et de la colonisation ainsi que pour le retour des réfugiés, de tous les réfugiés. Un combat pour la justice, jusqu’à la création sur le terrain, de notre État, libre et indépendant, un État qui pourra vivre dans une paix juste et durable avec ses voisins. Le siège de l’État observateur non membre à l’Onu, c’est fait. Mais notre lutte n’est pas terminée, l’occupation israélienne de nos territoires devra être achevée rapidement par des décisions et des garanties internationales. C’est notre rêve, le rêve de tous nos enfants et de tous les gens de bonne volonté qui soutiennent la cause noble et juste de la Palestine, partout dans le monde. Le chemin restera long pour la réalisation de notre rêve. Cependant, nous voyons notre liberté approcher, approcher… Ziad Medoukh N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ Religion
Priez comme vous êtes
En plein débat sur le mariage pour tous, un projet de loi auquel s'opposent les représentants des religions monothéistes, un intellectuel musulman a ouvert à Paris la première mosquée inclusive d'Europe. Sa spécificité est d'accueillir tous les pratiquants au même titre, hommes et femmes, et de célébrer religieusement des unions homosexuelles.
L
'événement à de quoi surprendre : un intellectuel musulman ouvre une mosquée « inclusive », autrement dit progressiste et contre toutes formes de discriminations liées au sexe, à l'identité de genre, ou à l'ethnicité ; « elle est ouverte à toutes et à tous, y compris à celles ou ceux qui n'ont pas de confession religieuse particulière et qui veulent méditer et se recueillir avec nous ». L'aventure commence avec l'ouverture à l'homosexualité du jeune Ludovic Mohamed Zahed, pris en étau entre cette évidence « qui n'est pas un choix » et sa foi salafiste, marquée par une lecture littérale du Coran. Le questionnement qui découle de cette confrontation l'éloigne un temps de la spiritualité mais il y revient par le biais d'études en anthropologie sur la question religieuse. Finalement, réconcilié avec ses aspirations mystiques et fort d'enseignements éclairés, il fonde en France une association de lutte contre l'homophobie et l'islamophobie, HM2F (Homosexuels Musulmans de France). Dans le prolongement de sa démarche de conciliation entre Islam et sa propre identité, il épouse son compagnon en
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N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
Afrique du Sud, puis avec la bénédiction d'un imam en France. Ludovic Mohamed Zahed a publié aux éditions Max Milo un essai sur sa réconciliation en 2012, intitulé Le Coran et la chair. L'ouverture aux homosexuels ne sera pas la seule priorité de cette mosquée précise Ludovic Mohamed Zahed, bien que la presse ne se fasse l'écho que de cet aspect en particulier en ces temps de questionnements sociaux. Ce nouveau lieu de culte accordera la même place aux hommes et aux femmes (fait exceptionnel dans le monde musulman - mais qui existe déjà dans plusieurs villes des ÉtatsUnis et du Canada), et son fondateur milite notamment pour l'accession des femmes à la fonction d'imam. Sur ce sujet en particulier, il rappelle le texte lui-même dans la figure d'Aïcha, femme du prophète Mahomet qui dispensait des conseils religieux aux compagnons de son époux. Des mosquées inclusives existent aux États-Unis, souligne Ludovic Mohamed. « Beaucoup de musulmans ne supportent plus d’entendre des propos contre les femmes ou les homosexuels. »
Le terme « inclusif » est utilisé dans ce sens, il exprime le caractère profondément ouvert de la mosquée. L'initiative séduit au delà de la confession musulmane puisque l'inauguration de la mosquée a été célébrée dans un dojo bouddhiste zen, à défaut d'un local définitif. Les réactions négatives existent mais sont moins nombreuses et moins visibles que les soutiens et s'élident devant les arguments avancées par ce musulman d'un nouveau genre. Car quand bien même l'homosexualité (le point le plus audacieux du projet malgré son importance relative) n'est pas admise en tant que telle, la discrimination, la haine qui conduisent aux persécutions dans de nombreux pays musulmans sont condamnées de manière bien plus explicite dans le Coran. Loin de toute idée de provocation ou de communautarisme dans le communautarisme, Ludovic Mohamed Zaed souhaite simplement créer un espace où tous les musulmans, hommes et femmes pourront vivre leur foi en paix. Grégoire Desclaux
ACTUALITÉ Protocole de Kyoto
(Dés)accords conclus
L
e protocole de Kyoto est une action mise en œuvre par le GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat) sur l'initiative du Programme des Nations unies pour l'environnement suite aux publications scientifiques mettant en lien l'activité humaine et le réchauffement planétaire. De 1990 à 2007, les rapports passent de « la détection grâce aux différentes observations d'une augmentation sans ambiguïté de l'effet de serre est peu probable dans les prochaines décennies ou plus » à : « l'essentiel de l'accroissement constaté de la température moyenne de la planète depuis le milieu du XXème siècle est très vraisemblablement dû à l'augmentation observée des gaz à effet de serre émis par l'Homme. » Le réchauffement climatique serait dû à une variété de gaz à effet de serre, produite par l'activité industrielle : le dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), protoxyde d'azote (N2O) et de sous produits de chlorofluorocarbones (CFC). Les pays pollueurs sont évidemment les plus industrialisés, les États Unis arrivant bon premiers, suivis de près par la Chine qui compense son retard historique par un accroissement alarmant de ses productions annuelles de ces gaz. Les catastrophes naturelles, comme les violents ouragans Sandy ou Bopha, les sécheresses qui touchent l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest ou l'Afrique, la fonte des glaciers arctiques sont autant de signaux d'alarmes qui réveillent la nécessité de parvenir à un accord qui limiterait ces émissions et donc les conséquences environnementales des activités humaines. C'est dans cet esprit que s'est ouverte le 6 décembre dernier, à Doha, la conférence pour prolonger le protocole de Kyoto qui visait une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % par rapport aux taux observés en 1990. Les États-Unis, la Chine, le Japon et la Russie n'ont jamais été signataires de ces accords car rétifs aux politiques de quotas, mais sont bien évidemment invités à participer aux discussions. Malgré la reconduction jusqu'en 2020 des accords signés à Kyoto, le sommet de Doha n'est guère encourageant. « Cette conférence a entériné l'inaction face au changement climatique. Les ministres n'ont aucune excuse », résument les représentants du Réseau action climat. « Pour tous les pays qui doivent faire face avec la nouvelle réalité du changement climatique - ce qui inclut les États-
Les accords de Kyoto, conclus en 2007, se sont achevés le 31 décembre 2012. Afin de poursuivre l'effort de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, 192 pays - dont les puissances industrielles - se sont réunis le 6 décembre à Doha,
Unis - cette conférence n'a pas rempli son contrat », renchérit Alden Meyer, le représentant de l'ONG américaine Union Concern of Scientists. Même les " bons élèves " comme l'Union européenne doivent plier devant les réalités économiques qui prennent le pas sur les enjeux écologiques. Ce processus devient un cercle vicieux lorsque des problèmes climatiques freinent l'économie, comme la crise agricole des États producteurs aux USA, consécutive à la sécheresse de ces dernières années. Les maigres efforts concernant les énergies propres et renouvelables comme le solaire sont également placés sous le signe du capital, et leur accessibilité n'est qu'une conséquence des guerres commerciales que se livrent l'Union européenne, les États-Unis et la Chine dans ces domaines. Enfin, au niveau mondial, les crédits accordés à la construction de centrales polluantes sont en moyenne six fois plus importants que ceux aidant au développement des énergies propres, selon le bureau World ressources Institute. Le déplacement à Doha des 192 représentants des pays de l'Onu aura au moins servi à convenir d'une autre date et d'un autre lieu pour poursuivre ces débats : 2013 à Varsovie. G.D.
capitale du Qatar. N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
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Au jour le jour Les victimes des essais nucléaires : circulez, il n’y a rien à voir
maintenant 10 ans, se sont battues et se battent encore pour une loi de réparation et de justice à l’égard des victimes militaires, civiles, algériennes, polynésiennes et françaises. Face à la trahison du ministre socialiste de la Défense, l’Aven et Moruroa e tatou vont devoir engager un nouveau combat pour la réforme de la loi Morin tant auprès des élus nationaux que des plus hautes autorités de l’État.
Tests nucléaires sous-critique Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, confirme et signe : la loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires mise en place par ses prédécesseurs de droite reste une « bonne loi ». Ce 11 décembre à Paris, lors de la troisième réunion de la commission consultative de suivi de la loi Morin, il a adoubé le comité d’indemnisation composé, selon ses dires, de « grands experts » et statuant « en toute indépendance ». La présidente du Comité d’indemnisation a annoncé aux représentants d’associations de victimes que sur les 782 dossiers reçus, 400 avaient été examinés. À l’issue d’un travail « minutieux et scientifique », le Comité a donc conclu au rejet de 391 dossiers et à 9 indemnisations ! La satisfaction affichée par le ministre de la Défense et la présidente du Comité d’indemnisation est une véritable gifle aux associations qui, depuis
Le 5 décembre, les Américains ont procédé à un essai nucléaire sous-critique (expériences nucléaires s'arrêtant avant qu'une réaction en chaîne ne se produise) baptisé Pollux sur le Site Nevada National de Sécurité (NNSS). L’essai avait pour objectif de recueillir des données scientifiques qui fourniront des informations cruciales pour maintenir la sécurité et l'efficacité des armes nucléaires des États-Unis. Selon l'administration de la sécurité nucléaire nationale (NNSA) du ministère de l'énergie, cet essai n’est pas en contradiction avec le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, puisque le matériau n'est pas utilisé à son plein potentiel. Les pacifistes américains ne sont pas de cet avis. Pour eux, le TICE permet des expériences souterraines non contrôlées car les ÉtatsUnis n'ont pas permis l’accès à ce site aux inspecteurs internationaux depuis les années 1990.
la véracité de ces allégations - d’avoir procédé qu’à une très petite explosion nucléaire - ne peut être établie. Dans une lettre adressée à Obama, les pacifistes américains écrivent « Au nom des survivants de la bombe d'Hiroshima et de Nagasaki, et au nom du peuple du Japon, nous vous demandons d'annuler tous les plans des essais nucléaires et de faire un effort sincère pour parvenir à un monde sans armes nucléaires. » Les villes japonaises de Hiroshima et de Nagasaki, les cibles de deux attaques nucléaires américaines en 1945, ont également dénoncé le test Pollux.
L’art en guerre, 1938-1947 Une exposition au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, jusqu’au 17 février 2013 : www.mam.paris.fr Cette exposition fait découvrir au visiteur cette décennie tragique à travers le vécu des artistes. Elle nous conduit de la sombre inquiétude de 1938 à l’éclat de la Libération. Elle présente des oeuvres très diverses, réalisées pendant ces années de désastre par des artistes français et étrangers émigrés en France, républicains espagnols, juifs, allemands antinazis, opposants politiques, enfermés dans des camps d’internement français, ou vivant dans la clandestinité, la peur. Sont aussi montrées des œuvres d’artistes « instrumentalisés pour magnifier l’esprit français de mesure et
d’équilibre » exposées lors de l’inauguration de ce Musée en 1942, en présence de hauts dignitaires nazis, et des œuvres réalisées dans l’ombre ou clandestines comme « Le salon des rêves de Joseph Steib » et celles présentées alors à la galerie discrète de Jeanne Bucher par des artistes, considérés comme « dégénérés » par l’occupant. Affiches, journaux, lettres, photos, films, … rendent cette admirable leçon d’histoire, vivante.
« Agir ensemble pour le désarmement humanitaire » À l’occasion de son 20ème anniversaire, la Campagne Internationale pour Interdire les Mines antipersonnel (ICBL), souhaite faire honneur aux campagnes de désarmement menées par la société civile et relancer le débat sur l’action de la France dans ce domaine. Une conférence « Agir ensemble pour le désarmement humanitaire » est organisée par Handicap International, Human Rights Watch, ICBL et l’Observatoire des armements, mercredi 16 janvier 2013 de 9h30 à 18h à l’Hémicycle du Conseil régional d’Île-deFrance - 57 rue de Babylone - 75007 Paris. Cet évènement rassemblera des intervenants de la société civile, du CICR, des Nations unies ainsi que des parlementaires et représentants de gouvernements, dont la France. La conférence est ouverte à tous.
à vos agendas • Calvados (14) - samedi 26 janvier de 15 à 22 heures : assemblée général du comité du Mouvement de la Paix. Maison des Associations à Hérouville St Clair (1018, quartier du Grand Parc). Thèmes : réorganisation du Mouvement dans le département avec la création d'un comité au niveau de la communauté d'agglomération "Caen la mer", la relance des comités de Dives sur mer et de Lisieux. • Maine et Loire (49) - lundi 11 février 2013 à 18h00 : assemblée 10
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générale du Comité du Mouvement de la Paix d'Angers. 22 rue du Maine à Angers. Thème: développer la notion de culture de la paix pour mieux interpeller l'opinion publique, amplifier les actions et renforcer le Mouvement de la Paix. • Laragne-Montéglin (05) - samedi 2 février de 14h30 à 17h30 : assemblée générale des comités du Mouvement de la Paix de la Vallée du Buëch. Salle des fêtes d'Eyguians.
DOSSIER
Quelle politique de la France pour la paix ?
• Politique de défense De la continuité ou des bouleversements ? • Livre blanc de la Défense Quelle Défense pour la paix ? • Politique étrangère
Choisir entre interventionnisme et multilatéralisme
Annoncé dans un premier temps pour décembre, puis janvier, c’est en février 2013 que devrait voir le jour un nouveau Libre blanc de la défense. Chacun est en droit de se poser la question légitime « Pour quoi faire ? ». Peu de citoyens auront le droit d’y répondre. S’appuyant sur l’aspiration des 78% de Français qui souhaitent dans un sondage* de mars 2012 que le sujet des dépenses militaires soit davantage présent dans les discussions publiques, Planète Paix ouvre le débat. *Voir le sondage commandé par le Mouvement de la Paix et publié par Planète-Paix n°571 d’avril 2012
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DOSSIER
Q uelle p o l i t i que
Politique de défense
De la continuité ou des bouleversements ? C’est par la voix de Jean-Yves Le Dryan, président de la Région Bretagne qui allait devenir son ministre de la Défense, que François Hollande avait promis la publication d’un nouveau Livre blanc de la Défense dès les premiers mois de son mandat. Continuité ou bouleversement ? Le suspense n’est malheureusement pas très grand.
A
nnoncé dès le mois d’avril 2012 entre le gouvernement et les pacifistes pour par François Hollande, alors qui la prévention des guerres nécessite une simple candidat, les conclusions très forte anticipation par l’action en amont de la commission du Livre blanc sur les causes des violences et des conflits. présidée par le diplomate Jean-Marie GuéPourtant, en annonçant la veille du 14 juillet henno1 devraient être connues en février. Pour la composition de la commission2 chargée de l’opinion publique, cela aurait pu être enfin la rédaction de ce document, le président de l’occasion d’un vrai débat sur les choix stratéla République confirmait la continuité dans giques et politiques de la France. Que nenni. On lit pourtant sur le site du ministère de la Défense « Il s’agit pour nos ministères […] d’une démarche d’une importance majeure. » Annonçant « … la stratégie qui sera définie début 2013 en conseil de défense et de sécurité nationale par le président de la République », on y trouve la feuille de route « le Livre blanc traitera des risques et menaces qui peuvent peser aujourd’hui et demain sur nos intérêts stratégiques, et porter atteintes à la vie de la nation, de la population et du territoire, ou au fonctionnement de l’économie et de nos institutions. » Les membres de la commission du Livre blanc de la Défense Fixant l’ambition de la mission, Franla confiscation de l’expression publique. Une çois Hollande avait annoncé une remise à plat absence totale de la société civile, beaucoup pour aborder les nouveaux enjeux nationaux de haut-fonctionnaires et des conseillers straet internationaux en matière de sécurité. La tégiques. Si certains s’inquiètent de l’absence plupart des observateurs s’accordent sur leur de militaires, peu en revanche s’interrogent nature telle que les Printemps arabes, l’armesur l’absence de pacifistes. ment croissant des pays émergents et l’évoluCe qui est actuellement connu laisse prétion de la politique étrangère des États-Unis sager peu de propositions novatrices. Le visant à mettre davantage à contribution ses gouvernement semble ne pas identifier très partenaires militaires. On trouve aussi parmi clairement ce qui pourrait être l’épine dorsale les priorités énoncées, celle d’anticipation. d’une politique innovante en matière de sécuCela aurait pu être un terrain de convergences 12 12
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rité dans ce document de 120 pages qui servira de base à l’élaboration d’une nouvelle Loi de Programmation militaire pour 2014-2019. Face à la presse qui tente d’obtenir des informations sensationnelles, et suite à un article du Parisien libéré s’apparentant à une liste à la Prévert des révélations tant attendues du Livre blanc, le général Marin Klotz, porte-parole du ministère de la Défense a précisé le 6 décembre que « Le livre blanc ne va pas être un catalogue de garnisons, d’effectifs ou de matériels que l’on va conserver ou supprimer. Il fixe les grandes ambitions nationales. » Si l’on peut regretter l’absence de débat public autour du Livre blanc, la LPM fera obligatoirement l’objet de débats aux parlements. Aux acteurs de la Paix de créer les conditions de la mise en mouvement des citoyens par l’organisation de rencontres de terrains et d’interpellations publiques des représentants de la nation qui devront voter la loi au début de l’été 2013. Pierre Villard 1
Jean-Marie Guéhenno est un diplomate français,
spécialiste des questions de défense et des relations internationales. Il fut Secrétaire général adjoint au Département des opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations unies, jusqu'en juillet 2008. Le 22 mars 2012 il est nommé assistant auprès de Kofi Annan pour sa mission en Syrie 2
Fixée par le Décret n°2012-913 du 26 juillet 2012.
de la France pour la paix Livre blanc de la Défense
Quelle Défense pour la paix ? Le président de la République a décidé de la mise en chantier d'un « Livre Blanc sur la défense et la sécurité de la France ». Ce type de rapport est destiné à préparer le vote d'une nouvelle « Loi de programmation militaire » qui encadrera les futurs budgets annuels de la Défense jusqu'à la fin de la décennie.
EN SAVOIR PLUS • http://culturedepaix.blogspot.com
S
i la rédaction de ce Livre blanc n'a malheureusement pas été très "ouverte", on peut espérer que le débat autour de la Loi de programmation permettra d'aborder largement ce que devrait être une politique Daniel Durand de défense et de sécurité de la France plus innovante, plus fermement inscrite dans la construction d'un monde de paix, de justice et de droit international. La politique de défense doit accompagner une politique extérieure aux objectifs clairs, même si ses rythmes ne sont pas les mêmes, puisque la défense d'un pays reste soumise à une prudence plus grande, pour faire face à des aléas toujours possibles. Nous sommes dans un monde qui bouge : sa caractéristique essentielle n'en est pas la crise financière actuelle, ni les secousses terroristes liées à des intégrismes religieux ou des enjeux mafieux. La caractéristique du monde actuel est son multilatéralisme croissant : plus de relations (économique, politique, sociale, culturelle) entre les pays et entre les peuples, plus d'émergences de nouvelles puissances (y compris en Afrique), plus de place au droit international avec de nouveaux traités sur de nouveaux concepts (devoir de protéger les populations, devoir de protéger la planète et son environnement), plus de place aux sociétés civiles (notamment à travers leurs ONG). Une politique extérieure française devrait s'inscrire plus franchement dans ce mouvement, en soutenant hardiment le développement du droit international, le renforcement du multilatéralisme et pour favoriser ces évolutions, la démilitarisation des relations internationales. C'est dans cette cohérence que la France doit, non seulement soutenir, mais agir plus audacieusement pour la réforme des Nations unies par l'élargissement et la démocratisation du Conseil de sécurité, le renforcement des pouvoirs de l'Assemblée générale, le renforcement de ses pouvoirs en matière économique et monétaire (réforme FMI, BM et OMC). C'est dans cette même visée que la France doit renforcer ses relations avec les pays émergents : BRICS et Maghreb. Enfin, la France doit jouer un rôle moteur pour la mise en œuvre de nouveaux traités ou accords internationaux (Doha, Convention d'interdiction des armes nucléaires et
Traité d'interdiction du commerce des armes). Comment la politique de défense française peutelle s'inscrire dans ce mouvement du monde vers plus de multilatéralisme et de justice ? La question des « menaces », pouvant peser sur la sécurité de la France, doit être gérée de manière plus dynamique, notamment par le renforcement des coopérations policières et judiciaires internationales. L'évolution de l'appareil militaire ne peut pas se résumer à un discours immuable sur la dissuasion, avec seulement des mesures d'économies « bricolées à la petite semaine ». L'évolution vers l'interdiction des armes nucléaires doit se préparer par la réduction rapide de l'éventail nucléaire en supprimant la « 2ème composante » (missiles aéroportés sur les Rafale), en diminuant le nombre des sous-marins nucléaires dans un délai rapide, ainsi que la réduction du nombre de missiles et de têtes nucléaires embarquées. Ces mesures unilatérales doivent accompagner les initiatives politiques nécessaires pour renforcer le TNP et préparer un Traité d'interdiction des armes nucléaires. Il faut aborder la discussion de front sur l'évolution de la notion de territoire national, la place de l'Europe et celle du droit international et des Nations unies dans l'usage de la force aujourd'hui. En août, le président Hollande a « recadré » avec justesse le débat sur une intervention militaire pour protéger la population civile syrienne en rappelant que l'usage de la force ne pouvait venir que d'une décision du Conseil de sécurité de l'Onu. C'est une évolution inéluctable quelles qu'en soient les perversions (à l'exemple de l'interprétation condamnable par les occidentaux de la résolution onusienne sur la Libye). Si on s'inscrit dans cette perspective de droit : que fait-on pour que la France, l'Union européenne puissent soutenir correctement les décisions prises ensemble à l'Onu ? Cela ne doit-il pas replacer les coopérations pour les fabrications de certains types de matériels (porte-avions, avions de transports de troupes, drones et satellites d'observation) dans un autre contexte ? N'est-ce pas la meilleure manière d'aborder la nécessaire réduction des dépenses militaires, de manière politique et pas seulement budgétaire ? Daniel Durand Chercheur en relations internationales
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DOSSIER
Q uelle p o l i t i que
Politique étrangère
Choisir entre interventionnis et multilatéralisme Dans le contexte géopolitique actuel, comment se dessinerait le nouveau Livre blanc de la défense ? Quels événements pourraient justifier sa refonte alors que le dernier date de 4 ans seulement ? Nils Andersson, sociologue, livre ici son analyse.
U
n nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est en chantier, son objet : définir la stratégie militaire de la France pour les années à venir : quels effectifs, quel déploiement des forces armées, quels armements ? Nils Anderson, historien, nous livre ici son analyse de ce que pourrait être la politique étrangère et de défense de la France Le premier Livre blanc, en 1972, à l’initiative de Michel Debré, avait pour objet de conceptualiser la politique de dissuasion nucléaire. L’objectif de celui initié par Sarkozy en 2007 a été, préparant son retour dans le commandement intégré en 2009, d’intégrer la France dans le concept stratégique global de l’Otan. Dissuasion nucléaire et appartenance à l’Otan sont deux décisions majeures qui décident de la politique de défense de la France. François Hollande, en fixant le préalable que « la dissuasion nucléaire est indissociable de notre statut de grande puissance », a fermé la voie à ce que la France s’engage activement dans une politique de désarmement multilatéral et contrôlé. Il s’avère donc indispensable de poursuivre et d’élargir le débat citoyen pour sortir d’un enfermement dans la politique de dissuasion nucléaire. En ce qui concerne l’appartenance de la France à l’Otan, la consigne de François Hollande est de « réévaluer » son rôle au sein de l’Alliance atlantique or une vraie réévaluation demande de renoncer aux choix politiques et idéologiques atlantistes 14 14
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de Sarkozy avec le plein retour de la France dans l’Otan. Un exemple : le Préambule du Nouveau concept stratégique de l’Otan adopté en 2010 à Lisbonne pose un préalable inacceptable : « Les citoyens de nos États s’en remettent à l’Otan pour défendre les pays de l’Alliance. » Jamais le peuple français ni aucun peuple européen n’ont donné mandat à ses dirigeants de s’en remettre à l‘Otan pour assurer sa défense. Un débat citoyen s’impose sur l’inféodation de la politique de défense
La frégate turque Gaziantep
de la France à l’Otan. Plus encore dans le moment où ce qui a été le fondement historique et spatial de l’Alliance atlantique est mis en question par la nouvelle doctrine du Pentagone. Quelle est cette nouvelle doctrine ? L’impasse afghane, puis l’impasse irakienne, la crise économique et financière du système capitaliste, auxquelles s’ajoutent les bouleversements géopolitiques résultant de la montée des puissances émergentes, ont profondément modifié les rapports de force dans le monde, ce qui a amené les ÉtatsUnis à opérer un tournant stratégique. Avec la nouvelle doctrine du Pentagone, la zone euro-atlantique n’est plus le pivot d’où se projette la stratégie étatsunienne et - hors l’installation de missiles antimissiles qui s’inscrit dans la politique globale des ÉtatsUnis plus que d’une « défense européenne » - un désengagement de Washington en Europe est programmé. Le nouveau centre de gravité de la stratégie étatsunienne devient l’Asie. Son objectif, vertueusement qualifié de « maîtrise des biens communs », est de contrôler les espaces maritimes et aériens en Asie orientale, de l’océan Indien aux mers de Chine, sans toutefois se désengager de « l’axe d’instabilité » que représente le Moyen-Orient où se concentrent les principales voies d’acheminement du pétrole et du gaz et les plus grands risques de conflits généralisés (Israël, Palestine, Syrie, Irak, Iran et Afghanistan). Le centre de gravité déplacé de la zone historique euro-atlantique en Asie a des conséquences évidentes sur l’engagement
de la France pour la paix
sme
Opérations navales de l'Otan
militaire de la France dans le monde et pour sa défense intérieure. L’option de Washington n’est pas d’engager dans des opérations à venir l’ensemble des États membres de l’Otan mais, selon les champs d’intervention et les intérêts de chacun, de constituer des coalitions conjoncturelles, de privilégier la recherche d’alliances « à la carte ». Il n’y a là rien de nouveau : que ce soit au Kosovo, en Afghanistan, en Irak ou en Libye, aucune des guerres menées depuis les années 1990 n’a vu une contribution de tous les États membres de l’Otan, la non-participation de la France à la guerre en Irak en est un exemple. Le Traité de l’Atlantique Nord est devenu une organisation à géométrie variable dont, je cite un expert en stratégie, « les États-Unis sont le plombier avec des assistants qui savent utiliser les outils ». L’épisode de la Libye illustre parfaitement cette nouvelle politique : les intérêts de Washington n’étant pas primordiaux, ce sont les soldats Sarkozy et Cameron qui se sont portés volontaires pour engager une guerre aux effluves de pétrole prononcées, mais l’Otan est imposée pour diriger les opérations. Aide logistique des États-Unis au travers de l’Otan nécessaire, sans laquelle
la France et la Grande-Bretagne n’auraient pu mener à bien l’opération en Libye. Ceci illustre parfaitement la théorie d’Obama de « commandement depuis le siège arrière. » Nous sommes au cœur du sujet du nouveau Livre blanc de la défense. La zone prioritaire d’intervention devenant l’Asie, la « nouvelle doctrine » du Pentagone invalide la version sarkozyste du Livre blanc sur la défense qui étendait la projection militaire de la France de la côte ouest de l’Afrique jusqu’aux confins du golfe Persique et de l’Océan indien et demande à la France de projeter sa capacité militaire au-delà de l’Océan indien jusqu’en Extrême-Orient. Une stratégie qui ne répond ni aux intérêts ni, encore moins, aux moyens de la France. Il faut rompre avec cet engrenage dangereux, dire non à des alliances expéditionnaires pour résoudre les contradictions interétatiques et géopolitiques dans le monde, non à un monde dans lequel la force militaire fait le droit. Il faut sortir de l’Otan et dénoncer l’idéologie atlantiste interventionniste qu’elle sous-tend, revoir la carte du monde sur la base de rapports de réciprocité, rompre avec une logique de confrontation, donner autorité et moyens à l’Onu
d’agir là où la paix est menacée, car il n’est pas d’autre organisation universelle fondée sur les principes du multilatéralisme. Comme d’autres politiques économiques sont possibles, d’autres politiques de défense et d’alliances sont possibles, fondées sur d’autres rapports entre les États et les peuples. Politique étrangère et politique de défense de la France doivent se fonder sur le multilatéralisme, en plaçant les intérêts des peuples au-dessus des intérêts mercantiles et expansionnistes des puissances atlantistes, au-dessus de toute ambition présente et à venir d’autres puissances. Nils Andersson
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RÉFÉRENCE
Paroles de députés Des citoyens français se sont adressés à leurs députés au travers de la cyber-pétition initiée par le Mouvement de la Paix leur demandant de voter contre le projet de budget du gouvernement en matière de défense, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finance pour l’année 2013. Voici quelques extraits des réponses-types faites par les différents partis politiques.
William Dumas, député socialiste
François De Rugy, député écologiste
(…) Notre engagement en faveur de la paix ne peut cependant se suffire à lui-même pour faire face à un contexte mondial instable, qui voit émerger de nouvelles menaces sans que les anciennes aient véritablement disparu. (…) Les dangers qui pèsent sur notre sécurité nationale ne manquent pas. Par ailleurs, des crises sévissent toujours, dans plusieurs points du monde où des forces d’interpositions peuvent être indispensables pour protéger les populations civiles et retourner à la paix. La France et ses forces armées doivent être prêtes à y parer en permanence. (...) C’est la raison pour laquelle la dissuasion nucléaire, dont fait partie le programme M51, doit être maintenue, comme s’y est engagé le président de la République. Elle reste en effet la garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance de la France vis-à-vis de toute agression extérieure. (...) Notre défense est, comme son nom l’indique, le pilier de notre sécurité nationale et de sa sauvegarde. Elle est avant tout un outil pour la paix.
(…) Les dotations budgétaires de la mission « Défense » pour l’année à venir restent certes considérable, mais je note avec satisfaction que, de tous les ministères concernés par les restrictions budgétaires, celui de la Défense est le plus affecté. (…) Les députés écologistes, vous le savez, soutiennent une politique de désarmement nucléaire multilatéral. Dans ce sens, les écologistes sont également favorables à un transfert progressif de l’arsenal nucléaire français dans une défense européenne. Dans l’immédiat, ils souhaitent l’abandon des programmes de modernisation les plus coûteux. (…) Au cours des débats, et par nos amendements, nous avons notamment dénoncé la sanctuarisation des crédits alloués à la dissuasion qui traduit une perception obsolète des menaces de la France et fragilise notre position vis-à-vis du traité de non-prolifération. (…) Ce budget de la défense 2013 est-il exactement conforme aux aspirations qui sont les miennes en tant qu’écologiste ? Non. Est-il meilleur que le budget précédent ? Incontestablement, oui.
Jean Pierre Vigier, député UMP
Extrait de l'intervention à l'Assemblée nationale de Jean-Jacques Candelier, au nom du Front de Gauche.
(…) Les principales dispositions du Livre Blanc visent en priorité à assurer la sécurité des Français face à la multiplication des menaces intérieures et extérieures auxquelles notre pays peut être exposé. En outre, la France étant une des principales puissances mondiales, cela lui confère le devoir d’honorer ses engagements internationaux aux côtés de ses partenaires, notamment en matière d’opérations de maintien de la paix dans des zones de conflits. (…) Notre outil de défense connaît actuellement de profondes mutations. Vous affirmez que ce budget confirme « la priorité donnée aux crédits d’équipement». Il s’agit en effet essentiellement de renouveler des appareils devenant obsolètes afin que nos soldats engagés dans des opérations extérieures de maintien de la paix sous mandat de l’Onu puissent mener leur mission dans les meilleures conditions de sécurité et assurer la protection des populations se trouvant dans des zones de conflits. (…) Devant la baisse programmée des budgets de défense, inquiets des futures préconisations contenues dans le nouveau Livre Blanc, les députés de l’Opposition ont voté contre le budget 2013 et entendent défendre avec vigueur l’avenir de notre Défense lors de la future Loi de programmation militaire. 16
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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, nous examinons un budget « Défense » de continuation avec la législature précédente. (…) Le ministère connaîtra 7 234 suppressions nettes de postes en 2013. L’année prochaine sera également marquée par la poursuite de la modernisation de nos armes nucléaires. (...) Nous contestons que la dissuasion nucléaire soit l’assurance-vie de la nation. Elle ne correspond pas aux nouvelles menaces. La France doit s’engager rapidement dans le soutien à la convention d’élimination des armes nucléaires, actuellement soutenue par 146 États. Elle doit respecter les engagements du traité de non-prolifération, bafoués depuis vingt ans, en gelant le programme de nouveaux missiles à tête nucléaire M51. (...) Nous nous opposons aussi au projet de défense antimissile balistique. Ce projet de l’Otan conduirait à l’accélération de la course à l’armement ainsi qu’à la prolifération d’armes de destruction massive et de missiles balistiques dans le monde, notamment dans les pays déclarés hostiles (…). Vous l’aurez compris, les députés du Front de gauche voteront contre ce budget « Défense » pour 2013.
Des étrennes pour Planète Paix
2013
sera une année charnière pour votre mensuel. Le comité de rédaction de Planète Paix engage la réflexion pour un magazine plus vivant, plus divers, rendant toujours plus visible et crédible l'engagement des citoyens, des collectivités et des institutions pour la Culture de la Paix, de nos quartiers à la planète. Une nouvelle maquette avec de nouvelles rubriques est en cours d'élaboration. Avec l'objectif de développer durablement notre diffusion, et pourquoi pas en kiosque. Pour cela nous avons besoin de votre soutien. Planète Paix évoluera avec ses lecteurs et se développera par ses lecteurs. Pour donner à Planète Paix les moyens de son développement, nous comptons sur vous pour le faire découvrir à l'un de vos amis, et pour penser à Planète-Paix pour vos étrennes de nouvelle année. Pour vous remercier de votre soutien, vous recevrez de notre part une magnifique collection de 15 affiches de l'histoire du mouvement pacifiste français. Nous avons que nous pouvons compter sur votre engagement. Recevez nos meilleurs vœux pour 2013. Merci de votre geste. La rédaction de Planète Paix
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MONDIALISER LA PAIX Territoires palestiniens
Redonner une chance à l'enfance Dans la Palestine occupée depuis soixante ans, des éducateurs francophones tentent de casser le cercle vicieux qui condamne les enfants à la haine de l'autre et à la violence meurtrière. Modeste à ses débuts, l'organisation gagne en taille et en poids, offrant des perspectives optimistes.
EN SAVOIR PLUS • www.ejepal.org 18
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Les écoliers de la classe 2012/2013 de l'école Petit Prince
L
'ONG " Enfants, le Jeu et l'Éducation " a été créée en 2000, durant la deuxième Intifada par des professionnels de l'enfance palestiniens francophones. Dans le contexte de violence extrême dans lequel sont plongés les enfants, ces fondateurs ont imaginé une réintroduction des jeux sur la devise : " Un enfant qui joue, c'est un enfant qui revit ". En 2006, Ejepal profite du départ précipité de l'association " Enfants Réfugiés du Monde " des camps de réfugiés de Jabalia, Rafah, Jalazone et Shu'fat pour investir les locaux désormais vides et ainsi créer des centres d'animations, où se tisse le réseau des professionnels de l'enfance et une aide psycho-sociale. Bénéficiaire de nombreuses subventions, l'ONG grossit et se focalise autour de 3 axes : un programme de centres d'animation ( il en existe aujourd'hui 10 ), un programme de formation et de documentation et un programme d'éducation. En partenariat avec d'autres organisations solidaires, l'Eje compte de nombreux programmes à destination des enfants, comme la création de jouets et jeux en bois avec le Secours Catholique ou la tenue d'un camp d'été de trois jours dans la région de Beit Jala autour d'éléments culturels palestiniens enrichis par la culture scout française. Les activités ludo-éducatives du centre s'exportent même dans l'Union européenne avec la participation de l'ONG aux journées portes ouvertes d'une école catholique en Grèce le 3 octobre dernier. Pour cet événement, les coordinateurs Bashir et Shereen ont employé
leurs méthodes ludo-éducatives en confiant la responsabilité des divers ateliers à des enfants, ceci afin de développer leur leadership, l'attitude positive et critique envers les autres, au delà des autres bénéfices du jeu en communauté. Cette approche est efficace et a rassemblé de nombreux visiteurs, environ 200 pour des activités animées par 30 enfants de CM2. Mais la réussite de l'Ejepal se mesure mieux dans la fondation de l'école maternelle Petit Prince qui propose depuis septembre 2012 un programme éducatif français à 43 palestiniens à Bethléem. Le programme se compose d'un mélange d'apprentissage en français et en arabe, joignant des composantes comportementales absentes du système palestinien. Le site de l'organisation Ejepal précise la volonté de ses fondateurs : " L’école maternelle a pour mission d’aider chaque enfant à grandir, à conquérir son autonomie et à acquérir des attitudes et des compétences qui lui permettront de construire des apprentissages fondamentaux. Elle s’appuie sur la capacité d’imitation et d’invention de l’enfant et sur le plaisir de l’action et du jeu. L'école multiplie les occasions de stimuler son désir d’apprendre, de diversifier ses expériences et d’enrichir sa compréhension. Elle est attentive à son rythme de développement et de croissance. " L'équipe pédagogique est composée de Brigitte, Professeur des Ecoles de l’Education nationale, d'Oïfa détentrice d'un diplôme FLE ( Français Langues Étrangères ), de Marie, agent technique spécialisée dans l'enseignement maternel et de trois enseignants à temps partiel, en charge des cours d'Arabe, d'anglais et de musique. Le Petit Prince propose une éducation nouvelle basée sur le partenariat avec l’enfant, le développement de ses potentiels, de sa créativité, son estime de soi, sa confiance en ses capacités et la qualité relationnelle avec un adulte. Une belle initiative encourageant la paix, y compris dans un pays si durement touché par un conflit vécu au quotidien. Grégoire Desclaux
MONDIALISER LA PAIX Agir pour la paix en Israël
Mieux connaître l’autre On le sait, mais pas encore assez : il y a des Israéliens qui s’investissent avec courage et constance pour la paix. Il convient de le faire savoir et aussi de faire connaître des modes d’action quelques fois inattendus.
I
l y a, bien sûr, tous ceux qui ont recours à des modes disons plus traditionnels, ainsi que l’a illustré la belle émission « Les combattants de la paix » du 21 septembre dernier sur ARTE : ce mouvement pacifiste offre cette caractéristique de rassembler aussi bien des militants israéliens que palestiniens (dont certains ont un passé de combattant militaire), devant des drapeaux israéliens et palestiniens croisés. Ils sont quelquefois unis par le deuil d’un proche. Leur outil militant est surtout une radio « Tous pour la paix ». Mais il y a aussi les manifestations classiques. L’ambition affichée est de mieux connaître l’autre, de le connaître tout simplement, de passer par-dessus les partispris d’ignorance et les préjugés. Pas encore gagné… On ne le croira peut-être pas ; mais on retrouve cette même ambition chez quelques colons, réunis au sein d’une association « Eretz Shalom » (terre de paix), aux motivations, du reste, assez largement religieuses. Elle compte, paraît-il, 1700 membres (dont 150 Palestiniens) sur un demi-million de colons. Elle poursuit activement le dialogue entre les deux communautés et défend l’idée qu’elles peuvent vivre en harmonie sur ce territoire, en respectant les droits historiques de chacune d’elle. Une de leurs initiatives : cultiver des champs en commun. « La paix est obligatoire entre nous » déclare l’un d’eux, qui se traite lui-même de « fou de paix ». Pas encore gagné… Il y a plus original. Un club de boxe, le Jerusalem Boxing Club, rassemble des boxeurs aussi bien palestiniens qu’israéliens et dont l’ambition est autant d’apprendre aux deux communautés à se connaître qu’à se perfectionner dans l’art du pugilat. On n’est déjà plus dans le militantisme, mais dans le quoti-
Musulmans et juifs prient ensemble pour le retour de la pluie.
dien partagé, dans le vivre ensemble assumé, ainsi que l’on dit aujourd’hui. Encore plus original : un chanteur israélien de Heavy Metal, Kobi Fahri, qui ne parle pas un mot de turc, sollicite la nationalité turque (à côté de la nationalité israélienne, qu’il entend bien garder), avec laquelle il compte bien lancer, avec son groupe Orphaned Land, son message de paix et d’amour d’abord en Turquie et au delà, dans tous les pays arabes. La paix par le Métal en quelque sorte. Il aurait ses fans inconditionnels en Égypte, au Liban, au Bahraïn, en Syrie, en Jordanie, en Tunisie et même en Iran. Il paraît même qu’il aurait inventé un Métal
fusionnel de tout le Moyen-Orient (qui doit beaucoup au groupe Metallica d’Umm Kulthum), capable à lui seul d’aboutir à un unanimisme culturel riche de promesses de paix. Oui, les voies de la paix sont encore bien surprenantes. Il convient de les explorer toutes. Jean-Paul Vienne
EN SAVOIR PLUS • www.orphaned-land.com • www.france-palestine.org • www.luxboxing.org N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
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MONDIALISER LA PAIX Grèce
L’aube de l'extrémisme
Militants du mouvement Aube dorée
Dans une Grèce touchée de plein fouet par la crise économique, un parti d'extrême droite réveille les instincts nationalistes, Aube dorée. Une mouvance qui commence à s'exporter dans d'autres pays en difficulté comme l'Espagne.
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e mouvement Aube dorée a été fondé en 1985 par Nikólaos Michaloliákos qui le dissout en 2005. En 2007, il reforme ce mouvement qui devient un parti politique et fait son entrée au parlement grec en 2012. En plus du nationalisme amenant vers la xénophobie, Aube dorée a d'autres cibles dans son viseur, toutes aussi subversives que les immigrés : les gauchistes, les athées, les homosexuels, les artistes, les femmes et tous ceux qui ne se conforment pas à leur vision particulière. La presse nationale et internationale considère Aube dorée comme une organisation néonazie, bien que cette appellation soit réfutée par ses partisans. Son drapeau est un méandre noir sur fond rouge ou doré sur fond noir entouré de couronnes de laurier et son principal slogan est " La Grèce pour les grecs ". Son programme promet un effacement de la dette publique, l'expulsion des étrangers et le minage de la frontière avec la Turquie afin d'empêcher les entrées indésirables dans le pays. La corruption qui a longtemps gangréné les instances officielles grecques sert de prétexte à Aube dorée pour attaquer les gouvernants passés et actuels mais aussi à se poser en victime lorsqu'ils sont menacés par la justice. « Nous attendons la justice. Le peuple grec pourra alors constater que l'on veut condamner des députés d'Aube dorée alors que les politiciens qui ont volé l'argent du peuple n'ont pas été jugés » déclare Marlène Katinopoulou, attachée parlementaire d'Aube dorée après la saisie d'une commission d'enquête visant ses pairs. Les moyens d'actions d'Aube dorée sont variés, allant de la distribution de nourriture aux plus démunis (à condition d'être grec), de l'accompagnement des personnes âgées aux rondes de sur-
veillance paramilitaires dans les quartiers réputés sensibles, en passant par des meetings où le bras tendu n'est pas un salut nazi mais « une marque d'identité nationale ». Les expéditions punitives visant les étrangers ne sont pas directement encouragées mais pratiquées par les sympathisants les plus virulents, avec la participation de la police dans certains cas. Aube dorée entretient une culture des plus équivoques en publiant des ouvrages ou des articles sur les personnalités du 3ème Reich, comme Magda Goebbels, femme du responsable de la propagande nazie. En mai 2012, le chef du parti Nikólaos Michaloliákos plonge dans le négationnisme et réfute devant des journalistes l'existence des chambres à gaz et des fours crématoires durant la Seconde Guerre mondiale. Le fait préoccupant tient dans l'influence électorale qu'exerce Aube Dorée maintenant qu’il siège au parlement grec. Il représente l'adhésion de 6,92% des voix. Comme un symptôme de la crise économique, le phénomène se répand en Europe, notamment en Espagne et en Italie. En Espagne, le parti d'extrême droite utilise une banque alimentaire pour promouvoir une aide à préférence nationale. Le parti, España 2000 affiche un logo directement inspiré du Front National français : une flamme colorée de rouge et de jaune, couleurs du pays et son slogan fait un parallèle audacieux entre chômage et immigration : « Six millions de chômeurs, c'est six millions d'immigrés en trop ». Du côté italien, le parti d'extrême droite d'une virulence comparable à celle d'Aube dorée vient de se porter candidat aux élections de la Lombardie et appelle à l'abandon de l'euro et à la nationalisation de la région, en plus des discours xénophobes. Dans un rapport annuel, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance l'ECRI a mis en évidence un développement des phénomènes racistes liés à la crise économique. L’augmentation massive du chômage, conjuguée à la baisse des dépenses publiques provoquent des réactions xénophobes. Les populations vulnérables, au premier rang les immigrés, en sont les principales cibles. La crise économique ne génèrerait-elle pas une crise idéologique ? G.D
MONDIALISER LA PAIX Uranium australien
Détournement à risque du TNP
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'Australie, qui détient environ 40% de l'uranium mondial, exporte déjà vers la Chine, le Japon, en Taiwan et les États-Unis. Jusqu’en 2011 elle était restée sourde aux requêtes d'approvisionnement de l'Inde, au motif que New Delhi n'a pas signé le traité de non-prolifération nucléaire. L'ouverture du pays au nucléaire date de l'été 2008 lorsque la communauté internationale a décidé de lever un embargo de 34 ans sur le commerce mondial dans le nucléaire civil avec l'Inde grâce à un régime dérogatoire accordé par l'Agence internationale de l'énergie atomique et le Groupe des 45 pays fournisseurs de technologies nucléaires. Ce nouvel accord pourrait permettre à l’Inde de consacrer davantage d’uranium d’une autre provenance à l’arme nucléaire. Julia Gillard assure que l’Australie obtiendrait des garanties de l’Inde. Certains disent que l’Inde pourrait ratifier le TNP avant l’exportation de l’uranium australien, ce qui est quasiment impossible. De plus, le TNP limite la possession de l’arme nucléaire aux États qui les ont testées avant 1967. Avant que l’Inde n’adhère au TNP, il faudrait qu’elle démantèle tout son arsenal nucléaire alors qu’elle est aux frontières du Pakistan et la Chine, qui lui sont hostiles. C’est la consternation chez les États qui ont abandonné l’arme nucléaire lors de leur adhésion au TNP. Ils ont du mal à assurer l’approvisionnement de la technologie nucléaire pour leurs programmes pacifiques alors qu’on autorise la vente de l’uranium à un pays non-signataire du TNP. D’autres pays, dans un effort de désarmement, ont créée des zones exemptes d’armes nucléaire et accordent une grande attention à la valeur juridique de ces traités de ZEAN. Cette vente n’est pas une bonne nouvelle pour eux. L’Australie a signé un de ces traités. Elle est liée aux pays du Pacifique par le Traité de Rarotonga, pour une zone exempte d’armes nucléaires dans le Pacifique Sud. Ce traité interdit l’usage de matériel nucléaire dans le Pacifique mais il délimite aussi l’utilisation de l’uranium exporté par les 12 pays signataires. L’Australie a donc l’obligation de s’assurer que son uranium soit vendu à des pays signataires du TNP à moins qu’ils n’acceptent les
Les Premiers ministres australien et indien
En octobre 2012, l’Australie et l’Inde ont entamé des négociations sur un accord de coopération qui permettra, à terme, la vente de l’uranium australien à l’Inde, inversant ainsi une politique de longue date d’interdiction de l’exportation de
garanties intégrales définies par l’AIEA. Donald Rothwell, spécialiste en droit international met en garde : « Il faut bien avoir à l'esprit que les pays du Pacifique Sud sont farouchement antinucléaires. C'est bien pour cela qu'ils ont signé un Traité pour une zone exempte d'armes nucléaires. Les pays de la région ont combattu le programme d'essais nucléaires de la France en Polynésie Française dans les années 70 puis dans les années 90. Donc c'est un sujet sensible, et l'attitude de l'Australie pourrait bien inquiéter les pays du Pacifique, une plainte n'est pas à exclure. » L’Australie devrait répondre aux besoins de l’Inde en matière d’énergie (400 millions d’Indiens n’ont pas accès à l’électricité fiable) à travers la mise à disposition de l’expertise australienne dans les énergies renouvelables au lieu d’opter pour une solution lente, coûteuse et dangereuse. Le Canada n’est pas en reste. Après avoir suspendu sa coopération avec l’Inde depuis 1974, elle vient de signer un accord dans le nucléaire civil permettant ainsi l’exportation de l’uranium canadien vers New Dehli. Loin de s’affaiblir, les ventes de l'uranium semblent avoir de beaux jours devant elles.
l’uranium vers New Dehli.
Nadia Dorny Bennad N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
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CULTURE Exposition
Quand éducations contre le racisme et à la Paix se rencon L’éducation contre le racisme a sa Fondation qui propose toute une panoplie d’initiatives : expositions, DVD en direction des élèves des écoles, publication de livres... Rencontre avec Lilian Thuram son fondateur, à la prestigieuse carrière de footballeur international et auteur du Manifeste pour l’égalité* et de Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama*.
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lanète Paix : Pourquoi avoir créé la Fondation Éducation contre le racisme ?
Lilian Thuram : c’est l’histoire d’une vie. Je suis arrivé de Guadeloupe à Paris, à 9 ans. Il y avait à l’époque un dessin animé à la télévision, avec une vache noire très stupide, la Noiraude et une autre, Blanchette, très intelligente. Certains camarades m’appelaient la Noiraude et ça m’attristait. Un jour, j’ai demandé à ma maman pourquoi la couleur noire est si chargée négativement. Sa réponse, « les gens sont racistes », n’était pas satisfaisante. J’ai compris ensuite, au fil de 22 22
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mes rencontres, que le racisme était culturel et lié à l’Histoire et notamment celle de l’esclavage qui n’est pas une confrontation entre personnes de couleur différente mais, avant tout, le résultat d’un système politique et économique. C’est pourquoi le racisme peut être déconstruit car il est issu de constructions intellectuelles et de domination. En 2008, j’ai eu l’idée de créer cette fondation pour montrer cette construction, tout au long de l’Histoire, de cette hiérarchie entre les personnes selon leur couleur de peau et les préjugés qui en découlent dans la société. La plus ancienne hiérarchie de domination est celle du rapport entre les hommes et les femmes. L’égalité des droits selon la couleur de la peau est une nouveauté. Dans les années 1990, l’Apartheid sévissait en Afrique du Sud ; la ségrégation raciale aux États-Unis existait encore dans les années 1960, la colonisation basée sur l’idéologie de la couleur de la peau s’achève à la fin des années 1960. C’est très proche de nous. Cette hiérarchie de la couleur de la peau était même enseignée à l’école. Certains livres, jusque dans les années 1950, expliquaient que la race blanche est la race supérieure.
P. P. : Comment faites-vous avancer ces idées contre le racisme ? L. T. : La fondation permet de parler de ces sujets sans être dans la victimisation ni la culpabilité et replacer les choses sur le plan de l’égalité. Le racisme et le sexisme doivent être déconstruits grâce à cette notion d’égalité. De tout temps, des personnes ont lutté contre les inégalités. Aujourd’hui, nous devons continuer à le faire. En ce moment, les ma-
nifestations qui refusent l’égalité des droits, notamment celui au mariage des personnes homosexuelles m’interpellent. Certains ne voulaient pas la fin de l’esclavage ou le droit de vote pour les femmes. On le voit, cette notion d’égalité se construit de génération en génération. Ce processus est sans fin. Si de femmes et les hommes veulent l’égalité, d’autres veulent l’inégalité pour les exploiter et en tirer parti. Par exemple, si les femmes subissent des inégalités, comme gagner 20% de moins à travail égal, les hommes en profitent. C’est le même phénomène pour les inégalités liées à la couleur de la peau. Le racisme est culturel. Il nous appartient d’interroger notre culture pour améliorer la situation.
P. P. : Vous parlez de victimisation et de culpabilité qui conduisent sans doute au complexe d’infériorité, au repli sur soi et à la non combativité… L. T. : C’est bien pour cela qu’il faut les dépasser. Si on refait une lecture de l’histoire en se plaçant en tant qu’être humain, on perçoit bien plus facilement les degrés de domination, les complexes de supériorité ou d’infériorité. Si, souvent, les personnes ne sont pas dans une démarche volontaire pour changer les choses, c’est bien parce qu’ils ont intégré ce discours qui détermine les places que chacun devrait avoir. Il faut donc faire un effort pour comprendre et dénoncer. Ne sommesnous pas esclaves de ce système ? Comment pouvons-nous améliorer les choses ? La vie ne peut-elle pas être plus égalitaire ? Ce sont ces questionnements qu’on doit déclencher chez tout un chacun pour déterminer ce qui est juste ou ne l’est pas.
ntrent
P. P. : L’éducation contre le racisme peutelle ouvrir la voie vers la Paix universelle ? L. T. : Complètement. Prôner l’égalité entre les individus construit la Paix universelle. Il est essentiel de propager cette vision du monde. Parfois certains défendent l’égalité dans un pays et peuvent, dans d’autres pays, ne pas prôner cette démarche égalitaire qui va à l’encontre de leurs intérêts. Plus les individus sont exploités, plus les bénéfices réalisés sont grands. Les inégalités permettent l’exploitation. L’histoire de l’esclavage illustre tout à fait ce propos. C’est l’exploitation maximale puisque les esclaves n’étaient pas payés. C’est sans doute la déclinaison la plus parfaite et la plus extrême du capitalisme. La Paix s’obtiendra en dénonçant ces exploitations et en revendiquant davantage d’égalité. Ce rapport de domination et d’exploitation entre les personnes d’un même territoire existe aussi entre les pays du monde. La coopération est de loin préférable à la compétition qui signifie que la raison du plus fort l’emporte. Aujourd’hui, il y a des guerres pour s’approprier des matières premières, par exemple le pétrole en Irak, tout comme la colonisation avait pour but l’appropriation de matières premières. L’esclavage aussi. Mais les matières premières étaient alors des hommes. L’analyse du monde dans lequel nous vivons et des rapports de force ne sont pas suffisamment accessibles. La connaissance est fondamentale. Mais elle n’est pas disponible à tous afin de contrôler la façon de penser des populations et les emmener dans la direction voulue.
toute une population a été conditionnée afin de voir les personnes non blanches comme des êtres inférieurs avec la propagation du racisme scientifique dans la société jusqu’à ce qu’il devienne culturel. Il est évident que les personnes qui ont vu pour la première fois des Amérindiens, des personnes de couleur noire ou venant d’Asie ou d’Océanie, présentés comme des sauvages dans un jardin d’acclimatation, un zoo, un cirque… ont pensé qu’il s’agissait là de la vérité. Dans les livres scolaires ce message était transmis. Ce conditionnement à voir cet autre comme inférieur avait pour but d’expliquer que la colonisation était positive et « apportait de la civilisation à ces sauvages ». Inaugurer cette exposition au Jardin d’acclimatation était un symbole puisque ce jardin a accueilli, en son temps, de nombreuses exhibitions humaines. Le fait que
le jardin d’acclimatation reçoive cette exposition montre bien que chacun de nous a envie de s’emparer de cette histoire pour construire une société plus juste car, si chacun comprend ses conditionnements, nous arriverons à changer nos façons de voir. Propos recueillis par Evelyne Aymard *Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama, Éd. Philippe Rey (2010) et Points (2011.) Une version espagnole est parue en octobre 2012. Des versions italiennes et portugaises (Portugal et Brésil) paraîtront avant l’été 2013.
EN SAVOIR PLUS • www.thuram.org/site/
L’invention du sauvage Cette exposition*, itinérante, proposée par le Groupe de recherche Achac et la Fondation Lilian Thuram - Éducation contre le racisme, a été présentée en avant-première du 21 novembre 2012 au 6 janvier 2013 au Musée des enfants du Jardin d’Acclimatation de Paris. Elle s’exposera à Amiens en avril et dans d’autres villes de France. Pour accueillir l’exposition : www.achac.com & www.thuram.org *Réalisée avec le concours et le soutien de la Ville de Paris, du ministère des Outre-mer, de l’Acsé (Agence Nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances), de l’Institut Randstad, de la CASDEN, de la MGEN, du
P. P. : Avec l’exposition « L’invention du sauvage » vous ouvrez des portes vers la connaissance…
Comité pour la mémoire de l’esclavage et du ministère de la Ville. En partenariat avec les éditions La Découverte, Respect Mag, Tropiques FM, Africultures et Afriscope.
L. T. : L’exposition montre la manière dont N° 578 - Janvier 2013 - Planète PAIX
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La rédaction de Planète paix vous souhaite une Bonne année
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