Planète Paix n°580

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L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 580 / Mars 2013

Les conséquences humanitaires des armes nucléaires

Dossier (P.13-22)

Lycée Esclandon La solidarité s’invite au club (P.9)

Poster

à détacher (P.16/17)


REGARD SUR...

Le Forum Social Mondial de Tunis du 26 au 30 mars 2013 Campus Universitaire El Manar et dans la ville de Tunis. Le Forum Social Mondial est un espace de débat démocratique d’idées, d’approfondissement de la réflexion, de formulation de propositions, d’échange d’expériences et d’articulation de mouvements sociaux, réseaux, ONGs et d'autres organisations de la société civile qui s’opposent au néo-libéralisme et à la domination du monde par le capital et par toute forme d’impérialisme. Le Forum Social Mondial de Tunis (FSM), sera un moment de convergence des mouvements sociaux et citoyens qui inscrivent leur action dans une perspective altermondialiste. En partant des mouvements, il sera l’occasion de penser l’évolution de la situation mondiale et mettra l’accent sur la manière de renforcer le processus au service des mouvements sociaux et citoyens, de leurs mobilisations, de leurs luttes et des alternatives qu’ils portent. Parmi les enjeux, on peut retenir l’évolution de la situation mondiale, la stratégie des mouvements, l’évolution des printemps arabes, le nouveau cycle de luttes et de révolutions ; l’évolution du processus des forums sociaux mondiaux. Une délégation du Mouvement de la Paix y sera présente et organisera trois grandes thématiques : • les questions liées au désarmement en particulier nucléaire : "Pour une Méditerranée débarrassée des armes atomiques"... • la liaison désarmement, développement ,justice sociale, environnement et Paix : "Otan et l'Afrique", "Paix, désarmement et développement • éducation la paix et à la culture de la paix et de la non violence : "Le rôle des femmes africaines dans la résolution des conflits"... Pour plus d'informations : www.fsm2013.org/


Sommaire

l’Édito

Planète Paix n° 580 - Mars 2013

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Actualité

Hommage

P.6

Festimômes

P.7

Lycée Esclangon

P.8

Le web journal des jeunes pacifistes

P.9

Éducation nouvelle, culture de paix

P.10

Kurdistan/Turquie

P.11

Disparition d’un grand acteur de paix De la création jaillit la paix La solidarité s’invite au Club ‘‘ Foutez-nous la Paix ! ’’

Quels apports réciproques ? De fragiles négociations

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Une jeunesse engagée

D

dossier

Les conséquences humanitaires des armes nucléaires La société civile P.14

Un tsunami à Oslo

Hiver nucléaire

P.15

Radioactivité

P.18

Les conséquences seront irréversibles… L'empoisonnement du corps humain

Famine nucléaire

P.19

Réactions sans frontières Armes nucléaires et sécurité

P.20

Appel aux chefs d'états

P.21

Mensonges et réalités atomiques ‘‘ Il est temps d’agir ’’

24

Cédric Desmarais responsable de la section Jeunes au Mouvement de la Paix

‘‘ Nous, les

mondialiser la paix

jeunes, sommes

La Communauté Mission de France

P.24

divers et la

Syrie

P.25

Culture de Paix

L’arme nucléaire est illégale

‘‘Le cri du cœur’’ d'un cardiologue syrien

Irak 2003/2013

P.26/27

La vie au quotidien Un avenir hypothétique

28

se nourrit de nos originalités.

’’

Histoire

Résistance P.28 La Rose blanche : Une leçon de dissidence

29

culture

Cinéma

P.29

Coups de coeur

BD

La paix, la guerre en bulles

Mensuel édité par le mouvement de la paix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org

P.30/31

Directeur de publication : Pierre Villard Secrétaire de rédaction : Nadia Dorny-Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert.  Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Nicole Bouexel, Grégoire Desclaux, Nadia Dorny-Bennad, Annie Frison, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Ont participé à ce numéro : Cédric Desmarais, Nadia Dorny-Bennad, Nicole Bouexel, Dea Drndarska, Pierre Villard, Aurélie Royon, Odette et Michel Neumayer, YvesJean Gallas, Arielle Denis, Jean-Marie Collin, Grégoire Desclaux, Ira Helfand, Patrick Hubert, Brigitte Illy, Jean-Paul Vienne. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

epuis quelques années, l’armée, propose aux jeunes un joli slogan « Devenez vous-même !». Il n’est pas sans rappeler la sentence, inscrite sur le fronton du temple de Delphes dans la Grèce antique « Connais-toi toi-même ! ». Êtes-vous une personne capable de porter les armes pour faire la guerre à des milliers de kilomètres de chez vous ? Êtes-vous une personne capable de déclencher le feu nucléaire anéantissant ainsi en quelques secondes des milliers de vies humaines ? En tant que citoyen, n’êtes vous pas indignés que l’on fasse la guerre et que l’on développe des armes de destruction massive en votre nom ? Et si vous étiez déjà pacifiste sans le savoir ? En effet, tout comme la paix ne se résume pas à l’absence de guerre, un pacifiste ne se contente pas d’appeler la paix de ses vœux. Il la construit en travaillant dans chacun des domaines de la culture de paix. Ainsi être pacifiste signifie également être porteur d’un engagement citoyen en faveur de la promotion de la démocratie, du partage des richesses, de la préservation de l’environnement, de l’éducation, de la libre circulation des idées et de la résolution non violente des conflits. Alors que beaucoup pensent les jeunes dépolitisés, il nous semble plutôt qu’ils aspirent à un nouvel engagement ouvert idéologiquement et réaliste face aux défis de notre société mondialisée. La Culture de Paix n’a pas de couleur politique, elle porte une ambition globale : celle de faire entrer l’humanité dans le cercle vertueux de la paix, du développement et de la démocratie. Et la jeunesse pacifiste s’organise : création d’un web journal participatif*, préparation d’une VIème Rencontre Internationale de Jeune pour la Culture de Paix, création d’un réseau jeune pacifiste… Nous, les jeunes, sommes divers et la Culture de Paix se nourrit de nos originalités. * Voir article en page 9

Bon d’abonnement à Planète Paix page 23 N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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Courrier des lecteurs

 Après les bombes, à quand la paix ? Au Mali les intégristes avançaient vers Bamako, partis de Libye, du nord Sahara, du MoyenOrient, d’autres encore fraichement convertis venaient de pays occidentaux selon les média. Certes quand il y a le feu on appelle les pompiers. … Quelques questions se posent malgré tout. Des satellites sillonnent le ciel jour et nuit et ils auraient été aveugles aux convois d’armes qui descendaient de Libye ? De Tripoli, provenaient les armes de Kadhafi et de Benghazi les armes offertes par entre autres la France à des opposants libyens qui ont commencé par établir la charia etc., quelle libération !!! Quelle libération au Mali où ils détruisent une grande partie des manuscrits du Moyen Âge conservés au centre culturel Ahmed Baba et patrimoine mondial de l’Unesco !!! Où ils lapident un couple qui avait eu un enfant hors mariage !!! Ces mêmes satellites n’auraient rien vu et nos « renseignements » n’auraient pas compris que les avions qui atterrissaient à Kidal, nord Mali , en provenance du Qatar - comme nous le disaient les journaux papiers - n’étaient sans doute pas chargés de bonbons… Ces journaux papiers ont parfois parlé de base « secrète » de la CIA au Sahara, avec des drones qui auraient attaqué, qui ? quoi ? Nous apprenons que certains intégristes auraient fait fortune depuis des années en se livrant à des trafics transsahariens d’armes, de drogue etc. Et les voici ces intégristes 4

N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

menaçant le Mali et tout le Sahel sans doute. Comment la population a-t-elle pu les accueillir ? Ici ou là dans les journaux on a appris qu’ils distribuaient des vivres et aidaient les « pauvres » comme le demande l’islam. Ils donnent des salaires à ceux qui s’enrôlent à leurs côtés…. Tout cela était connu depuis longtemps, et rien n’a été fait. Le FMI, la Banque Mondiale et autres puissances financières continuent à imposer une dette impossible à supporter. Ils ont exigé la casse des services publics du Mali et des autres pays du Sahel et d’ailleurs. Pour payer leur dette les pays transforment une partie de leur terres consacrées aux cultures vivrières au profit de culture de type industriel (arachide, coton) dont les cours baissent entrainant l’appauvrissement des pays et des problèmes de

malnutrition voire de famine. La corruption plus ou moins généralisée ? Que faire quand on n’a pas assez d’argent pour acheter les condiments de base pour nourrir sa famille ? On peut comprendre sans excuser. N’est-elle pas encouragée par ceux qui octroient les subventions ? par ceux qui sont très intéressés par le gaz, le pétrole, l’or, l’uranium que l’on est en train de découvrir dans le Sahara ? Et si l’Onu se saisissait du problème, envoyait des Corps pour contrôler la gestion des fonds pour l’éducation, pour la santé, pour le développement ? Et si le FMI et la Banque Mondiale annulaient la dette ? Aurions- nous des salafistes un peu partout ? Aurions-nous des armes et des morts ? Il serait intéressant d’évaluer le coût de l’intervention armée et celui de l’annulation de la dette…

On peut comprendre une intervention pour empêcher la barbarie mais elle ne doit pas se transformer en moyen de pression permanent pour profiter des richesses minières d’un pays. N’est-il pas du devoir de chacun de tout faire pour prévenir l’incendie et rétablir la Paix ? Ils auraient la Paix. Nous aurions la Paix. P.M Dernière minute A l'heure où nous bouclons ce journal, nous aprenons avec tristesse le décès de notre ami Henri Caillavet, qui a toujours défendu les idéaux du Mouvement de la Paix. Nous reviendrons le mois prochain sur les engagements et les batailles de ce grand homme. La rédaction

Chanson contre la guerre De l'autre côté de la Terre, Crois-tu que ton fils sera fier Lorsqu'il apprendra que son père A tiraillé sur la misère ? A toi le soldat de la Terre, Écoute les combattants d'hier, La guerre, il ne faut pas la faire, Elle brise les coeurs et les chairs Sans jamais régler les travers ;

A tous les enfants de la terre, Écoutez ce que disent vos pères Qui sont ces combattants d'hier, La guerre, il ne faut pas la faire, Faîtes l'école buissonnière. A tous les soldats sans frontières Partis jusqu'au bout de la Terre, Voyez ce sang dans la poussière, C'est celui d'un ami, d'un frère Et cette pluie dans le désert, Ce sont les larmes d'une mère ! A toi, le soldat téméraire Qui, comme Malbrougth s'en va-t-en guerre

Regarde l'histoire des frontières, Les ennemis d'hier sont devenus des frères. A quoi ça sert donc de la faire Puisque, pour régler leurs travers, Les "grands" peuvent s'entendre sans colère. A tous les enfants de la Terre, Écoutez les cris de vos pères, Entendez les sanglots de vos mères Et faîtes l'école buissonnière, La guerre, il ne faut pas faire Car, aujourd'hui pour adversaire, Il y a l'arme nucléaire ! Brigitte Illy, juillet 2004


REPÈRES ... Livre

Film

Guerre Et si cela nous arrivait ? Janne Teller Éd. Les grandes personnes

Wadjda

Ce tout petit livre « format passeport » décrit ce que serait la vie dans son pays natal si par malheur il était bombardé et envahi : logements dévastés, sans chauffage, sans eau, plus de travail, plus d’école, plus de nourriture, plus de soin, et surtout la peur, les arrestations, les balles perdues… De façon simple et convaincante, l’auteure fait réfléchir à l’éventualité de devenir un jour un(e) réfugié(e) et de demander l’asile dans un pays de culture totalement différente de la sienne. Jane Tellier écrivit une première version en 2001 pour répondre au débat sur les réfugiés dans son pays, le Danemark. Pour cette version française éditée en 2012, elle fait le choix d’un scénario où, dans une Union européenne en train de s’effondrer, elle imagine un régime autocratique nationaliste français aux prises avec des envahisseurs scandinaves et anglo-saxons. Et ceux qui ont les moyens de fuir sont « accueillis » en Égypte et considérés comme des étrangers…

Wadjda est un film à petit budget qui nous vient d’Arabie saoudite. Ce pays a du pétrole, et beaucoup de dollars mais ne produit pas de cinéma ! Wadjda est le premier film saoudien et est réalisé par une femme. Wadjda est une fable réaliste racontant l’histoire d’une fillette de 12 ans, frondeuse et têtue voulant faire du vélo (ce qui est interdit aux femmes dans son pays). Elle est prête à tout, même à se lancer dans la récitation coranique pour gagner un concours dont le prix lui permettra d’acheter la fameuse bicyclette qu’un commerçant complice lui garde en réserve. Malgré la cruelle réalité de la condition des femmes que révèle le film, il est plein d’humour, de vie et d’énergie. II délivre un message d’espoir sur une société décrite avec finesse révélant ombres (parfois cruelles) et lumières.

IMAGE DU MOIS

De Haifaa Al Mansour

Nouveau soutien pour l'interdiction totale des armes nucléaires La Présidente du Costa Rica, Laura Chinchilla, a signé le 11 février 2013 une lettre de soutien à ICAN pour une interdiction mondiale des armes nucléaires. Lors d'une cérémonie qui s'est déroulée dans sa résidence officielle, la présidente Chinchilla a reçu 1000 grues en papier fabriquées par des étudiants d'Hiroshima et de l'Université pour la paix de l’Onu de San José. Un symbole de soutien pour un monde exempt d'armes nucléaires.

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ACTUALITÉ Hommage

Disparition d’un grand acteur de paix Stéphane Hessel, Résistant, diplomate, écrivain épris de poésie a quitté ses semblables. Ses semblables qu’il a aimés,

à se défendre contre une société rongée par le matérialisme effréné, les inégalités et l’injustice.

"L'éthique, la justice et le développement durable doivent prévaloir, les pires perspectives possibles, c'est l'indifférence". S. Hessel

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Photo © Despatin & Gobeli

défendus et appelés

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ous sommes infiniment tristes de la perte de ce grand acteur de paix. Stéphane Hessel est né en Allemagne en 1917, a émigré avec son père écrivain et sa mère juifs en France en 1924. Son enfance (très heureuse dit-il) s’est déroulée dans une famille atypique qui servira de modèle pour le film Jules et Jim. Il a combattu dans l'armée française en 1940. Après avoir été capturé par les forces allemandes, il s'évade et rejoint la France libre du Général de Gaulle à Londres, il est capturé à son retour en France et déporté. Après la guerre, il participa à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont il a défendu les idéaux jusqu’à sa mort. Citoyen du monde, il a toujours milité pour la démocratie, la justice et la paix. À bien des égards, il n'a jamais cessé sa campagne de résistance. La Résistance française ne voulait pas seulement libérer la France. Avec le programme du CNR

(Conseil national de la Résistance), elle défendait la sécurité sociale pour tous, la retraite et une véritable la démocratie économique et sociale. Ces batailles sont aussi celles de Stephane Hessel. Ce jeune homme de 94 ans, toujours optimiste, ne perdant jamais l’espoir que la justice triomphera, devient mondialement connu avec la publication d’un petit livre de 32 pages « indignezvous » traduit en 35 langues, tiré à 4millions d’exemplaires et a rencontré un immense écho particulièrement chez les jeunes. Pour lui, chaque personne a droit à sa dignité et au libre développement de sa personnalité. Ses batailles étaient nombreuses : les injustices sociales, la défense des immigrés clandestins en France, des déplacés, et de tous les opprimés. Le Proche-Orient, les territoires occupés étaient une de ses principales luttes. Il avait la Palestine au cœur, mais aussi Israël dont il défendait chaudement l’existence, en soulignant que la sécurité des Israéliens passait par la création de l’État palestinien et l’application des résolutions des Nations unies. En 2009, déjà nonagénaire, il s’est rendu en Palestine lors des bombardements de « l’Opération Plomb Durci », sur Gaza, qui lui a fait dire « C’est insupportable » la façon dont Israël traite les Palestiniens. « Hélas l'histoire ne donne pas suffisamment d'exemples de gens qui tirent les leçons de leur propre histoire. » En 2009 encore il a participé à la conférence de Bil’in où la délégation du Mouvement de la Paix l’a rencontré. Infatigable, il n'a jamais cessé de parcourir le monde - toujours affable, attentif aux autres, disponible pour apporter son soutien aux justes causes et encourager les citoyens du monde entier à s’indigner. Son dernier opuscule, rédigé avec Albert Jacquard, paru en en avril 2012 appelle aussi à exiger un désarmement nucléaire total. C’était son indignation qui l’avait poussé à résister aux nazis et sa longue vie lui a fourni bien des raisons de s’indigner et de s’engager. Un grand homme a quitté ce monde, il laisse un immense héritage à préserver. Le meilleur hommage que l’on puisse lui rendre, est d’entendre le message d’espoir qu’il nous laisse. Nadia Dorny-Bennad et Nicole Bouexel


ACTUALITÉ-Jeunes Festimômes

De la création jaillit la paix Cultive la paix du quartier à la planète ! Ce n'est pas un simple slogan. La Culture de la Paix mobilise positivement les individus dans leurs rapports sociaux, tisse des réseaux d'amitié, de solidarités, de créativité...

E

nfants du monde...! Enfants aussi de demain dans l'esprit de qui les adultes que nous sommes peuvent à tout moment faire jaillir les fondements d'une société où la place créative de chaque être humain sera mise au profit du bien-être de tous. C'est avec cet état d'esprit qui les Ateliers créatifs Colle et Pinceaux pour une Culture de Paix se sont déroulés du 27 octobre au 6 novembre 2012 dans le cadre du Festival du théâtre pour les enfants Festimômes à Orsay. L'idée en fut simple. En s'associant à un événement qui rassemble depuis plusieurs années un public des jeunes mais aussi des parents et grands-parents qui les accompagnent, offrir à la sortie des spectacles du matériel créatif permettant des réalisations intergénérationnelles et collectives sous forme de grands panneaux fresques autour des thématiques comme « Pour moi la paix ? », « Et si j'étais un enfant soldat », « Quand est-ce que je joue sans le savoir à la guerre ? ». Résultat : plusieurs réalisations spontanées pour ce premier lancement, un intérêt réel du public qui sans que ces ateliers aient été précédés d'une quelconque publicité, s'est montré non seulement très réceptif mais surtout a salué cette initiative qui « sort du cadre » où adultes et enfants se sont mis à créer et à imaginer la paix. Résultat aussi : un module d'animation qui a pris corps. Un module de création qui s'adapte à tout lieu... Un module dont l'idée principale est de permettre à chacun de contribuer à une expression collective, une création pouvant être exposée.... Une création également nécessaire puisque comme le rappelle à juste titre Stéphane Hessel dont nous saluons la mémoire « Il faut créer, car résister ne suffit pas ». Reste de cette première expérience le souvenir de tous ces enfants entraînant leurs parents et grands-parents ravis à discuter

autour d'un découpage sur la paix. Reste de cette première expérience le souvenir de tous ces enfants par terre autour d'un grand panneau à construire l'arbre de paix. Reste aussi le souvenir des discussions fructueuses sur les choix éducatifs en faveur de la culture de la paix que beaucoup aimeraient faire sans savoir toujours comment. Reste enfin la volonté de poursuivre cette expérience, de s'engager aussi car l'engagement par l'effet de boule de neige produit de l'engagement, car l'énergie créative des uns produit, comme par effet de magie l'énergie créative des autres. Et puis, rappelons-le, la force des œuvres collectives où plusieurs mains/messages finissent par produire une voix puissante, unique, c'est de recréer, à chaque acte de création, une culture en mouvement, une culture qui est mouvement... une Culture de Paix*. Car la paix, bien loin des recettes, nous avons tous besoin de la créer comme une alternative non seulement plaisante et souhaitable mais avant tout nécessaire à notre survie à tous. A une époque proposant à nos enfants tout un arsenal de jouets sexistes et de guerre... transfor-

mant donc tous nos enfants, virtuellement ou réellement, en enfants soldats... A une époque où l'arme nucléaire reste encore la triste perspective que nos dirigeants semblent offrir aux générations futures pour garantir leur « sécurité », éduquer à la culture de la paix en transformant, chaque enfant en acteur créatif de son devenir est probablement la seule façon responsable de reprendre notre voix d'adulte, de citoyen. La seule façon responsable aussi pour tout éducateur de mettre chaque enfant sur sa voie. En préparant avec lui son demain. Dea Drndarska, conception et animation des ateliers Projet mené en partenariat avec Étienne Charron, responsable du Festival Festimômes * Décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde (2001-2010).

EN SAVOIR PLUS • Pour tout renseignement ou demande d'animation contacter deanika@laposte.net N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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ACTUALITÉ-Jeunes Lycée Esclangon

La solidarité s’invite au Club

Ils sont une douzaine. Ils ont entre 15 et 18 ans et sont lycéens à Manosque (04). Avec l’aide de leur CPE, ils ont créé un « Club solidarité ». Loin des clichés d’une jeunesse oisive et désabusée, ils débordent d’énergie solidaire.

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N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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ous les avons rencontrés à l’occasion de l’Assemblée générale du comité de Manosque du Mouvement de la Paix. Cette bande de jeunes s’affairent aux dernières mises au point de ce qu’ils ont préparé pour l’occasion. C’est un grand jour : ils vont tester pour la première fois les réactions d’un public aux tableaux successifs qu’ils ont créés sur le thème de l’égalité homme-femme. Pour Cénécia, jeune fille de 15 ans, sa motivation réside « dans l’aide qu’on apporte aux autres et à la sensibilisation que nous mettons en œuvre ». Elle raconte la mise en place d’une bibliothèque sonore et poursuit « avec le club Solidarité, on apporte de l’aide aux gens et on les soulage ». Dylan, celui que tous considèrent comme le porte-parole de la joyeuse troupe explique la genèse de leur projet « en janvier 2012, nous avons lancé une collecte pour le Burkina Faso. On ne savait pas trop ce que cela allait donner ». En juin de la même année, c’est un vide-grenier que les jeunes proposent, toujours pour soutenir des projets au Burkina-Faso. « Suite à ces actions, le club Solidarité devient très connu » raconte Dylan et « les adhésions affluent ». Aussi, dès la rentrée de septembre, ils reprennent l’action dans trois directions, « le lycée, la ville de Manosque et au niveau international » précise Dylan. Le Club s’engage dans la Journée internationale de la Paix du 21 septembre. Ils organisent un lâcher de ballon avec le mot Paix écrit dans 50 langues. La presse s’en fait écho et les jeunes prennent confiance. Ils s’engagent alors dans des ventes de brioches au profit de l’UNAPEI (association de parents d’enfants handicapés) et vont prêter mains

fortes au Resto du Cœur. C’est pour la semaine de la solidarité internationale que le contact avec le Mouvement de la Paix se confirme, suite au 21 septembre. Pour l’occasion, ils se lancent dans le théâtre. Prenant connaissance des huit domaines d’action de la Culture de la Paix, ils décident d’écrire et de jouer sur le thème de l’égalité homme-femme. « Nous sommes curieux de savoir comment les jeunes ressentent le sujet » indique Michèle Tripon la présidente du comité local du Mouvement de la Paix qui a tissé des liens avec Dylan et sa bande. Laure Ramel, la Conseillère principale d’éducation qui les entoure précise « Ils y mettent tout leur cœur et tout leur dynamisme. C’est un engagement fort qui leur donne du sens. Ils sont portés par ces valeurs humaines et solidaires ». Alors, au cours des tableaux respectifs, ils ne lésinent sur rien pour interpeller le public sur les intolérables inégalités entre les femmes et les hommes. Commençant sur une parodie de l’école de fans au cours de laquelle une petite fille se verra offrir un bel aspirateur « pour faire comme maman », c’est au stéréotype de base du « Macho-men » qu’ils s’en prennent. Sans oublier les violences conjugales, dont sont victimes les femmes … et les hommes, ou les différences de salaires « normales puisque vous êtes des femmes » s’exclamera un personnage sous les huées du public. Reprenant la technique du théâtre Forum, deux jeunes - faisant office du chœur des tragédies grecques - n’hésitent pas à remettre la scène à plat pour envisager une autre issue que celle proposée. Mais le projet des jeunes ne s’arrête pas là. Leur prochaine étape consiste à se rendre à l’Onu à Genève pour présenter leur travail à l’institution internationale. Pour ce faire, le Mouvement de la Paix a mis à leur disposition ses contacts et les jeunes du Club Solidarité ont invité Pierre Villard, qui a conduit de nombreuses délégations de jeunes à l’Onu, pour les rencontrer dans leur établissement scolaire. Laurent Brunel L’équipe au complet : Jordan Foulon (16 ans), Mehdi Gherbi (16 ans), Cassandra Brotel (17 ans), Cénécia Commain (15 ans), Leïla Bazine (17 ans), Julie Ramel (9 ans) Dylan Carcelen (17 ans), Alice Ballon (15 ans), Alexia Blick (16 ans), Alain Ramel (16 ans), Simon Marti (18 ans), Cédric Commain (11 ans), Laure Ramel (CPE), Alex Ramel (professeur de philosophie).


ACTUALITÉ-Jeunes Le web journal des jeunes pacifistes

‘‘ Foutez-nous la Paix ! ’’

C

omment est née l'idée de ce web journal ?

Un web journal

jour à l'initiative de

la Paix ! », c'est de devenir un forum, un chantier collectif pour les jeunes pacifistes du monde entier. Il doit être un outil pour fédérer le réseau de jeunes pacifistes et c'est d'ailleurs pour cela qu'il existe aussi une version en anglais.

jeunes pacifistes du

Quel est le contenu de votre web journal ?

Lors de la Rencontre internationale de jeunes qui s'est tenue dans la Nièvre en 2011, nous avions fait un petit bulletin qui paraissait tous les deux jours et qui donnait la parole aux participants. Nous voulions que chacun puisse y participer sous la forme d'articles, d'écrits poétiques, d'interviews. Le but était d'approfondir et de garder une trace écrite du bouillonnement de notre réflexion pendant ces quelques jours de rencontre. Je pense que ceux qui y ont participé ont globalement gardé un bon souvenir de cette réalisation coopérative, nous souhaitions réanimer cette dynamique dans « Foutez-nous la Paix » !

vient de voir le

Pourquoi ce titre ?

réseau de jeunes

Nous sommes contre l'image des pacifistes contemplatifs et doux rêveurs. Le monde actuel où l'injustice et la violence sont omniprésentes nous est insupportable, nous voulons non seulement le dénoncer mais aussi être les acteurs de la création d'une alternative. Puisqu'on ne donne que rarement la parole aux pacifistes, nous avons décidé de la prendre.

Qui a participé à ce premier numéro ? C'est le résultat d'un vrai travail collectif. Nous sommes une petite équipe de jeunes militants du Mouvement de la Paix ou non. Chacun a mis ses compétences au service de la création du journal pour écrire, mettre en forme, traduire... Nous avons essayé de mettre nos idées en commun pour donner une vision d'ensemble de ce que peut signifier la paix à notre sens. C'est à dire un concept aux facettes multiples qui suivent les 8 points de la culture de la Paix et plus encore. Nous avons sollicité des jeunes pacifistes hors de France que nous avions dans nos contacts afin qu'ils écrivent sur les sujets qui les concernent. Par exemple, des amies népalaises d'une association en faveur des femmes nous ont envoyé un article très complet sur la situation des femmes dans leur pays.

monde entier. Il vise à devenir un outil de communication et faire vivre un

impliqués dans de la culture de paix à l'échelle internationale. Retour sur sa naissance avec

« Foutez nous la Paix ! » s'organise en 3 parties : la première est constituée d'articles de fond, la seconde est une « tribune libre », on y expose des points de vues, des coups de gueule, des brèves, nous espérons en faire un espace de débat, la dernière enfin est davantage tournée vers la création pour la paix (la musique, la littérature, l'humour aussi...). Mais pour en savoir plus, l'idéal est de le lire ! Nous avons crée un espace de discussion sur le forum du Mouvement de la Paix pour favoriser l'expression des avis des uns et des autres, la critique, l'envoi de nouveaux articles. Nous voulons rendre ce travail le plus interactif possible.

Quelle sera la suite ? Nous réfléchissons déjà au deuxième numéro et commençons à récolter des articles, nous pensons ajouter un dossier sur un thème choisi dans chaque parution. Pour la prochaine ce sera le street art et la Paix. Nous invitons chacun à participer ! Propos recueillis par Pierre Villard

Aurélie Royon, coprésidente du Mouvement

EN SAVOIR PLUS • www.mvtpaix.org/fichiersdownload/actualite/ FouteznouslaPaixn1-Fevrier2013.pdf

de la Paix.

Quel lectorat visez-vous ? Tous ceux qui sont intéressés par les idées de paix ! Mais finalement, plus qu'un lectorat, ce sont de futurs participants au journal que nous cherchons, nous voulons que nos lecteurs soient aussi les acteurs de la réflexion. Le but réel de « Foutez-nous N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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ACTUALITÉ-Jeunes Éducation nouvelle, culture de paix

Quels apports réciproques ? « L’enfant n’est pas un vase qu’on remplit mais un feu qu’on allume ». Cette citation, issue de la pensée humaniste du XVIème siècle fonde la doctrine de l’Éducation nouvelle où le savoir est un facteur de progrès global. Cette ouverture de la pédagogie rencontre la culture de paix pour la saine émulation.

C

ulture de paix et Éducation nouvelle1, comme deux bonnes fées, ouvrent sur des mondes dont on rêve mais dont on a du mal à imaginer le contenu possible. Elles sont d'abord des actes de résistance à la pensée dominante. Pour l'Éducation nouvelle, le pari du « tous capables » est fondateur. Il est lié avec le refus des supposés handicaps sociaux, culturels, économiques, linguistiques. L'Éducation nouvelle fait de l'autre un pair, un partenaire, un acteur au même titre que soi. Le principe étant posé, comment le faire exister ? C'est le grand défi : que les pratiques soient à la hauteur des valeurs et des principes, que la question des valeurs soit présente concrètement, en pédagogie évidemment, mais aussi dans le travail social, la culture, l'entreprise, la démocratie, la gestion de la Cité. L'Éducation nouvelle, comme la Culture de paix, s'inventent au quotidien. Elles supposent de la pensée divergente, des coopérations, des rencontres. L'Unesco2 nous indique le point névralgique : « les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix… » Voilà pourquoi, dans un livre récent 3, nous avons décrit différentes mises en situation, à vivre ensemble dans un laps de temps de quelques heures à quelques jours : des situations de réflexion et de création pour enfants, adultes, pro-

fessionnels, citoyens. Toutes autour de la question du partage des savoirs et de l'imaginaire. Nous y explorons la relation, le « rapport à l'autre », sous trois aspects : • Prendre « l'option d'autrui » : « l'autre » au quotidien ; « l'autre » porteur de mythe nationaux et de symboles ; « l'autre » dans sa langue (la question de la traduction); « l'autre » comme interlocuteur dans la création écrite et plastique. • Face aux savoirs de « l'autre », l'importance de questionner, chercher, faire sa place à l'imaginaire. Des ateliers d'histoire, de géographie, d'anthropologie (la notion d'identité terrienne – cf. Edgar Morin). • Entre passé, présent et futur : des ateliers autour de la transmission / réappropriation des savoirs et des cultures entre les générations. Une hypothèse traverse l'ensemble : c'est au quotidien, à travers les ateliers, les échanges, les débats, que se développe une Culture de paix de terrain qui étaye les pratiques militantes, transforme les relations entre les citoyens et refonde les gestes professionnels. De l'école à la fac, de la famille au quartier, du travail au loisir, se mettent ainsi en place des coopérations et finalement de nouvelles manières de faire société. L'espoir est qu'elles se diffusent et finissent par interroger la conduite des pays, des nations, des continents. Odette et Michel Neumayer 1

L’Éducation nouvelle, née au début du XXème siècle, a

compté parmi ses membres des chercheurs en éducation Atelier d'écriture d'Odette et Michel Neumayer, octobre 2007

comme Claparède, Makarenko, Montessori, Langevin, Freinet, Decroly, Wallon, Piaget, etc. "Préparer, chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir son devoir envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme", est un de ses fondements. Cf. www.lelien.org, site du Lien International de l’Éducation Nouvelle et www.gfen.asso.org, site du GFEN. 2

L'Unesco dans son appel pour la "Décennie internationale

de la Promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde," (2001-2010). 3

O. M. Neumayer, 15 ateliers pour une Culture de paix,

Chronique sociale, 2010. Voir aussi www.cultiverlapaix.org qui rend compte du travail de terrain mené dans notre ville avec des enseignants, animateurs de Maisons de quartier et acteurs culturels.

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ACTUALITÉ Kurdistan/Turquie

De fragiles négociations Trois militantes kurdes ont été assassinées dans la nuit du 9 au 10 janvier dernier alors que les négociations venaient de s'ouvrir entre le PKK et le gouvernement turc... État des lieux.

T

rois militantes kurdes, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylemez ont été retrouvées mortes dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013 dans les locaux du Centre d’information du Kurdistan à Paris. Co-fondatrice du PKK avec Abdullah Öçalan, Sakine a été sans doute la cible principale des assassinats. Mais c’est aussi frapper l’organisation française dont Fidan était un maillon incontournable. L’objectif de ces meurtres est certainement de compromettre les négociations qu’Abdullah Öcalan mène de sa prison de l’île d’Imrali avec les services secrets turcs, alors qu’on venait tout juste d’apprendre qu’un accord était en vue. Mais c’est également frapper la Turquie toute entière dans cette négociation avec le chef du PKK : l’enjeu est la fin d’un conflit qui dure depuis 40 ans et qui a fait des dizaines de milliers de morts. A ce jour, l’enquête n’a pas apporté d’éléments très probants. Un homme été mis en examen. Il n’est pas kurde mais un turc proche de l’extrême droite et qui depuis un an participe à des activités des kurdes en France. Selon la police, ses empreintes ont été retrouvées dans le bureau où ont eu lieu les meurtres et il apparait sur des bandes vidéo de surveillance. Les Kurdes le suspectent d’appartenir à un des multiples services secrets turcs mais les informations complémentaires que la police française a demandées à la Tur-

quie n’ont pas été communiquées. Il nie sa participation aux meurtres. Bref, rien de bien décisif dans les éléments que la police a fournis aux organisations kurdes. Il est avéré que les trois femmes avaient un rendez-vous avec un émissaire secret. Envoyé par qui et à quel sujet ? Ces émissaires sont-ils les assassins ou bien d’autres se sont-ils fait passer pour eux ? On imagine évidemment qu’il s’agissait de représentants du gouvernement turc. Mais alors que le Premier ministre turc souhaite négocier, il n’y a aucune raison qu’il ait envoyé des tueurs. Qui avait donc intérêt à saper ce processus de recherche de paix ? Deux pistes semblent les plus sérieuses : une action provenant des milieux turcs d’extrême droite dont on sait qu’ils ont des connexions en Europe (Loups Gris ou membres de Glaudio liés à l’Otan ?) ou une initiative de la Syrie. L’hypothèse d’un règlement de comptes interne au PKK n’a jamais eu de crédibilité. L’intérêt pour Damas est évident à un moment où la zone kurde syrienne met en place une administration autonome en liaison avec le PKK et les kurdes irakiens. Si le processus de paix échoue, Damas peut continuer à user de la carte kurde dans son bras de fer avec Ankara. Le gouvernement turc a interrompu les discussions tant que le résultat de l’enquête en

cours n’est pas connu. Ce qui risque d’être long ! Ces assassinats ont apporté une très grande émotion en France et à l’étranger. Des manifestations et des rassemblements ont été organisés à Paris et dans plusieurs villes de province. Les femmes kurdes de Paris ont décidé de se rassembler chaque mercredi matin devant le siège du CIK, 147, rue Lafayette à Paris, en hommage aux trois militantes et pour réclamer que toute la lumière soit faite Le gouvernement français se doit d’assurer une protection efficace aux Kurdes vivant en France et ayant le statut de réfugiés politiques. D’autre part, il est urgent que le PKK sorte de la liste des organisations « terroristes », d’abord parce c’est une étiquette erronée pour une organisation de résistants qui a déclaré unilatéralement il y a 10 ans un cessez-le-feu mais aussi parce que cela met encore plus d’huile sur le feu. Un apaisement de la question kurde, posée depuis bientôt un siècle avec la chute de l’empire ottoman, est essentiel pour faire baisser la tension dans cette région du monde. La France devrait abandonner sa position de soutien inconditionnel aux positions turques les plus extrêmes vis-à-vis du PKK et qu’elle apporte un appui positif au processus de paix. Yves-Jean Gallas N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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En bref Commerce des armes

Il s'est tenu il y a peu à Abou Dhabi le plus grand salon de l'armement du monde, l'IDEX (ou International Défense Exhibition and Conférence), avec 1100 exposants, le plus grand pavillon étant celui de l'Allemagne (nouvelle irruption de l'Allemagne d'Angela Merkel dans le club fermé des grands exportateurs d'armes du monde, qui occupe désormais la 3ème place). N'importe qui - y compris des groupes terroristes ou sécessionnistes, comme ceux de l'est du Congo - peut s'y fournir en armes et munitions sans encombres... à la seule condition de payer.

Le Dignité Al Karama La campagne « Un bateau français pour Gaza menée en 2011 a rencontré un large succès dans l’opinion publique. Le Mouvement de la paix y a grandement contribué. On connait la suite : tous les bateaux de la flottille internationale qui devaient partir de Grèce on été empêchés par le gouvernement grec de quitter le port. Seul un des bateaux français, le

bateau, a attaqué l’État d’Israël devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour que le Dignité Al Karama soit rendu à ses propriétaires, c'est-à-dire les milliers de donateurs de la campagne du bateau français pour Gaza et que des dédommagements soient versés pour le préjudice subi. Pour arriver à faire reconnaître notre bon droit par le Tribunal, les démarches judiciaires doivent être accom-

Jeu interactif/Unesco/Éducation

Imaginez une enfant qui commence l’école en Mauritanie. Quelles sont ses chances de poursuivre des études au-delà du primaire et d’entrer dans le secondaire ou même d’accéder à l’université ? Est-ce qu’elle aura d’aussi bons résultats, ou même de meilleurs résultats, que les garçons de sa classe ? Pour trouver les réponses à ces questions, Genre et éducation – ‘‘À quand l’égalité ?’’, un nouveau jeu en ligne, entraîne les joueurs dans un voyage interactif au cours duquel ils peuvent explorer et comparer les parcours éducatifs offerts aux filles et aux femmes du monde entier. Élaboré par l’Institut de statistique de l’Unesco (ISU) pour

marquer la Journée internationale de la femme (8 mars), le jeu invite les joueurs à se plonger dans les données sur l’éducation d’environ 200 pays et territoires, et souligne les disparités entre les genres dans le primaire, le secondaire et le supérieur. Disponible en anglais, en espagnol et en français, ‘‘À quand l’égalité ?’’ s’adresse à un large public, de tous les âges, notamment aux élèves, enseignants et défenseurs de l’égalité des sexes, qui ont envie d’en savoir plus sur les progrès et les disparités observés en matière d’éducation des femmes. Pour jouer : www.uis.unesco. org/mind-the-gapFR

L’avenir de l’ïle de Jeju, en Corée du Sud

Dignité Al Karama, a pu arriver à proximité des côtes de Gaza. Le Dignité, battant pavillon français, a été arraisonné par les forces navales israéliennes le mardi 19 juillet 2011 dans les eaux internationales, au mépris du droit international sur la libre circulation maritime. Le bateau est retenu depuis plus d‘un an et demi en toute illégalité dans un port israélien. L’association « Les amis de la Méditerranée », propriétaire du 12

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pagnées d’une campagne de soutien de l’opinion publique la plus large possible. L’audience durant laquelle cette affaire sera jugée est fixée au 13 mars. Elle sera accompagnée d’un rassemblement de soutien. Des messages peuvent d’ores et déjà être signés. Ils seront remis au Président du Tribunal. Toute information sur cette campagne juridique : site du Mouvement de la paix www.mvtpais.org.

La candidate du Parti conservateur Saenuri, Park Geun-Hye, a été élue [même s’il ya encore quelques doutes quant à l'équité de l'élection] présidente de la République sud-coréenne le 19 décembre 2012. Park veut faire de ’île de Jeju un « Hawaii 2 ». La construction donc de la base navale dans le village de Ganjeong, qui accueillera l’armée américaine, va se poursuivre. Park Geun-Hye a également exprimé son intérêt pour l’alliance entre la République de Corée et les États-Unis et pour une coopération de

sécurité entre la République de Corée du Sud et le Japon, « qui donnera de la souplesse supplémentaire à l'alliance militaire trilatérale des États de Corée du Sud, États-Unis et Japon. »


DOSSIER

Les conséquences humanitaires des armes nucléaires

• La société civile

Un tsunami à Oslo • Hiver nucléaire

Les conséquences seront irréversibles… • Radioactivité

L'empoisonnement du corps humain • Famine nucléaire

Réactions sans frontières • Armes nucléaires et sécurité

Mensonges et réalités atomiques • Appel aux chefs d'États

‘‘ Il est temps d'agir’’

« Je suis Shiva, le destructeur de mondes.» Attribuée à Oppenheimer, le père de la première bombe atomique, cette phrase donne la mesure de la puissance d'une telle arme. Ses deux seules utilisations lors de combats réels en août 1944 ont ouvert une nouvelle ère diplomatique, reposant sur les menaces réciproques des pays capables de la développer. Les traités internationaux qui limitent leur prolifération semblent en fait garder le rang de puissance atomique à quelques pays industrialisés qui jouent à se faire peur. Le paradoxe est le suivant : faut-il la plus terrible des armes pour assurer notre sécurité en faisant abstraction des conséquences humanitaires ? N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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DOSSIER

L es c o nsé q uences h uman

La société civile

Un tsunami à Oslo

Réunion à Oslo de la délégation du Mouvement de la Paix avec Arielle Denis (2ème à gauche), directrice de la campagne ICAN pour l'Europe, Proche-Orient et Afrique

Le gouvernement norvégien a organisé une conférence internationale sur l'impact humanitaire des armes nucléaires en mars dernier à Oslo. 132 pays y étaient présents ainsi que des organisations internationales et des représentants de la société civile.

EN SAVOIR PLUS • www.sipri.og • www.goodbyenuk.es 14

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L

'objectif affiché du gouvernement norvégien était de mettre à la disposition de la communauté internationale un forum de discussion fondé sur les faits et les études menées sur les conséquences humanitaires qui résulteraient d'une détonation d'arme nucléaire. La conférence a donné lieu à trois séances de travail sur l'impact immédiat, les effets à long terme et les éventuelles mesures de protection. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il existe peu d'études menées par les Etats sur les conséquences d'une explosion nucléaire. Pourtant, le SIPRI estime qu'il existe 19 000 bombes atomiques et les souffrances qu'une seule d'entre elles peut causer sont indicibles à l'image des atroces témoignages des survivants d'Hiroshima et Nagasaki et des victimes des essais nucléaires.

Changer le discours sur les armes nucléaires L'objectif essentiel de la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), qui a coordonné la contribution de la société civile, était d'amener les gouvernements à reconnaître que les conséquences humanitaires des armes nucléaires rendent ces armes inacceptables. Elle voulait également montrer que cette approche humanitaire menant à un traité d'interdiction est le moyen le plus efficace pour empêcher leur utilisation, leur prolifération et conduire à leur élimination. Mais il faut d'abord prendre la mesure de ces armes pour ce qu'elles sont, c'est pour cela que la Conférence d'Oslo était si importante. Au fil du temps, la crainte qu'inspirent les armes nucléaires s'est estompée, très peu d'agences nationales ou internationales chargées de la sécurité ont étudié cette menace. C'est une nouvelle culture qu'il s'agit de propager en regard de la culture qui domine trop souvent aujourd'hui, où les armes nucléaires

sont encore considérées comme les garantes de la sécurité d'un pays, ainsi qu'en témoigne le récent essai nucléaire de la Corée du Nord.

Un nouvel espace politique Dévaluer l'arme nucléaire, démasquer ses conséquences, montrer qu'aucun pays ne peut l'utiliser sans en ressentir les effets lui même et être mis au ban de l'humanité, voilà à quoi se sont employées les centaines de participants au Forum de la société civile qui se sont rencontrés les 2 et 3 mars. Ce Forum a porté la conviction qu'il est possible à un mouvement uni et déterminé de la société civile d'entraîner tous les acteurs vers un traité d'interdiction. Ce qu'il faut, c'est un nouvel espace politique, appuyé sur l'approche humanitaire, établissant que les conséquences de ces armes sont tellement inacceptables qu'elles justifient leur interdiction. Les traités de désarmement humanitaire obtenus de haute lutte pour les mines antipersonnel et les bombes à sous munitions ont suivi la même logique, créant au fil des réunions la stigmatisation des armes concernées. Pour créer cet espace, il faut un véritable mouvement de la société civile. Au cours des derniers mois de nouvelles ONG on rejoint la Campagne, la Croix Rouge a mobilisé ses réseaux et des agences de l'Onu comme le PNUD1 ou la FAO2 sont venus témoigner à Oslo. Comment ouvrir un tel espace politique de débat et de pression dans un pays comme la France ? Les délégués qui se sont rendus à Oslo avec le Mouvement de la Paix ont eu à cœur d'y apporter des réponses. Arielle Denis 1

Programme des Nations unies pour le développement

2

Organisation des Nations unies pour l'alimentation et

l'agriculture


uman i t a i res des armes nucléa i res Hiver nucléaire

Les conséquences seront irréversibles…

I

l est temps que nos responsables politiques nationaux et locaux (les maires en particulier) prennent conscience que les armes nucléaires posent toujours un danger pour la survie de l’humanité. Les conséquences humanitaires d’une catastrophe nucléaire ont fait l’objet d’une conférence intergouvernementale en Norvège, souhaitons que cette réflexion se prolonge en France. Le risque est plus diffus, moins présent dans l’esprit de l’opinion publique. Pourtant, il existe. Plus d’une fois, l’humanité a frôlé la catastrophe nucléaire (crise de Cuba -1962, Able Archer-1983, fausse attaque américaine par un radar russe en 1995, ….). Mais que se passera t-il après ? Qu’adviendra t-il du monde ? Ce sujet fait l’objet de très peu de communication. Pourtant il est essentiel de bien comprendre les conséquences de l’utilisation de ce type d’arme ; car c’est certainement en dévoilant pleinement ces effets humanitaires, sanitaires et environnementaux que l’opinion publique et ses élus s’interrogeront et entameront un changement de comportement. Les informations concernant les conséquences d’une explosion nucléaire restent souvent floues. Mais, une chose est sûre, une explosion nucléaire produit des destructions immédiates ; toute vie étant automatiquement brûlée par l’énergie libérée sous la forme d’une boule de feu. L’atmosphère est également enveloppée dans un nuage de poussières radioactives pendant plusieurs dizaines de jours ou de mois. D’éminents scientifiques (entre autres G. Stenchikov, P. Crutzen, C. Sagan, R. Turco) ont ainsi calculé, au début des années 1980, le développement d’un « hiver nucléaire », faisant suite à la déflagration de plusieurs centaines de bombes atomiques. Cela se traduirait par un assombrissement de tout ou partie de la planète, entraînant une forte baisse des températures et une dégradation de la vie. À partir de là, le schéma est extrêmement simple : sans soleil, la photosynthèse ne fonctionne plus, les plantes ne poussent plus et meurent. Sans végétation, l’ensemble des espèces animales s’éteindrait peu à peu. L’homme privé de ressources alimentaires végétales, animales, voire halieutiques, aurait bien du mal à survivre. Quant à son modèle de développement économique, celui-ci s’écroulerait. Ces

L'hiver nucléaire est un terme qui décrit les effets climatiques d'une guerre nucléaire. Temps très froid, moins de soleil, pour une très longue période. Jean-Marie Collin, directeur France des Parlementaires pour la Nonprolifération Nucléaire et le Désarmement, en explique les raisons.

EN SAVOIR PLUS • http://alternatives-economiques. fr/blogs/collin/ • Jean-Marie Collin est co-auteur avec P. Quilès et B. Norlain de « Arrêtez la Bombe ! ». Éd. Le Cherche Midi, février 2013

conditions perdureraient plusieurs mois, réduisant à néant la société telle que nous la connaissons. Ce scénario catastrophique était basé sur l’utilisation de 5 000 Mt de bombes nucléaires, sur l’Occident et l’Asie, soit une guerre nucléaire mondiale. Force est de constater que 20 ans plus tard, de nouveaux scénarios ont montré qu’une guerre nucléaire régionale et même locale (attentat nucléaire sur une mégalopole) aurait aussi des effets dont les limites ne sont connues que par des modèles mathématiques ! Le risque est réel, contrairement à ce qu’indiquent les autorités politiques françaises. Tentons d’imaginez qu’elles seraient les conséquences d’une attaque nucléaire nord-coréenne sur Séoul… La menace d’un hiver nucléaire plane toujours sur le monde, en dépit des alertes de plus en plus nombreuses lancées par la société civile. Tout comme le réchauffement climatique, nous ne percevons pas réellement cette menace d’un hiver nucléaire, mais quand cela nous frappera, il sera trop tard. Jean-Marie Collin N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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DOSSIER

L es c o nsé q uences h uman

Radioactivité

L'empoisonnement du corps humain L'arme nucléaire utilise l'énergie atomique issue de la libération d'électrons en réaction en chaîne à partir d'un élément lourd comme le plutonium ou l'uranium. Après la déflagration ou lors d'une contamination, cette énergie est invisible à l'œil nu car elle opère à l'échelle moléculaire. Ses effets sont quant à eux bien visibles.

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différés. Les effets aigus sont observés sur les victimes directes d'une explosion, les taux de radioactivité devant dépasser les 5 grays. L'exposition à des doses élevées de radiations (au delà de 50 grays) provoque la mort en quelques heures par la destruction des systèmes vasculaires, provoquant des œdèmes et des attaques. Entre 40 et 10 grays, le décès survient en quelques dizaines de jours, suite à la destruction de la moelle osseuse, usine des défenses immunitaires. Les taux entre 15 et 5 grays ont le même effet sur la moelle osseuse, mais en 4 à 5 semaines. Sans traitement, les individus exposés à des doses entre 3 et 5 grays sont condamnés. Les effets différés concernent des populations exposées longuement à des radiations à des doses faibles. Les cellules sont endommagées par les rayonnements mais ne meurent pas, développant des mutations génétiques pouvant conduire à l'apparition de cancers. Les tissus mous comme ceux de la thyroïde sont les premiers à emmagasiner les particules radioactives, ce qui conduit en premier lieu à une augmentaPas bombe atomique tion des cancers thyroïdiques. Des années après es émissions radioactives pénètrent l'orga- l'exposition, un corps contaminé par la radioactivité nisme et viennent frapper les brins d'ADN est susceptible de développer des cancers et bien que et les modifient. Lorsque ces modifications ces mutations cellulaires ne soient pas distinguables sont trop importantes, les cellules sont dé- de celles induites naturellement, on observe une retruites ou mutent. Les symptômes d'un empoisonne- crudescence de ces maladies dans les zones polluées ment aux radiations sont : un goût de métal sur la par la radioactivité. langue, des vertiges, des nausées, des diarrhées et des Lorsqu'elles touchent les organes sexuels, les rasuées abondantes. Un contact avec de la matière fis- diations peuvent perturber le génome des cellules sible occasionne des brûlures de la peau allant jusqu'à sexuelles (spermatozoïdes et ovules) et ensuite prola desquamation. L'impact des rayonnements ra- duire des malformations fœtales graves, en particudioactifs sur les corps organiques se mesure en gray, lier quand les deux parents ont été exposés. qui exprime la quantité de rayonnement absorbable Lorsque l'environnement est contaminé par des par un kilo de matière organique homogène. Les te- composés radioactifs, le phénomène de concentranants et les aboutissants de cette unité étant réservés tion suit la chaîne alimentaire : plus une espèce aux scientifiques, retenons que : une seule exposition consomme de biomasse, plus elle va être exposée. à plus de 5 gray est mortelle et qu'un rayonnement Les cas d'empoisonnement sont les plus nombreux de moins d'un gray modifie les comportements cellu- chez les espèces dominant la chaîne alimentaire, laires lorsque la contamination est prolongée. comme les humains par exemple. Les effets des radiations nucléaires sur le corps humain se classent en deux catégories : aigus et Grégoire Desclaux

L


uman i t a i res des armes nucléa i res Famine nucléaire

Réactions sans frontières Si la mortalité directe attribuée à « une guerre nucléaire à grande échelle » a été évaluée à plusieurs centaines de millions personnes,

A

u cours des dernières années, un certain nombre d’études ont montré qu’une guerre nucléaire régionale entre l'Inde et le Pakistan causerait des perturbations climatiques importantes dans le monde entier. Deux études publiées cette année examinent l’impact sur la production agricole qui résulterait de ce dérèglement climatique. Aux États-Unis, la production de maïs devrait baisser en moyenne de 10% pendant toute une décennie, avec la plus forte baisse, d'environ 20%, en 5 ans. Il y aurait une baisse similaire de la production de soja, avec, à nouveau, la perte la plus forte, environ 20%, en 5 ans. Une deuxième étude a révélé une baisse significative de la production de riz en Chine, en saison

Les importants et soutenus déficits agricoles sur une période prolongée conduiraient presque certainement à céder à la panique et la thésaurisation à l'échelle internationale. Les nations exportatrices de produits alimentaires suspendront leurs exportations afin d'assurer des approvisionnements alimentaires adéquats pour leurs propres populations. Cette effervescence dans les marchés agricole réduirait encore plus l'accès à la nourriture. Les 925 millions de personnes dans le monde qui souffrent de malnutrition chronique ont une consommation de référence de 1.750 calories par jour voire moins. Même une baisse de 10% de leur consommation alimentaire mettrait toutes ces personnes en danger. En outre, l’anticipation de la suspension des

la crise alimentaire et sanitaire provoquerait la mort de un à quatre milliards de personnes. Explication avec Ira Helfand, médecin Scène de pénuries alimentaires

au Massachusetts, membre de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire.

moyenne. Au cours des 4 premières années, après une explosion nucléaire la production de riz devrait diminuer en moyenne de 21% ; au cours des 6 années suivantes, la baisse serait en moyenne de 10%. La baisse de la nourriture disponible serait exacerbée par l'augmentation des prix des denrées alimentaires qui rendrait la nourriture inaccessible à des centaines de millions de personnes, les plus pauvres du monde. Même si les marchés agricoles continuent de fonctionner normalement, 215 millions de personnes seraient ajoutées à celles déjà existantes, souffrant de la malnutrition au cours d'une décennie. Cependant, les marchés ne fonctionneraient pas normalement et les effets domino d’une crise alimentaire sur d’autres secteurs sont difficiles à prévoir.

exportations de céréales des pays émergeants mettrait en péril l'approvisionnement alimentaire de plusieurs centaines millions de personnes supplémentaires qui ont une nutrition adéquate aujourd'hui, mais qui vivent dans des pays qui sont fortement tributaires des importations de produits alimentaires. Le nombre de personnes menacées par la famine induite par la guerre nucléaire serait bien plus d'un milliard. Ces études démontrent la nécessité de plus recherche et soulignent le besoin urgent d’arriver le plus rapidement possible à la négociation d'une convention sur les armes nucléaires qui permettrait d'éliminer le danger d'une guerre nucléaire. Ira Helfand N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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DOSSIER

L es c o nsé q uences h uman

Armes nucléaires et sécurité

Mensonges et réalités atomiques

C

e n’est pas parce qu’on ne parle pas d’un danger qu’il n’existe pas, comme celui de l’arme atomique, parée des plus belles vertus par les quelque gouvernements qui la détiennent encore. Point encourageant, il y a davantage d’États qui ont renoncé à acquérir ou à développer l’arme atomique que d’États qui s’en sont dotés depuis les années 90. La vérité, c’est que l’arme atomique est dangereuse et qu’elle n’assure la sécurité de personne. Pire, elle constitue une épée de Damoclès qui vacille au-dessus de nos têtes. On peut dormir tranquille au pied d’un volcan, et risquer sa vie car celui-ci se réveille de manière inattendue. On peut dormir tranquille au bord d’une plage, et risquer sa vie car un tsunami inattendu se forme. Dans un cas comme dans l’autre, on peut mettre la catastrophe et ses conséquences sur le compte de forces naturelles, contre lesquelles l’Homme n’a jamais rien pu faire. Mais alors que l’intelligence des hommes et des femmes et l’avancée des savoirs, ont permis de prévoir les irruptions volcaniques et les tsunamis afin de protéger les populations, de grossiers mensonges entourent la réalité des armes atomiques et les conséquences de leur utilisation. L'écriture de « pour en finir avec l’arme nucléaire » a mis au jour de nombreux accidents auxquels nous avons échappés de justesse. La population provençale connaît-elle la capacité de destruction des têtes nucléaires embarquées sur les mirages qui stationnent sur la base militaire d’Istres, au bord de l’étang-de-Berre ? De quelles informations disposent les habitants du Finistère coincés entre les missiles embarqués sur les Rafales de Landivisiau et ceux embarqués dans les sous-marins de l’Ile-Longue ? Si ces armes atomiques sont si bénéfiques pour la civilisation humaine, alors pourquoi les refuser aux autres États ? Au nom de quelle morale, neuf États disposeraient du droit de mort sur les 184 autres ? « Parce nous sommes des démocraties et que nous ne voulons pas nous en servir » répondent en chœur les États-dotés de l’arme atomique. Mais personne ne peut prédire l’avenir démocratique de quelque État que ce soit. La réalité des armes atomiques, c’est qu’elles 20

N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

La présentant comme une assurance-vie ou un mal nécessaire, les partisans de la domination atomique cachent la réalité de cette arme abominable, capable à elle seule de mettre un terme à notre civilisation. Pierre Villard, auteur de « Pour en finir avec l’arme nucléaire » dénonce ici ce mensonge d’État et redonne la réalité de l’arme atomique.

hiérarchisent les relations internationales et que les États qui en disposent s’en servent comme outil de domination. Mais le monde change, et de nombreuses voix dénoncent cette injustice. Si une bombe atomique venait à exploser près de chez vous, nul besoin d’appeler votre médecin, il sera dans le même état que vous. Les secours seront inopérants, les hôpitaux et casernes de pompiers détruites. L’opacité des nuages de fumée mettra un terme à la photosynthèse provoquant des famines comme viennent de le confirmer les récentes études de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW). C’est en refusant le mensonge permanent et en exigeant un large débat démocratique sur la réalité des conséquences des armes atomiques que nous progresserons vers l’élimination définitive de la menace. Pierre Villard


uman i t a i res des armes nucléa i res Appel aux chefs d'états

‘‘ Il est temps d’agir ’’ à l'occasion de première conférence des États sur l'impact humanitaire des armes nucléaires qui s'est tenue à Oslo, des victimes des bombes d'Hiroshima et Nagasaki et des essais nucléaires se sont adressées dans une lettre ouverte aux chefs d’État présents à cette conférence.

«

Ceux qui oublient les leçons de l'histoire sont condamnés à les répéter. Nous sommes les Hibakusha, survivants des bombes nucléaires utilisées à Hiroshima et Nagasaki et les victimes des essais d'armes nucléaires dans le Pacifique et au Kazakhstan. Notre espoir est que plus jamais personne n'ait à subir les conséquences humanitaires catastrophiques causées par l'utilisation des armes nucléaires. Avec neuf pays qui possèdent aujourd'hui 19.000 armes nucléaires, il semble que le monde court le danger d'oublier les dégâts terribles et irrévocables causés par les armes nucléaires. C'est avec horreur que nous avons pris connaissance du récent essai nucléaire en Corée du Nord. Cela nous rapproche encore de l'utilisation potentielle d'armes nucléaires.

Une catastrophe humanitaire La plupart des armes nucléaires d'aujourd'hui sont beaucoup plus puissantes que la bombe nucléaire d'Hiroshima déclenchée en 1945. L'arme nucléaire d'Hiroshima était d'environ 13 kilotonnes et a tué 118.661 personnes instantanément et blessé grièvement plus de 78.000 personnes. À la fin de 1945, plus de 140.000 personnes avaient été tuées. La plupart de ces décès et les blessures étaient dues aux effets immédiats de l'énorme boule de feu qui montait dans le ciel. Le flash de la chaleur intense a brûlé les gens là où ils se trouvaient, en imprimant leurs ombres sur les murs et en mettant le feu à la ville. L'explosion a déchiré les vêtements des gens et leur chair fondue coulait de leur corps. Elle a réduit en poussière les maisons, les magasins et les bureaux en tuant et en emprisonnant les gens. Puis vinrent les incendies, qui se sont rapidement transformés en une tempête énorme, brûlant et étouffant des milliers d'autres gens.

Puis il y eut les retombées radioactives, tombant en pluie noire et grasse du grand champignon nucléaire. Après certains essais atmosphériques dans les îles du Pacifique, le rayonnement est retombé sous forme de neige blanche duveteuse. Les enfants se sont réjouis et ont joué avec. Des habitants des îles, comme les survivants d'Hiroshima et de Nagasaki, tombèrent malades et moururent d'un empoisonnement à la radioactivité, qu'ils avaient respirée, mangée ou bue et la radioactivité invisible a contaminé nos maisons. Les enfants ont perdu leurs cheveux. Leur peau a éclaté en chéloïdes cancéreuses. Les femmes ont eu des fausses couches ou donné naissance à des "bébés méduses", morts avant d'avoir pu respirer. Cela s'est également produit dans les zones exposées aux retombées radioactives aux États-Unis et sur les sites d'essais soviétiques, bien que cela ait été nié et dissimulé pendant des décennies. Maintenant, nous savons que même des quantités microscopiques de matière radioactive peuvent causer des dommages génétiques et de nombreux types de cancer. Ces effets passent de génération en génération.

Personne n'est en sécurité Après une seule explosion nucléaire, la poussière des fumées va assombrir le ciel pendant des jours, avec des couchers de soleil cramoisis. S'il y avait une guerre nucléaire impliquant une centaine de bombes - une fraction des arsenaux d'aujourd'hui - la suie et la poussière des villes incinérées va circuler autour de la terre, occultant le soleil et assombrissant une grande partie de la terre qui deviendra bien plus froide que la normale. Ce gel mondial pourrait durer de nombreuses années, ce qui perturbera les précipitations et le rythme des saisons, affectant le cycle des saisons et

rendant l'agriculture impossible. On estime qu'un milliard de personnes pourraient mourir de faim dans la première décennie après la « guerre nucléaire limitée ». Beaucoup de ces Hibakusha de la famine nucléaire seront issues de régions comme l'Afrique, l'Asie du Sud-est et l'Amérique latine, qui font partie de Zones libres d'armes nucléaire. La CroixRouge et d'autres organisations d'aide humanitaire seraient rapidement débordées et incapables de fournir une réponse adéquate. Personne sur cette planète ne serait indemne si l'un des neuf pays nucléaires décidait de faire exploser des armes nucléaires. Comment peut-on éviter qu'une telle catastrophe humanitaire ne se produise de notre vivant ? La Croix-Rouge soutient que pour garantir que les armes nucléaires ne soient plus jamais utilisées, les nations du monde doivent « poursuivre de bonne foi et conclure d'urgence et avec détermination les négociations pour interdire l'usage et éliminer complètement les armes nucléaires ».

Il est temps d'agir En prenant en compte les conséquences humanitaires et l'impossibilité de fournir une aide humanitaire efficace aux survivants, les gouvernements doivent se rendre compte que l'interdiction des armes nucléaires est nécessaire pour s'assurer que de telles atrocités ne se produisent jamais à nouveau. Nous lançons un appel aux gouvernements et aux dirigeants de la société civile : n'attendez pas qu'une autre catastrophe nucléaire ne se produire avant d'interdire ces armes de souffrance massive. Cette exigence est née de notre propre expérience. Le temps d'interdire les armes nucléaires est venu. »

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MONDIALISER LA PAIX RÉFÉRENCE

Les arsenaux nucléaires

N

euf pays possèdent ensemble plus de 19.000 armes nucléaires. Les États-Unis et la Russie maintiennent à peu près 2.000 de leurs armes nucléaires en état d'alerte - prêtes à être lancées en quelques minutes au moindre avertissement. La plupart est beaucoup plus puissante que les bombes atomiques larguées sur le Japon en 1945. Une seule ogive nucléaire, si elle explosait sur une grande ville, pourrait tuer des millions de personnes, avec les effets qui persisteraient pendant des décennies. L'échec des puissances nucléaires à désarmer a accru le risque que d'autres pays acquièrent des armes nucléaires. La seule garantie contre la prolifération et l'utilisation des armes nucléaires est de les éliminer sans délai. Bien que les dirigeants de certains pays dotés d'armes nucléaires aient exprimé leur vision d'un monde exempt d'armes nucléaires, ils n'ont pas réussi à développer des plans détaillés en vue d'éliminer leurs arsenaux et les modernisent.

 États-Unis : le premier pays à développer des armes nucléaires et le seul pays à les avoir utilisées dans la guerre. Il dépense plus sur son arsenal nucléaire que tous les autres pays réunis.  8.000 ogives

 France : la plupart de ses têtes nucléaires sont déployées sur des sous-marins équipés de missiles M45 et M51. Un bateau est en patrouille tout temps. Certaines têtes sont également livrables par avion.  300 têtes

 Pakistan : il apporte des améliorations importantes à son arsenal nucléaire et l'infrastructure connexe. Il a augmenté considérablement la taille de son arsenal nucléaire ces dernières années.  90-110 ogives

 Russie : le deuxième pays à développer des armes nucléaires. Elle possède le plus grand arsenal que n'importe qu'el autre pays et investit massivement dans la modernisation de ses ogives et des systèmes de livraison.  10.000 ogives

 Chine : elle dispose d'un arsenal beaucoup plus petit que les États-Unis et la Russie. Ses têtes sont livrables par voie aérienne, terrestre et maritime. Elle ne semble pas augmenter la taille de son arsenal.  240 ogives

 Israël : il a une politique d'ambiguïté quant à son arsenal nucléaire, ni confirmer ou nier son existence. En conséquence, il y a peu d'informations ou de débats à ce sujet.  80 ogives

 Le Royaume-Uni : il dispose d'une flotte de quatre sous-marins nucléaires armés en Ecosse, portant chacun 16 missiles Trident. Il envisage de réformer ses forces nucléaires ou de désarmer.  225 ogives

 Inde : elle a développé des armes nucléaires en violation des engagements de non-prolifération. Elle ne cesse d'augmenter la taille de son arsenal nucléaire et d'améliorer ses capacités de livraison.  80-100 ogives

 Corée du Nord : elle a un jeune programme d'armes nucléaires. Son arsenal comprend probablement moins de 10 ogives. La capacité de les livrer ou pas n'est pas claire.  10 ogives

Au total 19.000 ogives 22

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On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît

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MONDIALISER LA PAIX La Communauté Mission de France

L’arme nucléaire est illégale La Communauté Mission de France (CMdF) est une composante de l’Église Catholique française. Elle est

L

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composée d’environ

a conclusion de la motion adoptée en juillet 2012 est ainsi rédigée : « La CMdF [...] : 1) dit son accord avec la proposition de Convention d'élimination des armes nucléaires présentée à l'Onu par le Costa Rica et la Malaisie, proposition déjà soutenue par 146 États dont le Saint Siège, 2) estime que, dans un souci de cohérence avec cet objectif mondial, le désarmement nucléaire unilatéral de la France doit être envisagé sérieusement 3) demande à la Conférence des évêques de France de se saisir rapidement de cette question et souhaite qu'ils osent prendre une position qui aille dans le sens des demandes formulées ci-dessus ».

700 personnes :

Cette motion a été validée par la commission épiscopale chargée de suivre les orientations prises par la Communauté Mission de France. Historiquement la Mission de France avait déjà pris position à plusieurs reprises, en 1989, puis en 2007. Quelle espérance peut nourrir la CMdF suite à ce vote ? La dernière position de l'épiscopat français sur le nucléaire militaire date de 1983 avec le texte, controversé à l'époque, « Gagner la paix » dans lequel la possession d'armes nucléaires était encore tolérée. Depuis le monde a changé : la guerre froide s'est terminée avec l'effondrement du bloc soviétique et les menaces auxquelles est confronté notre pays sont bien différentes. Elles sont principalement écologiques (perspective d'un changement climatique, pollutions de l'air et de l'eau), économiques (montée des inégalités, du chômage et de la pauvreté), ou terroristes. Or la dissuasion nucléaire n'est d'aucune efficacité face à ces menaces et en renforce

lors de l’AG de

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prêtres, religieux et religieuses, laïcs, organisés en "équipes de mission" établies dans plusieurs diocèses. Réunis

juillet 2012, près de 500 de ses membres ont adopté à une très large majorité une motion sur le désarmement

même potentiellement les conséquences négatives. En effet, la maintenance des armes nucléaires engendre, comme l'industrie nucléaire civile, des déchets radioactifs qu'on ne sait encore traiter efficacement. Le coût de la dissuasion, de l'ordre de 3,5 milliards d'euros par an, participe ainsi au déficit de notre pays. Enfin, la possession de l'arme nucléaire est de nature à renforcer la menace terroriste tout en favorisant la prolifération. De plus, sur le plan éthique, la mise en oeuvre éventuelle par notre pays de la dissuasion nucléaire, si « nos intérêts économiques étaient menacés » (position officielle depuis quelques années), nous conduirait à être mis au ban des nations puisque l'Onu a depuis longtemps qualifié de crime contre l'humanité l'utilisation de l'arme nucléaire. Enfin, plusieurs responsables de l'Église catholique se sont, depuis quelques années, prononcés sur le sujet de façon plus conforme au message évangélique. Ainsi le pape Benoît XVI, lors de la journée de la Paix du 1er janvier 2006, a proclamé que compter sur les armes nucléaires était « funeste et fallacieux ». Et le 1er juillet 2011, Mgr Chullikatt, observateur permanent du Saint Siège à l'Onu, a notamment déclaré : « L'illégalité de la menace et de l'emploi des armes nucléaires remet sérieusement en question la légalité de posséder des armes nucléaires ». Ainsi peut-on affirmer que la CMdF a pris au sérieux ces déclarations plus conformes à l'esprit des Béatitudes dont elle a à témoigner. Elle espère que l'Église de France modifiera sa position officielle en rendant caduc le texte de 1983 cité plus haut. Et s'engagera pour un désarmement nucléaire unilatéral de la France qui traduirait la volonté de notre pays d'oeuvrer à la disparition mondiale de ces armes de destruction massive de la surface de la planète ! Dans cette attente, plusieurs de ses membres sont engagés dans divers mouvements qui oeuvrent pour le désarmement nucléaire unilatéral et mondial. Patrick Hubert, rédacteur de la motion

nucléaire. EN SAVOIR PLUS • http://catholique-mission-de-france.cef.fr/


MONDIALISER LA PAIX Syrie

‘‘Le cri du cœur’’ d'un cardiologue syrien Déchiré par le sort des enfants, victimes du conflit qui meurtrit son pays, Victor Falloux, cardiologue, nous a reçus afin de nous parler de l'association Enfance France Syrie qu'il vient de créer pour venir en aide aux victimes de la guerre

EN SAVOIR PLUS • Enfance France Syrie, 33 chemin du Sénéchal 12200 Villefranche de Rouergue

«

Le docteur Victor Falloux et sa femme

Cette guerre me déchire le cœur » ! Des mots qui résonnent douloureusement lorsqu'ils sont prononcés par le docteur Victor Falloux, ce cardiologue d'origine syrienne, installé à Villefranche de Rouergue et qui vient de créer l'association Enfance France Syrie. Une association dont l'objectif est de « défendre la cause des enfants, tous les enfants sans exception, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent », mais aussi, celle de toutes les victimes pour lesquelles, « le quotidien est devenu infernal »

Un enfant de la guerre La guerre, il la connait pour l'avoir vécue en 1973, lors du conflit avec Israël. « J'avais alors 13 ans et mes frères et moi, arpentions les rues de Damas à la recherche de nourriture pour la famille » se souvient-il, déplorant que le peuple syrien continue de souffrir au nom d'une guerre fratricide, alors même qu'il vit dans un pays riche du brassage de tous les peuples qu'il n'a cessé d'accueillir tout au long de son histoire. « Pour moi, la Syrie est tout à la fois, un carrefour riche d'histoire et le berceau de l'humanité ; lorsque nous voyons les peuples que nous avons accueillis et ,qu'aujourd'hui, comme j'ai dû le faire, les enfants de Syrie doivent partir pour se réfugier ailleurs, j'ai mal au cœur » confie celui qui a décidé de sensibiliser les aveyronnais à la détresse

humaine de gens qui ne demandent qu'à vivre en paix. C'est aux côtés du docteur Michel Langlois, endocrinologue à Villefranche de Rouergue et viceprésident de l'association qu'il mènera son combat en faveur de ses concitoyens. C'est d'ailleurs avec ce dernier qu'il est retourné pour la première fois depuis plus de 20 ans dans son pays et a pu y constater la situation dramatique vécue par les populations civiles. Mais c'est aussi en rejoignant l'équipe médicale de l'association « La Chaîne de l'espoir », dirigée par le professeur Roux de Toulouse qu'il s'apprête à y retourner pour y apporter une aide médicale. « Sur place, les civils manquent de tout et ont sérieusement souffert du manque de combustibles, la famine sévit » s'inquiète-t-il « même si, professionnellement, j'ai une vocation médicale, l'aide doit aller bien au-delà. »

Un orphelin reste un orphelin quel que soit le camp auquel il appartient Le docteur Falloux entend « rester neutre » même s'il reconnait la difficulté à « faire taire les cris du cœur » ; son seul objectif est de « défendre la cause des enfants qui n'ont rien demandé ». Il espère que l'État actuel ne s'opposera pas à des actes humanitaires comme il envisage de les mener. Après la destruction de nombreux orphelinats, des milliers d'orphelins se retrouvent sans hébergements ni soins. Des enfants qui viennent des camps des opposants comme de celui du pouvoir. Face à l'avenir, le docteur Falloux « souhaite de tout cœur que la voie de la paix soit trouvée au plus vite et que le peuple syrien puisse de nouveau vivre libre, sur cette terre qui a accueilli tant d'autres peuples en exil. » La prochaine initiative de l’association est d'organiser en Aveyron une rencontre interreligieuse ; pour son président, l'important est de pouvoir « s'entendre » et faire enfin « entendre la voix de la paix » car, « aujourd’hui, c’est la guerre, mais il y aura l’après-guerre et c’est elle que nous devons préparer » lance-t-il en forme de conclusion. Brigitte Illy N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX Irak 2003/2013

La vie au quotidien Baptiste est en poste dans une société menant son activité en Irak. Il travaille dans une zone sécurisée avec un service de sécurité important, un agent armé tous les 150 mètres. Baptiste ne peut pas sortir de ce « bunker ». Les étrangers sont particulièrement visés par les attentats et les enlèvements. Seul déplacement possible, l’aéroport sous bonne garde.

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N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

uelle est la situation en Irak aujourd’hui ? Les habitants de Bagdad ont une vie très dure. Ils ont peur les attentats encore fréquents dans Bagdad. Le plus difficile pour eux ce sont les check-points censés garantir la sécurité où on attend parfois très longtemps (de ce fait, les salariés de la société doivent partir très tôt de chez eux). L’électricité manque - quelques heures d’électricité par jour seulement. Les gens doivent s’acheter des générateurs (mais dans notre « bunker » nous avons de l’électricité tout le temps). Pourtant, l’Irak est un pays de civilisation très ancienne, berceau du christianisme. Ce sont des villes irakiennes dont on parle dans la Bible. L’Irak était la perle de l’empire ottoman. C’est un pays riche avec le pétrole et une agriculture sur les terres très fertiles entre l’Euphrate et le Tigre. On sent aussi une certaine éducation avec une ouverture plus grande des salariés irakiens de notre société que ceux des pays arabes. Avant les guerres, l’Irak était un pays où on venait d’amuser.

Et la violence ? Cela fait 32 ans que le gens vivent dans la violence et la peur Dans la situation de guerre qu’a connue l’Irak, tout le monde a une arme. Un kilo de poisson coûte 40$ et une kalachnikov 20$. Les gens ont tous des armes, elles circulent librement. Les armes créent de la violence. Les check-points ne servent pas à grand-chose. Il y encore beaucoup d’attentats aux buts assez confus, sans mots d’ordre précis. Maintenant que les Américains sont partis, il y a des règlements de compte entre groupes religieux (sunnites/chiites, musulmans contre chrétiens,…) des assassinats politiques ou même simplement de la délinquance. Trois membres de la famille d’un de mes collègues ont été tués dans un attentat commis lors d’un enterrement religieux. Après l’assassinat d’un de ses amis, le chef de la sécurité de notre société, ancien militaire sous Saddam, a disparu du jour au lendemain. Les chrétiens sont maintenant pourchassés. Des monastères ont été pillés. Beaucoup ont quitté le pays.

Image de l'Irak de nos jours

Quels sont les loisirs des Irakiens ? Il n’y en a pas ! Le week-end les gens ne font rien. Ils ont peur de sortir des chez eux. Le musée est fermé depuis 32 ans ! La grande distraction c’est le « shopping ». Mes collègues sont « baba » devant les grands centres comme à Dubaï. Un grand centre commercial est en construction à Bagdad avec des groupes électrogènes ! Pour les jeunes, il y a le foot. Cela a fait du bien au pays que l’Irak arrive en Coupe du monde. Les jeunes ont envie d’une autre vie.

Que fait le gouvernement ? En ce moment il y des manifestations et la situation est très tendue, malgré la libération de 3000 prisonniers. Le gouvernement est plutôt religieux, et exacerbe les tensions entre les communautés religieuses alors que la population a un fond laïc, surtout les gens de plus de 50 ans. Il y a beaucoup de détentions arbitraires et des problèmes de corruption. Le président aurait détourné 17 milliards… Mais les gens ne bougent pas trop pour la démocratie. Entre la levée des check-points leur permettant de se déplacer et la démocratie, ils choisissent la possibilité de se déplacer. Depuis quelque temps, la situation s’améliore. Il y a moins d’attentats depuis 2010 alors que les Américains sont partis. Sur le plan économique, le PIB augmente. C’est le Kurdistan, région moins touchée par la guerre, qui se développe le plus avec une croissance de 20%. Les gens ont surtout une aspiration à la paix. Les jeunes qui ont, pour certains, connu huit années de service militaire, veulent vivre librement, comme en Europe… Propos recueillis par Nadia Dorny-Bennad


MONDIALISER LA PAIX Irak 2003/2013

Un avenir hypothétique Dix ans après le début de la guerre en Irak, la situation dans le pays est loin des déclarations optimistes de l'administration Bush il ya une décennie. Déchiré par la méfiance et la violence sectaire, l’Irak devient une menace stratégique pour toute la région.

I

l y a 10 ans, le 13 mars 2003, les premières bombes états-uniennes et britanniques tombaient sur Bagdad. Ce triste événement, est survenu après une mobilisation internationale sans précédent : on a évoqué le chiffre de 300 millions de protestataires dans le monde, comme l’Appel de Stockholm en 1950. On a pu dire que cette mobilisation avait au minimum retardé le déclenchement des hostilités, mais de plus, elle a certainement dissuadé certains pays de s’engager. La décision du Président Chirac de ne pas participer à cette guerre ne peut être disjointe des millions de manifestants en France. L’Otan ne s’est pas engagée car il n’y a pas eu unanimité en son sein. Rappelons aussi que pour imposer cette décision, l’administration Bush a dû recourir à des mensonges répétés, comme la présence en Irak d’armes de destruction massive. Rappelons encore que l’armée irakienne qu’on avait présentée comme une des plus fortes du monde était exsangue, comme sa population, après toutes ces années d’embargo. L’aspect militaire des choses est vite évoqué tant le combat était dissymétrique. L’armée irakienne a été très vite défaite et Saddam Hussein capturé, vite jugé puis exécuté. Par contre, la quantité de matériel installé, puis évacué, était considérable. La résistance aux envahisseurs s’est organisée : on a trop vite qualifié de terroristes d’authentiques résistants. En parallèle les luttes entre clans et tribus se sont multipliées, notamment entre chiites et sunnites. Et ce n’est pas terminé. La guerre a fait 650 000 morts, 1 800 000 exilés et autant de déplacés. Des villes ont été rasées, des sites archéologiques saccagés et des

œuvres multimillénaires volées ou détruites. Les États-Unis ont toujours nié que cette guerre n’avait pas pour but le pétrole. A l’époque déjà ce n’était pas convaincant, aujourd’hui des documents déclassifiés le prouvent, le pétrole était bien la motivation principale. Les États Unis considèrent que l’Arabie saoudite n’est plus un allié sûr, non plus que plusieurs émirats voisins. Les États unis ont « acheté » la non intervention des kurdes d’Irak en accordant une solution fédérale pour le nouvel Irak et en nommant un kurde comme président de la République, poste sans grandes responsabilités mais qui a permis de renvoyer dos à dos les deux frères ennemis kurdes Barzani et Talabani. Par contre, la revendication de la ville pétrolière de Kirkuk reste une cause de discorde importante et susceptible de rompre le bel équilibre mis en place. On assiste à une situation insolite issue de la solidarité chiite entre l’Irak et l’Iran, ce qui montre bien les ambiguïtés dans les

rapports avec le protecteur américain. Avec la dislocation de l’Irak, dans le contexte des incertitudes de l’avenir de l’Egypte et de la Syrie, l’Iran et l’Arabie saoudite restent les grands rivaux face à face comme leaders de la région. Alain Gresh a écrit : « Les États-Unis laisseront derrière eux un Irak débarrassé de son dictateur, mais qui pourra difficilement servir de modèle à un Proche-Orient démocratique : un pays ravagé et divisé, un État disloqué, des dizaines de milliers de veuves et d'orphelins, de disparus et d'amputés, un confessionnalisme renforcé, une guérilla d'Al-Qaida encore active - alors qu'elle n'existait pas en 2003 lors de l'invasion du pays. Pour tous ces crimes, aucun responsable américain ne sera traduit devant la Cour pénale internationale (CPI). » Depuis quelques années, on ne parle plus de cette guerre. Mais le conflit n’est certainement pas terminé. Yves-Jean Gallas

Manifestation contre la guerre en Irak, Paris, 15 février 2003 N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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HISTOIRE Résistance

La Rose blanche : Une leçon de dissidence

O Monument dédié à la La Rose Blanche en face de l'Université Ludwig Maximilian de Munich

La rose blanche était un groupe de résistance non-violent, dans l'Allemagne nazie, composé d'étudiants de l'Université de Munich. Le groupe s'est fait connaître par la distribution d’une brochure anonyme appelant à une opposition active au régime d’Adolf Hitler.

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N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

n ne revient pas sur le régime criminel que l’Allemagne a connu de 1933 à 1945, à coup sûr le plus criminel de tous les temps, et dont l’efficacité criminelle fut encore accrue par des moyens techniques sans précédents. On sait aussi - mais pas assez - qu’elle a connu une résistance à ce régime barbare entre tous, il vaudrait mieux dire des résistances, car - et ce fut là une tragédie historique - ces résistances multiformes (catholique, protestante, communiste, socialiste, militaire, individuelle, nord, sud) ne connurent jamais un commencement d’unité. Nombre de formes de résistance demeurent encore peu connues (même si l’historiographie allemande s’y intéresse de plus en plus). Parmi les réseaux passés dans l’histoire, il faut rappeler l’un des plus célèbres, la Rose Blanche, dont on commémore actuellement le 70ème anniversaire de sa décapitation. Il convient de le ranger dans la catégorie chrétien-universitaire. Il a son origine à l’Université de Munich et a regroupé des étudiants, mais aussi des professeurs aux motivations largement catholiques, qui, pour nombre d’entre eux, avaient déjà connu le front de l’Est et, par là-même, toutes les atrocités (notamment contre les civils, juifs ou slaves) qui s’y commettaient par millions dans le cadre de l’idéologie national-socialiste (nazie). Ne pouvant supporter plus longtemps cette plongée dans la barbarie, ils entreprirent de faire connaître l’ampleur des crimes au peuple allemand, à commencer par le milieu universitaire, en prenant des risques inouïs - qu’ils connaissaient. Il se constitua ainsi tout un réseau, appelé la Rose Blanche, relativement efficace, dont les figures les plus emblématiques furent les frères et sœurs Scholl. De juin 1942 à février 1943 (donc juste après Stalingrad), le réseau parvint à publier six tracts, qu’ils imprimèrent et diffusèrent, par la poste, mais aussi en les glissant aux endroits passants, à des milliers d’exemplaires, ce qui était déjà en soi un exploit. Pardessus le marché, ils écrivirent des slogans pacifistes et antinazis sur les murs de l’université et en ville. Et

surtout, ils parvinrent à étendre le réseau à quantité d’universités d’Allemagne et d’Autriche (alors annexée), jusqu’à Berlin même, mettant la Gestapo sur les dents. La Rose Blanche fut ainsi le seul réseau de résistance qui acquit une ampleur nationale (encore que limitée aux milieux universitaires). Le réseau tomba à la suite d’une dénonciation du concierge de l’Université de Munich, qui avait surpris Hans et Sophie Scholl en train de jeter une poignée de tracts dans l’aula. Le procès, mené par l’effroyable juge Freisler, fut expéditif à la mode nazie. La sanction était connue d’avance : la guillotine. Hans et Sophie Scholl furent exécutés à la prison de Stadelheim (à côté de Munich) en criant « Vive la liberté ». Et avec eux des dizaines d’autres, dont beaucoup périrent dans des camps de concentration. Leur sacrifice, qui fut vite connu à l’étranger, ne fut pas vain. Dès l’été 1943, l’aviation anglaise jetait

Hans et Sophie Scholl

sur l’Allemagne un tract à un million d’exemplaires pour faire connaître leur action et leurs écrits. Aujourd’hui, nombre de rues et d’établissements scolaires allemands portent le nom de Hans et Sophie Scholl ou de la Rose Blanche. Avec d’autres résistants, ils sont devenus la fierté de l’Allemagne. Plusieurs livres ont été écrits sur eux. Un excellent film « Sophie Scholl, les derniers jours » raconte leur arrestation et leur « jugement ». Ne les oublions pas, pas plus que les autres résistants au cœur du système nazi. Jean-Paul Vienne


CULTURE Cinéma

Coups de coeur

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jango unchained de Quentin Tarantino : « Ce que mon pays a connu de pire » Quentin Tarantino est une réalisateur virtuose adorant les westerns spaghetti et les films de sabre chinois, connu pour ses scènes de violence. Dans Django il utilise la forme western mais en subvertit les thèmes. Le justicier vengeur dans sa magnifique tenue de cowboy est un « nègre » libéré par un pittoresque voyageur allemand érudit, manipulateur et progressiste. Lui et Django, vengeurs des souffrances des esclaves, sont en même temps des tueurs à gages d’une ambivalence phénoménale… On trouve aussi dans ce film foisonnant des clins d’œil aux thèmes de la mythologie wagnérienne, le héros menant une quête pour retrouver sa femme qui s’appelle Bromhilda ! La violence extrême des films de Tarantino est présente, quoique presque irréelle dans son outrance. Par contre la description des propriétés du sud, de la réalité sociale de la région et de la condition des esclaves avant la guerre de Sécession est impressionnante de vérité et relativement sobre. Pour les jeunes qui aiment ce genre de film et remplissent les salles, cela vaut une pile de bouquins sur le sujet ! C’est le but de Tarantino qui cogne, qui hurle contre l’esclavage et s’attaque à « ce que mon pays a connu de pire » Pas besoin pour lui de refaire un film sur la guerre de 1940 car les méthodes des propriétaires du Sud « parlent du fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Deux grands films américains touchent un large public. Django Unchained et Lincoln mis en scène par deux immenses pointures du cinéma américain - le grand - celui qu’on aime ou qu’on déteste, fascinant de toute façon avec beaucoup de bruit, de fureur et de violence, les grands mythes de l’empire américain, des scènes de bataille époustouflantes avec débauche de moyens…

L

incoln de Steven Spielberg, une superbe réflexion sur la politique. Lincoln, film du légendaire Steven Spielberg complète magistralement cette leçon sur les temps moyenâgeux de l’esclavage aux États-Unis. Là encore beaucoup d’entre vous auront des réticences envers Spielberg (grandes machines spectaculaires qui bougent énormément, violence, manichéisme…) bien qu’il ait fait des films très divers. Dans Lincoln, il prend tout le monde à contrepied. Pas de grandes scènes spectaculaires à part un petit aperçu des champs de bataille de la guerre de Sécession. Le film est plutôt austère et relate la bataille pour le moins politicienne qu’a du livrer Lincoln à la Chambre des représentants pour faire passer le 13ème amendement de la Constitution abolissant l’esclavage. La grande majorité du film se passe dans le clair obscur d’intérieurs chargés, de la salle de délibération et de bureaux encombrés à l’atmosphère enfumée. On est loin de la représentation d’un héros, chevalier blanc de la lutte pour les droits des noirs. Lincoln, en manche de chemise, est un homme usé rongé par le doute, en proie à des problèmes conjugaux. La majeure partie du film qui dure plus de 2 heures est consacrée à des dialogues dévoilant les tractations difficiles pour obtenir les voix qui lui manquent. C’est une variation sur le thème « la fin justifie les moyens », et quand même quelques moments d’anthologie avec des fragments de discours. Superbe réflexion sur la politique. Passionnant ! Nicole Bouexel N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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CULTURE BD

La paix, la guerre en bulles

L

a Bande dessinée, ce n’est plus seulement les « comics » d’avant la guerre, les aventures de Tintin ou de Lucky Luke, c’est maintenant un art à part entière, le 9ème, avec des albums et livres couvrant des domaines les plus divers. 5 000 titres dans l’année pour des bandes dessinées et « récits graphiques ». De nombreux

auteurs utilisent cette forme d’expressions qui est un extraordinaire outil pédagogique pour raconter l’histoire, des biographies ou même faire du journalisme en dessins. Après le grand Tardi et ses somptueuses Images d’Epinal sur la guerre de 14 de son grand-père, on ne peut plus guère parler de « bulles » mais les graphistes nous offrent des planches très

élaborées avec l’utilisation de photographies, reproductions, etc. Quelques titres intéressants pour les lecteurs de Planète paix et à mettre dans toutes les mains : enfants et petits-enfants…. Plus vivants qu’un bouquin livre d’histoire, plus « secouants » aussi pour certains….

Dans l’ombre de Charonne Désirée et Alain Frappier - Éd. Monconduit Désirée et Alain Fappier ont décidé de se consacrer à des histoires particulières qui permettent de faire connaitre la « grande Histoire ». Pour ce premier album qui connaît un beau succès, 30 ans après la fin de la guerre d’Algérie, ils sont partis du témoignage vécu d’une amie. A l’époque étudiante, manifestant pour la paix en Algérie avec ses copains, elle a été plongée dans l’horreur de la grande manifestation de Charonne du 8 février 1962 où une répression violente a provoqué la mort de 9 personnes et fait de très nombreux blessés. « Une magistrale leçon d’Histoire à mettre entre les mains de tous les adolescents » (La Croix).

L’année du lièvre - Volume 1 - "Au revoir" Phnom Penh. Tian - Éd. Gallimard collection Bayou 2011 Tian raconte ce qu'ont vécu ses parents et ses grands-parents et son histoire à lui, le bébé né en 1975 et qui a survécu par miracle. Touchant récit de cette famille échappée aux massacres, fuyant le Khmers rouges en Thaïlande en 1979.

Gaza 1956, en marge de l’histoire

Nankin - de Nicolas Meylaender et Zong Kai - Éd. Fei L’histoire d’une petite fille au cœur de la tourmente d’un massacre commis par l’armée japonaise lors de la guerre sino-japonaise en 1937. 30

N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

Joe Sacco - Éd. Futuropolis - 2010 Joe Sacco est un auteur étatsunien très connu qui, depuis 15 ans, fait du journalisme en dessins, un genre qu'il a pratiquement inventé. Cet album saisissant et cruel met en scène avec une rare puissance évocatrice un demisiècle de souffrances des habitants de Gaza …


Gen d’Hiroshima Dans le Japon en guerre, le jeune Gen Nakaoka et sa famille survivent, tant bien que mal, entre la faim et les persécutions dues au pacifisme militant du père, dans une ville curieusement épargnée par les bombardements, jusqu'au matin du 6 août 1945, lorsque l'enfer nucléaire se déchaîne soudain sur Hiroshima... (10 tomes). Existe en DVD

Oualou en Algérie Gyps et Dahmani - Auto édité - 2011. Nadir Oualou détective maladroit du « neuf trois » part pour rechercher une jeune fille disparue en Algérie. C’est un album édité par les auteurs, souvent piquant et drôle dénonçant grâce à l’humour la situation en Algérie.

La débauche - Daniel Pennac, Tardi - Éd. Gallimard-Futuropolis, 2000 - réédité en Folio. L’album dédié aux virés, aux lourdés, aux restructurés, aux fusionnés, aux mondialisés. Daniel Pennac a choisi avec le grand dessinateur Tardi le mode burlesque (un chômeur en cage au jardin des plantes !) plutôt qu’un essai « sérieux » pour dénoncer le chômage dans notre société.

Eto’o Fils : Naissance d’un champion Samuel Eto’o - Joëlle Esso - Éd. Dagan 2013 Le grand joueur de foot Samuel Eto’o a réalisé une première BD d’une série qui devrait comprendre 9 albums sur sa vie. Le projet se veut édifiant pour la jeunesse et l’histoire de ce petit camerounais déçu par la France où on l’envoie pour s’entrainer est très sympa…

Des nouvelles d’Alain - Éd. Les Arènes - 2011 Le périple européen du reporterphotographe Alain Keler, parti à la rencontre des Roms pendant une décennie. Deux ans de travail sur les Roms avec Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier pour tracer un portrait de ce peuple marginalisé et misérable, entre photographie, BD et écriture.

L’art de Voler - Texte d’Antonio Altarriba, dessins de Kim - Éd. Denoël - 2011 Le destin tragique du père de l’auteur Antonio Altarriba dans l’Espagne Franquiste, histoire d'un homme simple, né misérable, mort pauvre, une épopée extraordinaire à la première personne d’un homme dans les soubresauts de l’histoire. Cette page a été réalisée grâce aux références données par Désirée et Alain Frappier que nous remercions vivement. N° 580 - Mars 2013 - Planète PAIX

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Courir pour la paix au cœur des Baronnies, entre Blaisance et Buëch - Hautes Alpes

Dimanche 12 mai 2013 Parcours de 15 km Dénivelé de 835 m Limité à 150 participants

Trescléoux

Course naturellement solidaire

Informations, règlement et inscriptions :

www.traildelapaix.org Un évènement à l’initiative d’un étudiant de l’université du Sport de Gap, en partenariat avec le Mouvement de la Paix, la commune et les associations de Trescléoux


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