Planète Paix n°584

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L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 584 / Septembre 2013

Les accords d'Oslo, 20 ans après

DOSSIER (P.11-16)

Film

‘‘Les jours heureux’’ (P.23)

Journée internationale de la Paix

Faire entendre la volonté de paix des populations (P.6/8)


Du 18 au 20 octobre 2013 - Séminaire en Méditerranée Inscrit dans la semaine du désarmement de l’Onu, ce séminaire poursuit les débats du forum social mondial (FSM) thématique de Marseille et du FSM de Tunis pour ouvrir la perspective d’une Méditerranée de paix.

Trois temps fort de débats et d’échanges :

« Abolir les armes nucléaires » « Cultiver la paix, partout avec tous » « Pour une Méditerranée pacifiste et solidaire » Embarquement entre Marseille-Ajaccio sur le Danielle Casanova pour une Méditerranée de Paix . • Départ de Marseille : vendredi à 18h • Retour de Marseille : dimanche à 8h • Hébergement en cabine : dîners et petit déjeuner à bord

Soirée du 18 octobre à bord, table ronde : « Abolir les armes nucléaires » Kate Hudson, Collectif pour le Désarmement Nucléaire CND (GB) ; l’enjeu de la lutte contre le Trident en Grande Bretagne (à confirmer) Un représentant du Mexique, pays accueillant la prochaine conférence sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires (à confirmer) Pierre Villard, coordinateur ICAN France

Samedi 19 octobre, à l’Assemblé territoriale d’Ajaccio, table ronde : « Cultiver la paix, partout avec tous » Dominique Bucchini, président de l’Assemblée Corse Agnès Bussat, Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) Un représentant de l’afc UMANI (à confirmer) Une représentante d'une organisation féministe Déjeuner organisé par les amis de la CMCAS ; temps de rencontres culturelles, associatives Commémoration 70 ans de la libération de la Corse, hommage aux résistant-e-s

Samedi 19 octobre à bord, table ronde : « Pour une Méditerranée pacifiste et solidaire, perspectives et pistes d’actions » Bernard Salamand, Centre de recherche et d’Information pour le Développement (CRID) Lilian Halls French, Initiative Européenne féministe (IEF) Aymen Hacen, poète tunisien, pour une approche de la solidarité par la culture Shura Dumanic, pacifiste Croate, féministe Inscriptions définitives avant le 20 septembre à : Mouvement de la Paix 45, rue de Forbin - 13002 Marseille 13@mvtpaix.org ; https://sites.google.com/site/bannukesenmediterranee/ - Tarif : 280€ Pour tous renseignements contacter : Régine Minetti : 06 88 43 79 93 - Michel Dolot : 06 79 53 96 41

Mouvement de la Paix - 9, rue Dulcie September - 93400 - Saint-Ouen - courriel : national@mvtpaix.org https://sites.google.com/site/bannukesenmediterranee/ 2


Sommaire Planète Paix n° 584 - Septembre 2013

l’Édito

‘‘ Je pense donc je suis, tu es donc j’apprends ’’* 6

Actualité

Journée internationale de la paix

P

P.6/7/8

Faire entendre la volonté de paix des populations Initiatives de la Journée internationale de la paix Commémoration

P.9

Les révoltés de Villefranche de Rouergue Syrie

P.10

L’escalade dans la barbarie

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dossier

Les accords d'Oslo, 20 ans après La déclaration de principes

P.12/13

De l'enthousiasme au désespoir Point de vue

P.14

Le rôle de la communauté internationale Les perspectives d’avenir

P.15

Marie-Hélène Bourdier, Membre du bureau national du Mouvement de la Paix

‘‘ Serait-il

impossible

Résistance et solidarité

d’imaginer un

18

« tout-monde »

mondialiser la paix

Amérique Latine

P.18/19

Les peuples veulent maîtriser leur avenir France-Algérie

P.20/21

La magie de l'amitié

où la vie sociale serait regardée en ce qu’elle fabrique du lien permettant

22

réellement une

culture

spectacle

P.22

Pour la liberté ! Film

P.23

‘‘Les jours heureux’’

Mensuel édité par le mouvement de la paix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org

mise en œuvre des droits humains, sous toutes les latitudes ? ’’

Directeur de la publication : Guillaume du Souich Rédactrice en chef : Nadia Dorny-Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert.  Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Nicole Bouexel, Grégoire Desclaux, Nadia Dorny-Bennad, Annie Frison, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Marie-Hélène Bourdier, Alban Liechti, Michel Thouzeau, Brigitte Illy, Nadia Dorny-Bennad, Nicole Bouexel, Jeannick Leprètre, Jean-Claude Lefort, Raoul Alonso, Marlène Tuininga et Evelyne Aymard Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

enser et apprendre : l’éducation, comme tout ce qui relève de l’humanité est une aventure collective. Et c’est le thème avancé cette année pour la Journée internationale de la Paix. Il est fréquent de rapprocher « éducation » et « conquête d’autonomie » et de constater la complexité du lien puisque chacun des vécus qui amènent à des apprentissages marque le cheminement individuel de manière incontrôlable. Mais ce, toujours au sein d’un milieu où prévalent des « normes ». Or la société actuelle, à force de compétition tend à faire oublier que l’individu devient une personne par son action et celle des autres, sur et dans leur environnement commun. Serait-il impossible d’imaginer un « tout-monde » où la vie sociale serait regardée en ce qu’elle fabrique du lien permettant réellement une mise en oeuvre des droits humains, sous toutes les latitudes ? C’est une perspective qui touche une des fonctions majeures de l’éducation. « Savoir pour pouvoir » disait G. Courbet : éduquer, c’est contribuer à initier les facultés qui mènent à la prise de conscience de contraintes globales afin de ne pas décider de choses qui soient préjudiciables au genre humain ou à son environnement ; c’est permettre à chacun d’agir pour mettre en cohérence les nécessités reconnues et les décisions prises ; c’est, au sens plein de l’expression, garantir pour chacun qu’il construira et exercera sa « liberté de conscience » - et c’est à rapprocher d’une vision de la laïcité qui revienne sur le fond, sans manipulation de langage. La situation mondiale appelle des changements. Les aspirations au vivre ensemble n’ont jamais été aussi fortes mais se brisent souvent sur des difficultés sociales profondes. Devant la crise planétaire, il est plus que jamais vital de développer une éducation menant à la culture car celle-ci sait souvent prendre une forme universaliste. Ce faisant, elle dit la conscience d’une sphère collective bien plus humaine que les intérêts purement individuels. C’est en cela qu’elle prédispose à un comportement pacifique avec les autres. * Grand Corps Malade

Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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Hommage Henri Alleg, un rêve algérien Henri Alleg s’est éteint, son combat qui est aussi le nôtre, continue. Grande est notre tristesse, Henri, notre camarade, notre frère est décédé. Le très large hommage rendu le 20 juillet dernier témoigne de l’étendue de son engagement, de son combat contre la torture, le colonialisme, la spoliation, l’exploitation des peuples. Arrivé en Algérie à 18 ans, révolté par la vision de la misère coloniale, il s’engage dans le combat pour y mettre fin. Militant communiste, directeur du journal progressiste Alger Républicain, il poursuivit dans la clandestinité son inlassable dénonciation de l’oppression coloniale. Arrêté, torturé par des parachutistes de l’armée française,

ceux là même qui assassinèrent son camarade Maurice Audin et un grand nombre de patriotes algériens, il réussit à faire sortir de prison un témoignage écrit très précieux : « La question ». Il y révèle les méthodes utilisées massivement par la police et l’armée française. Diffusé clandestinement à plus de 60.000 exemplaires, son livre « La question » eut une immense répercussion ; traduit en 28 langues, il a fait le tour du monde et reste une référence aujourd’hui dans le combat contre la torture. Il s'évada en 1961 de la prison de Rennes et poursuivit son action en rejoignant le Mouvement de la Paix dont il fut pendant de longues années membre du Bureau National jusqu'en 2OO2 et intégra la rédaction du

Cinquante ans après, la guerre d’Algérie est-elle terminée ?* « Cinquante ans ont passé depuis la fin de la guerre d’Algérie. Radios, télés, journaux magazines en ont fait très largement écho mais on attend toujours et, sans doute, faudra-il attendre longtemps encore, une publication officielle signée par les dirigeants de notre pays qui tirent les conclusions de ce qu’à été une guerre si longue, si coûteuse et si cruelle à la fois pour l’Algérie et la France. En ce qui les concerne, un demi-siècle après la signature des accords d’Evian, le silence reste la règle. Et pourtant il y a tant de questions qui attendent des réponses ! Cinq à six cent mille Algériens, parmi lesquels un nombre considérable de femmes et d’enfants sont morts, pas seulement au combat mais massacrés de sang froid dans leurs villages, assassinés par des 4

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journal l'Humanité en 1972. Il créa l'ACCA - l'Association des Combattants de la Cause Anticoloniale - pour défendre les droits de tous les militants condamnés pour leur engagement anticolonial, au moment où les généraux putschistes étaient réhabilités. En France au début des années 80 à l’occasion d’une assemblée générale de victimes du combat anticolonialiste, une association est créée pour défendre leurs droits. C’est tout naturellement qu’Henri Alleg en devint le président. Mais bien vite, conscient que l’impérialisme repart à la conquête du monde sous de nouvelles formes colonialistes, l’association qu’il préside devient : « Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui. » Internationaliste, militant infa-

tigable, humaniste, anticolonialiste, il avait épousé la cause des peuples qui luttent pour leur indépendance. Président pendant 30 ans, puis président honoraire de l’ACCA, il en fut un moteur jusqu’à son accident de juillet 2012. Son expérience, son engagement, sa disposition à régler les problèmes difficiles, son optimisme pour l’avenir, son exemplarité et ses enseignements, nous incitent à poursuivre le combat. Nous garderons de lui sa grande gentillesse, sa générosité et le souvenir d’un homme exceptionnel. Alban Liechti

légionnaires, parachutistes, et autres forces « spécialisées » dans la répression mais aussi par de simples soldats du contingent, souvent mobilisés contre leur gré. Du côté français, près de 30.000 hommes sont tombés. à ces chiffres terribles, il faudrait ajouter le nombre impressionnant de blessés, souvent handicapés pour la vie et celui, incalculable, des victimes marquées psychologiquement et pour toujours par ce qu’elles ont vécu et ne peuvent oublier. Et pourtant, il n’est que d’interroger nos compatriotes, femmes et hommes, jeunes et plus vieux, qu’ils aient vécu à l’époque de la guerre ou qu’ils aient été trop jeunes encore pour y avoir participé d’une façon ou d’une autre, pour se rendre compte de leur immense soif de connaître la vérité sur cette guerre, sur les raisons de son déclanchement, de sa durée, de sa cruauté, entraînant malversations de toutes sortes, utilisation habituelle de la torture lors des « interrogatoires », exécutions sommaires, viols et, d’une façon générale, dans tous les cas, crimes toujours conclus juridiquement par des « ordonnances de non-lieu » et, pire encore, par l’attribution de décorations et de promotions aux assassins. Cette soif de savoir la vérité touche en particulier les plus jeunes, ceux des écoles, des lycées, des universités qui ont, avec raison, le sentiment que tant qu’elle continuera à être cachée, France et Algérie ne pourront pas réellement « tourner la page de la guerre », assurer la paix et la fraternité entre leurs peuples alors que leurs relations économiques, culturelles, politiques et humaines exigent, chaque jour davantage, un tel rapprochement. » * Extrait de l' éditorial de Henri Alleg du journal de l’ACCA (mars 2012)


REPÈRES ... Livre

‘‘Persécutions et entraides dans la France occupée, comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort’’ Jacques Semelin. Co-édition Le Seuil/les Arènes

Un regard réconfortant sur la France de Vichy « Persécutions et entraides dans la France occupée, comment 75% des Juifs de France ont échappé à la mort », de Jacques Semelin, est un très gros livre*, très bien écrit, avec ce qu’il faut de notes, d’index et de bibliographie, et qui apporte sur l’histoire de la persécution raciale dans la France occupée un éclairage d’une éclatante originalité. Il est bon à connaître pour tout porteur de la culture de paix. Le sous-titre de l’ouvrage ne pose pas une question mais annonce une réponse : un faisceau de données diverses, les unes accessibles depuis longtemps, mais demeurées éparses, les autres inédites et produites par une enquête approfondie, autorisent une explication neuve pour une réalité rarement mise en doute : depuis la parution des travaux fondateurs de Serge Klarsfeld on sait que trois-quarts des Juifs de France ont été manqués par la machine de mort nazie et par ses auxiliaires français (87 % des Juifs français, 56 % des étrangers, dit Semelin). Les données mises au jour s’ordonnent en deux séries : il y a d’abord les réactions de ceux qui furent dans la cible. Là, Semelin rejoint Renée Poznanski, dont l’ouvrage fait référence * : il lui accorde que « la survie des Juifs en France a bien d’abord dépendu de leurs propres capacités - de leur propre réactivité - à faire face à la persécution ». Mais il ajoute aussitôt : « En plus de m’intéresser à la survie des Juifs au quotidien, je mets davantage l’accent sur la manière dont la population non juive les a aidés » (p. 809). C’est donc cette seconde série de données qui fait de l’ouvrage non pas tout à fait un pavé dans la marre, car le ton n’est jamais polémique, mais du moins une heureuse rupture avec les représentations les plus courantes : « Nous voilà fort éloignés de l’explication mémorielle, qui voudrait que les trois quarts des Juifs aient été sauvés par les Justes de France, ainsi que l’ont affirmé les présidents

de la République, de Jacques Chirac à François Hollande » (p. 854). Impossible d’entrer ici dans l’échantillonnage détaillé des actions, désintéressées ou non, risquées ou non, qui ont réduit la part du pire, et dont certaines tiennent d’ailleurs aux inconséquences de l’appareil vichyste lui-même ; mais l’idée maîtresse reste celle-ci : les actions de sauvetage, même les plus organisées et les plus risquées « n’auraient jamais pu être efficaces sans la complicité tacite et silencieuse d’une population en général bienveillante » (p. 815). La solidarité des petits gestes, c’est la matière de tout un chapitre. Certains aspects du livre peuvent sans doute créer le débat chez les spécialistes. Mais pour m’en tenir à l’essentiel, je dirai qu’il faut remercier hautement Semelin pour l’image honorable qu’il donne de la population française, telle qu’elle fut dans un passé dont nous sommes aujourd’hui peu nombreux à pouvoir nous souvenir. Je le dis comme témoin, ayant moi-même publié une enquête sur la condition des Juifs dans le village de Provence où j’ai passé, étant enfant, les deux dernières années de la persécution**. Et je le dis comme militant pacifiste. La culture de paix suppose la conscience des fléaux qui accablent ou qui menacent aujourd’hui l’humanité, en quelque sens qu’on prenne le mot, soit genre humain, soit façon d’être homme. Mais elle demande davantage : elle a besoin de confiance dans les ressources dont l’humanité dispose pour conjurer le malheur. Elle a donc besoin d’exemples. On lui fait tort lorsque sous couleur d’honorer des personnalités d’exception on enveloppe dans un discrédit général les humains que ces années inhumaines ont mis à l’épreuve. * Renée Poznanski : ‘‘Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale’’. Éd. Hachette, 1997. - ** Jean-Pierre Kaminker : ‘‘La persécution contrariée’’. Éd. Lambert-Lucas, 2007.

IMAGE DU MOIS

68ème anniversaire des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki à L'issue des cérémonies, un appel a été lancé : il invite à agir auprès des États nucléaires, en solidarité avec les victimes du nucléaire, pour se libérer du nucléaire et pour que les budgets militaires soient redéployés pour la satisfaction des droits humains, du développement social, de la démocratie et de la sauvegarde de l'environnement. N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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ACTUALITÉ Journée internationale de la paix

Faire entendre la volonté de paix des populations La Journée internationale de la paix se popularise de plus en plus. Organisations, élus, personnalités, individus se l’approprient. C’est une journée où, chaque année, des millions de personnes, de par leur engagement, se retrouvent ensemble pendant 24 heures pour promouvoir la culture de paix.

EN SAVOIR PLUS • www.mvtpaix.org • www.21septembre.org 6

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D

ans le monde les populations subissent des violences insupportables, des guerres mais aussi des famines, des maladies, des répressions, le chômage, des conditions de vie inacceptables. Le monde est de plus en plus dangereux. Les médias relaient ces informations mais trop souvent présentées comme inéluctables pendant que les actions de solidarité et de paix sont occultées. Cette année l'Onu rappelle combien l'éducation pour la paix est indispensable à l'éradication des violences et des guerres. M.Ban Ki-moon, son Secrétaire général, interpelle les gouvernements, les institutions, les dirigeants locaux les médias, les associations et les personnalités à prendre leurs responsabilités et à donner aux garçons et aux filles, non seulement la possibilité de savoir lire, écrire et compter, mais aussi une éducation de qualité qui leur apprendra à résoudre et à prévenir les conflits. C'est dans cet esprit que des collectivités, des as-

sociations, des particuliers sont de plus en plus nombreux à préparer dans leur quartier, leur ville ou leur région des initiatives. Le site www.21septembre.org a été créé, il y a cinq ans, pour faire connaître les projets et les réalisations, mais aussi pour aider à l'élaboration d'initiatives nouvelles. Sa visite est vivifiante, elle permet de voir les projets 2013 (et les réalisations 2012) des initiatives de Marseille, Rennes, Aubagne, Caen, Paris, Brive et Tulle, Toulouse, Chambéry, Seine Saint-Denis, Vitry… De plus chacun peut faire connaître son projet ou demander de l'aide. à l'Unesco, une vingtaine d'organisations non gouvertementales (ONG) internationales se sont groupées autour du projet « Les marionnettes de la paix ». Le site créé en 2012 www.marionnettesdelapaix.org (en cours de mise à jour) permet de voir un exemple d'initiative internationale d'éducation à la paix dont les premiers éléments seront présentés le 21 septembre dans le cadre du festival de Charleville-Mézières. à l'Unesco-même, une manifestation aura lieu en 2014 car le groupe des ONG a proposé d’organiser le 19 septembre 2014, cent ans après le début de cette terrible guerre mondiale de 14/18, une grande manifestation pour donner un nouvel élan à l'éducation à la paix. Chaque année une affiche est réalisée pour la Journée internationale de la paix. Cette année, un concours a été lancé au collège Rabelais de Vitry-surSeine. Douze classes y ont participé et une centaine de projets réalisés. L'un d'eux constitue le support de l'affiche 2013 du collectif 21 septembre. Il est essentiel et urgent que cette journée remporte un immense succès national et international. Toutes et tous auront à cœur d'y participer en prenant part aux initiatives dans leur ville, leur département, leur région. Michel Thouzeau


Initiatives de la Journée internationale de la paix*  Manosque (04) • 18 Septembre : marche pour la paix dans la Montagne de Lure.

• Dimanche matin : course de la Colombe, suivie d’un repas du monde et village associatif avec spectacle.

 Laragne Monteglin (05) • Du 15 au 25 septembre : pavoisement de la Rue de la Paix de drapeaux.

 Caen (14) • Du 5 au 27 septembre : « Origamis pour la Paix », initiation à l’art du pliage japonais dans les écoles de Caen-la-mer. • 19 Septembre de 10h à 16h : 1er Rallye de la Paix avec six équipes de collèges du Calvados dans le parc de la Colline aux Oiseaux • 19h à 22h : table Ronde de l’Université Populaire de la Culture de Paix et de la NonViolence sur le thème : « Culture de paix et solidarité internationale, la responsabilité de protéger en question ». • 20 Septembre de 14h à 16h : projection du film d’animation japonais « L’Oiseau Bonheur » auprès des classes du primaires.

 Gap (05) • Du 16 au 30 septembre : exposition "Planète Paix" d'artistes Hauts-Alpins pour la Paix dans le Hall du Conseil général des Hautes-Alpes. • 20 Septembre : éducation à la Culture de Paix au Lycée Sévigné de GAP. • 21 Septembre de 15h à 18h : animation sur l’Esplanade de la Paix à Gap. • 20h30 : concert de Claude Jeannet et du groupe "Les oreilles d’Ânes" à la Chapelle des Pénitents.  La Roche des Arnauds (05) • 21 Septembre à 14h30 : conférence autour du livre "Pour en finir avec l'arme nucléaire". Bibliothèque de La Roche des Arnauds.  Tournon-Tain (07) • Vendredi 20 septembre : manifestation de part et d’autre du Rhône entre 15 h et 16 h. Grand lâcher de ballons avec les enfants des écoles élémentaires de Tournon sur Rhône et de Tain l’Hermitage. Intervention de conteurs.  Charleville-Mézières (08) • Concours international de marionnettes organisé par le groupe de travail de l'Unesco "La culture de paix" et l’Union internationale de la marionnette. • Du 21 septembre au 15 mai : présentation des films et appréciation du jury sur les œuvres présentées.  Marseille (13) • 21 Septembre : « Les Voiles de la Paix en Méditerranée ». • 20 Septembre à 18h : forum de la paix au Conseil Régional PACA sur le thème « Culture de paix et de la non-violence en Europe ».  Aubagne (13) • 20 et 21 Septembre : conférences-débats sur le thème "une Méditerranée de Paix et sans armes nucléaires" • Samedi soir : grand concert public gratuit en centre-ville

 Saintes (17) • 21 Septembre à 10h : marche pacifiste. • à 12h : pique-nique militant. Les enfants participeront à un goûter philosophique sur le thème de la violence.  Corrèze (19) • à Argentat, Forgès, Chanteix, Malemort, Saint-Chamant, Saint-Martial-Entraygue, Saint-Martin-la-Méanne, Ussel, Brive et Tulles : cérémonies devant les arbres de la Paix avec les municipalités, les enfants des écoles.  Toulouse (31) • Exposition sur les dépenses d'armement, dans les CE de l'EDF et de la SNCF.  Juvignac (34) • 14 et 15 Septembre : fête Internationale de la Paix.  Rennes (35) • Du 21 Septembre au 12 octobre : « Tout Rennes cultive la paix ».  Saint-Martin-d'Hères (38) • 20 Septembre : sets de table dans les cantines sur le thème “un monde solidaire et sans armes nucléaires”. • 21 Septembre : plantation d’un ginkgo biloba dans la cour du collège Henri Wallon. Des origamis en fabrication à l’école Henri Barbusse y seront accrochés.

 Vénissieux (69) • 18 Septembre à 14h : projection du film « Sur le chemin de l’école » de Pascal Plisson. à 20h : projection du film « l’Escale » de Kaveh Balkhtiari. • 20 Septembre à17h30 : animations par des enfants et jeunes puis débat sur la campagne ICAN, à Hôtel de ville • 21 Septembre toute la journée : stand et animation dans le cadre du 30ème anniversaire du Centre Social du Moulin à Vent.  Le Creusot (71) • 21 Septembre dès 14h : grande Fête de la Paix dans la salle de LA NEF, groupes musicaux, expositions, atelier préparé par des enfants des écoles et une conférence-débat sur le désarmement nucléaire avec M. Paul Quilès.  Paris (75) • 21 Septembre : première “Glisse pour la Paix”, en Stand Up Paddle sur le Canal SaintMartin à Paris. Organisée par l’association Surfer pour la Paix. Elle sera suivie d’une conférence de presse au Comptoir Général. • 22 Septembre de 10h30 à 17h : croisière de la Paix sur la Seine. Débat « Armes nucléaires : bouclier de paix ou danger intolérable ? ». Ateliers d’expression pour tous, déjeuner, défilé des enfants et concert du groupe « Rock'Ave ». Lâcher de colombes.  Achères (78) • 19 Septembre à 18h30 : "Dessine-moi la paix". Réunion des cinquante enfants ayant participé au concours de dessin organisé du 3 juin au 5 juillet 2013 et remise de prix, salle du conseil municipal. • 20 Septembre à 20h30 : projection du film « Djeca, Enfants de Sarajevo » suivie d’un débat et du pot de la paix au cinéma Pandora.  Carrieres-sous-Poissy (78) • 20 Septembre de 16h30 à 17h30 : animation pour les enfants autour de l'arbre de la paix. Place des Violettes, cité des fleurs.  Poissy (78) • 17 Septembre à 20h30 : projection du film "Les cerfs-volants de Kaboul" et débat avec Yves-Jean Gallas du collectif "Otan-Afghanistan", salle Blanche de Castille.

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• 21 Septembre : fête des associations. Veillée aux bougies et présentation du nouveau jeu de « La Colombe ».

ACTUALITÉ

 Saint-Denis • Du 16 septembre au 2 octobre : exposition : « L’Histoire de la Paix à Saint-Denis » à la Bourse du travail. • 21 Septembre toute la journée à partir de 10h30 : décoration de l'arbre de la Paix et accrochages de textes citoyens. • à 12h : partage du verre de la Paix et accrochage du drapeau de la Paix sur le parvis de la mairie. • à 14h : « Le vélo pacifie la ville », circuit à travers les quartiers de Saint Denis. Chants de Paix, scénettes sur l'égalité homme/ femme et sur l'environnement jouées par les acteurs du Raid de la Paix. • 27 Septembre de 18h à 23h à la Bourse du travail : débat, lecture de textes, animation musicale en hommage à Stéphane Hessel et aux poètes morts pour la paix dans le monde arabe.

• 18 septembre à 14h : projection du dessin animé "L'oiseau bonheur" et débat avec les enfants avec la participation de Miho Cibot de l'Institut Hiroshima-Nagasaki, cinéma de Poissy-ville.  Nanterre (92) • Fête de la vie associative nanterrienne.  Malakoff (92) • 20 Septembre au 13 octobre : exposition collective « Des artistes s’engagent pour la paix ». Vernissage le 20 septembre à 18h30, dans le patio de l’Hôtel de Ville. « Duos pour la paix » : 18 commerçants accueillent 17 artistes. • 26 Septembre à 20h30 : projection du film « Au bord du monde » de Claus Drexel, cinéma Marcel-Pagnol.  Quinzaine de la paix en

• 21 Septembre toute la journée : soixante drapeaux de la Paix pavoiseront les principales artères et la mairie. Une classe d’une école élémentaire entamera une correspondance avec des élèves d’une école d’Hiroshima.  Bobigny • 16 septembre à partir de 18h30 : ciné-débat, projection du Film documentaire « Seul celui qui veille sait que la nuit est longue » de Daniel Roussel. • 17 septembre de 18h30 à 20h30 : débat « Après 50 ans de conflit, une paix négociée est-elle possible en Colombie ? », à l’Espace Maurice Nilès.  Le Blanc Mesnil et Bobigny • 28 Septembre à partir de 8h30 : rallye de la Paix.

Seine-Saint-Denis (93)  Aubervilliers • 21 Septembre de 17h à 19h30 à la mairie : débat « Les aspirations à la paix des populations de la République démocratique du Congo ». • 21 Septembre à partir de 20h à l’espace Fraternité : soirée festive pour la Culture de Paix en présence de jeunes israéliens et palestiniens.

 Montreuil • 21 Septembre de 12h à 19h : découverte des jeux des 5 continents : le jeu facteur de rencontre et de Paix. • 28 Septembre de 15h à 17h : test de rue sur la dissuasion nucléaire. A l’entrée de la Rue du Capitaine Dreyfus.

 Bagnolet • Du 16 septembre au 2 octobre : exposition « 1968-1973 : Choisy, ville de Paix » au Parc Départemental Jean Moulin. • 26 Septembre à 20h : débat « Que peut-on attendre des interventions militaires ? Et en Syrie, quel devenir ? » Médiathèque de Bagnolet.

 Saint-Ouen • 16 Septembre au cinéma de l’Espace 1789. • à 14h : projection du film " Une bouteille à la mer" en direction des lycéens. • à 20h15 : projection du Film « Ini Avan, celui qui revient » d'Asoka Handagama suivie d’un débat avec Delon Madavan. • 18 Septembre : projection du film "L'oiseau bonheur" dans les centres de loisirs.

 8

Le Blanc-Mesnil

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 Stains • 20 Septembre à 19h : ciné-débat. Projection du film « No » décrivant la campagne référendaire de 1988 qui amena au départ de Pinochet. • 21 Septembre de 16 h à 18 h30 : débat « Sans démocratie réelle, une paix durable est-elle possible au Mali ? ». École primaire Jean Jaurès.  Tremblay • 1er octobre à 19h30 : Conférence débat « Pour la paix, le droit international, un combat citoyen » Café Le Lutétia. • 20 Septembre à 11h : montée d’un drapeau à l’Hôtel de Ville par des élèves des écoles et chants pacifistes. Soirée débat sur les conséquences humanitaires de l'arme atomique.  Villetaneuse • Du 19 septembre au 26 septembre : expositions sur les discriminations et sur l’amitié franco allemande.  Boissy-Saint-Léger (94) • 8 Septembre à l'occasion du Forum des associations, affichage des drapeaux sur le stand du Mouvement de la Paix.  Villejuif (94) • 21 septembre : spectacle de rue "chorale publique" joué sur la Place de la Paix, plantation de l'olivier de la paix, inauguration des plaques, discours suivi d'un goûter convivial offert par la ville et spectacle gratuit "Ivre d'équilibre", salle au théâtre R. Rolland. * Liste non exhaustive


ACTUALITÉ Commémoration

Les révoltés de Villefranche de Rouergue En 1943, des milliers de Croates originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine sont enrôlés de force dans la 13e division SS de l’armée allemande, alors puissance occupante en Croatie. Arrêtés, ils sont convoyés vers l'Allemagne pour y être formés avant d'être envoyés sur les théâtres d'opération.

Le mémorial croate de Villefranche de Rouergue

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n millier de Croates sera envoyé à Villefranche-de-Rouergue, dans le sud de la France, où les Allemands redoutent un débarquement des troupes alliées. Rares sont les Croates de France qui n'ont pas entendu parler du destin héroïque et tragique du bataillon de jeunes soldats de Croatie et de Bosnie Herzegovine qui se sont révoltés à Villefranche de Rouergue en Aveyron le 17 septembre 1943. Les révoltés tuent cinq officiers allemands, se rendent pendant quelques heures maîtres de la ville, puis sont victimes d'une répression massive. Une vingtaine d'entre eux sera exécutée sur place, les

autres seront déportés dans les camps de la mort. L’histoire en a retenu que, l’espace d’une journée, Villefranche fut la première ville « libérée » de la France occupée. Le 17 septembre 2006, plus de 60 ans après l'événement, un parc mémorial leur a été dédié sur le site du Champ des Martyrs en bordure de la route rebaptisée avenue des Croates en 1961 sur décision du conseil municipal. Pour les Croates de l'Hexagone, il s'agit du premier lieu de mémoire de ce genre en France. Dès la fin de la guerre, une cérémonie commémorative était organisée chaque année par la municipalité et les associations

d'anciens combattants devant un monument "provisoire", érigé en 1950 par les autorités de Belgrade et qui rendait jusqu'alors hommage aux seuls combattants yougoslaves, au mépris de la réalité historique oubliant de rendre justice aux révoltés de Croatie et de Bosnie Herzégovine, tombés loin de leur patrie en s'insurgeant contre le nazisme pour une Europe libre. C'est le projet du sculpteur zagrebois Vanja Radaus, résistant de la première heure qui est retenu. Il réalise en 1952, ce monument que l'on peut voir aujourd'hui, représentant grandeur nature, 2 groupes d'hommes nus en bronze, tombant sous les balles, et d'une statue de femme symbolisant la Mère Patrie pleurant ses fils. Depuis 1990, un représentant du Conseil représentatif des institutions et de la Communauté croates de France et, depuis l'indépendance de la Croatie en 1992, l'ambassadeur de Croatie en France ou son représentant, participent chaque année aux commémorations du 17 septembre en présence de représentants de la municipalité, de Croates de la région et de villefranchois anonymes ou témoins des événements. En 2013, 70 ans après leur héroïque insurrection, le souvenir de l'action de ces jeunes révoltés de Villefranche y demeure encore bien présent et reste à l'origine des liens indéfectibles qui unissent la Croatie et Villefranche de Rouergue qui est par ailleurs jumelée à la ville de Pula. Brigitte Illy

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ACTUALITÉ Syrie

L’escalade dans la barbarie

Manifestation contre l'intervention américaine en Syrie, Londres, 28 août 2013

François Hollande a déclaré que la France était prête à « punir » ceux qui utilisent les armes chimiques en Syrie. Est-ce vraiment le rôle d’un président de « punir » les criminels de guerre ? Ne devraient-ils pas être traduits en justice conformément au droit international ? La tâche d’un gouvernement démocratique n’est-elle pas de travailler à mettre fin à un conflit ? 10

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’utilisation d’armes chimiques est complètement inacceptable. Par leurs luttes, les peuples ont gagné la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, signée le 13 janvier 1993, qui interdit la mise au point, la fabrication, le stockage et l'usage des armes chimiques. . Avant même les conclusions de la mission de l’Onu, seule habilitée à mener une telle enquête sur l’utilisation des armes chimiques, les USA et la France déclarent avoir des certitudes. Si des preuves existent, ils ont la responsabilité de les transmettre aux Nations unies. Envisager une intervention militaire en dehors des Nations unies, malgré le risque conséquent d’un embrasement de toute la région, consiste à se poser en « juges et gendarmes du monde », à alimenter le cercle infernal des logiques de guerre et de violence contre l’intérêt des peuples. Le bilan est déjà effroyable pour le peuple syrien. Prétextant un blocage au Conseil de sécurité de l’Onu de la part de la Chine et de la Russie, les puissances occidentales membres de l’Otan n’ont pris aucune initiative pour résoudre politiquement ce conflit. Le plan incarné par Kofi Annan en a fait les frais. La structuration de la société syrienne nécessite un processus long de concertations, rendu possible par la présence d’observateurs en nombre, permettant d’assurer une évolution vers plus de démocratie. L’utilisation de forces de paix non violentes sous l’égide de l’Onu, le permettrait. De fait, les antagonismes ont été entretenus, voire même alimentés, et les horreurs de la guerre civile ont affaibli les possibles recours. Il y a deux ans, Bachar El Assad en répondant par une répression féroce au soulèvement citoyen pacifiste qui exigeait plus de démocratie et de progrès social en Syrie, lançait un défi à la communauté internationale en provoquant l’escalade d’une guerre civile dans laquelle se sont engouffrées des puissances et des forces politiques régionales per-

mettant aux militants les plus radicaux rescapés des interventions militaires en Irak, Afghanistan, Libye, Mali de se mettre au service des uns ou des autres. Une intervention en Syrie, ne ferait qu’en inspirer d’autres. Si la Syrie explose, on risque d’assister à des massacres interethniques, l’explosion du Liban, fuite massive des Kurdes syriens massacrés par les islamistes sunnites et compromettre les voies d’une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Les conséquences de cette décision, qu’aucun État n’assumera, seraient incalculables. A-t-on oublié dans quel état ont été laissés les pays où il y a eu ingérence ? La situation catastrophique dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Irak avec encore 1 000 morts en juillet ? Les retombées maléfiques en Libye ? Sans parler du Kosovo. L’exemple des interventions dans le passé montre qu’elles déstabilisent les régions plus qu’elles ne contribuent à la paix. Comme l’a souligné le Pape François en réfutant cette intervention armée « Ce n’est pas l’affrontement qui offre des perspectives d’espérance pour résoudre les problèmes, mais la capacité de se rencontrer et de dialoguer.». Le gouvernement français doit renoncer à l’emploi des forces armées, faire respecter le droit international et prendre toutes les initiatives politiques possibles pour obtenir un cessez-le-feu. Un sondage d’opinion, publié les 29 et 30 août montre que 64% de l’opinion publique française reste opposée à une intervention militaire. 37% redoutent qu’elle fasse basculer la Syrie vers un régime islamiste et 35% qu’elle n’embrase la région. Aujourd’hui cette crise syrienne est devenue une crise géopolitique où chacun défend ses intérêts dans la région et les tensions nous projettent cinquante ans en arrière dans une bipolarisation Russo-Américaine extrêmement préoccupante. La Rédaction


DOSSIER

Les accords d'Oslo, 20 ans après

• La déclaration de principes

De l'enthousiasme au désespoir

• Point de vue

Le rôle de la communauté internationale

• Les perspectives d’avenir

Résistance et solidarité

Lorsque les accords d’Oslo ont été signés en septembre 1993, beaucoup pensaient que le processus de paix au Proche-Orient avait enfin commencé véritablement. Le cœur des accords portait sur le retrait d’Israël de la Cisjordanie et de Gaza qui devaient être administrées par les Palestiniens avec la création de l’autorité nationale palestinienne. Les parties ont signé des lettres de reconnaissance mutuelle par laquelle Israël a reconnu l’OLP comme représentant légitime du peuple palestinien, et l’OLP a reconnu le droit à Israël d’exister et de vivre dans la sécurité et de renoncer à la violence. Aujourd’hui, 20 ans après, la situation est dans une impasse infernale avec le développement des colonies, incursion de l’armée israélienne, le développement du Hamas opposé à l’OLP… Les beaux jours des années 90 quand la paix semblait possible se sont éloignés. Retour sur des accords censés être un début de conciliation entre Palestiniens et Israéliens. N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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DOSSIER

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La déclaration de principes

De l'enthousiasme au désespoir zones (bande de Gaza, Jéricho), le transfert de compétences aux Palestiniens (éducation, culture, santé, protection sociale, impôts, tourisme) le développement économique, etc.

Une référence à la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’Onu

En 1993, les accords d’Oslo suscitaient un immense espoir, celui d’un processus de paix permettant à la Palestine de devenir un État souverain. Où en sommes-nous aujourd’hui et que reste-t-il de ces accords ? 12 12

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Yasser Arafat et Yitzhak Rabin lors de leur remise du prix Nobel de la Paix en 1994

oici 20 ans les « Accords d’Oslo » étaient signés à Washington sous l’égide du Président Clinton, suite à des négociations menées en Norvège par l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) et le gouvernement israélien. Les « accords » s’intitulent en fait « déclaration de principes sur les arrangements intérimaires d’autogouvernement ». Ils affirment la volonté partagée de mettre fin à des décennies de conflits pour parvenir à « une paix juste, durable, globale et une réconciliation historique ». Un de leurs objets est d’établir une autorité palestinienne intérimaire autonome dans le cadre d’un processus de négociations. Il convient d’un « cadre pour une période intérimaire de 5 ans devant aboutir à ce que les Palestiniens puissent se gouverner euxmêmes selon des principes démocratiques ». Il est donc composé d’articles prévoyant l’organisation du Conseil palestinien qui prendra le relais des autorités israéliennes, ses structures ; son mode d’élection et ses compétences. Ils précisent : les dispositions s’appliquant à la Cisjordanie et à Gaza, constituent une « unité territoriale unique » ; le retrait des troupes de certaines

Ces accords fait référence aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’Onu. La résolution 242, élaborée à la fin de la guerre des 6 jours en novembre 1967 prévoyait « l’instauration d’une paix juste et durable permettant à chaque État de vivre dans la sécurité », « le respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de violence ». Cette déclaration de principes définit une période intérimaire de 5 ans, mais pas les « implantations », la sécurité extérieure demeurera de la seule responsabilité israélienne. Des négociations doivent être engagées pour aboutir au statut permanent.

Les bases pour la revendication de l’État palestinien Les accords d’Oslo ont été suivis par la mise en œuvre des dispositions concernant la prise en charge de l’administration des territoires palestiniens : création de l’Autorité palestinienne. Les Palestiniens ont un gouvernement élu qui a pris en charge l’administration des territoires palestiniens, malgré toutes les difficultés créées par Israël et les crises politiques internes graves. Il a donné lieu à des réalisations concrètes : construction d’infrastructures par des États donateurs, détruits peu après par Israël… Depuis, plusieurs résolutions de l’Onu ont consolidé la revendication, qui n’est, certes, qu’un compromis douloureux, d’un État palestinien sur les frontières de 1967. (22% du territoire de la Palestine seulement pour les Palestiniens) qui est maintenant largement acceptée au plan international et sert de base aux négociations.

Oslo II, le piège du découpage du territoire Suite aux négociations d’Oslo II en 1995, une division du territoire palestinien en trois zones a été mise en place : une zone A relevant de l’autonomie palestinienne (60% de la Bande de Gaza et 3% de la Cisjordanie) ; une zone C dépendant


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des seuls Israéliens (70% du territoire, incluant les colonies israéliennes implantées en Cisjordanie, et à Jérusalem-Est) ; une zone B gérée en commun (27% du territoire palestinien). Hélas, cette situation s’est révélée être un véritable piège pour les Palestiniens. Dans les zones A et B l’intervention israélienne est permanente (développement des colonies, incursions de l’armée, pompage de l’eau). Quant à la zone C, Israël y fait régner une véritable terreur, rendant insupportable la vie des Palestiniens qui y habitent en particulier dans la vallée du Jourdain. Le territoire en zone B est tellement morcelé que l’on peut véritablement parler d’un « archipel » palestinien en Cisjordanie.

La colonisation et la judaïsation de Jérusalem : la ruine des espoirs d’Oslo Dés sa signature, certains avaient des inquiétudes sur la viabilité du futur État palestinien du fait de la discontinuité du territoire. En outre, la politique d’Israël contribue à ruiner bien des espoirs du fait de l’absence de garanties sur l’arrêt de la colonisation dans l’accord. Demandées par les négociateurs palestiniens, elles ont été refusées. La population des colonies a doublé depuis Oslo. Le statut de Jérusalem, qui n’est pas évoqué dans les accords et devait faire l’objet de négociations futures, pose aussi beaucoup de problèmes. Le gouvernement d’Israël mène une politique d’éviction de la population palestinienne et de judaïsation, et a refusé toutes les propositions de règlement élaborées dans les différentes négociations.

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Les espoirs d’Oslo toujours à conquérir !

toujours refusé à faire. Pour les Palestiniens aujourd’hui, la conviction que leur lutte est juste et légitime nourrit un espoir inébranlable.

Malgré toutes les raisons de doute, il faut se replacer dans le contexte historique. Les accords d’Oslo, se référant aux résolutions de l’Onu consacraient l’acceptation par les deux parties de deux entités. Ils reconnaissent Yasser Arafat, leader historique de l’OLP puis son successeur en tant qu'interlocuteur politique, ce qu’Israël s’était

Nicole Bouexel

Évolution de la population israélienne dans les colonies de 1972/20121

1

Année

Population

Dont Jérusalem-Est

1972

10 608

8 649

1992

258 400

141 000

2002

414 119

175 617

2012

520 000

Non disponible

Source : Bureau central de la statistique d’Israël et Plateforme des ONG française pour la Palestine (2012)

Quel avenir pour Jérusalem ? Le plan de partage de la Palestine de 1947 traitait longuement de la préservation des lieux saints à Jérusalem. Il prévoyait que la ville devait être placée sous mandat international et administrée par l’Onu. Ces dispositions n’ont jamais été appliquées et rien n’a été prévu pour Jérusalem dans les accords d‘Oslo. Au mépris des recommandations internationales et malgré des propositions réalistes de divers plans de paix pour une administration partagée de la ville, qui serait aussi capitale de la Palestine, le gouvernement d’Israël poursuit son objectif de faire de Jérusalem « une et indivisible » la capitale de l’État d’Israël. Tous les moyens sont bons pour accélérer la judaïsation de la ville : construction de colonies enserrant Jérusalem-Est, expulsion des populations et démolitions de maisons dans les quartiers palestiniens, installation de colons au cœur même du quartier arabe (Ariel Sharon s’y est même installé une maison !). Un projet de fermeture de la porte en direction de la Cisjordanie aboutirait à l’asphyxie complète de l’économie des quartiers arabes de la vieille ville fondée sur le tourisme. N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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DOSSIER

Les

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Point de vue

Le rôle de la communauté internationale Les accords d’Oslo n’ont pas abouti. Il y a un problème fondamental à cela ; le poids du pouvoir. Israël est fort, les Palestiniens trop faibles. Les États-Unis sont du côté d’Israël quand il le faut et les Européens sont inaudibles. Jean-Claude Lefort, président d’honneur de l’association France Palestine solidarité pointe l’incapacité des grandes puissances à faire appliquer les règles qu’elles ont établies. 14 14

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L

es Accords d’Oslo, conclus en 1993 entre les Palestiniens et les Israéliens, ont constitué à l’époque un immense espoir. Quiconque se souvient de la poignée de main, à la Maison Blanche, entre le président Yasser Arafat et Yitzhak Rabin ne me démentiront pas. J’étais député à l’époque et m’en souviens bien. La mort de Rabin, assassiné par un ultra-orthodoxe juif, signifiera de manière douloureuse et éclatante la fin de cet espoir. Les accords d’Oslo, voulus en particulier par les Palestiniens mais trahis par les Israéliens, n’ont finalement à peu près rien apporté, sinon pire sur le terrain en terme de colonisation et d’expulsion. Il convient d’en tirer les leçons pour aujourd’hui.

Il en est au moins deux, incontournables pour moi. La première, est qu’il faut en finir une fois pour toutes avec l’idée “d’accord intermédiaire”. Les accords d’Oslo prévoyaient la constitution d’un État palestinien dans les 5 ans. La “Feuille de route” du Quartette signée en 2003 le prévoyait dans les trois ans. à Annapolis, en 2007, c’était pour dans un an ! Et d’État palestinien, il n’y a toujours pas. Il faut donc en finir avec cette “logique” qui ne permet qu’une seule chose : l’extension des colonies par les Israéliens, le fait accompli qui leur permet de dire après : “ Ce qui est à nous est à nous, ce qui est à eux se discute”. Il faut un accord global et définitif qui n’est possible que s’il est basé sur le droit international. On comprend mal qu’il faille des discussions entre les deux parties sur ce point. Israël doit appliquer le droit. Point final. Nous en sommes très loin et ce qui se passe aujourd’hui nous conforte dans cette opinion. La seconde leçon majeure est que, si on veut un accord durable et donc juste, favorable aux deux parties, on ne peut pas les laisser discuter en tête à tête, avec, en plus les USA comme puissance tutélaire. Les événements qui se produisent depuis des dizaines d’années au Proche-Orient ont une

Le Mur côté palestinien

cause : la décision prise en 1947 de partager la Palestine historique en deux entités. Quoi qu’on puisse penser de cette décision, qui était en réalité une “recommandation” de l’Assemblée générale de l’époque, le fait est qu’au lieu des 44% dévolus aux Palestiniens pour bâtir leur État, il n’en reste plus que 22%, la moitié. Les Palestiniens ont finalement accepté cela, en 1988. Et il faudrait qu’il fasse encore de nouveaux sacrifices ? C’est ce qu’on appelle la “communauté internationale” qui a créé le problème. C’est à elle de le résoudre. Les discussions à deux sont tellement déséquilibrées que rien n’est possible de ce côté, c’est plus qu’évident. Il faut que l’Onu, et donc l’Europe et en son sein la France, jouent tout leur rôle; qu’elles ne contemplent plus mais agissent pour faire respecter le droit par les Israéliens. Elles ne le font pas. C’est complicité. C’est donc, comme ce fut le cas dans tous les autres conflits coloniaux, à l’opinion publique de se manifester pour exiger des actes pour la paix. La solidarité internationale est devenue majeure aujourd’hui. C’est notre rôle que ne de pas désarmer ou renoncer. Plus que jamais on doit agir en rassemblant non pas sur des affichages de circonstance mais sur du solide et du réaliste. Du moins, si on veut la paix,... La paix est entre nos mains. Jean-Claude Lefort, député honoraire, président d’honneur de l’Association France Palestine solidarité(AFPS)


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Les perspectives d’avenir

Résistance et solidarité La période intérimaire de transfert des pouvoirs à l’Autorité palestinienne devait durer 5 ans. Les négociations devaient s’engager rapidement pour aboutir à un statut permanent de coexistence pacifique garantissant la paix et la sécurité aux deux peuples. 20 ans après, ces objectifs sont loin d’être réalisés.

S

i les objectifs des accords d'Oslo ne sont toujours pas atteints, il n'en reste que néanmoins l’État de Palestine bénéficie - enfin - d’une reconnaissance internationale avec son entrée à l’Unesco en 2011 et son admission comme non-membre observateur à l’Onu en novembre 2012.

L’exaspération des Palestiniens suite à l’échec des négociations L’échec de plusieurs négociations a fait perdre l’espoir à la population palestinienne et provoqué au début des années 2000 la radicalisation de la résistances armée de certains groupes palestiniens (qui y ont maintenant renoncé). Du côté israélien, Ariel Sharon, arrivé au gouvernement en 2001, avait déclaré que les accords d’Oslo « étaient la plus grande catastrophe qui soit jamais arrivée à Israël »1. Aujourd’hui, Benjamin Netanyahou dans une vidéo datant de 2001, diffusée sur Internet2 déclarait que, pour lui, la zone C est zone militaire ! Pas étonnant qu’on constate un échec du processus d’ Oslo ! Les politiques menées par les gouvernements israéliens ont été d’une violence extrême pour dénier aux Palestiniens le droit de vivre sur leur terre et casser la résistance. Surtout, l’objectif est de créer un État de fait par l’occupation du terrain.

La résistance populaire non-violente, une action très politique… Pourtant l’État palestinien existe bel et bien et son économie est en plein essor. Mais la négation des droits élémentaires des Palestiniens qui ne peuvent pas vivre, travailler et se déplacer librement dans leur pays a suscité depuis 2005 l’émergence de la résistance populaire non-violente. Avec l’aide de la solidarité internationale, elle s’étend, malgré une répression cherchant à terroriser la population.

Mustapha Barghouti, fondateur de « l’initiative nationale palestinienne », homme politique très critique par rapport à l’Autorité palestinienne qui a soutenu dès ses débuts la résistance populaire à Bil’in, interrogé sur la reprise récente des négociations déclarait3 que « l’expérience de 20 ans de négociation suffit pour prouver que c’était une erreur de signer les accords d’Oslo avant l’arrêt de la colonisation (…) La seule façon de changer le rapport de force est la résistance populaire non violente (…) réponse à l’oppression ». Il souligne que le mouvement s’oriente vers une nouvelle stratégie plus offensive : « Nous ne réagissons pas seulement à ce que fait l’occupant (...) Nous occupons les terres que veulent s‘approprier les colons. » Les Palestiniens ont ces derniers mois installé des villages de tentes (vite démantelés !) à Jérusalem.

Des sanctions pour faire cesser l’impunité d’Israël.

Priorité de la rentrée : suspension de l’accord d’association d’Israël avec l’Union européenne Un espoir récent cependant : sous la pression du mouvement de solidarité internationale, l’accord d’association a subi une première brèche cet été. Une directive européenne a été adoptée prévoyant que désormais, les productions des colonies devront en être exclues. C’est un premier pas important. Continuer l’action auprès de la France et de l’Union européenne pour sa suspension est un des chantiers prioritaires de cette rentrée. Israël, qui annonce la construction de colonies au moment où des négociations avec la Palestine reprennent, ne peut plus bénéficier d’une telle impunité. Nicole Bouexel et Jeannick Leprêtre 1

Cité dans « Les 100 clés du Proche-Orient Alain

Mustapha Barghouti souligne aussi l’im- Gresh et Dominique Vidal – Editions Hachette portance de la campagne BDS (boycott, désin- 2 http://www.youtube.com/watch?v=ZJGpZp7CD_o vestissement, sanctions). Israël peut mener 3 Interview dans l’Humanité du 6 août 2013 cette politique arrogante sans aucun souci du droit international, parce qu’il bénéficie d’une impunité totale des puissances occidentales et des États-Unis. La France et l’Union européenne ont une attitude très contradictoire. Les déclarations sur les droits des Palestiniens et parfois des protestations envers Israël (par exemple lors des bombardements sur Gaza ou sur la construction de nouvelles colonies), ne sont jamais Résistance non-violente à Bil'in, mars 2013 suivies d'effets concrets. N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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RÉFÉRENCE Données géographiques et démographiques         

Population : 4,3 millions (dont 2,75 millions en Cisjordanie et 1,54 millions dans la bande de Gaza) Superficie : 6 020 km² (5 655 km² en Cisjordanie, 365 km² dans la bande de Gaza) Densité : 450 personnes/km² en Cisjordanie, 4 279 personnes/km² dans la bande de Gaza Villes principales : Gaza City, Hébron, Naplouse, Jénine, Bethléem, Jérusalem (Est) Croissance démographique : 2,9% Indice de fécondité : 4,3 enfants par femme Espérance de vie : 71 ans pour les hommes et 73 ans pour les femmes Taux d’alphabétisation : 92,4% Indice de développement humain : 0,641/ 114e rang

L’accord d’association entre l’Union européenne et Israël Un accord d’association a été signé entre l’Union européenne et Israël en 2000 dans le cadre des accords euro-méditerranéens. Il prévoit des accords de libre-échange pour les produits industriels et d'importantes concessions pour le commerce de certains produits agricoles, avec des droits de douane réduis ou éliminés. Actuellement, de nombreux produits exportés par Israël proviennent des colonies illégales situées sur le territoire palestinien et une directive de juillet 2013 demande que ces produits soient exclus de l’accord.

Le territoire palestinien est divisé en trois zones  La zone A comprend les sept grandes villes palestiniennes de Cisjordanie, à savoir Jenine, Qalqiliya, Tulkarem, Naplouse, Ramallah, Bethléem et Hébron, où l’Autorité palestinienne assure la sécurité et l’administration. La zone A couvre 20 % de la Cisjordanie et comprend 55% de sa population. Dans les faits, l’armée israélienne intervient fréquemment en zone A.

La zone B comprend la plupart des autres localités palestiniennes, à l’exception de certains camps de réfugiés et villages. L’Autorité palestinienne y a, en théorie, la responsabilité de l’administration et Israël conserve une responsabilité prépondérante pour les questions de sécurité.

La zone C est sous contrôle total d’Israël pour la sécurité et l’administration. La zone C représente la plus grande portion des terres de la Cisjordanie (62%). C’est la seule zone y possédant une continuité territoriale, encerclant et divisant les zones A et B. De plus, elle comprend la plus grande part des terres fertiles et des ressources de Cisjordanie. La Vallée du Jourdain est à 87% en zone C.

Territoire de Jérusalem est unilatéralement annexé par Israël en 1967

Les accords d'Oslo

[

Zone A et B Zone C et réserves naturelles

 Résolution 242 du Conseil de sécurité adoptée le 22 novembre 1967 à la majorité absolue des 15 membres : « Le Conseil de sécurité, Exprimant l'inquiétude que continue de lui causer la grave situation au Proche-Orient, Soulignant l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d'œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité, Soulignant en outre que tous les États Membres, en acceptant la Charte des Nations unies, ont contracté l'engagement d'agir conformément à l'Article 2 de la Charte, 1. Affirme que l'accomplissement des principes de la Charte exige l'instauration d'une paix juste et durable au Proche-Orient qui devrait comprendre l'application des deux principes suivants : a. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ; b. Fin de toute revendication ou de tout État de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région et de son droit 16

N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de violence ; 2. Affirme d'autre part la nécessité a. De garantir la liberté de navigation sur les voies d'eau internationales de la région ; b. De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ; c. De garantir l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique de chaque État de la région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées ; 3. Prie le Secrétaire général de désigner un représentant spécial pour se rendre au Proche-Orient afin d'y établir et d'y maintenir des rapports avec les États concernés en vue de favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes de la présente résolution ; 4. Prie le Secrétaire général de présenter aussitôt que possible au Conseil de sécurité un rapport d'activité sur les efforts du représentant spécial. »


On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît

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MONDIALISER LA PAIX Amérique Latine

Les peuples veulent maîtriser Dans la dernière

l'influence des USA et

La CIA impose ses soupçons

décennie, l'Amérique Latine a subi une série de transformations historiques. Les changements politiques importants, une croissance économique sans précédent, des dirigeants politiques qui contestent

développent l'autonomie régionale, se sont réunis pour remodeler un nouveau continent émergent.

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e qui s’est passé lors du retour du président élu de la République de Bolivie, Evo Morales, après la Conférence mondiale des pays producteurs de gaz, à Moscou, est lourd de signification quant à l’évolution des relations internationales. En juillet, l’avion présidentiel bolivien doit ramener Evo Morales à sa capitale La Paz, avec une escale de ravitaillement, déjà prévue, sur le territoire portugais des Açores. Mais au moment du départ, après les derniers entretiens diplomatiques, le Portugal argue de difficultés techniques pour annuler l’arrêt convenu. Une escale de remplacement est négociée avec l’Espagne, à Las Palmas, aux Iles Canaries. L’avion présidentiel décolle de Moscou et apprend, en vol, alors qu’il est sur le point de pénétrer son espace aérien, que la France retire l’autorisation de survol de son territoire, contrairement aux conventions internationales. L’Italie, recours possible, sollicitée, fait de même. Risquant d’être à court de kérosène en retournant à Moscou, une escale d’urgence à Vienne est obtenue auprès de l’Autriche. Qu’elle n’est pas la surprise des autorités boliviennes de découvrir, par la bouche de l’ambassadeur d’Espagne à Vienne, qu’un nouveau vol est conditionné par l’exigence d’une inspection de l’avion diplomatique. Les États-Unis ont obtenu cela de quatre pays européens souverains, membres de l’Union européenne, le Portugal, l’Espagne, la France et l’Italie, qui acceptent de s’incliner devant une exigence de violation des règles diplomatiques.

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L’avion aurait pu transporter Edward Snowden, bête noire des dirigeants nord-américains qui a dévoilé la surveillance électronique intrusive effectuée par la NSA (Agence Nationale de Sécurité) des ÉtatsUnis, et par ses sous-traitants, sur ses propres citoyens, sur ceux de tous les pays du monde, sur leurs ambassades et sur les sièges de l’UE et de l’Onu. La fermeté du président bolivien, les protestations internationales, en particulier de l’Argentine, de l’Équateur, du Chili, de l’Uruguay, du Venezuela, du Brésil, de la Colombie, du Pérou, la déclaration de l’UNASUR, l’arrivée à Vienne des ambassadeurs de « l’Alliance Bolivarienne des Peuples des Amériques (ALBA) », ont fait que le départ a finalement eu lieu avec l’escale indispensable aux Canaries. Depuis, les quatre pays européens ont présenté des excuses officielles à la Bolivie.

Le droit international bafoué Mais on peut en tirer d’inquiétants enseignements. Car cet exemple d’obéissance initiale à des exigences de comportements contraires au droit international et aux conventions diplomatiques, tout comme la discrétion de l’UE et de la plupart de ses membres pour élever une protestation pourtant normale et nécessaire face aux agissements de la NSA, marquent des formes de soumission à une suzeraineté nord-américaine qui n’est pas acceptable. Ce genre de comportement va persister. Un citoyen brésilien, en transit aérien à Londres, vient d’être retenu 9 heures par la police britannique sans inculpation mais avec confiscation de ses bagages. L’explication donnée : il est le compagnon d’un journaliste du Guardian, le journal qui a publié les révélations de Snowden. C’est cette soumission qui amène aussi des États à se taire sur d’autres « pratiques » - voire y contribuer - non fondées en droit international, comme l’assassinat sans jugement y compris par drones, le maintien en captivité hors légalité comme à Guantanamo, et la kyrielle des tentatives, réussies ou non, de déstabilisation et de coups d’État, les actions armées à l’extérieur sans déclaration de guerre ou sans mandat de l’Onu, explicite et conforme à sa Charte.

Des luttes pour la démocratie La plupart des peuples d’Amérique Latine ont subi certaines de ces « pratiques » dès qu’ils ont choisi de ne plus se soumettre, jusqu’à voir renversés leurs gouvernements légitimes. Ils ont lutté longuement pour leurs droits et la démocratie. Des voies de résistance armée ont parfois été tentées pendant plusieurs années pour certains d’entre eux. Des évolutions dans les situations nationales et internationale, des avancées dans les prises de conscience de l’opinion populaire, des positions idéologiques nouvelles ont amené des négociations de paix, certaines ayant abouti, et des changements politiques, économiques et sociaux. Des possibilités d’expression démocratique se sont ouvertes ou réouvertes, malgré des situations encore tendues ou conflictuelles. Pour plusieurs pays, des processus électoraux pluralistes et une plus grande liberté d’expression et de manifestation ont pu enfin être établis ou rétablis. Des élections successives et renouvelées ont amené des coalitions populaires, des « fronts amples », à la direction de nombre de ces pays pour tenter de réparer et résoudre les énormes inégalités sociales et économiques, éducatives et


leur avenir Bannière anti-USA lors d'une manifestation au Brésil

culturelles, aggravées par les conséquences désastreuses des politiques néo-libérales antérieures imposées par les interventions du FMI et les directives de la Banque Mondiale, les injustices et les crimes subis pendant de longues années d’autoritarisme et de dictatures militaires, les discriminations à l’encontre des populations autochtones.

Des politiques nouvelles Il s’agit aussi pour ces peuples de garder, reprendre ou assurer, enfin, une maîtrise nationale pérenne des ressources, des richesses et des productions de leurs pays, tout en tentant d’assurer la préservation de l’environnement, de la diversité de la faune, de la flore, des ressources vivrières et du patrimoine matériel, culturel et immatériel. Le Brésil, l’Argentine à partir de 2002, le Venezuela dès 1998 puis l’Uruguay, le Paraguay, l’Équateur, le Nicaragua, le Honduras avant le coup d’état de 2009, ont commencé à s’engager partiellement dans de tels processus. Ce n’est pas sans mal et sans contradictions que se mènent ces politiques nouvelles, par des voies électorales et par des mobilisations populaires dans un cadre constitutionnel, pour que se concrétisent les orientations choisies par le peuple, qu’elles ne soient pas dévoyées par la corruption, la délinquance, les pressions des multinationales, les pratiques administratives et policières héritées du passé, ou annihilées par l’inflation des prix ou les dépenses somptuaires militaires. Les grandes manifestations récentes au Brésil portaient sur ces revendications. Sans oublier le rôle des femmes dans les exigences de justice et les mobilisations populaires en Argentine, au Chili et tant d’autres pays. Des structures communes à ces pays, élargies à d’autres, se sont créées, alternatives ou parallèles à celles que la puissance nordaméricaine avait pu implanter depuis 1890 et plus fortement après 1945, pour garantir

ses intérêts dominants et imposer ses exclusives à l’encontre de ceux qui ne s’inclinaient pas, par exemple son embargo depuis un demi-siècle contre Cuba. Ainsi sont nées, hors participation des ÉtatsUnis : en 2005, l’ALBA-TCP (Alliance Bolivarienne pour les peuples d’Amérique – Traité de Commerce des Peuples), rassemblant la Bolivie, Cuba, la Dominique, l’Équateur, les Grenadines, le Nicaragua, le Venezuela ; en 2008, l’UNASUR, comportant l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Paraguay, le Pérou, le Surinam, l’Uruguay, le Venezuela ; en 2011, la CELAC (Commission des États Latinos Américains et Caribéens) rassemblant 33 pays, créée au sommet de Caracas, après les réunions préparatoires de 2008 à Balna (Brésil) et 2010 à Cancun (Mexique).

Mutualiser les ressources Une monnaie commune d’échange, le Sucre, est en cours de fondation entre quelques-uns de ces pays, avec une mutualisation de leurs ressources. Des points d’appui importants se construisent en vue de l’émancipation économique et politique recherchée, pour aider à la réalisation des objectifs de justice sociale, le renforcement des services publics d’éducation, de santé, de transport, l’accès au logement, à l’eau potable, à l’énergie domestique, le développement des emplois. Ces points d’appui pèsent positivement dans les difficiles confrontations économiques avec les voisins d’Amérique du Nord et leur Association de Libre Échange (ALENA) qui a déjà désavantagé le Mexique, et permettent d’exiger le respect mutuel et le partage plus équitable dans des structures comme le Mercosur (Marché Commun du Sud), l’OEA (Organisation des États Américains). Ils sont aussi une force dans les négociations économiques transatlantiques avec l’Union européenne

pour que les termes de l’échange soient équitables et mutuellement avantageux. Ce sont des facteurs d’entente, de coopération, d’échanges fructueux, de mutualisation favorable, de relations pacifiées, non-violentes entre États, peuples, populations dans leur diversité. C’est un recul de la militarisation de la vie sociale, le début de réductions possibles des dépenses militaires et des surenchères d’équipement en armement, permettant de prolonger les bienfaits résultant du fait que l’Amérique du Sud a choisi d’être une zone sans armes nucléaires. Ce sont des exemples encourageants pour les peuples qui n’ont pas encore réussi à imposer le respect des droits civiques et des libertés fondamentales, des élections démocratiques, une constitution comportant l’essentiel des valeurs dignes d’un État de droit.

Un souffle d’espoir Les avancées démocratiques et pacifiques dans cette partie du monde, le rôle que jouent les peuples d’Amérique Latine dans les mouvements sociaux agissant pour qu’un autre monde soit possible et se construise, doivent pouvoir compter sur le soutien des forces démocratiques et de paix partout dans le monde. Ce doit être le cas en Europe, dans l’Union européenne et dans notre pays, concerné de plus par la situation géographique de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique. Plus généralement, nous trouvons là, matière à une avancée, un développement de la culture de la paix et de la non-violence, vers des rapports pacifiques sur un pied d’égalité entre pays, le refus des discriminations et des injustices, la participation démocratique, le respect de tous les droits humains, l’éradication de l’analphabétisme, de la famine, la solidarité internationale pour sauvegarder les populations, leur avenir et celui de la planète.

Raoul Alonso N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX France-Algérie

La magie de l’amitié Du 6 au 15 mai dernier, dix anciens appelés en Algérie et leurs épouses, un réfractaire, deux « pieds noirs progressistes » et quelques amis ont effectué un périple dans l’Est algérien qui leur a permis de visiter quelques

L

a rencontre entre les anciens appelés en Algerie et les anciens résistants algériens avait un double objectif : (re) nouer des liens d’amitié avec le peuple algérien et contribuer à la reconnaissance des faits qui se sont déroulés sur le sol algérien entre le début de la colonisation en 1830 et la fin de la guerre en 1962. « Mémoire et fraternité », en fut le titre. Il est significatif qu’il ait fallu près de cinquante ans pour qu’un tel voyage puisse avoir lieu. Pourquoi ? L’un des anciens appelés l’a expliqué : « A vingt ans, on croit faire son devoir. On ne se rend pas compte qu’on est manipulé. Et on est amené à faire des choses horribles - ou alors d’y assister sans pouvoir intervenir. Beaucoup d’entre nous ont été traumatisés ; moi-même, j’ai refoulé pendant très longtemps. D’ailleurs personne ne m’aurait cru. L’opinion française ne savait presque rien de ce qui se passait là-bas. Encore aujourd’hui, il y a une chape de plomb sur la vérité. Des deux côtés de la Méditerranée, s’entend. »

« hauts lieux » de la guerre d’Algérie et de rencontrer de nombreux anciens résistants, leurs adversaires d’antan.

Rencontre avec Louisette Ighilahriz, mai 2013

Le ton est donné dès le premier jour, dans la magnifique ville de Constantine. Dans le salon d’un hôtel au bord de la Casbah, nous avons rendez-vous avec deux historiens et Mohamed Mechatti, 92 ans, le dernier survivant des « 22 historiques » qui, sur l’initiative de Mohamed Boudiaf, lancèrent l’insurrection, en juillet 1954. Il raconte : 20

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« J’ai été mobilisé dès le début de la guerre de 1940 dans le cadre des Tirailleurs Algériens. J’ai participé à la bataille du Mont Cassin, puis nous avons été repliés sur la France. Puis, le 8 mai 1945, j’étais à Marseille quand j’ai appris les massacres d’Algériens qui venaient d’avoir lieu à Sétif. Cela a été un choc terrible. La blessure est toujours là…. » Pris d’émotion, il reprend : « Pourtant j’étais parti sans haine. Dans ma génération nous croyions à la « Liberté, Égalité et Fraternité ». On nous avait dit « Venez combattre le fascisme d’abord. Nous pourrons régler le problème de l’Algérie algérienne après.» Bref, à mon retour dans le pays, je suis devenu agent spécial pour le Front de Libération National. J’étais désormais convaincu que la réponse devait passer par les armes. » Rémi Serres, un des quatre paysans du Tarn qui ont fondé 4ACG* prend la parole à son tour : « Nous sommes persuadés que cette guerre aurait dû et pu être évitée. Comme tant d’autres, d’ailleurs. Mais pour éviter que de telles horreurs se répètent, il faut faire la lumière sur ce qui s’est passé : reconnaître les massacres délibérés, dénoncer analyser les causes qui l’ont déclenchée. » Le lendemain, justement, c’est le 8 mai et le 68ème anniversaire des massacres de Sétif, Guelma et Kherata (plus de 2000 morts). La plupart des historiens estiment que ces trois événements ont marqué le véritable début de la guerre d’Algérie. à Guelma nous avions espéré, en vain, nous faire inviter aux cérémonies de commémoration. Dans l’intimité de notre hôtel, nous rencontrons une quinzaine d’amis de l’un de nos « pieds noirs progressistes » dont le père tenait une boucherie dans le centre-ville. Un de ses anciens voisins, un ex-député raconte d’une voix blanche : « Mon père est mort à 52 ans, mon oncle à 32 ans et un cousin à 31. Mais,


Rencontre entre les moujahidines et les trois représentants des associations françaises à la Mairie de Beni Mouache, mai 2013

ajoute-t-il, je n’ai aucune haine pour le peuple français. Et nous vous accueillons avec une très grande joie. » à Sétif, nous parcourons avec émotion la « rue du 8 mai 1945 » où eut lieu, il y a 68 ans, le défilé pour fêter la victoire sur les nazis et pendant lequel un scout musulman portant un drapeau algérien fut tué par la police. Les gens nous abordent avec curiosité et gentillesse : « Vous êtes Français ? Soyez les bienvenus en Algérie ! » Un ancien appelé s’exclame : « Comment avons-nous pu faire la guerre à ces gens-là ? Comment est-ce qu’on a pu en arriver là ? » Quelques jours plus tard, dans les collines de la Petite Kabylie gardant encore les traces des villages bombardés, nous sommes reçus à la mairie de Beni Mouache. Sur l’estrade richement décorée de drapeaux et de portraits, quatre moujahidines (résistants) et les trois représentants des associations françaises. L’hymne algérien retentit. Nous nous levons tous, certains avec une boule dans la gorge. Les Français expliquent notre démarche. Le doyen des moudjahidines répond : « Je vous félicite. Votre initiative est intelligente, courageuse et prometteuse. Mais permettez-moi d’insister :

pour nous l’essentiel est que la France reconnaisse les crimes qui ont été commis, pas seulement pendant les huit années de la guerre d’Algérie, mais pendant les 120 ans de colonialisme qui l’ont précédée. Un tout petit exemple : pendant tout ce temps-là, l’administration a construit dans cette vaste région seulement deux écoles. La veille de notre départ, nous avons eu la joie de rencontrer une grande dame, Louisette Ighilahriz qui fut torturée par le général Massu et sauvée in extremis par un médecin militaire. Elle nous a assuré :

« Nous ne demandons ni repentance, ni indemnités. Nous demandons simplement la reconnaissance des faits. Il faut ouvrir les archives, des deux côtés ! » Pour respecter la mémoire et pour retrouver la fraternité. Ce fut un voyage magique, un de ces voyages qui vous réconcilie avec l’humanité, une rencontre, ni officielle ni sportive mais entre peuples. Marlène Tuininga

Les organisateurs du voyage : - 4ACG (Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre), créée en 2004 par quatre paysans du Tarn dont les membres reversent leurs pensions d’anciens combattants à des projets de solidarité en Algérie. - ANPNPA (Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes), fondée en 2008, qui cherche à rompre avec le discours unique des associations de rapatriés existantes, notamment en combattant le racisme.. - Réfractaires non-violents à la guerre d‘Algérie, association créée en 2004, dont les membres ont fait jusqu’à trois ans de prison lorsqu’ils ont refusé d’endosser l’uniforme. Dénonçant l’inutilité de la guerre, ils s’engagent aujourd’hui pour la résolution nonviolente des conflits. La Coordination des rencontres et la logistique de ce voyage furent assurées par « Voyag’acteur », voyagiste spécialisé dans les rencontres solidaires.

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CULTURE Spectacle

Pour la Liberté ! ‘‘Martin Luther King : la voix de la fraternité’’, une création d’Abdel Soufi*, met en scène des chanteurs, des danseurs, des comédiens pour conter l’histoire de Martin Luther King, leader du mouvement des droits civiques, l’un des premiers symboles d’égalité et de liberté du XXè siècle qui s’est attaqué sans relâche et avec succès à la politique de ségrégation des Noirs. Rencontre avec l’auteur.

EN SAVOIR PLUS • www.combatpourlaliberte.com/ 22 22

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lanète Paix : Comment l’idée de cette création est-elle née ?

Abdel Soufi : C’est un opéra négrospiritual-gospel qui raconte la vie de Martin Luther King, dans lequel se côtoient et se mêlent différentes formes artistiques comme la danse, le chant, la musique et beaucoup de texte. Le texte prend sa source dans les discours de Martin Luther King et ses écrits, comme la lettre de la geôle de Birmingham où il était emprisonné, son célèbre discours « I have a dream » (J’ai fait un rêve) qu’il a prononcé le 28 août 1963, devant 250 000 personnes rassemblées au Mémorial Lincoln de Washington, lors de la fameuse marche vers Washington pour le travail et la liberté. Nous sommes en 2013. C’est une date historique. J’ai souhaité célébrer ce cinquantième anniversaire.

PP : Ce spectacle est une première… A.S. : J’ai vu des extraits de films sur les discours et la vie de Martin Luther King ou des photos, projetés lors de spectacles de gospel mais jamais un spectacle le mettant en scène. J’ai donc voulu créer un spectacle avec des images d’archives, avec des comédiens et du gospel puisque il était pasteur. Le spectacle se déroule sur scène, et dans la salle, grâce à un double dispositif d’écrans et de toiles (scène et salle), qui permet de rendre Martin Luther King à la fois acteur et spectateur de sa propre histoire. J’ai mis en scène Martin Luther King et un journaliste à partir d’une interview qu’il a accordée à la télévision américaine, en 1965. Le texte de la pièce parle de l’esclave avec des flashbacks sur la vie de Martin Luther King, la déportation des esclaves, les droits civiques, l’arrestation de Rosa Parks qui a refusé de céder sa place à un blanc dans le bus.

P.P. : Quel message voulez-vous faire passer ? A.S. : J’ai envie de faire connaître au grand public, de 12 à 77 ans, et de partager avec lui qui est Martin Luther King, défenseur de la Liberté, de l’Égalité, la Fraternité, la Paix. Son message est universel mais il n’est pas assez transmis. Au-delà de la lutte du peuple noir pour sa liberté, combats menés par exemple par Mandela, j’aimerais que nous travaillions toutes et tous, quelle que soit la couleur de notre peau, pour la fraternité, l’égalité des droits, la justice. Nous avons tous les mêmes droits. Et, comme le disait Martin Luther King, nous naissons libres et égaux. Aujourd’hui, je fais un rêve : que ce spectacle et ses textes feront réfléchir le public et bouger les consciences dans le respect de l’autre quel qu’il soit. Il est temps d’être debout et de se mettre en marche. La première aura lieu le 18 octobre, à l’Unesco puis, nous espérons que le spectacle se jouera ailleurs y compris partout en Europe. Propos recueillis par Evelyne Aymard * Le Mrap et le Mouvement de la Paix apportent leur soutien à ce spectacle.

L'équipe • Abdel Soufi, comédien, metteur en scène • Annie Milon, comédienne, danseuse, chanteuse et présentatrice TV. • Jean-Claude Bonnifait, comédien : après des formations en art dramatique, il intègre la classe de Francis Huster au cours Florent. • Géraldine Armstrong, chorégraphe. • Bassey Ebong, chef de cœur, actuellement directeur musical pour la mairie de Paris.


CULTURE Film

‘‘Les jours heureux’’ "Les jours heureux", c'est avant tout le titre du programme rédigé par le Conseil National de la Résistance. C'est aussi le titre du film de Gilles Perret qui vise à retracer comment une utopie folle dans cette période sombre devint réalité à la Libération.

I

l ya 70 ans, le 27 mai 1943 bravant la terreur nazie, un groupe d’hommes de tous horizonss politiques se réunissait dans la clandestinité à l’initiative de Jean Moulin. C’est ce jour là qu’a été créé le Conseil national de la Résistance qui a commencé à travailler à l’élaboration d’un programme à appliquer après la guerre. Quelques jours après cette première réunion, Jean Moulin était arrêté lors de la fameuse réunion de Caluire, dans la banlieue lyonnaise et devait mourir le 8 juillet 1943 dans le train qui l’emmenait vers l’Allemagne après avoir été horriblement torturé. Malgré cette tragédie et tous les drames de la guerre, malgré les difficultés rencontrées dans cette triste période pour organiser les réunions, travailler collectivement, communiquer, le groupe continue de se réunir pendant 10 mois. Imaginez leur courage et leur détermination pour aboutir au texte final (en ces temps on ne disposait pas d’internet, pas de téléphone, pas de photocopieuse). Les 16 hommes continuent à se réunir sous la présidence de Georges Bidault (démocrate chrétien) puis de Louis Saillant (CGT) - le texte est finalisé et présenté le 15 mars 1944. Il porte le nom incandescent « Les jours heureux ». Les mesures prévues dans ce programme sont destinées à « instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste » et aussi « l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple » Comment imaginer plus magnifique leçon de culture de paix que celle donnée par ces hommes ? Représentants des principaux

partis politiques, des différents courants de la résistances et des syndicats - d’opinions et d’origines très différentes - ces « utopistes », ont imaginé, dans la nuit de la guerre, un avenir de justice sociale et de démocratie pour une France à l’époque occupée et exsangue. Ce programme a été appliqué à la Libération

et a constitué la naissance du modèle social français avec la mise en place de la Sécurité sociale, du système de retraites par répartition, des service publics, des comités d’entreprise, des avancées en matière d’éducation, de culture, de loisirs, de santé,… Bien que sérieusement mis à mal ces dernières années, il constitue toujours le fondement de notre société.

C’est cette extraordinaire histoire que raconte Gilles Perret. Il est déjà le réalisateur du documentaire « Walter en résistance » où il donnait la parole à Walter un sacré bonhomme qui nous rappelait que la résistance se pratique au quotidien. Dans ce nouveau film, Gille Perret ne se contente pas d’évoquer le passé mais poursuit sa réflexion sur ce que sont devenus ces acquis du CNR. Comment se fait-il que ce programme mis en place dans un pays ruiné par la guerre, ne serait plus possible aujourd’hui, comme essayent de nous en persuader les hommes politiques de droite mais aussi certains de gauche, au nom du réalisme politique et d’une austérité nécessaire ? Avec une simplicité désarmante, il va poser la question à ces hommes politiques connus. Leurs réponses embarrassées, leurs faux-fuyants sont confondants ! La démarche de Gilles, réjouissante dévoile en même temps une bien triste réalité. Elle fait (ré ?) - apparaitre des vérités d'une simplicité d’une évidence absolues. Ce documentaire salutaire, grave et réjouissant à la fois est à voir et à faire voir à tous ! il a déjà été présenté en avant-première. Il sort en salle en novembre. Vu la teneur de son propos, nul doute qu’il ne bénéficiera pas d’une grande audience. à nous de le faire connaitre ! Nicole Bouexel

EN SAVOIR PLUS • http://lesjoursheureux.net N° 584 - Septembre 2013 - Planète PAIX

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