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Retour en arriere, Licence, Master 1
Depuis plusieurs années, je réalise compulsivement une série de dessins que j’ai baptisé du qualificatif de morphotropique, contraction de morpho, corps, et tropique, trauma. Le sujet de ces dessins, deux corps effectuant une méiose/mitose, s’est peu à peu imposé comme thème récurrent dans l’intégralité de ma pratique artistique. J’ai donc décidé d’en faire le sujet de mon cursus de recherche (licence/master). Le mémoire de licence a été consacré à la mise en place de diverses thématiques autour de cette série, à la fois pratique, rhétorique, et (pseudo) psychologique. Entre autre le dessin, ses fondements, et sa pratique, le dualisme, le double, la narration. Deux années séparent le mémoire de licence et celui de master. Deux années de recul qui, au regard de mes recherches actuelles, furent nécessaires au mûrissement de mes réflexions. En effet, le premier travail de recherche fut trop vague, trop dispersé. Cependant, il a permis de mettre à jour certains points, trop peu traités par manque de réflexion, qui aujourd’hui trouvent tout leur sens. Considérant donc ce travail comme point de départ un peu vague d’un long cheminement sur la voix de ma « rédemption artistique », J’ai donc décidé de tout remettre à plat, après deux années de travail improductif, pour reconsidérer mes choix plastiques. Me servant du terrain grossièrement défriché qui s’offrait à moi, prenant mon crayonrâteau, et ma gomme-faucheuse, j’ai décidé de remettre en culture certaines de mes idées. Master 1, travail transitoire. Il est important de souligner que ce nouveau travail de recherche, cette mise à plat, a été intégralement pensée sur deux ans. Le mémoire de master 1 s’est construit de façon plus précise sur les fondements de cette série. Il traite en particulier de la genèse de celle-ci, et les différents fondements culturels qui l’accompagne. Loin de contribuer clairement à l’expression plastique actuelle dans laquelle je me trouve, ce travail m’a permis avant tout de me 5
libérer du carcan qui entourait ma production. Celle-ci se trouvait bridée, dans une espèce de redondance cyclique. L’idée de ne pas terminer est un problème auquel je fais face régulièrement, dans ma vie tant personnelle que «professionelle». Perfectionniste et obstinée, le fait de ne pas clôturer une démarche, malgré tout le potentiel burlesque et « idiot » que cette affirmation comporte en ellemême, j’en suis malheureusement (et c’est bien là le problème) consciente, est une épreuve presque insurmontable pour moi. A l’inverse du travail effectué en licence, qui se voulait trop impulsif, sans doute par nécessité de trouver la porte de sortie à ce gouffre artistico-compulsif, et mettant à profit le cursus de 2 années qui s’offraient à moi, j’ai donc décidé de procéder par étapes pour organiser mon planning de sevrage.
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Mon sujet de recherche plastique et pratique de master 1 s’est effectué dans la continuité de mon précédent mémoire de licence. Il consistait en la reprise de mes dessins morphotropiques, et l’inclusion d’une dimension temporelle à cette série par le biais de la réalisation d’un film d’animation. Comme évoqué précédemment, la finalité de la série plastique devenait une nécessité pour évoluer artistiquement. Aux vues des divers dessins réalisés, il était évident que ces derniers, s'ils constituaient une série à part dans l'intégralité de ma production, formaient aussi un ensemble continu, intégrant plusieurs niveaux de narration. L'idée de réaliser un film, soit l'assemblage de ces diverses planches, s'est imposée d'ellemême. J'ai choisi de me servir de l'outil informatique pour me fournir une base de travail. L'animation a donc été réalisée sous logiciel de modélisation 3D Poser. Cette solution m'a surtout permis d'éliminer le travail trop lourd de mise en place de la table lumineuse : technique laborieuse, mise en pratique difficile, matériel rare et difficile d’accès. A l’inverse l’outil informatique, avec lequel j’évolue depuis de nombreuses années, familier à mon égard, me semblait une solution beaucoup plus simple. Actuellement, je dispose donc d'une animation 3D, mettant en scène mes précédentes productions morphotropiques, reprenant poses et angles de vues choisis. Celles-ci, volontairement édulcorées, ne constituent pas en soi une œuvre plastique, tout au plus un cheminement technique de maîtrise partielle du logiciel. J'ai ciblé précisément les points qui me semblaient important, non pour le résultat final de cette animation, mais pour le support en laquelle elle consisterait par la suite: morphologie relative, succession des points de vue, sources lumineuses.
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Le terme schizophrénie, introduit initialement par Bleuler, signifie littéralement : «esprit coupé». Pour cette raison le premier recueil portait comme titre "petit journal intime schizophrénique", car la "technique" utilisée, tant dans la pratique que dans la théorie, faisait régulièrement appelle à l'auto-dialogue (au premier et/ou second degré). Aussi anticonformiste qu'elle y parait, l'écriture spontanée, l'auto-dialogue marque une forme de réflexion qui s'adapte, forcément, parfaitement à l'essence des dessins présentés, ce qui m'a sans doute permis d'ailleurs, de les dépasser. Parallèlement, j'ai repris la précédente problématique de mon mémoire de licence pour me cibler particulièrement sur la base de ma série. Il devenait urgent de faire coïncider mon évolution plastique avec une évolution théorique. Or point d'avancée sans départ, il me fallait donc recommencer du début, sans précipitation, pour déterrer, au mieux, les fondements de ma série. Le travail de recherche s'est donc principalement orienté sur la genèse, au sens strict et littéral du terme. Diverses problématiques ont été soulevées: dualisme, androgynie, imprégnation socio-religieuse. Ces sujets avaient surtout pour but d'éclairer l'environnement de naissance et d'évolution. Un travail par ailleurs commencé en licence mais jamais réellement abouti, et dont la suspension devenait incontournable pour moi.
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Ma soutenance s'étant très bien déroulée, je ne reviendrais pas sur les divers encouragements et félicitations qui m'ont été accordés, mais sur une critique particulière qui prendra d'ailleurs, heureux hasard, tout son sens dans le travail que je m'étais initialement fixé de réaliser. Il est vrai que l'intégralité de ma production artistique, ne serait-ce qu'au niveau graphique (je n'évoque même pas le pictural), est extrêmement disparate. Un de mes professeur s'étonna donc des tels écarts de compétences, et le second de justifier ça par une certaine virtuosité. Qui dit virtuosité sous-entend aisance à l'état presque naturel, et surtout accompagnée chez moi de paresse récurrente. Il s'agit d'une partie de ma personnalité dont j'ai tout à fait conscience. Loin de me trouver des excuses, on dit qu'il est une loi naturelle de choisir le chemin qui nous apportera le maximum de réussite pour un minimum d'effort, je n'échappe pas, bien au contraire, à cette règle. J'ai très vite compris qu'exploiter les "talents" ou, plus rationnellement, les prédispositions que tout un chacun porte en lui, m'assurerait plus de réussite, plus vite et plus facilement. Malheureusement, la facilité engendre la paresse, indéniablement, jusqu’au sabordage, par le fond, des dits talents.
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Consciente de mes faiblesses, du laxisme ambiant qui commençait à suinter de mes crayons, l’urgence devenait évidente. Mais comment s’en dépêtrer ? La solution n’était pas évidente, travailler certes, mais comment et quand ? Mon emploi du temps commun bassement matérialiste me laissant peu de place pour travailler gracieusement à titre personnel, l’impasse me paraissait sans issue. Il est ici une question fondamentale: comment conjuguer actuellement, dans la vie d’un étudiant, plus précisément dans ma vie d’étudiante : - travail nutritif - couramment nommé la « pionnite nerveuse » ou, au choix, le « macdonaldisme ulcéré »-, mal rémunéré la plupart du temps et donc insuffisant - petits travaux de production artistique, nutritifs euxaussi – le « tu pourrais nous faire un tableau pour notre salon… Des fleurs ça serait joli… » - donc la plupart du temps, loin très loin de toutes considérations ou recherches plastiques - séances de modèle vivant – le modèle étant moi-même, ô chagrin larmoyant devant le ballet de toutes ces feuilles et crayons – par désir et par nécessité, recherches de thèse obligent - impératifs sociaux et familiaux – c’est l’anniversaire de … ce week-end… - recherches en vue d’une rédaction un tant soi peu correcte de ce qui se révèle la plupart du temps passionnant pour nous-mêmes, mais malheureusement complètement dénuée d’intérêt pour le commun de son entourage - archivage des recherches, mise en page, rédaction - recherche et travail artistique ciblé plus précisément sur le mémoire - recherche et travail artistique personnel.
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Dans mon emploi du temps, j’ai la chance, ce qui n’est pas le cas de tous aux vues de mes diverses discussions de couloirs universitaires, que les deux dernières catégories aient souvent été très perméables l’une avec l’autre. Perméable mais pas totalement similaires. Or la prise de conscience de l’alourdissement de mon poignet depuis quelques temps me poussait à envisager un certain « ré »apprentissage du dessin, la reprise plus assidue de « devoirs » ou « exercices ». Mais comment faire, comment trouver le temps de tout coordonner? Je me dirige petit à petit vers les thèmes centraux qu’aborderont les recherches de Master 2. En effet, la reprise de l’animation vidéo en dessins traditionnels m’apporte, en une seule fois, plusieurs solutions : - la réalisation et l’aboutissement du projet artistique que je m’étais fixé dès le départ (depuis la licence) - le travail nécessaire auquel je dois m’astreindre pour faire évoluer et fructifier positivement ma pratique de dessinatrice
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Je m’apprête donc à effectuer environ 2000 dessins, sur la base de l’animation déjà réalisée. Il est fort probable que cette animation traditionnelle soit divisée en deux ensembles : une partie graphique traditionnelle pure, effectuée manuellement, par transparence, prenant comme base de repère l’animation 3D, imprimée image par image. Une partie graphique numérique, réalisée de façon semblable mais sur tablette graphique, enlevant les manipulations fastidieuses d’impressions multiples, et apportant ainsi mon soutien inconditionnel aux défenseurs de l’écologie. Deux techniques car deux approches différentes. Le dessin traditionnel, dans ce qu’il a de plus « salissant », de plus charnel, rapport qui m’est cher et que je ne peux actuellement me résoudre à abandonner complètement. Cependant, il est évident que pour des raisons de manipulations et de gaspillage excessif, sur un an à temps restreint, la somme de production est trop importante à réaliser. Conjugué au fait que les tablettes graphiques se perfectionnent de jour en jour, et apportent un rendu qui tend presque à ressembler à une production manuelle, le raccourci devenait tentant. Partant alors du principe que ma précédente animation avait été réalisée numériquement, que les fondements même de certaines des questions que j’allais me poser – la répétition du geste par exemple, mais j’y reviendrais après – pouvait se prêter aussi bien à une technique qu’à une autre, je me suis donc laissée gagner par ce petit sentier… Tout en y semant quelques éclats de mine de plomb par-ci par-là. Et puis, il s’agissait toujours d’une nouvelle expérience, une nouvelle technique à expérimenter ! A l’inverse du travail réalisé l’année dernière, pour lequel je disposais d’une problématique relativement établie, même si elle admit quelques changement de parcours, je n’ai 12
actuellement pas de schéma pré-établi, tout au plus quelques questions, qui évolueront et en soulèveront d’autres au fur et à mesure de ma pratique. En effet, mon travail plastique en master 1, était déjà réalisé. L’animation constituait en une mise en scène des productions réalisées. Le travail que je me fixe cette année est d’un tout autre ordre, il s’agit de graphisme pur. Libérée de la contrainte narrative, du sujet, de la justesse (relative) morphologique, des angles de vue etc… Je ne vais me consacrer qu’à l’établissement de mon trait, et l’impact de celuici, en me détachant au maximum de la portée narrative et/ou symbolique de leur image. D’où l’importance d’avoir morcelé ce travail en deux étapes. Il est fort probable que je continue encore et toujours à parler de dessin ; un énième chapitre là-dessus, mais cette fois qui fera office de base centrale de recherche. Plus de paragraphe individuel, noyé entre les différents problèmes symboliques de la dualité, de genèse etc. De cette base découleront plusieurs interrogations, auxquelles je me heurterais, il me semble, au fur et à mesure de l’aboutissement du projet – et dont je ne peux pas fournir aujourd’hui de témoignage ! Entre autre, la difficulté de se détacher de l’aisance artistique, la remise en cause de ses mains (les vilaines !), et ce par le biais d’un travail répétitif, quasi machinal. Logiquement, j’en viendrais sans doute à parler de l’ennui, de l’énervement, voire de la douleur. Comment le corps et l’esprit arrivent-ils à gérer l’exécution systématique des mêmes gestes, comment ceux-ci se conforment-ils à la répétition. Est-ce une méthode d’évolution, de progression ? L’écriture automatique, conséquence d’auto hypnose est une pratique couramment utilisée, que j’ai moimême expérimentée, de désinhibition, de libération, d’expression. Or dans beaucoup de pratiques d’hypnoses, de mise en transe, la répétition de gestes, de mouvements, de phrases, permet d’aboutir à cette mise en catalepsie éveillée. En est-il de même pour ma pratique ? Ou sera-ce là au contraire une forme de sclérose ?
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Echec d’aboutissement. Je me tourne à contre-cœur vers la rédaction, alors que mon travail graphique sur cette série n’est pas encore terminé, et ne le sera sans doute jamais. Mais le temps joue inéluctablement contre moi. Août/Septembre, début de tâtonnement, vite mis a placard par les impératifs socio-administratifs de la rentrée, et première prise de retard. Tout viendrait-il de là ? J’ai expliqué précédemment le but de cet ultime mémoire de master 2. Ultime, car j’espère, j’aspire fortement à autre chose, d’autres sources, d’autres images, d’autres graphies. Pour cela, il me semblait nécessaire de faire le deuil de l’histoire narrative qui était ma fidèle compagne depuis des années. Mais je me suis perdue en route, peut-être l’avais-je déjà perdu avant. On ne fait pas l’art qu’on veut. L’artiste est au jour le jour le réceptacle de choses ambiantes, il reçoit du dehors des sensations qu’il transforme par voie fatale, inexorable et tenace, seul. Il n’y a pas vraiment de production que lorsqu’on a quelque chose à dire, par nécessité d’expansion1. Avais-je encore quelque chose à dire ? C’est donc en demi-deuil, comme en demie-teinte, que je me m’apprête à livrer l’expérience de cet enterrement, qui résonne comme un trou encore béant – peut-être y retomberaisje, peut-être n’en suis-je jamais sortie. Faire des images pour ne pas parler, faire des images pour ne pas écrire, écrire pour ne pas parler, mais tout cela ne va pas sans dire2 ! 1 Redon (Odilon), A soi-même, Journal (1867 -1915), Notes sur la Vie, l’Art et les Artistes, Paris, Librairie José Corti, 1985, p.23 2 Druet (Lucile), Dessin, photo, vidéo. A une passante, Mémoire de Master Cultures et Langages 1ère année, sous la direction de Gilles (Joël), Université Jean-Monnet, Saint-Etienne,2007, p.46
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J’ai choisi de faire le récit de l’expérience, de tenir un journal des impressions qui ressortaient de chaque session de dessins. Pour cette raison, et malgré la confusion générale que cela apporte à l’intégralité du texte, je livre ces bouts d’euphorie ou de colère dans leur ordre chronologique, ceux-ci serviront de base à l’exploitation sémantique, esthétique, etc’ique... Effectivement, comme je viens de le préciser, de part cette approche très sensible, le déroulement de la réflexion et de la recherche risque d’être assez flou, peut-être répétitif, mais il me semblait plus important de conserver la chronologie et la progression de mes mains, plutôt de me calquer sur une quelconque démarche logique : il faudra bien se rendre à l’évidence – surtout pour moi – la création artistique d’affranchit souvent de toute logique.
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A toi, « cher journal », je me livre, alors que j’entame le dernier premier trait de ma morphotropie.
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jour 1 - 10ème dessin mode d’emploi: jour: nombre jours effectifs de travail sur le projet dessin: nombres réels de dessin soit le n° donné du dernier dessin réalisé ce jour.
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Impressions décevantes: solution inappropriée à mes moyens! J’avais expliqué précédemment que je comptais morceler la production en deux parties : une partie aux moyens traditionnels, et une partie aux moyens numériques. Pour les dessins traditionnels, je comptais donc imprimer les différentes scénettes de mon animation sur papier, pour les passer ensuite à la table lumineuse.
Dessin #:
Les images imprimées sont peu lisibles, pourtant mon papier est très fin, mais rien à faire, « on n’y voit rien ». Peut-être serait-ce intéressant de n’y rien voir, mais l’idée me glace... Je suis trop attachée à l’image, trop attaché à cette narration que j’ai construite, année après année... Travailler sur calque? Non, pourquoi? Et bien non. Je ne saurais dire réellement pourquoi... Je commence à me résoudre à ne travailler que sur numérique. La tâche à accomplir me démoralise d’avance. J’ai peur de tout perdre dans cette expérience, dessineraisje encore après? Pourtant je ne doute pas que les technologies numériques puissent produire de « l’art », sous une forme ou une autre. Elles peuvent participer au « dessein » artistique, à la condition que le projet dépasse celui d’un objet à fabriquer pour atteindre celui d’une inscription et d’un engagement dans 1 une certaine posture artistique , ai-je lu ; toujours pour poursuivre, l’œuvre électro-numérique ne semble relever pleinement d’un « dessein artistique » qu’à condition d’être pensée et informée à travers son propre
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Test et Résultat
1 Maza (Monique), dans Dessein, dessin, design, Saint-Etienne, sous la direction de Barral (Jacquie), Gilles (Joël), Centre Interdisciplinaire d’Etudes et de Recherches sur l’Expression artistique Contemporaine, M.R.A.S.H., Travaux 134, coll. Arts, Publication de l’université de St-Etienne, 2007, p.58
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médium1. Donc… Ma tablette graphique me sourit, façon de parler.
Jour:
Dessin #:
J’effleure la surface, lisse, sans aspérité.. Loin très loin de mes feuilles. Comment vais-je faire pour surmonter ça? L’absence du support, la vision horizontale. Je n’avais jamais pensé à ça. Ayant qui ont jalonné l’abandon de la peinture - depuis le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch jusqu’à l’Art minimal en passant par les Ready Made de M. Duchamp et les anthropométries de Klein aboutissent en 1970 à une série de ruptures qui se cristallisent pendant une décennie à travers de multiples approches : toutes tentent de proposer un nouveau discours sur l’art ou du moins d’interroger son fonctionnement. Ces «tables rases» remettent particulièrement en question le support, en cherchant son éventuel remplacement. L’espace limité de la toile exige un renouvellement radical qui s’installe dans la démesure ; le champ pictural va quitter la surface traditionnelle du tableau pour investir l’espace naturel, la terre, les rochers ou même l’environnement urbain. 1
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Idem
Petites digressions et histoire de l’art Quelques exemples remettant en cause le support Le Land Art
Jour: Dessin #:
Le Land Art propose une appropriation du sol avec une démarche investigatrice et des résultats souvent voisins des possibilités formelles du langage plastique. Christo, après s’être approprié la réalité en emballant des monuments à travers la démarche des Nouveaux Réalistes, conçoit des «limites» arbitraires en tendant un rideau inutile et transforme le paysage en opposant un en-deçà et un audelà à partir d’un geste poétique qui établit une frontière mystérieuse, drapée dans son éphéméréité.
Robert Smithson élabore une immense spirale de sable et de pierres sur le lac de l’Utah, en utilisant l’eau comme support plastique. A la démesure du geste s’ajoute la difficulté de lecture puisque cette 23
Dessin #: Jour: 24
volute de 500m de long ne peut être visible qu’en la survolant. Ses installations où les concepts de perspective et de réflexion sont mis en évidence à l’aide de matériaux élémentaires : gypse, sable, miroir, prolongent sa réflexion sur l’espace qui nous entoure. M. Heizer creuse des excavations dans le désert du Nevada ou bien rabote des surfaces longilignes - équivalences plastiques du trait ou de la forme géométrique primaire - pour transformer le paysage. La photographie joue ici le rôle de trace pour ces actions éphémères et permet une reconsidération du lieu avec une lecture esthétique. D. Oppenheim avant de réaliser performances et installations, intervient sur le sol à une échelle gigantesque à l’aide de figures géométriques élémentaires - cercles, cônes - qui ne peuvent être perçus qu’à vol d’oiseau. W. de Maria modifie l’identité de la nature en transformant la croissance des récoltes ou en attirant la foudre à l’aide d’une multitude de paratonnerres : la volonté poétique rejoint ici la perception visuelle qui place le spectateur devant un expressionnisme régi par le graphisme acerbe des éclairs. R. Long travaille sur le balisage de parcours qui transparaît sous forme de relevés, assemblages et reconstitutions du territoire investi. Pierres, bois et ardoises composent un vocabulaire plastique qui traduit fidèlement les prélèvements effectués au cours de ses longues marches et incite à la méditation sur les pérégrinations pédestres. B. Flanagan évolue des simples réalisations au bord de mer à des sculptures constituées à l’aide de matériaux organiques, tandis que Jan Dibbets crée sur la surface du sol des figures géométriques ou anamorphoses qui restituent en perspective leur véritable identité. Ainsi, I’espace terrestre ou aquatique offre un nouveau support qui permet toutes les recherches expérimentales, mais le refus de la toile «unique» engendre aussi son incorporation à l’intérieur d’autres éléments.
Les installations et environnements
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Venues du groupe des assemblagistes du Pop Art, les «Installations» amalgament sculptures, peintures, éléments réels et collages. Le rejet de la planéité de la toile comme seul espace de représentation rejoint la préoccupation de certains dadaistes Schwitters, Duchamp - et conduit à intégrer tous les éléments qui constituent l’oeuvre à l’espace entier. W. Vostell est le premier à incorporer une télévision dans son oeuvre en 1958, et manie happenings et environnements dans un esprit de revendication sociale et politique. Comme les Combine painting de Rauschenberg ou les reconstitutions démesurées de Kienholtz, Vostell met en parallèle la technologie et l’identité humaine. J. Beuys - Les matériaux à fortes connotations qu’utilise Joseph Beuys le feutre, la graisse, avec leur fort pouvoir isolant - renvoient à son propre passé en essayant d’établir un rapport entre la création et les réalisations de la vie. Ses installations engendrent souvent des mises en scène, comme l’attitude et les propos qu’il tient dans un univers clos lorsqu’il s’enferme avec des «coyotes morts»: questionnement à la fois sur le fonctionnement de l’art et l’inutilité du discours à un animal qui est la métaphore d’une identité sociologique. Aux
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environnements se mêlent ses performances dans des réalisations morbides souvent «outrancières».
Jour:
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L’ Arte Povera
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A travers une démarche proche de celle de Beuys, l’utilisation d’objets quotidiens et dérisoires comme substrat de la toile prend naissance en Italie pour réagir contre la culture de «classe». Le terme Arte Povera, révélé par le critique Germano Celant, désigne la précarité des matériaux employés dans des installations qui refusent l’esthétisme et le bon goût. M. Merz dès 1968, utilise la figure de base qui est l’igloo. Symbole parfait de l’architecture primaire, il représente par ses blocs constitutifs, l’évolution sans fin qui nous ramène à la notion d’éternité. Reprenant le principe de cette construction inspirée de la «suite» de Fibonacci, progression dans laquelle chaque nombre est égal à la somme des deux précédents il l’applique à l’accumulation d’objets de rebut ficelés sous forme de fagots ou à des animaux empaillés. Le contraste avec les matériaux sophistiqués comme le néon qui souligne la progression confère aux installations une apparence provocatrice - opposition de la ligne lumineuse à la matière brute dénonçant le rapport entre l’homme et la technologie.
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G. Penone reconstitue la réalité organique en élaborant des simulacres d’arbres tandis que Gilberto Zorio privilégie les kayaks et les javelots qui conceptualisent la notion de «passage» ; installés au sol ou/et sur les murs ces «instruments» semblent fendre l’espace de la planéité des supports comme les fissures de Fontana. Y. Kounellis affectionne les éléments de récupération mêlés aux aliments de base dans une quête perpétuelle d’identité ; quant à G. Paolini, il incorpore dans ses installations des dessins très dépouillés qui mêlent intimement les relations homme/nature.
Le Corps Après le refus de la toile et son remplacement par les installations, le comportement de l’artiste intervient à l’intérieur de l’œuvre sous forme de performance; celle-ci va prendre son autonomie et constituer en soi une nouvelle forme d’art qui utilise l’action corporelle comme moyen d’expression. Le déplacement du support s’effectue alors de l’environnement à l’individu lui-même.
L ’ artiste comme acteur
Le corps s’exprime au moyen de gestes, mouvements et langages dans une théâtralité qui utilise l’espace de la scène, 27
comme le pinceau investit la toile, en créant une osmose entre le sujet et ce qui l’entoure. Le corps humain devient l’acteur essentiel de cette forme d’art née en 1968.
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Les anglais Gilbert et Georges proposent des discours sur l’art, relayés et brouillés par d’autres informations qui proviennent de multiples sources émettrices : perturbation de la communication artistique et démonstration de sa vanité constituent l’essentiel de leur propos. Ben artiste niçois, devient lui-même œuvre d’art dans ses agissements et déclarations qui prennent la forme de messages linguistiques.
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Le Body Art
Le corps laisse la fonction d’acteur pour devenir sujet d’expérimentation et remplacer la toile qui subit l’attaque de la brosse. L’attaque est quelquefois synonyme de violence et l’artiste s’identifie alors au chaman et se réalise à travers la souffrance sous toutes ses formes. G. Pane s’autoflagelle et se martyrise à l’aide d’instruments tels que les lames de rasoir ; D. Oppenheim dénonce la douleur de ses brûlures au deuxième degré tandis qu’Otto Muehl ou
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Arnulf Rainer mêlent la cruauté sanguinaire aux provocations érotiques et scatologiques. La trace de ces actions, comme pour celles du Land Art, reste le support photographique le plus neutre possible, privé de ses codes pour ne pas déformer le message ou donner une dramatisation inverse du propos. La vidéo devient aussi le moyen de communiquer ces performances en ajoutant la notion de temps : la durée devient alors le rapporteur du vécu.
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La video La vidéo utilisée pour filmer les formes d’art éphémère acquiert sa propre autonomie en tant qu’expression artistique. Proche de l’art cinétique, Nam June Paik, passé par le groupe Fluxus, propose un langage plastique grâce aux installations de ses instruments vidéo qui, par anthropomorphisme, composent ce qui pourrait être une sculpture douée d’une image mobile qui se lit dans la durée. Elément de transmission de l’œuvre, il devient objet artistique en détournant sa fonction première.
L’ objet Le rapport à l’objet, après les Ready made de Duchamp et les appropriations des Nouveaux Réalistes, ne se pratique plus dans le même esprit. Ni élément artistique ni fabrication esthétique en remplacement de la toile, I’objet propose après 1970 l’exploration de ses constituants, de même que la toile a révélé sa matérialité avec le groupe Support/Surface.
Objets et concepts
Le pouvoir de l’objet lié à la matière est révélé par le goudron serti de néon dans les pièces de Sarkis qui traduisent l’accumulation de l’énergie, tandis qu’aux USA, Smithson veut libérer l’entropie du gypse ou du sable qui composent ses installations ; R. Serra, à partir de matériaux rudimentaires exprime les tensions et les structures qui les régissent. 30
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objets usuels (tables, valises) leur ôtent leur innocence primitive. Le concept de la trace transparaît dans les objets de B. Lavier à travers le procédé de recouvrement ou dans les éléments plastifiés de Gilli.
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L’objet peut être élément de dramatisation comme la série des «Psycho-objets» de J.P. Raynaud et ses revêtements uniformes de céramiques blanches. Dans un même esprit, les bandages et sparadraps que Dietman incorpore aux
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Le support est ainsi passé par toutes les explorations possibles : l’espace qui nous entoure, le corps, l’objet sont devenus des sujets d’expérimentation qui laissent de côté la toile traditionnelle. Qu’en est-il alors du support numérique ? Est-il possible d’interroger réellement le pixel, voire plus, le bit 0-1 ? A l’inverse de tout ce dont nous avons eu affaire jusqu’à présent, le support numérique ne semble pas se constituer en tant que matière, et c’est bien là que réside le nœud. Loin de vouloir abandonner ces tergiversations, j’y reviendrais, pour l’instant la question actuelle est: est-il important pour moi? Sans aucun doute oui, pour des raisons principalement charnelle, si je puis dire. La peau comme feuille, ou la feuille comme peau. Le contact organique comme présupposé de toute chose, la condition sinéquanon à l’état de «transe» dans laquelle je me trouve lorsque je la caresse. Plus rien n’existe mis à part elle, le crayon et moi. Je réitère ma question: estelle importante pour moi? Oui sans nul doute. Jusqu’à quel point? Suis-je capable de rompre? Suis-je capable de mettre fin, temporairement du moins, à une union de vingt ans, ma plus longue et constructive relation amoureuse? Suis-je capable de la tromper pour un bout de plastique dur, froid et lisse? Me mettre à la contraception, à ce bout de latex... Abandonner cette relation non protégée, dangereuse - je n’invente rien, on le dit partout, «protégez-vous!» - potentiellement virale? Suis-je déjà contaminée par le virus du papier, petite boule de matière granuleuse, fibreuse, pénétrant et s’insinuant par les pores de ma peau et me contaminant de tout son être? Je déraille... Encore que... Alors que faire, je ne peux pas changer encore cent fois d’avis, le temps est compté si je veux finir dans les temps. Prendre une décision, vite, continuer ou abandonner? Pâle reflet de soi, si j’abandonne, encore une fois. Je vais continuer, m’accrocher, après tout, l’expérience compte, c’est cela, le principal, l’expérience, l’expérimentation, ce qui en sortira... Tout de même, on est loin du dessin tel que je l’entend, ou tel que je le connais... Mais qu’est-ce en réalité, le « dessin », ou qu’est-ce que cela représente pour moi ?
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J e tiens pour cela à m’appuyer sur l’intervention de Jacqueline Lichenstein. Le mot français de dessin dérive de l’italien « disegno ». Tel qu’il est employé par les artistes et théoriciens de l’art de la Renaissance, « disegno » a plusieurs sens. Il a d’abord le sens courant de dessin : dans son Discorso sopra l’arte del disegno1 , Benvenuto Cellini distingue ainsi entre plusieurs sortes de disegni correspondant chacun à un modo di disegnare. Mais, de même que « disegnare », qui signifie à la fois dessiner et projeter un plan, « disegno » inscrit le dessin dans une configuration particulière constituée par un double réseau de significations qui s’entrecroisent. Pour dire le dessin en tant que ligne, tracé, contour, les théoriciens utilisent d’autres termes, et notamment celui de « circonscrizione » qu’on rencontre par exemple dans le Délia pittura d’Alberti2. Le « disegno » n’est pas la circonscrizione, ni la linea; il n’est pas un dessin, au sens que nous donnons à ce terme, et qui correspond par exemple à l’anglais «Drawing ». S’il désigne le dessin, c’est en tant qu’expression d’une représentation mentale, d’une forme présente à l’esprit ou à l’imagination de l’artiste. C’est ainsi que le définit Vasari : « Celui-ci est comme la forme [forma] ou idée [idea] de tous les objets de la nature, toujours originale dans ses mesures. Qu’il s’agisse du corps humain ou de celui des animaux, de plantes ou d’édifices, de sculpture ou de peinture, on saisit la relation du tout aux parties, des parties 1 Benvenuto (Cellini), Discorso sopra l’arte del disegno ( 1568) cité par Barocchi (Paola) (s.l.d.), Scritti d’arte del Cinquecento, Milan-Naples, Ricciardi, 1971-1977 2 Alberti (Léon Battista), De la pictura, trad. Scheffer (Jean-Louis), Paris, Macula, Dédale, 1992
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entre elles et avec le tout. De cette appréhension se forme un concept [concetto], une raison, engendrée dans l’esprit par l’objet, dont l’expression manuelle se nomme dessin [disegno]. Celui-ci est donc l’expression sensible, la formulation explicite d’une notion intérieure à l’esprit ou mentalement imaginée par d’autres et élaborée en idée1. » Disegno est donc rattaché à « forma », à « concetto » et surtout à « idea ». Mais le disegno n’est pas seulement l’ idea, il est aussi, comme le dit Vasari, l’expression sensible de l’idea. La difficulté que nous pouvons avoir à saisir la problématique du disegno dans toute sa complexité tient au fait que celui-ci est à la fois un acte pur de la pensée et son résultat visible auquel participe aussi le travail de la main. En tant qu’acte de l’esprit du peintre, le disegno correspond à l’invention, au sens rhétorique du terme, c’est-à-dire au choix du sujet. En tant qu’acte de la main, il suppose un apprentissage technique. « Le disegno, écrit Vasari, quand il a extrait de la pensée l’invention d’une chose, a besoin que la main, exercée par des années d’études, puisse rendre exactement ce que la nature a créé, avec la plume ou la pointe, le charbon, la pierre ou tout autre moyen2. » Le disegno matériel, ce que nous appelons dessin, est donc toujours la réalisation d’un disegno spirituel. C’est ainsi que, quelques décennies plus tard, Zuccaro distinguera le « disegno interna » du « disegno esterno ». Chez lui, le concept de disegno interno déborde très largement le champ de l’art, « c’est le concept ou l’idée que forme quiconque en vue de connaître et d’œuvrer3 ». Il permet ainsi d’établir une analogie entre la création artistique et la création divine : «Pour œuvrer extérieurement, Dieu [...] regarde et contemple nécessairement le disegno intérieur dans lequel il connaît toutes 1 Vasari (Giorgo), Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1568), trad. André Chastel (s.l.d.), Paris, Berger-Levrault, 1981-1989, p.149 2
Idem
3 Zuccaro (Federico), L’Idea de’ scultori, pittorie architetti, (Turin, 1607), trad. Alunni (Charles), dans Lichtenstein (Jacqueline) (s.l.d.), La Peinture, Paris, Larousse, Textes essentiels, 1995
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Jour: Dessin #: les choses qu’il a accomplies, qu’il accomplit et qu’il accomplira ou 1 qu’il pourra accomplir d’un seul regard . » En formant son disegno intérieur, le peintre ressemble donc à Dieu. L’opération par laquelle il le conçoit en son esprit est un acte pur, une étincelle de la divinité en lui, qui fait du disegno, écrit Zuccaro, un 1
Ibid. p.147
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véritable « segno di dio ». Quant au disegno esterno, il « n’est rien d’autre que le disegno délimité quant à sa forme et dénué de toute substance corporelle : simple trait, délimitation, mesure et figure de n’importe quelle chose imaginée ou réelle1». D’où l’importance de définir la peinture comme un « arte del disegno », ou encore par « il primato del disegno », comme le dira Vasari. C’est ce sens fort de disegno qui permet de comprendre les enjeux de la distinction hiérarchique établie à la Renaissance entre le dessin et la couleur. Pour les théoriciens du disegno, la supériorité du dessin sur la couleur tient au fait que le disegno au sens de dessin, c’est-à-dire de tracé, correspond toujours à une idée, une intention, un projet, c’està-dire à un disegno au sens de ce qu’on appelle en français un dessein. Contrairement au dessin, dont la qualité ne témoigne pas seulement de l’habileté du peintre mais de la beauté de l’idée qui l’anime et qui dirige sa main, la couleur, disent-ils, ne doit son éclat qu’aux matières qui la composent. En définissant la peinture comme un « arte del disegno », les théoriciens italiens ne se contentent donc pas d’affirmer la supériorité du dessin sur la couleur. Ils proclament la nature intellectuelle de l’activité picturale qu’ils élèvent ainsi à la noblesse et à la dignité d’un art libéral. C’est bien le disegno qui fait de la peinture « una cosa mentale », pour reprendre l’expression de Léonard. Seulement ainsi peut-on comprendre pourquoi la principale critique adressée à ceux qui défendaient la supériorité du coloris a consisté à leur reprocher de mettre en cause la dignité libérale nouvellement acquise de la peinture, c’est-à-dire de la ravaler au rang d’art mécanique. En passant dans la langue française, le terme conservera son double sens, matériel et intellectuel, de tracé et de projet, comme l’atteste son orthographe. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, le mot s’écrit en effet toujours « dessein », ce qui signifie que, pour les artistes et les auteurs français de l’époque, ce que nous appelons aujourd’hui un « dessin » répond toujours en même temps à un dessein. Ce double 1
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sens est manifeste dans la définition du mot « dessein » que l’on trouve dans le dictionnaire de Furetière (1690) : « Projet, entreprise, intention [...] Est aussi la pensée qu’on a dans l’imagination de l’ordre, de la distribution et de la construction d’un tableau, d’un poème, d’un livre, d’un bâtiment [...] Se dit aussi en peinture de ces images ou tableaux qui, sont sans couleur. » Cette conception du dessin comme dessein, c’est-à-dire comme projet, s’exprimera notamment dans les discours sur ce qu’on appelle alors « la grande manière ». Cette expression caractérise au XVIIe siècle une certaine manière de dessiner dont la grandeur tient au fait qu’elle est l’expression d’un grand dessein, comme le dit Michel Anguier dans la conférence qu’il prononce le 2 octobre 1677 devant l’Académie royale de peinture et de sculpture, « Sur le grand goût de dessein » : « Le grand dessein est un feu qu’illumine l’entendement, échauffe la volonté, fortifie la mémoire, épure les esprits, pour pénétrer dans l’imagination. Il faudrait être Prométhée pour dérober le feu du ciel afin de nous illuminer de cette belle intelligence1. » Si le « dessein » français conserve l’ensemble des propriétés du disegno italien, la querelle entre les partisans du dessin et ceux du coloris prend en France un tour beaucoup plus polémique et surtout politique, dans la mesure où elle s’inscrit dans le cadre d’une institution, celle de l’Académie. C’est ainsi que dans sa conférence du 9 janvier 1672, Le Brun reprend la distinction faite par Zuccaro entre disegno interna et disegno esterno pour répondre aux rubénistes qui s’en prennent au privilège accordé au dessin et, à travers lui, à l’image de Poussin comme peintre idéal : « On doit savoir qu’il y a deux sortes de dessein : l’un qui est intellectuel ou théorique, et l’autre pratique. Que le premier dépend purement de l’imagination [...]. Que le dessein pratique est produit par l’intellectuel et dépend par conséquent de l’imagination et de la main. C’est ce dernier qui, avec un crayon, donne la forme et la proportion, et qui imite 1 Lichtenstein (Jacqueline) et Michel (Christian) (s.l.d.), Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, École nationale supérieure des Beaux-arts, 2007, t. 1, vol. 1, p. 635
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toutes les choses visibles jusqu’à exprimer les passions1.» Or, c’est précisément cette distinction que met en cause la doctrine coloriste telle qu’on la trouve exposée chez son théoricien, Roger de Piles. Renversant une hiérarchie qu’on croyait solidement établie par la tradition, celui-ci réduit en effet le dessin à sa dimension purement pratique. Pour lui, le dessin constitue la part « mécanique » de la peinture ; il relève d’un apprentissage fondé sur l’imitation de l’antique, l’étude de la perspective et celle de l’anatomie, toutes connaissances indispensables, dit-il, pour acquérir « la justesse des yeux et la facilité de la main2 ». Nécessaire à la pratique du peintre, cette partie lui paraît totalement insuffisante à définir la spécificité de son art. Soumis aux règles de justesse des proportions et de correction des contours, le dessin n’est plus, chez de Piles, l’expression d’un dessein intellectuel mais seulement d’une habileté manuelle qui repose sur un savoir d’ordre technique, c’est-à-dire où la théorie est entièrement finalisée par la pratique. Toutes les caractéristiques qui donnaient au disegno sa signification intellectuelle et métaphysique, voire théologique - le génie, le feu, l’invention, l’idée, la forme - sont ainsi ôtées au dessin pour être attribuées au coloris. Il n’y a plus dès lors aucune raison d’écrire dessin avec un e, puisque le dessin cesse d’être pensé comme un dessein. Avec la victoire des idées coloristes à l’aube du XVIIIc siècle, une mutation profonde se produit ainsi dans le champ de la théorie de l’art, dont la langue prendra acte quelques décennies plus tard en distinguant l’orthographe des mots « dessin » et «dessein ». Mais apparaît en même temps une nouvelle manière de concevoir le dessin. Cette mutation donne en effet naissance à ce que l’on pourrait appeler une conception « coloriste » du dessin qui ruine en quelque sorte les fondements de l’opposition traditionnelle dessin/coloris en la vidant complètement de son Ibid., t. 1, vol. 2, p. 450
2 De Piles (Roger), Cours de peinture par principes (1708), Paris, Gallimard, « Tel », 1989, p.194
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sens. Il suffit pour s’en convaincre de voir la manière dont le comte de Caylus caractérise le dessin dans une conférence qu’il prononce à l’Académie le 4 novembre 1747 : «Vous dessinez une pensée, vous la jetez sur le papier dans le désordre d’une première idée, soit pour ne la point oublier, soit pour le besoin que vous avez de composer. Ce trait simple, gras, maigre, coulant ou prononcé, indique cependant la couleur et souvent l’harmonie dont l’auteur est capable, du moins ce préjugé est peu trompeur1. » Le dessin est ici défini par sa valeur expressive : il exprime le feu, le génie du peintre, il est une traduction immédiate, gestuelle, de ce que Caylus appelle sa « pensée ». Cette nouvelle manière de concevoir le dessin témoigne d’une complète redéfinition des concepts mis en œuvre, depuis la Renaissance, dans le champ de la théorie de l’art, et notamment celui d’expression, dont le rôle a toujours été central dans l’analyse des œuvres. Dans le vocabulaire artistique du XVIIe siècle, le terme d’expression est en effet à peu près synonyme de celui de représentation. Dans son analyse célèbre de l’expression, Le Brun distingue ainsi l’expression générale, qui concerne la représentation du sujet, et l’expression particulière, qui renvoie à la manière dont le peintre représente les passions des personnages : douleur, joie ou tristesse2. Au XVIIIe siècle, l’expression est entendue en un sens très différent : celui d’expressivité. Ce nouveau sens permet d’apprécier un dessin pour sa valeur purement expressive, indépendamment de sa valeur représentative, c’est-à-dire de ses qualités mimétiques. Or, cette transformation des critères d’évaluation du dessin coïncide historiquement avec l’intérêt nouveau que les collectionneurs portent aux esquisses. Au e siècle, l’esquisse est perçue comme une expression encore incomplète, 1 Lichtenstein (Jacqueline) et Michel (Christian) (s.l.d.), Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, op. cit. 2 Le Brun (Charles), conférences des 7 avril, 6 octobre et 10 novembre 1668 dans Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, op. cit., t. 1., vol. 1, p. 233-238 et 260-283.
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inachevée, de la pensée du peintre, comme en témoigne la définition que Fréart de Chambray donne de ce terme vers les années 1650, c’est-à-dire au moment où il entre dans la langue française comme une traduction de l’italien « schizo»: « Esquisse : ce terme est encore tout italien, quoiqu’il soit présentement fort intelligible en français. C’est comme un premier crayon ou une légère ébauche de quelque ouvrage qu’on médite encore1. » On retrouve cette même définition chez Félibien qui distingue les esquisses : « dessins qui sont les premières productions de l’esprit encore informes et non arrêtées, sinon grossièrement avec la plume ou le crayon» des « dessins au trait arrêtés », c’est-à-dire « dont les contours sont achevés », et qui sont seuls véritablement dignes d’intérêt2. Un amateur du XVIIIe siècle comme Caylus préfère au contraire les esquisses aux études ou académies, c’est-à-dire aux « figures dessinées pour un motif» : « Quel charme en effet, écrit-il, ne goûtons-nous pas en voyant le feu d’une première idée jeté sur le papier ou empreint sur une maquette, production d’un instant où tout est esprit et où la manœuvre n’est pour rien3. » Cette valorisation de l’esquisse, qui correspond à une nouvelle m a n i è r e
1 Fréart de Chambray (Roland), Idée de la perfection de la peinture (1662), p. 325, cité par Michel (Christian), Le Goût pour le dessin en France aux xvIIème et xvIIIème siècles : de l’utilisation à l’étude désintéressée , La Revue de l’art, n° 143, 2004, p. 27-34 2 Félibien (André), Des principes de l’architecture, de la peinture et de la sculpture (1676), p.402, cité par Michel (Christian), Le Goût pour le dessin en France aux xvIIème et xvIIIème siècles : de l’utilisation à l’étude désintéressée, op.cit. 3 Caylus (Anne Claude Philippe), L’Étude du dessein, dans Jouin (Henri), Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, 1883, p. 369-378, cité par Michel (Christian), Le Goût pour le dessin en France aux xvIIème et xvIIIème siècles : de l’utilisation à l’étude désintéressée, op.cit.
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d’appréhender le dessin, est sans doute l’un des témoignages les plus frappants des transformations qui affectent, au XVIIIe siècle, la manière dont on appréhende les œuvres d’art. Le retour à une définition classique du dessin comme disegno va faire renaître le conflit entre partisans du dessin et défenseurs du coloris que l’on aurait pu croire définitivement éteint. L’opposition entre Ingres et Delacroix prolonge en effet, sous de nouvelles formes, celle que les Italiens de la Renaissance avaient instaurée entre Raphaël et Titien, et les Français du XVIIe siècle entre Poussin et Rubens. Ici ce conflit se perpétue dans le champ institutionnel dans la deuxième moitié du XIXe siècle, ses fondements sont radicalement mis en cause par le développement des idées « modernes » et de l’esthétique de la « modernité ». Les nouvelles orientations de la peinture aboutissent peu à peu à supprimer l’opposition traditionnelle entre le dessin et la couleur, à la vider de son sens, comme cela avait déjà été le cas au siècle précédent, mais d’une tout autre manière. Le mouvement qui s’était développé
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au XVIIIc siècle, on s’en souvient, avait consisté à transférer au dessin les qualités et propriétés traditionnellement attachées à la couleur : expressivité, rapidité, matérialité, effet sur la sensibilité, c’est-à-dire à appliquer au dessin les critères de l’esthétique coloriste telle qu’elle avait été élaborée par les rubénistes du XVIIe siècle. On demandait au dessin de produire des effets de coloris. Les deux « parties » de la peinture, dessin et coloris, restaient donc bien distinctes, mais elles ne s’opposaient plus. Les peintres modernes vont en un sens beaucoup plus loin puisqu’ils suppriment la distinction entre le dessin et la couleur, de la même manière qu’ils suppriment celle que l’on avait toujours faite entre la lumière et la couleur.
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Ils dessinent avec la couleur et dessinent la couleur. C’est ainsi que Monet reprochera à Turner de n’avoir « pas assez dessiné la couleur ». Mais, comme on le sait, l’histoire ne s’arrête pas là. L’ancienne conception du dessin au sens de disegno fera un retour en force au XXe siècle, notamment dans l’art conceptuel qui renoue également avec l’ancienne idée de l’art comme cosa mentale.
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Le probleme de l outil
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Problème intimement lié au support, dont j’ai déjà parlé. Mis à part l’extrême implication linguistico-métonymique que représente le support dans l’art numérique, il faut admettre qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé en histoire de l’art. Jacqueline Lichtenstein affirme, dès l’introduction de son intervention au colloque Du dessein au dessin, « un dessin, c’est d’abord une œuvre sur papier ». On ne peut être plus clair, voire même restrictif. Bien heureusement, cette phrase assassine se modère. Effectivement, le mot « dessin » est ici définit par son support matériel, mais il ne s’applique bien entendu pas forcément qu’aux œuvres papier ; un dessin peut être exécuté sur toile ou sur un mur (dessin préparatoire de fresques par exemple). Il faut alors faire intervenir un autre critère que celui du support pour définir le dessin, à savoir l’outil. Si la nature du support (papier) permet de distinguer le dessin du tableau, l’outil – et donc le médiumest en revanche un critère pour caractériser le dessin par rapport à la peinture. Les outils du dessin sont le crayon, la plume, le fusain, le pastel et non le pinceau, la brosse (je l’avais dit ! satané
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« brush » !) ou le couteau. Mais les peintres peuvent parfois dessiner avec le pinceau, c o m m e l’illustrent les dessins préparatoires à l’huile (bozetti) de Rubens.1
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Bien, l’idée est acceptée, peutêtre puis-je faire du dessin… J’attrape ma tablette.
Je commence laborieusement à essayer de la paramétrer. Trouver le juste réglage pour simuler au plus près la trace de mes crayons. Et je dis bien de mes crayons... Ceux que je taille moi-même, comme je les aime, comme j’ai l’habitude de travailler. Une relation intime se crée rapidement entre ses outils et soi-même. On les forme à sa mesure, à son poignet, à sa morphologie, de l’ergonomie cela 1 Lichtenstein (Jacqueline), Du disegno au dessin dans Du dessein au dessin, sous la direction de Streker (Marc), Bruxelles, La lettre volée, coll. Essais, 2007, p.15
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s’appelle! De l’ergonomie artistique. Ils s’adaptent presque parfaitement à l’inclinaison de mon poignet, à la force que je mets dans la pression de mes doigts. Je sais comment les tailler, comment les sculpter, réellement. De la sculpture de crayons, une petite oeuvre d’art en soi, un travail de recherche et d’expérimentation de longue date, une tâche maintenant mécanique, à laquelle je ne pense plus, machinale, mais dont l’absence m’apparaît maintenant insupportable! Je ne vais tout de même pas «cutterisé» mon stylet (à cinquante euro la pointe!) pour me sécuriser...La pointe est fine, trop fine. Par chance, ma tablette gère « l’inclinaison » - c’est écrit sur le manuel... J’ouvre mon logiciel, je charge une page blanche. Non, noire, plus de distance, déjà, et moins agressive. Travail de blanc sur blanc sur noir, travail de réserve, toujours enlever, retirer.1 Les valeurs aussi sont un problème, le blanc est trop blanc, ce n’est plus du blanc graphique, c’est de la lumière pure – les impressionnistes auraient sans doute beaucoup appréciés le pixel. Or, loin des considérations conceptuelles actuelles, je ne dessine pas la lumière, je ne dessine pas l’ombre non plus, je dessine le trait, du moins j’essaye. Au début donc, il y a le noir, le vide, l’absolu. Puis, la ligne, point de départ du langage. Mais d’abord, il faut choisir le «brush», c’est à dire le motif numérique qui va s’imprimer sur l’écran, un motif unique, une pression marque un point, au sens d’un ensemble homogène, ce point pouvant être de n’importe quelle forme, de n’importe quelle taille préconfigurée, ne m’importe quelle transparence, un tampon en définitive. Linguistiquement déjà, ce terme de brush, traduction stricte « brosse », me pose problème. On ne tient pas un crayon comme on tient un pinceau (encore moins une brosse !). La ligne est un point qui a bougé précédemment en nous2, et non pas une tâche colorée, le crayon est l’outil d’expression du désir. 1
Druet (Lucile), Dessin, photo, vidéo. A une passante, op. cit., p.14
2 Adami (Valerio), Dessiner. La gomme et les crayons, Paris, coll. Ecritures/Figures, 2002, p.33
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Un large choix s’offre à moi, en passant du trait marqueur, à l’image papillon... Le but étant de trouver un «tampon» susceptible de reproduire le point de crayon, à fortiori, capable de reproduire fidèlement la ligne, soit la succession et l’accumulation de ces dits points. A priori, c’est un algorithme tout bête... Mais la machine n’admet pas ou très mal l’aléatoire, l’inattendu, l’accident... Au mieux, elle le simule, mais le simuler, n’est-ce pas justement le détruire d’avantage! Un point, en tout point ressemblant, et c’est le cas de le dire, ne formera pas forcément, loin de là, une ligne crayonnée digne de ce nom, mais bien une multitude de point, une succession numérique froide. La ligne imprime ça et là de petites imperfections que je peux même prévoir, puisque j’en connais par avance le plus petit composant... Là est le problème: je peux les prévoir, de prime abord, je perds tout ce qui m’est le plus cher: le charnel, le sensuel, la relation à deux, partagée, consommée. Un simili de godmichet entre les doigts, rien de plus. L’évolution est fantastique, le progrès permet d’économiser du temps, de l’argent, de l’effort, mais aussi du plaisir il semblerait. Ou bien le plaisir s’édulcore-t-il, de façon irrémédiable, pour se matérialiser en d’autres sujets? Fin de l’acte, ma partie de crayons-en-l’air-plastifiés s’arrête là pour aujourd’hui, sans grande jouissance, le temps de me remettre de mes déceptions, peut-être sera-ce mieux demain.... Le caractère tactile de mes dessins m’est cher, il vient de ce que mes mains ont trouvé, « je voudrais m’appeler désir, et signer ainsi mes tableaux »1
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Journée peu productive, tâtonnements, encore. J'ai réussi à mettre en accord mes exigences et mon scepticisme, et trouvé un paramétrage à peu près correct. Le temps juste de l'essayer, mais l'amertume de mes précédents essais me fait vite quitter la table. Une première victoire se savoure, il ne faudrait pas que je rencontre ma prochaine vexation, que je sens trop proche, trop vite, sous peine d'y laisser mes doigts...
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Second test d’animation, j’ai assez de dessins pour commencer à les monter sur une timeline1 et lancer la lecture. Je frissonne, rien qu’à appuyer sur le bouton « play », concrétisation d’une idée, d’une aspiration qui croupie depuis cinq ans… Le dessin porte en lui un caractère d’ébauche, et donc en lui-même une promesse de finition semble-t-il, dont le court-métrage serait l’aboutissement. Ce dernier exploite de surcroit la même notion de personnage : une anatomie rare qui ne s’explique pas très bien, qui ne donne pas grand chose… Le dessin et le court métrage sont deux unités de sens construites sur une brièveté, avec peu de moyen souvent. Une économie qui relierait donc ces dessins au courtmétrage ? Peut-être. Mais c’est surtout la croyance en une clôture qui semble réunir dessin et court. Une unité simple, qui ne tient qu’à un fil, qui s’achève avant d’avoir été. Rien de plus. Et le less is more prend une nouvelle dimension : après avoir excité l’imaginaire, il se fige et fait élaborer une fiction. Presque rien, où la fiction ne demande qu’à se dire. Histoire d’une solitude entre soi et rien. En silence le personnage se met à raconter son histoire, son trait. Il se promène, se défile le long de la page, d’une ligne ténue dont il ne reste que la trace d’une architecture obsolète. Personnage filaire qui se tait, pointe un regard barré, enfoui, point une mine en fuite.2 Le mouvement s’imprime sur ma rétine… L’image en mouvement sur l’écran a un lien continu avec des temporalités qui ne sont plus déterminées. Comme il y a un décalage entre le temps de l’animation et le temps de l’expérience du spectateur, celui-ci ne suit pas complètement le temps du film et la temporalité de sa pensée ne coïncide pas avec celle du film. On affronte deux champs qui, non seulement se croisent, mais sont confrontés l’un à l’autre. Ces deux chemins qui se déroulent en temps réel font avancer un autre 1 Timeline: dénomination technique, litt.: «bande temps» sur laquelle on vient organiser les différents extraits vidéos pour le montage d’un film. 2
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chemin qui est constitué par la répétition des croisements et des confrontations. On pourrait le voir comme le « chemin faisant » à côté du mouvement et du processus, celui qui nous emmène à un « quelque part » dont on ne voit pas la fin. Ce chemin est quelque chose qui demande du temps, voire une certaine lenteur, chemin sur lequel on se promène en regardant de côté et d’autre dans l’intention d’en fouiller les secrets. Cette promenade permet d’avancer pas à pas en se détachant du présent, en se retournant. GillesDeleuze s’explique sur le flash-back : « C’est précisément un circuit fermé qui va du présent au passé, puis nous ramène au présent. Ou plutôt, comme dans Le Jour se lève de Carné, c’est une multiplicité de circuits dont chacun parcourt une zone de souvenirs et revient à un état de plus en plus profond, de plus en plus inexorable, de la situation présente.1 » L’expérience du sentiment du temps qui se joue entre le présent et la présence permet de faire du spectateur le sujet et l’observateur de l’expérience. Le spectateur s’embrouille dans sa mémoire et se laisse égarer par son imagination. « […] Les fonctions de la mémoire et de l’imagination, qui ne sont que des succédanés de la perception ou si l’on veut des facultés « semi-perceptives », sont aussi fragiles qu’utiles et ont été depuis toujours considérées comme des «puissances trompeuses.»2 Cette présence de ce qui est absent se confronte à la présence de ce qui est présent. L’esprit regarde en avant et en arrière mais sans jamais sortir d’un présent devenu son seul horizon. « Une pensée qui laisse venir. Sans programme initial d’opérations, ni résolution dialectique finale. Seule la libre étendue, et l’horizon ouvert, l’infinie possibilité des mises en présence. Le pas qui avance et trace. L’enjeu, au bout du compte, tient dans le sens qu’on donne au mot Deleuze (Gilles) L’Image-Temps, Paris, Minuit, coll. Critique, 1985,
2 Rosset (Clément), Fantasmagories, suivie de Le réel, L’imaginaire et L’illusoire, Paris, Minuit, coll. Paradoxe, 2006, p.33
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La vidéo ou le cinéma contribue à régler le rapport au désir. Ils le préservent et l’entretiennent. Privilégiant l’individuel sur le social, il incarne un imaginaire que le spectateur vit intensément. En exigeant du spectateur l’immobilité, la suspension de ses investissements d’objets habituels et la prise de distance par rapport à la projection, en le réduisant à un pur regard, un pur acte de perception, il favorise des facteurs inconscients ou des fantasmes qui sont habituellement étranger au sujet. Tout-puissant, tout-percevant, en état de faiblesse ou de régression à une scène primitive, le spectateur se trouve en situation d’halluciner les images et les sons qui lui sont présentés. Il faut que nous puissions facilement nous identifier à des personnages ou à des héros à la liberté factice. Les mouvements de la caméra nous y poussent. Le spectateur est invité à entrer dans le fantasme d’autrui. Tout est fait pour flatter ou décevoir des désirs ou des pulsions usuellement refoulés. Tout film est un film de fiction qui réélabore certains contenus inconscients. Le fait que la rêverie soit éveillée oblige à structurer ces contenus, à les subordonner à une impression de réalité, mais ne les détruit pas. Le spectateur se laisse aller au film dans ses trous de conscience. Il peut vivre une autre relation d’objet, un autre érotisme, un autre rapport à l’amour. Les censures ne sont plus les siennes, mais celles du film. Il y a là une obscénité irréductible. La capacité du cinéma à soutenir le désir dépasse celle du théâtre ou du roman car, sur l’écran, nous voyons des objets qui, en réalité, sont absents. Ce clivage de la croyance nous émerveille et libère notre imagination. Nous en jouissons comme d’un fétiche. Quand nous adhérons à un film, nous nous identifions à 1 Les Carnet du paysage n° 11, Cheminements, Arles/Versailles, Actes Sud et École supérieure du paysage, 2004, p.33
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d’autres corps que le nôtre - sans pour autant tomber dans l’illusion d’un rapport objectal plein.1 Déception, l’image est trop saccadée, trop de dessins peut-être, serait-ce possible, un trop ? Laissons de côté, nous verrons plus tard. Une production où le dessin domine impose au spectateur l’obligation d’une proximité à la limite du contact, qu’en estil de dessins transposés en vidéo, en animation ? Suis-je trop proche ? A la recherche toujours du « bon dessin ». Je m’interroge: dois-je continuer à suivre le contour, et
1 Metz (Christian), Le signifiant imaginaire : Psychanalyse et cinéma, Paris, Union générale d’éditions, Coll. 10/18, 1977
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développer mon trait de façon constructive autour de celui-ci, ou dois-je simplifier au mouvement... L’idée sous-jacente me guette: faire un trait unique «de mouvement» ne serait-ce pas une marque de facilité? Tout dépend bien sur de comment je l’envisage. Plusieurs fois on m’a poussé à ça, j’ai essayé, mais ça ne me convenait pas... Delacroix refusait aussi, quelle prétention de ma part, cette idée. Il y a des lignes qui sont des monstres. Une ligne toute seule n’a pas de signification, il en faut une seconde pour lui donner de l’expression1. Pour autant, on connait à l’inverse tous l’histoire, racontée par Pline, de la fille du potier Dibutades qui traça au sol le contours de l’ombre de son amant qui s’éloignait, afin de conserver son image. Pour quel dessin ma main est-elle faite? Mon esprit refusait jusqu’à maintenant de s’y plier, j’ai extrêmement peur d’y céder par facilité! Anti-constructif, il faut l’admettre! Et sous ces interrogations, revient toujours l’incessante question personnelle du figuratif, et cette obstination obsolète (et quelque autres « obs » encore…) à ne pas s’en éloigner. Dessiner, c’est bien sur tracer. Mais comment
1 Delacroix (Eugène), cité par Derrida (Jacques), L’écriture et la différence, Paris, Seuil, coll. Point d’Essai, 2006, p.27
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s’opère le tracement ? Par un mouvement de la main, bien sûr encore. Seulement, pour la tradition, le tracement, pour être dessin, doit remplir une double condition : il doit ressembler à l’objet perçu, et surtout, même si la ressemblance est imparfaite ou déformée, il doit, pour être sinon ressemblant, reconnaissable, avoir une « forme significative ». Autrement dit, le geste traçant est, selon la tradition, soumis à la vision de la forme : « l’objet est connu à partir d’un voir », explique Loreau, et ce voir, cette vue est déjà elle-même coordonnée par notre vision de type géométrique (classique) qui oriente et encadre notre regard sur les choses. Quand Picasso déclare : « je peins les choses non telles que je les vois, mais telles que je les connais », il prolonge la tradition de la peinture soumise au voir lui-même soumis au savoir. « Voir c’est savoir », disait Viollet-le-Duc. Pour la tradition, le dessin est forme globale et centrée, voilà pourquoi il entre dans le cadre de la géométrie classique et dont le centre est le point et le développement la ligne, puis la figure.1 Pour une personne dont le but est la narration, il est vraiment difficile de définir sa façon d’être « réaliste ». La dimension du réel dans l’existence à changé2.
1 Clément (Eric), L’enjeu du tracement dans Du dessein au dessin, sous la direction de Streker (Marc), op cit., p. 25-28 2
Dessiner. La gomme et les crayons, p. 15
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J’attaque ma première zone de fondu... Enfin une partie intéressante! Les lignes se mêlent, je peux jouer sur la dispersion, sur le trouble, je me sens plus à l’aise, plus constructive dans ce que je fais. Le dédoublement, sous une autre forme! A ce moment précis, le sujet de mes dessins, sujet psychologique, j’entend, toute cette genèse du double, me parait relativement loin, comme un prétexte pour arriver à cette démarche. Peut-être ne souhaitais-je que faire s’accoupler les lignes. J’aurais du faire plus de fondus dans mon montage! J’ai la prétention d’avoir en tête le corps ficelé d’Unica, ma lecture actuelle, l’entrelacement du trait/ fil de fer, créant çà et là des excroissances et boursouflures anamorphoses, ici un sein, là des lèvres. Si l’érotisme de Bellmer est certes plus affirmé, la création du corps-polype, corps désir, est du même ordre, et s’exprime de façon approchante : traits liquéfiés, continus… Ou encore dans Sur Canapé (1966), les figures de Bellmer perdent leurs contours, ceux-ci s’effritent, s’effondrent, débordent leur limites comme une anamorphose. Projetées hors d’elles-mêmes, elles s’étirent alors en largeur, se déplies en
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accordéon tel un éventail ou une frise : il y a déplacement des corps sur-eux mêmes, glissement sur d’autres corps. Un seul corps ne peut suffire à marier, à conjuguer les lignes1. Je commence à me détacher du « but ». Le corps Bellmerien tend vers cette identité qui n’est pas vécu de façon anagogique2 : quête charnelle et émotionnelle, l’androgyne sans désir d’immortalité.
1 Bouvier (Betty), Système conjugué de la plastique et de l’érotique Bellmerienne, Mémoire de maîtrise d’art plastique, sous la direction de Duborgel (Bruno) et la co-direction de Mourey (Jean-Pierre), Université Jean-Monnet, Saint-Etienne, 1999, p. 13 2 Dourthe (Pierre), Bellmer : le principe de la perversion, Paris, JeanPierre Faur édition (St-Herblain), 1999, p. 10
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Tout défaire, tout refaire... J’en suis au stade des erreurs, des bourdes. Je m’interroge, était-ce pareil au début de mon apprentissage technique.. Ai-je recommencé des dizaines et des dizaines de fois? Me suis-je même posée la question ? N’est-ce pas ce que je fais au quotidien? Pourquoi cela ne pose-t-il pas autant de problème d’ordre psychologique? De névrose? Quels tenants et aboutissants dans la répétition systématique, la série poussée à l’extrême? Comment gérer cette sclérose de la main, de l’esprit? Comment ne pas sombrer dans la folie... Recommencer, encore et toujours. Je fais déjà plus de cinquante fois un dessin quasi-identique et voilà que pour une bête action informatique, je suis obligée de tout recommencer.. Je ne pensais pas aller si loin dans ma démarche masochiste... Je recommence, encore... Je craque! La pression du travail se fait sentir, j’essaye de ne pas raisonner par soustraction : combien m’en reste-t-il? Et si j’en fais X par jour, combien de semaines? Combien de semaines par mois déjà..? Tout refaire pour ça... ça étant la scène première de l’animation : une position quasi immobile, un mouvement quasi absent... Le tremblement de la ligne me semble de trop, je me demande si je vais les garder.. Mais au moins les garder pour la trace? La trace de l’acte? Dois-je les garder ou pas? Dois-je témoigner de ma trace ? Toutefois quelle trace, pour qui,
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par rapport à quoi, et quelle est son importance, sa portée ? Le travail numérique est u n e très forte remise en cause de l’art comme trace-témoignage, comme objet global définitif.
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Hypothese pour une nouvelle esthetique.1 S i l’on considère la question de l’art à l’aune des nouvelles technologies on peut s’apercevoir de la difficulté de formaliser et de schématiser des courants esthétiques et des systèmes de production homologues. La difficulté dérive d’un écart qui, la plupart du temps, est attribué à la composante technique ou technologique entre la pensée et la production matérielle. Le problème de l’usage d’un œil technologique pour rendre compte des modifications esthétiques apportées par les œuvres d’art numériques, ou qui utilisent les nouveaux médias, est sans doute un problème de point de vue. Parler d’art numérique signifie donc entrer dans une logique complexe faite des mutations, des découvertes et des applications qui peuvent être exploitées pour arriver à découper, à partager et, en même temps, à étendre le regard sur l’art tout court, soit sur le processus artistique, soit sur l’œuvre d’art comme objet matériel. Edmond Couchot et Norbert Hillaire essaient dans le 1 Manetta (Maria Antonia), Nouveaux Actes Sémiotiques [ en ligne ]. NAS, 2006, N° 104, 105, 106. Disponible sur : http://revues.unilim.fr/nas/document.php?id=417 à propos de Couchot (Edmont), Hilaire (Norbert), L’Art numérique. Comment la technologie vient au monde de l’art, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2005
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livre « L’art numérique » (publié pour la première fois en 2003 chez Flammarion) d’analyser la nature des bouleversements profonds que les technologies numériques apportent à la culture artistique. Toute la réflexion porte sur le fait que pour la première fois, grâce à Internet, aux Cd rom et aux DVD, l’art est potentiellement à la portée de tous, même pour une brève période, même pour un seul instant sur Internet ou au théâtre. En effet, l’art numérique modifie de nombreux points de repères, de nombreuses certitudes utilisées depuis le début du siècle en remettant en jeu la conception même d’avant-garde et d’expérience artistique. Il ne s’agit plus de penser avec une logique de substitution et de provocation des besoins sociaux, comme dans la production duchampienne, ou de réfléchir sur la modification culturelle apportée par l’exploitation d’un medium, comme le cas de la vidéo art de Bill Viola ou de Nam June Paik. Dans l’art numérique le moindre passage d’une image créée par un logiciel et modifiée par le spectateur à travers son action, est le résultat de quelque chose qui, à l’extérieur, reste une image, mais qui, à l’intérieur, n’a rien à voir avec tout ce qui, d’ordre sensible ou intelligible, reste en elle. Or une image générée par synthèse graphique dérive d’un échantillonnage qui est converti dans un code lisible par la machine, qui réinterprète les stimuli donnés pour produire une quelconque forme de ressemblance vers l’extérieur, vers le monde du sensible. Le fait que dans un ordinateur toutes les données sensibles sont gardées et enregistrées sous une forme discrète et calculable détermine que tout le monde naturel peut être contenu en forme potentielle dans l’ordinateur et peut être traduit, modelé et reconverti dans d’autres formes. Cela signifie que l’ordinateur, à première vue, peut être considéré comme une machine universelle pour traduire la sensibilité en intelligibilité et vice-versa. On parlera dans ce cas de l’ordinateur comme d’une interface culturelle dans le sens où n’importe quel stimulus est décomposable, recomposable, prêt à une infinité d’interprétations possibles, soit par rapport à la machine même, soit par rapport à l’usager. Parler donc d’interactivité, de simulation, de
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multimédias, de téléaction signifie toujours raisonner sur le noyau profond ouvert à toutes possibilités d’expression. En partant de la prise de conscience que tout se réduit à une série de commandes, basée sur des algorithmes, nous sommes amenés, conduits par les auteurs, à réfléchir sur la possibilité de représentation numérique des données et la possibilité d’utiliser les réseaux, pour interagir en temps réel, en transformant une image fixe dans une image mouvante et en réalisant des environnements interactifs où sont en jeu les représentations et les simulations sociales. Dans cet ordre de choses, les matériaux et les outils numériques « sont essentiellement d’ordre symbolique et langagière 1». De cela vient que l’immatérialité se réduit à la programmaticité : Quoique le langage de la programmaticité soit symbolique et abstrait, il reste cependant différent du langage naturel. En effet, tous les programmes sont élaborés à partir de modèles logiques et mathématiques issus des sciences les plus diverses […] ces innombrables modèles ont ceci de particulier qu’ils ne visent pas à représenter le réel sous son aspect phénoménal, mais à le reconstruire, à le synthétiser, à partir des lois internes et des processus qui le structurent et l’animent – bref, à le simuler2. Alors, et c’est la question posée dans le cours de l’œuvre, est-il possible de parler de continuité dans la production-distributionfruition des œuvres d’art interactives par rapport à celles dépassées : l’art électronique, l’art vidéo, les avant-gardes historiques, la photo et le cinéma ? Selon les auteurs la seule perspective possible est celle d’une vision historique. C’est seulement en remontant le temps jusqu’aux polémiques, par exemple lors de l’apparition de la télé ou de la photo, qu’il est possible d’encadrer – mais seulement partiellement – l’ère de l’âge numérique, l’ère de l’ordinateur. Le propos des deux 1 Couchot (Edmont), Hilaire (Norbert), L’Art numérique. Comment la technologie vient au monde de l’art, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2005, p. 25 2
Ibid., p. 26
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auteurs n’est pas de prendre une position sur une question in fieri mais de chercher à donner une perspective intégrée le plus possible avec un regard critique. Pour ce faire ils ont décidé d’appliquer ce regard en perspective à la condition actuelle de l’art numérique pour reconstruire les liens logiques entre société et art, en raisonnant sur les conditions même des origines historiques et des expressions futures. Au début de l’analyse il est possible de repérer quelques axes caractéristiques du numérique, la plupart des cas étant liés à la question technologique.
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- L’ordinateur est un instrument-moyen de simulation de toutes formes expressives (signe, peinture, photographie, vidéo, cinéma). Il peut s’approprier n’importe quelle forme d’expression sans laisser trace de sa présence. En effet, sans le savoir davantage, il serait impossible de distinguer une image analogique d’un visage, d’une image numérique de synthèse qui représente ou simule le même visage.
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- L’ordinateur rend possible le dialogue entre le monde abstrait du calcul et de l’utilisateur. Il peut « imiter ses modes de perception, ses comportements, voire certains aspects de son intelligence. Plus qu’une technologie, le numérique est une véritable conception du monde, insufflée par la science qui en constitue le soubassement »1. L’interactivité n’est pas seulement une possibilité mais le système fondamental pour le traitement et l’élaboration de l’information qui trouve son point de départ et d’arrivée dans l’usager. Toutes les implications ou bouleversements dérivent donc de ces deux postulats : la programmation, comme organisation interne, et l’interactivité comme condition de circulation et de modification des données. Pour compléter le cadre théorique il faut intégrer dans cette perspective, la cybernétique et la théorie des réseaux intelligents ou des logiciels qui montrent des formes d’apprentissage et de créativité propre. Grâce à ce passage ultérieur on entrera dans un domaine où toutes 1
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Ibid., p. 10
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les disciplines se mélangent, où la biologie, la neurologie, l’informatique, la psychologie, la sociologie, l’art et la science contribueront à déterminer un seul champ de recherche. De la même manière que l’ordinateur produit des formes syncrétiques et hypermédias, la seule modalité pour penser l’ordinateur est donc une forme pluridisciplinaire et hybride. Couchot et Hillaire organisent cette pensée de manière très performante, l’un intégrant le point de vue d’un théoricien et d’artiste, l’autre proposant le point de vue plus attentif aux dynamiques sociales qui influencent les artistes d’un côté, et le public de l’autre, en n’oubliant pas toutes les instances de diffusion, de promotion, et de circulation de l’appareil artistique (écoles, musées, revues, expositions etc.). Globalement la question de l’art numérique est traitée selon une perspective révolutionnaire par rapport aux anthologies et aux recueils, intégrant les influences commerciales, politiques et stratégiques qui influencent la nouvelle esthétique des hypermédias numériques. Pour cette raison il est possible de parler d’une théorie qui assure une continuité avec le passé, l’évolution et le bouleversement qui, avant le numérique, ont intéressé la scène sociale du XXIe siècle. L’art numérique essaie de reconstruire, hors de toute fixation et glaciation des courants, un panorama où la technologie et le faire technique se mélangent avec la techno-science, où l’art provient d’une source de spécialisation du langage de l’ordinateur, où les moindres modifications sur le plan de l’expression vont balayer l’esthétique de l’art et des vieux médias : « … rompant avec toutes les techniques antérieures de figuration […] rompant avec tous les modes de socialisation des œuvres (reproduction, conservation, diffusion, monstration), réintroduisant par sa très forte technicité la présence active de la techno science au sein de l’art, le numérique, en tant que technique de simulation, porte cependant en lui les moyens de s’inscrire dans le prolongement des techniques traditionnelles utilisées par les artistes, voire dans le prolongement de cette dé-spécification technique propre à l’art du XXe siècle. Le numérique est facteur à la fois de rupture et de continuité.
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C’est à ce paradoxe que s’affronte tout ceux qui utilisent un ordinateur pour faire œuvre. De la manière dont ils conjuguent le calculable et le sensible, le nouveau et le traditionnel, se définit leur esthétique. »1 L’œuvre en soi est dense et riche des liens entre ses parties. Nous avons déjà traité les principales lignes de conduite mais il faut souligner les concepts importants et les distinctions théorisées. La première distinction regarde la polarité auteurspectateur, interprétée selon la nouvelle possibilité de la part de l’usager de manipuler et de transformer les données. Le livre suggère de définir deux catégories de sujet : l’auteur aval, le spectateur qui concrètement réalise l’œuvre et l’auteur amont, le metteur en scène du discours entre l’œuvre matérielle, l’expérience faite et la pensée esthétique dérivée. Il s’agit d’une distinction fondamentale qui remet en circulation les valeurs et la fonction matérielle de l’œuvre. En sachant qu’il s’agit d’une série de calculs qui peuvent être contenus dans un CD ou un support quelconque, l’œuvre se transforme : à la fois elle peut être figée sur un support, et elle peut être aléatoire, prête à toute modification. L’auteur disparaît pour laisser la place à un sujet collectif de modification et de transformation. « On peut donc dire que l’œuvre est in fine créée par deux auteurs. Un « auteur-amont », à l’origine du projet, qui en prend l’initiative et qui définit programmatiquement les conditions de la participation du spectateur (et de sa liberté, qui n’est jamais totale) et un « auteur-aval » qui s’introduit dans le déploiement de l’œuvre et en actualise les potentialités »2. De la même manière il est possible de subdiviser la catégorie « subjectif » en deux sous-catégories et il est possible de le faire aussi pour la définition de l’œuvre. Il y aura donc une œuvre amont qui dérive des potentialités programmées par le metteur en scène et l’œuvre aval, où l’usage concret que le spectateur « fait surgir du présent singulier et non réitérable de son action »3. 1
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Ibid., p. 110
3 Idem
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La deuxième distinction regarde de plus près les récents développements de la recherche technologique. Il s’agit de faire une distinction entre une interactivité externe et une interactivité interne ou une première et seconde interactivité. Depuis le début, la recherche technologique a amené la relation homme-ordinateur vers l’exploitation des possibilités offertes par l’interactivité, ainsi elle a amélioré le dialogue en temps réel entre l’homme et l’ordinateur. Aujourd’hui les expériences numériques dans le domaine des réseaux neuronaux et dans la cybernétique ont amené à étendre la relation entre l’AI (intelligence artificielle) et la simulation des comportements et des perceptions originelles. Avec la combinaison de la cybernétique et des systèmes de captation et d’élaboration de stimuli, l’ordinateur est capable de produire des objets et des environnements qui réagissent avec des comportements autonomes. L’usage dans l’art numérique des systèmes ou – comme définissent les deux auteurs – des êtres artificiels fait percevoir une différence entre une interactivité exogène qui regarde la relation primaire entre un sujet humain et une machine, et une interactivité supérieure, qui peut développer des comportements émergents et des stratégies cognitives. En tout cas il s’agit de considérer une « interactivité d’un haut niveau de complexité entre des éléments constitutifs de la vie ou de l’intelligence artificielle qui, grâce à leur configuration, interagissent pour produire des phénomènes émergents »1. Cela signifie établir un nouvel horizon d’attente pour l’interactivité qui passe d’un niveau de protocole dialogique aux notions d’auto-organisation des structures émergentes, des réseaux d’adaptation et d’évolution. Les dispositifs interactifs, imaginés par les artistes qui utilisent ce niveau d’attente sont encore assez rares à cause du haut niveau de financement et de spécificités indispensables. On trouve au moins deux importantes initiatives comme Danse avec moi de Michel Bret et Marie Hélène Tramus, Ephémère de Chu-yin Chen et la pièce théâtrale mise en scène par Jean-Lambert Wild, d’après une Ibid., p. 99.
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pièce écrite par Pier Paolo Pasolini. Dans tous les cas il s’agit de spectacles où le spectateur est invité à participer en jouant avec les images, les choses, les êtres créés par l’ordinateur. En synthétisant les notions centrales proposées par les deux auteurs, on peut s’apercevoir des fondements esthétiques qui constituent globalement la constitution même de l’art numérique. Chaque fois qu’on parle de modularité, d’interactivité, d’apprentissage ou de toutes autres formes d’art numérique (Cyber art, Art interactif, Net-art etc.) nous sommes sans doute sous l’ordre de l’hybridation, de l’hypertechnique et de la technologie diffuses : « L’ordinateur est une machine, mais une machine hybride et la première qui fonctionne au langage. […] La spécificité du numérique est de simuler toutes les techniques existantes, toutes les techniques possibles, ou du moins d’y aspirer. Telle est la vocation illimitée de la simulation. C’est cette capacité qui donne au numérique son pouvoir de pénétration, de contamination sans précèdent, qui l’autorise à assujettir
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toutes techniques à l’ordre informationnel et de ce fait à les hybrider entre elles. […] Sa puissance d’hybridation le rend paradoxalement transversal et spécifique. Transversal à l’ensemble des arts déjà constitués dont il continue de dissoudre les spécificités, les hybridant intimement entre eux, les redynamisant en les déplaçant. Mais aussi spécifique, totalement original dans la manière dont il redéfinit les rapports de l’œuvre, de l’auteur et du spectateur, dans la manière dont il mobilise en les conjuguant les modes de production des formes sensibles et les modes de socialisation de ces formes, dans la manière enfin dont il s’enracine dans la science et la technologie. »1 Il est intéressant de réfléchir sur la relation entre l’art, la science et la société à travers les mots des deux auteurs. On peut s’apercevoir que « tout le rapport de l’art au réel et à la connaissance se trouve bouleversé » : d’un côté le numérique, en continuant la tendance de l’art moderne à se libérer de toute spécificité, abolit la distance entre une conception artistique du monde et le monde naturel ; de l’autre côté le numérique réintroduit la compétence spécifique, prouvant que c’est plus important pour un artiste d’avoir conscience de l’architecture informatique que des palettes de couleurs. Dès lors « la science prend une importance de plus en plus grande dans sa relation à l’art » la science fournit le matériau, les possibilités à exploiter, elle oriente les tendances esthétiques, mais c’est aux artistes de créer des expériences pour les spectateurs, et aux spectateurs de vivre ces expériencesmêmes tout en créant d’autres expériences nouvelles. Voilà en quelques mots la structure d’une œuvre complexe, exhaustive sur certains points et qui en même temps arrive à couvrir certains débats comme la question commerciale, les implications sur la définition de musée, en entremêlant l’art, la culture et le temps. Une œuvre qui est ambitieuse pour ce qui regarde la politique des états nationaux par rapport à la recherche, la seule qui essaie Ibid., p. 114.
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de faire des liens entre forces sociales et expressions artistiques, en raisonnant dans une perspective de mondialisation du circuit de production et de circulation. Dans les pages précédentes on a essayé de reconstruire une pensée le plus possible structurée tout en schématisant une histoire possible, une évolution continue comme celle de l’art numérique. Au cours de l’analyse, on a retrouvé les différentes compétences apportées par les deux auteurs : Edmond Couchot a apporté une vision qui réunit l’expérience artistique de l’auteur et la connaissance des problèmes institutionnels de l’art, et Norbert Hillaire intègre la définition de l’art comme instrument du langage dans la société. Maintenant, pour terminer, il nous semble intéressant de souligner que, dans tous les cas où on parle d’interactivité, d’hypermédias, des multimédias, de téléprésence, de numérisation, de pixellisation, de réalité virtuelle ou d’intelligence artificielle, il s’agit de penser à des liens entre l’art et la société qui s’établissent selon un principe rhizomique1. Ce principe implique une définition du rapport entre l’art et la société comme un réseau d’influences réciproques. Le défi pour la pensée critique est de « montrer où se tiennent les lignes de continuité et les points de rupture entre les nouvelles formes d’art et de socialisation de l’art propres au numérique et les formes traditionnelles ou contemporaines, entre ce qui perdure et ce qui se renouvelle. »2 Celle-là est la position théorique proposée par les auteurs, une position partagée par la majorité de la critique contemporaine même s’il n’existe pas encore une stabilisation ou une fixation des formes et des signifiés qui peuvent être contenus dans la définition d’un art numérique.
Incurtion dans le monde de l ‘ Art Numerique Extrait d' une page de blog
1 Deleuze (Gilles), Guattari (Félix), Milles plateaux. Capitalisme et Schizophrénie, Paris, Minuit, Paris, 1980, vol.2 2 Couchot (Edmont), Hilaire (Norbert), L’Art numérique. Comment la technologie vient au monde de l’art, op.cit., p. 171.
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dans une posture qui me sciée plus: fœtus, position recroquevillée, qui s’ouvre petit à petit. D’une part le mouvement est plus présent, je peux sentir plus que réellement voir, les infimes différences e n t r e c h a q u e dessin, l’acte est plus intéressant, il reprend vie. C’est sans doute, la problème de départ, dans cette introduction longue et pénible q u e démesurée, une «net j’ai du réaliser modern’ pin-up», ainsi précédemment: l’immobilité, que James, ancien la mort, l’antithèse de la bodybuilder-acteur production même. Seraitporno, transfert ce le problème général fantasmatique de ce travail : le fait qu’il ultime du quelconque n’imprime que la geek frustré en mort, l’absence des manque cruel d’exercice dessins, l’absence physique. James... d’image ? Série beaucoup plus Quand on intéressante. Pourtant les remonte dans corps masculins en général l’histoire de me donne plus de fil à la production des images, retordre: Problème d’auto- on rencontre cette grande identification je suppose. Mais absente qu’est la mort. Les les premiers dessins sont morts se présentent dans
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J’attaque James. Pour mémoire, je conserve ici les noms standards originels accordés par les créateurs et/ou entreprises des personnages numériques que j’ai utilisés pour créer l’animation, pour plus de facilité. Je vous représente donc Victoria, b e a u t é plantureuse a u x proportions
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l’absence, et l’expérience de la mort d’autrui, même fusse celle d’un personnage, nous confronte à la contradiction entre absence et présence, qui perdure même dans une époque où l’on dénie la mort. Pour que le défunt qui a perdu son corps s’incarne dans l’image, il faut que le survivant procède à un acte d’animation. Il rappelle les images à la vie. C’est le culte des morts, par lequel le défunt est resocialisé. Le corps mortel se dissout dans le néant, mais pas l’image. A notre époque qui a vidé les images de leur pouvoir d’incarnation, l’acte d’animation est remplacé par une remémoration, mais même dans ce cas, pour représenter quelque chose qui est absent, il faut le faire apparaître. Toute image ramène au jour ce qui n’est pas en elle. Elle appartient, elle aussi, à la mort. Pour rendre cette mort compréhensible, on préfère une image fabriquée à un cadavre ou à sa trace. L’énigme de la mort se déplace dans l’énigme de l’image. L’image est présente, mais elle consiste en une absence qui exprime la présence d’un cadavre. En elle est transféré le pouvoir d’apparaître qui appartenait au corps vivant. En constituant un espace des morts, elle acquiert un être qui consolide l’espace des vivants. Le concept d’art a émergé quand l’image s’est détachée du culte des morts. Mais elle reste une expérience de la mort. Aujourd’hui, nous communiquons avec le monde virtuel par le corps vivant, qui sert d’interface. Par notre imagination, nous animons les images auxquelles nous sommes soumis, bien que ces images numériques (machiniques) soient elles aussi porteuses de mort.1
1 Belting (Hans), Pour une anthropologie des image, Paris, Gallimard, coll. Le temps des images, 2004, p185
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Plusieurs jours de production, à la chaîne, sans sourciller. La main est crispée, par trop de gestes répétitifs. Les multiples pauses massages thérapeutiques n’y font pas grand chose. De plus il fait froid, le froid est l’ennemi suprême du dessinateur, statique. La tablette graphique, par sa surface active limitée (en corrélation avec mon budget cela va sans dire, avec de gros moyens, tout problème trouve une solution), une A4, sa connexion par fil, et ma relative crainte d’abîmer un objet pour lequel j’ai saigné ma bourse me poussent à ne pas emporter et manipuler trop brutalement mon outil de travail. Chose jusque là inconnue pour moi! Quoi de plus mobile qu’un crayon? Reste à trouver une feuille, un papier, un bout de serviette, de nappe, de mur, une surface quelle qu’elle soit. Au placard tout ça, la tablette est «unique», et n’admet pas de relation multiples entre elle et ses outils; voire même entre elle et son O.S. d’application, qui doit supporter, pour accéder à ses attentes, les infiltrations obligatoires, forcées, d’une galette numérique du nom de cd, qui injecte ses divers pilotes, plugins nécessaires à son fonctionnement. Sans compter que la tablette nécessite l’écran pour restituer son image, écran encore moins ergonomique dans une optique de transport.
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Petite digression sur [à] mon écran...
L’écran est l’interface qui nous permet de percevoir les traces dématérialisés du créateur, interface par laquelle les données numériques sont transformées en données visibles, du signe au signal et inversement. Il n’en demeure pas moins que l’écran de l’ordinateur appartient à la tradition de la surface d’inscription en verre ou ses métaphores (le vitrail gothique, le tableau comme fenêtre de la Renaissance, l’objet photographique). Le verre est « le matériau qui est le plus à l’opposé du corps », un matériau dans lequel le corps s’oublie, se projette, fantasme son immatérialité. Cette projection se fait par la vue. Dans cette histoire ou cette « politique de la disparition »1 , l’écran de l’ordinateur pousse à son extrême l’absentement du corps qui perçoit, car il n’est plus une surface en verre où s’inscrit notre corps en mouvement mais une interface par laquelle la machine humaine est remplacée par un automatisme : en effet nous n’avons plus rien d’autre à faire qu’à voir. La vue est fonctionnellement orientée vers le dedans de l’image. Ne plus jouer le jeu de cette focalisation consiste à mettre en avant (comme Support-surface le fera par exemple pour le tableau ou Nam-June Paik pour le poste de télévision) la matérialité du cadre de l’image, son « Maintenant archaïque », son Parergon2 pour s’appuyer sur les concepts de Derrida : le cadre est ce qu’il y a autour du signe ou ce qui le constitue phénoménologiquement comme signe. « Les objets humains, les ustensiles nous apparaissent comme posés sur le monde, tandis que les choses sont 1 Déotte (Jean-Louis), L’Homme de verre. Esthétiques Benjaminiennes., Paris, l’Harmattan, coll. Esthétiques, 1998 2 para : contre, ergon : œuvre - “Un parergon vient contre, à côté et en plus de l’ergon, du travail fait, de fait, de l’œuvre mais il ne tombe pas à côté, il touche et il coopère, depuis un certain dehors, au-dedans de l’opération. Ni simplement dehors ni simplement dedans. Comme un accessoire qui est obligé d’accueillir au bord, à bord”. Derrida
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enracinées dans un fond de nature inhumain ; on va droit à «la chose» et c’est secondairement que nous nous apercevons des limites de la connaissance et de nous-mêmes comme connaissant »1. Ainsi donc, contre une image numérique qui donne à voir une organisation de pixels, la choséité de l’écran est ce que nous voulons mettre en évidence. Si interfaçage il y a entre le flux numérique binaire et notre corps qui voit, c’est qu’il y a avant tout coexistence entre la chair de l’écran et la chair de notre corps percevant. Or, à la différence du tableau ou de la photographie qui portent les traces de leur fabrication et qui par la même peuvent pousser le spectateur vers une rêverie faite d’immanence sur le « ça a été » de la surface d’inscription de Roland Barthes, à la différence du tableau qui évoque justement un passé qui nous attire et en même temps nous échappe, à la différence d’une image indicielle qui fait œuvre parce qu’elle « nous regarde », l’écran d’ordinateur n’est pas l’indice d’un corps mais d’un calcul. Certes, l’expression artistique reste néanmoins, comme toute action du corps humain, l’indice d’un calcul. Il est d’ailleurs étonnant de constater les innombrables similarités, jusque dans l’apparence brute, entre un cerveau et un micro-processeur. Cependant, à l’inverse de la plasticité dont bénéficient les connexions multiples du cerveau, les traces du calcul micro-processeur sont figées. Le caractère de mouvance qui résulte de la vie se pose en opposition directe avec l’impression de fixation qui appelle la mort. Néanmoins, l’interface informatique, par le biais de cet indice de calcul et son dehors analogique, continue d’appartenir à la grande famille de l’empreinte. Cette matière informée fait adhérer notre mouvement au monde. La prothèse informatique est un analogon de notre corps parce qu’elle réussit à conjuguer le faire et le voir tout 1 Merleau-Ponty (Maurice) Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1945
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en éjectant cette conjugaison hors de notre propre corps. On peut affirmer que le corps de l’appareillage informatique appartient en partie au même espace que celui dans lequel se débat notre corps. A l’espace imperceptible « sans lieu déterminé, sans substrat matériel des milliards de microimpulsions qui courent dans les circuits électroniques », s’oppose l’espace du monde dans lequel nous percevons. Or, si « l’espace n’est pas le milieu, réel ou logique, dans lequel se disposent les choses, mais le moyen par lequel la position des choses devient possible »1, s’il n’est « pas un éther dans lequel baignent les choses mais la puissance universelle de leurs connexions »2, comment ne pas accepter de voir l’espace virtuel se subordonner à l’espace tangible puisque c’est ce dernier qui le rend possible ? Cela revient à dire que lorsque mon corps touche l’interface, non seulement il déclenche la possibilité d’un espace virtuel, mais surtout son espace de perception participe activement à la rencontre, une connexion elle bien réelle, des impulsions électroniques. Autrement dit, si l’espace virtuel est englobé dans l’espace réel, c’est la permanence perceptive primordiale de mon corps toujours « déjà là » qui rend possible cet englobement. L’écran a été au début un artefact, une ingénieuse invention qui mimait autant que possible le cadre d’un tableau. Son usage s’est étendu, élargi. Nous nous y sommes si bien adaptés que nous avons pris l’habitude de voir son plan opaque s’interposer entre le monde et nous. Nous ne voyons pas à travers lui, comme à travers une fenêtre transparente, nous voyons sur lui. Il ne creuse pas un espace avec ses points de repère, il étale une surface à laquelle nous adhérons. Cette surface ne se substitue à aucune autre, elle vient en plus. L’écran n’invite pas à la compréhension, mais à l’identification du spectateur. C’est un masque dont on peut jouer. On peut en retenir d’autres identifications que celles de la vie courante, Merleau-Ponty (Maurice) Phénoménologie de la perception, op.cit.
2 Signorile (Patricia), Paul Valéry, philosophie de l’art, e-book, books. google.fr, p.147
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les imprimer dans son corps, comme des spectres. Sur cela se construisent désormais les idéologies, qu’elles soient ludiques, familiales, sportives, militantes ou nationales. Les limites de l’écran ne sont pas spatiales (ses bords ne délimitent pas le monde du film). Elles sont, entre autres, technologiques, esthétiques ou psychologiques. La surface d’un écran a quelque chose de centrifuge, elle peut s’étendre indéfiniment. Quand l’image est sonorisée, où se trouve la voix? Dans ou hors l’écran? Elle rôde autour des limites de l’écran tout en le coupant, c’est là toute la difficulté. Le petit écran instaure avec ceux qui y «passent» un type de dialogue dans lequel leur singularité s’évanouit. L’écran se suffit à luimême. Malgré tous les artefacts, il ne donne pas sur une scène, mais sur un lieu absent. La tyrannie du visible n’a plus de bornes.1
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Toujours est-il, fin de digression, que le travail numérique est un travail de bureau, de surcroit : tyrannique.
Comme tout travail de bureau, il implique une bonne dose de caféine/théine, proportionnelle aux degrés affichés par le thermomètre, si bien qu’au bout de trois heures consécutives de travail, mes mains tremblent tellement, tant de leur position sclérosante, que de l’atmosphère générale, que de la dose d’excitant caféinique qui remplace petit à petit mon sang, qu’il m’est impossible de continuer.
Premiere pause, premiere angoisse. Je perçois réellement mon travail actuel comme un apprentissage, d’abord de façon objective: je n’ai jamais travaillé réellement en numérique - je n’ai jamais effectué de «série» autant «sérielle»! 1 Gorgo (Ozzy), L’écranophile, 2007, page visible : http://www.idixa. net/Pixa/pagixa-0803161957.html
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La visée des « encore une fois » est tout de même, à travers les différences réitérés, une identité finale ; et le caractère obsessionnel de la répétition tend vers la libération d’un état de grâce : à force de refaire, le faire fini par s’effacer et laisser la place à l’être de la chose, son moment absolu censé clore la série parce qu’il en a fait le tour. La série studieuse a pour visée un moment où la main, surexercée, redevient machine, à l’instar de celle que se souhaite l’aquarelliste pour maîtriser la touche irréparable, la prima intenzione.1 De façon sensorielle: l’angoisse du premier trait. Loin de moi la prétention de me porter haut dans l’art du dessin, mais l’expérience (par expérience, j’entends le temps passé à dessiner, donnée quantitative) fait que la première appréhension s’atténue, sans pour autant disparaître. Quoiqu’il en soi, je n’angoisse [presque] pas devant la feuille blanche, la déflorer serait même plutôt extrêmement tentant et excitant. Face à mon écran rien à faire, l’étendue de pixel me regarde froidement, le premier trait n’est jamais le bon. J’essaye de me souvenir, comment était-ce au début, la première fois que j’ai dessiné. Mais cela remonte trop loin, il serait impossible de faire planer un discours, même une réflexion, sur les sensations que j’ai pu ressentir enfant. Le dessin apparaît de façon naturelle puisque tous les enfants dessinent...? Il semble s’imposer comme geste, comme trace, faite instinctivement, avec un plaisir jubilatoire pour 1 Kintzler (Catherine), La série en art et ses paradoxes, conférence donnée devant la Société française de philosophie à la Sorbonne, amphithéâtre Michelet, sous la présidence de M. Bernard Bourgeois, le 16 février 2008, parution : Bulletin de la Société Française de Philosophie, Paris, 2008, p.17
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tout bambin à qui l’on propose une feuille et un crayon1. Je gage que les fondements du dessins, et son attraction particulière se trouvent ici - la continuation presque naturelle de la main? L’outil accessible? N’est-ce qu’une donnée sociale? La théorie de Darwin repose sur l’hypothèse que la propriété de produire le dessin se transpose par l’hérédité, mais cette transmission héréditaire suppose déjà chez la présence de la propriété en question… L’hérédité n’explique ni la nature ni la première apparition de la faculté en question2. Au-delà des considérations médicales, la question s’orienterait plus vers comment appréhender le dessin ? Jean-Louis le Moigne évoque le trait comme le seul procédé dont nous disposons pour nous exercer à la modélisation intelligible des phénomènes que nous percevons complexes3, il est rejoint par Valerio Adami lorsque ce dernier affirme aussi que dessiner, c’est une manière de connaitre et non pas une façon de vivre. L’œil accomplit un nombre infini de d’opérations ; par exemple il reconnait le danger. Se dire « je dois me déplacer pour ne pas être renversé » cela aussi fait parti du processus de représentation et de connaissance. Les premiers pas d’un dessin se font dans l’état prénatal de chaque chose, dans le préfiguré. Le jour paternel qui fait face à la nuit maternelle, etc… « Nous suivons la ligne d’un contour depuis le système nerveux d’un auteur jusqu’à son exaltation »4. Le dessin, dans sa pratique, est une sorte de manuel de vie accessible à tous, un préfiguré de chaque chose, notre transition entre le soi et le monde, notre appareillage, aussi bien dans notre rôle de récepteur que d’émetteur. Bellmer considérait que seul le trait 1 Petrequin (Anne), Ce qui se trame : grande collecte et petits arrangements dans Dessein, dessin, design, sous la direction de Barral (Jacquie), Gilles (Joël), p.7 2 Hartmann (Edouard de), Philosophie de l’inconscient, Paris, Baillière, 1877, p.317 3 Le Moigne (Jean-Louis), La modélisation des systèmes complexes, Paris, Dunod, 1990 4
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Adami (Valerio), Dessiner. La gomme et les crayons, op.cit., p.19
minutieux du crayon restituait la typologie obsessionnelle et la violence physiologique de son univers. Son invention fonctionne par la description1.
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Pourquoi cet encart déjà? Ah oui, ma pause, qui commence à s’éterniser... Toutefois, le tapotement dictalo est fort agréable pour les doigts, une auto-gymnastique (il ne faut pas perdre du temps, la société et mon emploi du temps l’impose, rentabilité, soit comment joindre l’utile... au nécessaire). La pause est un moment d’angoisse. Parce que j’estime encore être dans la phase d’approche (apprentissage/ dressage) de mes outils, parce que je ne les maîtrise pas et que chaque session est une épreuve... Parce que, parce que, et bien surtout parce qu’au bout de trois heures de travail consécutif, on finit pas se satisfaire, par trouver des clés, par trouver le geste adapté, la ligne qui nous séduit. Tous un tas de paramètres semblent rentrer en compte: la main s’est finalement décrispée, la vigilance est retombée, l’esprit s’endort, devient sans doute moins exigeant, la lassitude s’en mêle et le persuade que «c’est très bien comme ça» (sur un dessin d’1/13ème de seconde, ça ira très bien, bon sang!). Dissociation de l’esprit et du muscle. La tête divague, se perd en considérations, vagabonde. La main exécute, implacable, le même geste, sur une trentaine de dessins consécutifs, 1mm par ci, 1mm par là de différence, soit, mais rien de plus en vue. Le corps s’accommode contre toute attente relativement bien de cet état, j’entrevois très bien ce qui me paraissait hier inconcevable (Que les patrons ne s’inquiètent pas trop, tant qu’il faudra manger, le travail à la chaîne trouvera des employés fidèles, presque de carrière...). Pour l’instant, je ne tiens pas huit heures, je finis par craquer nerveusement, mais je projette qu’à ce rythme, mon seuil tendra à évoluer, mais jusqu’où ? Je ne suis pas sure des bienfaits de ce régime, toutefois cela est très intéressant. Pour en revenir à l’idée précédente, l’esprit finit par se contenter, la main par Dourthe (Pierre), Bellmer : le principe de la perversion, op.cit., p.268
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acquérir le geste juste assez satisfaisant pour l’esprit en berne. L’artiste dessinateur passe son temps à courir pour rattraper sa ou ses premières erreurs. « L’arrêt » intervient au moment où l’on s’accommode du résultat, tel un consensus, on se plie à l’échec1 ; le consensus est donc le témoignage de l’échec, mais l’échec ne serait-il pas ce qui nous fait continuer, et recommencer toujours ? L’échec serait-il nécessaire à la création artistique ? « Vous y arrivez », là est le problème, pourtant, je n’ai pas forcément cette sensation que j’aimerais retrouver, ce moment particulier où, en dessinant, le dessin « s’accomplit », le moment où l’on se dessaisit des mots et où on les jette au loin. Je regarde mon dessin et il me regarde. Serré l’un contre l’autre, comme un couple de danseurs, le dessin et le dessinateur sont enlacés sur la piste de la feuille blanche et font les mêmes pas en suivant la même musique2… Utopie ? Mais il faut s’arrêter, corps en souffrance, gelé, déshydraté, dos coincé, yeux fatigués. Une pause, une petite pause avant de rattacher. Comment dit-on déjà? Dans la joie et l’allégresse? Pleine d’entrain? Et bien non, c’est l’inverse. Après la pause, c’est à chaque fois, comme une nouvelle fois, éternellement ma première fois. Et cette voix dans ma tête, incessante: ça y est, tu y étais arrivé, tu tenais la ligne, ta ligne, maintenant que tu l’as laissée filer, il va falloir tout recommencer, tout re-dénuder. La ligne rapport de synecdote : la ligne métonymise la main. On ne voit pas la
qui cache la forêt. Est-ce à partir de là que l’on se met à croire aux spectres… La main file du trait3, telle une parque damnée. Malheur. 1 Vandecasteele (Eric), séminaire de Master 2 Arts Plastiques du 02 février 2009
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Adami (Valerio), Dessiner. La gomme et les crayons , op. cit., p.185
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Druet (Lucile), Dessin, photo, vidéo. A une passante, op.cit., p. 17
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Il s'agit en fait d'un problème d'appropriation. L'année précédente, j'avais l'intense besoin d'en finir, ce qui est toujours le cas, mais la transposition numérique a agit comme un curatif: je me suis complètement destituée de mes personnages, je m'en rend compte aujourd'hui. Un dessin, on se l'approprie, la série devient une maîtresse, au 400ème dessin, je commence à retrouver mes marques, mes personnages. Ils ont certes changés depuis le début, mais je commence tout juste à me les réapproprier, je me rend compte à quel point le numérique les a mis en perspective, les a concrétisés, et ça loin de mon esprit et de mes mains encore trop vertes. Ce passage s'avère extrêmement bénéfique, malgré les conséquences qu'il suppose: je ne suis plus en terrain connu, je dois fournir des efforts supplémentaires pour une chose qui normalement devrait m'appartenir, faire partie de moi. Et, bien que ce soit philosophiquement le cas, il est extrêmement troublant de voir comme l'évolution de sa création peut prendre sa propre liberté, loin de ses mains...
Le dessin numérique m'oblige à la rentabilité. Il est probable que je n'aurais jamais réalisé autant de dessins en manuel, car la relation charnelle du crayon et de la feuille est une drogue. Le contact froid de la tablette pousse à aller plus loin, passer au suivant, pour finir. Quel aurait été le mieux? Je suppose que je me serais perdu en traditionnel, mais j'en aurais retiré sans doute plus de plaisir. La quête du dessin parfait, voilà ce qui m'aurait tranché la tête sur ma feuille, le subtil crissement du crayon, musique envoûtante, une feuille suffit.
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Je me suis laissée emportée dans le dessin, dans la jouissance du rendu. J’ai testé les différences de diamètres, j’ai obtenu des effets graphiques se rapprochant presque du lavis. Le coté rendu est extrêmement plaisant, mais il ne correspond plus forcément à mon idée de lignes. Ne pas céder...
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Le problème, c’est le détail. J’entretenais un rapport charnel avec chacun de mes dessins. J’avais réalisé chacun d’eux dans une relation unique. Bien entendu, tous fo r ma ient un ensemble, une continuité, une narration, je ne l’ai que trop répété. Le passage à l’animation 3D n’a pas posé de problème, comme je l’ai dit plus haut, le support et le mode de production étant foncièrement éloigné, la distance instaurée était trop grande pour effectuer une réelle corrélation, sinon au niveau mythologique. Or ce n’est pas ce qui reste, en définitive, l’histoire est bien peu de chose. J’ai commencé à produire comme je produisais chacun des dessins, j’ai tenté de retrouver cette sensation. Mais cela n’allait pas, c’était «faux», ce que dit Rodin, tout mouvement est faux s’il est pris dans la seule simultanéité, peut-être est-ce identique concernant l’intention... Mais je me suis vite rendue compte que c’était impossible pour moi. Question de temps, question de volonté. Je veux voir le résultat, je veux voir mes dessins vivants, voilà le nœud du problème. Or le détail est constitutif du tout. Je ne pouvais pas faire de chaque dessin un tout, mais il fallait que ceux-ci deviennent un détail. Un détail du tout, d’une série. L’animation, l’accumulation de dessins sous forme animée, est irrémédiablement une forme plus qu’actuelle du champ artistique sériel moderne, dont un des facteurs décisifs fut l’invention de la chronophotographie de JulesEtienne Marley. On comprend avec lui que le mouvement ne s’additionne pas aux images, mais leur communique plutôt son inquiétude. Dans la révolution de l’image au sens moderne, interviennent deux facteurs : la mutabilité, comme l’évoque Benjamin, mais aussi l’intermittence. L’essentiel n’est plus dans une seule image, mais au croisement de plusieurs images. Quelque chose de radicalement nouveau surgit qui n’appartient pas à la conception classique de chaque image. Nous prenons sans doute des photographies du monde, des instantanés ;
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mais nous vivons bien d’avantage sur des images moyennes, intermédiaires entre le vu et l’invu, l’imaginé, le su1. Je penses par exemple au tableau de Géricault, Le derby à Epsom, où les chevaux ont des pattes à la fois en avant et en arrière, ce qui est absolument faux, mais en même temps tellement vrai ! C’est bien ici une image moyenne, qui ne correspond à aucune image réelle ;
ici le faux dit le vrai.
J’ai changé mon trait. Celui-ci évolue, change, entre chaque séance de dessin, à partir d’aujourd’hui, je commence le trait unique, continue. Le détail est matrice figurale par laquelle tout se tient, il est aussi élément parmi tant d’autre, et se fond dans le corps en tant que « belle totalité ». Cette unité, 1 Saint Girons (Blandine), intervention, La série en art et ses paradoxes, Kintzler (Catherine), op.cit., p.29.30
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cette continuité l’emporte jusque dans le trait ininterrompu, et elle est même condition de l’érotisme et de la sensualité.1 Le trait unique, ininterrompu, trouve d’autant plus sa place dans la mythologie de mes dessins, comme je l’ai déjà dit plus haut, les corps se déplacent sur eux mêmes : un seul corps ne peut suffire à manier, ou conjuguer les lignes. Freud encore expliquait que le rêve excellait à réunir les contraires et les rassembler en un seul objet2, le trait en serait la liane. Borges résonne, inlassablement, la prochaine fois, je te tuerais… « Le prometo ese laberinto, que consta de una sola línea recta y que es invisible, incesante ».3
Dessin #: 1 Bouvier (Betty), Système conjugué de la plastique et de l’érotique Bellmerienne, op.cit., p.1 2 Freud (Sigmund), La science des rêves, trad. I. Meyerson, Paris, Club Français du livre, 1963 3 Je te promets ce labyrinthe qui consiste en une seule ligne invisible et infinie - Borges (Jorge Luis), La muerte y la brújula (1942), dans Ficcionnes, Madrid, Alianza Editorial, coll. El libro del bolsillo, 2006, p. 179.
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Le travail devient oppressant. Je n’écris presque plus depuis un moment. Je fais ma tâche et je m’enfuis loin de mon ordinateur, plus aucune cénesthésie, plus d’attache, plus d’accroches... Surtout ne pas y rester quelques instants de plus. Mes mains se déchirent. J’aimerais qu’il me soit donné de voir le résultat, voilà ce que je veux, ce que j’ai toujours voulu, voir, voir la globalité, voir le début et la fin, voir le film, être spectatrice. La temporalité s’étire, plus qu’il n’en faut, plus que je ne peux l’assumer. Le contrôle du regard, ou plus généralement de la sphère du sensible, de l’esthésies, sur le faire, sur la praxis, suppose nécessairement un temps de retard, un différé, qui, s’il dure, au-delà du temps de fraicheur de l’idée initiale, nuit considérablement à son efficacité […] En effet, tandis que l’écart entre l’instant de la pulsion et celui de la perception dure à peine quelque centièmes de secondes – pratique du dessin entre autre, où l’attention continue du regard aux effets du geste maintient constamment ce geste sous contrôle esthétique de ce regard – il s’allonge démesurément dans le cas des environnements technologiques. L’émotion qui accompagne normalement la création, ici s’estompe. Pire parfois elle s’avère trompeuse. Ainsi, par exemple, après avoir travaillé de longue heures, voire plusieurs jours, il arrive fréquemment, lorsque que l’animation vidéo « fonctionne » enfin, que le plaisir ressenti à cet instant précis relève plus du soulagement (et de la fierté) d’avoir réussi à surmonter un obstacle « technique » que l’émotion esthétique visée au départ.1 Mais je baisse, je m’effondre, pire mon désir qui était au départ prégnant, qui était pour ainsi dire mon moteur, s’essouffle. L’aversion des images que je développe me fait extrêmement peur. Ma main est complètement tendue, je ne peux plus dessiner, mon cerveau se bloque. Je ne 1 Maza (Monique), Dessein, Dessin, Design et nouvelles technologies dans Dessein, dessin, design sous la direction de Barral (Jacquie), Gilles (Joël), op.cit., p.44
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supporte plus de voir toujours ces mêmes images, cette même interface, la pression du temps qui passe toujours trop vite, ma cadence qui diminue, mon dessin qui s’affaisse. L’objet identique à lui-même reste sans réalité, qu’est-ce que l’objet identique à lui-même ? C’est un objet non investit de désir1. Je m’efforce tant bien que mal de le garder en tête en permanence, de m’auto-stimuler, mais il arrive fatalement un moment où je l’oublie, où je souhaite l’oublier, ou je le chasse même. J’ai perdu mon désir. Horreur. Je me sens orpheline, complètement désemparée, presque violée. Je n’ai plus de désir, problème de similitude, de trop. N’est-ce pas ce deuil que je recherchais tant finalement ? Est-il possible que ce soit si dur ? Je m’imaginais une autre chose, un oubli paisible, vaporescent, une rupture douce, dans la continuité. Faut-il en passer par la cassure violente ? L’angoisse est très forte. Le désir est-il une chose générale, généraliste, qui s’applique à la pratique ou sur un objet particulier ? Il semblerait ici que le désir que j’éprouvais se focalisait sur cette série en particulier, mais pas de bonne façon ; je me suis perdue, me seraisje trompée : le désir ne peut-il prendre son intensité dans l’image qu’à s’appuyer, non sur des ensembles perceptifs où ils se dégraderont, mais sur des séquences partielles ? Je suis en train de développer un désir tout autre : celui de faire autre chose, n’importe quoi pourvu que ce soit autre chose. L’élaboration du désir fonde une connaissance qui se double d’un échange décisif. Elle est l’irruption d’une certaine puissance dans le réel. Tout en se constituant peu à peu, cette puissance met à jour, par fragments, les éléments d’une vie sans abdication, désossée des contraintes du temps et des convenances de la société. En cela, le réel se libère du possible, la vie est insuffisante, elle doit être excédée2. Pour autant, je ne suis pas encore totalement persuadée du bénéfice artistique qu’une telle réaction pourrait m’apporter, ni que ce regain 1 Bouvier (Betty), Système conjugué de la plastique et de l’érotique Bellmerienne, op.cit., p.71 2
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Dourthe (Pierre), Bellmer : le principe de la perversion, op.cit., p.8/9
de pratique puisse être accordé à ce ras-le-bol. La création faite par nécessité de mise en opposition, réaction primaire, comme une adolescence de dessinatrice. Le développement psychologique standard, enfance - adolescence - adulte, peutil s’appliquer au développement de l’artiste ?
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Je ne suis capable que de faire quelques dessins par session, 10 ou 15 tout au plus. Je n’en peux plus, suis-je arrivée au bout? Je ne peux plus continuer, c’est au dessus de mes forces, une nausée me prend lorsque j’ouvre ce damné logiciel, je ne sais même pas si je pourrais en écrire plus à ce sujet, rien que le fait d’évoquer ce travail me vide littéralement de tout espoir, de toute force. Que dois-je faire? Je repousse depuis plusieurs jours cette échéance, je réduis ma charge de travail au fur et à mesure, consciemment, je reporte, je ferais plus demain, mais je ne fais jamais plus, toujours moins. Passé l’ennui, le vide, le néant, vient le dégoût, l’écœurement. ça y est, ç’en est trop, je ne peux plus, je suis repue de ces dessins, repue de cette série. Que vais-je faire. J’y tenais vraiment, je me rends compte que cette série qui m’a accompagnée depuis presque dix ans; je n’en voulais plus, je voulais m’en émanciper, pour être plus mûre, pour être adulte. Mais le cordon ombilical que je viens de couper est douloureux. Mon principal désir se révèle très difficile à assumer. Je suis nostalgique du temps où je savais quoi faire sans réfléchir, par facilité, on l’« on » me donnait à manger, j’étais une enfant, de qui on s’occupait, les choses arrivaient toute seule, un temps qui n’avait pas de fin, je m’en rend compte aujourd’hui, comme cette série, mais j’en reviens, lasse, ulcérée, malade, l’art plastique est mort sous le souffle de l’infini1, mais qu’y a-t-il ensuite ? Existe-il encore une histoire ? Hans Belting : « Aujourd’hui, plus personne ne croit en une histoire de l’art pourvue de sens, ni les artistes, ni les spécialistes de l’art. Les modèles autrefois éprouvés, qui servaient à la présentation historique des objets d’art et qui n’étaient en général qu’une histoire des styles, ont été abandonnés. L’art ancien et l’art moderne sont désormais questionnés de la même façon : par les œuvres. Les frontières entre l’art, la culture et les personnes qui les produisent étant remises en cause, le vieil antagonisme entre l’art et la vie se dissipe. L’art est compris comme un système parmi d’autres de compréhension et de reproduction symbolique du monde. 1 Redon (Odilon), A soi-même, Journal (1867 -1915), Notes sur la Vie, l’Art et les Artistes, op.cit., p.40
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Comme les théories de l’art, ce système n’est que fragmentaire et provisoire. Avec le développement des médias et de la culture de masse, l’art finit par se la question de sa propre
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poser existence. »1 Aujourd’hui, tout demande un effort, gratifiant certes, instructif, bénéfique, chaque jour plus précieux, mais difficile, incertain, flou. J’ai mûri, mais j’ai toujours peur. Je me retourne, j’essaye d’appréhender l’intégralité de cette production. Des histoires qui concrétisent un système qui, au fur et à mesure, de fil en fil, élabore malgré tout une histoire : histoire car, à force de multiplier les tentatives, on se retrouve avec un feuilletage de dessins, de vidéos, à ne plus savoir qu’en faire sauf en faire de la mémoire, une archéologie qui se lie. Tout défile, chaque support a son propre rythme, sa propre tentative, et de là s’effiloche un semblant d’histoire, une stichomythie, une saynète, une scène : de petites choses avec un début et une fin – début du carnet fin du carnet – début de la série, fin de la série – début du film, fin du film – avec un temps enclos qui s’agite entre ces limites mais ne se déploie pas plus. Comme un propriétaire qui n’habite pas toutes les pièces de sa propriété, de sa demeure. Nous ne sommes jamais face à un acte entier ou à une pièce, la mise en scène ne va pas jusque là, pas jusqu’à produire un bloc entier de dialogue et de sens : en effet l’appréciation de l’ensemble de cette production laisse plus entrevoir du disparate que de l’unitaire ; bien qu’un fil conducteur les soutient, les différents supports engagent des effets différents : car le dialogue n’est pas le même à chaque fois, car ce n’est pas le même à chaque fois, ce ne sont pas les mêmes sensations vécues, ce 1 Belting (Hans), L’histoire de l’art est-elle finie ? histoire et archéologie d’un genre, Paris, Gallimard, 2007, p13
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n’est pas le même oubli, pas la même poussière, pas la même cendre. Une pratique qui ne dit pas tout, bien au contraire, laisse un trou, une béance entre deux traits, deux histoires. Des histoires, qui chacune à leur manière rejouent l’instance diégénique qu’est la vidéo. Tout un programme, on y croit, on se fait tout un cinéma pour pas grand chose, mais on y croit. Force de l’allusif, qui esquisse l’illusion. Une illusion, une fiction, une histoire tenue par l’allusive présence des personnages. Des personnages pris dans leur construction, mais également saisis dans la construction d’une mémoire. Etre là, c’est dur, ça s’endure, et ça dure parce qu’il y a feuille, papier, crayon.1 Et pour mon ani(hil-m)ation? Elias Oester : « Il n’y a pas de sujet absolu. C’est l’un des acquis de la postmodernité. Le sujet est divisé, dissocié, etc. ... Plus la portée de la voix s’étend, et moins il trouve une parole sûre sur laquelle s’appuyer. Un sujet libre, du genre humaniste, existant dans l’évidence de la présence, n’y comptez pas. Il restera toujours un angle ou une dimension sous laquelle il se sera retiré - et il n’est pas exclu qu’il se retire tout à fait, nous laissant à un univers de machines. Un sujet n’a pas de substance : il n’est qu’un effet de capitonnage, un point où le signifiant s’accroche à l’autre signifiant. Pour faire tenir la subjectivité, on multiplie les béquilles. L’ordre symbolique en est une (c’est la politique de l’autruche), et l’art en est une autre. Une œuvre fait parler le sujet, mais ne vaut que si elle s’en détache. Entre le tableau classique qui codifiait les règles de la représentation, et l’effacement radical que poursuit parfois l’art contemporain, toutes les positions sont possibles à l’égard du sujet, de l’indifférence à la mystique. »2 Et après ? Encore dessiner ? Ecrire ? Décrire, peut-être ? Mais que sont la théorie et la pratique ? Les vices des Druet (Lucile), Dessin, photo, vidéo. A une passante, op.cit., p.58-60
2 Oester (Elias), A l’écart des appartenances, 2007 - page visible : http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0803311743.html
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définitions… Peut-être me suis-je trompée, sans doute n’y a-t-il pas de fin en soi. Benjamin, dans son texte l’Art à l’ère de sa reproductibilité technique, fait de la reproductibilité un concept qui traverse l’acte producteur jusque dans sa « microdimension », et qui, du coup, s’inscrit dans l’acte récepteur1. En opposant deux paradigmes, le cinéma et la sculpture, il met en place une polarisation qui donne la mesure de ce bougé : par opposition à la sculpture, le film est structurellement affecté par le déni son achèvement. Achevé en fait, il ne l’ai jamais par principe. Composé par le montage, il est susceptible d’intercalage indéfinis. Davantage : chaque image, en ellemême, est susceptible de révision. De sorte que le film exhibe le paradigme d’une perfectibilité de l’infini : sa technique scelle l’exaltation du brouillon perpétuel.
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Me rappeler que le sujet, c’est l’expérience, le tout. Peut-être est-ce mieux ?
« L’œuvre à créer devient indissociable de la recherche même »2 : l’expression désigne bien ici des objets dont la sérialité s’affiche comme telle, ou plutôt la série comme objet même, exhibition d’une incomplétude comme complétude, façon pour le « se faisant » à la fois de récuser le fini, d’en finir avec lui, et de l’y substituer. Ce moment moderne et contemporain vérifie bien la thèse de Benjamin d’une reproductibilité non pas de l’œuvre mais au cœur de l’œuvre et de toute expérience esthétique. Or ce moment où advient la forme de la série de plein statut, où la série, appréhendée comme telle, se montre non plus à travers une perdition, mais présente la perdition même comme invention, qui donne sa figure à 1 Boissière (Anne), La reproductibilité technique chez Walter Benjamin, Revue DEMéter, décembre 2003, Université de Lille-3, disponible via www. univ-lille3.fr/revues/demeter/copie/boissiere.pdf 2
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Kintzler (Catherine), La série en art et ses paradoxes, op.cit., p. 18
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l’œuvre, ce moment révèle aussi une modification historique de la perception : une perception qui n’est plus en attente d’être comblée par une perfection, mais qui se dessaisit de la contemplation et s’investit dans l’opération requalificative d’un quasi-objet, toujours à la fois tenu et dessaisi : une sorte de passion de la perception. La série de plein régime est la présentation de l’inachevé comme fin ; par l’insatisfaction, elle donne sa forme inquiète à la satisfaction. En ne rendant pas l’œuvre captive d’une forme définitive, elle lui donne pourtant une forme elle aussi marquée par l’irrémédiable : la forme de l’échappement.1
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N’ayant pu assister physiquement à la conférence Acte I/L’organisation de la visibilité, du cycle Les logiques culturelles du SM, le compte-rendu que je m’apprête à faire s’appuie donc sur le texte de Lucile Haute, qu’elle a bien voulu mettre gracieusement à ma disposition. Celui-ci concerne exclusivement l’intervention de la doctorante, à savoir le Fétichisme Fashion: Interprétation des codes esthétiques SM dans l’iconographie publicitaire, dont la quasi-totalité des extraits sont tirés. Lucile Haute distingue trois formes de fétichisme dans l’iconographie de la mode, et axe le développement de ses recherches sur ce plan: mythologique, économique et corporel. Tout d’abord, il conviendrait de rappeler ce qu’englobe le terme aussi vaste de fétichisme. Definitions: nom masculin singulier 1 - culte animiste 2 - adoration aveugle 3 - (psychologie) perversité sexuelle dans laquelle le plaisir est conditionné à un objet, une attitude, un fantasme selon : Dictionnaire de L’Académie française
«La mode est l’art de détourner les rapports humains d’un sujet vers un objet [...] le but étant de faire naître le fantasme autour de l’objet pour provoquer le désir et déclencher l’achat.»1 La question qu’on peut se poser est donc la suivante: si l’objet acheté est le résultat du schème «fantasme/désir/achat», et non pas «nécessité/désir (sous une forme autre qui serait à mieux définir)/acquisition», on pourrait en conclure que cet objet devient nécessairement un objet fétichisé (développement), et par un raccourci un peu cavalier, que la mode est de ce fait une pratique fétichiste, ou à défaut, fétichisante. Ayant très peu de connaissances dans ce domaine spécifique qu’est la mode, je me permettrais donc de prendre quelques distance quant à ce dernier et d’élargir la notion de fétichisme à l’objet (en essayant de privilégier le vêtement), voire de le traiter en tant que concept indépendant.
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Fétichisme Mythologique «Le fétichisme mythologique apparait lorsque le rapport des objets est déporté sur l’histoire, la marque ou les fantasmes dont il est chargé.»2 Où l’on «achète du chanel [n°5] - pour le nom, la réputation de bonne qualité ou l’image de marque.»3 - dans l’optique de devenir Marilyn Monroe, nue au pied de son lit. Le mythe est défini, selon Barthe, comme un système de communication. «C’est une parole visant à adapter l’objet à une certaine consommation, à le charger d’un usage social qui s’ajoute à la pure matière.»4 Le fétichisme de la mythologie peut avoir des racines commerciales et médiatiques, comme personnelles. L. Haute pend en particulier l’exemple de Jean-Paul Gauthier, fétichiste du corset dans l’idée, le souvenir qu’il s’en fait de sa grand-mère. J’insiste bien sur les termes qui ne sont pas choisis par hasard, parce qu’effectivement, il semble bien qu’on fétichise une chose X dans l’essence d’une autre. Le fétichisme est un acte de pénétration. Ici, l’acte commercial et l’acte personnel n’ont que peu de différences fondamentales, somme toute le rapport personnel à l’objet diffère. Cependant dans l’application sociale de ce fétichisme, aucune différence n’est perceptible: il s’agit de communiquer, de charger mythologiquement un objet, que cela soit fait par le biais d’une publicité, savamment orchestrée, ou le fruit d’une expérience, d’une mémoire (qui dans tous les cas, n’est jamais une vision objective, mais toujours une perception fantasmée, altérée, orchestrée, etc.. - à ce titre, la mise en scène publicitaire peut très rapidement se rapprocher de la mémoire, on le sait sélective et somatique, de chaque individu). Il s’agit de l’interview de Monroe et des gouttes de Chanel n°5 pour dormir, de l’anecdote de Starck griffonnant Juicy Salif sur une nappe de restaurant et confessant avoir eu l’idée en pressant un citron sur un calamar lors d’un déjeuner, ou plus simplement, de la madeleine de Proust.
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Lucile Haute poursuit, «La possession d’un tel objet trouble la distinction entre être et avoir. La charge mythologique de l’objet contamine son possesseur». Ceci implique qu’il adhère au préalable à cette mythologie, que cette dernière a prise, par quelque biais que ce soit, sur la «victime». «Ce phénomène est exacerbé lorsqu’il s’agit de l’apparence [...] Cette définition limitée à l’apparence vestimentaire est indissociable d’une double incorporation: je suis les vêtements que je porte et l’articulation de ces codes vestimentaires est
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moi.»5 Encore une fois, cela implique comme présupposé l’adhérence de la personne à une telle démarche. Reprenons: l’homme s’habille, pour se protéger du froid, car son patrimoine génétique évoluant, l’animal qu’il est ne dispose plus de fourrure pour se protéger, il doit donc se fabriquer une seconde peau. Le terme même, s’il parait anecdotique, est fondamental: j’ai, à loisir, le droit de modifier ma peau, par subterfuge, cette dernière étant une chose que je n’ai pas choisi. L’homme à tendance à verser dans le totalitarisme (de loin) en voulant, en croyant tout contrôler, mais il ne contrôle pas sa propre fabrication en tant qu’individu/individualité (je ne peux pas agir sur ma vie, sur ma forme, sur mon image avant que celleci existe). Il s’agit sans doute là d’une profonde névrose humaine, or l’habit offre une alternative: le choix. Porter un jeans, un treillis, ou des cuissardes n’est à mon sens pas une contamination de l’objet vers l’individu, mais le choix d’un individu de s’assimiler, de présenter les flux idéologiques et esthétiques que suppose tel ou tel vêtement. Bien entendu, ce jeu de voilage/dévoilage n’est pas forcément très bien maîtrisé, et nombre sont dans le déni le plus total face à cette attitude. Il semble évident que, dans une situation socio-économique qui propose «le choix», s’habiller de telle ou de telle manière, c’est avant toute chose effectuer un choix sur à qui vais-je jouer aujourd’hui?, comme diraient les enfants « on dirait que je serais le médecin », soit de quelle peau vais-je me grimer? Aucun objet n’est dépourvu de charge mythologique depuis l’apparition du design, sans doute même avant que le terme ne soit verbalisé, chaque objet appelle une histoire, un courant, une idée, une mouvance, un parti... Chaque objet fait références. «Trouver ça beau», c’est déjà adhérer à toute la cohorte de référence que chaque objet implique: la croix gammée, à son origine symbole de vitalité hindouiste rappelons-le, est composée strictement des mêmes éléments géométriques et/ou colorimétriques que des milliards de symboles. Il n’empêche que la réponse de l’individu moyen face à «Comment trouvez-vous ce symbole», répondra «C’est laid» ou approchant. L’assimilation, l’excuse de la pulsion d’achat vestimentaire du «c’est beau» est un raccourcissement linguistique identique à tous les domaines qui impliquent des vecteurs de communications: «j’adhère à l’idée que cela véhicule» (avec le désir de devenir un acteur intrinsèque du mythe). La suite logique de l’acteur que je suis en enfilant une tenue de 5
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cuir ou une costume trois pièce est donc bien la transmission, et donc la réception du message par l’autre. Car, sauf à être névrosé de façon réellement pathologique, le «choix d’affichage» s’adresse forcément à l’autre. «Les codes vestimentaires affirment une identité», orchestrée, «une appartenance à un groupe, ou un goût propre. C’est à travers l’acquisition du bien, fétiche auquel on attribue diverses valeurs, qu’il est possible d’entrer dans un groupe social.»6J’ajouterais qu’il en est de même avec les stigmates visuels d’appartenance communautaire, la langue, enfin quelques composantes que ce soit qui marque une rupture plus ou moins visible avec la masse. « Ces informations plastiques ne font sens que lorsqu’elles résonnent avec certains archétypes ou certains fantasmes [...] C’est donc pour susciter le désir que l’objet se charge du mythologie »7 Il y a bien fétichisation volontaire de la part du créateur, de même qu’un designer crée un objet sexy. Il y a phénomène de personnification de l’objet, assimilation à la personne, à l’image ou l’imaginaire. Il s’agit dans tous les cas d’un acte délibéré. L’objet fétichisé n’est plus un simple outil, si tenté qu’aujourd’hui il reste de simples outils, il passe même outre le signifiant basique de langage unilatéral, il devient un vecteur de communication. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ces codes sont orchestrés, ce que souligne parfaitement Lucile Haute. Le cuir comme matière forte et élégante, la soie le raffinement, la plume la volupté etc... Encore faut-il parler la même langue, suivre ou s’opposer (ce qui revient tacitement au même) les mêmes codes, la même culture - chacun voit à travers ses yeux, sa culture, son éducation, dans un contexte donné. La société s’établissant comme un vaste terrain où une certaine norme, aux limites délibérément mouvantes, s’installe, et dans laquelle tout un chacun baigne. Chaque société, telle chaque individu, dispose de ses codes et ses non-codes (tous consciemment admis...), et donc une façon «logique», à plus ou moindre échelle on dira anticipable, de «revêtir» un mode d’appréhension. L’objet devient fétiche donc, à partir du moment où l’on sait qu’il transmet à l’autre un message qu’il peut potentiellement comprendre, et auquel on peut répondre.
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Comme des entomologistes qui épinglent les papillons par famille, depuis 13 ans, le collectif Exactitudes répertorie notre société par famille urbaine selon ses codes vestimentaires. 155
Fétichisme Economique « Le fétichisme économique est associé à l’étude de la parure comme signifiant social.» 8 « On fétichise une belle étoffe car elle est précieuse. Sa valeur est élevée. Le fétichisme mis en place ici est d’ordre économique. Pourtant, cette valeur de la matière première n’est pas naturelle. »9 En effet, on sait parfaitement que la « valeur » est une invention sociale qui met en relation chaque chose à chaque autre, à l’extrême dans nos sociétés. Comme l’explique parfaitement la doctorante, la valeur marchande n’est pas lié naturellement à sa rareté [je serais plus mitigée sur ce point là, je me risquerais plus à dire qu’elle n’est pas uniquement lié à sa rareté] mais [aussi] à la conséquence de cette rareté: le travail nécessaire à sa fabrication, et par extension, le classement social, valeur économique lui aussi, de celui qui achète sur celui qui fabrique. Cet objet cher, exempt de toute trace de naissance, comble, à mon sens, de la volonté de supériorité des hommes les uns sur les autres - aucune reconnaissance du/des créateurs, ignorance suprême de la part des acheteurs de façon complètement volontaire et assumée, syndrome de Dieu...- de part sa classe économique, est réservé. De même qu’un objet volontairement complexe pour lui-même, techniquement, sémantiquement, verbalement etc., sans raison réelle quant à sa valeur d’usage, est un objet élitiste. Le manteau de fourrure s’adresse à un classe sociale définie, qui est en mesure d’en appréhender pleinement les codes. Cependant, comme on l’a vu, il ne suffit pas de porter un manteau de fourrure pour faire parti de la classe sociale aisée, ni de porter une tenue bondage en cuir noir pour faire parti d’un groupe SM. Là est la subtilité de l’acteur arnaqueur: lorsque j’affiche une marque de préciosité, je donne l’illusion à ceux qui ne font pas parti de ce monde d’en être, et c’est dans la plupart des cas à eux que je m’adresse. Par contre, je ne fais pas parti d’un cercle (disons bourgeois pour trancher) pour autant, car celui-ci est hautement plus complexe en terme de code que l’apparat vestimentaire. Le comportement de l’homme,
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et tout particulièrement son comportement social, loin d’être uniquement déterminé par la raison et les traditions culturelles, doit encore se soumettre à toutes les lois prédominantes dans le comportement instinctif appelé phylogénèse.10 Encore une fois, on le constate, l’objet fétiche est vecteur de communication, mais la communication requiert forcément une origine et une destination, tout est affaire de rapport économique entre « l’éditeur » et le « receveur ». L’identité va s’appréhender selon ces codes, ce que Marx appelle le fétichisme de la marchandise: le rapport social des hommes entres eux se présente comme rapport des choses entre elles. Cependant, si l’on revient sur nos conclusions du fétiche mythologique, on retombe sur la même conclusion: les hommes se jugent, se jaugent grâce à ce vecteur, quelque soit sa nature. Qu’est-ce qu’une valeur marchande: une valeur d’importance, un classement. Or sans même parler du fait que le mythe est la plupart du temps souvent créée pour servir la valeur marchande d’un point de vu strictement économique, le mythe est tout bonnement une valeur d’importance: mon mythe est toujours pus beau, plus important que le tien, car il me concerne, et tous mes efforts vont tendre à te le prouver. Les corsets de Gauthier sont chers, sont beaux, représentent une classe sociale privilégiées et de surcroit veulent dire autre chose que ce qu’ils disent déjà... Cet exemple devient particulièrement concret lorsqu’il s’agit, comme c’est cas ici, d’étudier et de décortiquer des courants de mode caractéristiques, comme c’est le cas ici pour le BdSM. Il est dit que la mode actuelle générale (généraliste) emprunte ces codes à cette dernière, pour marquer sinon renforcer les enjeux de domination, en particulier économiques qui pèsent lourd à notre époque, particulièrement en temps de crise. Nécessairement, il faut rappeler que la mode BdSM est déjà une matérialisation des jeux de domination sociaux, et ceux-là quelqu’ils soient. L’aspect économique n’est qu’un argument de domination, comme il en existe par brassée. Le BdSM est alors une schématisation, une illustration de relations dominants/dominés mis en place depuis toujours, selon des codes qu’il s’est construit en accord avec la 10 Bouvier (Betty), Système conjugué de la plastique et de l’érotique Bellmerienne, Mémoire de maîtrise d’art plastique, sous la direction de Duborgel (Bruno) et la co-direction de Mourey (Jean-Pierre), Université Jean-Monnet, Saint-Etienne, 1999, p.229
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société. Comme le précise Lucile, le cuir souvent noir, aspect sombre et torturé ou torturant, est à la base le trophée du chasseur, doublé du travail du cuir, la domination ultime de l’homme sur la nature et sur lui-même: je revêts une peau qui n’est pas mienne, que j’ai conquise, que j’ai maitrisée, je revêts le monde.
Fétichisme Corporel « Le fétichisme charnel consiste, à son extrême, à considérer le vêtement où l’accessoire fétiche comme substitut au corps. »11, au lieu de ne tenir qu’un rôle de faire-valoir. En effet, « si le désir est lié au manque, faire manquer le corps, c’est le rendre désirable. »12 Toutefois Baudelaire écrivait-il « Distancier le corps, l’artificialiser, c’est s’éloigner de l’animalité pour atteindre la grâce ». On pourrait donc en déduire qu’il n’y a pas désir du corps au sens biologique, mais bien désir d’érotiser le corps. Désir qui s’oriente, se
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fixe sur un objet de transition, de flux : corps fétiche, symptomatisé par ses apparats. En effet, comme on ne cessera sans doute de le répéter dans l’avenir, le corps n’existe plus que comme symptôme. Il n’y a donc plus de manque en tant que tel, et c’est bien ce vide comme on le sait, la nature à horreur du vide - que vient combler le vêtement-fétiche/corps-objet. Le corps étouffé sous le costume de cuir tend à disparaître, il se substitue sous la combinaison. Je deviens le corset, il n’existe plus rien en dessous. Comme on vient de le signaler, le manque du corps ainsi créé attise le désir, sous sa forme globale, désir de l’autre et non plus du corps de l’autre, pour résumer désir du fétiche… Cercle vicieux en apparence, j’y reviendrais. Tant que l’absence du corps symptôme du corps subsiste, le fétiche est vecteur de désir. A l’inverse lorsque le symptôme ressurgit, le désir disparait. L’accessoire, le vêtement fétichisé, ainsi substitué au biologique sert à masquer le symptôme, éviter à tout prix de le faire surgir aux regards, voire l’éradiquer. Il acquiert ainsi la plus haute intensité d’analogie avec son terme originellement mysticoreligieux (animisme/idole/adoration aveugle…), puisqu’il sacralise, voire il déïse l’idée du corps, et non plus le corps lui-même. Dans une espèce de transfiguration moderne, l’homme accomplit son désir le plus profond : il devient Dieu ; cette théorie me semble d’autant plus probante dans nos sociétés actuelles où la spiritualité religieuse à largement perdu ces oyes. Lorsque le symptôme réapparait, le désir cesse, car le corps n’est plus, tout au plus il redevient cet objet nié, renié, qu’il faut à tout prix faire disparaitre. La société actuelle foisonne d’exemples comme la montée en puissance de l’anorexie ou obésité morbide, pathologies psychiques que je ne distingue pas volontairement, car elle s’articulent sur des schèmes identiques : la destruction du corps visible. Prenons l’anorexie : n’ayant pas trouvé de vecteur communicant, de fétiche social dans lequel transcender l’image publique de son corps, l’anorexique, privé de désir, d’ailleurs tout aussi bien envers soi-même qu’envers les autres, s’acharne à le faire disparaitre ; non pas pour mourir spirituellement mais pour justement être libre de cette barrière de chair qui contraint le mental. Si nous n’avions pas notre instinct animal de survie – qui tend dramatiquement et dangereusement à s’estomper depuis quelques temps déjà – et la certitude de l’immortalité de l’âme, il y a fort à parier que l’immense majorité de la population serait dans de telles situations. Il en va de même pour toutes les habitudes sociales d’exclusion volontaire qui gagnent de plus en plus de terrain. Ainsi, paradoxalement, l’objet concret fétiche, tel le vêtement qui devient corps, est peut-être le dernier bastion de la conservation du corps
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physique biologique, car il le présuppose nécessairement en tant qu’entité substituée. La question serait sans doute a développée plus en détail, ce que j’entend bien faire dans les années qui viennent !
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A partir de là, on peut s’interroger : la différenciation des trois formes de fétichisme soulevée est-elle réellement justifiée/ justifiable. Le principal aspect de cette analyse que je remettrais en cause est bien cette classification. Il me semble que la distinction, bel et bien existante, soit nettement plus perméable et «intra-imbriquée» qu’elle n’apparait pas l’exposé qui en est fait. Le fétichisme est un vecteur de communication, et ces différents aspects un choix opéré par l’homme en fonction de l’ « occasion », le plus souvent, un mélange de tous. Au final, on peut se demander si l’homme Dieu n’est pas tout simplement devenu un fétiche en soi, un fétiche qu’il cherche à imposer au reste de ses congénères.
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Les occurrences de la série couvrent tous les champs d’arts plastiques. La conférence La série en art et ses paradoxe met en évidence les paradoxes constitutifs de la notion de série : présence et absence, singularité et pluralité, identité et altérité, écart et similitude, accumulation et surgissement, hétérogénéité et homogénéité, continuité et discontinuité, errance et certitude, infinitif et définitif, perfectibilité et perfection ; et soulève aussi la question de savoir pourquoi la notion de série revêt tant d’évidence à nos yeux. Le propos de cette conférence est de montrer que la dualité du définitif et de l’infinitif ne se pense pas simplement en exclusion, mais que les occurrences de la notion de série nous mettent en demeure de la penser en relation telle que chacun des pôles est hanté et travaillé par l’autre. Pourquoi sommes-nous tant familier avec la notion de série ? Mme Catherine Kintzler évoque plusieurs causes. Le motif majeur serait l’opération esthétique. Elle se présente comme une proposition où le sensible est élevé par ses propres moyens à la dimension critique. Pour qu’il y ait esthétisation et que ce produise un effet poétique, il faut que l’élément prélevé de l’univers ordinaire et repris en relation avec d’autres soit réopacifié. La poésie est un exemple de réopacification du langage : Un danseur de Pina Bausch récite un texte d’une chanson connue, The man I love, avec le langage des signes. Puis il autonomise les gestes, l’attention se fixe sur leur matière, le texte disparaît, et cela devient un ballet. Les signes non seulement sont abstraits de l’expérience ordinaire, mais sont rendus à eux-même : on ne pense plus ce qu’ils disent, on les voit. C’est la réopacification. L’opération de réopacification, qui ramène le sensible à lui-même tout en l’élevant à une autre condition que son sens ordinaire, introduit une seconde itération. De plus, l’effet poétique une fois produit est tel qu’on a l’envie de le reproduire. Sous tous ses aspect, il se présente donc comme second. 165
Ainsi la notion de réitération semble inscrite dans la constitution même de l’expérience esthétique. On peut ensuite se tourner vers le motif historique. En effet, la série est devenu une expérience esthétique actuelle. Temporellement, depuis ce qu’on peut dater de l’art dit « moderne », ce dernier se distingue par l’apparition de séries picturales, et s’exhibent comme telles. On pensera notamment aux Cathédrales ou au Meules de Monet. Pour s’appuyer sur la théorie de Walter Benjamin dans l’Art à l’ère de
la reproductibilité technique, ce n’est pas dans la reproduction en tant que tel que réside la spontanéité de l’usage de la notion de série. Benjamin fait de la reproductibilité un concept qui traverse l’acte producteur jusque dans sa « microdimension », et qui, du coup, s’inscrit dans l’acte récepteur1. En opposant 1 Boissière (Anne), La reproductibilité technique chez Walter Benjamin, Revue DEMéter, décembre 2003, Université de Lille-3, disponible via www. univ-lille3.fr/revues/demeter/copie/boissiere.pdf
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deux paradigmes, le cinéma et la sculpture, il met en place une polarisation qui donne la mesure de ce bougé : par opposition à la sculpture, le film est structurellement affecté par le déni son achèvement. Achevé en fait, il ne l’ai jamais par principe. Composé par le montage, il est susceptible d’intercalage indéfinis. D’avantage : chaque image, en ellemême, est susceptible de révision. De sorte que le film exhibe le paradigme d’une perfectibilité de l’infini : sa technique scelle l’exaltation du brouillon perpétuel. Benjamin en conclut qu’il y a là un renoncement à toute valeur d’éternité. Il y donc opposition du définitif et de l’infinitif, et la prégnance de ce dernier comme phénomène historiquement lié à la modification technique. Logiquement, nous pouvons donc actuellement aisément relire toute expérience esthétique au l’aune de la série. Kintlzler expose ensuite l’exemple de la série Les femmes d’Alger de Picasso pour parcourir trois modalités de la série. Dans les années 40 à 50, Picasso effectue une série de croquis préparatoires d’après le tableaux du même nom de Delacroix. Il s’agit de la série de travail, en principe non destinée à l’exposition, qui conditionne et précède l’œuvre. Néanmoins, et c’est ce que fera Picasso, cette série de processus peut et va être exhibée, sous forme de collection. Enfin, l’œuvre définitive se présente elle-même comme série, cette fois déclarée.
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La Collection La série est, et demeure toujours un mode d’exposition et de regroupement d’objets qui sont, pour la plupart, sous le régime Banjaminien de la non-perfectibilité, de la présentation à la valeur « d’éternité », exemple, la collection muséale : un définitif préalablement donné est sorti de l’isolement. Il est reconsidéré dans une organisation qu’il enrichit, mais qui l’éclaire de même, réflexivement, par la mise en relation à d’autres objets à régime définitif. Le définitif est recollecté par une opération infinitive. Il s’agit là d’une sérialité classique : celle-ci apparaît principalement avec la pratique de la collection muséale, et intègre de surcroît l’idée d’une classe car elle promeut tout œuvre qu’elle intègre au rang de « classique ». Cependant, l’exposition pour être un art requiert qu’on aille au delà de la détermination priori qui organise ses particularités sous un universel donné (entassement dans une même salle des toiles du peintre X). B. Saint Girons parle de « suggérer une cohérence profonde ». Le geste exposant, pour produire l’effet sériel comme art, doit fonctionner sous le régime du jugement réfléchissant, qui construit le général au vu des particuliers : la considération des singularités induit l’idée qui rend possible leur rassemblement et qui guide la matérialité de ce qui n’est plus une juxtaposition. La classe ainsi formée est paradoxale : le rassemblement des objets se fonde sur leur singularité, et a pour effet de l’exalter plutôt que de l’enterrer. La singularité apparaît comme inouïe, elle la révèle. Chaque objet vaut alors par sa différence, laquelle, c’est bien connue, n’apparaît jamais mieux que par contraste. La série infinitive s’entérine donc dans ce schéma. L’art élargit le concept que nous avons de la nature, Kant. Kintlzer se propose de déformer et d’élargir cette théorie Kantienne en opposant le faussaire et le contrefacteur, pour mettre en valeur la notion d’infinitif de la collection. Le contrefacteur n’inscrit rien dans la série, il reste rivé à ce qui 168
est donné. Contrairement le faussaire artistique s’autorise un jugement réfléchissant : il invente un objet nouveau s’insérant dans la collection déjà pré-existante qu’il dévérouille et transforme en série. Le contrefacteur considère la nature comme définitive et complexe, le faussaire complète une nature qu’il suppose non saturée et dont il élargit le champs, grâce à ses espaces d’intercalage. C’est sur cette modalité de l’invention que repose la constitution en série de la collection exposée : elle parvient à faire de la technique un art dans la mesure où elle élargit la nature donnée d’un ensemble pour le constituer en nature supposée, élargie.
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La Série de Travail La série de travail s’appréhende comme telle par son mode de production, où le geste sériel est nécessaire. Ici la problématique de la copie, de la reprise, du remake s’impose comme celle d’une poursuite génératrice d’une suite. Pourquoi donc Delacroix et Cézanne copiant plusieurs fois Le débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille de Rubens, ou Picasso et Les femmes d’Alger pour reprendre notre précédent exemple, ne nous apparaissent ni comme contrefacteurs, ni comme faussaires? Leur « études » ne sont ni des reproductions ou contrefaçons, ni même des « nouveautés » s’inscrivant par jugement réfléchissant dans une série faite par un autre. On y perçoit bien leur propre mains s’exercer, se former. Tout se passe comme si l’acte de copie, dans sa réitération, ne regardait en arrière pour se mettre à la suite, mais en avant, à la poursuite d’un objet à construire. On passe alors d’une problématique « naturée » de la suite à une problématique « naturante » de la poursuite qui pose, avec celle de la copie, la question massive du statut de l’original. On a vu que le faussaire évite l’original mais le suppose comme un donné qu’il s’évertue à compléter. L’artiste lui invente l’originalité sans l’original. Le geste artistique, geste naturant, est une poursuite d’un original à restituer, d’où la conclusion de la thèse de Kintzler : il n’y a d’original que perdu ou plus exactement dans sa perdition. La série d’études, de croquis, de remake, de repentirs n’est pas une technique de présentation, mais la force productive même qui instruit la main, le regard etc.. à la puissance critique, de même que toute proposition vraie ne l’est que par repentir sur un passé d’erreur.
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Si le vrai se présentait naïvement sous la forme d’un original, il n’y aurait même pas de pensée : si rien ne pouvait être falsifié, rien ne pourrait être vrai.
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L ‘ Œuvre Finale La série devient l’objet même de l’œuvre, elle ne peut se penser autrement qu’à travers cette dernière. La thématique de la série moderne, à l’heure de production de masse grandissante, promeut en œuvre ce qui serait autrement relégué dans une sérialité de travail. Dans la sérialité déclarée, la perdition n’est pas seulement le prix propédeutique à payer pour l’accès au définitif, elle est au contraire elle-même coïncidente avec l’œuvre. Ce qui change bien sûr la notion même d’œuvre, pour lui enlever son « chef ». Un fort point commun des séries modernes et contemporaines est la profonde modification de la modalité de présence de l’objet par la déclaration sérielle, à tel point qu’on peut se demander si on a encore affaire à un objet. Cette présence passe paradoxalement par la présentation d’une absence. C’est l’objets des tableaux de Monet, qui ne présente non plus un « instant décisif », mais une fuite de chaque objet dans son rapport avec les autres. Ils donnent à voir autre chose et déplace l’intérêt vers ce qui n’est pas là, irrémédiablement. Dans des séries telles que Toutes les façons de fermer une caisse en carton ou Tout ce que je peux faire avec cinq franc, Claude Closky installe l’incomplétude là où la complétude est annoncée par le titre – la présentation des pièces est non seulement anecdotique, mais exagérément limitée, de sorte qu’il en manque tellement qu’une forme de vacuité s’installe par le geste sériel, y compris lorsque ce dernier s’annonce comme définitif.
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L’exemple est encore plus flagrant dans la sculpture contemporaine, à travers l’œuvre d’artistes tel que Giacommetti, et cela parce que la sculpture invite par sa nature même à la minéralisation du regard, lui présentant ordinairement un état solide et objectif, cette « valeur d’éternité » dont parle Benjamin justement. On regarde des Femmes debout non pas comme des polarisations, des cristallisations, ni même comme des fragments, mais comme des jalons d’une sculpture essentielle et asymptomatique qui les parcourt, qu’ils indiquent et qu’ils manquent tout à la fois. A la différence du fragment, qui indique une présence disparue et reconstituable, la série invite dans la sculpture la sculpture qui lui manque comme son essence. C’est aussi le cas des Nus de dos de Matisse dont chacun est introduit dans la série, à sa place, par le défaut de celui qui le précède.
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On a bien affaire ici, sous une forme plastique, à un paradoxe du temps : c’est précisément son échappement qui nous le rend sensible. C’est dans ce sens qu’on peut légitiment parler de « vanités modernes » : il ne semble pas qu’il existe aucune série de déclarations qui ne soit frappée par une quelconque façon de malmener le spectateur pour le transformer, par effet sériel, en scrutateur inquiet. Qu’il s’agisse des séries ironiques de Warhol, des séries ludiques de Closky, des séries pathétiques et religieuses de Jawlensky, des séries « stoïciennes » d’Opalka et d’On Kawara: toutes, y compris les séries initiales des impressionnistes qui d’une certaine façon ne débouchent sur rien, sur aucun objet, sinon sur la peinture elle-même (on le leur a assez reproché), ou celles, combinatoires, de Mondrian, sinon présentent du moins réfléchissent une figure homomorphe à l’expérience que nous avons du temps. A la différence des vanités classiques, ces vanités sérielles ne représentent pas la fuite du temps de manière symbolique ou métaphorique, elles ne réclament aucun déplacement de la chose représentée à une signification : elles sont homomorphes à la fuite du temps. L’oscillation du « encore » et du « déjà », de l’échéance (la mort) et du délai (tout ce que l’on peut faire d’ici là), n’est pas suggérée dans une juxtaposition spectaculaire d’objets chargés de sens : elle est présentée non pas dans le va-et-vient d’une coupe de fruits à un crâne, mais dans la coïncidence oxymorique du délai et de l’échéance. Ce n’est pas un art qui donne à penser, c’est de la pensée cristallisée dans la forme de ce qu’elle pense.
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andy warhol sĂŠrie Skulls 177
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Site Idixia Projet
Depuis des lustres, nous avons l’habitude de lire les textes dans des livres. Typiquement, le document livresque [je n’ai pas trouvé d’autre adjectif dérivant du mot «livre] a 200 ou 300 pages. Il est organisé en chapitres qui se suivent selon une certaine progression. Cette organisation est parfaitement adaptée à la forme de ce qu’on appelle le codex («manuscrit consistant en un assemblage de feuilles de parchemin»). Un codex est un ouvrage dont les pages peuvent être numérotées. Pour s’y retrouver, il suffit de regarder la table des matières ou de noter le numéro de la page. La question que nous posons est la suivante : Quelle forme prendrait un texte qui collerait d’aussi près à l’Internet que le texte linéaire colle à la forme du livre? Nous ne proposons pas une réponse théorique, mais une réponse pratique, qui repose sur une observation simple : l’unité de base de l’Internet n’est pas le livre, mais la page. Le texte qui tient dans une page n’est pas nécessairement plus court que celui qui tient dans un livre. Certaines pages de blog portent des textes aussi longs que des livres - sans parler des images et des vidéos. Lire sur l’Internet un texte qui ne se présente pas comme la copie d’une livre ou d’un article mais se laisse aller à sa forme naturelle, signifie : passer de page en page. Comment faire pour développer un raisonnement ou une logique sur le web? Il faut contraindre dans une certaine mesure le déplacement de page en page. Cette contrainte n’est pas nécessairement forte. Ce peut être une simple invitation au lecteur, par des signes ou des couleurs, à progresser d’une certaine façon dans sa lecture. La structure du site Idixa repose sur ces observations : 1. Sur chaque page est inscrite une proposition. 2. Des parcours ordonnés, dits aussi parcours de lecture, sont proposés à l’internaute, qui peut les suivre ou ne pas les suivre selon son bon vouloir (flèches de haut de page). 3. D’autres parcours moins ordonnés lui sont aussi proposés (flèches qui entourent la proposition, renvois). 4. Des liens hypertextes classiques permettent de passer d’un mot ou d’un syntagme situé sur une page à une autre page. 5. Il en résulte un cheminement original différent pour chaque lecteur. 6. Pour résumer la structure produte par ce mécanisme, on peut la comparer à l’organisation du cerveau : des parcours (neurones) se croisent en de multiples points (synapses). Ces croisements déterminent des zones spécialisées. 7. Des moteurs de recherche permettent de procéder à des sélections dans cette masse apparemment désordonnée. 8. Pour que leur pensée s’inscrive dans le site, les textes des auteurs ou sources doivent être découpés en propositions (analyse), et ensuite restitués en parcours contraints (les parcours de lecture). Ce processus ne conduit à aucune synthèse. 9. Dans certains cas, des mentions ou citations d’oeuvres singulières peuvent tenir sur une page. 10. Le lecteur peut procéder à des recherches sémantiques qui le reconduisent à des textes déjà publiés en livres, qu’il peut acquérir (Librairie-sémantique). 11. Idixa est une sous-partie de l’Internet et obéit aux mêmes règles que lui. 12. Tout cela entraîne un mouvement entre les textes qu’on peut rapprocher des concepts
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de déconstruction et dissémination développés par Jacques Derrida. 13. Les pensées ne s’opposent plus de système à système (logocentrisme). Elles se croisent, s’interposent, s’ajoutent les uns aux autres de manière imprévisible. 14. Cette expérimentation peut conduire à avancer des «métapropositions» (propositions dont l’objet est le site, mais qui néanmoins lui sont internes). 15. Le site Idixa sera accompagné et suivi par d’autres projets, qui dériveront des résultats obtenus. (tiré directement du site http://www.idixa.net)
Gorgo (Ozzi), L’écranophile, 2007, http://www.idixa.net/Pixa/pagixa0803161957.html Oester (Elias), A l’écart des appartenances, 2007, http://www.idixa.net/Pixa/ pagixa-0803311743.html
Psycho
Decourt (Pierre) http://www.psychiatriemed.com/pierre_decourt_double_fonction_ paradoxe.php#_ftn3 Maier (Corinne) http://www.litterature-poetique.com/pdf/maier_obsc.pdf
Animation
http://www.onf.ca/animation/objanim/fr/index.php Cronenberg (David) par titre : Shivers/Frissons /The Parasite Murders/They Came From Within (1975) Durée : 87mn, Format : 35mm couleur. Réalisation et scénario : David CRONENBERG ; Photographie : Robert SAAD ; Son : Michael HIGGS ; Montage : Patrick DODD ; Musique : Ivan REITMAN The Brood/Chromosome 3/La clinique de la terreur (1979) Durée : 91mn, Format : 35mm couleur. Réalisation et scénario : David CRONENBERG ; Décors : Carol SPIER ; Photographie : Mark IRWIN ; Son : Bryan DAY ; Montage : Alan COLLINS ; Musique : Howard SHORE ; Maquette spéciale : Jack YOUNG ; Effets spéciaux : Allan KOTTER.
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Scanners (1980) Durée : 103mn, Format : 35mm couleur. Réalisation et scénario : David CRONENBERG ; Décors : Carol SPIER ; Photographie : Mark IRWIN ; Son : Don COHEN ; Montage : Ronald SANDERS ; Musique : Howard SHORE ; Effets spéciaux : Gary ZELLER, Dennis PIKE. Videodrome (1982) Durée : 87mn, Format : 35mm couleur. Réalisation et scénario : David CRONENBERG ; Décors : Carol SPIER ; Photographie : Mark IRWIN ; Son : Bryan DAY ; Montage : Ronald SANDERS ; Musique : Howard SHORE ; Maquette spéciale : Rick BAKER ; Effets spéciaux vidéo : Michael LENNICK. The Dead Zone (1983) Durée : 103mn, Format : 35mm couleur. Réalisation : David CRONENBERG ; Scénario : Jeffrey BOAM, d’après le roman de Stephen KING ; Superviseur artistique :Carol SPIER ; Chef décoratrice : Barbara DUNPHY ; Photographie : Mark IRWIN ; Son : Bryan DAY ; Montage : Ronald SANDERS ; Musique : Michael KAMEN ; Costumes : Olga DIMITROV ; Effets vidéos et électroniques : Michael LENNICK ; Coordination effets spéciaux : Jon G.BELYEU. Dead Ringers/Faux-Semblants/Alter Ego (1988) Durée : 115mn, Format : 35mm couleur. Réalisation : David CRONENBERG ; Scénario : David CRONENBERG, Norman SNIDER, d’après le roman de Bari WOOD et Jack GEASLAND ; Décors : Carol SPIER ; Photographie : Peter SUSCHITZKY ; Son : Bryan DAY ; Montage : Ronald SANDERS ; Musique : Howard SHORE ; Costumes : Denise CRONENBERG ; Superviseur vidéo : David WOODS ; Super-effets optiques : Lee WILSON. eXistenZ (1999) Durée : 96mn, Format : 35mm couleur. Réalisation et scénario : David CRONENBERG ; Décors : Carol SPIER ; Photographie : Peter SUSCHITZKY ; Son : Bryan DAY ; Montage : Ronald SANDERS ; Musique : Howard SHORE ; Costumes : Denise CRONENBERG ; Superviseur des effets spéciaux et visuels : Jim ISAAC. Földes (Peter), La faim, 1973, 11min22 McLaren (Norman) Blinkity blank, 1955 Svankmajer (Jan) Possibilité de dialogue, 1982, 11min 30
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Food, 1992, 17min Alice, 1988, 1h24 d’après Lewis Carroll Otesanek (Little Otik), 1999, 2h Cunningham (Chris) Flex court film réalisé en 2000 – 2 min 21 sur une musique d’Aphex Twin «An abstract, anatomical film». Deux corps flottant, qui se battent, qui s’ébattent...des muscles, de la chair, la peau... Rubber Johnny court film réalisé en 2005 – 6 min sur une musique d’Aphex Twin Dans une obscurité oppressante, il met en scène les transformations cauchemardesques d’un enfant mutant et hyperactif enfermé dans une cave, et animé par son imagination morbide...
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Arte Povera 26 Assemblagisme 25 Body Art 27, 28 Fluxus, 30 Installations 24, 25, 26, 27, 30 Pop Art 25 Land Art 23, 30 Numérique/Nouvelles technologies [voir «Numérique»], 75/84, 96/100 Ready-Made 22, 30 Support/Surface 30
Bellmer 69, 70, 102 Ben 28 Christo 23 Closky 173, 176 Delacroix 42, 67, 166, 170 Dezeuze 97 Dietman 31 Duchamp 22, 25, 30, 75 Géricault 126 Gilbert et Georges 28 Gilli 30 Ingres 42 Kienholtz 25 Matisse 175 Merz 26 Bret 81 Monet 44, 167, 173 Muehl 28 Oppenheim 24, 28 197
Paik 30, 75, 96 Pane 28, 29 Penone 27 Picasso 68, 167, 170 Pontorno 40 Poussin 37, 42 Rainer 30 Rauschenberg 25 Raynaud 31 Rubens 42, 45, 170 Starck 150 Vinci 158 Viola 75 Vostell 25 Warhol 176, 177 Zorio 27 Zuccaro 35, 36, 37
crayon 5, 10, 32, 37, 41, 44, 45, 46, 50, 95, 101, 102, 109, 141 dessein 21, 36, 37, 39, 41, 44, 45, 68 dessin 5, 7, 8, 11, 12, 13, 16, 19, 21, 27, 32, 33, 34, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 50, 61, 66, 67, 68, 73, 89, 101, 102, 103, 104, 109, 115, 125, 126, 133, 134, 139, 140 dessiner 33, 37, 45, 101, 102, 133, 141 dessin traditionnel 11, 12 disegno 33, 34, 35, 36, 37, 39, 42, 44, 45 esquisse 40, 41, 141 feuille 32, 95, 101, 104, 109, 141 ligne 26, 33, 46, 50, 61, 67, 68, 69, 70, 73, 74, 80, 84, 102, 103, 104, 115, 127 point 5, 8, 32, 40, 46, 50, 61, 68, 74, 78, 79, 109, 141 support 7, 22, 23, 24, 27, 30, 32, 44, 80, 125, 140 trace 24, 30, 31, 45, 61, 63, 73, 74, 78, 91, 101 trait 13, 17, 24, 36, 40, 46, 50, 61, 66, 67, 69, 101, 102, 104, 126, 127 198
caresse 32 charnel 12, 32, 50, 70, 109, 125 corps 5, 13, 27, 28, 32, 33, 65, 69, 70, 89, 91, 182, 96, 98, 99, 103, 104, 126, 127 déception désir 10, 46, 50, 65, 69, 70, 133, 134, 139 double 5, 33, 36, 67, 69, 134 enfant 101, 139 expérience 12, 15, 16, 21, 32, 61, 63, 75, 80, 84, 91, 101, 142 fin 21, 26, 32, 63, 100, 133, 139, 140, 142, 143 impressions 12, 16 journal 8, 16, 17 mémoire 5, 7, 8, 10, 15, 37, 63, 89, 140, 141 mort 89, 91, 98, 139 perfection 26, 109 peau 32 plaisir 50, 101, 109, 133 production 6, 7, 9, 10, 12, 15, 21, 41, 66, 74, 75, 77, 83, 84, 89, 95, 125, 140 rentabilité 103, 109 série 5, 7, 8, 15, 22, 31, 73, 77, 80, 100, 101, 109, 125, 126, 134, 139, 140, 142, 143 sclérose 13, 73 souffrance 28, 104
3D 7, 12, 125 acteur 27, 28, 89 animation 7, 11, 12, 13, 21, 61, 66, 73, 89, 91, 125, 133 art numérique 44, 74, 75, 78, 79, 81, 82, 84 blanc 22, 46 court métrage 61 199
durée 30 écran 46, 61, 65, 95, 96, 98, 99, 100, 101 environnements 25, 26, 77, 81, 133 espace 22, 24, 25, 27, 32, 91, 99 film 7, 61, 65, 100, 140, 142 informatique 7, 73, 79, 83, 98, 99 mouvement 42, 61, 63, 66, 67, 73, 89, 96, 98, 125 numérique 12, 21, 32, 44, 46, 50, 74, 75, 77, 78, 79, 81, 82, 83, 84, 95, 98, 100, 109 objet 21, 30, 31, 32, 34, 65, 68, 74, 95, 96, 127, 134, 142, 143 ordinateur, outil informatique 7, 75, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 96, 98, 133 vidéo 11, 15, 30, 46, 61, 65, 66, 75, 77, 78, 104, 133, 141
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