Culture
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vendredi 29 mai 2015
L’écrivain Dany Laferrière reçu sous la Coupole Le festival Impatience, pour les assoiffés de théâtre
Le Musée Kröller-Müller rend hommage à Van Gogh ddCe musée néerlandais d’art moderne et contemporain insiste sur le rôle charnière du peintre mort il y a 125 ans. ddL’exposition souligne aussi l’extraordinaire évolution de la manière de Van Gogh.
Rik Klein Gotink/KM Museum
Dès l’entrée dans l’exposition « Van Gogh & Co. À travers la collection » (1), le visiteur est saisi par l’importance et la qualité des œuvres présentées. Rien d’étonnant, pourtant. Le Musée Kröller-Müller a puisé dans son imposante collection pour souligner le rôle charnière du peintre. Il possède en effet l’une des plus imposantes collections d’art moderne au monde, et pas moins de 88 toiles et 182 dessins de Van Gogh. Hormis le Musée Van Gogh d’Amsterdam, aucun autre n’en a autant. L’exposition est organisée autour de quatre thèmes : la figure humaine, le paysage, le paysage urbain, les natures mortes. Pour illustrer chacun, des œuvres très célèbres du peintre – ainsi, pour le premier, notamment les Mangeurs de pomme de terre et un autoportrait – et d’autres moins connues. Les accompagnent des œuvres d’artistes qui ont pu influencer Van Gogh et d’artistes postérieurs qu’il a marqués à son tour. Ainsi, au paysan dessiné par Millet répondent le semeur gris et bleu de Van Gogh et la variation colorée du Néerlandais Bart Van der Leck qui a restitué, en 1921, le geste du semeur par de petits aplats géométriques sur fond blanc. En regard sont présentés des extraits de lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo évoquant le travail des Millet, Seurat et autres. Centrée sur le va-et-vient entre les œuvres de Van Gogh et des autres artistes, l’exposition souligne aussi l’extraordinaire évolution de la manière du peintre, qui, au cours de la seule année 1886, passe d’une Butte Montmartre de facture assez classique à sa fameuse Nuit étoilée tout en mouvement, lumière et couleurs vives. Cette exposition a pu être réalisée
Rik Klein Gotink/KM Museum
Otterlo (Pays-Bas) De notre envoyée spéciale
L’exposition confronte les œuvres de Van Gogh (à gauche, Nature morte avec des fleurs des champs et des roses de 1886) à celles d’artistes qui ont pu l’inspirer (à droite, Roses sur fond sombre de Fantin-Latour, 1880). sans emprunt extérieur parce que Van Gogh était le peintre fétiche de la fondatrice du musée, Helene Kröller-Müller.
Van Gogh était le peintre fétiche de la fondatrice du musée, Helene Kröller-Müller. Rien, ni sa famille d’origine, aisée sans être riche, ni son éducation ne prédestinait pourtant cette Allemande à devenir une collectionneuse exceptionnelle. Lorsque son père meurt, en 1889, Anton Kröller, le fondé de pouvoir qu’elle a épousé un an plus tôt, fera prospérer l’affaire familiale en produits miniers et sidérurgiques : quinze ans plus tard,
les Kröller-Müller sont parmi les plus riches des Pays-Bas. Cela ne suffit pas à l’énergique Helene. Après qu’elle découvre l’art en accompagnant sa fille, Helene junior, aux cours de l’historien et critique Bremmer, elle se voue totalement à cette passion qui va vraiment donner un sens à sa vie. À partir de 1908, elle constitue une collection qui fait la part belle à Van Gogh mais inclut aussi des Cézanne, Odilon Redon, Picasso, Braque, Gris, Mondriaan, Van der Leck, etc. Anton gagnant beaucoup d’argent, les achats se font à vive allure, selon le goût personnel de Helene qui, très vite, rêve d’un lieu d’exposition. Un premier projet capote. Le second, confié à l’architecte Henry Van de Velde, dans la région du Veluwe où les Kröller-Müller ont des terres et une résidence secondaire, n’aboutit
pas non plus. Car à partir de 1922, l’entreprise familiale connaît des revers de fortune. Lorsque les affaires reprennent, après 1927, les Kröller-Müller créent une fondation qui achète le domaine dans le Veluwe tandis que la collection est cédée à l’État, à charge pour lui de construire le musée. Le premier bâtiment du musée, de nouveau confié à Van de Velde, est inauguré en 1938 : le cheminement, à travers ce bâtiment pas très réussi, conduit quasi automatiquement vers la grande salle consacrée à Van Gogh. Helene est directrice. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Kröller-Müller meurent. Le nouveau directeur, Sam Deventer, ferme le musée et met la collection en sécurité dans un abri souterrain spécial, mais poursuit les acquisitions. Après la guerre, il sera relevé
Mer du Nord
L’alliance de la culture et de la nature
PAYS-BAS Amsterdam
Otterlo
La Haye Rotterdam
Belgique Maastricht
Idé
50 km
Allemagne
Symbole de l’alliance entre la culture et la nature, le musée se trouve au milieu des terres et bois achetés par Anton Kröller. Devenu le parc national De Hoge Veluwe, l’un des plus grands des Pays-Bas (environ 5 000 hectares), entièrement clôturé, ce domaine abrite des paysages exceptionnels – notamment des étendues sablonneuses modelées par les vents et couvertes de pins clairsemés – et des
espèces protégées (cerfs, mouflons corses, etc.) en liberté. Mille huit cents vélos blancs sont mis gratuitement à la disposition des visiteurs près des trois points d’entrée. Les 40 kilomètres de pistes cyclables, en boucle, ramènent aux entrées ou au pavillon Saint-Hubert, résidence secondaire des Kröller-Müller construite dans un étonnant mélange d’art nouveau, version Jugendstil, et d’art déco.
de ses fonctions en raison de sa « non-opposition à l’immixtion allemande ». Très vite, Bram Hammacher, le nouveau directeur, réaménagera le musée dans un goût plus sobre, achètera de nouvelles œuvres et travaillera à un agrandissement, effectif en 1953. Il entoure aussi le musée d’un parc de sculptures de 25 hectares où, aujourd’hui, les Rodin, Oldenburg, Dubuffet, Christo et autres dialoguent avec les arbres et la nature. Dans les années 1970, une nouvelle extension du musée permet de présenter les collections permanentes en commençant par les acquisitions les plus récentes pour revenir vers le passé, jusqu’à la grande salle circulaire consacrée à Van Gogh. À la fin du XXe siècle, le musée s’est ouvert à des œuvres expressionnistes, minimalistes et à de l’art conceptuel. L’acquisition de la collection Visser (400 pièces) y a contribué. Dans la foulée, le musée s’est employé à conforter l’alliance étroite entre l’art et la nature rêvée par Helene Kröller-Müller. PAULA BOYER
(1) Jusqu’au 27 septembre. Du mardi au dimanche et les jours fériés de 10 heures à 17 heures. Entrée : de 8,80 € à 17,60 € Houtkampweg 6, NL 6731 AW Otterlo. Tél. : 31 (0) 318 591241. Site : www.krollermuller.nl