Le Monde

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L’écrivain de Maïdan Andreï Kourkov raconte, dans son dernier livre, les affrontements à Kiev, fin 2013début 2014. Rencontre avec l’auteur dans sa datcha, en Ukraine. PA G E 3

Folle des Bleus Après s’être longtemps désintéressée de son équipe de football, la France s’est enflammée, en 1998, pour ses joueurs. Analyse d’une relation passionnelle. PA G E 6

Digne des Lumières L’historien de la littérature Jean Starobinski évoque les moments forts de sa vie et ses écrivains préférés. Il prépare, à 93 ans, un essai sur La Rochefoucauld. PAG E S 4 - 5

Détail de « La Joconde » (vers 1503, 77 cm × 53 cm), de Léonard de Vinci. AKG-IMAGES

Des trésors cloués aux murs cécile lestienne

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oint d’orgue d’une tournée triomphale qui l’a menée du Japon aux Etats-Unis pour finir en Italie, La Jeune Fille à la perle rentre chez elle, au Cabinet royal de peintures Mauritshuis de La Haye (Pays-Bas). Pour toujours. Le musée, qui rouvre ses portes le 27 juin après deux ans de travaux, ne laissera plus sortir ce chef-d’œuvre de Vermeer : officiellement, la « Joconde du Nord » est définitivement assignée à résidence, de façon à satisfaire les nombreux visiteurs du Mauritshuis qui n’y viennent que pour elle. Pour admirer ce portrait dont la notoriété n’a fait qu’augmenter depuis la sortie du livre de Tracy Chevalier (en 2000, aux EtatsUnis), puis celle du film de Peter Webber avec Scarlett Johansson (2003), l’amateur n’aura d’autre solution que de se rendre au petit palais de la capitale néerlandaise. La Jeune Fille à la perle intègre donc le cercle des chefs-d’œuvre qui, par raison ou nécessité, ne bougent jamais de leur écrin. Interdits de voyages, ils ne se laissent voir qu’in situ. Ainsi, La Naissance de Vénus, de Botticelli, ne quitte jamais les Offices de Florence, Les Ménines, de Vélasquez ne sort pas du Prado, et Guernica, de Picasso, reste au Musée Reina Sofia, à Madrid. Du même Picasso, Les Demoiselles d’Avignon sont ancrées au MoMA de New York. Autres sédentaires, La Joie de vivre, de Matisse, Le Facteur Roulin, de Van Gogh, et Les Joueurs de cartes, de Cézanne, ne sauraient être décrochés des cimaises de la Fondation Barnes de Philadelphie. Impossible pour le retable d’Issenheim de s’éloigner du Musée Unterlinden de Colmar, tout

comme l’original de La Petite Danseuse de 14 ans, de Degas, ne peut s’évader de la National Gallery of Art de Washington. Sans oublier La Joconde, bien sûr, résolument fixée au Louvre, dans son caisson blindé. Pourquoi ces œuvres renommées sont-elles si casanières ? Sans surprise, la première contrainte est l’état de santé d’entre elles. Vieilles dames sensibles aux variations climatiques, beaucoup d’œuvres peintes sur bois – comme La Joconde – ne supportent pas le voyage. Ni, en général, les œuvres en cire. A l’instar de l’original (1881) de la célébrissime Petite Danseuse, de Degas – les versions que l’on voit au Musée d’Orsay, au Metropolitan Museum of Art de New York ou dans diverses expositions étant toutes des tirages en bronze fondus en 1922, cinq ans après la mort de l’artiste. Dotée d’un bustier en soie, d’un tutu en mousseline, de vraies ballerines et d’une authentique perruque de cheveux blond foncé, la sculpture initiale est particulièrement fragile. « Nous ne pouvons même pas imaginer une situation où nous pourrions la prêter », assure Deborah Ziska, directrice de la communication de la National Gallery de Washington. Fragiles aussi, beaucoup de peintures du XIXe siècle. « Elles ont été victimes des premiers bidouillages des artistes, tentés par de nouveaux matériaux qui ont mal vieilli », explique Sébastien Allard, directeur du département des Peintures du Musée du Louvre. Exemple : Le Radeau de La Méduse (1818-1819), pour lequel Géricault a utilisé comme apprêt du bitume de Judée. Une substance si lente à sécher qu’elle provoque au fil du temps de nombreuses craquelures en surface. lire la suite page 2

Cahier du « Monde » No 21587 daté Samedi 14 juin 2014 - Ne peut être vendu séparément

53 AVENUE MONTAIGNE PARIS

Après un tour du monde, la célébrissime « Jeune Fille à la perle », de Vermeer, rentre chez elle à La Haye et n’en bougera plus. Elle rejoint le club fermé des chefs-d’œuvre inamovibles


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