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GRIGOR ZOHRAB

La Collection Écrits d’Arménie a pour ambition de promouvoir sur le marché européen des auteurs arméniens qui jetèrent et jettent encore un regard personnel sur le monde et surl’histoire de leur nation, depuis le XIXème siècle jusqu’à nos jours.

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Grigor Zohrab, célèbre écrivain, publiciste, juriste, homme politique et bienfaiteur arménien est né en 1861 à Constantinople. Les recueils du meilleur nouvelliste arménien sont «Les voix du remords » (1909), « La vie comme elle est » (1911), « Des douleurs silencieuses » (1911). Zohrab a mené des négociations au sujet de la Question arménienne avec les ambassades de grandes puissances. Il a été arrêté en 1915 et sauvagement assassiné avec le député Vartkès aux environs d’Ourfa.

TEFARIK

actual art ISBN 978-9939-816-17-3

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ce texte paraît pour la première fois en traduction française


GRIGOR ZOHRAB

TEFARIK traduction par

mireille besnilian

ACTUAL ART/2011


GRIGOR ZOHRAB

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E

lle arriva chez nous d’Arslan Beg, village perdu dans les montagnes des environs d’Izmit. Vêtue d’un shal-

var de paysanne, les cheveux ramassés sous un foulard *

noir dont pas une seule mèche ne s’échappait, elle était

fermement décidée à ne pas paraître à son avantage.

La blancheur maladive comme anémique de son visage

prenait, dans ses vêtements noirs qui la couvraient de la tête aux pieds, l’aspect froid et glacial de la neige.

Dans ce renoncement aux soins vestimentaires et aux

convenances mondaines qu’elle offrait comme sacrifice à la mémoire de son mari récemment décédé, cette jeune

femme trouvait une consolation et un certain plaisir ; elle

créait ainsi un lien entre elle-même et l’autre monde, avec quelqu’un qui demeurait de l’autre côté du tombeau, avec

un mari invisible et absent, espérant vaguement lui être

encore agréable et se soumettre à sa jalouse volonté.

Son apparence volontairement disgracieuse était une

sorte de coquetterie envers ce mari qui la regardait en cachette, comme pour lui signifier:

-C’est pour toi seul que je désire être belle et pour personne d’autre !

A la maison, c’était une femme concentrée sur ses tâches domestiques, peu bavarde, nous répondant par monosyllabes et seulement si c’était nécessaire.

Elle ne riait pas ni ne souriait. Le soir, aussitôt après le

dîner, elle se retirait dans sa petite chambre aussi nue et austère qu’une cellule de moine et elle s’asseyait pendant des heures et des heures à tricoter interminable-

ment des paires de chaussettes pour l’enfant qu’elle avait laissé au village.

*Shalvar : en turc, pantalon bouffant resserré aux chevilles, surtout porté dans les campagnes.

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Elle s’activait du matin au soir, avec son travail comme seul objectif, se déplaçant avec aisance parmi les plis de

son shalvar, balayant, lavant, essuyant, comme si c’était la vocation de sa vie, attentive et minutieuse au point de

ne laisser ni un fil sur un fauteuil ni une poussière sur un

miroir.

Malgré tous ses efforts, jamais elle ne parvint à mettre

de l’ordre dans ma chambre. Elle la rangeait dix fois par

jour et dix fois par jour ses travaux ménagers étaient à

recommencer. Je jetais ici mes vêtements, là mon linge ; mes livres trainaient sur un canapé ou par terre, dans un

coin ; pour la centième fois, elle remettait tout à sa place, pour retrouver, une heure plus tard, le même désordre

qu’auparavant. C’était comme une course de vitesse entre ses soins inépuisables et mon désordre. Elle ne se plaignait jamais ni de la vaine répétition de son travail ni

de la gêne que je lui causais. Non, elle ne se plaignait pas. Au contraire, elle persévérait davantage, me faisant

honte avec sa patience et enveloppant dans une indul-

gence sans limites ma cruauté de fils prodigue.

Je sentais qu’avec cette jeune domestique, il serait in-

convenant de plaisanter ; je respectais son activité silen-

cieuse et son deuil sincère ; chaque fois que je devais lui

donner un ordre, je lui parlais, comme un frère, avec douceur, presque avec tendresse. -Chère petite Mariam.

Nous l’appelions Mariam. Ma mère n’acceptait pas d’au-

tre prénom pour ses domestiques. Son vrai nom était

Ashghen et ce second baptême auquel on la soumettait

dès ses premiers pas, au tout début de son service dans une maison étrangère, elle le ressentait comme la néga-

tion de son passé, de son existence, de sa personnalité. GRIGOR ZOHRAB

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On ne respectait même pas son prénom ; des étrangers

insensibles la chassaient négligemment de son être pro-

pre ; on lui proposait de nouvelles façons de s’habiller, on lui ordonnait d’abandonner tout ce qu’elle avait em-

porté avec elle de son village, à commencer par son prénom jusqu’à ses chaussures.

Elle ne supportait pas cette humiliation. Ce prénom dénigré par les Bolsestsi * avait plu aux oreilles des garçons

d’Arslan Beg ; ses manières, ses vêtements, son shalvar lui avaient valu jusqu’à maintenant la réputation d’être la

femme la plus gracieuse du village. Et voilà qu’aujourd’hui, elle devait fouler aux pieds un à un tous les suc-

cès obtenus par son élégance et reconnaître qu’ils

étaient ridicules !

Je l’appelai parfois par son prénom, Ashghen ; alors elle

courait à l’appel de ma voix, laissant là son travail, trou-

vant en moi, parmi tous les membres de la maison,

quelqu’un qui comprenait ses états d’âme, flattée que son

prénom puisse avoir des résonances douces et agréables pour un garçon de Bolis*.

Nous avions aussi commencé à bavarder ensemble. Je voulais avoir des informations sur son mari mort à Arslan Beg et sur l’enfant qu’elle avait laissé au village.

Elle répondait doucement, m’ouvrant son cœur, un cœur blessé, humilié qui ne voulait pas être consolé, peut-être

parce que cette blessure était quelque chose qu’elle pouvait

supporter, qui était devenue une habitude, un besoin dont elle aurait eu du mal à se débarrasser comme celui qui, accoutumé à la cigarette, veut un jour s’arrêter de fumer.

*Bolsestsi sont les habitants de Bolis. Bolis est le nom donné par les Arméniens à Istanbul. Abréviation de Constantinopolis, « polis », la ville. T E FA R I K

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Elle apportait maintenant encore plus de soin à l’entretien de ma chambre et elle composait des guirlandes

rouges et blanches avec les roses qui grimpaient le long

de mes fenêtres donnant sur le jardin.

Les jours où je m’absentais, elle venait dans ma chambre

après son travail pour y tricoter, toute seule, ses sempiternelles séries de chaussettes, dans l’odeur intense et

suffocante des roses.

Elle me donnait des conseils d’amie, des conseils de ser-

vante obéissante et sincère sur mon habitude à laisser

traîner mes papiers sur le sol.

-Tu te fais du mal, mon efendi *, tu vas t’user la vue !

Seulement la vue ? Si elle savait tout ce que mon cœur n’avait pas osé confier à ces morceaux de papier froissés

et poussiéreux ! Si elle savait que l’adolescence dans

toute son innocence, la jeunesse avec toute sa foi s’y étaient déversées et qu’ en dehors de cela, il ne restait tout simplement qu’un garçon, un morceau de métal en

fusion qui avait perdu toute la diversité de son état origi-

nel pour se transformer en un être brut, d’un seul tenant

et inflexible. Si elle savait P Mais ce que cette domestique pouvait savoir se résumait à ceci : Certaines nuits

où je rentrais tard, à l’heure où toute la maisonnée se reposait, je me mettais à travailler, penché sur une page

blanche, une feuille de papier pure et vierge comme mon cœur, qui se tachait, se noircissait peu à peu, se décorait, comme si le noir devenait son ornement.

Le lendemain matin, s’apitoyant sur mon sort, elle marchait sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit à

côté de moi prenant soin de garder les rideaux de ma *Efendi : en turc, maître ; aussi titre de respect « Monsieur »

GRIGOR ZOHRAB

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chambre bien fermés afin de m’envelopper dans une nuit artificielle qui me ferait dormir un peu plus longtemps.

A mon réveil, à la vue de mes yeux gonflés, son regard

plein de reproche s’adoucissait, elle se précipitait vers la

cuisine pour me préparer mon petit déjeuner, espérant

ainsi compenser la privation de sommeil.

Parfois, elle demandait même à ma mère d’intervenir

pour m’obliger à mettre de l’ordre et à veiller à ma santé.

- Mon hanim*, dis-lui qu’il cesse de passer ses nuits à

écrire, il va se ruiner la santé !

- Et toi alors qui tricotes tes chaussettes, lui répondaisje en plaisantant.

- Moi, je travaille pour mon enfant, ce n’est pas pour mon plaisir.

Et aussitôt, au souvenir de l’enfant qui était à Arslan Beg, sa voix changeait, son visage devenait encore plus triste

que d’habitude et à la manière d’un panorama, toutes ses

amertumes passées et son deuil revenaient défiler les uns après les autres comme les grains d’un chapelet :

son mariage qui avait à peine duré deux ans, la maladie

de son mari, l’épuisement de ses ressources dans les frais médicaux, l’enfant resté au village et finalement son

arrivée chez des étrangers, comme elle le disait elle-

même. Tout cela se reflétait dans son regard mélanco-

lique, se lisait sur son visage transparent, s’exprimait sur

sa peau, successivement, tout un cortège de chagrins et de souffrances. Alors elle s’arrêtait de parler.

Ensuite c’était mon tour de lui faire des remarques :

-Ashghen, quitte donc ce shalvar !

Elle rougissait de honte. A ses yeux timides, une robe ré*Hanim : en turc, titre de respect qui suit le prénom d’une femme, « Mademoiselle » ou « Madame »

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vélant des formes avait quelque chose de presqu’indé-

cent.

-J’aurais honte.

Je sentais que sa résistance faiblissait et que sa résolution de ne pas se mettre en valeur perdait de son intensité. Elle avait tenu bon à peine une semaine, puis avec

son accent traînant de paysanne inflexible, les mots « j’aurai honte » devenaient inaudibles.

La robe entraina un changement radical et lui alla bien.

D’abord la jeune femme apparut comme quelqu’un qui a perdu tous ses repères ; la taille était trop serrée et la

jupe trop large. Les premiers temps, elle ne put faire un pas ; elle se concentrait particulièrement dans sa façon de marcher pour ne pas être ridicule. Comme le corsage

mettait en évidence les détails gracieux de sa poitrine, elle imaginait que tout le monde avait les yeux fixés sur son buste.

Nous fûmes tous ébahis devant la révélation de sa

beauté. Elle rougissait en entendant les compliments

qu’on lui faisait et inclinait doucement la tête sur son épaule.

Puis peu à peu elle se mit à faire des efforts pour paraître plus élégante ; ce fut comme si son cœur se réveillait ;

elle aussi, elle savait être belle, s’occuper de sa toilette

comme les hanims de Bolis ; avec sa candeur de pay-

sanne et ses petits moyens de domestique, elle s’était fait maintenant une garde-robe pleine de coquetterie. Elle était toujours vêtue et coiffée proprement à toute heure

de la journée, un foulard bleu foncé porté en arrière, re-

tenu par un joli petit nœud et qui menaçait à tout instant

de glisser sur ses épaules, libérant ainsi le flot abondant GRIGOR ZOHRAB

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de sa chevelure et découvrant, intentionnellement ou

non, une partie des cheveux qui lui tombaient sur le front

jusqu’aux yeux et en même temps, à la racine du cou, un duvet fin comme du velours qui laissait entrevoir la blan-

cheur laiteuse de sa peau, pareil aux alignements de

jeunes pousses tendres et douces dans une prairie.

Elle se parfumait aussi avec des senteurs inconnues et

tout à fait différentes de celles auxquelles nous étions ha-

bitués, que l’on percevait à peine et qui semblaient être

l’odeur naturelle de son corps. Ces parfums rustiques avaient quelque chose de plus mystérieux et de plus sen-

suel que ceux des dames de la ville.

Ce déploiement de soins corporels et ces tentatives de

séduction m’étaient entièrement destinés. Les anciennes blessures de son cœur paraissaient maintenant cicatri-

sées dans cette âme toute emplie de moi.

Son amour était quelque chose de tremblant et de timide,

empreint d’ une abnégation totale et absolue, qui ne s’ex-

primait pas ; elle ne jetait pas à ma tête les sacrifices

qu’elle avait faits pour moi afin de souligner mon ingrati-

tude. Non, c’était une sorte de sentiment secret dont l’in-

tensité lui faisait honte et qu’elle tenait caché, comme un

séisme dont il avait la violence sans en avoir les mani-

festations bruyantes et enflammées.

Elle ne réclamait rien en échange de son amour, pas

même le mien. Tout ce qu’elle désirait, c’était la permis-

sion de m’entourer de son immense tendresse, de veiller sur moi en évitant que je sois malade, enveloppant

comme dans un lange fabriqué par ses soins tous mes

faits et gestes, afin que je ne connaisse jamais ni le chagrin ni la douleur.

Cela dura tout un mois. Elle s’asseyait par terre, ses cheT E FA R I K

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veux noirs, brillants comme des éclats de charbon, tom-

bant sur mes genoux, flattée par mes caresses, comme un chat qui ronronne de plaisir.

Puis je me lassai. J’avais alors vingt ans et je ne savais

pas la valeur d’un amour sincère. Le sacrifice de cette

servante me pesa peu à peu comme un joug insupportable. Il m’était impossible d’échapper à son affection pleine

de sollicitude. Je me sentais comme enfermé dans une

chambre d’hôpital et je faisais de vains efforts pour reprendre possession de ma liberté.

Elle ne pouvait pas comprendre mes tentatives d’éva-

sion ; dans sa naïveté, elle pensait bien sûr qu’elle n’avait

rien fait de mal et que je n’avais aucune raison de la tenir éloignée de moi. Elle ne savait pas que c’était justement

le poids de son amour qui m’oppressait, comme par ces belles journées d’été où la chaleur et la torpeur vous étouffent.

Elle ne savait pas, la pauvre, que pour nous rendre fous

d’amour, il nous faut des caresses mensongères et des

charmes trompeurs. Elle ne comprenait pas que son dévouement innocent me causait de la lassitude mais elle

savait, elle sentait que je m’éloignais d’elle et elle faisait tous les efforts possibles dans une ultime tentative pour

ne pas rompre les liens d’intimité qui nous unissaient.

Ce jour-là, quand elle entra dans ma chambre, je vis qu’elle avait exagéré en multipliant les coquetteries de sa

toilette pour paraître séduisante à mes yeux. C’était tou-

jours la même belle jeune femme, grande, au teint clair ; sa démarche avait quelque chose d’un peu maniérée ; il

y avait de la tristesse dans ses grands yeux de biche. Elle

s’était à peine approchée de moi qu’une puissante odeur de patchouli m’empêcha de respirer. GRIGOR ZOHRAB

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Comment se fit-il que cette odeur suffocante ait suffi à

me rendre cette femme détestable ? Avais-je besoin tout

simplement d’un prétexte pour cesser toute relation avec

elle ? Ou bien était-ce cette huile parfumée évocatrice des femmes de l’ancien temps qui mit en évidence tout le

côté artificiel et la nature ridicule de ses charmes et de sa

toilette ? Je ne sais. Du patchouli ? Où avait-elle pu trouver du patchouli ? Elle avait à peine ouvert la bouche que je m’écriai de loin brutalement, violemment :

- Qu’est-ce que c’est que cette odeur que tu as sur toi ? Va te laver et vite !

Elle ne put prononcer un mot. Elle resta clouée sur place

sur le seuil, incapable de faire un pas ; elle me regarda,

stupéfaite, ne comprenant pas que je devienne aussi cruel envers elle pour un motif aussi futile. Elle se tint là,

abasourdie, comme le soldat qui, après avoir reçu le choc d’une balle ennemie, reste encore un court instant debout, avant de s’écrouler sur le sol.

Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Vous voulez

absolument connaître le mot de la fin de cette naïve histoire d’amour ?

Elle resta une semaine alitée dans sa petite chambre, at-

teinte d’une grave pneumonie dont j’étais seul responsa-

ble. Cette nuit-là, dans la cuisine, elle s’était lavée, comme je le lui avais ordonné, des pieds à la tête pour se

débarrasser de l’odeur entêtante de patchouli qui lui collait à la peau. Le docteur, ami autant que médecin, s’étonnait des habitudes bizarres des paysannes :

- Elle est folle ou quoi, cette femme ? Est-ce qu’on se lave dans une cuisine ?

Je ne répondis pas. Mais le docteur persista dans son T E FA R I K

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étonnement et voulant connaître mon sentiment, répéta : - Qu’est-ce que tu en dis ? Elle est folle, non ?

Effrayé devant le risque de sa mort, je ne pensais qu’à lui

sauver la vie.

- Elle va s’en sortir, Docteur ?

Je passai huit jours rempli d’inquiétude. Puis elle com-

mença à se rétablir, si lentement que cela ressemblait

aux prémices d’une nouvelle maladie.

Depuis lors, chaque fois que j’allais dans sa chambre

pour m’enquérir de son état de santé, son regard était encore plein d’une immense tendresse. Elle ne me re-

gardait pas avec reproche mais elle semblait au contraire

plus heureuse maintenant qu’elle me rendait redevable

de sa nouvelle preuve de dévouement. Elle voulait être ma créancière par la grandeur de ses sacrifices, une créancière qui en échange d’un seul mot doux, était prête à oublier tout ce que je lui devais.

Elle ne me reparla jamais de ce qui s’était passé ce jour-

là, comme si elle l’avait complètement refoulé de sa mémoire. Mais sa faiblesse se prolongeait et elle ne recouvra jamais ses forces d’autrefois ; il y avait en elle

une sorte de dépérissement qui la consumait peu à peu.

Le docteur hochait la tête comme pressentant un mal-

heur dont il aurait été secrètement averti. Le mal inévita-

ble qui suivit la pneumonie, ce fut cette nouvelle maladie

qui se manifesta par de fines sueurs et des fièvres continuelles.

Elle mourut dans son village, où, sur les ordres du mé-

decin, nous l’avions fait transporter. Sa mort laissa dans

ma conscience un immense remords qui, encore au-

jourd’hui, dix ans plus tard, inspire ma plume hésitante, l’oblige malgré moi à conserver par écrit le souvenir de GRIGOR ZOHRAB

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mon ingratitude envers son amour incomparable et désintéressé.

Je pense que la vie est faite de ce genre de malheurs, de

douleurs qui proviennent d’une incompréhension mu-

tuelle ; ces inépuisables marques de tendresse éparpil-

lées ça et là , jugées par les autres inutiles et superflues qui gâchent l’amour au lieu de le rendre solide et durable,

ces actes manqués, ces sacrifices de part et d’autre qui,

n’étant pas réciproques, sont gaspillés, toutes ces

choses qui ne laissent que des souvenirs qui tourmen-

tent la conscience. 1892

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Grigor Zohrab, célèbre écrivain, publiciste, juriste, homme politique et bienfaiteur arménien est né en 1861 à Constantinople. Les recueils du meilleur nouvelliste arménien sont «Les voix du remords » (1909), « La vie comme elle est » (1911), « Des douleurs silencieuses » (1911). Zohrab a mené des négociations au sujet de la Question arménienne avec les ambassades de grandes puissances. Il a été arrêté en 1915 et sauvagement assassiné avec le député Vartkès aux environs d’Ourfa.

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